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Le bon roi Dagobert - comédie en quatre actes, en vers. Par André Rivoire (1908)

Published by Guy Boulianne, 2021-02-26 17:30:26

Description: Le bon roi Dagobert - comédie en quatre actes, en vers. Par André Rivoire (1908).

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ACTE II, SCÈNE VI 97 SCÈNE VI LA REINE, ÉLOI, ODORIC ODORic, empressé. Sa Majesté la reine a-t-elle bien dormi ? Très bien !... LA REINE, sèchement. ÉLOI, avec rondeur. Heureusement, voici le jour ami... N'ayons plus désormais d'inquiètes pensées!... Maintenant, grâce au ciel, les deux nuits sont passées... La ruse a réussi comme il était certain... LA REINE. Vous savez que lé roi n'est parti qu'au matin... ÉLOI. Bien sûr! Il est ainsi toutes les fois qu'il aime!

98 LE BON ROI DAGOBERT Seulement son amour lui passe tout de même... Quoique infidèle, c'est un être si charmant, Qu'il garde jusqu'au bout un air d'attachement. 11 brise d'un seul coup le lien qui l'entrave... Ce n'est pas grave, allez... LA REINE. Ce qui peut être grave, C'est que la nuit dernière elle ait chanté... ÉLOI. Pourquoi? LA REINE. Pourquoi? Mais parce que je ne chante pas, moi ! Pour peu qu'il ait trouvé cette chanson touchante. Si Dagobert allait vouloir que je la chante! ÉLOI. Lui!... Ne nous créons pas de tracas superflus!... Je vous assure bien qu'il ne s'en souvient plus. LA REINE. Puis, quand même, cela m'irrite et m'humilie Qu'une petite esclave ait une voix jolie. Quand je n'ai pas de voix, moi, la reine! La reine s'écarte d'eux de plus en plus aoaa'c.

ACTE II, SCÈNE VI 99 ÉLO I. Cela, C'est autre chose!... ODORIC. Sûrement. A Éîoi. Mais, voyez-la! LA REINE. Vraiment, vous m'avez mise en étrange posture! C'est ridicule et sot, toute cette aventure! On a beau n'aimer pas : il est sans agrément Que le mari qu'on a d'une autre soit l'amant!... J'en ai trop de ce rôle où tout m'est une injure! ÉLOI. Mais, puisque c'est fini, Madame, je vous jure... Tenez! en ce moment où nous nous tourmentons. Montrant Odoric. L'œil perplexe et nos doigts crispés à nos mentons, Lui chasse, et de son âme, au soleil apaisée. Son amour s'évapore ainsi que la rosée. Dagoheii apparaît à la porte.

lOO LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE VII Les Mêmes, DAGOBERT. DAGOBERT, entrant. C'est moi. ÉLOi, se retournant, stupéfait. Vous, sire, vous! DAGOBERT. Oui, je ne suis pas bien. Je crois que le grand air, si tôt, ne me vaut rien. Je n'ai pas bien dormi; j'ai froid... j'ai la migraine... Alors, j'ai mieux aimé revenir chez la reine... ÉLOI, à part. Hein?... A Dagohert, en essayant de Venimener. Il faut vous soigner, sire...

ACTE II, SCÈNE VII lOI DAGOBERT. Oh ! pour être franc, Ce n'est pas que je sois absolument souffrant, Mais la chasse! Toujours la chasse! Je me lasse Tous les jours que Dieu fait de partir pour la chasse. Il me semble, quand je vois courre un pauvre cerf, Que vraiment c'est toujours le même qui ressert... La chasse ne vaut pas tant d'heures gaspillées Qu'à me lever plus tard j'aurais mieux employées. Se rapprochant de la reine. L'amour seul vaut qu'on l'aime!... Être moins roi qu'amant! La tête sur un cœur, désirer seulement Pour couronne à son front l'or d'une large tresse! ÉLOi, navré. Bien. LA REINE, skhe. Je suis votre femme et non votre maîtresse. DAGOBERT, tendrement» Ma femme justement, ma femme, et j'en suis fier. Attitude très froide de la reine. Elle a déjà repris son visage d'hier : Pas un mot! Pas un trait qui bouge! Femme étrange! A la reine. Je ne voudrais pas être un mari qui dérange... 9-

