Mary Callahan Erdoes dirige J.P. Morgan Asset Management ANNE-MARIE DE WECK Passerelle vers la durabilité ANTOINETTE HUNZIKER Investissement financier au futur RAJNA GIBSON BRANDON Finance et société TIMEA BACSINSZKY Sport et sponsoring financier JUIN 2015 NUMÉRO 6
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EDITOResponsabilité sociale etpouvoir de l’argent PAR NICOLETTE DE JONCAIRE consensus sur l’investissement socialement respon- RÉDACTRICE EN CHEF sable (ISR) et on observe pratiquement autant d’ap- proches de sélection d’actifs ISR que de fonds qui s’enL’ aspiration à une meilleure évaluation des réclament. Les concepts fondamentaux qui sous-ten- grandeurs économiques et financières dent la responsabilité sociale et environnementale ne fait son chemin. Pour que fortunes pu- sont eux-mêmes pas universels. Les messages sont bliques et personnelles puissent soutenir ambigus, voire contradictoires. un équilibre social équitable et se soucier La théorie de la finance s’est enrichie et ses outilsde la préservation de notre monde, il faut associer quantitatifs se sont multipliés. Mais les fondementsimpératifs sociaux et environnementaux aux objec- du reporting financier ne tiennent compte ni de la qua-tifs matérialistes et financiers de l’investissement. lité de vie ni de la préservation de l’environnement.C’est pourquoi nous consacrons ce numéro à celles Pire encore, la rentabilité à court terme des marchésqui progressent dans la voie d’un usage de la de capitaux ne correspond en rien à une viabilité àrichesse tourné vers la finance responsable et la long terme, même si, et vous le lirez dans ces pages,finance durable. la performance des actifs «responsables» peut êtreCe type de finance représenterait près du tiers de l’in- aussi attractive que celle des autres.vestissement global, nous dit-on. Mais à quoi corres- La finance n’est pas seule en cause. Les indicateurspondent ces chiffres? Il n’existe toujours pas de macro-économiques dont usent les politiques pour définir les stratégies nationales ne valent guère mieux. Le Produit Intérieur Brut (PIB) reste l’ultime mesure de l’Etat et du progrès économique des na- tions. Somme de la valeur marchande des produits et services d’un pays sur une année, il ne tient guère compte des externalités sociales et environnemen- tales. Son substitut espéré, le «PIB vert» ne permet- trait pas, prétend-on, de piloter un développement durable car il agrègerait trop de dimensions et per- drait ainsi toute capacité réelle d’information. Vous le chercherez en vain dans les statistiques de la Banque Mondiale, du Fonds Monétaire International ou dans les comptes des nations. Certes, l’évolution technologique fait de la durabilité une cible mouvante mais au-delà des dissensions sur les principes de base (et des difficultés à s’accorder sur les modalités d’évaluation), il existe aussi un refus culturel de quantifier certains composants essentiels: la vie humaine ou l’extinction des espèces par exem- ple. Une forme d’obscurantisme contre-productive car ce qui n’a pas de valeur est voué à être détruit sans vergogne. ——WORK #06 — 3
SOMMAIRE 06 NUMÉRO Sommaire 10 03 Edito IMPACT 06 Contributeurs4 07 Finance responsable, BUSINESS © J.P. Morgan quelques chiffres 08 Valeur et valeurs? Par Marie Owens Thomsen, chef économiste, Crédit Agricole Private Banking Suisse 10 Mary Callahan Erdoes La gestion d’actifs est affaire de personnes 16 Passerelle vers la durabilité Anne-Marie de Weck, Lombard Odier 18 L’investissement financier au futur Antoinette Hunziker-Ebneter, Forma Futura 21 Emergence dans la finance Arundhati Bhattacharya, Nang Lang Kham, Teresita Sy-Coson, Vivienne Yeda 22 Innovation financière et ISR Isabelle Bourcier, Ossiam 24 Finance responsable ou durable? Le point de vue critique de Marjorie Théry PHOTO DE COUVERTURE: Mary Callahan Erdoes, présidente et directrice exécutive (CEO) de J.P. Morgan Asset Management —WORK #06 —
EDITOSOCIÉTÉ18 2 6 Finance et société TENDANCES Rajna Gibson Brandon, Geneva Finance Research Institute 2 8 Chevalières des temps modernes Janet Yellen et Elvira Nabiullina 29 Promouvoir la responsabilité sociale Doris Rochat Monnier, Fondation Guilé 32 Sponsoring sportif et finance Timea Bacsinszky et la Banque Cramer 3 5 Women on boards Tour d’horizon européen de la gouvernance au féminin 36 Partenariats et agenda 38 Art et pouvoir de l’argent Sheikha Al Mayassa, Qatar Museum Authority 40 Design Daniela Droz, dissonances, bruits et harmonie 42 Livres Nadia Dhaoidi et Aude Sarda Epargner éthique Les TOP de WORK29 32© Fondation Guilé—WORK #06 — 5
