vv LA REVUE LITTÉRAIRE DU CÉGEP DE ST-JÉRÔME MOTS DE TÊTE #1 VOLUME 11 • AUTOMNE 2014 LA REVUE SE FAIT UNE ISSN 2291-6962 NOUVELLE PEAU La revue Mots de tête est en mue ! Avec son nouveau pelage d’automne, l’équipe a travaillé avec besialité à la ponte de ce numéro, tout chaud, tout beau. Et puis, la revue est en passe migratoire : jadis contrôlée bassement par des profes- seurs avides, elle glisse peit à peit entre les blanches mains estudianines. Les étu- diants ont le contrôle… révoluion! TÊTE-BÊCHE Non, vous n’êtes pas fou… de l’autre côté, il y a une autre revue : nous avons épousé en secondes noces la revue Le Trouble-tête qui, avec son contenu journalisique de haute qualité, fait de nous une bête bicéphale en- core plus redoutable de perinence. Grrrrr. ILLUSTRATION FAIT PAR Isabelle Tessier
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / INTRODUCTION L’ÉQUIPE DE RÉDACTION TABLE DES MATIÈRES LES ÉTUDIANTS Jérémy Côté, [ Rédacteur ] Introducion................................................................2 Tommy Larouche-Beaudet Écrivain ou artiste ? Amélie Rouleau Milan Lachance NOUVELLES ET POÈMES.............................3 Kélane Lévesque Tristan Paquin Les murs de verres.................................................3 LES PROFESSEURS Brigite Caron Une parie de moi.........................................4 et 5 APPEL DE TEXTES, DE Nancy Roy DESSINS ET DE PHOTOS Sophie Castonguay Le pas des géants..................................................6 Alexis Vaillancourt-Chartrand La peite ille dans le miroir.................................7 GRAPHISME ET MISE EN PAGE Roméo & Roméo....................................................8 SOUMETS TES CRÉATIONS À MOTS DE TÊTE • LA REVUE LITTÉ- Alexandra Melançon RAIRE DU CÉGEP DE SAINT-JÉRÔME Larmes de sang......................................................9 LES ILLUSTRATEURS Isabelle Tessier Une vie pour une vie..........................................10 APPEL DES TEXTES Tommy Poirier Débris....................................................................11 Nouvelles, poèmes, contes, criiques... Frédérike Filion Jérémy Côté Harmonie des sens.............................................12 Caroline Thibault POUR SOUMETTRE UN TEXTE Tommy Larouche-Beaudet Magie enneigée...................................................13 Le faire parvenir à [email protected] Cassandre Godbout-Ouelete (maximum de 5 pages) Maude Laplante Le fou d’érable......................................................14 Mylène Rhéaume Lalumière APPEL DE DESSINS ET DE La magie de la magie..........................................15 LES AUTEURS Ah, Johny!..................................................16 et 17 PHOTOS Illustraions pour les textes, photos, Catherine Perreault dessins, bandes dessinées. Charlie Laviolete Esse est percipi.........................................18 et 19 Hubert Michaud Jérémy Côté Fiente Ficion............................................20 et 21 POUR SOUMETTRE UN DESSIN, Frédéric Bourgault UNE ILLUSTRATION Tommy Larouche-Beaudet Galbe......................................................................22 Apporter l’original au département de Kélane Lévesque français (bureau G-365). Abigaël Amadei Pour des photos, faire parvenir le Camille Bergeron ichier par courriel (300dpi). Stéphanie Joanisse Twitérature...............................................................23 Catherine Spenard Élizabet Lacroix Épitaphes...................................................................23 William Grand-Maison * Il est possible de publier votre Catherine Gauthier créaion sous un pseudonyme. Tristan Paquin Jean-Christophe Dubois NOUS REJOINDRE NOS PARTENAIRES CÉGEP DE SAINT-JÉRÔME 455, rue Fournier Bureau G-365 Saint-Jérôme, (Québec), J7Z 4V2 Courriel: [email protected] Département de français 2
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES LES MURS DE VERRES PAR CATHERINE PERREAULT L briser les siens, et ...es premières lueurs de l’aube ne marquent ni le début ni la in, ..ce n’est qu’une accéléraion, car ce cirque se déroule comme qui le pourrait? Qui ..une roue qui ralenit mais jamais ne s’arrête. On pourrait le voudrait? ..croire que la nuit serait une pause, enin, mais non. Les étoiles sont les vesiges des projecteurs constamment dirigés sur ma vie, ceux qu’on a délibérément oublié d’éteindre. Elles permetent aux Toi. Tu l’as voulu. Nos prisons de verre passants d’y jeter un coup d’œil au moment même où il n’est pas respecives se sont censé se passer quelque chose qui vaille la peine d’être observé. retrouvées côte à côte et tu as cherché Chaque rayon du soleil levant apporte une foule de regards curieux. à pénétrer mon es- Les mêmes qu’hier, les mêmes que demain, la même curiosité qui pace, tu as brisé tes jamais ne s’éteint. La curiosité de voir, d’observer, d’espionner sans barrières et fais voler scrupules, de regarder seulement. J’habite un espace où le bruit de les miennes en éclat. toute une vie est réduit au silence, car ils ne veulent rien enten- Mais, même ensem- dre d’autre que leurs propres commentaires aveugles sur ce qu’ils ble nous n’avons pu croient voir d’autrui. La vie privée n’a pas sa place quand les murs faire autrement que de nous créer un nouvel habitat de verre, ou qui nous abritent sont faits de verre. Les passants écrasent leur nez peut-être est-ce du cristal. D’une façon ou d’une autre la trans- sur la vitre, laissant immanquablement une trace de leur tentaive parence règne autour de nous, malgré nous. En t’introduisant d’invasion. Je suis là, ils peuvent me voir, m’observer sous tous les dans ma vie tu as apporté ta tristesse si belle, tes souvenirs si angles, criiquer la moindre de mes coutures comme une vulgaire douloureux, ton bonheur si fragile. Tu as apporté ta lumière, com- poupée dans une vitrine de magasin qui subit tout sans jamais réa- me un soleil, et avec chaque rayon, ta foule de regards curieux. gir, les lèvres cousues. Les mots de soufrance, les mots de rébellion, Nous brillons, mais tout ce qui brille a la réputaion d’airer les les mots de liberté, les mots chuchotés que l’on devrait crier, tous les oiseaux de malheur, des corbeaux s’introduisant chez les gens mots sont à jamais refusés aux poupées de vitrines. par les fenêtres entrouvertes, dérobant les bijoux miroitants. Les fouineurs, que le noir soit sur leur plumage ou dans leur ramage, Cependant, je ne suis ni à exposer ni une poupée. Couper les cou- s’amassent et s’entassent à nos fenêtres, se nourrissant de nos tures reliant mes lèvres et barrer l’accès au monde extérieur était joies, de nos peines, picorant nos âmes. Les voyeurs pensent avoir L’éternité c’est long... Surtout vers la fin. — Woody Allen plus facile que je ne le pensais. S’ils veulent mon silence, soit, qu’ils soif de vérité, pensent vouloir savoir les moindres détails crousil- l’obiennent, mais je le crierai et je l’écrirai. Je l’écrirai si fort qu’il se lants de notre quoidien. Ils sont si occupés à traquer nos faits et gravera dans leurs yeux et les aveuglera de ce qu’il y a réellement gestes, à commenter nos moindres mots, qu’ils ne réalisent pas à voir. Je veux qu’ils sachent que j’existe et je respire, à portée de que nous les privons de leur précieux fromage et les nourrissons leurs mains et pourtant intouchable à présent. Une simple chose de chimères. Depuis que nous sommes deux, le cirque des nez nous sépare et me protège, ces fenêtres ofrant la vue imprenable écrasés et des coulisses de salive salissant notre cage de verre sur ma vie. Aussi minces et transparentes qu’elles l’ont toujours été, recommence de plus belle, mais nous nous n’en soucions guère. elles sont dorénavant un vaste monde entre eux et moi, un monde Nous sommes d’autant plus l’objet des regards avides de poins qui me permet de feindre d’ignorer tous ces regards qui se veulent et d’histoires dans lesquelles s’immiscer, mais cela nous importe des intrusions. En permetant au monde de regarder sans se gêner. peu. Nous nous exilons par nos mots, méiculeusement choisis En permetant au monde de voir ce qu’ils pensent vouloir voir. En pour qu’ils donnent l’impression de tout dire alors qu’ils ne sont me permetant de décider ce que le monde peut voir, ces fenêtres que de la poudre aux yeux pour ceux qui cherchent trop à voir et sont désormais un obstacle leur reirant l’envie de s’introduire et nous nous réjouissons de la vue que nous ofrent nos fenêtres, de tout chambouler. J’habite, hélas, un espace où il faut nourrir les l’incompréhension de ceux qui ne verront jamais l’esseniel, car prédateurs pour qu’ils se contentent de n’être que voyeurs. ils n’ont jamais appris à lire nos silences. S’imposer chez les autres est devenu trop anodin de nos jours, litéralement un jeu d’enfant. Le seul moyen de m’ateindre est de fracasser les vitres qui Il faut désormais user de stratagèmes et de ruse pour luter contre m’entourent et de forcer un contact humain. Déranger mes habi- cete nouvelle simplicité faidique. Nous habitons un espace où tudes et se présenter à moi sous une autre forme qu’une vague sil- l’inimité de chacun est à la portée de la main de tous, seulement houete dans un halo de lumière ariicielle. Cependant nul ne le à un clic. peut, car pour briser mes murs de verre, quelqu’un de- vrait d’abord ILLUSTRATION FAITE PAR FRÉDÉRIKE FILION 3
