Mireille Ballestrazzi A la tête d’InterpolMARGARETA WAHLSTRÖM Plans d’urgence anti cataclysmes KIMBERLY TAYLOR Au cœur des dérivés mondiaux SUSAN GREENFIELD Digitalisation et prise de risque SHIRIN NESHAT Quand l’art affronte les interdits SUPPLÉMENT DÉCEMBRE 2013 NUMÉRO 3
BOUTIQUE GENEVE Big Bang Fluo. 78 rue du Rhône / 3 rue Céard Chronographe serti de 430 diamants noirs, équivalents à 2,3 carats, et 36 saphirs roses. Index rose fluo. Bracelet caoutchouc et python. Série limitée à 250 pièces. UXJUUFSDPNIVCMPUt facebook.com/hublot
EDITORisque global,de la perceptionà la réalité PAR NICOLETTE DE JONCAIRE que la ceinture de sécurité est entrée dans les RÉDACTRICE EN CHEF mœurs et que le tabac en est sorti. Mais le risque n’est pas seulement affaire deJ amais n’avons-nous autant entendu perception. Le risque global, lui, est une réalité parler de risque – et plus encore de née de la technologie et de l’intensification des risque global. Réservée aux mathéma- échanges mondiaux. En 2011, une partie des chaînes de montage de PSA Peugeot-Citroën ticiens, aux financiers et aux assu- s’interrompait, faute d’un composant électro- nique essentiel produit dans une usine japonaisereurs, la notion de risque a envahi, depuis 2008, détruite par le tsunami. Il ne s’agit plus de théo- rie du chaos mais de vie quotidienne.le discours public, les médias et les conversa- Menaces terroristes, criminalité et cybercrimina- lité, risque systémique financier, catastrophestions les plus banales. Qui n’a entendu parler de naturelles, épidémies, ou réseaux sociaux, la technologie et la globalisation ont généré des«risque systémique» ou de «risque zéro»? risques inédits dont la nature et la portée dépas- sent les frontières et les protections tradition-Vivions-nous autrefois en parfaite sécurité ou, nelles mises en place par les états-nations, tant sur le plan juridique que policier, militaire, éco-comme Monsieur Jourdain, étions-nous exposés nomique ou social. C’est pourquoi nous consa- crons ce numéro au risque global et à l’action desans le savoir? La première hypothèse étant im- celles qui le préviennent et y remédient. Notre sécurité est toujours à la merci de l’impré-probable, il ne nous reste qu’à accepter la visible. Ou plus exactement de l’imprévu. Car en matière de risques, tout est affaire de prise deseconde. Notre conscience collective a intégré la conscience, d’identification puis d’évaluation et enfin de gestion. Comme vous le lirez, si, ni lespensée des assureurs. Car le risque se mesure crimes, ni les cataclysmes ne peuvent être éra- diqués, la prévention peut en réduire grandementen termes de statistiques et de coûts. C’est ainsi les effets. Encore faut-il savoir aborder notre en- vironnement d’une manière différente. L’appréciation du risque reste très subjective, tant au niveau individuel que collectif, et dépend largement de facteurs culturels et économiques. En Occident, nous vivons dans un espace réso- lument sécuritaire et peut-être faut-il rappeler que parler de risque ne signifie pas l’éviter à tout prix. Mais seulement l’affronter en connaissance de cause. — — WORK #03 — 3
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SOMMAIRE 03 NUMÉROSommaire 03 Edito IMPACT 10 Contributeurs BUSINESS 12 Dédain et discorde Egos surdimensionnés et crise financière 14 Mireille Ballestrazzi Quand le crime globalisé menace les états 18 Contre les cataclysmes Il nous faut planifier avec la nature 20 Maladies émergentes Une globalisation de l’inconscience 22 Cybercriminalité La guerre passe aussi par l'internet 24 Au cœur des dérivés mondiaux Gros plan sur l’économie globalisée 29 Au-delà des frontières L'assurance au cœur du risque global 32 Le partage de la valeur Une autre manière de réduire le risque PHOTO DE COUVERTURE Mireille Ballestrazzi, Présidente d’Interpol6 — WORK #03 —
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SOMMAIRE 35 Digitalisation et SOCIÉTÉ prise de risque Quand les jeux vidéo remodèlent le cerveau 38 S'exprimer en toute liberté Le freeride, un état d'esprit pas un sport 40 Evènements CWF, Ladies' Lunch, BWP, 100 Women in Hedge Funds, ONU Femmes, Dukascopy 41 Agenda 42 Mélancolie ou humour TENDANCES Quand l’art affronte les interdits 44 Livres Les Top de WORK 45 Design Under Pressure 46 Mode Le cuir apprivoisé 48 Beauté Reine des glaces ou au coin du feu8 — WORK #03 —
CONTRIBUTEURS Avec nous Solange Ghernaouti Philippa Malmgren est Anne-Hélène Decaux Margo de Croÿ est est professeure de l’Université co-fondatrice de Principalis et est historienne et historienne de passionnée d’histoire et a dé- l’art. Après avoir étudié à la Sor- buté sa carrière de journaliste de Lausanne. Experte conseille plusieurs fonds bonne et à UNSW à Sydney, elle à Paris en 2007 dans la sociétéinternationale, elle est membre d’investissement, caisses de rejoint l’agence culturelle du ré- pension et fonds souverains. seau Aga Khan de Développe- de production Ligne de de l’Académie suisse des Front pour laquelle ellesciences techniques, directrice Elle a été conseillère du ment. En 2007, elle sedu Swiss Cybersecurity Advisory Président des Etats-Unis et spécialise en art moderne et écrit et réalise de membre du Conseil économique contemporain et intègre le post- nombreux reportages et and Research Group national américain, vice-direc- graduate program de Christie’s documentaires télé. Elle (www.scarg.org). Elle est trice de la stratégie globale New York. Trois ans après, elle rejoint ensuite le servicel’auteure de nombreux ouvrages chez UBS et directrice des in- crée Anne-Hélène Decaux vidéo de l’Agence France et publications scientifiques et vestissements chez Bankers Conseils, agence de conseil en Presse (AFP) à Hong Kong où de vulgarisation dont «Cyber- Trust. Elle est membre du collection et événements cultu- elle est chargée des sujets depower: crime, conflict & security Groupe de travail du Ministère rels. Elle dirige la communica- société. Margo est diplômée in cyberspace» (EPFL Press de la Défense britannique sur tion d’ArtViatic, est rédactrice (licence d’histoire) de la2013), «La cybercriminalité : le les tendances stratégiques. en chef du blog News of the Art Sorbonne et du Centre de visible et l’invisible» (Le savoir Elle s’exprime régulièrement World et contribue à plusieurs Formation et de perfection- suisse, 2009). Elle fait partie nement des Journalistes de des 20 femmes qui font la sur CNBC, Bloomberg et magazines. la BBC. Paris (CFPJ). Suisse (Bilan 2012). Jean-Claude Galli est Grand Carol Labonte Holmes est une Laura Spinney est une reporter. Collaborateur des journaux passionnée de l’image journaliste scientifique d’origineFrance-Soir et le Figaro, c’est un spécialiste britannique, établie en Suisse des relations internationales et des depuis la petite enfance. A l’aide depuis 2009. Elle collabore à des questions de défense. Pendant les d’expositions multiples, sa série nombreuses revues (Nature, National Geo- guerres de l’ex-Yougoslavie, il était, à «Society» interprète de manière Belgrade, le correspondant permanent de graphic, The Economist etTF1, du Figaro et de RFI. Il a été également symbolique les évènements The Guardian, parmi d’autres). Elle correspondant de Radio France au siège politiques, économiques et religieux dont de l’ONU à New York. Il est l’auteur est l’auteur de deux romans en de l’ouvrage, Le Voleur de Guerres elle est témoin pour y refléter anglais, The Doctor (Methuen, 2001) (Flammarion, 2003). Juriste de formation, l’implication de chacun, avec une et The Quick (Fourth Estate, 2007). infinie poésie. Originaire de Caroline Jean-Claude est auditeur de du Nord, elle a suivi les cours de l’université Son troisième livre, Rue Centrale, l’Institut des hautes études de défense d’East Carolina à Greenville, études qu’elle a qui est un portrait humain d’une ville européenne, écrit en français, nationale (IHEDN). du abandonner au moment de la crise pour continuer a été publié par les Editions L’Age d’Homme. à se former en autodidacte. Editeur AGEFI SA rue de Genève 17, CH-1002 Lausanne, tél. 021 331 41 41, fax 021 331 41 10 / www.agefi.com, [email protected] • Direction: Olivier Bloch – [email protected] • Rédactrice en Chef: Nicolette de Joncaire - [email protected] • Rédactrice Beauté & Mode: Béatrice Fichot - [email protected] • Réalisation Maquette: Dominique Berthet - [email protected] • Publicité: Bastian Roncalli - [email protected] • Finance: Rolande Voisard - [email protected] • Marketing: Khadija Hemma - [email protected] • Backoffice & Abonnement: [email protected] • Impression: Kliemo Printing - www.kliemo.be • Parutions: 4 fois/an • Copyright © La rédaction décline toute responsabilité pour les manuscrits et photos qui lui sont envoyés directement. Les textes des journalistes hors de la rédaction ne peuvent engager la responsabilité du magazine. Toute reproduction, même partielle, des articles et illustrations publiés est interdite, sauf autorisation écrite de la rédaction. 021 331 41 1010 — W O R K # 0 3 — WORK #03 —
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IMPACTDédain etdiscordePAR PHILIPPA MALMGREN, CO-FONDATRICE DE PRINCIPALIS ET ANCIENNE CONSEILLÈRE DU PRÉSIDENT DES ETATS-UNISL es egos surdimensionnés règnent au sein du monde politique et sur les marchés financiers. Dans un dialogue entre hommes politiques et maîtres de la finance dominé par un mépris ré-ciproque et où nul ne semble accorder la moindre foi auxdires de l’autre, la discorde semble être devenue la règle.Elle est tout aussi présente entre pays développés etémergents ou entre élites politiques et opinion publique.La rupture du dialogue est au cœur du débat car l’absenced’écoute entre dirigeants politiques, marchés financiers etopinion publique est source de risques graves dont lesexemples se multiplient à l’échelle mondiale. EPREUVE DE FORCE SUR RUPTURE DU DIALOGUE LA DETTE AMÉRICAINE AVEC LES ÉMERGENTSRevenons sur les derniers trébuchements de la Réservefédérale américaine (Fed). Les marchés ont présumé l’im- Les dirigeants des économies émergentes sont conster-minence de la réduction de l’assouplissement monétaire, nés. La Réserve Fédérale continue d’affirmer que sa poli-les directeurs de la Fed nient l’avoir annoncée. Une rup- tique monétaire n’a aucune conséquence globale.ture totale. Pourquoi ce différend? Parce que les respon- Devrait-elle en avoir, cette même Fed soutient que les payssables politiques se refusent à renoncer au contrôle des émergents n’ont qu’à relever leurs taux d’intérêt et per-prix, au profit de marchés financiers dont l’inclination à se mettre à leur devise de s’apprécier pour modérer l’affluxgriser de leur pouvoir a déjà fait dérailler l’économie, au de capitaux. Les gouverneurs des banques centrales émer-détriment de tous. La Fed préfère de loin gérer les mar- gentes n’en croient plus leurs oreilles. Et se scandalisentchés en direct, avec ou sans assouplissement monétaire, que les Etats-Unis poursuivent une politique qui pousse, àafin de maintenir les taux d’intérêt à un niveau qu’elle juge la hausse, le prix des produits de base dans le reste duacceptable. Mais les hommes politiques américains sont monde. La vision chinoise est simple: en gonflant les prix,aussi prêts à laisser leur gouvernement s’auto-paralyser les Etats-Unis n’honorent pas leurs engagements. C’esten pleine négociation parce que les marchés financiers les ainsi qu’ils ont réglé le cas de la Révolution américaine,y autorisent ou même les y encouragent. Si la bourse de la guerre de Sécession ou de celle du Vietnam. Et c’ests’était effondrée avant ou au cours du bras de fer gouver- ainsi qu’ils entendent s’acquitter de leur endettement ac-nemental d’octobre dernier, soyez assurés qu’une solution tuel. Les pertes sur les bons du Trésor américains sontaurait promptement vu le jour. L’indifférence affichée par pourtant le cadet des soucis de la Chine. Ce qui lui faitles marchés financiers au cours du dernier épisode de la peur c’est l’inflation, et en premier lieu l’inflation alimen-lutte intestine entre les partis politiques américains laisseprésager un retour du scenario auquel nous venons d’as-sister.12 — W O R K # 0 3 —