CONTRIBUTEURS Avec nous Marie Owens Thomsen est Valérie Plagnol est économiste, Carol Labonte Holmes est uneéconomiste en chef au Crédit Agricole Suisse consultante indépendante. Directeur des passionnée de l’image depuis la petite Private Banking. Elle a été chef-économiste études pour d’importants établissements enfance. A l’aide d’expositions multiples, sa pour la France chez Merrill Lynch à Paris et financiers en France, en Suisse, au Royaume série «Society» interprète de manière Uni et au Japon, elle préside depuis 2012 la symbolique les évènements politiques, économiste/stratégiste chez HSBC à Société d’Economie Politique à Paris. Elle économiques et religieux dont elle estLondres. Elle a également travaillé chez IKEA est membre du Conseil d’Administration de témoin pour y refléter l’implication de cha-et dirigé sa propre société. Elle est membre cun, avec une infinie poésie. Carol est aussi l’établissement d’assurance Le une adepte de la technique photographique de l’Association des Stratégistes Conservateur. Elle a été membre du Conseil appelée Through the Viewfinder (TtV). d’Investissement de Genève (ISAG) qui d’Analyse Économique auprès du Premier Originaire de Caroline du Nord, elle a suivi regroupe une vingtaine d’experts en Ministre en France (2006-2010). Ancienne les cours de l’Université d’East Carolina à stratégie d’investissement à Genève. Marie élève de Sciences-Po Paris et de l’Université Greenville, études qu’elle a dû abandonner est titulaire d’un MBA de l’université de de Keio à Tokyo, elle est Chevalier de l’ordre au moment de la crise pour continuer à se Gothenburg en Suède et d’un doctorat de de la Légion d’honneur et de l’ordre National l’Institut des Hautes Etudes Internationales former en autodidacte. du Mérite. de Genève. Rohan Sant est journaliste Anne-Hélène Decaux est Marjorie Théry est journalisteéconomique. Il a notamment officié en tant historienne et historienne de l’art. Après économique pour le quotidien économiqueque chef d’édition du quotidien économique avoir étudié à la Sorbonne et à UNSW à suisse L’Agefi. Elle couvre divers secteurs et financier suisse l’Agefi et rédacteur en Sydney, elle rejoint l’agence culturelle du allant de la place financière aux start-up, réseau Aga Khan de Développement. En mais aussi l’industrie suisse et les PME. chef du magazine financier Market. 2007, elle se spécialise en art moderne et Auteur de «Comment en vient-on aux contemporain et intègre le post-graduate Elle est aussi membre depuis 2010 de délocalisations et à la désindustrialisation program de Christie’s New York. Trois ans l’Association Sustainable Finance Geneva. en Suisse» (Favre 2012), il a également L’an dernier elle a notamment participé à assumé les fonctions de responsable après, elle crée Anne-Hélène Decaux l’écriture du livre «10 innovations dans larelations presse à l’UBP avant de rejoindre Conseils, agence de conseil en collection et finance durable», édité par l’associationVoxia communication en 2013 en tant que genevoise. Avant de rejoindre l’Agefi elle a Senior consultant. Passionné de voyages, événements culturels. Elle dirige la Rohan Sant a notamment vécu quatre ans communication d’ArtViatic, est rédactrice en travaillé pour d’autres publications économiques suisses et dans l’asset au Vietnam. chef du blog News of the Art World et contribue à plusieurs magazines. management. Editeur AGEFI SA rue de Genève 17, CH-1002 Lausanne, tél. 021 331 41 41, fax 021 331 41 10 / www.agefi.com, redaction@agefi.com • Direction: Olivier Bloch – o.bloch@agefi.com • Rédactrice en Chef: Nicolette de Joncaire - nnarten@arubis.ch • Réalisation Maquette: Dominique Berthet - dberthet@blue- win.ch • Publicité: Christian Nicollier - c.nicollier@agefi.com - +41 21 331 41 32 • Finance: Carole Bommottet - c.bommottet@agefi.com • Marketing: Khadija Hemma - k.hemma@agefi.com • Backoffice & Abonnement: abo.work@agefi.com • Impression: Kliemo Printing, Eupen • Parutions: 2 fois/an • Copyright © La rédaction décline toute responsabilité pour les manuscrits et photos qui lui sont envoyés directement. Les textes des journalistes hors de la rédaction ne peuvent engager la responsabilité du magazine. Toute reproduction, même partielle, des articles et illustrations publiés est interdite, sauf autorisation écrite de la rédaction.6 —WORK #06 —