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES UNE PARTIE DE MOI PAR CHARLIE LAVIOLETTE 4 ILLUSTRATION FAITE PAR MAUDE LAPLANTE
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES C ...e main, en me réveillant, j’ai vu qu’il faisait vraiment illes, elles vont m’adorer, avec mes biceps mus- clés par l’efort. Mais je sais pas si je suis encore ..très beau à l‘extérieur. Je me suis dit que ça serait ..une journée qui me ferait du bien parce j’avais env- prêt pour en rencontrer. Pas que je ne veux pas, ..ie de faire plusieurs choses, comme aller marcher à mais à cause de mognons, c’est un peu diicile Montréal avec quelques copains ou parir en vitesse vers une contrée inconnue, mon meilleur ami au volant. Je me de lirter avec quelqu’un, non? disais aussi que je pourrais immigrer dans le sud et aller Bref, j’ai lu sur Internet récemment que ce genre hurler des insultes aux goélands en leur lançant des mé- de chose-là dure quelque temps seulement, gots de cigarete pour qu’ils inissent par me bombarder de que ça arrive à tout le monde et que la durée merde pour se venger, ou bien que je pourrais simplement du problème dépend de la personne, toujours. aller m’écraser sur la plage, un bouquin à la main et voir Pourtant, je n’avais jamais entendu dire que apparaître une démarquaion de bronzage sous mes yeux quelqu’un pouvait parir, un beau jour, avec une parce que je me serais endormi, mes lunetes collées au parie de moi, sans même me laisser ne serait- visage. Au inal, je me suis arrêté à l’idée que je pourrais ce qu’un mot, comme, je ne sais pas : juste metre le pied dehors, arracher un peu d’herbe et en balancer, par-ci par-là, banalement. La seule chose qui m’a « Salut, je suis pari avec tes jambes! Je te les empêché de le faire, c’est que je ne peux pas sorir de chez rends samedi prochain. Fais atenion aux moi. Pas que je ne veux pas, ou qu’on m’y ient enfermé, marches dehors, bisou ». enin, pas vraiment. C’est juste que... que je n’ai plus de jambes. Ouais, je ne suis pas né comme ça, c’est arrivé d’un Mais j’ai cherché partout ; rien. À quel point coup, il y a quelques jours. J’essaie d’expliquer ma situaion faut-il être égoïste pour empêcher quelqu’un à tous ceux qui m’appellent, mais c’est un peu diicile parce de vivre sans même lui expliquer pourquoi? Est- que je me suis simplement réveillé comme ça. ce que je vais réussir à surmonter l’épreuve et à trouver le secret du bien-être éternel à force Au début, je dois dire, c’était assez compliqué à gérer com- de faire le balai sur le plancher de mon apparte- me tout le monde pensait que je sortais d’un trip d’acide à ment? Non, je sais bien, c’est impossible; mon cause du non-sens de ce que je leur racontais au téléphone. cas est désespéré, je n’arriverai à rien de toute Mais je ne les blâme pas, je ne pourrais pas dire moi-même manière. Je n’ai plus envie de sorir. Je l’entends ce que j’ai fait la veille de mon accident. J’aurais bien pu ap- qui pénètre l’appartement. J’en ai assez, je ne peler une ambulance, mais ça ne faisait pas si mal que ça et passerai pas au travers, je le sais. Des jambes, j’avais pas envie de rentrer à l’asile non plus, alors j’ai dû me on me l’a déjà dit, ça ne repoussent pas. Je suis débrouiller tout seul. La première chose que j’ai faite, c’est épuisé, je ne sais plus quoi faire, je m’écrase sur de sorir de mon lit : je me suis pété la gueule sur le planch- le plancher de la cuisine, j’essaie de respirer, son er de ma chambre et j’ai pleuré un bon moment avant de ombre s’approche de moi, elle s’agenouille, le me convaincre qu’il était temps de bouger. Je me suis hissé sourire aux lèvres et je lui soupire à l’oreille: jusqu’à la cuisine et une fois rendu, épuisé, c’était l’heure de déjeuner. On peut imaginer la suite... « Prends ce qui me reste, qu’on en inisse ». En tout cas, tout çapour dire que je n’ai pas mangé depuis deux jours, mis à part ce qui se trouve au in fond de mon armoire, comme des morceaux de biscuit sec qui ont pris l’humidité. Pour ce qui est de l’eau, je me contente de sirot- er le jus de la cuvete. Ouais, ça ne va pas très bien pour Fin moi en ce moment. Je vais inir par être capable de marcher sur mes mains, bientôt, ça devrait pas être trop mal... et les 5
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES LE PAS DES GÉANTS PAR HUBERT MICHAUD Q ...uand j’étais peit, j’entendais de drôles de choses quand on jouait au bras de fer que je me rendais compte de toute sa ..pendant la nuit, j’entendais des géants qui marchaient force, je pouvais metre tout mon poids et il ne bougeait pas d’un poil, ..dehors. J’en étais absolument certain. Ils marchaient et même quand mes frères venaient m’aider, on n’arrivait pas à le faire ..tellement fort que leurs pas résonnaient jusqu’à mon bouger, il était plus fort que nous trois, mais maintenant c’était à moi oreiller, mais pourtant, quand je me levais pour aller à la fenêtre, il n’y avait rien. Pas de géant. Il n’y avait que la nuit, d’avoir cete force, je devais être capable de supporter toute ma famille sur mon dos, et ce, sans broncher. rien d’autre. C’est dommage, car j’ai toujours voulu monter sur l’épaule d’un géant, pour qu’il me montre le monde de Ma mère était très faiguée depuis que mon père était pari, elle travail- haut, pour voir jusqu’à l’autre bout de la Terre, pour voir com- lait la nuit à l’hôpital et allait à l’école de jour, mais elle trouvait le temps bien le monde est grand et combien nous sommes peits, de dormir quelques heures par jour, j’essayais d’aider mes frères le mais la seule chose qui était bel et bien présente était le bruit plus que je le pouvais, je ne voulais pas qu’ils aillent réveiller ma mère des portes qui claquaient. J’entendais mon père et ma mère, pendant la journée, mais quand je ne savais pas quoi faire, j’aillais la qui se disaient des mots que je ne connaissais pas, des mots réveiller doucement et je lui demandais de l’aide. Ma mère se fâchait qu’on n’avait pas le droit de dire, mes frères et moi, des mots souvent à cete époque, elle n’avait pas beaucoup de paience, et mes d’église, un lieu où l’on n’allait que très rarement, ma famille frère n’étaient pas les garçons les plus reposants sur Terre: l’un prenait et moi, des mots qui n’avaient pas de sens dans leurs phrases. des pilules pour se concentrer, il avait des problèmes à l’école à cause de C’était souvent comme ça la nuit chez moi, mais ça inissait ça et, en secondaire 3, il a tout lâché. Le plus peit de nous trois, lui, avait toujours par inir et je me réveillais le lendemain comme si je des problèmes de relaions avec les autres, il n’avait pas vraiment d’ami, il n’avais rien entendu. Mes parents aussi semblaient ne rien n’en voulait pas, il aimait les jeux vidéo plus qu’autre chose. On était une avoir entendu de ce qui s’était dit la veille, on déjeunait, mon drôle de famille. père et ma mère partaient travailler et mes frères et moi, on partait pour l’école, on rentrait l’après-midi et mes parents Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé, ma mère a un nouveau arrivaient un peu plus tard. mari, un nouveau travail qui nous permet de bien vivre, nous avons une nouvelle maison dans une autre ville, mon frère a ini son secondaire à Il y a eu une nuit bien pariculière, une nuit où ma vie et l’école pour adultes et commence une technique, le plus peit s’est fait mon rôle dans la famille ont changé, cete nuit-là a été très de bons amis et il a commencé le cégep, et moi, j’ai vieilli. Mon ado- mouvementée. J’avais entendu pour la première fois la porte lescence n’a pas vraiment existé, j’ai été frappé par les responsabilités d’entrée claquer et ce claquement-là m’avait vraiment fait beaucoup trop tôt. Cela m’a apporté une certaine maturité qu’un enfant peur, je m’en rappelle très bien, un claquement pariculier: n’a pas normalement mais cela m’a aussi enlevé beaucoup de choses. pas comme une porte de chambre; c’était un claquement J’ai toujours regreté de ne pas avoir eu de relaions fraternelles avec sourd et lourd, et une charge m’était tombé dessus, un des mes frères, je les ai toujours vus comme des ils, mais ce que je regrete géants avait marché sur la maison, sur ma chambre, sur mon le plus, c’est d’avoir réalisé que les pas de géants que j’entendais la nuit lit, sur moi. Le lendemain, il n’y avait que ma mère à la table, quand j’étais peit, couché sur le côté, n’était que les batements de mon mon père était pari cete nuit-là. C’est à ce moment que cœur dans mon oreille. j’ai eu mon nouveau rôle en tant qu’aîné. J’étais devenu un homme; en une nuit j’étais passé d’enfant de dix ans à grand garçon. Pour un enfant, c’était un rêve de devenir grand, on voulait tous être une grande personne car on pourrait tout faire. Pour moi, c’était avoir des droits que les enfants n’ont pas, c’était me coucher plus tard, avoir une voiture, pouvoir m’acheter ce que je voulais, mais je n’avais aucune idée à quel point être un adulte à cet âge allait être compliqué. En fait, je n’ai jamais eu aucun de ces droits; quand mon père est pari, il m’a laissé sa place, son rôle, ce devoir, cete énorme charge qu’était la sienne. Mon père était très fort, pour lui ça devait être facile de trainer ce poids, mais moi je n’étais pas aussi fort que lui, je n’avais pas d’aussi gros bras que lui, c’est 6 ILLUSTRATION FAITE PAR MYLÈNE RHÉAUME LALUMIÈRE