IMPACT EXPERTS CHINOIS: IL FAUT RÉFORMER LE SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL POUR ÉVITER UNE CRISE MONDIALE «Depuis plusieurs décennies, le gouvernement fédéral américain dépend d’une politique d’endettement pour faire face aux déficits entre les dépenses et les re- cettes publiques qui se produisent presque chaque année», rappelait Li Changjiu, expert chinois des ques- tions économiques mondiales, avant d’ajouter qu’un tiers de la dette publique américaine, soit environ 5.600 milliards de dollars, est aux mains des pays créanciers étrangers. Parmi eux, la Chine, qui possède 1.280 milliards de dollars d’emprunts américains sous des formes diverses, soit 8% de la dette publique américaine, est le plus grand créancier externe des Etats-Unis… En vue d’éviter à l’avenir un nouveau risque de crise financière mondiale provoquée par la fluctuation de l’économie ou la situation fiscale des Etats-Unis, Shen Jiru, expert de l’Institut des études en économie et en politique mondiales de l’Académie chinoise des sciences sociales, a appelé à des ré- formes de fond des systèmes financiers et monétaires internationaux. «Le monde a besoin d’un système mo- nétaire plus équilibré, plus raisonnable et plus démo- cratique» souligne-t-il.taire. Car elle est invariablement source de désordres so- en Espagne, à la complète consternation des deux. Enciaux, comme on l’a vu au moment du Printemps arabe. outre, les Allemands s’imaginent faire preuve de généro-Les efforts que font les Etats-Unis pour provoquer ou en- sité en offrant aux états-membres de la zone euro un sta-courager cette inflation sont perçus par la Chine comme tut de Lander, au sein d’une véritable fédération. Mais ceun acte d’agression, destinés à la déstabiliser, au même statut signifierait le renoncement à la souveraineté fiscaletitre que les autres pays pauvres car, en définitive, les plus et l’adoption d’un Ministre des Affaires étrangères com-défavorisés sont invariablement touchés de plein fouet les mun – sans oublier celle d’un Ministre des Financespremiers. Comme le faisait dire Ian Fleming à Goldfinger: unique. Le reste de l’Europe s’en indigne. A leurs yeux,«La première fois, on peut parler de hasard. La seconde, l’Allemagne place la barre trop haute. Enfin, l’élite euro-de coïncidence. Mais à la troisième, il ne peut s’agir que péenne reste persuadée qu’une Fédération va dans le sensd’agression». du bien commun mais l’histoire démontre que les peuples ont immanquablement rejeté les défenseurs de cette vi- SCHISME ENTRE PEUPLES sion. Difficile d’aller plus loin dans la cassure entre élites ET ÉLITES POLITIQUES et peuples ou entre l’Allemagne et ses partenaires. Pen- dant ce temps, sans trop se préoccuper du gagnant, lesEn Europe, le contrat social entre l’Allemagne et ses ci- marchés financiers n’ont d’yeux que pour la Banque Cen-toyens exclut l’utilisation de l’inflation comme instrument trale Européenne, trop contents de ramasser l’argent gra-de résolution du problème de la dette. Par contre, ne pas tuit qu’elle continue à distribuer jusqu’à ce qu’une solutionen disposer de cette manière brise la convention tacite soit trouvée. Ce qui naturellement accroit la perspectiveentre citoyens et dirigeants de l’Europe périphérique. A de crises supplémentaires du secteur financier. —l’heure actuelle, l’inflation grimpe en Allemagne et chute— WORK #03 — 13
IMPACTMireille Ballestrazzi «Le crime globalisé menace la stabilité des Etats»L’arrivée de Mireille Ballestrazzi, il y a un an, à la tête d’Interpol correspond à untournant majeur pour la coopération policière internationale. Face à la globalisationdes activités criminelles et l’apparition de nouvelles menaces pour les individuscomme pour les Etats, les 190 pays membres d’Interpol ont décidé l’ouverture, en2014, du Complexe mondial Interpol pour l’innovation (CMII), un centreultra-moderne de recherche et de développement, basé à Singapour,dont la mission sera de former des policiers du monde entier à la lutte contrela criminalité numérique. Les prémices d’une police 3.0?PAR MARGO DE CROŸ ET JEAN-CLAUDE GALLI V ivons-nous dans un monde plus Le phénomène d’internationalisation de la crimi- dangereux qu’hier? nalité s’est amplifié. Aujourd’hui il ne concerne C’est difficile à dire. Il y a vingt ou plus comme autrefois les seuls pays développés. Il touche aussi ceux en voie de développement. trente ans, certains pays étaient bien Des Etats déjà déstabilisés par de graves diffi- cultés économiques ou/et démographiques et plus dangereux qu’ils ne le sont de nos jours. souvent livrés au terrorisme. En définitive, les principales organisations crimi- Cela étant dit, nous sommes à présent confron- nelles n’ont fait que s’accroître et de nouvelles tés à des dangerosités qui n’existaient pas alors.14 — W O R K # 0 3 —
IMPACTont vu le jour, notamment en Afrique et en Europe de l’Est. INTERPOL EN CHIFFRESLes trafics de drogue constituent désormais une puissancequi menace directement la stabilité des Etats. • 14 bases de données portant notamment sur les armes, les empreintes digitales ou les véhiculesComment le crime s’est-il mondialisé? volésLes réseaux criminels se sont démultipliés sous l’effet deplusieurs facteurs: la libération des échanges, l’instanta- • 48 millions de données disponiblesnéité des transferts financiers, la possibilité de se déplacer • 2,8 millions de recherches par jour dans les basesrapidement et, bien évidemment, le développement desnouvelles technologies, celles de la communication notam- de données dont la consultation débouche surment avec l’Internet. Nous vivons désormais dans un 27 arrestations quotidiennes en moyennemonde où l’éloignement ne constitue plus un obstacle ni • 170 découvertes de documents de voyages volés,une sécurité. Les organisations criminelles ont appris à passeports ou pièces d’identité, par jourtravailler entre elles. Des criminels africains peuvent très • 9794 arrestations en 2012bien travailler avec des Asiatiques, ceux des pays de l’Est • 8078 entre le 1er janvier et le 1er octobre 2013avec ceux des cartels de la drogue. C’est un monde glo- • 1 à 2 sauvetages d’enfants victimes d’abus sexuelbalisé en face duquel les Etats doivent sans cesse adapter chaque jourleurs dispositifs préventifs et répressifs. Les criminels sont • 703 personnes de 98 nationalités différentes sontles premiers à s’adapter à nos ripostes et à l’évolution des employées au Secrétariat général de l’organisationtechnologies. basé à Lyon et dans les bureaux régionauxL’autre facette du crime aujourd’hui, c’est l’émergencedans certains quartiers des grandes métropoles (améri- même manière que l’économie souterraine dans les citéscaines puis européennes) de bandes qui, grâce à l’accès françaises alimente en partie la vie des familles.aux nouvelles technologies, prennent contact sans inter-médiaire avec des criminels étrangers et dont les mem- On parle de «nouvelles menaces» criminelles. Debres se déplacent eux-mêmes pour prendre livraison de quoi s’agit-il exactement?leur marchandise. L’exemple typique, c’est ce qu’il se Pour commencer, la cybercriminalité. C’est la priorité depasse dans les cités sensibles en France où le trafic de l’ensemble des pays membres d’Interpol. Notamment dustupéfiants (ndlr: essentiellement le cannabis) est une ac- point de vue de la cybersécurité, c’est à dire de la protec- tion des infrastructures sensibles des Etats.,,tivité très prégnante, à l’origine de tout ce qui est connexe: Il y a ensuite tous les nouveaux trafics qui sont en train de voir le jour et qui peuvent dans l’avenir se développer del’économie souterraine, les guerres de territoires, les rè- manière exponentielle du fait qu’ils rapportent beaucoupglements de comptes, les enlèvements. d’argent et que les réseaux criminels vont y investir. Il s’agit des atteintes à la santé, notamment le trafic de mé- Nous vivons dicaments falsifiés. Ou bien des atteintes à l’environnement comme le trafic d’ivoire en Afrique. C’est aussi la pêche désormais dans un monde illégale, au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest et de celles de l’Amérique latine. C’est un vrai fléau pour les où l’éloignement ne pays concernés: la faune sous-marine est décimée et les réseaux parallèles de vente impactent leur vie économique constitue plus un obstacle et sociale. Il y aussi l’exploitation illégale des minerais. En Afrique, ce type d’activité s’accompagne de l’exploitation ,,ni une sécurité d’enfants, forcés de travailler et souvent maltraités.Certains analystes prétendent que la proliférationdu crime organisé est le moteur inavouable de lamondialisation...Mais ce ne sont pas les mafias qui ont fondé la mondiali-sation de l’économie. Heureusement! Il faut bien reconnaî-tre que tous ces trafics génèrent des ressources énormes(on estime que le trafic illicite de marchandises et lacontrefaçon génèrent chaque année près de 2000 mil-liards de dollars US). De l’argent blanchi puis investi. Uninvestissement qui participe de l’économie globale, de la— WORK #03 — 15
IMPACTLa criminalité alimentaire, enfin, se développe considéra- politique, religieux, militaire ou racial. La grande force deblement. Prenez l’affaire du beurre frelaté, (mélangé avec notre organisation est de permettre de relier les policesdes déchets de boucherie par la mafia italienne afin d’em- entre elles. Il faut promouvoir cette collaboration tout enpocher les aides de l’UE) les trafiquants utilisent des pro- restant en alerte sur les normes et les valeurs. Nous dis-duits dangereux qui peuvent avoir des effets cancérigènes. posons pour cela d’un service juridique extrêmement vigi- lant qui contrôle toutes les requêtes. Evidemment,Au Mexique, les cartels de la drogue ont infiltré qua- l’attention est plus soutenue pour certaines demandes,siment tous les rouages de l’Etat, pensez-vous qu’un surtout quand elles sont contraignantes comme les noticestel scénario soit envisageable à l’avenir dans cer- rouges (demande d’arrestation en vue d’extradition).tains pays occidentaux, notamment européens? Chaque pays doit faire sa demande – via son Bureau cen-J’aimerais vous dire non parce que nous sommes, de par tral national (BCN) – au siège d’Interpol qui étudie le dos-notre histoire, des pays mieux protégés que d’autres, de sier et le valide ou pas. En France, la coopération n’estvieilles démocraties attachées à leurs valeurs républi- engagée qu’après avis favorable de la justice. Le bureaucaines. Mais, si l’on prend un peu de recul, on se rend de l’entraide pénale internationale analyse chaque cas etcompte que les choses sont fragiles, qu’il faut être vigi- émet un avis. D’autres pays accordent immédiatement unelant. C’est comme une gangrène, quand ça démarre cela valeur législative à la notice rouge. C’est à dire qu’à partirpeut aller très vite. Prenez la cocaïne, force est de consta- du moment où elle est diffusée par Interpol, la procédureter que la corruption se développe et se répand avec l’ou- s’enclenche automatiquement. Personnellement, je trouveverture des nouvelles voies de son trafic. Les criminels ça très dangereux, mais c’est ainsi. Les enjeux sont tropparviennent ainsi à gangréner des pays qui étaient à peu importants, on n’a pas le droit à l’erreur là-dessus.près propres jusque là. Les références à la culture des gangs – argent facile,Jusqu’où les services de polices des pays démocra- filles faciles – sont de plus en plus présentes danstiques peuvent-ils coopérer avec ceux d’Etats dont nos sociétés. Doit-on s’en inquiéter?la nature politique est plus discutable? C’est un phénomène qui inquiète beaucoup les gouverne-Les règles fondamentales d’Interpol stipulent qu’on ne doit ments des pays des Amériques, latine et centrale. Là-bas,jamais apporter notre coopération à tout ce qui est d’ordre il y a un engouement énorme de la jeunesse pour tout ce16 — W O R K # 0 3 —
IMPACT,, LE PARCOURS DE Les narcotrafiquants MIREILLE BALLESTRAZZI parviennent à gangréner des pays qui étaient à peu C’est l’an dernier, en novembre 2012, que Mireille Bal- ,,près propres jusque là lestrazzi, âgée de 58 ans, est devenue la première femme présidente d’Interpol. L’aboutissement d’unequi touche aux gangs. Il est véhiculé par les réseaux so- carrière menée tambour battant. Licenciée de lettresciaux, l’Internet, la télévision et les jeux vidéo; c’est tout classiques et titulaire d’une maîtrise de langues an-un ensemble. Quel est l’impact de ces jeunes des gangs ciennes, Mireille Ballestrazzi choisit pourtant une car-qui servent de référents aux autres alors qu’ils ne le de- rière qui n’a rien à voir avec les belles lettres: la police.vraient pas? Difficile à dire, mais je pense qu’il peut y en Elle est reconnue aujourd’hui comme l’un des «grandsavoir un. Quand on voit certains comportements de jeunes, flics» de France. Commissaire de police en 1976 àqui sortent des armes, comme ça, et tuent pour rien, là où l’âge de... 22 ans, elle prend ensuite la tête, à Bor-il y a vingt ans un échange de coups de poings suffisait, deaux, d’un groupe de répression du banditisme de laon peut se demander si ils n’agissent pas par mimétisme. direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). ElleVoilà, on vit dans ce monde là aujourd’hui. n’a alors que 24 ans. Autres étapes marquantes de cette carrière fulgurante: la direction de l’Office cen- tral de la répression des vols d’objets d’arts en 1987, celle du Service régional de la police judiciaire (SRPJ) d’Ajaccio en 1993, la sous-direction des Affaires éco- nomiques et financières de la DCPJ en 1998. Nommée Inspectrice générale de la police nationale, elle de- vient en 2010 Directrice centrale adjointe de la police judiciaire, poste qu’elle occupe toujours parallèlement à sa fonction de présidente d’Interpol.Et il vous préoccupe?Pas dans l’exercice de mon métier où il y a beaucoup dechoses à faire, une mission à accomplir. Mais en tant quemère de famille, en tant que citoyenne, oui cela peut faireun peu peur. Ces phénomènes sont prégnants. On dit tou-jours: «il faut que jeunesse se passe». Mais là, on peut sedemander: jusqu’où va la déformation psychologique etmentale, l’atteinte à la structuration de la pensée? —— WORK #03 — 17