FINANCE DURABLE Finance responsable,quelques chiffresI l est beaucoup question de finance responsable, de finance L’impact investing est encore modeste mais c’est aujourd’hui le durable et d’impact investing mais que représentent ces in- segment le plus dynamique de la finance responsable. Il se définit vestissements au niveau mondial? par le financement d’activités ciblées, généralement réalisés sur Selon la Global Sustainable Investment Alliance (GSIA) 1, la fi- les marchés privés, pour résoudre des problèmes sociaux ou en-nance responsable représente près du tiers de l’investissement vironnementaux. On y inclut le community investing qui vise le fi-global. Sa croissance au cours des deux dernières années est im- nancement de projets communautaires au bénéfice d’individus etpressionnante, essentiellement grâce au rôle moteur que joue l’Eu- de communautés défavorisés. Il s’agit dans les deux cas d’unerope qui représente près des deux tiers de ce type de finance. finance apportée à des activités commerciales dont l’objectif ex-La finance responsable représente 21 400 milliards de dollars au plicite est social ou environnemental. L’impact investing a pro-niveau mondial soit 30,2% des actifs gérés professionnellement. gressé de 146% depuis 2012. —Une avancée spectaculaire par rapport aux chiffres de 2012 où L’investissement responsable: quelques chiffres,,les actifs responsables se montaient à 13 300 de dollars soit (en milliards de dollars)21,5% du total. Régions Montants et croissance Part des actifs totaux 2012 2014 Croissance 2012 2014 L’impact investing Europe 8 758 13 608 55% 49% 59% est aujourd’hui le segment 11% 18% Etats-Unis 3 740 6 572 76% 20% 31% le plus dynamique de la 13% 17% Canada 589 945 60% ,,finance responsable. 1% 1% Australie 134 180 34% 22% 30%Ces chiffres comprennent plusieurs formes d’activités et de straté-gies. Asie 40 53 32% • Les exclusions qui peuvent soustraire des secteurs entiers Monde 13 261 21 358 61% de l’activité comme l’armement ou le nucléaire, Source: Global Sustainable Investment Review 2014 • le best-in-class qui privilégie des sociétés répondant à des enjeux de gouvernance sociale et environnementale, Poids des régions dans l’investissement responsable en 2014 • le dépistage basé sur des normes (norms-based screening), • l’intégration des facteurs d’Investissement Socialement Re- Europe 63.7% Etats-Unis 30.8% sponsable (ISR), Canada 4.4% • l’investissement sur des thèmes de durabilité, Australie 0.8% • l’impact investing dans des entreprises sociales où l’impact Asie 0.2% social est obtenu par le biais d’une activité commerciale et Source: Global Sustainable Investment Review 2014 • l’engagement actionnarial.C’est l’exclusion (également appelé filtrage négatif) qui prédomine Impact Investing par régionavec 14 400 milliards, suivi de l’intégration des facteurs ISR(12 900 milliards) et de l’engagement actionnarial (7000 milliards). Etats-Unis 63%Le filtrage négatif est prépondérant en Europe alors qu’aux Etats- Europe 26%Unis, en Australie et en Asie, la part du lion revient à l’intégration Asie 5%ISR. L’engagement actionnarial est la stratégie dominante au Canada 4%Canada. Australie/NZ 2%1. Tous les chiffres sont tirés du rapport Global Sustainable Invest- Source: Global Sustainable Investment Review 2014 ments Review 2014.—WORK #06 — 7
IMPACTValeur etvaleurs?PAR MARIE OWENS THOMSEN, CHEF ÉCONOMISTE, CRÉDIT AGRICOLE PRIVATE BANKING SUISSED e la redéfinition profonde des concepts de valeur, d’uti- lité, de coût, de bénéfices, de qualité de vie ou même de bonheur, émerge un mode de pensée nouveau. Une ère touche à sa fin. La théorie néo-classique a dominé lapensée économique pendant plus d’un siècle mais une vague demutations profondes déferle dans la façon d’appréhender l’écono-mie et la conduite des affaires. Ces nouveaux concepts bouleversentla manière de diriger les entreprises mais aussi celle d’investir. VERS UNE NOUVELLE CONSCIENCE Farmers & Merchants Bank, The Society SeriesDans ce nouveau mode de pensée, valeur et utilité