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES LA PETITE FILLE DANS LE MIROIR PAR FRÉDÉRIC BOURGAULT Q .uand j’étais peite, je me regardais souvent dans les miroirs. Je ne .me .voyais pas tout de suite, toutefois. J’apercevais seulement ma tête .parce que le reste de mon corps était inaccessible aux miroirs conçus .pour les adultes. Quand j’étais peite, je croyais les miroirs dan- gereux. Le seul moyen de les ateindre était de me tenir loin d’eux. À cete distance, la diférence était impercepible à mes yeux, mais non pas pour ceux qui voyaient déjà en moi l’être que j’allais devenir. Les peites robes, le maquillage, les colliers et les poupées formaient ensemble mon unique ob- session de illete. Ma mère était le modèle d’une vie tout en- ière. Tous les prétextes étaient bons pour imiter ses gestes et la manière qu’elle avait de s’habiller et de se coifer pour sorir de la maison qui, d’ailleurs, diférait étrangement de celle de mon père. Tout me laissait croire que, si j’espérais vraiment très fort dans ma tête de peite ille ressembler un jour à ma mère, ce truc que j’avais entre les jambes tomberait, car ma mère, qui a les cheveux longs et qui met des souliers à talons, n’a pas cete chose qui apparient à mon père. Quand j’étais peite, mon père m’a gilée une seule fois. Mon père qui cherchait de place dans mes pantalons. Mais surtout, sur moi d’un œil avide les formes d’une masculinité toujours refoulées. ain d’avoir les deux bosses qui me man- Mon père qui, vraisemblablement, aurait préféré devenir le héros de son quaient tout en haut du nombril, je portais des ils était plutôt source de dégoût pour sa ille. Le visage, les bras et les souien-gorges garnis de mouchoirs sous mes jambes recouverts de poils, cete bosse dans son cou qui montait et qui chandails. Ce que mon père croyait en fait descendait chaque fois qu’il prenait une bouchée de nourriture à table être un jeu pour enfant était plutôt un trouble durant le souper, ce truc qui pendait entre ses jambes et les deux bosses profond de l’idenité. Comment pouvais-je qui lui manquaient tout en haut du nombril. grandir en ayant l’impression d’être prison- nière de mon propre corps? Mon père et ma Quand j’étais peite, j’ai ini par grandir. J’en suis arrivée au point où je mère, formant jusqu’à ce jour une union que pouvais voir mon visage et mon corps dans les miroirs. Dès lors, impossi- je croyais éternelle, se sont séparés suite à ble de les éviter comme d’échapper à ma diférence. C’est à ce moment où l’appariion de tous ces poils sur mon visage. j’ai eu quinze ans que j’ai voulu en avoir cinq, l’âge de l’indiférence, l’âge J’imagine que les regards des autres sur leur d’avant la trahison de mon propre corps. Lorsque j’ai inalement accédé au peite ille devenue maintenant une femme miroir, la personne que j’y ai vue était inconnue à mes yeux. Mais qui était les efrayaient. Par le fait même, il était évi- donc cet être qui se tenait devant moi? « Quand cete excroissance va-t- dent que mon corps et mon esprit formant elle tomber, que je devienne vraiment la personne que j’ai envie d’être? » jusqu’à ce jour une union, qui était, elle aussi, , me répétais-je tous les jours devant les glaces. La puberté a été le début éternelle, devaient être dissociés à jamais. d’un éternel combat entre mon esprit et ce corps dans lequel j’étais sé- questrée. J’étais maintenant enfermée telle une prisonnière entre les murs Aujourd’hui, j’ai 18 ans et j’ai enin réalisé le d’un cachot, et ce, dans mon propre corps. Refusant de devenir quelqu’un rêve de ma vie, celui que partagent de nom- qui m’était étranger, je rasais tous ces poils qui poussaient sur mon vis- breux enfants se trouvant dans la même situa- age, sur mes bras et sur mes jambes. Je cachais, à l’aide d’un foulard, cete ion que moi, celui qui a trop longtemps rongé bosse dans mon cou qui montait et qui descendait chaque fois que je mon être et ma vie, celui qu’on compare au prenais une bouchée de nourriture à la table durant le souper. J’évitais de seniment de liberté et qui est en fait mon toucher autant que possible la chose qui prenait, d’ailleurs, de plus en plus combat. Je n’ai pas quité un corps pour un de place dans mes pantalons. Mais surtout, ain d’avoir les deux bosses autre, on m’a simplement libérée d’un poids. qui me manquaient tout en haut du nombril, je portais des souien-gorges ILLUSTRATION FAITE PAR CASSANDRE GODBOUT-OUELLETTE 7
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES ROMÉO & ROMÉO PAR ABIGAËL AMADEI J ...e suis un simple bagarreur de rues, vêtu de guenilles ent tous les deux. Je ne peux pas me souvenir d’un moment ..et sale jusqu’à la moelle. Comment ai-je pu airer plus heureux que lorsque j’étais à tes côtés. Je me souviens que cete nuit-là était à la fois la plus joyeuse et la plus som- ..ton atenion? Comment un homme de ta classe bre de ma vie. Nos corps côte à côte, nous ne formions plus ..pouvait-il me désirer de la sorte? Du haut de ta cour, tu m’observais. Tes yeux de mer et ton cœur sur la main, pouvait le faire. Quand ton père a ouvert la porte, le dégoût tu es venu à mon secours. Mon sauveur, mon amant, mon qu’un. Ton soule me berçait comme seule une berceuse amour, tu es l’homme que j’atendais depuis des lustres. dans les yeux, la haine dans les poings, il m’a frappé si fort Mon visage, couvert de cicatrices tel un parchemin négli- que je ne pouvais plus bouger, mon corps nu et sanglotant, gé ne t’a point dégoûté, tu m’as découvert. Tu me suivais, j’entendais la police arriver. Tes cris et tes pleurs me transper- comme si des ailes te portaient jusqu’à moi, la grâce d’un çaient comme mille couteaux. Mes larmes t’étaient desinées. ange mais la fougue du feu. Un noble banquier et le tru- Comment est-ce que tu pouvais vivre avec cet homme? Cet and de Marseille, une histoire vouée à l’échec. Tout sur ton homme, qui, maintenant ne te respectait plus. Je n’étais plus visage était de porcelaine. Mon apparence, elle, rappelait digne de toi. Je désirais ton bonheur. J’étais prêt à te laisser celle d’un chien d’égout, un corps parsemé de marques et tomber, mais c’est toi qui m’avais sori de l’ignorance. de brûlures. Malgré tout, une chose m’appartenait : ton envie. Comme une chasse, tu me traquais jour et nuit. Ma vie n’était autrefois qu’un simple il prêt à être coupé à D’un amour incondiionnel, je te couvrais. D’un amour im- tout instant. Mon premier amour et mon dernier, je vais te possible, par contre, nous vivions. Cete letre te parvient retrouver. À cete heure, d’ici quatre jours, je te rejoindrai. d’un cachot, là où ton père m’a envoyé. Bientôt, je te le C’est à mon tour de te traquer, de te montrer notre voie. Mon promets, je reviendrai. Nous pourrons parir loin, seulem- histoire est la ienne. Je me sens ivre, ivre d’amour. 8 ILLUSTRATION FAITE PAR CAROLINE THIBAULT
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES LARMES DE SANG PAR CAMILLE BERGERON I ...l y a un cadavre sur le tapis du sous-sol. Le cadavre ..de ma ille, de mon frère ou de mon père, ou encore ..de ma meilleure amie, de mon voisin, ou peut-être ..même le mien. Un cadavre à l’esprit plein de néant, au cœur froid, qui rêve de sang rouge vif sur la neige d’un blanc immaculé. Un cadavre bien vivant. Étendu, les bras en croix, tel le Christ ressuscité. Il a aux poig- nets les blessures de la cruciixion et au cœur la rage de vivre, qu’il vient de redécouvrir. Mais après de si longs mois au purgatoire, à survivre tant bien que mal, le re- tour est douloureux. La dépouille respire lentement, exaltée par la soufrance et terrorisée à l’idée d’aller mieux. Il a fallu vouloir détruire le corps pour raviver l’esprit. Au fur et à mesure que les larmes de sang cou- lent de son poignet, le cadavre devient plus humain. Ça fait si mal qu’il éclate de rire, un rire-torrent qui cascade entre ses lèvres et roule comme ses pleurs. Ce sont tous les lots de sang enfermés dans sa tête qui cou- lent enin, le libérant de leur omniprésence paralysante. Ils éclaboussent les murs et ruissellent sur le sol, c’est sublime! Le fantasme trop imaginé est enin exorcisé par la douleur rédemptrice et à ce moment peut naître un autre rêve, celui de la vie qui ne blesse pas comme un cilice, de la vie qui s’étend loin... si loin qu’il devient possible d’avoir 18 ans, d’aller au cégep, de rencontrer l’amour de sa vie, si loin que l’avenir porte peut-être des enfants et si loin qu’il mourra de vieillesse et non de douleur... si loin que les poignets ne porteront plus des larmes de sang, mais des larmes de lait, cicatrices d’une épreuve indescripible. L’espoir de cet avenir lote dans l’air qui semble con- fortablement igé. Mais soudain, l’atmosphère intem- vahisseur destructeur. Toujours est-il que la porte s’ouvre. porelle se brise dans un claquement de porte. C’est – Salut! Qu’est-ce qu’on mange pour souper? l’évanouissement de ce moment où le blessé a pu se permetre d’être cadavre, pour prendre le temps Et vient d’apparaître l’aveugle, un parmi les milliers qui vivent avec nous. Il faudra de ressusciter. bien leur pardonner, car ouvrir les yeux fait souvent plus mal que de les laisser fermés. Il est des choses que l’on préfère ignorer, car il ne faut pas oublier que Devant les autres, pas le droit d’être triste, d’avoir peur nous ne sommes peut-être nous-mêmes qu’un moribond désespéré. Pourtant, ou d’avoir mal. Ils en ont assez de cete peine qui ne répondre à l’appel à l’aide silencieux peut être si simple. Il suit d’une quesion, init pas. Il faut guérir en silence. Le jugement des au- d’un tout peit semblant d’intérêt. Mais la peur nous empêche de tendre une tres est pesant face à cete tristesse qui semble irrai- bouée à quelqu’un qui n’arrive pas à aller la récupérer. Peut-être était-ce le corps sonnable. « Personne n’est mort, tout de même! » Il faut de votre ille, de votre frère ou de votre père, ou encore de votre meilleure amie faire comme si, dans notre cœur, n’était pas entretenu ou de votre voisin, ou peut-être même le mien, sur le tapis du sous-sol. Peut-être ce germe de folie qui grandit jusqu’à tout briser et à vous et moi sommes-nous de ceux qui se voilent les yeux. Et c’est devant les pousser vers l’extrême recours, incompréhensible pour aveugles, dans le cœur des cadavres, que se produisent les plus grands drames, qui n’a pas culivé de ses larmes et de sa haine cet en- dans le silence et la solitude, sans qu’on ne les voit passer. ILLUSTRATION FAITE PAR MAUDE LAPLANTE 9
