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Libre criculation et PIB - version longue

Published by AGEFI, 2020-08-27 11:49:23

Description: Libre criculation et PIB - version longue

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La libre circulation n’a pas ralenti la croissance Une récente étude d’Europe Economics affirme que la libre circulation a plombé le PIB par habitant : sans elle il serait actuellement plus élevé de 4 à 6 pourcent. Cette conclusion est erronée. Oui, le PIB par habitant stagne en Suisse depuis 2007. C’est un phénomène global qui reflète la crise économique de 2007. En fait la Suisse s’en sort mieux que ses voisins, ce qui suggère un effet bénéfique le la libre circulation. La figure ci-dessous montre que depuis 2007 la croissance du PIB par habitant – et donc du niveau de vie – s’est nettement ralentie. Nous sommes passés de 1.7 pourcent de croissance annuelle entre 1995 et 2007 à 0.4 pourcent depuis. Une autre manière de voir les choses est de calculer la tendance de 1995 à 2007, puis de la projeter jusqu’à aujourd’hui (ligne pointillée) et de comparer avec le niveau effectif. Cela montre un écart de 9.7 pourcent du PIB par habitant, soit plus d’un mois de revenu. PIB par habitant en Suisse (indice 1995=100) 150 140 9.7% 130 120 110 100 Croissance annuelle Croissance annuelle moyenne 90 moyenne 1995-2007: 1.7% depuis 2007: 0.4% 80 2000 2005 2010 2015 1995 Niveau effectif Tendance 1995-2007 Le décrochage est clair depuis 2007, année où les mesures de libre circulation introduites en 2002 ont été étendues. La faute à la libre circulation donc ? Pas si vite. 1

La crise financière explique le ralentissement de la croissance Imaginez que vous achetez un nouveau ventilateur, et que – manque de chance – une canicule sévère sévit le jour où vous le branchez pour la première fois. Ce jour-là vous aurez un peu plus chaud que d’habitude. Allez-vous en conclure que votre achat était une mauvaise idée ? Bien sûr que non : vous allez simplement attendre d’utiliser le nouveau ventilateur dans une journée plus normale pour savoir s’il marche mieux que l’ancien modèle. Il en va de même dans l’évaluation des politiques économiques. L’élargissement de la libre circulation n’est pas le seul changement survenu en 2007. Il y a aussi eu la crise économique mondiale qui a entrainé une baisse durable de la croissance dans tous les pays industrialisés. Comme la Suisse est une petite économie fortement dépendante du cycle conjoncturel mondial, elle a bien entendu été affectée. Comment pouvons-nous départager les effets de la libre circulation de ceux de la crise financière ? Nous pourrions construire un modèle détaillé de la Suisse pour estimer les diverses facettes de l’activité économique, ce qui serait fastidieux. Une autre approche est de comparer notre croissance avec celle d’autres pays qui eux n’ont pas connu un changement substantiel de leur politique migratoire. La figure ci-dessous montre les taux de croissance du PIB par habitant pour la Suisse, une série de petits pays européens qui sont une bonne base de référence pour le nôtre, et les grands pays (les données sont celles du FMI). Elle montre la croissance annuelle moyenne entre 1995 et 2007 (barres vertes), entre 2007 et 2019 (barres bleues) et le ralentissement entre ces deux périodes (barres rouges). 2

Croissance annuelle moyenne du PIB par habitant -3% -2% -1% 0% 1% 2% 3% Suisse Autriche Belgique Danemark Pays Bas Norvège Moyenne 1995-2007 Suède Moyenne 2007-2019 France Différence Allemagne Italie Espagne Royaume Uni Etats Unis La croissance suisse a ralenti d’un peu plus de 1 pourcent. C’est une mauvaise nouvelle, mais les autres pays ont connu une situation encore pire, notamment dans les petits pays avec des ralentissements de 1.5 à 2 pourcent. En fait seule l’Allemagne a fait mieux. Nous pouvons aussi calculer l’écart entre le PIB par habitant de 2019 et le niveau qu’il aurait atteint si sa tendance de 1995 à 2007 s’était maintenue. La figure ci-dessous montre le résultat, l’écart pour la Suisse atteignant 9.7 pourcent. Tous les autres pays affichent des écarts encore plus marqués, l’Allemagne étant le seul qui fait mieux que la Suisse. 3