ne se limitent maisons et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réus-plus à des concepts financiers. L’avancée d’un pays ne se mesure sissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts deplus dès lors uniquement à sa production. La valeur et la responsa- séquoias et leur substitution par un urbanisme tentaculaire etbilité d’une entreprise dépassent le cadre de ses performances chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nu-bénéficiaires. La satisfaction d’un homme ou d’une femme ne se cléaires et des voitures de police blindées destinées à réprimerréduit pas à ses revenus. Société, entreprises et individus attachent les émeutes de nos villes. Il incorpore la fabrication du fusil Whit-une importance croissante au développement durable. Un dévelop- man et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévisionpement qui associe impératifs sociaux et environnementaux, gou- qui glorifient la violence pour vendre des jouets à nos enfants. Envernance et transparence, aux objectifs purement matérialistes et revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants,financiers. de la qualité de leur instruction, ni de la joie de leurs jeux. Il neCette remise en question des priorités exige de nous la refonte des mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos ma-instruments de mesure qui permettront d’évaluer correctement ces riages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats poli-variables devenues essentielles. Un exercice redoutable. Sans tiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne mesure ni notredonnées de qualité, impossible de comprendre comment les choses courage, ni notre sagesse ou ni notre culture. Et ne dit rien defonctionnent, comment elles évoluent, impossible donc d’apprendre, notre sens de la compassion ou du dévouement envers notrede s’adapter, de se développer. Prenez le produit intérieur brut (PIB),un outil comptable conçu pour mesurer la production d’un pays,largement utilisé comme indicateur du niveau général de dévelop-pement. PIB, NAPALM ET CADENASVoici ce qu’en disait Robert Kennedy dans un discours à l’Universitédu Kansas en 1968:«Le PIB prend en compte la pollution de l’air, la publicité pour letabac et les ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes.Il comptabilise les cadenas que nous installons pour protéger nos8 —WORK #06 —
IMPACT QUELQUES MYTHES Mythe 1 - La performance n’est pas au rendez-vous Les nombreuses recherches effectuées sur le sujet ont dé- montré que les produits financiers gérés sur la base des cri- tères du développement durable ont une performance équivalente à un univers global de produits financiers ne pre- nant pas en compte ces mêmes critères. L’ISR devrait donc être considéré comme une des méthodes efficaces de sélec- tion de titres. Mythe 2 - L’univers d’investissement est trop restreint Les critères du développement durable s’appliquent à un nombre croissant de secteurs et de classes d’actifs. De nom- breuses innovations sont apparues au sein du marché obliga- taire (obligations ISR et obligations vertes), tandis que de nombreux critères d’évaluation basés sur l’environnement ont été intégrés au secteur immobilier ainsi qu’au Private Equity. Mythe 3 – La pratique de l’ISR est pour les philanthropes Les opportunités que représentent l’ISR et les fondamentaux qui l’accompagnent (contrôle des risques et logique de long terme) ont su convaincre les plus grands investisseurs institu- tionnels aux Etats-Unis et en Europe. Un quart des actifs gérés professionnellement au niveau mondial en 2012 intégrait des critères ISR. © Carol Holmes jauger le succès d’une entreprise. L’utilité et la pérennité des acti- vités dans les domaines à la fois financiers, sociaux et environne- mentaux ne sont-elles pas à placer au cœur du business model? La nécessité d’une gestion responsable et d’une plus grande transpa- rence fait-elle même encore débat? Concentrons-nous sur l’inter- dépendance du monde des affaires et de la société. Les nouveaux indicateurs de performance des entreprises n’en sont qu’à leurs bal- butiements mais le mouvement est irrépressible. Au Danemark, aux Pays-Bas, en France, en Australie, au Mexique, au Brésil, en Afrique du sud, en Chine et en Corée, le reporting des performances sociales et/ou environnementales