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES UNE VIE POUR UNE VIE PAR STÉPHANIE JOANISSE noirceur. En rentrant dans une maison qui tom- bait en ruine, on avait surpris des enfants atablés devant ce qui allait être leur dernier repas. La mère était alors arrivée de nulle part avec son couteau. Elle t’avait raté de près. Mais tu t’en souviens. On était déchiré entre l’idée de tuer et l’idée d’être nous-mêmes tués par nos supérieurs, même si on savait qu’au inal, ça serait toi qui m’enlèverais la vie avant de prendre la ienne. On allait jouer à la rou- lete russe, on allait appuyer en même temps sur la détente d’un fusil posé sur la tempe de l’autre. Et puis, il y a eu cet enfant dans sa peite cham- bre. Tu t’en souviens. Tu l’as regardé si longtemps. Tu l’as regardé dans les yeux. En fait, tu regardais leur couleur. La même que celle des iens. La même que tu as donnée à ton ils. On aurait aimé de ne pas avoir à le tuer. Il aurait pu devenir un homme grand et fort, qui aurait afronté le monde avec courage. Il aurait pu devenir un homme qui se serait T femmes et des enfants simplement parce qu’ils auraient été sur son batu pour ses convicions, qui n’aurait pas tué des ..u étais en face de moi, les yeux remplis de larmes, on re- chemin. L’enfant n’aurait jamais eu à vivre cete détresse que nous, ..gardait cete scène qui n’apportait que douleur. Il y avait les adultes, nous venions de lui imposer. On aurait pu juste le lais- ..des enfants blessés, des cadavres ici et là, tout était noir. ser là, en atendant que quelqu’un le trouve et dévoue sa vie pour ..On s’est regardé longuement, en cherchant pourquoi on se batait, pourquoi on était ici. Le temps s’accélérait. Il fallait agir. eu une vie. Il aurait pu avoir à son tour une femme et des enfants. Il Alors on est pari à la course vers une peite maison aux volets lui. L’enfant aurait peut-être eu une vie meilleure. Il aurait au moins de couleur bleue. On courait, nos fusils à la main. Ta cicatrice sur nous aurait suppliés de l’épargner, s’il avait su parler. Je ne savais pas l’œil annonçait aux autres ton intenion de les tuer. Peu importe comment j’allais pouvoir vivre avec cete mort sur ma conscience. qui serait sur ton chemin, c’était simple et évident, un coup de Sans cete mort, je n’aurais pas eu à boire tout cet alcool. Je n’aurais fusil sur la tempe, une balle en plein cœur, tu savais achever les pas eu à m’imaginer des scènes où je me voyais mourir. C’est dur de gens. Si tu en inissais si vite, c’était pour éviter de les faire souf- vivre avec toutes ces images dans la tête. Personne ne pourrait vivre frir. Pour bien paraître devant le chef de notre division, tu volais une vie sensée après avoir passé une seule journée dans nos têtes à ce que les gens avaient de plus précieux, tu prenais les montres tenter d’oublier les yeux qu’il aurait fais quand on serait pari en le des cadavres et tu les metais dans une peite pochete de ton laissant là, sain et sauf. On aurait été plus heureux si on n’avait jamais uniforme. Avant de les voler, je t’entendais t’excuser, tu t’excusais eu ce choix à faire. On l’aurait laissé là, adossé à son lit d’enfant, les pour le meurtre et puis pour le vol. Quand tu les remetais à yeux pleins d’eau. Tu aurais aimé avoir le courage de prendre ton fusil notre supérieur, tu racontais comment tu avais impétueusement et d’appuyer son canon contre ta tempe. Tu aurais aimé détonner exécuté les familles. C’était faux. Je me rappelle encore les soirs une grenade et la garder dans tes mains. Tu aurais aimé mal tomber où on dormait dans des chambres où des morts gisaient à nos dans les escaliers et rester là à tout jamais. pieds. Je me réveillais au milieu de la nuit pour t’entendre pleurer. Je savais alors que tu pensais la même chose que moi, que ni toi C’est pourquoi je te raconte cete histoire. Notre histoire. Ton corps ni moi, on n’avait encore la volonté d’être là, ni la force en fait. Ta devient froid. Les yeux baignés de larmes, je te promets que je te cicatrice, tu te l’étais faite au combat, et elle te hantait toujours. reconduirai à l’église, devant tous ceux qui, comme moi, pleurent la Quand ton regard croisait des miroirs, tu soupirais en te déni- mort d’un être cher. J’aurais aimé avoir le courage de prendre aussi grant. Je t’entendais. J’entendais ce mot : « cicatrice ». Le jour où ma vie, mais je ne l’ai pas eu. J’ai donc laissé un enfant vivre. elle t’a déiguré, le soleil brillait, et nous, on tentait d’imposer la 10 ILLUSTRATION FAITE PAR CAROLINE THIBAULT
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES Qu’est-ce que je fais ici? DÉBRIS m’entoure, et tout comme les boîtes de conserve qui se trouvent au- Je ne me souviens de rien… Je me sens… vide. Je suis seul… Le silence tour de moi, je me vide… Je suis vide. Et puis je me retourne brusquement, du bruit? Autour de moi, de pe- dans les conserves? PAR TOMMY its couinements, mais qu’est-ce… des rats? Ils chassent la nourriture LAROUCHE-BEAUDET Mais… je suis comme elle!?! Le liquide… Ils me chassent? Ils me veu- lent? Je ne suis pas une canne! Je ne suis pas comme ces cannes! Mais… je ne suis pas diférent, je n’ai rien, on m’a tout enlevé, mon intérieur se laisse aller… Puis un nouveau bruit. – Qui suis-je!?! j ..délavé. Une couleur qui ne me dit rien, une Quelqu’un!?! Je ne suis pas seul!?! Je dois l’averir! Il ne faut pas qu’il ’..ouvre les yeux et ne vois qu’un ciel brun et soit laissé pour mort! ..couleur sombre qui n’annonce rien de bon, ..surtout en cete situaion. Tout comme le noir, elle n’indique que la in. Je suis dégoûté par cete couleur. – Je suis là! Je peux vous aider! Rien, l’écho est la seule chose qui me répond, je ne comprends pas… Je veux me lever, mais je n’y arrive pas, le sol me Pourquoi ne me répond-il pas? Je ne veux pas être seul… Aide-moi… reient, il m’agrippe fermement, il me fait mal. Pourtant, il n’ofre aucune résistance, j’ai seule- ment l’impression que mon corps a abandonné, mais je veux me lever. Le désir est présent, mais la force, hors de portée. Malgré tout, je veux bouger, je veux avancer; rester dans cete posiion est hors de ques- ion! C’est alors que mes mains agissent d’elles- mêmes: elles agrippent le sol et malgré toutes les soufrances que j’endure, elles n’arrêtent pas, elles prennent toute ma force et me poussent, me irent, elles se débatent. Espèce de traître! Ne me laisse pas pourrir ici! Je ne veux pas! Je ne… Je ne peux supporter cete douleur, au point où Mais il n’y a rien, qu’est-ce qu’il se passe? S’il y avait quelqu’un d’autre, je dois laisser un cri perçant qui revient en écho il serait dans mon champ de vision, même si ce n’est qu’une tache… vers moi et qui me frappe de nouveau, ce qui me Est-ce que c’est… moi? J’ai crié sans m’en rendre compte? Mais… J’ai donne plus de force, le seniment que j’ai tou- raison, je ne sais pas qui je suis, je n’ai rien et je ne suis rien, cete jours la force. couleur brune est mon seul guide, le guide vers une in sombre… Elle m’en donne le pouvoir, mes mains en prof- Puis, dans ces déchets, je remarque quelque chose, malgré ces dé- itent et décident de ne faire qu’un avec ce sol bris, malgré cete désolaion, je vois de l’espoir, je remarque la vie si qui m’ataque et me ire. Et puis, la réussite! Mes faible, mais puissante de cete chose. Un vitrail? Un vieux vitrail brisé mains me libèrent… J’ai toujours mal et c’est ainsi et craqué, mais qui garde sa couleur, un rouge éclatant représentant que ces mains se présentent à moi… Elles sont… une rose et du… vert? Qui représente du gazon? Non; la vie? Est-ce En lambeaux? Mes mains, ces mains qui ont tra- un signe qu’il y a toujours un avenir, que malgré cete désolaion, il y vaillé fort sont emplies de ce liquide rouge… Mes a un demain plus heureux? bras? Il me manque de la chair, pourquoi? Mais je ne suis pas prêt; je sens et je vois qu’il y a plus, je le sais, mais Le sol… Le sol qui me retenait est fait… de cannetes? je dois prendre mon temps. Demain, oui, demain je me lèverai, et, Où suis-je? Je ne vois que des déchets autour de une étape à la fois, je quiterai ces débris et peut-être que, qui sait, je moi, des cannetes vides et du verre brisé… trouverai de nouveau mon nom et trouverai ma rose rouge et ma vie. ILLUSTRATION FAITE PAR FRÉDÉRIKE FILION 11