IMPACTMargareta WahlströmPrévention des dramesliés aux cataclysmesLes dérèglements naturels sont de plus en mais enregistrées ont été relevées dans 19 paysplus couteux en vies humaines et en pertes et depuis la fin des années 90 il n’y a pas euéconomiques. Alors que l’investissement moins de 300 catastrophes majeures par an.consenti dans les mesures destinées à les Le secteur public règle l’essentiel de la note,contrer ne s’accroit que lentement. La mais plus pour longtemps espère MargaretaReprésentante spéciale du Secrétariat général Wahlström.de l’Organisation des Nations Unies pour la Selon le Bilan mondial 2013 sur la réduction desréduction des risques de catastrophe (UNISDR), risques de catastrophe, publié en mai par l’ONU,Margareta Wahlström, veut rectifier la situation. quatre décennies de délocalisation et d’externa- lisation de la production dans des régions offrant PAR LAURA SPINNEY des avantages compétitifs, tels qu’une main- d’œuvre bon marché, ont augmenté la compé- L’ humanité occupe de manière crois- titivité des entreprises, mais ont aussi accru leur sante des zones de la planète exposées exposition aux bouleversements sismiques et aux aléas naturels qu’il s’agisse de climatiques. L’exposition du PIB mondial aux tremblements de terre, de cyclones ou cyclones tropicaux a augmenté de 3,6% dans les d’inondations. En parallèle, la Terre se réchauffe. années 70 à 4,3% dans la première décennie En 2010, les températures les plus élevées ja- des années 2000. Margareta Wahlström veut encourager les entre- prises à investir davantage dans la réduction des risques. Et les amener à percevoir cet investis-18 — W O R K # 0 3 —
IMPACTsement moins comme un coût que comme une opportunité LE PARCOURS DEde renforcer leur compétitivité. «Au sein des grands cen- MARGARETA WAHLSTRÖMtres urbains les plus prospères, le débat s’ouvre pour dé-cider si tabler sur la réduction des risques est susceptible Après avoir travaillé pendant des années dans le sec-de rendre les villes plus attrayantes aux investisseurs teur humanitaire, notamment en Asie et en Amériqueétrangers», constate-elle. «C’est une conversation saine du Sud, Margareta Wahlström a rejoint le Bureau de laet nécessaire, car certains de ces centres sont parmi les coordination des affaires humanitaires (OCHA) desplus exposés aux désordres sismiques ou météorolo- Nations unies à Genève. C’était en 2004, l’année oùgiques». un tremblement de terre au fond de l’Océan Indien a déclenché un tsunami dévastateur. Elle a alors dirigé,, les efforts de secours de l’OCHA et s’est rendu compte que, malgré ses excellentes intentions, le secteur humanitaire répétait indéfiniment les mêmes erreurs, en étant réactif et non proactif. En 2008 elle a été nommée Représentante spéciale du Secrétariat général de l’ONU pour la réduction des risques de catastrophe. Nous ne planifionspas avec la nature mais comme si nous en ,,étions indépendantsLe poste de Margareta Wahlström à l’UNISDR a été créé Margareta Wahlström ne dispose pas de ressources finan-en 2008 parce que les hommes politiques n’étaient pas à cières importantes pour assister les gouvernements à met-l’écoute des avertissements de la communauté scienti- tre en place de tels systèmes mais elle envoiefique sur le réchauffement de la planète. Ils n’en saisis- régulièrement ses experts auprès des Etats ou des régionssaient pas la portée et leurs discours ne se traduisaient qui veulent apprendre à se préparer au mieux. Et quand lepas en actes. L’objectif de Margareta Wahlström est un nouveau cadre d’action globale de réduction des risquesmodèle économique plus durable, attentif à la nature et de catastrophe sera voté en 2015, elle veut que les entre-moins aveuglément confiant dans le progrès technique. prises y jouent un rôle central.«Personne ne voulait Fukushima, mais les mesures mises Il reste beaucoup à faire, souligne-t-elle, y compris faireen place étaient bien trop incomplètes pour éviter le dé- comprendre aux gouvernements que les cataclysmes – etsastre. Nous ne planifions pas avec la nature mais comme leurs conséquences économiques – ne respectent pas lessi nous en étions indépendants». frontières. Mais elle reste optimiste: «les zones qui seLes outils de prédiction des perturbations naturelles développent le plus rapidement, en Afrique et en Asie des’améliorent. Avec de vraies réussites au niveau des l’Est, accumulent des risques potentiels importants maissystèmes d’alerte rapide en cas d’inondations ou de ont aussi l’opportunité de construire une infrastructurevents violents. La prévision des secousses sismiques résiliente dont la durée de vie sera plus longue que cellereste moins précise mais néanmoins essentielle. Les ter- d’autres régions». En premier lieu, ajoute-t-elle, il importeribles dégâts du tremblement de Tohoku-Oki au Japon de changer les mentalités pour que les gens comprennenten mars 2011 auraient été encore plus sérieux si la po- que face aux catastrophes naturelles, ils ne sont paspulation n’avait été mise en garde. En octobre, dans le impuissants. —journal scientifique Nature, Richard Allen, directeur duLaboratoire sismologique de l’université de Californie àBerkeley faisait appel au gouvernement américain pourque soit établi un système d’alerte rapide au niveaunational.— WORK #03 — 19
IMPACTSylvie van der WerfL’émergence supposeune prise de risqueResponsable à l’Institut Pasteur de l’unité de recherche Génétique moléculaire desvirus ARN, Sylvie van der Werf consacre ses travaux à l’émergence des maladiesinfectieuses et au franchissement de la barrière d’espèce, c’est à dire leurtransmission – désormais fréquente – de l’animal à l’homme. Une lutte scientifiquemenée à l’échelle planétaire contre les virus et, quelquefois aussi, contre leslourdeurs administratives. PAR PAR JEAN-CLAUDE GALLI de la population et l’urbanisation sont des agents de propagation des maladies infectieuses. E st-ce que la globalisation rend Selon-vous, il n’y a donc pas plus de mala- notre monde plus vulnérable à la dies qu’auparavant? maladie? Il est difficile de distinguer une augmentation Je ne le pense pas. La connaissance réelle des maladies, dont l’émergence est en partie liée à des éléments comme la déforesta- augmente, c’est aussi ce qui explique que l’on tion ou la construction de barrages fluviaux, de ce qui relève du progrès de la connaissance. On découvre de nouveaux agents pathogènes. Et les découvre les choses beaucoup plus vite au- jourd’hui. En 2003, un mois avait été nécessaire progrès de la médecine font que nous sommes pour identifier le virus du SRAS (Syndrome res- piratoire aigu sévère), sa séquence et son étio- mieux armés pour les combattre. Cela étant dit, logie (ndlr: la relation entre la maladie et l’agent le développement de nos sociétés et la modifi- cation de notre interaction avec la nature, exer- cent une influence. Les voyages, la densification20 — W O R K # 0 3 —
IMPACTinfectieux responsable de la maladie). Un mois pour com- Aujourd’hui le principe de précaution est remis enprendre que nous avions affaire à un nouveau virus. En cause, considéré, notamment par certains décideursseptembre 2012, le Coronavirus a été identifié en une se- politiques, comme un frein à la croissance écono-maine seulement. C’est avant tout le progrès technolo- mique, à l’initiative individuelle et à la prise degique qui explique cette rapidité. Mais aussi les progrès risque. Comment, en tant que chercheur, jugez-vousque nous avons réalisés dans la façon d’organiser la dé- cette évolution?tection des virus. En 2003 nous étions noyés sous les cas Je suis convaincue que l’on est allé trop loin dans la misenon-pertinents. Aujourd’hui, grâce aux Agences régionales en place de l’arsenal réglementaire qui encadre le stockagede santé (crées en France en 2009) et la mise en place et la manipulation des pathogènes. C’est un empilement dede la veille sanitaire, des filtres sont en place. Nous pou- règles qui s’apparente à une surenchère et qui peut être un frein réel à la recherche et à l’approfondissement des,,vons très vite juger de la probabilité qu’une personne ait connaissances. Le temps nécessaire pour obtenir des auto- risations pour l’export de matériels infectieux – alors qu’ilété exposée au virus, de la pertinence d’un prélèvement faut être ultra-réactif dans le cadre de l’émergence – est ty-et, in fine, de décider de son isolement. pique des difficultés que nous rencontrons. Les sujets d’émergence supposent une prise de risque, une réaction Une globalisation rapide par rapport à l’importance des enjeux. Des chercheurs peuvent aussi se décourager et se détourner de leurs travaux ,,de l’inconscience parce que leur mise en œuvre devient trop complexe quand il s’agit de monter un dossier, d’obtenir un financement etL’accélération de l’activité humaine liée à la mondia- ensuite une autorisation. D’ailleurs quand on l’obtient enfin,lisation des échanges est toutefois la source et le il n’est pas rare que la ligne de crédit se soit refermée. —vecteur de nouvelles pathologies...Il y a des facteurs qui font que l’apparition de certaines ma- LE PARCOURS DE SYLVIE VAN DER WERFladies infectieuses est plus fréquente. L’augmentation desprobabilités de rencontre entre la densité humaine et la den- Les premières recherches de Sylvie van der Werf ontsité animale explique, par exemple, le franchissement d’es- concerné la génétique moléculaire des poliovirus et dupèce. Les nouvelles pratiques agricoles ou la construction mengovirus, et leur utilisation en tant que vecteur vac-de barrages – favorisant la pullulation de moustiques – peu- cinal. Depuis 1996, son travail est majoritairementvent également entraîner des épidémies. En Egypte, après la dédié à l’étude des virus respiratoires. Elle étudie leurconstruction du barrage d’Assouan (à la fin des années 70), épidémiologie, leur évolution génétique et les interac-le virus de la fièvre de la vallée du Rift, provoqué par la nou- tions avec leur hôte, notamment dans le but d’identi-velle étendue d’eau, a touché le bétail dans un premier fier les déterminants de franchissement de la barrièretemps et l’homme ensuite (il causera plusieurs milliers de d’espèce et d’adaptation à l’homme. Elle coordonnemorts). Le réchauffement climatique favorise aussi la pullu- le projet européen PREDEMICS, auquel sont associéslation de moustiques comme le Tigre, que l’on trouve main- plusieurs laboratoires européens dont les travaux tou-tenant dans le sud de la France. Des cas autochtones de chent à l’étude des maladies émergentes et dont l’unChikungunya ont été signalés dans le nord de l’Italie. Les des objectifs est l’harmonisation des protocoles etmoustiques sont les vecteurs de cette maladie désormais des procédures de recherches cliniques dans l’UE.présente en Europe (notamment en France, en Camargue, Sylvie van der Werf a reçu le Prix Georges Zermatti enoù des chevaux ont été touchés et où on a relevé un cas hu- 2006. Elle a été faite Chevalier dans l’Ordre desmain) tout comme le virus du Nil occidental (West Nil). Palmes Académiques en 2009.Pour reprendre votre première question, oui, nous sommesdans un monde plus à risques parce que jusqu’à présentpréservé des maladies vectorielles, des pathologies sé-vères comme la Dengue.Ce sont aussi les peurs qui se sont globalisées.La notion de peur est assez paradoxale. Du fait de la glo-balisation on a tendance à transporter son cocon à l’étran-ger. On passe d’un hôtel à un autre et ils se ressemblentcomme deux gouttes d’eau. On arpente les mêmes bou-tiques et les mêmes restaurants, sans avoir conscienceque l’on évolue dans un environnement complètement dif-férent. Il y a aussi une globalisation de l’inconscience.— WORK #03 — 21