sont déjà obligatoires.pays. En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie UNE AFFAIRE PERSONNELLEvaut la peine d’être vécue.» Au niveau individuel aussi, notre perception de «ce qui compte» n’est A NOUVELLE CONSCIENCE, plus la même. D’aucuns éprouvent plus de satisfaction à donner NOUVELLES NORMES qu’à accumuler, et ils ne s’appellent pas tous Bill Gates. La rému- nération est une chose, mais faire ce qui est bien, ou de manièreA ce jour, aucun ensemble d’indicateurs à la fois fiables, compara- moins flatteuse, ce qui sera perçu comme bien, gagne en impor-bles et facilement utilisables ne permet de mesurer véritablement tance. Les stratégies d’investissement se mesurent toujours davan-«ce qui compte». D’importants travaux de recherche sont pourtant tage en termes de pérennité de leur impact, y compris au sein desmenés en ce sens. Ainsi la base de données servant aux indicateurs portefeuilles-clients. Fermer les yeux sur le côté «acceptable» ou aude développement de la Banque mondiale contient-elle plus de contraire «inacceptable» des entreprises de votre portefeuille de1300 séries temporelles mesurant 214 économies et plus de titres n’est plus de mise. A terme, il ne fait aucun doute que les30 groupes de pays. Merveilleux? Peut-être. Mais dans cette com- pays, entreprises et individus qui primeront seront ceux capablesplexité, l’inébranlable popularité du PIB se comprend aisément. d’utiliser les ressources disponibles de la manière la plus efficace.Si le PIB n’est pas une mesure satisfaisante de l’avancement réel «Ce qui compte» est au-delà de l’argent. Cessons de parler de valeurd’un pays, bilan et compte de résultats ne sont guère suffisants pour et parlons de valeurs. ——WORK #06 — 9
IMPACT © J.P. MorganMary Callahan ErdoesLa gestion d’actifs estaffaire de personnesJPMorgan Chase & Co. est l’une des plus les changements d’environnement. Que les marchésgrandes banques du monde. Sa division de financiers soient bons ou mauvais. Meilleurs sont lesgestion d’act i fs , J.P. Mor g an As s e t Man ag e m e nt gestionnaires, meilleur est l’investissement à long termegère environ 1500 milliards de dollars et em- des clients. Le reste suit, année après année. Environploie 20 000 collaborateurs dont près de 1000 80% de nos fonds sont classés dans les deux premiersexperts. Ce qui en fait le 10e gestionnaire d’ac- quartiles (Morningstar) au cours des dernières annéestifs du monde. Depuis six ans l’afflux de fonds et leur performance continue à croitre depuis 24 trimes-est régulier et les profits croissent continuelle- tres. Les marchés montent et descendent mais la com-ment. Mar y C al l ah an E r doe s di r i g e J.P. Mor g an pétence préserve les actifs de nos clients.Asset Management depuis 2009. PAR NICOLETTE DE JONCAIRE Quel est le secret de votre succès? La gestion d’actifs est affaire de personnes. Affaire de talent. Les gestionnaires d’actifs doivent savoir absorber10 — W O R K # 0 6 —
IMPACTComment vos activités sont-elles structurées? dans la gestion multi-actifs est que l’impulsion est venue desNous employons 20 000 collaborateurs dans 30 pays sur deux clients particuliers alors qu’à l’ordinaire, l’innovation financière estdomaines d’activité principaux: la gestion de fortune et d’actifs à davantage menée par les investisseurs institutionnels. Cette fois-l’international. Ces activités couvrent tous les produits financiers: ci, ces derniers suivent la tendance et se déspécialisent pour adop-le cash, les devises, les actions, les obligations ou les investisse- ter une vision transversale.ments alternatifs. Au service de trois grands segments de clientèle.Les grandes fortunes, les investisseurs institutionnels (fonds de ,,pension, assurances, fonds souverains) et les autres établisse- Malheureusement,ments financiers (banques, gestionnaires de fortune). Chacune de l’appétit pour la financeces catégories a une approche différente de l’investissement, des durable n’est pas aussipriorités et du risque. Un fonds souverain représente des afflux de répandu que nousfonds réguliers sur les quinze prochaines années. Son investisse- ,,aimerions qu’il le soit.ment doit être aussi long que possible. Il n’a pas besoin de cashmais peut offrir des poches d’investissement dévolues au private Quelle importance accordez-vous à la responsabilitéequity 