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES HARMONIE Je passe la porte seulement vêtue d’une veste, Ma chevelure est une danseuse prête à s’ofrir Au vent, chorégraphe déplaçant d’est en ouest Ses chères muses : feuilles, bruines, odeurs riches et souvenirs. DES SENS J’assiste à un coucher de soleil permanent, Qui coule sur le ciel, puis les arbres, puis le sol. Les lieux connus sont inconnus dès maintenant, Alors qu’une lumière lourde et diférente s’y colle. PAR CATHERINE SPENARD Un air régénérateur s’iniltre en moi, Lisse les tranchants et émousse les pointes acérées, Un doux mélange d’odeurs qui, pour une fois, Provenant de la in évoque l’éternité. Tous se préparent pour une longue nuit ; les sons aussi Se sentent sourds et lourds alors que tout s’éire, Les jeux des jeunes emplissent des stades et mon esprit, En haut, les oiseaux fuyant Morphée semblent en rire. Automne, je t’aime. 12 ILLUSTRATION FAITE PAR ISABELLE TESSIER
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES MAGIE ENNEIGÉE PAR KÉLANE LÉVESQUE Dansant avec harmonie cete valse rythmée Descendant du ciel avec une douceur exquise Virevoltant légèrement sous cete froide brise Délaissant derrière elles un rideau de cristaux glacés, Ces ballerines enneigées tombées du irmament Se reposent sur la scène, gelées en arabesque Telles des pétales glacés chaudement endormis Ce joli décor apparient à la pièce. Ces leurs des neiges de leur beauté nous rendent ivres Cete mousse céleste, éphémère et frivole En un seul soule cete volupté s’envole Leur afaiblissement jusqu’au sol nous enivre. Les papillons éprouvent des frissons Devant cete délicatesse silencieuse Les notes de l’orchestre deviennent glaçons Le spectacle est signé de sa froidure afectueuse. ILLUSTRATION FAITE PAR TOMMY POIRIER 13
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES LE FOU D’ÉRABLE PAR ÉLISABETH LACROIX S ...aint-Fausin Lac Carré, un peu avant son frère Saint-Jov- vite, légèrement à droite de la 117 sur rue Saint-Fausin, ..coninuez rien qu’un brin et vous voilà là! Juste avant le village y’a la cabane! Ma cabane avec vue sur les érables! Mon arrière-grand-mère, qui avait tout donné pour cete cabane-là me contait qu’a comptait pas fort fort, quand elle était jeune. A comptait rien qu’une coupe d’afaire mais à part de ça pas grand chose d’autre. C’était un peit village, dans son temps, presque plus peit qu’aujourd’hui! Y’en avait pas ben ben qui avait pog- né la scolarité à part une coupe mais par chance y’était pas contagieux! Elle, à s’était tenue loin de ce mal-là! Eux autres, les malades qui l’ont pognée, ils comptaient mais pas les mêmes afaires que mon arrière-grand-mère! Ils comptaient 1, 2, 3, 4 eux autres pis mon arrière-grand-mère contait des « dans mon temps ». A m’a conté à Pâques que dans le temps qu’elle était moins ridée et qu’à l’avait encore toutes ses dents, à vivaient à cabane avec sa sœur. Y’habitaient ensemble toutes seules l’hiver, leur père allait bûcher au camp. Vous savez-tu, le camp, dans l’bout d’la Baskatong ? Y partait en octobre et y revenait en mai. Dans ce temps-là, y’avait d’la neige pis d’la neige pis d’la neige pis pas rien qu’un peu! Ça inissait pu! Y sortaient par les fenêtres quand la porte ouvrait pu! Les sœurs habitaient en avaient fait autant. Le lendemain main, Ti-Jean revint à la cabane crin- face de la montagne de la Repousse dans le champ d’érables de qué. Y avait eu l’idée du siècle enier pour trouver des érables qui sont la famille ! L’ai ben dit, la Repousse personne l’aimait, cete bute pas secs et impressionner les sœurs en se disant que l’une d’elles allait -là! Personne avait réussi à la monter jusqu’en haut! ben lui donner un peu d’amour en retour! Il fallait monter en haut de la montagne de la Repousse où personne avait encore vidé les érables! Dans le village, y’avait un fou eux autres avec, y’a pas juste Fred Ti-Jean s’élance vers la montagne, il trote vers elle presqu’aussi vite Pellerin qui en avait un à Saint-Élie de Creton! Il s’appelait Ti- qu’Alexis le troteur. Une vraie fusée! Ti-Jean s’enfarge dans ses pates Jean. Un sacré bout d’homme qui a mangé la poussière pis pas malhabiles pas habituées à troter, y reprend l’équilibre et poursuit sa rien que ça! Y’a même été gavé à misère ! Cet hiver-là y faisait trote! Une fois au sommet, y s’enligne sur le plus gros érable. Y gosse des peites jobines dans l’érablière de temps en temps chez un trou dans l’arbre et atend. Y atend encore et encore. Dans un mou- mon arrière-grand-mère vu que son père était pari au camp vement pour faire un u-turn, ses yeux s’accrochent sur les racines du et que les deux sœurs manquaient de bras. Ti-Jean avait été gros érable. Y tombe en pleine face, ses yeux sont pas les seuls à s’être oublié par le bon Dieu quand y’a distribué la beauté. Disons accroché! Ti-Jean sent une goute y tomber dans l’œil. C’est le cas de que son visage tordu et ses bras trop long pour son corps ne le dire, y devient encore plus fou! Y court partout et fait plus de trous l’aidaient pas. Ti-Jean avait jamais vu l’amour. Un main fris- dans les érables. Quand y se metent à couler, Ti-Jean se rend compte quet en route vers la cabane, il a surpris Marine Laviolete et qu’y a oublié les chaudières. Y court partout un sceau à la place de la Raymond Gingras en train de s’aimer en avant du magasin gé- bouche. Ti-Jean est soul ! Soul d’eau d’érable! Y fournit pus! Y’en récolte néral. À parir de ce moment-là, Ti-Jean a essayé de récolter de dans ses mains, dans son chapeau, dans ses pantalons! Y’en a partout! l’amour ici et là pariculièrement chez mon arrière grand-mère. Tout à coup, Ti-Jean tombe comme une grosse garnote au pied du gros Y’en a cherché un peu partout, y’en a même quêté mais peine érable. Ti-Jean vire encore plus fou! Y fait le bacon! Y shake de partout! perdue. Pauvre Ti-Jean, sa leitude l’aidait pas. Quelques mois Les racines de l’érable l’avale à pleine gorgée comme y’a avalé l’eau des plus tard, après qu’y ait pas récolté ben ben d’amour, c’était in érables! Ti-Jean n’est plus Ti-Jean. Mon arrière-grand-mère et sa sœur avril, Ti-Jean un peu découragé aidait les sœurs à cabane à ra- s’inquiétant un peu de la dispariion de Ti-Jean, ont retrouvé le chapeau masser les chaudières d’eau d’érable. Les érables étaient aussi du fou au pied du plus gros érable au sommet de la montagne. Depuis secs que la récolte d’amour à Ti-Jean. Le moral dans les godas- ce temps, au village, on dit que si les érables sont pu secs en bas, c’est ses, Ti-Jean retourna à la cabane les mains vides. Les sœurs en grâce à Ti-Jean qui a libéré les érables du sommet. 14 ILLUSTRATION FAITE PAR ALEXANDRA MELANÇON
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES LA MAGIE DE LA MAGIE PAR WILLIAM GRAND-MAISON É ...coutez-moi bien, parce que le temps court vite pis y’é pas mal dur à ratraper. M’a vous conter une histoire. Une histoire qui a du vécu. ..À passé à travers la Deuxième Guerre mondiale, celle-là. Une vraie vétérante. C’est une histoire qui vient directement de mon arrière- ggrand-popa. Si à été impressionnante pour moi, à sera grandiose pour vous! Ça s’est passé à Sainte-A-S’Grate, mon village à moi. Là où les oiseaux revirent de bord parce qu’il y a plus rien après. Le village où on peut voir les bruits les plus ins et entendre les muets murmurer... À Sainte-A-S’Grate, y a une senteur mystérieuse qui est toujours présente. Mais jamais personne a été capable de metre un mot sur cete senteur-là. Un mélange de fraîcheur, de p’it pied et de bonheur. Ça sent tellement fort qu’on peut presque la goûter. Pour de vrai. C’est le seul village au monde où le vent frete du Nord soule dans le tapis 13 mois par an- née. Même les écureuils ont viré carnivores. Ils se font des réserves de graisse pour survivre au frete. La beauté de Sainte-A-S’Grate, c’est son lac. Un immense lac en forme de tache. Pareil à une goute qui serait tombée sur la carte du Québec. À cete époque-là, le lac y’avait pas de nom. C’est le médecin du village qui lui a donné un nom. Comme y’avait pas de nom, il l’a appelé le lac Innommé... Sainte-A-S’Grate, c’est un monde à part des autres. Comme dans tous les villages, Sainte-A-S’Grate avait son indien. Mais pas n’importe quel indien... Dès sa naissance, on savait qu’y avait quelque chose que de pas trop normal chez lui... Sa mère, c’était Madame Oiseau. Peite parenthèse: Madame Oiseau, c’était la femme qui of- frait son toit à tous les voyageurs qui passaient par le village. Des hommes de partout. En partant de Saint-Klin-Klin-des-Meuh-Meuh jusqu’à Saint-Louis-du-Ha! Ha! Ils inissaient tous dans le nid de Madame Oiseau. Elle les gardait au chaud pour une seule nuit. Après, les voyageurs volaient de leurs propres ailes. Lui, y’a jamais connu son père. Et sa mère non plus a jamais connu le père. C’est à sa naissance que tout a commencé... Ce jour-là, y mouillait à boire debout. Y mouillait et y mouillait encore et encore. Le Bon Dieu nous pissait litéralement d’ssus. Une journée vraiment sombre. Le soleil avait décidé de rester couché toute la journée. Y s’est pas montré le bout du nez de la journée. Et pourtant, c’était le solsice d’été... Tout était à l’envers. Le peit indien est sori du ventre de sa mère comme un boulet de canon. Pareil quand on débouche une bouteille de champagne. Un beau gros bébé blanc. Mais le nouveau-né a eu une peur noire. Y a eu tellement peur que sa peau a