I02 LE BON ROI DAGOBERT Si mon retour n'est pas un retour importun, Un sourire, Madame, un tout petit... rien qu'un... Au lieu de cet air froid qui glace et qui repousse... Un tout petit... LA REINE, îtii tournant le dos. Elle a raison! Sa voix est douce. DAGOBERT. Allons! J'aurais mieux fait de ne pas revenir Et d'attendre à ce soir pour me ressouvenir. A ce soir!... ÉLOi, à part, DAGOBERT. Je m'en vais... La reine reste immobile, Dagohert répète. Je m'en vais... Furieux, à Éloi et à Odoric, C'est à croire Que le jour, brusquement, elle perd la mémoire! A la reine. Comment, pour vous revoir, je reviens sur mes pas. Je dis que je m'en vais : et vous n'insistez pas? Dans ce cœur, cette nuit si tendre, rien ne vibre? LA REINE, à part, La nuit, toujours la nuit!

ACTE II, SCÈNE VII DAGOBERT. Je pars... LA REINE. Vous êtes libre. DAGOBERT, revenant. Alors, je ne pars pas, si je suis libre... Éloi, Voilà comme la reine en use avec le roi! Il suffit que le jour paraisse, elle est maussade! A Odoric. Voyons, expliquez-lui, monsieur de l'ambassade... Que c'est fou, qu'il n'est pas possible que, soudain, Un tel amour se change en un pareil dédain... Fermant les mains. Oh! je suis agacé!... Tout le corps me fourmille! Bas, à Odoric. N'a-t-elle jamais eu de fous dans sa famille? Oh! ODORIC, protestant. DAGOBERT. Je VOUS le demande à cause des enfants... Sire ! ÉLOI, avec reproche» DAGOBERT. Ma race est pure en moi, je la défends...

LE BON ROI DAGOBERT Et cet air dégoûté dont elle me regarde... Ah! Madame, à la fin, Madame, prenez garde! Sire! oÉ L 1 5 tâchant de le calmer. DAGOBERT, se maîtrisant. C'est le printemps... Les chemins sont herbeux. Dites un mot! Faut-il faire atteler les bœufs? Par leur sage lenteur on a l'âme bercée. Et la main dans la main, la tête renversée, On peut suivre des yeux, doucement, sans cahot. Quelque nuage aussi, qui voyage là-haut... La reine ne répond pas. Rageant : Non ! ... Oh !.. . Préférez-vous qu'à pied, le long des sentes. Nous allions voir les aubépines rosissantes Ou cueillir les grelots embaumés des muguets Dont les feuilles ont l'air d'oreilles aux aguets! Les bois d'avril sont pleins du rire aigu des merles... La reine ne répond pas. Rageant : Voulez-vous un collier? oÉ L I , redevenant orfèvre malgré lui. J'ai de fort belles perles. DAGOBERT. Tout, pourvu que j'obtienne un regard complaisant.

ACTE II, SCÈNE VII Sire... LA REINE, d'une voix im peu amollie. DAGOBERT. Allons, souriez et souvenez-vous-en, Avec des yeux d'amour et non pas de reproches, De l'heure à peine enfuie où nous étions si proches. Qu'un peu de vous frissonne encore entre mes bras. LA REINE, éclatant. Gardez vos souvenirs pour vous... Je n'en veux pas. Elle lui tourne le dos. C'en est trop ! C'en est trop ! DAGOBERT. Comment? LA REINE, retournant vers le roi. Je vous déteste. Vous, votre amour, vos bœufs, vos colliers, et le reste! Et c'est bien malgré moi qu'on m'a traînée ici. ÉLOI. Comment! LA REINE. Vous me répudierez, je pense, aussi... Car le plus grand bonheur que vous me puissiez faire. C'est de me renvoyer à la cour de mon père. Bonsoir! La reine sort.

io6 LE BON ROI DAGOBERT SCENE VIII DAGOBERT, ÉLOI, ODORIC. DAGOBERT, démonté, répétant machinalement. Bonsoir! ÉLOi, à Odoric. La reine est allée un peu loin. DAGOBERT. Non, je rêve!... Messieurs, je vous prends à témoin! Je la quitte à l'instant, douce, rieuse et tendre! Vous avez entendu ce que je viens d'entendre? Oui, sire. ÉLOI. DAGOBERT, à Odoric, Enfin, voyons, vous qui la connaissez. Qu'est-ce qu'elle a? Qu'est-ce qu'elle a?