1. D’autres clients ont des exigences totalement différentes. sociale et aux investissements durables?Les banques centrales par exemple doivent dégager des liquidités La plus grande importance. Nous travaillons énormément ce do-quotidiennes et optimiser l’utilisation de chaque point de base des maine en combinant investissement et responsabilité sociale ettaux. Les grandes fortunes ressemblent de plus en plus aux inves- environnementale et y investissons une partie de notre propre ca-tisseurs institutionnels ou aux fondations car, bien gérée, la pital. Pour nos clients, la problématique est différente. Certains yrichesse survit aux fondateurs et se décline sur plusieurs généra- sont sensibles, d’autres moins ou pas du tout. Il existe encore troptions. Mais ce qu’il faut aussi savoir est que cette approche est de distinction entre la manière de gagner de l’argent et celle de ledifférente dans chaque pays, dans chaque culture. Les clients ja- dépenser. Aux clients intéressés, nous offrons de nombreuses op-ponais, par exemple, n’ont pas les mêmes objectifs de placement portunités de toutes natures, d’un partenariat avec la fondationque les autres. Que ce soit sur le marché japonais lui-même ou à Gates à l’investissement dans les étapes précoces de l’innovationl’étranger. Ces différenciations nous ont conduits à raisonner lo- durable. En mars, nous avons développé avec le gouvernement britannique un fond destiné à encourager l’investissement dans le,,calement dans un contexte global. traitement de la démence sénile. Malheureusement, l’appétit pour Les marchés la finance durable n’est pas aussi répandu que nous aimerions qu’il le soit. montent et descendent mais la compétence préserve les actifs de ,,nos clients.J.P. Morgan est un pionnier des solutions multi-actifs2. Pour Quels avantages présente l’appartenance à un groupequelle raison? diversifié? Quelles sont les synergies?Autrefois, l’investissement se raisonnait par classe d’actifs. Le JPMorgan Chase & Co. a plus de 200 ans d’histoire. Les lignesclient voulait, par exemple, un spécialiste des grandes sociétés eu- d’activités se sont construites progressivement autour des besoinsropéennes dans une perspective de croissance. Les exigences de nos clients. Le cheminement typique est celui du jeune entre-étaient très spécifiques. Depuis la crise financière de 2008, les preneur qui contacte nos services retail pour un emprunt de dé-clients cherchent davantage de conseil dans la gestion dynamique marrage. Son entreprise grandit, elle peut vouloir délocaliser unede leurs allocations sur la durée. Beaucoup d’entre eux ont fait degraves erreurs au moment de la crise et vendu au pire moment. 1. Le private equity ou capital-investissement est une activité finan-Cela les a rendus nerveux. Aujourd’hui, ils réclament une assis- cière consistant pour un investisseur à entrer au capital de so-tance transversale sur toutes les classes d’actifs et au niveau mon- ciétés non cotées en bourse qui ont besoin de capitaux propres.dial. Peu de sociétés de gestion ont l’ampleur et la profondeur devision pour offrir un service de cette nature. Ce qui est intéressant 2. Un investissement multi-actifs consiste à acquérir une exposition globalement diversifiée sur différentes classes d’actifs et styles d’investissement.—WORK #06 — 11
IMPACT © J.P. Morgan UN PEU D’HISTOIREJPMorgan Chase & Co. est le fruit d’une multitude de Bank of the Manhattan Co. fusionna avec la Chase Na-fusions et associe notamment quatre des plus vieilles tional Bank, fondée par John Thompson en 1877 eti n s t i t u t i o n s f i n a n c i è r e s d e N e w Yo r k : J . P. M o r g a n & plus grande banque du monde au moment de la fusionCo., The Chase Manhattan Bank, Chemical Bank et avec 2,7 milliards de dollars d’actifs. La Chase Man-Manufacturers Hanover Trust Co. Son origine date de hattan Bank voyait le jour. Autre ancêtre de J.P. Mor-la création de la Bank of The Manhattan Co créée par gan Chase & Co., Drexel, Morgan & Co. fut fondée enle sénateur et futur vice-président des Etats-Unis, 1871 par J. Pierpont Morgan et renommée J.P. MorganAaron Burr, en 1799. Les débuts de cette banque fu- & Co en 1895. Tout d’abord utilisée comme agent au-rent atypiques puisque elle fut fondée à partir de l’ex- près des étrangers souhaitant investir aux Etats-Unis,cédent de capital d’un groupe dirigé par Burr l’institution s’établit rapidement en tant que banquefournissant de l’eau aux habitants du sud de Manhat- privée d’envergure pour les investisseurs locaux ettan au moyen de tuyaux en bois de pin. En 1955, la étrangers.12 — W O R K # 0 6 —