changé de couleur. Y’est devenu mulâtre. Madame Oiseau avait aucune idée du nom qu’elle allait donner à son p’it Indien. A donc demandé au médecin. Le médecin (original comme y’é) a bapisé le peit : Bruny. Bruny, y’a pas eu une enfance facile. Dans le village, tout le monde était au courant pour Bruny. Tout le monde savait que le p’it Indien, y’avait quelque chose de pariculier. Bruny, y passait ses journées dans le jardin d’sa mère. Y labourait sa terre en chantant une chanson qu’y avait inventée. Y chantait à longueur de journée. Y implorait les dieux pour que ses récoltes soient bonnes. Y faisait pousser du tabac pour son magasin de cigaretes. Bruny se faisait souvent demander du feu pour allumer ses cigaretes. Mais les allumetes tombent pas du ciel à Sainte-A-S’Grate. La soluion était simple: Bruny s’est mis à faire pousser du feu. Lui, c’était un p’it gars qui faisait de la magie. Pour de vrai. Pas avec des cartes. Avec ses mains... Dans le village, on l’appelait le Shaman. Mais personne ne l’avait jamais vu faire sa magie. Et personne ne savait ce qu’à faisait, sa magie. Les rumeurs dans le village disaient qu’y pouvait te faire rêver en anglais. D’autres disaient qu’y était capable de marcher sur l’eau. Ou encore qu’y pouvait te guérir du syndrome de la guédille au nez... C’est pas tous les habitants du village qui croyaient en ça. Un jour, la ille du forgeron du village, Abigaël, s’est mise à pleurer. Comme d’habitude. C’était la braillarde du village. Cete fois-ci, c’était parce qu’à avait égaré sa peluche préférée. À braillait et à braillait. Même pendant son sommeil, à braillait. Normalement, ça durait seulement quelques dizaines d’heures. Là, à braillait depuis trois, quatre jours. Mais à arrêtait pas. Le forgeron savait pus quoi faire. Y’ a ofert une nou- velle peluche. À voulait rien savoir. Le forgeron s’est promené dans tout le village. Y demandait de l’aide. Tout le village essayait de la consoler. Rien à faire. Rien ne foncionnait. Madame Oiseau lui a proposé d’amener sa p’ite ille chez Bruny. Le forgeron refusait. Y croyait pas à ça, lui, la magie. Mais Abigaël braillait encore et c’était plus intense à chaque jour. Le médecin, y’avait peur qu’elle se déshydrate complètement. Elle était rendue à sa douzième chaudière de larmes. Dépourvu, le forgeron a ini par amener sa ille chez Bruny. Le forgeron avait besoin de son aide... Tout le village s’est ramassé chez Bruny. Bruny a amené Abigaël dans une chambre avec un lit. L’a couché sur le dos avec tendresse et y’a com- mencé à chanter sa chanson en murmurant les paroles, très doucement... Plus y chantait, plus le volume de sa voix montait. Pis à un moment donné, c’est tout le village qui s’est mis à chanter en cœur. Haut et fort. Le chant de Bruny a ini par réveiller tous les villages des environs. Ça chantait comme des soldats qui venaient de gagner la guerre. Tout le monde chantait. Même Abigaël s’est mise à chanter... A avait arrêté de pleurer. Certains diront que c’était pas de la magie. D’autres diront que ç’en était. Une chose est sûre, c’est qui faut l’avoir vu pour le croire. 15
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES AH, JOHNY! PAR CATHERINE GAUTHIER À ..Saint-Élie de Caleçon, vit un vieil aigri du nom de Johny Morrissie, dit Le Jauni. Les dents jaunes, les ..cheveux jaunes, les doigts jaunes : tout sur lui est jauni par la nicoine et la saleté; même sa chemise ..blanche est jaune. Peu gâté par la nature, son visage est meurtri par une acné naguère acharnée, son nez ..crochu rivalise avec celui d’une vieille sorcière et quand son corps de « chi-maigre » crasseux se ient « drete », on jurerait voir un point d’interrogaion se former devant nous. En gros, il est « lete ». Il déteste tout le monde et tout le monde le lui rend bien. Johny Morrissie a tous les vices : il fume, il boit, il mange mal, il est fainéant, il dort le jour et joue de l’orgue la nuit. Les seules fois où on l’entend parler à quelqu’un, c’est pour maugréer. Aussi improbable que cela puisse paraître, ce maudit Johny est marié depuis des années. Il a rencontré sa Jacque- line lors d’une messe du dimanche à l’église de Saint-Élie. Le Jauni jouait de l’orgue durant la messe et Jacqueline était la nouvelle collectrice de dons de la paroisse. À la in de sa première collecte, elle surprit Johny en train de fumer dans le confessionnal. Ça été le coup de foudre. Jacqueline avait rencontré son rebelle! Avec sa femme, Johny possède un chalet près d’un lac à Saint-Élie. Qui dit chalet dit entreien et travaux, mais qui dit Johny dit bon à rien. Ainsi, Jacqueline invite annuellement ses trois frères à venir l’aider sur son terrain. La relaion entre le jauni et ses trois beaux-frères est comme l’amiié entre chien et chat. Cependant, il faut souligner que, par amour pour leur sœur Jacqueline, les trois frères sont respectueux vis-à-vis de Johny. Mais, Johny ne laisse passer aucune occasion d’insulter ses beaux-frères. Un soir, les trois frères avaient inis de repeindre le chalet et idèle à lui-même, Johny it une remarque désobli- geante sur le travail de ses beaux-frères. – C’est mal faite, vot’ job, j’ vois les coups d’ pinceaux. À vot’ place, j’serais pas ier. Même les yeux fermés, j’ ferais mieux que vous! – Parfait Johny, ferme les yeux et fais mieux si tu peux! , dit l’aîné des frères. Les trois frères se bidonnèrent un long moment, puis rentrèrent souper. C’était la première fois que Johny se faisait ridiculiser par eux. Lui, il pouvait les insulter, mais le contraire! Une idée germa rapidement dans son esprit. Il entra en fusée dans sa chambre, éparpilla ses pariions d’orgue, les parcourut frénéiquement. Miracle! Il la trouva enin : l’Hymne au Diable. Il avait entendu dire que cet air pouvait invoquer nul autre que le Diable. Voilà l’occasion de vériier si cete légende était vraie ou non! Johny s’installa à son orgue et entama furieusement l’Hymne au Di- able. Aussitôt les premières notes jouées, Johny senit la pièce se refroidir et s’assombrir. Johny entra alors litéralement en 16
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES transe. Après la dernière note, Johny ouvrit les yeux secoué. Les guêpes enragées sorirent de leur nid et : la panique l’envahit. Il remarqua que la pièce était foncèrent sur Johny. À peine eut-il le temps de repren- plongée dans les ténèbres et perçut une présence dre pied, qu’il entendit avec efroi le bourdonnement de lugubre derrière lui. l’essaim de guêpes. – Est-ce toi qui m’as invoqué, Johny Morrissie? – Aïe! Outch! Ayoye! Le Jauni se retourna. À travers la pénombre, il dis- Une vingtaine de guêpes l’avait rageusement dardé, ingua deux lueurs au-dessus du sol. Ces lueurs, qu’il n’avait pas encore trouvé d’endroit où se réfugier! Il des plus terriiantes, étaient traversées d’une ligne devait faire vite s’il ne voulait pas inir en plaie vive! Johny vericale en leur centre, telles des pupilles de chat. courut vers le chalet. Il tourna la poignée, mais… elle C’était les yeux de Lucifer qui ixaient Johny. était verrouillée! Sans perdre de temps, il gagna la forêt. Étrangement, celle-ci se resserra sur elle-même; impos- – EST-CE TOI QUI M’A INVOQUÉ, MINABLE?, sible de passer! Johny rebroussa chemin, car le temps gronda-t-il. pressait, et plus il perdait de temps, plus les guêpes le harponnaient! Soudain, Johny eut une illuminaion : le Johny s’empressa de répondre par l’airmaive lac! Johny déboula vers celui-ci et y plongea tête pre- et d’expliquer au Diable la raison de son invoca- mière. Sous l’eau, ses brûlures se calmèrent, son corps ion. Il voulait que Lucifer punisse ses trois beaux- se détendit, mais après quelques secondes, l’oxygène frères de s’être moqué de lui. Le Diable accepta la lui manqua! Johny tenta de nager vers la surface. Plus requête, mais exigea une promesse. il bougeait, plus il se torillait, plus il s’enfonçait dans les profondeurs du lac. L’eau noire l’entourait lorsqu’un rire – Je veux ton âme en échange. satanique s’y it entendre. Johny, dit Le Jauni, regarda dans la direcion du rire et deux lueurs traversées d’une – Tu peux toujours rêver! J’t’ai invoqué, alors tu ligne vericale le ixèrent. Les yeux du Diable furent la vas réaliser ma demande, un point c’est tout. Mon dernière chose que vit Johny Morrissie. âme, elle est à moi! Comme le Diable l’avait promis, Johny regreta ses pa- Le Diable, furieux, promit à Johny qu’il regreterait roles. Cependant, le Diable, pas plus chanceux, réalisa, ses paroles, et disparut. La pièce retrouva son comme les frères de Jacqueline et bien d’autres avant lui, éclairage habituel. que Johny n’avait pas d’âme! Johny sorit du chalet. Il repensa à sa rencontre avec le Malin, en pariculier à une parole de ce dernier. – Minabe, moé? Pff! Y peut ben parler! Ç’plutôt lui le minabe! Au moment où il alluma sa cigarete, la lamme qui Fin jaillit du briquet lui sauta au visage. Déstabilisé, Johny recula et s’enfargea dans une racine. Il perdit l’équilibre et tenta de s’agripper à quelque chose. Par chance, il pu se cramponner à une branche. Or, sur cete branche, se trouvait un énorme nid de guêpes et lorsque Johny saisit la branche, le nid fut 17
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES ESSE EST PERCIPI ¹ PAR JEAN-CHRISTOPHE DUBOIS 18 ¹ « ESSE EST PERCIPI » ET UNE LOCUTION LATINE POUVANT ÊTRE TRADUITE EN FRANÇAIS PAR « ÊTRE, C’EST ÊTRE PERÇU ».
