les complaintes de lexile - Rodrigue Peguy Takou Ndie - PREVIEW

Rodrigue Péguy Takou NdieLes complaintes de l'exilé Take Your Chance

© Take Your Chance – Pau 2015 – ISBN 978-2-37351-007-2Toute représentation, traduction, adaptation ou reproduction, même partielle, par tousprocédés en tous pays, faite sans autorisation préalable est illicite et exposerait lecontrevenant à des poursuites judiciaires. Réf. : loi du 11 mars 1957, alinéas 2 et 3 del’article 41.Une représentation ou reproduction sans autorisation de l’éditeur ou duCentre français d’exploitation du droit de copie (20 rue des Grands-Augustins, 75006Paris) constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Codepénal.

Du même auteur :  Les Retrouvailles, éditions L’Harmattan

Àtoi mon pays...

Quand je vous parle de moi, je vous parle de vous.Comment ne le sentez-vous pas ? Ah ! Insensé, qui croisque je ne suis pas toi ! Victor Hugo



Première complainte : je suis un demandeur d'asileJe suis un réfugiéJe suis un demandeur d’asileJe suis un homme qui vit la main tendueJe suis en quête de paix et de tranquillitéEn quête de quiétude et de mobilitéJe suis un être qui demande à être hommeCar certains ont oublié que j’en suis unIls m’ont regardé de traversIls m'ont pris pour un verParce que je suis telle une ombreAu cœur d'un faisceau de lumièreQui quémande seconde après seconde son humanitéDans cette Europe dont on dit gardienne des libertésOui, ils m'ont regardé comme un furoncleParce que je viens de loinParce que j’espère sur cette terre nouvelleUn départ nouveau, sans crainte pour ma vieParce qu’en ce lieu, je veux marcher libreJe suis un homme qui demandeQui supplie les dieux de ne pas l’oublierJe suis un homme qui recherche l’intégrationUne intégration sans conditionsDans ce pays bourreau des demandeurs d'asileQui aspirent à une vie paisibleDans ce pays tortionnaire des réfugiésGuillotineur des migrants... 1

Deuxième complainte : Pourquoi ai-je fui ?Je suis ici parce que j'ai fui,Oui, j’ai fuiJ’ai fui ceux qui en voulaient à ma vieJ’ai fui ceux qui voulaient me briser les jambesEt me forcer à demeurer pour toujoursSur des chaises roulantes, à l'état végétatifJ’ai fui ceux que ma présence mettait mal à l’aiseQue mon regard enrageaitJ’ai fui ceux qui étouffaient les paroles dans mon cœurJ’ai fui ceux qui me forçaient à demeurer inactifCar je me suis réveillé de mon long soliloqueJe me suis éveillé de ma méditationMême si des gens me forçaient à demeurer dans le comaJ’ai fui le tribalisme, ce goulot qui étrangle notre sociétéEn serrant de toutes ses forces, le cou du peuple affamé 2

J’ai fui ceux-là qui me poussaient à l'écart de toutParce que je suis issu d'une autre tribuParce que je parle une langue qui leur est étrangèreParce que je prie un dieu différent du leurJ’ai fui ceux qui m’en voulaient parce que je parleCeux qui m’interdisaient d’écrire et de direJ’ai pris de multiples cheminsContourné les dangersJ’ai pris la merLe volLa routeJ’ai pris les chemins de ferJ'ai affronté les vagues dangereuses,Vaincu les intempériesJe suis enfin ici,Là, en demandeurJe frappe de toutes mes forces aux portes de l'AllemagneJe tambourine de toutes mes capacités aux portes de l'UnionSuppliant de ma voix puissante qu'elle m'ouvre ses portesMais elle tire le battant qui me pince les doigtsEt une grosse chaîne me barre l'entrée... 3

Troisième complainte : ces choses qui me manquentMon chez-moi me manqueMon pays me manqueAvec les bruits de ses marchésPlus précis que le chant matinal du coqAvec les vrombissements de ses motos-taxisPilotées par les jeunes sans permisAvec le craquement des pousse-pousse vétustesQue halent depuis vingt ans de vieux retraitésOui, mon pays me manqueAvec sa poussière, artiste incomparableQui peint de main de maîtreChaque trait de l'environnementJe suis privé des mares d'eau salesQui servent à nettoyer les voituresJe suis privé de ces enfants sans culottesQui courent les rues à la recherche d'emploiJe suis privé des marchandisesQue l'on expose, vend, partage et mange avec les mouchesJe ne peux plus voir la rivière colonisée par les alguesOù les poissons et les bouteilles communient ensembleJe ne peux plus entendre le sifflet du policierQui partage avec le voleur l'argent qu'il dérobe au pauvreJe suis si loin de ma terre chérieMais chaque jour, je pense à elle 4

Je suis si loin d’elle et je me meursHélas, je ne peux rentrer, sinon ils me tuerontMa vie est désormais posée sur un fil de nylon,Suspendu au-dessus d'un abîmeEt la lame tranchante qui descend sans arrêt vers moiEst tenue avec deux doigts par mes ennemisJe lève les yeux et j'aperçois dans mon ciel obscurLe visage ensanglanté du RDPC1Qui approche près de mon fragile supportLe feu2 de l’abîme qu'il héberge entre ses mains salesCe feu grâce auquel il brûle les espoirs des jeunesMuselés, bridés, jugulés, garrottés jusqu'aux osEspoirs rassemblés avec frénésieDans la petite marmite que les doigts du RDPCAvec puissance maintiennent depuis des générationsSur la flamme du pouvoir qui consume les hommes sans rienSur la flamme du pouvoir qui consume femmes et enfantsSur la flamme vampire qui se nourrit du sang du peupleLivré à la fournaise ardente du parti du feu ...1RDPC : Rassemblement Démocratique du peuple Camerounais, partie du Président Paul Biya au pouvoir au Cameroun depuis 1982.2Le logo du RDPC est une flamme encadrée par deux mains 5

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Mise en page et édition Take Your ChanceAchevé d’imprimer par : I.C.N SARL, Orthez – FranceDépôt légal : mars 2015ISBN 978-2-37351-007-2