IMPACTLe cyberespace,facteur deglobalisationdes risquesInternet a accompagné et favorisé le phéno- jorés par notre dépendance aux technologies demène de mondialisation. Devenu omniprésent l’Internet et par l’interdépendance globale deet incontournable, le cyberespace constitue toutes les infrastructures informatiques mises endésormais le prolongement technologique de réseau; y compris avec les infrastructures vitalesnotre environnement et le risque informatique au fonctionnement de notre société. Ainsi qu’ild’origine criminelle est ainsi devenu un risque s’agisse des secteurs de la finance et de l’éco-structurel dont le coût est porté par la société. nomie, de la santé ou de l’énergie, ces derniers dépendent des technologies de l’Internet. PAR SOLANGE GHERNAOUTI, PROFESSEURE DE Pour être opérationnel, le cyberespace con- L’UNIVERSITÉ DE LAUSANNE somme des ressources énergétiques considéra- bles et produit des déchets augmentant ainsi lesL e cyberespace est un écosystème régit risques énergétique et environnemental. Des par la loi du marché et les acteurs les cyber-attaques ciblées sur des systèmes de plus forts. Ni pire ni meilleur, il reflète contrôle particuliers (traitement des eaux par exemples), peuvent avoir des impacts préjudicia- notre réalité sociale, économique et bles à la vie humaine, à la faune et la flore oupolitique. Certains le considèrent comme le cin- ,,polluer. La guerrequième élément après la terre, la mer, l’air et économique passel’espace. Comme ces derniers, il est l’objet de aussi par leconquêtes et de convoitises. Moyen d’enrichis- ,,c y b e r e s p a c e .sement, lieu d’expression du pouvoir, des crimes Les criminels savent tirer partie des opportunités queet des conflits, le cyberespace est un champ de leur offre Internet pour innover et être performant dans leurs activités classiques (trafics d’être humains, debataille économique et politique à l’échelle mon- drogue, chantage, extorsion, crime économique, blan-diale.Comme chaque technologie, celles constitutivesdu cyberespace possèdent leurs risques intrin-sèques liés à un défaut de conception, de miseen œuvre, de gestion ou d’utilisation (usage dé-tourné, abusif ou criminel). Ces risques sont ma-22 — W O R K # 0 3 —
IMPACTchiment d’argent,…). Le mode de fonctionnement d’Internet, les la guerre économique passe aussi par le cyberespace. Elleproblèmes de territorialité, d’entraide judiciaire internationale et le s’exprime par la manipulation de l’information, la fuite, lemanque de moyens auxquels sont confrontées les instances de vol ou le détournement de données, par des filatures nu-justice et de police pour poursuivre un crime transnational, profitent mériques et l’espionnage. Influencer, porter atteinte àaux criminels. Internet offre une couche d’isolation protectrice, l’image et à la réputation des organisations et de leurs di-avec une relative impunité et une prise de risque minimale pour rigeants, à la propriété intellectuelle, gagner des parts deune profitabilité optimale. marché, déstabiliser une organisation ou un état, tout celaInternet favorise à l’échelle planétaire, la mise en relation est facilité par l’Internet.de cibles et de prédateurs, escrocs et malveillants de toute Le secret numérique n’existe pas, l’intimité numérique estsorte qui agissent à distance, cachés derrière un écran. une illusion, les droits fondamentaux sont mis à mal, nousLe crime est automatisé, tout système connecté à Internet sommes tracés, suivis, observés, surveillés, géolocalisés,peut devenir une cible de la cybercriminalité. Chaque in- manipulables. Nos comportements, nos goûts, nos rela-ternaute peut être un criminel ou le devenir. Le passage à tions sont des marchandises.l’acte est facilité, y compris pour les plus jeunes, par la La prédation des ressources informationnelles, des savoirsdisponibilité et la dématérialisation des moyens et des vic- faire, de la propriété intellectuelle, des données person-times. Industrie et marché noir des outils de la cybercri- nelles, le détournement des technologies à des fins com-minalité sont structurés autour de la mise à disposition de merciales ou malveillantes, sont une réalité. Cela autorisemoyens et des compétences informatiques pour déstabili- la montée en puissance de certains acteurs licites ou cri-ser, prendre le contrôle, nuire ou s’enrichir. Certains sont minels et renforce leur hégémonie, au détriment de la sou-disponibles gratuitement, d’autres à vendre où à louer. De veraineté numérique des individus, des organisations etla délinquance informatique au crime économique d’en- des états sur leurs patrimoines numériques.vergure, en passant par le harcèlement, la manipulation Le cyberespace est aussi vulnérable aux catastrophes na-d’information, la surveillance ou l’espionnage, Internet est turelles, ce qui augmente les risques de non disponibilitéun vecteur amplificateur et de globalisation de la crimina- ou d’intégrité des ressources qui le composent et d’alté-lité. Le risque informatique d’origine criminelle est ainsi ration de toutes les activités qui en dépendent.devenu un risque structurel dont le coût est porté par la Le risque «Cyber» est complexe et multiforme, il accentuesociété. tous les risques traditionnels, en génère de nouveaux tout enDans une société de l’information mondialisée, dans un contribuant à la globalisation des risques. Il est devenu unecontexte de crise économique et de compétition extrême, urgence planétaire mondiale à prendre en considération. —— WORK #03 — 23
BUSINESSKimberly TaylorSur le plus grand marchéde dérivés du mondeResponsable de la bonne exécution d’un volume de transactions vertigineux, KimberlyTaylor, présidente de la chambre de compensation du Chicago Mercantile Exchange(CME Group), s’assure que l’ensemble du système fonctionne et que les risques soientminimisés pour tous. PAR NICOLETTE DE JONCAIRE million de milliards de dollars ou encore 63 fois le PIB des Etats-Unis et plus de 2700 fois celui L e CME Group est le principal marché de la Suisse. Négociants, institutions financières, à terme américain et la première investisseurs privés et institutionnels, multinatio- bourse du monde en volume. Spécia- nales, industries, producteurs agricoles et gou- vernements, la gamme des clients du groupe lisé au départ dans les denrées agri- donne un excellent aperçu de ce que signifie l’économie mondiale en termes d’échanges et de coles, il couvre aujourd’hui nombre d’autres risque. A la tête de la compensation de ces mon- tants vertigineux, Kimberly Taylor, présidente de matières premières ainsi que des dérivés finan- la chambre de compensation (CME Clearing), s’assure que l’ensemble du système tourne et ciers de toute nature. Dès l’origine, il s’est doté que les risques soient minimisés pour tous. d’une chambre de compensation, un mécanisme Pouvez-vous résumer en quelques mots ce que signifie compenser sur le CME Clearing? qui permet à ses adhérents de recevoir ou de li- Tout tient à la gestion des risques. Le CME Clea- ring est l’acheteur face à chaque vendeur, et le vrer les actifs traités et de régler les montants liés aux transactions par son intermédiaire. Ce qui en fait la contrepartie centrale de trois mil- liards d’achats et de ventes par an pour un mon- tant notionnel d’un quadrillion dollars, soit un24 — W O R K # 0 3 —
BUSINESS LE CHICAGO MERCANTILE EXCHANGE (CME GROUP)vendeur face à chaque acheteur. Pour toutes les transac- Première bourse au monde en nombre d’opérationstions qui transitent par nos services qu’il s’agisse de dé- traitées depuis le rachat du Chicago Board of Traderivés cotés ou d’instruments échangés de gré-à-gré. C’est (CBOT) en 2007, le CME Group (Chicago Mercantileune formule qui réduit le risque de contrepartie car nos Exchange) est le principal marché à terme américain.clients savent que la chambre de compensation garantit Il est situé à Chicago dans l’Illinois aux États-Unis.chaque transaction. Par le biais de nos membres compen- CME et CBOT étaient spécialisés à l’origine dans lesateurs, nous opérons aux Etats-Unis et en Europe, de ma- négoce des dérivés sur denrées agricoles. Issu dunière à assurer les services les plus sûrs et les plus Butter and Egg Board, fondé en 1898, lui-même pré-efficaces possibles. Pour vous donner une idée de cédé par le Chicago Produce Exchange, ouvert enl’échelle, nous détenons à peu près 112 milliards de dol- 1874, le Chicago Mercantile Exchange a été inaugurélars de garanties et compensons environ 3 milliards de en décembre 1919 et s’est doté dès sa naissancecontrats d’une valeur de près d’un quadrillion de dollars d’une chambre de compensation. Ses produits phares étaient alors les œufs et le beurre, suivis par le cuir, les,,chaque année. oignons et la pomme de terre. En 1964, le CME lance La règlementation est un premier contrat sur la carcasse de porc congelée, suivi par un autre sur le bœuf vivant. En octobre 1969, devenue la priorité du G20. le CME se tourne vers le bois puis les métaux et l’énergie. Le véritable tournant de l’histoire du CME a S’il y a sur-réaction il lieu en 1972. Il est le premier à proposer des contrats sur sept devises étrangères puis, en 1982, un dérivé faudra revenir à un plus de l’indice large de Wall Street, le S&P 500, devenant ainsi l’initiateur du marché des dérivés financiers. En ,,juste équilibre 1992, le CME installe la plate-forme Globex, devenue la référence pour la négociation électronique sur pro- duits dérivés. Le CME Group a racheté le New York Mercantile Exchange en 2008, puis le Kansas City Board of Trade en 2012. LE PARCOURS DE KIMBERLY TAYLOR Kimberly Taylor est présidente de la chambre de com- pensation du Chicago Mercantile Exchange (CME Group) depuis Juillet 2007. Elle était auparavant direc- teur général de la gestion des risques à la division de la chambre de compensation et a occupé des postes divers, y compris celle de vice-présidente de la cham- bre entre 1996 et 1998 et de directrice principale de 1994 à 1996. Elle est au CME Group depuis 1989. Elle est titulaire d’un BA d’Alma College (Michigan) et d’un MBA de l’Eastern Michigan University à Ypsilanti.Quels sont les risques encourus et comment pouvez- 25vous les éviter ou les atténuer?Les risques varient avec l’instrument échangé. Le risquede crédit, le risque de marché, le risque d’évènement etles «risques de perte extrême» font partie de notre lot — WORK #03 —
BUSINESSquotidien. Sans compter les risques opérationnels, aucœur de notre métier. Pour résumer notre stratégie, j’aila conviction que la prévention est la meilleure approche.Par une parfaite connaissance de nos membres compen-sateurs, par des normes très strictes et par un examenapprofondi des différents types de risque, nous effec-tuons une surveillance constante, en temps réel, de laconformité des opérations. Et nous détenons aussi desolides garanties financières pour assurer la disponibilitédes ressources nécessaires en cas de stress. La struc-turation des marges et leur transparence font partieintégrante de ces garanties mais nous ne nous y limitonspas et adoptons une approche beaucoup plus holistiquedes risques. En parallèle, une étroite collaboration avecnos clients nous permet de déterminer les nouveauxproduits et services dont ils ont besoin pour gérer leurspropres risques, ce qui nous permet d’être très innovantssur le marché.Vous avez guidé la chambre de compensation du Les nouvelles règlementations sur la compensationCME Group à travers plusieurs crises, y compris le des dérivés (Dodd-Frank), nées de la crise, résou-scandale de Refco en 2005 et les faillites de Bear dront-elles les questions en suspens?Sterns et de Lehman Brothers en 2008. Quelles simi- De manière générale, nous reconnaissons que la compen-litudes y avez-vous trouvées et quelles leçons en sation centralisée offre des avantages indéniables entirez-vous? termes de transparence, de découverte des prix et d’atté-Ces crises étaient de nature différente. La réponse devait nuation des risques. Mais il faut faire attention aux effetsl’être aussi. La leçon la plus utile, applicable à toutes les de bord et ne pas réglementer de manière si onéreuse quecirconstances, a été de comprendre l’importance de la l’activité fuie vers les marchés moins règlementés, surtoutcoordination avec l’industrie. Dans chaque cas, nous nous si c’est ce qu’on cherche à éviter. Depuis la crise, la ré-sommes assurés de garder largement ouverts les canaux gulation est devenue la priorité du G20. Une sur-réactionde communication avec les régulateurs et avec les autres des Etats-Unis et de l’Europe pourrait faire trop pencherchambres de compensation au niveau global, de manière la balance auquel cas il faudra revenir à un plus justeà être en mesure de contenir le risque et de protéger nos équilibre.clients. Nous aurions pu ne nous préoccuper que de notrepropre sort mais les marchés sont bien trop interconnectéspour que cette approche fasse sens. Nous avons doncorienté notre démarche sur la base des normes pruden-tielles les plus strictes et avons soutenu le redémarragede nos clients quand nécessaire.Quels sont les principaux risques à l’heure actuelle Etes-vous confrontés à des problèmes de livraisonet comment les adressez-vous? physique comme ceux auxquels fait face le LondonLes risques classiques (opérationnels ou financiers) res- Metal Exchange (LME) sur l’aluminium par exemple?tent d’actualité mais, pour l’instant, j’estime que la plus Je n’ai pas de commentaire à faire sur le LME et ne peuxgrande menace vient de l’incertitude associée aux ques- vous parler que de ce que nos clients attendent de noustions politiques et réglementaires en suspens car elles c’est-à-dire des contrats de futurs compétitifs avec ceuxrendent difficile la prise de décision chez nos clients. Nous offerts par les autres marchés. Ils veulent que l’aluminiumy faisons face par un perfectionnement continuel de notre sous forme physique soit disponible dans les entrepôts. Ilsméthodologie de marges qui intègre les probabilités de exigent également une transparence que nous estimonsrisque et l’historique des chocs car le juste calcul des être seuls à offrir car nos produits sont garantis par le plusmarges – fondé sur la sécurité, la solidité et l’efficacité vaste marché de dérivés du monde. Enfin, ils demandentdu capital – reste notre meilleure protection. Et c’est l’as- la sécurité d’une chambre de compensation sur le marchépect qui touche le plus le client. le plus liquide. Ce qui est notre responsabilité. —26 — W O R K # 0 3 —