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES J ...ournal de bord : 24 août 2038, 20 h 48. soupape du réservoir lui a éclaté au visage. L’impact a été assez violent. Il est mort sur le coup. Déchiqueté. L’onde ..Ideniicaion: Jean-Christophe Dubois, 6e colonisateur du 3e régi- de choc a provoqué des microissures sur toute la surface ..ment de la mission Mars 3. intérieure de l’aile avant. En un clin d’œil, la pression a chuté Dans trois heures, j’aurai trente-quatre ans. Étrange quand on pense que à zéro. Le sang des douze passagers restants a sitôt ateint le point d’ébulliion et est sori par tous leurs oriices. Ils demain sera probablement ma dernière journée. Je me demande comment sont morts gelés, cristallisés. Lorsque le système détecte je devrais réagir. Je devrais à tout le moins lâcher un sacre, ou verser une une anomalie, les capsules se ferment puis se verrouil- larme. Peut-être devrais-je rire aux éclats? Curieusement, ça me semble lent automaiquement et un décompte s’enclenche. En dix mieux de rire que de pleurer. J’imagine que c’est normal après six mois secondes, j’ai eu le temps de voir mes amis mourir. J’ai en- d’isolaion totale. C’est comme si cete peite capsule avait même em- suite été éjecté, laissant derrière moi la navete en ruine. prisonné mes émoions. Et qu’en est-il de mon esprit? Sûrement resté J’ai vu la navete exploser. Ça, ç’a été le premier problème. quelque part dans la chaîne d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. Ça fait Les capsules sont préprogrammées. En cas de catastrophe, quelque chose de savoir qu’on dérive vers absolument rien à 10,47 km/s, elles s’éjectent et se dirigent vers le point d’aterrissage. en sachant que rien ne nous atend. Que rien ne va changer. Ça fait 192 Elles sont munies de GPS interplanétaires et de parachutes. jours terrestres que mon peit hublot givré me montre le même noir inini, J’étais sensé me rendre à bon port et amerrir dans le lac les mêmes peites étoiles inateignables qui n’ont absolument pas bougé. ariiciel à la base MT 70-40 sur Mars. C’est dans les calculs Rien n’a changé, rien ne changera plus jamais. Hier, j’ai mangé le dernier de poussées de propulsion que l’autre erreur se cachait. La sac de tarte aux bleuets en purée. Je n’ai pas pris le lait, je ne l’aime pas. Je programmaion interne de la capsule avait été mal calculée. me suis souhaité bonne fête à l’avance, en chantant la peite chanson tra- Une erreur de 0.0012° a envoyé la capsule trop à droite. diionnelle. Mais à quoi bon? Ça ne veut plus rien dire de toute façon. On J’ai passé à 237’000 km de Mars. Pendant que la capsule dit qu’un arbre tombant dans une forêt où il n’y a personne pour l’entendre subissait l’efet slingshot du champ gravitaionnel, j’ai reçu ne fait aucun bruit. Bien sûr, seuls les fous croient cela. Eh bien moi, je des signaux radio S.O.S de la base où nous devions apporter vous dis que c’est vrai. On n’y croit pas jusqu’à ce qu’on se rende compte nos ressources. Je n’ai pas répondu. À quoi bon leur don- que c’est nous, l’arbre. Je pourrais crier de toutes mes forces et personne ner un faux espoir? De toute façon ils sont probablement n’entendrait. Moi-même, je ne m’entends plus. Je dois être fou, alors. Mais tous morts à l’heure qu’il est, déshydratés ou même asphyx- qu’est-ce que ça change de toute façon? iés. Et puis, quelle signiicaion a un simple humain, dont l’espérance de vie est de 102 ans, comparé à ceci: cet im- Je me suis embarqué dans cete mission sans vraiment y penser. Je n’ai mense espace vide et noir, vieux de 31 milliards d’années? jamais été tellement brillant ou talentueux. Ils ont retenu ma candidature parce que je n’ai aucun problème de santé et que j’ai un bon bagage géné- Je suis maintenant à 173 millions kilomètres de Mars et ique, sans anomalie. C’était un atout jugé esseniel à la repopulaion de à 304 millions de kilomètres de la Terre, de mes rêves, de Mars depuis l’échec de la dernière mission, Mars 2, en 2034. La mission mes semblables. Je n’ai plus de but, plus de pensées. À quoi Mars 3 en était une de secours qui avait pour but d’apporter de l’aide aux ça servirait? Angoisser? Espérer? Espérer quoi? Accomplir survivants de Mars 1, lesquels avaient survécu péniblement dans la base quelque chose de grand? Je serai peut-être le premier hom- marienne établie en 2031. On devait leur fournir de l’air, de l’eau, des mé- me dont le corps quitera le système solaire, mais après? Ça dicaments, des plantes, des vivres, tout ce dont ils avaient besoin – sans ne veut plus rien dire. Je suis déjà mort légalement de toute oublier, bien entendu, de poteniels géniteurs pour peupler la planète. façon. Les hommes vont coninuer à m’ignorer, à s’entre- C’était le plan. Un allé simple pour Mars tout inclus. J’imagine que j’avais ignorer. Que la vie est absurde! Pourquoi vivre, en efet, le goût de l’aventure, de faire quelque chose que personne n’avait encore pour mourir esseulés, abandonnés à notre triste sort, celui fait. Quelque chose qui me donnerait une valeur inesimable, un nom qui de la quête acharnée mais désespérée de sens? resterait dans l’histoire à jamais. – Aller découvrir l’espace, qu’ils disaient. Depuis hier, je commence à ressenir les efets neu- - Aller conquérir de nouvelles planètes! Établir une nouvelle race rologiques du manque d’O2 dans mon sang. Voilà pour la d’humain, ailleurs que sur Terre. Jean-Christophe Dubois, Terrien, père dernière mise à jour du journal de bord. Il n’y a plus rien à des Mariens. » dire. De toute façon, cete boîte noire ne sera jamais re- trouvée. Et même si elle l’était, qu’est-ce que ça changerai? C’est vrai que ça sonnait bien. Ils ont meni. Mais pourquoi devrais-je leur en vouloir? Notre navete a connu un bris trois jours après avoir quité l’orbite terrestre. Pression trop élevée d’O2 dans le réservoir du compari- ment 3. C’était le jour de maintenance. Je m’occupais de l’entreien d’une des sept capsules de secours. Wilson, qui vériiait les réservoirs d’oxygène, Fin de la transmission n’a pas eu de chance. Une issure à la base de la valve d’échappement. La ILLUSTRATION FAITE PAR TOMMY LAROUCHE-BEAUDET 19
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES FIENTE FICTION PAR TRISTAN PAQUIN N ....e m’enviez pas seulement parce que je vis sur un vaisseau spaial. À bord du nôtre, il n’y a pas la cohue des ..grandes batailles racontées dans les ouvrages et les ilms du 20ème et du 21ème siècles, dans lesquelles ..on assiste au grandiose spectacle de deux ou plusieurs lotes s’échangeant des irs de lasers mulicolores ..et de torpilles.