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La vertite selon Charlotte - Catherine Salomoni - PREVIEW

Published by contact, 2015-07-28 17:51:57

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Catherine SalomoniLa vérité selon Charlotte Take Your Chance

© Take Your Chance – Pau 2015 – ISBN 978-2-37351-010-2Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction, même partielle, par tousprocédés en tous pays, faite sans autorisation préalable est illicite et exposerait lecontrevenant à des poursuites judiciaires. Réf. : loi du 11 mars 1957, alinéas 2 et 3 del’article 41.Une représentation ou reproduction sans autorisation de l’éditeur ou duCentre français d’exploitation du droit de copie (20 rue des Grands-Augustins, 75006Paris) constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Codepénal.

A Dominique



1 Le 29 juillet 2008 C’est l’étoile du souvenir qui guide mes pas, en ce moisde juillet 2008, vers ce petit village au cœur du Béarn, puis cehameau qui fut le théâtre protégé de mon enfance. Moi, c’estCharlotte, j’aurais dû m’appeler Brigitte, ainsi que mon père enavait décidé avec ma mère avant de se rendre à la mairie. Signeavant-coureur, s’il en est un, d’une vie de famille pour le moinsdifficile… Notre maison était, somme toute, plutôt banale. Seul ungrand jardin bordait un ruisseau, dernière frontière avantl’épaisse saligue broussailleuse. Au-delà, le bruit sourd du gavela rendait à la fois menaçante et intrigante. La règle n°1 était dene jamais s’aventurer seule au-delà du Canal du Moulin.Comme la plupart des enfants du lotissement, j’aimais y pêcherdes « pesquits », les rapportais en trophée pour ma mère, qui lesfaisait frire. Ma sœur Catherine, de deux ans mon aînée,préférait l’intimité de sa chambre ou bien les mathématiques. Nous menions donc une vie relativement tranquille.Maman était enseignante dans un lycée palois et mon pèreoccupait une fonction administrative au sein de l’EducationNationale. Pourtant, les choses avaient commencé à secompliquer lorsque mon père, à l’occasion de mes six ans, avaitdécidé de m’amener avec lui au bureau, afin – je le compris plustard – de me présenter à un trio de secrétaires plutôt troublantes,du nom de « Chouchou », « Joujou » et « Kinou ». Je revoisnettement la tapisserie de la cloison les séparant des visiteurs :une immense photo de paysage en noir et blanc, à la mode dans 1

les années soixante-dix. Leurs trois visages s’étaient alorspenchés sur moi tout sourire. Mon père était un très bel homme,dans le genre hidalgo, qui attirait le regard des femmes et avaittoujours le mot pour les séduire. Fils d’un émigré italien etd’une Aveyronnaise, décédés alors qu’il était encore enfant, ildevait sa présence à Pau à l’existence d’une tante qui l’y avaitrecueilli. Il était très sportif, passionné de football, et possédaitune série d’albums, soigneusement annotés, illustrant sesexploits au sein de plusieurs clubs de la région. Je lui vouaisdéjà une admiration sans bornes, tant pour ses qualitésfootballistiques que pour son sourire enjôleur, et pour le respectdont l’entouraient ses collègues. Il faut dire que la perfection deson français avait pour seule égale celle de la rangée de ses dentsde devant. Ma mère et lui s’étaient rencontrés à l’âge de dix-huitans, à la piscine du camping du Coy, tout près de chez nous, lieuqui me paraissait peu enchanteur, car pour ma part je ne l’avaisconnu qu’infesté de crapauds… Sûrement conquis par sapoitrine généreuse et son petit mètre cinquante-cinq, mon pèrelui avait fait une cour assidue, au grand dam de ses futurs beaux-parents. Ma mère était jeune, dotée d’une intelligencesupérieure… Qu’allait- elle donc s’amouracher de ce ritalcoléreux ? Mais c’était compter sans son farouche esprit decontradiction. Le modèle féminin était alors celui de la femme-enfant, incarné à merveille par Brigitte Bardot. Celui-ciconvenait parfaitement à ma mère, fille unique bercée parl’approbation inconditionnelle de ses parents âgés. Elle écoutadonc son cœur, céda à son désir d’évasion et se maria avec monpère. 2