ACTE II, SCÈNE VIII 107 ODORIC. Mais je ne sais. Elle est si jeune, sire... Un peu de nostalgie... D AGOBERT. Merci bien. A ÉIol. Tu l'as vue, Éloi, toute rougie, Tapant du pied... ÉLOI. Sire, oui. DAGOBERT. Le visage dément. Que je la répudie!... Ah! certes, sûrement, Je la répudierai, mais ma surprise est grande Que ce soit elle, et non pas moi, qui le demande. ÉLOI. Vous la répudierez, sire? DAGOBERT. Oui. ODORIC. (^uand ? DAGOBERT. Dès ce soir.

io8 LE BON ROI DAGOBERT ÉLOi, après avoir consulté du regard Odoric. Sire, il serait prudent peut-être de surseoir. Répudiez-la, bien! Mais en cette occurrence Vous lui devez huit jours au moins d'indifférence, Autrement, ce serait offenser Swintila. ODORIC. Sire, de grâce, accordez-nous ces huit jours-là. Entre les nations il faut de la tactique. DAGOBERT. Ah! je me moque un peu de votre politique. m ÉLOI et ODORIC. Oh! sire!... DAGOBERT. Cependant, rassurez votre émoi : Je garderai huit jours la reine auprès de moi. Merci! ÉLOI et ODORIC. DAGOBERT. Vous n'aurez pas la guerre... Du courage!... Oui, je la garderai huit jours, pour qu'elle rage! Ah! la reine se croit sûre de son pouvoir! Et la reine en abuse!... Eh bien, nous allons voir! Je prends une maîtresse à l'instant.

ACTE II, SCÈNE VIII 109 ÉLOI. qui? DAGOBERT. N'importe! La première à franchir le seuil de cette porte... Belle ou non! Par vengeance, et non point par plaisir! Cest le hasard, messieurs, qui va nous la choisir! Nantiîde paraît portant une robe dans la chambre où s*est retirée la reine. 10

I lO LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE IX Les Mêmes, NANTILDE. DAGOBERT, apercevant Nantilde. Une femme!... Voilà... ÉLOI. Nantilde! DAGOBERT. Allons, approche. ÉLOI, essayant d'intervenir. Sire! sire! Une esclave! DAGOBERT. oh! toi, pas de reproche! Esclave ou non, j'ai dit la première, messieurs... Et je suis, vous savez, très superstitieux...

ACTE II, SCÈNE IX ÉLOI, à Nantiîde, Q^ue viens-tu faire ici? NANTILDE. Je passais chez la reine. DAGOBERT, à Éloî. Èloi, va-t'en! o D o R I c 5 en sortantj à ÉIol, Voyez, mon cher, où nous entraîne... ÉLOI, 671 sortant. Oh! Bien que le hasard nous prenne au dépourvu, On ne reconnaît pas ce qu'on n'a jamais vu. Ils sortent.

112 LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE X DAGOBERT, NANTILDE. DAGOBERT, à NatiHlde, Toi, reste!... Avant ce soir, tu seras ma maîtresse. Moi? NANTILDE. DAGOBERT. Toi!... Puisque c'est toi que le hasard m'adresse. Moi, sire! NANTILDE. DAGOBERT. Oui, toi, toi, toi... Je te fais cet honneur... Tu ne t'attendais pas, petite, à ton bonheur!

ACTE II, SCENE X NANTILDE. Non, sire... A part. 11 n'aura pas été longtemps fidèle!... DAGOBERT5 à lid-méme, se montrant. Ah! la reine me croit tellement épris d'elle Q_ue je ne puisse rien pour m'en distraire... Non! A Nantiîde, Je ne te connais pas... Je ne sais pas ton nom... Nantilde! NANTILDE. DAGOBERT5 continuant. Soit! Mes yeux t'ont regardée à peine, Et pourtant, avec toi, je tromperai la reine... Toute fille qu'elle est du grand roi Swintila, Je tromperai la reine, avec toi que voilà !... Je suis très malheureux! Depuis que je respire, Vraiment, j'ai vu beaucoup de femmes: c'est la pire!... Je n'ai jamais connu, jamais, d'être aussi faux... Dès que le jour se lève, elle a tous les défauts... Elle a l'air si méchant qu'elle en est enlaidie... Croirais-tu qu'elle veut que je la répudie?... NANTILDE. Si vous ne l'aimez pas... 10.