Ecart entre valeur 2019 et tendance 1995-2007 -30% -25% -20% -15% -10% -5% 0% Suisse Autriche Belgique Danemark Pays Bas Norvège Suède France Allemagne Italie Espagne Royaume Uni Etats Unis Plus précisément, l’écart se monte à plus de 15 pourcent pour les petits pays européens. En d’autres termes, le PIB par habitant Suisse est plus élevé, en termes relatifs, d’au moins 5 pourcent. Vu ainsi la libre circulation a été bénéfique à notre pays. Certes, il faudrait des calculs plus fins pour bien ancrer une telle conclusion. Cependant, cette valeur de 5 pourcent ou plus est similaire à l’étude d’Economiesuisse en 2016 qui concluait que le PIB par habitant a été accru de 5.7 pourcent. Il convient de souligner que cette étude est une analyse économétrique solide et bien étayée, de meilleure qualité que celle d’Europe Economics. Comparez ce qui est comparable L’étude d’Europe Economics estime la baisse du PIB par habitant attribuable à la libre circulation en comparant l’évolution de la Suisse à celle de pays qui lui sont similaires, mais n’ont pas modifié leur politique migratoire (approche de contrôle synthétique). C’est une approche valable, pour autant qu’avant la libre circulation l’économie des pays de référence ait effectivement évolué de manière similaire à celle de la Suisse. Or les propres figures de l’étude montrent que ce n’est pas le cas. 4

La figure ci-dessous montre l’évolution du PIB par habitant depuis 1980 pour la Suisse (ligne solide) et la moyenne des pays de référence (ligne pointillée), les deux lignes étant mises au même niveau en 2002. Comme la ligne pointillée est maintenant plus élevée que la ligne Suisse, l’étude en conclut que la libre circulation nous a pénalisés. Mais nous voyons clairement que les deux lignes ont suivi des chemins très différents entre 1980 et 2007, ce qui invalide l’analyse. Comme la ligne pointillée montait plus rapidement que la ligne Suisse avant 2007, il n’est guère étonnant qu’elle continue de le faire par la suite. La conclusion de l’analyse est erronée, et ce de manière flagrante. En outre, si le groupe de référence comprends plusieurs pays, il est en fait dominé par l’Allemagne (comme l’étude le reconnait), qui comme nous l’avons vu a connu une situation particulièrement favorable. La libre circulation a-t-elle pénalisé l’investissement ? L’analyse d’Europe Economics prétend que la disponibilité accrue de main d’œuvre a été un oreiller de paresse pour les entreprises, réduisant leur incitation à investir et innover. Que penser de cet argument ? Considérons tout d’abord ce que la théorie économique nous dit. Le modèle le plus simple du choix entre consommation et investissement (modèle de Ramsey) indique qu’une hausse du taux de croissance de la population n’affecte pas le PIB par habitant et stimule l’investissement. La raison 5

est simplement que le capital et le travail sont des facteurs de production complémentaires, et une augmentation de l’emploi accroît la rentabilité du capital. Cela incite les entreprises à investir plus, ce qui permet au PIB de croître au même rythme que la population. Ce modèle de base peut bien sûr être ajusté de plusieurs manières. Par exemple, si nous considérons qu’accroître l’investissement ne peut se faire que graduellement, alors le PIB par habitant va connaître une baisse passagère car l’économie sera temporairement sous-capitalisée. Mais les données ne montrent-elles pas une baisse de la part de l’investissement au PIB en 2007 ? Effectivement, comme dans toute récession. L’investissement est en fait la partie la plus volatile du PIB, et une récession est toujours conduite par une baisse particulièrement marquée de l’investissement. Il n’y a donc rien de surprenant à ce que le ratio investissement-PIB ait diminué en 2007, pour ensuite remonter ensuite vers ses valeurs habituelles (l’analyse statistique dans l’annexe de l’étude d’Europe Economics montre précisément cette remontée). Qu’en est-il de l’innovation ? Comme la hausse de la population accroît la taille du marché, elle devrait plutôt inciter les entreprises à innover plus pour profiter d’un meilleur rendement de leurs efforts de recherche au final. En fait, si nous pensons réellement qu’une situation confortable induit les entreprises à réduire leur innovation, alors nous avons trouvé la recette magique pour stimuler l’innovation. Il suffirait de rendre la vie des entreprises pénible, par exemple avec des salaires minima élevés, afin de les forcer à innover pour survivre. Sans surprise, personne ne propose une recette aussi absurde. 6


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