BUSINESS Un produit dérivé est un contrat entre deux parties, un acheteur et un vendeur, qui fixe des flux financiers futurs fondés sur l’évolution de la valeur d’un actif sous-jacent, physique (matières premières ou pro- duits industriels) ou financier (actions, obligations, devises). Les marchés à terme sont des bourses où sont né- gociés des engagements de livraison standardisés à des échéances également standardisées. Les règle- ments se font à une échéance ultérieure, et prévue à l’avance, de celle où les transactions sont conclues. Les chambres de compensation des marchés à terme se substituent à tous les intervenants. En face de tous les vendeurs elles jouent le rôle d’acheteur unique, et en face de tous les acheteurs celui de ven- deur unique. Dès qu’une transaction bilatérale est en- registrée auprès d’une chambre de compensation, cette dernière devient la contrepartie unique des vendeurs et des acheteurs. RAPPELS Les marges d’une chambre de compensation sont des dépôts de garantie correspondant à l’équivalentRefco était le courtier de matières premières et de fu- d’un ou deux jours de fluctuation maximale des prix.turs le plus important du CME. L’origine de sa faillite Une fois par jour, la chambre procède à un «appel deen octobre 2005 est attribuée à une fraude comptable marge», de même montant mais en sens inverse pourde son président, Phillip R. Bennett. les deux intervenants, correspondant à la déprécia- tion, pour l’un, et à l’appréciation, pour l’autre desBear Sterns et Lehman Brothers étaient deux des contrats échangés. Le non paiement d’un appel degrandes banques d’investissement de New York. Leur marge entraîne la liquidation automatique de la posi-faillite, née de la crise des subprimes, a été un événe- tion de l’intervenant fautif.ment précurseur de l’effondrement de l’activité ban-caire de Wall Street en septembre 2008 et de la crise Les marchés de gré à gré — ou over-the-counterfinancière mondiale. (OTC) — sont des marchés sur lesquels les transac- tions sont conclues directement entre le vendeur etLe Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer l’acheteur. Ils s’opposent aux marchés organisés oùProtection Act de 2010 est le principal volet législatif la transaction se fait avec la Bourse. Les opérations yde la réforme du marché financier engagée par l’admi- sont moins standardisées et dans un cadre régle-nistration Obama suite à la crise des subprimes et la mentaire plus souple.crise financière et économique qui s’en est ensuivie. Ilprévoit l’encadrement et la compensation de certains Le risque de crédit ou risque de contrepartie est leproduits dérivés financiers. risque que l’acheteur ne règle pas les montants dus. Le risque de marché est le risque de perte qui peut résulter des fluctuations du prix d’un instrument fi- n a n c i e r. Le risque opérationnel est le risque de pertes di- rectes ou indirectes dues à une inadéquation ou à une défaillance des procédures d’un établissement (analyse ou contrôle absent ou incomplet, procédure non sécurisée), de son personnel (erreur, malveil- lance et fraude), des systèmes internes (panne infor- matique) ou à des risques externes (inondation, incendie…). GLOSSAIRE Le risque de «perte extrême» est la plus grande perte que peut subir un portefeuille avec une proba-Un contrat à terme permet au producteur de blo- bilité d’occurrence faible sur un horizon donné.quer un prix à l’avance et de se protéger d’un effon-drement des cours. Il ne profite donc pas d’uneéventuelle hausse des prix mais protège des baisses.Il est apparu au XVIe siècle et, sous sa forme actuelle,dans la deuxième moitié du XIXe siècle aux Etats-Unissur les marchés de céréales (maïs, blé, avoine, etc.).— WORK #03 — 27
« Chez TERRE DES FEMMESSuisse, il y a une équipe unique, qui se consacre au plus haut niveau professionnel à la mis-VLRQPHWWUH¿QDX[PXWLODWLRQV génitales féminines. » (GQD$GDQGLUHFWULFHG¶K{SLWDOHWVDJHIHPPHGµ+DUJHLVD6RPDOLODQGTERRE DES FEMMES Suisse est une organisation qui s’engageSRXUOHVGURLWVKXPDLQVGHVIHPPHVHWGHV¿OOHVNous nous engageons pour l’égalité des sexes et luttons contre laviolence de genre en conseillant et accompagnant les personnesFRQFHUQpHV1RXVRUJDQLVRQVGHVIRUPDWLRQVFRQWLQXHVSRXUOHVVSpFLDOLVWHVHWVHQVLELOLVRQVOHVMHXQHV'HSOXVQRXVIRXUQLVVRQVXQWUDYDLOSROLWLTXHSoutenez-nous dans nos démarches vers une société d‘égalité : )DLWHVXQGRQXQLTXHRXUpJXOLHU- Engagez-vous pour l’égalité et contre la violence de genre même au-delà de votre vie : commandez sans HQJDJHPHQWQRWUHEURFKXUHVXUOHVOHJVMerci beaucoup pour votre aide! PC 30-38394-5 TERRE Les spécialistesDE SS u i s s e pour l’égalitéFEMMES et la violence de genreZZZWHUUHGHVIHPPHVFK
BUSINESSBirgit Rutishauser HernandezL’exposition ne connaitplus de frontièresS’il est un domaine où la globalisation a modifié tourisme, au cours des huit premiers mois dela perception des risques et le 2013, le nombre d’arrivées de touristes interna-comportement des acteurs, c’est sans nul tionaux a augmenté de 5% pour atteindre undoute celui des assurances. chiffre mondial record de 747 millions, soit 38 millions de plus que pour la même période en PAR Suzanne Reysches 2012. Ce qui signifie nécessairement un accroissement du besoin en couverture pour lesA utrefois enfermées à l’intérieur de accidents, la maladie, les bagages et tous les frontières nationales ou régionales, éléments associés aux déplacements privés. les compagnies d’assurances sont Birgit Rutishauser, responsable de la souscription et de la gestion des risques (Underwriting & Risk aujourd’hui amenées par la mobilité Management) chez Nationale Suisse nous ex- plique qu’au sein de sa clientèle, le tourisme in-personnelle et l’internationalisation de l’activité ternational a pris des proportions impensables il y a encore 20 ans. «Lorsque les fêtes de Noël etdes entreprises à adopter une approche radica- du Nouvel An suivent ou précèdent un week-end, nous constatons en Suisse une recrudescencelement différente de la couverture des risques. des départs vers l’étranger alors qu’autrefois les gens se retrouvaient chez eux en famille. DèsLe tourisme a pris un essor formidable qui ne di-minue pas malgré les difficultés économiquesliées à la crise. Selon l’Organisation Mondiale du — WORK #03 — 29
BUSINESSque le temps se gâte, nos clients partent vers des cieux d’inflation, taux de chômage, prévisions météorologiques,plus cléments et souvent en dernière minute». Ce qui si- informations financières macro et microéconomiques, toutgnifie une dose considérable d’imprévu et une demande sert à tenter de prédire des changements qui affecterontextrêmement volatile. les besoins en assurance. De plus il existe sur le marchéLes risques épidémiques et pandémiques à peine évoqués de l’assurance des entreprises spécialisées dans laauparavant – sauf pour une clientèle très réduite modélisation des sinistres auxquelles Nationale Suissed’hommes d’affaires ou de personnel médical –, font au- fait appel.jourd’hui partie intégrante de l’assurance et de la réassu- La mutation des dernières décennies a mené les compa-rance classique. De même que ceux associées aux gnies d’assurance à repenser leur organisation interne. Decatastrophes naturelles dont la fréquence au cours des la souscription à la gestion du risque, en passant par lavingt dernières années est manifestement plus élevée. réassurance et les prestations actuarielles, le départementPour les assurances, le risque ne nait pas seulement d’une que dirige Birgit Rutishauser, fonctionne comme un gui-augmentation de cette fréquence mais aussi de la chet unique gérant les risques de l’entreprise et ceux en matière de technique d’assurance en se fondant sur une,,conscience accrue qu’en a leur clientèle et des exigences approche globale, avec pour objectif de raccourcir les pro- cessus de décision dans les cas complexes pour l’ensem-de couverture qui en découlent. ble du groupe. Son équipe comprend une trentaine de collaborateurs (sur un total d’environ 2000 employés), Les catastrophes sous une forme qui n’existait pas il y a vingt ans. Ce qu’elle constate aussi est que, si les grands groupes mul- peuvent interrompre des tinationaux maitrisent bien le risque international, les en- treprises de taille petite et moyenne se tournent volontierschaines entières de produc- vers leur assureur pour comprendre les facteurs qui peu- vent les affecter et comment s’en protéger. L’assureur est tion à l’autre bout du amené à proposer une fonction de conseil ou encore à dé- ployer de véritables formations à ses clients. — monde. Faute d’une unique LE PARCOURS DE BIRGIT RUTISHAUSER ,,pièce indispensable. HERNANDEZIl en est de même pour les entreprises. L’impact écono- Birgit Rutishauser Hernandez est diplômée en mathé-mique des dérèglements naturels ou des tensions géopo- matiques de l’EPFZ et actuaire ASA. Elle est entrée enlitiques affecte l’ensemble d’un commerce international 1998 au service de Zurich Re en tant que Reservingen pleine expansion et, en premier lieu, les sociétés de Actuary. Elle a ensuite travaillé chez Converium autransport, leurs assureurs et leurs réassureurs. C’est un Mexique en qualité de Senior Pricing, de Reservingsecteur que Birgit Rutishauser connait bien car Nationale Actuary ainsi que de Client Relationship Manager. PuisSuisse y a développé une offre spécifique. «Nous devons elle a rejoint le Comité de direction de Zurich Suissetenir compte des sanctions internationales prononcées par en 2006 comme Chief Underwriting Officer Generall’ONU, l’Union Européenne ou les Etats-Unis et dans les Insurance. En mars 2011, elle a pris la direction géné-cas extrêmes abandonner toute relation à la fois avec le rale de Zurich Connect. Birgit Rutishauserpays concerné et les entreprises qui y travaillent». D’au- Hernandez a rejoint en décembre 2011 le Comité detant qu’il y a moins de transparence que l’on ne l’imagine direction de Nationale Suisse, où elle est responsablecommunément, ce qui rend l’exposition aux risques plus du secteur Underwriting & Risk Management.délicate car il est parfois difficile de localiser un bateauou un stock de marchandises avant une catastrophe na-turelle comme un ouragan. En outre, les catastrophescomme le tremblement de terre de mars 2011 au Japonsont à même d’interrompre des chaines entières de pro-duction à l’autre bout du monde. Faute d’une unique pièceindispensable.L’évaluation des risques exige aujourd’hui une gigantesquequantité de données et d’analyses, tant internes à la com-pagnie d’assurances qu’en provenance de sources ex-ternes. Volumes d’exportation, croissance du PIB, taux30 — W O R K # 0 3 —
WOMEN'sADDEDVALUEin theECONOMYThe Career Women’s Forum was created in 1982 for presentations and discussions will take place in Frenchindependent career and professional women. It consists and/or English depending on the speaker’s languageof more than 250 active members from over 30 nation- and will not be translated.alities. Its goal is to engage with professionally activewomen to promote networking and gender equality along 20.01.2014 4:30pm to 8:00pmwith women advancement in various sectors of the Hotel Métropole, Genevaeconomy, politics and society. (Followed by a cocktail)Over time, the CWF grew more and more present at thetop of large corporations, therefore CWF created the Target audience: management level, corporate member«Corporate Member» (CM) offer. Today, 13 CM sponsor 5 executives, independent careers, press.to 10 women executives within their companies. It is away for those members to acknowledge the high Fees: Chf 90.- for CWF members and corporate memberpotential of their female executives and to enhance their executives, Chf 120.- for non-members.visibility within the economic community. The CorporateMembers of the CWF are: ALCOA, Banque Cantonale Registration: www.cwf.ch / agenda-event 2014de Genève, Banque Julius Bär, CICR, DELOITTE, Limited seats availableDuPont de Nemours, Firmenich, IBM, Mirabaud &Cie SA, Oracle, Pictet & Cie SA, PwC, Richemont For further information, please contact:International SA. Hélène Gache Valentina Gizzi ©2013_ parentidesign.comIn today’s quest for a more gender balanced society, our CWF President CWF Member and responsiblemembers have expressed a keen interest in this topic for the WAVE organisationand it became obvious for the CWF to organize their [email protected] [email protected] Forum «WOMEN’S ADDED VALUE IN THE ECONOMY»(WAVE) on «CLOSING THE GENDER GAP: the present and In partnership with:the future» in order to share food for thoughts.Renowned female and male guest speakers will presenttheir reflections on the gender gap, the progress madein the past 5 years and the future prospective. The