114 LE BON ROI DAGOBERT DAGOBERT. Mais, c'est que, justement, Je l'aime, comprends-tu? Je l'aime par moment... NANTILDE. Ah! DAGOBERT. Oui, quand elle est là, sur mon cœur, invisible, C'est quelque chose en moi de tendre, de paisible. Quelque chose à la fois de grave et d'ingénu Qu'avant cet amour-là je n'avais pas connu... Quand je m'en ressouviens, je n'ai pas d'autre envie Que de vivre, très lentement, toute ma vie. Prisonnier pour toujours de ses bras, de sa voix. NANTILDE, heiLTCUSe, La nuit, vous l'aimez, sire? DAGOBERT. Oui... Mais, quand je la vois, Avec son air maussade et son regard farouche. Je n'imagine pas que cette même bouche. D'où ne tombent des mots que pour me mépriser. Soit celle qui, dans l'ombre, enchantait mon baiser. Enfin, n'y pensons plus, je suis là, je me monte!... Je ne sais pas pourquoi, d'ailleurs, je te raconte,

ACTE II, SCÈNE X Tu ne peux pas comprendre... Sourire de Nantilde, Allons, petite, viens! Approche!... Tes baisers me changeront des siens... NANTI L DE, à part. J'ai peur que non ! DAGOBERT, h'usque. Eh bien, approche, approche! NANTILDE. Sire, C'est vrai que vous allez m'aimer? DAGOBERT. Je le désire. Examinant Nantiîde, Le sourire est joli, les yeux ne sont pas laids. Ah ça! comment, parmi les femmes du palais. Lorsque pour moi l'amour était chose peu grave, N'ai-je pas distingué cette petite esclave?... Ah! si je n'aimais pas la reine en ce moment, Tu me plairais beaucoup, petite, énormément... Tu n'avais qu'à guetter la minute opportune, Et pour un peu d'amour je faisais ta fortune! Aujourd'hui, tu me plais, hier tu m'aurais plu. NANTILDE. C'est cela justement que je n'ai pas voulu...

Il6 LE BON ROI DAGOBERT Il m'en eût trop coûté, sire, d'être choisie Pour le plaisir changeant de votre fantaisie! Vous sachant vite épris, mais vite insoucieux. Quand vous me regardiez je détournais les yeux. Je me faisais petite, humble, visible à peine. Je tâchais, près de vous, de vous rester lointaine. Et, bien que tout mon cœur vous fût obéissant. Je ne voulais pas, sire, être prise en passant. DAGOBERT, Sympathique . Que d'orgueil!... NANTILDE. J'en conviens, sire, j'ai l'âme fière! DAGOBERT. Tant mieux! Ces âmes-là valent qu'on les conquière. J'éprouve, en t'écoutant, je ne sais quel émoi... Est-ce mon cœur d'amant qui se réveille en moi! Je ne commande plus... Je désire, j'implore. Nantïlde dam ses Iras. La reine me croyait sa chose... Pas encore! Je puis être inconstant, je puis être amoureux. Je suis sauvé, je suis guéri, je suis heureux... Il embrasse Natitilde sur les lèvres, puis s'éloigne brusquement. Ohl NANTILDE. Sire! Qu'avez-vous?

ACTE II5 SCÈNE X 117 DAGOBERT. Un mauvais sort me touche! Je viens de retrouver son baiser sur ta bouche! Quoi, sire? NANTILDE. DAGOBERT. Oui, son baiser, son baiser de la nuit... C'en est fait!... Pour toujours, la reine me poursuit! NANTILDE. Il m'aime!... Cette fois, je suis sûre qu'il m'aime... DAGOBERT. Son souvenir demeure en moi, malgré moi-même! Un instant, près de toi, mon chagrin s'allégea. Je me croyais sauvé, tu me plaisais déjà, Et voilà, tout à coup, tant cet amour m'obsède. Que jusque dans tes bras la reine me possède. Brusquement, à Nantilde, Mais je veux me guérir, il le faut... je le dois... D'abord, que je t'embrasse une seconde fois... J'ai pu me tromper. NANTILDE, à part. Non.

Il8 LE BON ROI DAGOBERT DAGOBERT, uprès avoir de nouveau embrassé Nantiîde, C'est son baiser! Encore! Je n'en puis plus douter... Faut-il que je Tadore! C'est son baiser! C'est son baiser!... Mais je la tiens. Qu'importent, après tout, ses baisers? J'ai les tiens, Les mêmes... NANTILDE. Il ne croit vraiment pas si bien dire. DAGOBERT. Tâche qu'ils me soient doux. NANTILDE, sourîant. Oui, je tâcherai, sire. DAGOBERT. Pourquoi n'es-tu pas elle?... Au moins, je puis te voir. Je suis sûr que, la nuit, la reine doit avoir Dans l'ombre où nous contraint cet absurde présage, Cette même douceur grave de ton visage, Cette même clarté qui passe dans tes yeux. NANTILDE. Il vous plaît, mon visage? DAGOBERT. Il est délicieux! Rien qu'à le regarder, mon cœur se rassérène...

