La Guerre totale, par Léon Daudet

CONCLUSION. 2/17 et d'un Trotsky. A la f'aveur du grand dforan- lement nerveux que determine une guerre fati- gante et prolongee, les entreprises an appa- rence les plus folles, soutenues par Tor et le gout du crime, deviennent possibles. II ne faut hausser les epaules devant aucune tenta- tive allemande. Demontezplut6t avec precau- tion la machine infernale, afin de voir ce qu'il y avail dedans. Au cours de cette etude, j'ai fait allusion plusieurs fois a la Gazette des Ardennes, journal allemand de langue francaise, paraissant a Charleville pendant 1'occupation. Elle est en effet extremement significative, comme modele de ce que comptaient realiser les Allemands a la fois dans les pays envahis et dans les pays a envahir. Le ton ici est palelin et cauteleux, parce quelafeuille s'adresse a des bourgeois, et non plus au monde du proletariat ou a ce que le ministre Malvy croit etre le monde du prole- tariat. En realite, le Bonnet Rouge recrutait surtout sa clientele parmi les meteques, les souteneurs, certains salonnards fiers de s'en- canailleret les philoboches de lafinance. Nean- moins on le criait et on le vendait a la porte des usines, aux portes de Paris a Fheure du retour en banlieue. G'est pour cette raison

3/l8 LA GUERRE TOTALE. qu'iletait journal du soir. II avail une clientele ignoble, mais reelle. Ses tapageuses affiches recouvraient les murs. Ses redacteurs (Alme- reyda et Landau roulant sur Tor a part) etaient fort bien payes. Germania avait fait les chose s largement et elle pouvait constater chaque jour qu'on lui en donnait pour son argent. Onpeut se demander ce que scrait devenu, avec le temps, le Journal, entre les mains de Desouches et de Bolo, reconcilies et reunis. Un organe d'informations tendancieuses, vrai- semblablement. Ici, vu I'immensitedu public, le bureau allemand occulte, qui fournit les themes de trahison, aurait proc^de avec plus de doigte. II aurait conserve, a la feuille a grand tirage choisie, un certain vernis patrio- tique, interrompu ici et Ik de bochismes ca- racterises. Plusieurscombinaisonsapparaissent comme possibles : il y a celledu chauvinismc claironnant qui, un beau matin, a un tournant critique, declare qu'il n'y a decidement rien a faire et que les sacrifices sont inutiles. II y a celle du souriant scepticisme, qui coupe un a un tous les bourgeons de 1'esperance et qui forge, sous les especes de 1'ironie, une realite de navrement. L'habitude de triturer les

CONCLUSION. 249 agences et de truquer les nouvelles, discretes outapageuses, adonne a 1'ennemi unecertaine dexterite dans ce genre. Neanmoins sa marque de fabrique se reconnait assez facilement. II nous aurait fallu, desle debut de la guerre, un bureau de la presse autrement constitue que celui que nous possedions et dont je n'en- tends point diminuer les services ni les me- rites. Ge bureau, en relations avec celui des renseignements militaires et civils, aurait eu comme mission de surveiller, dans les feuilles quotidiennes ou periodiques, les infiltrations et les suggestions allemandes. II cut ete moins passif et plus entreprenant. Ainsi aurait ete denonce rapidement le role d'un Guilbeaux ou d'un Routier. Ainsi aurait ete etabli un barrage contre le defaitisme imprime, si redoutable a mesure que la guerre se pro- longeait. C'est une erreur assez repandue, no- tamment chez les republicans, de considerer la liberte de la presse comme 1'arche sainte, meme en temps de guerre, et de ne pas peser les consequences d'un article deprimant ou mensonger, a telle heure critique. Le talent special d'uri Duval n'est pas necessaire. Un scribe bien style peut ruiner, en une colonne de papier, le travail de plusieurs mois, avertir

200 LA GUERRE TOTALE. discretement, sans en avoir 1'air, 1'adversaire de ce qui sc prepare centre lui, bruler une bonne piste. Les braves gens ont une repu- gnance singuliere a voir le mal la ou il est. Une certaine iriertie, naturelle a 1'homme de bien timide, lui fait preferer le pas tant que ca . Mais ce type-la est un coquin. Vous voyez bien a quoi tend son papier. Pas tant que ca. Mais il fait le jeu des Boches, c'est evident. Pas tant que ca. Un proverbe dit qu'avec les si on met- trait Paris en carafe. Avec les pas tant que ca , on laisse opercr les incendiaires et les assassins. Car I'assassinat du moral existe. 11 coopere, je le re\"pete une derniere fois, aux operations militaires . Almereyda, Guilbeaux, Routier viennent puissamment en aide a Hindenburg et a Ludendorff. Us ont leur petite table au grand fitat-Major. Devant le champ convert des cadavres de leurs concitoyens, ils peuvent dire, sans fausse modestie : J'en e\"tais. J'ai contrebattu cette offensive nouvclle, dans I'Action Frangaise, tant que j'ai pu. Mais 1'Etat francais, pendant trois ans de guerre, m'a laisse la combattre presque seul. II eut du, avec ma cooperation, r6aliser le nettoyage de

CONCLUSIO N. a5i 1'arriere en six mois. Ge n'est qu'en juil- let 1917 que nous sommes entres dans la guerre totale. II importe maintenant de mettre les bouchees doubles et de developper le succes. 1918. FIN



TABLE DES MATIERES CHAPITRE PREMIER. Page, guerre totale Ce qu'il faut entendre par 7 CHAPITRE II. Ou'est-ce qu'un emboche?. . . 20 CHAPITRE III. La Dissociation inteYieure. . . 38 CHAPITRE IV. Deux tendances contraires. . . 58 CHAPITRE V. Ce qu'etait le Bonnet Rouge . 81 Almereyda et ses compagnons n4 CHAPITHE VI. Le Bonnet Rouge et 1'or allemand i43 170 ...CHAPITRE VII. Ce qui menacait le pays 199 227 CHAPITRE VIII. Ce qui menacaitle pays (suite}. CHAPITRE IX. L'assautau moral francais. . . CHAPITRE X. Comment tout fut decouvert . . CONCLUSION 243

ACHEVE D'IMPRIMER LE 3o AVRIL igi8 POUR LA NOUVELLE LIBRAIRIE NATIONALS PAR PHILIPPE RENOUARD 19, rue des Saints -Peres PARIS

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LA GUERRE TOTALK par Lfio>- DAUDET \\\\ii- nn tableau <]< l'oVL.,Mii>:ilinn dn d.'-i'ii- tisme en France que seul Leon Kindot pou- vail div-sor, re prand on xr.iire donno 1 (options de raulenr Mir la n<: < v>silo do mo- nor la i;ucrr.' dans Irtus li < doin iino>-. Un vol. In-i6 de 3no pages. Prix mnj(>ri- 554 I r. DKSCARTES par Loris DIMIER Got ouvrage rassemble la biographic ct 1'ana- lyso que les raros ouvrapos iVrits sur ce siijrt not maintonu^s jjjsquVi ^-|vtr,'os. Ton) lo syslomc du philosophc s'y trouve, on momo temps que toute son exls I'n vol. in-i6 de 3io pages (3* rnillt-V Prir mujnrf 4 !r 55 L'AVEMR DE LA RACE par A.-L. GALEOT rludo ,Tilii[, Jf. no so conlento im? d'tHa- lor dcs Btatlgtiques roinpaivos.... Ellc ontn t dans Io mnl ]>r.nr lo yn.'iir. (La Croiz). 3 frix major* 4 f, 55 (a mille)

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