BUSINESSJanet VoûteRéduireles risquespar lepartagede lavaleurLa création de valeur partagée n’est ni une présente comme un renouveau du capitalisme etidée philanthropique, ni une prestation a acquis un soutien enthousiaste de la part descomplémentaire. C’est un principe selon lequel grandes entreprises dont la chaine de valeurune entreprise peut apporter une contribution s’étend de la production agricole globalisée auximportante à la société en allant au-delà de la consommateurs des pays développés.responsabilité sociale afin de créer, par le biais Bien que ce principe ne trouve pas ses racinesde ses activités, de la valeur pour les action- dans une réflexion sur le risque, la réduction desnaires et pour la société. C’est aussi une risques peut en devenir un sous-produit. C’estmanière indirecte de réduire les risques. en tout cas la conclusion que tire l’OrganisationJanet Voûte en est le porte-parole. des Nations-Unies dans un rapport publié en juil- let**: «De nouvelles mesures intègrent les PAR NICOLETTE DE JONCAIRE risques de catastrophe dans les décisions d’in- vestissement… Certaines entreprises innovantes L a création de valeur partagée part du s’engagent dans cette voie, en identifiant les postulat que le succès à long terme nœuds vulnérables de leurs chaînes d’approvi- d’une entreprise passe par des valeurs sionnement, en détaillant les mesures prises pour réduire les risques et en établissant des de durabilité sociale. Afin de créer de partenariats avec les autorités locales». Nestlé a choisi de développer ce principe autour la valeur pour ses actionnaires, l’entreprise es- de trois pôles: la nutrition, l’eau et le développe- time devoir en créer pour les communautés au sein desquelles elle opère, tant auprès des pro- ducteurs qui assurent son approvisionnement, que de ses collaborateurs et de ses clients. Ce qui exige que les activités répondent simultané- ment à des critères de durabilité écologique, d’équité sociale et de viabilité économique. Théo- risée par Michael Porter et Mark Kramer, soute- nue par Bill Clinton* et élaborée avec Peter Brabeck pendant le World Economic Forum de Davos en 2005, la création de valeur partagée se32 — W O R K # 0 3 —
BUSINESSment rural. Selon Janet Voûte, Directrice adjointe, Respon- LE PARCOURS DE JANET VOÛTEsable Globale Affaires Publiques, ces trois domaines sontceux où le groupe est susceptible d’avoir le plus d’impact Janet Voûte est Directrice adjointe, Responsable Glo-car ils font partie intégrante de sa stratégie commerciale bale Affaires Publiques du groupe Nestlé, précédem-et de ses activités quotidiennes. ment co-présidente de l’International Food andAvec 1,2 milliard de produits alimentaires vendus par jour, Beverage Alliance. Elle a rejoint Nestlé en 2010 aprèsle groupe se veut leader dans le domaine de la nutrition et avoir travaillé sur la création d’un réseau multipartitede la santé. «Notre rôle est d’aider les consommateurs à pour la lutte contre les maladies non transmissiblesfaire des choix plus en accord avec une alimentation saine» auprès de l’Organisation Mondiale de la Santé. Deexplique Janet Voûte. Le programme éducatif Nestlé Heal- 2000 à 2008, elle dirigeait la World Heart Federation,thy Kids appartient à ce pôle de même que le programme une ONG internationale dédiée à la prévention et aude recherche du Nestlé Institute of Health Sciences, inau- contrôle des maladies cardiaques notamment dans lesguré en 2012 sur le campus de l’EPFL. Dans le domaine pays à faible revenu. Elle a commencé sa carrière aude la nutrition, Nestlé entend que ses stratégies soient Boston Consulting Group puis chez Bain & Company àavant-gardistes et se penche sur la réduction du sel, du Paris, Zurich et Genève où elle devint associée spécia-sucre, des graisses et des portions alimentaires et sur l’ac- lisée des secteurs de l’alimentation et de la santé. Ellecroissement de la consommation de légumes. Il explique a fait ses études au Smith College (Massachusetts), àvouloir lutter contre les deux volets opposés de la malnu- l’Institut de Hautes Etudes Internationales et du Déve-trition, l’insuffisance et l’excès, et s’attaquer aux défi- loppement à Genève et au Johns Hopkins School ofciences en minéraux et en vitamines en enrichissant, par Advanced International Studies à Washington.exemple, la formule de ses cubes Maggi en iode et désor-mais en fer. Le défi est de conserver l’attrait des produits des communautés locales – en formant plus particulière-en tout en améliorant leur contenu nutritionnel. ment les femmes – pour améliorer à la fois leurs tech-Dans le domaine de l’eau, où son action est par ailleurs niques de production et leur existence. «Nestlé y trouvecritiquée, le groupe alimentaire veut jouer un rôle actif son bénéfice dans l’amélioration des rendements» ex-dans l’approvisionnement durable en eau de qualité, in- plique Janet Voûte. «Quand nous ne pouvons intervenir di-dispensable à la vie et à sa production alimentaire. Le rectement auprès des fermiers, nous fixons des règlesgroupe a mis en œuvre un programme de réduction de avec nos fournisseurs pour qu’ils respectent nos prin-l’usage de l’eau dans ses usines ainsi que dans les com- cipes». Nestlé veut s’assurer, par exemple, que le travailmunautés agricoles auprès desquelles il s’approvisionne, des enfants n’ait pas sa place dans la culture du cacao etplus particulièrement dans les zones de stress hydrique. s’est associé avec la Fair Labor Association et la WorldEt se préoccupe aussi de l’effet de serre et de la défores- Cocoa Foundation ainsi qu’avec la Croix-Rouge pour orien-tation. C’est à ce niveau que la création de valeur partagée ter son action. Une action qui ne se limite pas à la culturerencontre la réduction des risques. En établissant des di- du cacao mais s’étend aussi à celles du maïs et des légu-rectives responsables et en travaillant à leur mise en place mineuses. A Tamale dans le nord du Ghana, le groupe dé-avec les fermiers, Nestlé veut s’assurer que les risques ploie une formation picturale, adaptée à une société donts’atténuent et aussi que la quantité et la qualité de l’eau le taux d’analphabétisme reste élevé, pour contribuer àne souffrent pas, ou dans une moindre mesure. «Prise de éradiquer le développement de l’aflatoxine (une substance cancérigène présente en grande quantité dans certaines,,conscience et action collective sont indispensables pour cultures africaines) du à des méthodes inadéquates de conservation de l’arachide.construire des communautés agricoles résilientes» estime «De la signature des principes à l’action sur le terrain,Janet Voûte. nous revendiquons un véritable engagement» conclut Janet Voûte. — De nouvelles mesures intègrent les risques de catastrophe dans les ,,décisions d’investissement.Nestlé collabore avec les producteurs agricoles dans lesdomaines des produits laitiers, du café, du chocolat et debien d’autres denrées. Il a donc choisi d’intervenir auprès— WORK #03 — 33
BPW SWITZERLANDBusiness & Professional Women BPW c'est ... En Suisse et dans le monde, I'association la plus importante de femmes professionellement actives, occupant des postes à responsabilité. Présente et reconnue dans la société, la culture, I'économie et en politique. Reliant les différentes générations et recoupant tous les secteurs d'activités ainsi que toutes les professions. Les objectifs Une égalité qualitative et financière, afin d'avoir le libre choix dans I'organisation de sa vie. Vous voulez vous engager: www.bpw.ch
SOCIÉTÉSusan GreenfieldJeux vidéo,réseauxsociaux etprise derisqueFascinée par l’impact des nouvelles technolo- changements significatifs peuvent subvenir engies sur le fonctionnement d’un cerveau dont quelques jours» explique Susan Greenfield, pro-nous savons aujourd’hui combien il est malléa- fesseur de pharmacologie à l’Université d’Oxfordble, Susan Greenfield s’est penchée sur le rôle et spécialiste des dysfonctionnements neurolo-des jeux vidéo, de l’internet et des médias so- giques.ciaux dans la perception de la réalité, dans les C’est la raison pour laquelle Susan Greenfield serapports interpersonnels et dans la prise de penche, depuis des années, sur la vaste gammerisque. de technologies qui transforment notre environ- nement car elle les juge de nature à provoquer PAR NICOLETTE DE JONCAIRE des changements sans précédent sur le cerveau humain, et donc sur nos esprits. SusceptiblesL e cerveau fait preuve d’une remar- d’altérer la manière dont nous traitons l’informa- quable habileté à se modifier par l’ap- tion, la nature du rapport social et de l’empathie prentissage. Cette plasticité, plus ainsi que la mesure dans laquelle nous perce- vons les risques, ces technologies peuvent même importante chez les personnes altérer la perception de notre propre identité. Sans adopter le moins du monde une attitudejeunes, continue à se développer tout au long de réactionnaire, Susan Greenfield est sceptique sur certains des bienfaits de la société en ligne.l’existence et permet une reconfiguration conti- Diminution de l’attention, perte de concentration, addiction – tant aux jeux qu’aux réseaux so-nuelle des capacités. «A chaque instant, le cer- ciaux –, elle s’inquiète en particulier de la subs- titution du rapport face-à-face par des relationsveau se modifie en fonction de l’environnement virtuelles dénuées de proximité physique et axée sur un comportement réducteur, fondé sur le vi-avec des effets à court et à long terme. Des sionnement multiple d’un message simpliste ou — WORK #03 — 35
SOCIÉTÉd’une image et sur l’approbation d’un certain nombre LE PARCOURS DE SUSAN GREENFIELDd’«amis» dont on ne connait pas grand’chose ou mêmerien. Dans un univers qui permet d’échapper à l’interaction Susan Greenfield est professeur de pharmacologie àphysique avec ses pairs et aux répercussions que peuvent l’université d’Oxford. Elle est neuroscientifique maisentrainer les agissements répréhensibles dans la vie aussi écrivain et collabore régulièrement avec la télé-réelle. Sans oublier l’isolation qu’entraine le temps passé vision britannique (BBC). Elle a reçu plus de 30 diplô-en solitaire devant un écran en lieu et place d’activités so- mes «Honoris Causa» d’universités britanniques et duciales ou sportives plus riches en contenu. monde entier et de nombreuses récompenses. SusanSur la perception et la réaction au risque, Susan Greenfield Greenfield dirige actuellement un groupe de recher-rappelle que la recherche scientifique se penche sur la lo- che multidisciplinaire sur le cerveau et plus particu-calisation de la prise de décision et de ses dérèglements lièrement les dysfonctionnements neurologiques– sous forme d’imprudence ou d’asocialité – depuis la fin associés aux maladies d’Alzheimer et Parkinson. Elle adu XIXe siècle et le cas de Phineas Gage. Chez ce contre- été élue parmi les 100 femmes les plus influentes demaître des chemins de fer sérieux et fiable, la personnalité Grande-Bretagne en 2003 et femme de l’année ens’est radicalement modifiée à la suite d’un traumatisme 2000 par le magazine The Observer.crânien majeur. En raison d’une lésion du lobe frontalgauche, la personnalité de Phineas Gage s’est déstabiliséegravement et il a affiché jusqu’à la fin de sa vie un com-portement irréfléchi et agressif, occasionnant de fréquentschangements d’emploi et une suite d’activités hasar-,,deuses. Il est urgent d’ouvrir et dont l’atteinte peut générer des déficits de la conduite le débat car il s’agit de sociale. En outre, «être confronté plusieurs heures par jour à un monde illusoire où les morts ressuscitent au jeu sui- l’esprit des vant» est de nature à relativiser artificiellement la réalité et à désensibiliser les joueurs vis-à-vis des évènements ,,générations à venir les plus considérables de l’existence» explique Susan Greenfield. Les jeux vidéo ont donc un impact significatifCe cas d’école et les recherches qui lui ont succédé per- tant au niveau chimique qu’au niveau psychologique.mettent aujourd’hui d’affirmer que l’évaluation des risques Lors d’une conférence récente à Genève, Susan Greenfieldcorrespond à la partie frontale du cortex, une zone qui pré- expliquait vouloir aussi explorer l’impact de la réalité vir-sente des différences entre adolescents et adultes mais tuelle sur les comportements des acteurs financiers etaussi entre personnes saines et personnes atteintes de plus particulièrement ceux observés avant et pendant latroubles psychiques. Les perturbations de cette aire du crise de 2007.cerveau peuvent engendrer des comportements impru- Ce n’est pas un sujet qui souffre l’expectative. «Si mêmedents, voire téméraires, et asociaux. Des désordres obser- nous n’en connaissons pas encore suffisamment toutesvés chez les schizophrènes mais aussi chez les joueurs ou les implications, il est urgent d’ouvrir le débat. Il s’agit deles individus atteints d’obésité. l’esprit des générations à venir» conclut Susan Greenfield.Un certain nombre d’études ont démontré que les jeux Il ne s’agit pas d’interdire mais de réfléchir. «L’apparitionvidéo dont les adolescents se montrent particulièrement – et le succès – d’outils comme Freedom, une applicationavides (97% des jeunes américains en usent), libèrent la qui permet à ses usagers de restreindre leur accès à l’in-dopamine dans le cerveau. Responsable d’une sensation ternet, sont les premières antidotes que nous voyons ap-de plaisir, ce neurotransmetteur peut provoquer des dé- paraitre dans ce champ». —pendances et le dérèglement de ses flux est de nature àaltérer le fonctionnement des structures cérébrales fron-tales, aire reconnue comme celle de la prise de décisions36 — W O R K # 0 3 —