ACTE II, SCÈNE X 119 N A N T I L D E , votiîant S6 dégager. Sire... Voici la reine... DAGOBERT, ïu retenant. Eh bien, voici la reine... Entrez, Madame, entrez!... Vous arrivez à point...

I20 LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE XI LA REINE, DAGOBERT, NANTILDE. LA REINE. Nantilde dans vos bras! DAGOBERT. Vous ne me gênez point. Je ne suis pas de ceux qu'intimide leur joie... Moi, quand je suis content, j'aime que l'on me voie! Vous m'avez repoussé, je me console donc... LA REINE. Un tel manque d'égards! Chez moi! DAGOBERT. C'est vrai! Pardon. A Nantilde. Viens, petite! A la reine. Pardon!

ACTE II, SCÈNE XI 121 LA REINE, sèchement, à Nantilde, Non, reste. DAGOBERT, d'obord interloqué, se ressaisissant. Douce femme! NANTILDE, à Dûgohert. Laissez-moi, sire. DAGOBERT. Soit!... Je m'incline. Madame... A la reine. Mais je la reverrai...

122 LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE XII LA REINE, NANTILDE. LA REINE, violemment, à Nantilde . . Ta ruse a réussi A ce que Dagobert t'aime le jour aussi! NANTILDE. Mais, Madame, le roi ne m'a pas reconnue! Il m'a prise au hasard, la première venue. Pour se guérir de vous. Madame... LA REINE. Assez! Tais-toi! Le roi n'a pas besoin de se guérir de moi! S'il m'aime, ce n'est pas ma faute, c'est la tienne! Qu'est-ce que j'ai fait, moi, pour que je le retienne ? Est-ce moi qui, dans l'ombre ardente à le charmer,

ACTE II, SCÈNE XII 123 Ai fait naître en son cœur ce grand désir d'aimer? Est-ce moi, jusqu'à l'heure où l'aube est déjà claire, Est-ce moi qui chantais des chansons pour lui plaire, Et prolongeais la nuit, quand c'était ton devoir De le décourager et non de l'émouvoir? NANTILDE. Pouvais-je, dans ses bras, me cacher d'être heureuse? LA REINE. C'est d'une remplaçante, et non d'une amoureuse Que nous avions besoin, la nuit, auprès du roi!... Car tu n'étais pas toi, puisque toi, c'était moi! Et voilà qu'à présent ton amour déchaînée N'attendrait même plus la fin de la journée! Au lieu de t'effacer, dès que le jour a lui, Ta robe est toujours là qui tourne autour de lui! Mais, Madame... NANTILDE. LA REINE. Tais-toi ! NANTILDE. Je vous jure... LA REINE. Silence! Te faire aimer du roi, le jour! (Quelle insolence!

124 LE BON ROI DAGOBERT NANTILDE. Mais, Madame, pourquoi me reprocher?... Pourquoi? Que vous importe, à vous, qui n'aimez pas le roi? LA REINE. Non, je ne l'aime pas... Mais cela me regarde! La nuit, le jour, c'est trop!... J'entre ici, par mégarde, Et je trouve le roi dans tes bras roucoulant! A peine s'il me jette un regard insolent! Au lieu de se confondre, il rit de ma surprise. Je veux bien mépriser, mais non qu'on me méprise. Toute cette aventure a trop duré, d'ailleurs... Paraissent Odoric et Eloi, Approchez, approchez, messieurs les conseilleurs!

ACTE II, SCÈNE XIII I2f SCÈNE XIII ODORIC, ÉLOI, LA REINE, NANTILDE. ELOI et ODORIC. Madame, qu'avez-vous? Qu'est-ce qu'elle a? NANTILDE. J'ignore. LA REINE. J'ai que... j'ai que... j'en ai la voix qui tremble encore. Je viens de la surprendre aux bras du roi. ÉLOI. Fort bien!... Preuve que nos efforts n'ont pas été pour rien! ODORIC. Nous venions vous le dire, ici, pleins d'allégresse. Le roi vous répudie et prend une maîtresse!