IMPACTpartie de sa production. Pour s’étendre en Pologne ou en Inde QUELQUES CHIFFRESlorsque l’on vient du Texas, on a besoin de l’aide des services com-merciaux d’un groupe international. Si l’entreprise grandit encore, JPMorgan Chase & Co. est une entreprise mondialeelle peut se scinder en plusieurs entités. Elle peut aussi chercher de services financiers, née de la fusion entre la Chasela cotation en bourse. Ces épisodes requièrent les services d’une Manhattan Bank et J.P. Morgan & Co. en janvier 2000.banque d’investissement. Un jour, la richesse accumulée par l’en- Le siège social du groupe est à New York. Elle figuretreprise devient une fortune personnelle qui se transmet ensuite parmi les plus grandes banques mondiales avecaux générations suivantes. A chaque phase, nous savons réfléchir 2,6 trillions de dollars en actifs et des opérations dansà l’incidence, planifier et structurer l’étape suivante. Notre but est plus de 60 pays. La firme est un leader dans la banqued’assister le client sur des décennies, voire des siècles. d’investissement, les services financiers pour les par- ticuliers et les entreprises, les transactions finan-En janvier, Goldman Sachs suggérait que J.P. Morgan serait cières, la banque privée et la gestion d’actifs. En 2014,mieux valorisé s’il sortait du modèle de banque universelle JPMorgan Chase a engrangé 21,8 milliards de dollarset gagnerait à se scinder en entités distinctes. Qu’en pen- de bénéfices, sur un chiffre d’affaires de 97,9 milliardssez-vous? de dollars. Quatrième plus grande entreprise mondialeCe n’est qu’une opinion à un moment donné. La valeur de notre en 2014 d’après Forbes Global 2000, la firme compteaction est montée de plus de 10% depuis. L’analyse pourrait être des dizaines de millions de clients dans le monde. J.P.très différente aujourd’hui. Notre modèle d’affaires est entièrement Morgan (Suisse) SA est présente en Suisse depuisconstruit pour répondre à notre clientèle. plus de 50 ans et emploie plus de 1000 personnes. Fin 2014, elle gérait 98.9 milliards de francs suisses.,, Nous recherchons l’excellence dans J.P. MORGAN ET LA FINANCE RESPONSABLE chacune de nos activités. La taille est JPMorgan Chase & Co. engage son propre capital un sous-produit de dans l’investissement social et canalise activement des capitaux dans cette direction. Son objectif est ,,la réussite. d’influer positivement sur les populations défavorisées et exclues tout en obtenant un rendement raisonnableQuel est le risque le plus important encouru par un grand qui permet de pérenniser les initiatives. La banquegérant d’actifs? veut également jouer un rôle de catalyseur en fournis-Notre objectif n’a jamais été d’être le plus grand mais d’être le sant des capitaux commerciaux aux entreprises so-meilleur. A bien des égards, la taille est un sous-produit de la réus- ciales afin d’encourager d’autres investisseurs plussite. Ce que nous recherchons est l’excellence dans chacune de timorés.nos activités. Ce qui exige un investissement continuel en talents, Quelques exemples:en innovation, en compréhension du contexte local et en techno- • l’engagement dans un fonds géré par Pearl Capitallogie. Au cours de cinq dernières années, nous y avons investi plusde 400 millions de dollars. Nous avons enrichi notre offre dans Partners qui investit dans l’agrobusiness pour sou-le champ de la richesse souveraine, des fonds de dotation, de l’as- tenir le développement des petits fermiers et l’éco-surance, des retraites et des espaces institutionnels mondiaux. Et nomie rurale en Afrique de l’Est.avons également accru nos investissements en technologie de • le soutien à la société Leapfrog Investment qui est25% ce qui nous permet de rester à la pointe du trading, de la le plus grand investisseur entièrement dédié aux en-gestion du risque et de la conformité. treprises qui offrent des assurances et des services financiers connexes aux personnes à faible revenu et aux exclus financiers en Afrique et en Asie. • l’engagement, aux côtés de la Fondation Bill & Melinda Gates, dans un véhicule d’investissement destiné à développer médicaments, vaccins, diag- nostics et autres techniques dans le but de répon- dre aux défis de santé qui touchent les pays en développement de manière disproportionnée, telles que la tuberculose et le paludisme. —WORK #06 — 13