Lui était encore surveillant d’internat au Lycée Louis Barthou,l’établissement même où elle débutait sa carrière de ProfesseurAgrégé de Mathématiques. Mon père se rappelait avec régal lesvexations infligées aux quelques cancres qui s’étaient fait unplaisir d’effaroucher leur jeune professeur. A la maison, l’ambiance était souvent tendue. Mon pèrelaissait régulièrement ma mère seule s’occuper de nous pourrejoindre ses copains « pions ». Il avait bien tenté d’apprendreà mettre une couche, mais celle-ci était redescendue aussi sec,ce qui l’avait dissuadé de jamais réessayer. Sa tante était unemaîtresse-femme et il gardait un mauvais souvenir de sa propremère, qui le battait souvent. Son épouse, quant à elle,s’appliquait à lui beurrer ses tartines tous les matins, et c’estainsi que le monde devait tourner. De cette période « tendre »de mon enfance j’ai conservé mes premiers ballons échangésdans le jardin, les histoires que ma mère nous contait sansrelâche, les jeux partagés avec les voisines, et les rencontresratées avec le Père Noël. La menace du martinet que mon pèrerangeait dans un placard de la cuisine lui conférait une autoritéredoutable. De même la serviette posée sur son épaule au coursdes repas, prête à me gifler si je ne terminais pas ma soupe. Lematin, ma mère travaillait et Tati, notre nounou, prenait saplace, comme elle toujours gaie et affectueuse. Elle me prenaitdans ses bras pour me faire danser et son visage fardé illuminaitle mien. 3

2 J’avais cinq ans lorsqu’eut lieu un événement qui devaitme marquer à vie. Nous étions parties entre filles, ma mère,Catherine et moi, à Bedous, profitant de la voiture d’un collèguedu lycée. C’est une bourgade de la vallée d’Aspe, et nous nousrendions au chalet de cet enseignant d’E.P.S. féru dephilosophie. Plusieurs couples d’amis y étaient réunis. Peut-êtremon père avait-il un match de foot à Escoubes ce jour-là? Parmiles enfants présents, j’étais la plus jeune, mais j’avais tenu à lessuivre partout en vue d’explorer une série de fermesavoisinantes. Vers la fin de l’après-midi, une envie pressante sefit sentir et nous choisîmes d’aller nous soulager à l’étage d’unedes granges. J’ôtais mes bretelles et baissai mon short, puis,lorsque l’affaire fut faite, m’appliquais à les remettre quand jefis un faux mouvement et tombai trois mètres plus bas dans unebouse de vache, me fracturant le poignet et la mâchoire. Alertéspar les cris des grands, les adultes accoururent, ouvrirent mabouche et constatèrent avec effroi qu’aucune de mes dents ne setrouvait à sa place. Je me rappelle l’angoisse du retour effrénévers la ville de Pau et le service des urgences de l’hôpital. Unappareil m’empêcha de desserrer les dents pendant un moisentier, ce qui explique peut-être pourquoi, à ce jour, j’ai une soifde parole intarissable. Seule consolation, le bandeau autour dema tête était le même que celui de Youpi, le chien de Caroline,un de mes albums de BD préférés ! Ma plus grande frustrationfut sans doute d’être privée d’école pendant quatre longuessemaines, et ma plus grande joie, de recevoir un cahier dedessins réalisés, rien que pour moi, par mes camarades declasse. 4

Cette expérience demeure, aujourd’hui encore, inscrite dans mamémoire, au même titre que l’inquiétude sur le visage de mamère, peut-être ma première perception de l’aspect tragique del’existence. 5