126 LE BON ROI DAGOBERT ÉLOI. Mais, afin d'éviter la guerre et tous ses maux, Il vous répudiera dans les délais normaux... C'est-à-dire, à peu près la fin de la semaine. ODORIC. Huit jours ! Plus que huit jours, et puis je vous remmène ! Et, dans deux ou trois mois, remerciez le ciel, Nous rejoignons, tous deux, votre cousin... LA REINE. Lequel? ODORIC. Comment, lequel? Votre cousin... Mais il me semble... LA REINE. Je vous dis que je viens de les trouver ensemble... Je ne veux pas, le jour! C'est mal, ce qu'elle a fait! ÉLOI. Puisque vous n'aimez pas Dagobert... LA REINE. En effet... Mais est-ce une raison pour que je me résigne. Devant toute la cour, à cette chose indigne. D'accepter que le roi me trompe après deux nuits... ÉLOI. Vous n'êtes pas trompée...

ACTE II, SCÈNE XIII 127 LA REINE. Il croit que je le suis. Même pour lui, d'ailleurs, à la fin je m'irrite, D'avoir favorisé votre ruse hypocrite... Comment? ÉLOI. NANTILDE. Que disent-ils? ODORIC. Mais, Madame... A Éîoi, en levant les bras. On s'y perd ! LA REINE. Puisque vous m'imposiez pour époux Dagobert, Il fallait mé donner à lui malgré moi-même, Et j'ai honte, à présent, de votre stratagème. Quoi? ÉLOI. LA REINE. Vous avez été deux fourbes... Mais j'entends Que le roi Dagobert ne soit pas plus longtemps La dupe d'un amour coupable... Je suis lasse! J'aimerais encor mieux, ce soir, prendre ma place...

128 LE BON ROI DAGOBERT NANTILDE. Votre place! ÉLOI et ODORIC. Hein? LA REINE. Oui, oui, ma place ! NANTILDE. Oubliez tous Que Dagobert mourra s'il devient votre époux. Un horrible présage est sur cette demeure... Madame, par pitié, voulez-vous donc qu'il meure! ÉLOI. Mais il ne mourra pas! Ne crains rien... Dieu merci, Le présage était faux et la sorcière aussi. NANTILDE. Mais si le roi pouvait vous épouser sans crainte. Madame, alors, pourquoi m'avoir ainsi contrainte? LA REINE. J'avais un autre amour... Je détestais le roi. Il fallait l'épouser pourtant, tu l'aimais, toi. Seule, dans ce palais, tu croyais au présage, Éloi s'est avisé, soudain, d'en faire usage, ÉLOI. En effet...

ACTE II, SCÈNE XIII 129 NANTILDE. Je comprends... Ne me dites plus rien. LA REINE. Je sauvais mon amour... NANTILDE. En profanant le mien. Je comprends... Le présage était sans maléfice... ÉLOI5 à Nantilde, Enfin, que fallait-il cependant que je fisse? NANTILDE. Je n'étais qu'un jouet... LA REINE. vite, messire Éloi, Qu'on aille me chercher Sa Majesté le roi... Odoric sort, NANTILDE, en SB suiivant. Le roi ! je ne veux pas le voir. Elle sort.

LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE XIV LA REINE, ÉLOI. LA REINE, À ÉÎOÎ, Je suis sa femme, Je veux l'aimer, je veux qu'il m'aime. ÉLOI. Vous, Madame! LA REINE. Oui, moi... C'est mon mari! L'aimer est mon devoir, Et je viens, tout à coup, de m'en apercevoir... ÉLOI. Alors, votre cousin? LA REINE. Rêve de jeune fille.

ACTE II, SCÈNE XIV I^ I ODORIC. Un tel amour, pourtant? LA REINE. Sentiment de famille Où je ne me sens plus le droit de m'attarder. D'ailleurs, c'était à lui de savoir me garder. ÉLOI. Ah! j'aurais tout prévu, sauf la reine amoureuse. Paraît Dagdbert, suivi d'Odoric,

LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE XV LA REINE, DAGOBERT, ODORIC, ÉLOI. LA REINE. Sire, sire, je suis heureuse, bien heureuse! Comment!... DAGOBERT. LA REINE. J'avais au cœur un démon malfaisant. C'est fini, vous verrez, je vous aime à présent... Et je ne serai plus fantasque ni méchante. Pardonnez-moi. ÉLOi, à Odoric, Pauvre petite! Elle est touchante. LA REINE. Vous verrez, vous verrez, sire! Je vous promets