SOCIÉTÉFrancine MoreillonPouvoir s’exprimeren toute libertéPlaisir, soif d’extrême, absence de cadre formelau sein d’une nature encore vierge, lefreeride exige effort physique intense et besoinde dépassement. Savoir lire la pente. PAR LISE MÉDIONI L e freeride, ce sont des pentes jamais tentées. Pas une discipline mais un état d’esprit avec le pouvoir de s’ex- primer librement et d’interpréter la montagne selon ses compétences. Pour Francine Moreillon, trois fois championne du monde de freeride, c’est d’abord le côté lu- dique, l’absence de cadre et la soif d’extrême qui ont répondu à un besoin de dépassement et de rêve. Et aussi un monde bien particulier, une confrérie dont les membres vivent sur la même fréquence et où stimulation et solidarité sont étroitement associées. Il n’y a pas d’entraineur dans le freeride. Chaque construction est entiè- rement personnelle, souvent menée sous l’orien- tation d’un confrère plus expérimenté qui sert de mentor. La compétition – même si elle permet d’en vivre – n’est finalement qu’un à-côté. Si en montagne le risque-zéro n’existe jamais, le danger décroit avec l’expérience, même si, dans l’œil du spectateur, il parait insensé. «La prise de risque est nécessaire mais toujours calculée. Il faut connaitre sa matière et le danger régresse avec le degré de compétence» explique Francine Moreillon. Mais il importe de toujours demeurer en-deçà de son potentiel et de garder une marge pour l’imprévu. Car malgré une préparation in- tense et le passage des patrouilleurs, l’inattendu peut se produire à chaque instant, sous forme d’instabilité localisée du manteau neigeux et d’avalanches. La préparation psychologique est essentielle. Avec visualisation et projection mentales de l’épreuve à affronter. Il faut savoir lire la pente38 — W O R K # 0 3 —
SOCIÉTÉet l’interpréter puis prévoir chaque action en LE FREERIDEs’appuyant sur la mnémotechnique du mouvement. Lacompréhension des mécanismes du cerveau a rendu évi- Associé aux espaces vierges et à la prise de risque, ledente l’importance de l’harmonie entre corps et esprit freeride consiste à pratiquer un sport en dehors dedans la performance sportive. Le sport est d’abord une tout cadre formel et appartient à la famille des sportsperformance mentale. \"Et la visualisation sportive marche extrêmes. Le terme s’applique aussi bien au ski qu’autrès bien en ski\" confirme Francine Moreillon. snowboard, au VTT ou à la moto. Grands espaces, poudreuse, pentes vertigineuses, itinéraires difficiles,,, le ski freeride exige un effort physique intense, une Il faut aussi savoir excellente connaissance de la montagne et un cou- rage à toute épreuve. Dans un esprit de liberté, les s’écouter et avoir le freeriders ont longtemps refusé le principe de compé- tition et ce n’est qu’en 2008 qu’est officiellement né ,,courage de dire non. le Freeride World Tour pour le ski et le snowboard. Les marques de sport et la presse spécialisée sont deve- nues aujourd’hui très friandes des exploits spectacu- laires réalisés par les freeriders.Au-delà de la technique et de la préparation, «il faut être LE PARCOURS DE FRANCINE MOREILLONforte et chercher au fond de soi mais il faut aussi savoirs’écouter et avoir le courage de dire non». Ce qui est par- Trois fois championne du monde de ski freeride, Fran-fois difficile lorsque l’on se trouve engagé dans un pro- cine Moreillon débute comme attachée de presse à lacessus de compétition et que l’on subit la pression des 20th Century Fox avant de partir seule à la découvertesponsors. Francine Moreillon évoque un reportage à de l’Asie. De retour en Suisse, elle monte le bureau deChamonix pour le compte d’un magazine américain au dé- presse de l’Xtreme de Verbier en 1996. Après diversespart duquel le guide «ne la sentait pas». Il avait neigé pen- expériences dans les médias et l’événementiel, Fran-dant deux jours et les prises photographiques étaient cine relance sa carrière de skieuse professionnelleprévues au bas d’un parcours complexe sur une grosse dans la discipline du freeride et sera la doublure depente raide chargée de neige lourde, suivi d’un rappel vers Sophie Marceau dans le James Bond «The World Isle haut d’une goulotte. Depuis des heures, le soleil frappait Not Enough». Elle sera ensuite responsable médiala face dominant la paroi contre laquelle l’équipe, encor- d’Alinghi pour la Suisse, l’Allemagne et l’Autriche lorsdée mais heureusement protégée par un surplomb ro- de la 32ème America’s Cup puis coordinatrice des opé-cheux, s’est retrouvée plaquée pendant qu’une avalanche rations sportives nationales de la Télévision Suisse Ro-déboulait à quelques centimètres. mande. En 2011, elle renoue avec les relations médiasDe la communauté bien particulière au sein de laquelle en freelance, et organise les Yalp Camps, des stageselle a vécu quatre ans, Francine Moreillon se rappelle avec de ski pour enfants.le sourire que les néo-zélandais étaient les plus fous, «desfreeriders nés», les français les plus râleurs et les italiensles plus perfectionnistes. Ce qui apparemment n’est pasune qualité dans cette discipline.Mais c’est finalement l’humilité qui reste la qualité la plusnécessaire d’un sportif de haut vol. «Ne jamais chercherà épater». Pour réussir, il ne faut pas être prétentieux etFrancine Moreillon se décrit comme la «championne d’unpetit monde».Un petit monde qu’elle a aujourd’hui quitté car la vie fa-miliale s’accommode mal d’une existence sans attachesaux quatre coins du monde, perpétuellement à la re-cherche des meilleures pentes, de la meilleure neigevierge de traces et des meilleures saisons. —— WORK #03 — 39
SOCIÉTÉCareer Women’s Forum Ladies’ Lunch de LausanneCréé à Genève en 1982, le Career Women’s Forum Le Ladies’ Lunch organise deux fois par an, au Lau-(CWF) soutient le développement professionnel des sanne Palace & Spa, un repas de soutien en faveurfemmes actives à travers un réseau de relations. L’as- d’une œuvre caritative dont l’action d’entraide menéesociation organise des activités professionnelles et en Suisse Romande, lui semble mériter un encourage-extra-professionnelles. Elle établit un dialogue perma- ment particulier. Chaque demande est étudiée par lenent avec les organisations publiques, privées et d’au- comité. L’aide financière a grandi au fil des années,tres associations. Le 24 juin, le Career Women’s Forum permettant au Ladies’ Lunch de soutenir des œuvresrecevait l’humoriste franco-suisse Valérie Mauriac. Le d’utilité publique, dont la plupart ont démarré de façon26 Août, Ariane Giacobino, médecin aux HUG et géné- modeste, grâce à l’initiative de personnes concernéesticienne abordait le rôle de l’environnement, du mode par une épreuve de vie. Le lunch de mai se tenait ende vie et des évènements, sur notre génome et celui faveur de la Fondation Pro-XY qui a pour mission dede nos enfants. Le 30 septembre, Isabel Rochat, soulager les proches-aidants, en leur offrant un suiviConseillère d’Etat en charge du département de la so- de proximité et en les relayant auprès de la personnelidarité et de l’emploi, exposait ses idées sur l’avenir dont ils s’occupent, quels que soient sa situation oude Genève. Cet automne, Paul Vanderbroeck présentait son âge. Le déjeuner d’automne s’est tenu le 21 no-une superwoman inattendue: Catherine II de Russie et vembre au profit de l’association Relais Enfants ParentsAniela Unguresan le EDGE Certified Foundation qui per- qui offre un accueil et un soutien aux familles et auxmet de mesurer et d’évaluer l’égalité des genres. proches des détenus. Hélène Gache, présidente Dominique Brustlein, présidenteBusiness and Professional Women 100 Women in Hedge FundsLes Business and Professional Women (BPW) forment Fondé en 2001, 100 Women in Hedge Funds est unela principale organisation de femmes actives, en Suisse association globale réunissant plus de 12.000 profes-et dans le monde. Les BPW occupent des postes à res- sionnelles dont l’effort bénévole cible l’éducation, lesponsabilité ou sont en début de carrière (Young BPW). initiatives professionnelles et la philanthropie. L’asso-Le réseau suisse compte 2500 membres, issues de ciation soutient en particulier la formation des femmesprofessions très diverses et réparties dans 40 clubs qui dans le domaine de la finance alternative et attribue,organisent des manifestations régulières, et dispose chaque année, dix bourses au programme d’enseigne-d’une bourse à l’emploi. Les BPW entretiennent des ment du Chartered Alternative Investment Analystpartenariats dans les sphères économique, sociale et (CAIA). Les évènements destinés à lever des fonds in-politique et sont représentées dans les commissions cluent quatre galas (New York, Londres, Hong Kong eteuropéennes et internationales (ONU, OMS, LEF, OIT, Genève). La soirée de Genève s’est tenue le 27 novem-etc.) pour défendre les intérêts des femmes actives. En bre au profit de la Fondation Roger Federer et plus pré-octobre, les BPW se sont penchées sur les répercus- cisément à celui du développement et du suivi dessions de l’initiative UDC «pour les familles» et ont repris enfants des familles défavorisées en Suisse. Au coursl’analyse de l’INFRAS sur les conséquences pour les des dix dernières années, l’association a levé près defamilles dont les deux parents ont une activité, démon- 30 millions de dollars au bénéfice de nombreusestrant qu’elle réduit l’attrait d’une activité profession- associations caritatives et impacté de manière positivenelle, quelle qu’en soit la variante adoptée. la vie de près de 400.000 personnes. Cathy Savioz, Board Member BPW Switzerland Claire Smith, fondatrice de l’association à Genève40 — W O R K # 0 3 —