3 Juste avant d’emménager dans notre nouvelle maisonde Saint-Amand, je passai un été inoubliable, à bien des égards.Mes parents avaient opté pour une semaine de vacances enroulotte, au sud de la Bretagne, en compagnie de deux couplesd’amis. « Joujou » et « Kinou » étaient du voyage, emmenantavec elles leur famille. C’est ainsi que je fis la connaissanced’Arnaud Pontelin, qui habitait déjà notre futur lotissement etserait désormais mon fidèle compagnon de jeu. Nous avionstous les deux six ans et demi et serions dans la même classe à larentrée. Notre cheval s’appelait « Jojo », répondait à nos coupsde rênes avec obéissance et ne s’emballa qu’une fois,lorsqu’effrayé par un camion, il dévala une pente sous le regardterrorisé de nos parents arc-boutés sur le frein. Un soir, alors que ma sœur, Arnaud et moi étions censésdormir à l’arrière d’une des roulottes, Yvon, le père d’Arnaud,enregistra notre conversation et révéla ainsi au cercle desadultes qu’Arnaud m’avait « vu le cul-cul », m’avait « vu le cul-cul ! » Il fut si content de sa farce qu’il poursuivit son activitéclandestine jusque dans ses vieux jours, trompant ainsi lavigilance de ses amis. Par précaution, Arnaud n’eut jamais plusaccès à cette partie de mon intimité ! En revanche, nousdevînmes très complices et restèrent amis jusqu’à ce que ledestin professionnel de son père nous séparât. Mais, quand la« nostalgie de Saint-Amand » le reprend, il revient faire un tourdu côté de chez nous et n’a pas oublié son amie d’enfance. 6

4 Mes parents s’étaient mariés le 23 aout 1960 et, troisans après, ma mère était déjà sujette à des crises d’asthme quemon père calmait d’une injection, adroitement administrée,souvent au beau milieu de la nuit. Quant à moi, je dormais auxcôtés de ma grande sœur, dans la chambre voisine. Toutes lesnuits, je faisais le même cauchemar : ma jambe droite glissaitdans un trou, au centre du lit, qui avait disparu au réveil.Curieusement, ces angoisses s’évanouirent, comme parenchantement, lorsque nous prîmes possession de notre villa destyle « Île-de-France », au mois de juillet 1972. Catherine héritade la plus grande pièce à l’étage, et moi de la plus petite,mansardée. Elle me convenait tout à fait et jouxtait la chambred’amis, que notre mère ferait bientôt sienne. En effet, mon pèreayant très mal au dos, nos parents avaient prétexté qu’uneplanche de bois, disposée sous le matelas de leur lit du rez-de-chaussée, était désormais indispensable à son bien-être, maiscontraire à celui de son épouse. Je me demandai alors pourquoicette planche ne pouvait être découpée en deux… Jusqu’au jour où « Chouchou », l’une des troissecrétaires de papa, emménagea avec Paul, son mari, dans l’unedes dix-sept maisons de notre hameau. J’avais alors sept ans etle destin de nos deux familles allait désormais être scellé,comme vous le comprendrez aisément. Elle se prénommait enréalité Francine : très belle femme, aux cheveux châtain et auxgrands yeux bleus, qu’elle plongeait inexorablement dans ceuxde mon père. Il ne sut y résister, et ma mère assista, impuissante,à la destruction de son mariage, déjà quelque peu ébranlé. 7

Cependant, ce fut pour elle l’occasion de rencontrerPaul. Jaloux, peut-être, que sa femme lui échappât, découvrantchez elle maintes connivences intellectuelles, il entreprît de lacourtiser. L’échange des couples fut consenti, sonnant le glasd’une relation conventionnelle. Les résidents du lotissement, M.Stromboli en tête, assistaient désormais à des chassés-croisésmatinaux, imposés aux seules femmes, bien entendu, les marisagissant en parfaits machos. Elles avaient l’une pour l’autre desparoles banales du style « bien dormi ? », puis regagnaient leurfoyer respectif. 8

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Mise en page et édition Take Your ChanceAchevé d’imprimer par : Books on Demand GmbHDépôt légal : juin 2015ISBN 978-2-37351-010-2

Tous mes remerciements à Corinne Lissalde pour sa relecture attentive.


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