ACTE II, SCÈNE XV D'être soumise et douce et tendre désormais... Je veux être une reine, une épouse modèle. Mais vous, jusqu'à ce soir, il faut m'être fidèle... Il faut m'aimer toujours, sire... Jurez-le moi... Je vous aime... Ohl je suis heureuse!... DAGOBERT, SîirprtS. Que d'émoi ! ÉLOi, à Odoric. Je vous l'avais bien dit, mon cher, que tout s'arrange. DAGOBERT, quand la reine est dans ses Iras, Décidément, la reine est une femme étrange. %IDEA 17.



ACTE III La scène représente une chambre de repos par où l'on accède directe- Ament à la chambre à coucher de la reine. droite, au fond, porte Ade communication entre le palais et l'appartement de la reine. gauche, une grande fenêtre avec des rideaux. Au fond, à gauche, une porte ouverte sur la chambre qu'on aperçoit un peu. Des suivantes vont et viennent entre les deux pièces. SCÈNE PREMIERE Suivantes, Dames d'Honneur, une Intendante. l'intendante, aux suivantes. Vite, dépêchons-nous... Il faut que rien ne cloche... Gare à vous, si messire Éloi fait un reproche.

LE BON ROI DAGOBERT DEUXIÈME DAME HO NEUd' N Ky à line atitr6 à qiii elle vient de dérober une fleur. Kiss! L'aura! L'aura pas... Elles se poursuivent. l'intendante. Voyons, pas tant de bruit! A une autre qui apporte des tranches fleuries. On ne met pas de fleurs dans les chambres, la nuit. PREMIÈRE DAME d'hONNEUR. Elles sentent si bon. D'autres Vapprouvent, l'intendante. Petites malheureuses. Les fleurs qui sentent bon sont les plus dangereuses! Je les emporte. L'Intendante s'en va, première DAME d' HONNEUR, au premier plan, à une autre. Alors, le roi? Ce soir encor? DEUXIÈME DAME d'hONNEUR. Jamais Leurs Majestés n'ont paru mieux d'accord. PREMIÈRE DAME d'hONNEUR. C'est incroyable, après une scène pareille!

ACTE SCÈNE I TROISIÈME DAME d'hONNEUR. Ils se diront des mots plus tendres à l'oreille. PREMIÈRE DAME d'hONNEUR. Le roi deviendrait-il fidèle, tout de bon? deuxième dame d'honneur. Ce n'est plus Dagobert, s'il n'est plus vagabond! Trois soirs, pourtant ! ... Il faut qu'il soit amoureux d'elle ! PREMIÈRE DAME d'hONNEUR. On va bien s'ennuyer avec un roi fidèle, l'intendante, revenant. Parfait!... Messire Éloi peut venir à présent. Il ne trouvera rien à dire... 12.

n8 LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE II Les Mêmes, ÉLOI. ÉLOI. Allez-vous-en! Uintendante sort, PREMIÈRE DAME d'hONNEUR. Messire Éloi, c'est vrai que le roi se fait sage? TROISIÈME DAME d'hONNEUR. Il ne nous prendra plus des baisers au passage? DEUXIÈME DAME d'hONNEUR. Dagobert, devenu Thomme d'un seul bonheur, Nous laissera vieillir demoiselles d'honneur? ÉLOI. Mais vous les entendez... Silence, je vous prie, Car j'ai honte pour vous, de votre effronterie!

ACTE III, SCÈNE II Oser de tels regrets!... Ici!... Même tout bas! Et, d'abord, tout cela ne vous regarde pas... PREMIÈRE DAME d'hONNEUR. Il était si gentil! TROISIÈME DAME d'hONNEUR. Si bon! DEUXIÈME DAME d'hONNEUR. Si gai! TROISIÈME DAME d'hONNEUR. Si tendre! PREMIÈRE DAME d'hONNEUR. Chacune avait son tour, il suffisait d'attendre. DEUXIÈME DAME d'hONNEUR. Si le roi, désormais, n'est plus à nos genoux. Qui cela peut-il bien regarder plus que nous? ÉLOi, les renvoyant Vune après Vautre, Sortez... sortez... sortez...