à protons. Nous n’avons pas non plus le loisir d’explorer des planètes lointaines peuplées d’extraterrestres ideniques à nous, sauf pour ce qui est de la couleur de leur peau, et qui parlent notre langue, et tout ça sous les ordres d’un capitaine charismaique (et chauve). Nous ne vivons pas non plus dans la peur qu’une quelconque créature s’iniltre dans nos conduits d’aéraion, s’atache à nos visages et… vous connaissez peut-être la suite. Non, s’il y a une chose qui caractérise notre existence, c’est l’ennui. Un ennui diicile à imaginer si on ne l’a pas vécu, si bien que les plus maussades d’entre nous sont passés maîtres dans l’art de rester cloitrés dans leurs quariers à s’imaginer morts. Un ennui profond et engourdissant, synonyme de catatonie mentale. Les étroits couloirs, les rares hublots par lesquels on ne voit qu’un abîme absolu noir et insondable, l’éclairage de morgue… tout semble renforcer un seni- ment de vide mêlé d’une part de claustrophobie et d’une autre d’agoraphobie. Notre navire; un purgatoire, un ci- meière. Quelle ironie. La race humaine cherchant à vivre, ou plutôt survivre, se retrouve morte, atendant le vague espoir de retrouver un endroit où pouvoir recommencer à neuf. On erre, on glande dans les corridors, sachant que les seuls buts de notre existence sont de nous reproduire ain d’assurer une descendance généiquement en santé et de garder notre radeau en bon état. Tout cela est crucial, mais sans réelle gloire. Tout semble vain. Mes ancêtres ont quité la Terre pour des raisons, si vous connaissez l’aspect autodestructeur de la race humaine, assez évidentes. Il fallait peupler les étoiles, non pas par désir de conquête et d’exploraion, mais par nécessité. Eux-mêmes incertains du succès de l’entreprise, ils ont pris le temps qui leur restait pour tout calculer, tout plani- ier et faire en sorte que le voyage des colonisateurs ait un maximum de chances de succès. Jamais dans l’histoire avons-nous assisté à un tel progrès scieniique : synthèse de maière, propulsion ionique avancée, intelligence ariicielle, superordinateurs, une forme très limitée et brouillonne de voyage temporel (une étrange anomalie de la physique quanique : des ichiers textes peuvent être envoyés vers le passé, mais cela ne foncionne qu’une fois sur 10 et on ne peut sélecionner la desinaion)… et j’en passe. Malheureusement, les secrets du voyage à la vitesse de la lumière ne furent jamais découverts, rendant la tâche salvatrice d’autant plus ardue. Chaque vaisseau est un microcosme desiné à loter dans le vide intersidéral pendant des millions, voire des milliards d’années, en direcion de planètes qui pourront peut-être, PEUT-ÊTRE, nous accueillir. 20
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES Et s’il y avait une muinerie? Un bris irréparable? Une résigna- Oh putain, je me relis et je me donne vrai- ion complète face à la quête? Il peut s’en passer, des choses, ment de me jeter dans les réacteurs. durant un si long laps de temps. Et même si l’on arrive à une desinaion le moindrement convenable, il faudra sans doute la terra-former, et le terra-formage est une science très inexacte, Avant, il y avait le jour et la nuit. on pourrait facilement réduire à néant des millions d’années Avant, les gens pouvaient rêver. d’eforts en un claquement de doigts. Il n’y plus rien de cela maintenant, les Tant d’années lumières nous séparent, nous et les autres voya- Anciens ont jugé tout ça inuile à notre voy- geurs. On vit le même isolement. On partage un même des- age. in sûrement funeste. On réussit presque à communiquer dans notre silence. En plus, tout nous porte à croire qu’il n’y On ne dort plus et ne rêve plus. pas d’autres formes de vie intelligente dans la galaxie qui est Je les hais avec tout ce qui me la nôtre : aucun signe, aucune trace jusqu’à présent. Peut-être reste d’humanité. sont-ils dans la même impasse que nous? Ou sont-ils ininiment supérieurs et ne voient-ils rien en nous qui mérite d’être sauvé? Ce message est mon témoignage; que ceux qui le liront, du passé ou du futur, en fassent Là est la vraie terreur. ce que bon leur semble. Dans le vide. La fuilité. L’abîme. Mais malgré toute cete irade, je garde un mince, très mince, large de deux ou trois molécules, il d’espoir. Nos enfants ac- Notre solitude est d’autant plus horrible qu’elle nous force à costeront peut-être sur une terre sauvage, penser. Personne n’est heureux dans notre boîte de conserve, étrangère, pure et si belle. Ils pourront lire on fait tous face au même malaise. Certains craquent, se à propos du grand voyage et s’émerveiller. jetent (litéralement) dans le vide, alors que d’autres se résig- Ils pourront, si les condiions sont bonnes et nent à l’existence purement uilitaire de la mission. Personne qu’il n’y a pas trop de nuages, voir leur anci- ne se parle. L’amiié, un concept qu’on retrouve dans les an- enne patrie à l’aide d’un télescope. Avec tous ciens écrits, n’existe plus. Nous sommes devenus des abeilles les savoirs emmagasinés, ils ne commetront dans une énorme ruche de métal chromé. Chacun a une tâche pas les mêmes erreurs que nous avons com- précise et un/une partenaire de reproducion, le genre de vie mises auparavant. que je ne souhaite à aucun de nos possibles et lointains de- scendants. Aucune véritable liberté, aucun réel loisir. Et même ayant répertorié tout ce que l’humain a créé dans une base de J’espère ne pas me tromper. données qui donne le verige, ceux qui s’y intéressent (moi, par exemple) inissent par se lasser. À quoi bon lire du Victor Hugo si la transmission de son œuvre est si loin d’être assurée? C’est tragique et personne ne pourra s’en atrister. Tout tombera dans l’oubli, les chefs-d’œuvre litéraires comme les navets du Fin cinéma américain, les grands moments de l’humanité autant que ses pires atrocités. 21
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES GALBE La peau douce comme l’écorce, dans la fermeté des saveurs La garde tombe comme les vêtements, pelure par pelure Découverte de ce derme caché, alors s’éteint la pudeur Pénétraion des doigts entre la peau, la séparaion en est pure L’eluve est sucré, même pour les lèvres amères du pécheur Le goût y reste gravé, le temps en aura raison PAR JÉRÉMY CÔTÉ Temporaire en bouche, mais éternelle pour le rêveur L’inimité s’enracine, commence alors la dégustaion. Les secondes n’existent plus, dans l’empressement vers le goût Les obstacles maintenant, sont détachés de la chair Duo de langue et de dents, sur l’agrume si doux Ce fruit accessible, mais à jamais éphémère. 22 PHOTOGRAPHIE FAITE PAR JÉRÉMY CÔTÉ
LA REVUE LITTÉRAIRE MOTS DE TÊTE / NOUVELLES ET POÈMES TWITTÉRATURE LES GAGNANTS DU CONCOURS DE PROVERBE Sans bonheur, la vie serait sans importance; mais sans malheur, personne ne verrait la diférence. 1 PAR SAMUEL BRUNEL 2 Que ce que je doive écrire pour un concours ne serve pas d’exemple, mais de menace à l’intégrité. PAR ALEXANDRE JACOB Sur le chemin rose et puéril de la vie, le Juste et l’Amoureux, arrivés à une intersecion, n’ont que deux choix possibles: la folie ou la mort. PAR MATHIEU CLÉMENT 3 La peine que l’on a est souvent proporionnelle à la peine qu’on s’est donnée face à l’autre pour le com- 4 prendre ou se faire comprendre. PAR FRANÇCOIS TASSÉ #Non, je ne regrete rien. Rien de rien. #Mon chat, la plus belle réussite de ma vie! #Lorsqu’un chemin se termine, un autre ouvre ses portes! #Enin! Je vais savoir ce qu’il y a de l’autre côté! #Je ne veux pas te quiter! #Je vous aime et vous me manquez déjà! #La crainte de la mort est plus cruelle que la mort elle-même! #Pas de stress! On est à côté. #Je veillerai sur vous… #Stress, bonbons et amour! #Advienne que pourra! #J’aime les éléphants roses… Et vous? #Je vais vomir partout! J’aime mon chum! #Je m’en viens vous voir, mes anges, je t’aime, mon peit papa d’amour, je m’ennuie de vous. #Le vent nous portera. #Ne me regretez pas, regretez votre silence. #Je t’aime, mon amour. #Un fois, c’est bien mais deux, c’est mieux. #Ne me pleurez pas car ÉPITAPHES je ne suis que poussière qui retombe près de vous pour vous couvrir de mon amour. Je vous atends de l’autre côté, au revoir. P.S: Meurs paisiblement. #Le temps eface mes souvenirs et emporte mes seniments. La inalité de ma vie ne fait qu’accentuer l’impression que j’ai de ne rien avoir à regreter. #La clé du succès est le travail acharné. #Je ne regrete pas d’avoir vécu. #J’aimais ma vie. #Ne pleurez point ma mort! Vous saurez qu’il y a fort longtemps que je ne vis plus… #Ne vous en faites pas pour moi, je vous aime! #Je l’avoue, je suis lesbienne! #Au moins, j’aurai proité de la vie et j’aurai réalisé mes rêves! PHOTOGRAPHIE FAITE PAR JÉRÉMY CÔTÉ 23
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