SOCIÉTÉONU Femmes AgendaONU Femmes est l’organisation des Nations Unies pour 16/01/2014: Wave 2014: Workshop E-Reputation Brand Ma-l’autonomisation des femmes dans le monde entier. Elle nagementest présente dans près de 80 pays en développement, 20/01/2014: Close the gender gap: the present and the fu-par l’intermédiaire de bureaux locaux ou à travers des tureprojets. Dans 18 autres pays, principalement en Eu- 13/02/2014: Dare to Glowrope, Amérique du Nord et en Australie, des Comités 24/02/2014: Remise du CWF Awardnationaux ont été établis. Le Comité National Suisse 31/03/2014: Education, Technologie et Innovation: Queld’ONU Femmes (www.unwomen.ch/f) est une organi- futur pour nos enfants, un enjeu pour les femmes professio-sation indépendante d’utilité publique avec siège à nelles et mères!Zurich. Il s’engage en faveur d’une sélection de projets www.cwf.chONU Femmes. Les activités en Suisse sont financéespar les membres de soutien, les donateurs et sponsors 15/05/2014: Projet de film sur la maltraitance des enfantset réalisées grâce au travail d’un petit bureau et à en Suisse romandel’engagement de bénévoles. www.ladieslunch-lausanne.chLes activités de l’ONU Femmes Suisse ciblent deuxthèmes principaux: 09/12/2013: Advanced Finance Course Phase II (1st Edition 2013): Understand Key Financials, Berne • L’égalité des sexes dans la vie professionnelle 23/05/2014: 28th International BPW Congress, Jeju Island, basée sur les sept «Principes d’autonomisation Korea des femmes» (WEP) adoptés sur une base volon- De nombreux évènements prennent place en Suisse taire par les employeurs par la signature de la dé- alémanique… et dans le reste du monde. claration de soutien. ONU Femmes offre des www.bpw-geneve.ch plateformes d’échange pour promouvoir la mise en oeuvre des WEP. www.100womeninhedgefunds.org •La violence contre les femmes pour éliminer les www.unwomen.ch/fr/ relations de pouvoir inégales entre hommes et femmes en érodant les normes sociales et les 12/12/2013: Miss Dukascopy 2013 comportements néfastes qui normalisent la vio- www.dukascopy.com lence. ONU Femmes fait un travail d’information et mobilise des fonds pour l’autonomisation des Le prix Miss Dukascopy 2013 a été décerné, le vendredi 8 no- veuves en Asie du Sud où des millions de femmes, vembre, à Atashi Tada, une lettone établie à Londres, au cours en Inde, au Népal et au Sri Lanka, sont considé- du Geneva Forex Event de la banque Dukascopy où la marque rées comme des êtres sans valeur. Pour briser des de luxe italienne Gucci a organisé un défilé de ses créations tabous qui génèrent un quotidien marqué par la masculines et féminines sur le thème des années 1950. Atashi violence, la privation des droits et la lutte pour la a étudié la communication et s’est spécialisée dans les études survie, ONU Femmes travaille sur le terrain, avec de marché. des partenaires locaux, pour apporter une aide Le concours visait à primer l’expression sur les réseaux sociaux d’urgence, des conseils, du travail et créer des et financiers et cherchait à identifier les futures stars de réseaux sociaux. l’Internet. Chargées de 22 tâches, les participantes devaient répondre à des questions, s’exprimer sur un blog et participer à des interviews télévisées. Un défi à leurs connaissances – de la politique à la mode en passant par la finance –, à leur présence d’esprit et à leurs qualités de communication. Les participantes étaient évaluées en fonction de leur popularité sur le web et de leur réputation dans la communauté Dukas- copy. Les prix se montaient à une valeur de 250.000 dollars. Par Doireann Mc Dermott— WORK #03 — 41
TENDANCESMélancolie ou humourQuand l’art affronteles interditsIraniennes, tunisiennes, algériennes. Elles ontchoisi de quitter leur pays ou d’y rester et d’af-fronter la censure. On dit que la plume est pluspuissante que l’épée ; elles lui ont préféré laphotographie, la vidéo, l’installation. PAR ANNE-HÉLÈNE DECAUXA travers leurs images, avec ou sans détours, elles parlent du statut de la femme dans les sociétés islamiques contemporaines et abordent desthèmes cruciaux que de nombreuses artistes dumonde arabe ont en commun.Shirin Neshat est sans doute la plus connued’entre elles. Ayant quitté l’Iran quelques annéesavant la révolution islamique de 1979 pour étu-dier l’art aux Etats-Unis, Shirin Neshat n’est re-venue en Iran pour la première fois qu’en 1990.Une «expérience choquante» selon elle. «La dif-férence entre ce que j’avais gardé en mémoirede la culture iranienne et ce dont j’étais témoinétait énorme. Le changement était à fois ef-frayant et excitant. Je n’étais jamais allée dansun pays dont les fondations étaient si idéolo-giques». De ce choc naîtra Women of Allah, cettesérie de portraits de femmes à la fois mélanco-lique et dramatique qui a fait le tour du monde.Sur la plupart des clichés, des calligraphies farsi nienne. Elle avait cinq ans quand la révolution a éclaté et n’est donc pas nostalgique d’uneviennent recouvrir les visages, les pieds et les époque qu’elle n’a pas assez connue. Vivant à Téhéran, pas question pour elle d’aborder lesmains des «femmes de Dieu», réduites au silence problèmes de la société iranienne en ignorant la multitude d’interdits édictés par les Mollahs de-par l’intégrisme islamique de la charia. C’est puis 1979. Une femme ne peut être photogra- phiée sans voile dans un espace public et touteainsi que proteste l’artiste contre ce changement allusion à la sexualité est jugée comme un crime relevant du droit commun. Pour parler des sujetspolitique et sociétal. Shirin Neshat ne prend pas qui fâchent, Shadi Ghadirian utilise donc un moyen détourné: l’humour. Dans sa série Likedirectement parti. Elle préfère utiliser l’art pourtranscender la réalité afin de mener à la vérité.Pousser le spectateur à réfléchir à la questionféminine dans le monde arabe sans être explici-tement polémique. Tout en délicatesse.Comme Shirin Neshat, Shadi Ghadirian est ira-42 — W O R K # 0 3 —
every day, qui illustre parfaitement la précarité de la ,, TENDANCEScondition des femmes, reléguées à la cuisine et au foyer, Elles utilisent l’artl’artiste remplace leur visage par des gants de ménage enplastique, des tasses à café ou des râpes à légume. Avec faute de vouloir ouironie et en écartant toute possibilité de censure, elle il-lustre ainsi les contradictions d’une société déchirée entre de pouvoir prendre latradition et modernité sans avoir recours à la violence.Une autre artiste, algérienne cette fois, se sert de l’humour ,,parole en publicpour questionner nos représentations, sociale, morale, re-ligieuse ou même formelle et militer pour les droits de la tique. Entre vision et fantasme, on ne peut que se ques-femme dans les pays arabes. Dans son installation Si- tionner sur la condition féminine dans le monde arabe àlence, par exemple, Zoulikha Bouabdellah présente des la vue de ces clichés.tapis de prière dont la découpe offre une ouverture au sol Rébellion contre l’ordre établi, remise en question sociale,sur lequel reposent des escarpins. Avec malice, l’artiste politique, sexuelle et religieuse. Qu’elles utilisent l’artrend hommage aux femmes qui n’ont pas peur de s’affir- faute de vouloir ou pouvoir prendre la parole en public,mer pour exister. chacune à sa façon, à travers ses œuvres, nous permet deTout comme la tunisienne Meriem Bouderbala, connue comprendre et peut-être même de ressentir l’espace depour son engagement féministe et sa remise en cause des quelques instants ce que cela veut dire d’être femme danssymboles de l’Islam. C’est elle qui s’est élevée contre le le monde arabe d’aujourd’hui. L’insécurité, la précarité, lacomité de censure de Tunis en juin 2012, cachant les œu- désorientation que l’on peut éprouver dans son proprevres qui pouvaient le choquer pour les raccrocher le jour pays. Une résistance audacieuse et novatrice qui s’orga-du vernissage de l’exposition. Dans son œuvre, elle s’in- nise pour s’élever contre des sociétés patriarcales in-terroge sur la féminité en empaquetant le corps des justes. —femmes dont on ne voit plus qu’une partie. Le corps fémi-nin devient obsédant, à la fois érotique, caustique et poli-— WORK #03 — 43
TENDANCESLivresN on sans justification, la parution posthume d’un ouvrage a souvent une connotation de «fond de tiroir» qui incite à la méfiance. Faut-il dire qu’elle serait ici bien déplacée? D’abord parce que La dissua- sion nucléaire au XXIe siècle n’est pas posthume, mais a parud’abord aux Etats-Unis, quelques jours seulement après le décès de l’auteure.Ensuite parce que la maîtrise et la hauteur de vue de Thérèse Delpech (1948-2012) rendaient probablement même ses pense-bêtes passionnants! Dans cetessai volontairement provocant, la grande théoricienne des questions straté-giques internationales – son fief attitré au Commissariat à l’énergie atomique– braque le projecteur sur les errements face au nucléaire militaire. Du naïf dés-armement aux prolongations de stratégies dépassées par l’évolution des forcesen présence, elle liste méthodiquement les divers avatars de la dissuasion nu-cléaire, avec leurs défauts et qualités, et les met en perspective dans le cadre,large mais efficacement synthétisé, des crises et glissements des équilibres àl’œuvre en ce début de millénaire. Lucide, claire et pragmatique, Thérèse Del-pech rappelle surtout que la dissuasion, pour être crédible, se joue sur le longterme, et non sous le coup des événements. Un essai brillant et salutaire qui enrevient aux fondamentaux: Si vis pacem…Il y en a aujourd’hui dans tout, à se Le patron est un responsable, mais Maître de conférences à Science Po,demander comment on a pu vivre aussi… un modèle de vêtement – l’auteure doit être confrontée ausans elle! L’huile de palme a, selon le celui que bien des dirigeants, tous ni- quotidien à l’indigestion qu’elle dé-mot de cette journaliste pugnace, co- veaux confondus, endossent chaque nonce, et qui fait de la boîte à cour-lonisé l’agro-alimentaire. Et, pire, matin pour jouer leur rôle dans l’en- riels le véritable centre névralgique devampirisé son «usine», l’environne- treprise. Coach venue de l’anthropo- l’entreprise aujourd’hui. Phénomènement tropical, ses «employés», des in- logie(!), Marie-Christine Bernard a récent mais majeur, qui implique undigènes devenus des tâcherons remarqué qu’ils ont souvent moins grand nombre de dommages collaté-hors-sol, ses «actionnaires», des gou- d’empathie pour leur job que pour raux, et demande donc une stratégievernements corrompus réduits au si- leurs employés, naviguant au radar pour être géré: mais par qui, etlence, et ses «clients», qui ne savent entre autorité et paternalisme d’une surtout comment? Techniques, métho-plus quoi manger pour lui échapper. façon qui brouille les messages et, dologiques et organisationnelles, lesLe tableau est noir, et manifestement surtout, les épuise. Et elle le leur dit! solutions ne s’imposeront queseule la composante consommateurs Avec une approche humaniste aussi progressivement. est en mesure de réagir… décalée que constructive.44 — W O R K # 0 3 —
Techno TENDANCESDense Miroir de poche, Léa LongisEn mars 2014, le projet innovant et révolution-naire issu de la collaboration EPFL+ECAL Lab àLausanne, Under Pressure, aura sa salle dédiéeau Musée des Arts décoratifs à Paris.Photo: Olivier Pasqual Photo: Olivier PasqualPAR KHADIJA HEMMA L es hommes ont toujours tenté de mai- sorties de l’imagination de cinq designers don- triser le bois. Courbé sous l’effet de nant naissance à des produits insolites et esthé- la chaleur ou de l'humidité, on lui a tiques, réalisés en bois de sapin densifié. L’exposition retracera le processus de création, imposé les formes les plus radicales. du bois brut à l’objet final, pour découvrir toutes les facettes de ce matériau et son association L’avancée la plus novatrice nous vient de avec la haute technologie. — Casque de l’EPFL+ECAL Lab à Lausanne (www.epfl-ecal-lab.ch). Au Musée des AArtrstsddééccooraratitfisfshaut-parleurs, 1107 rue de Rivoli 75001 à ParisNormal Studio Il est dorénavant possible de densifier le bois du 27 mars au 31 août 2014. sans ruiner ses propriétés mécaniques. Doux au www.lesartsdecoratifs.fr – www.epfl-ecal-lab.ch toucher, un morceau de sapin devient aussi dur que celui d'une précieuse espèce issue des fo- rêts tropicales. Le projet Under Pressure reprend ces résultats scientifiques, pour créer des pièces Boxes, Léa Longis Chaussure Pressure Point,Paul Cocksedge — WWOORRKK ##0033 —— 44 5
TENDANCESLe cuir apprivoiséAssocier le cuir aux motards ou auxaviateurs appartient à une autre époque.Aujourd’hui, le cuir est partout et s’invitedans votre garde-robe. PAR BÉATRICE FICHOT Easy ChicE lément de mode incontournable, le cuir s’est vu Tradition et innovation se mêlent pour attribué ses lettres de noblesses chez les plus créer des ensembles décontractés. grands couturiers et sur tous les derniers défi- Pantalon de cuir porté avec un doux lés. Grande vedette de l’hiver, le cuir se veut lainage ou robe de daim aux finitionsurbain et décontracté. Il n’est plus réservé aux seuls ac- recherchées, les tenues permettent une élégante sobriété.cessoires, mais se prête à touts les contextes. Et sait aussi ᕤse combiner avec une vaste gamme de matières: dentelle, ᕥtricot, maille, cachemire, entre autres. Pour miser sur unlook qui ne soit pas celui d’une égérie rock, il faut s’assurerde porter une pièce aux détails féminins. De jour commede nuit, au bureau comme à la ville, le cuir s’universaliseet se porte avec aisance dans toutes les occasions. ᕡᕢ ᕦ ᕣ46 — W O R K # 0 3 —
TENDANCESLady of thenightLe nude et le cuir sont les deuxtendances qui font mouche cetautomne et cet hiver. Combinées,ces pièces créent un savant mélangede charme féminin, avec juste cequ’il faut de twist.ᕡᕢ ᕣ ᕥ ᕤ — WORK #03 — 47
TENDANCES Reine des PAR BÉATRICE FICHOT glaces ᕡ Votre vanity se veut glamour, pour ᕢ faire fondre neige et glace d’un seul geste. Les couleurs froides cachent bien leur jeu. ᕤ ᕥᕣ48 — W O R K # 0 3 —
Au coin TENDANCES du feu ᕡ Il ne faut pas forcément posséder la peau d’ours traditionnelle, mais ces quelques must-have auront vite fait de réchauffer votre look hivernal, même pour se reposer devant la cheminée.ᕥ ᕢ ᕣᕤ— WORK #03 — 49
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