I40 LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE III ÉLOI, ODORIC. ODORIC. Ici, le respect manque. ÉLOI. Vous excusez leur attitude? ODORIC. Elle est très franque. ÉLOI. Eh bien! que dites-vous de l'heureux dénoûment? Votre reine et mon roi s'adorent! C'est charmant! Voilà notre charrette enfin désembourbée! N'avais-je pas raison? ODORIC. J'en reste bouche bée.

ACTE III, SCÈNE III 141 Un dénoûment si beau me prend au dépourvu! Quel homme! car vraiment vous avez tout prévu. ÉLOI. Oh! j'ai prévu surtout les choses... à mesure. N'importe! Soyons gais! puisque le ciel s'azure!... Ah! prévoir!... A quoi bon?... Ministres étourdis, Pour détruire du coup nos plans les mieux ourdis 11 suffit quelquefois d'une insignifiance!... Tout ce qu'on peut, mon cher, c'est d'avoir confiance. // va vers la fenêtre. Inutile, ce soir, d'épingler le rideau, C'est la reine, à présent, qui fait ici dodo. Avec un peu de tristesse. Pauvre Nantilde!... Enfin!... ODORIC. Je ne peux pas y croire! mêmeMais, si distrait qu'il soit, dans la nuit noire, Quand il approchera de la reine, aujourd'hui, Dagobert verra bien qu'on s'est moqué de lui... Celle qu'après deux nuits, à l'aube, il a laissée, Est femme, et ne peut plus être une fiancée! ÉLOI. Évidemment.

142 LE BON ROI DAGOBERT ODORIC. Alors, que va dire le roi? Ce qu'il voudra. ÉLOI. ODORIC. Pourtant... ÉLOI. Est-ce ma faute, à moi? Quel esprit inquiet qui toujours se torture! Nous voilà maintenant sortis de l'aventure! Trop tard pour être pris! Le reste m'est égal!... Tant pis si Dagobert, tendrement conjugal. Reconnaît mal, ce soir, l'épouse de la veille! Je ne me charge pas d'expliquer la merveille!... Qu'il aille, s'il lui plaît, se plaindre à Swintila! Hidelswinte est sa femme : il doit l'avoir, il l'a! ODORIC. Sans doute, mais... ÉLOI. —Oh! vous! Silence, Jérémie! Montrez donc au bonheur une figure amie. Vous l'effaroucheriez avec votre air fatal. Et puisque tout est bien qui pouvait finir mal.

ACTE III, SCÈNE III Demain, sitôt le jour levé sur la campagne, Prenez-moi doucement le chemin de l'Espagne, Tandis que vous suivront, avec de joyeux chants, Cent mille deniers d'or sonnants et trébuchants... La reine apparaît, accompagnée de Bertrude, Chut!.,. La reine!

144 LE BON ROI DAGOBERT SCÈNE IV ELOI, ODORIC, LA REINE, BERTRUDE. LA REINE, à Bertriide, en renvoyant les antres femmes. J'ai peur! ÉLOi, à Odoric. Elle est bien plus jolie Avec ses yeux de crainte et de mélancolie!... LA REINE, s'appnyant sur Bertnide, Le cœur me bat si fort, j'ai cru qu'il se romprait! Madame... y la soutenant. ÉLOI. Excusez-nous, Madame... Tout est prêt... C'était notre devoir de nous en rendre compte.

ACTE IIK SCENE IV LA REINE. Sans doute... A Bertrude. Leurs regards me font mourir de honte. ODORIC3 s' approchant. Je demande pardon à Votre Majesté, Mais je repars demain, dès l'aube. ÉLOI5 avec ironie. En vérité ! Si vite ! LA REINE. ODORIC. Oui, maintenant que tout va bien, j'ai hâte De rassurer mon maître. ÉLOi, à r oreille d'Odoric. Et peur que tout se gâte. Hein? ODORIC. ÉLOI. Petit méfiant qui brusque son départ ! ODORIC. Que dois-je dire au roi Swintila, de la part De Votre Majesté? 13

146 LE BON ROI DAGOBERT LA REINE, lin peu gênée . Dites-lui que j'espère Être heureuse en suivant ses volontés de père... Que j'ai fait mon devoir et que je l'aime bien... Et puis dites encore à... Non, ne dites rien... Odoric s'incline, lui haise la main et sort, ÉLOI5 à part. Pauvre petite! Enfin! Je n'ai guère eu d'amantes... Mais depuis quelque temps les femmes sont charmantes. Au moment où il va se retirer, la reine V arrête.


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