IMPACTVous avez la réputation d’être excellente en math. Cela pas interférer avec leur processus d’investissement ou de géné-a-t-il compté dans votre carrière? ration d’alpha 3, à moins qu’ils n’en dévient. En tant que manager,J’ai passé la majeure partie de mon existence dans les services il faut comprendre comment est généré l’alpha et ce qui ne fonc-financiers comme investisseur. Il est clair que la maitrise des chif- tionne pas en cas d’échec. Comprendre si oui ou non le portefeuillefres est un gros atout sur les marchés financiers. Pour gérer des est géré en ligne avec le style 4 d’investissement choisi ou avec laportefeuilles comme pour évaluer profits et pertes. thèse qui sous-tend la stratégie de placement. Il faut aussi savoir détecter et évaluer les risques, s’il y en a. —,, Gagner la confiance des investisseurs les plus sophistiqués demande des années, voire des ,,d é c e n n i e s .Quelle est la qualité la plus importante pour gérer l’argent PARCOURSdes autres?En nous confiant leur fortune, nos clients nous font un grand hon- Mary Callahan Erdoes est présidente et directrice exécutiveneur mais font peser sur nos épaules une lourde responsabilité. (CEO) de J.P. Morgan Asset Management depuis septem-Gagner la confiance des investisseurs les plus sophistiqués exige bre 2009. De 2005 à 2009, elle a assuré le poste de CEOdes années, voire des décennies. Quelles que soient les fluctua- de J.P. Morgan Private Bank. Elle a rejoint J.P. Morgan In-tions des marchés, nos clients savent pouvoir se fier à notre juge- vestment Management comme responsable des marchésment car il faut savoir se montrer capable de filtrer les «bruits du de taux pour les grandes fortunes et les fondations en 1996marché» pour prendre des décisions intelligentes sur le long terme. et est devenue responsable de la gestion de l’investisse-Quel que soit le type de prestation – services de fiducie, de suc- ment et des solutions alternatives de la banque privée encession ou de prêt –, nous prenons notre responsabilité fiduciaire 1999. Elle assume la responsabilité de la stratégie d’inves-très au sérieux. Les clients viennent à nous parce que nous offrons tissement pour les clients de la banque privée au niveauune assistance au meilleur niveau. Mais ils restent avec nous parce mondial depuis la fusion JP Morgan / Chase en 2000. Ellequ’ils savent que nous respectons nos engagements. a été directeur général de Meredith, Martin & Kaye et est passée par Bankers Trust. Elle est actuellement à la tête duQuelle est la qualité essentielle que doit maitriser fond américain de l’UNICEF. Le magazine Forbes la consi-quelqu’un qui dirige des experts de haut niveau? dère comme l’une des «100 femmes les plus puissantes duLa réponse est finalement assez simple lorsqu’il s’agit d’experts monde» et US Banker l’a sélectionnée parmi lesen investissement. Il faut leur donner les outils et le soutien né- 25 femmes les plus influentes du secteur bancaire. Elle estcessaire pour leur permettre de faire ce qu’ils font de mieux. Et ne titulaire d’un MBA de la Harvard Business School et d’un BS de l’Université de Georgetown.3. L’alpha mesure la surperformance d’un portefeuille, d’une action ou d’un titre par rapport à sa performance théorique.4. L’investissement par style consiste à investir dans des segments du marché des actions soumis à des facteurs de risque communs en tentant de sélectionner le bon style au bon moment du cycle économique. Les styles font partie des facteurs de rendement les plus importants de la gestion active des portefeuilles d’actions.14 — W O R K # 0 6 —
IMPACT © Lombard Odier Projet Echale au Mexique.Anne-Marie de WeckUne passerellevers la durabilitéC’est en termes de passerelles entre gestion bard affirmait à ce sujet, au début du XXe siècle, que lade patrimoine et philanthropie qu’Anne-Marie vie d’un homme devrait être consacrée pour un tiers àde Weck, Associé-gérante du Groupe sa famille, pour un tiers à son entreprise et pour un tiersLombard Odier, exprime la transition entre à la Cité, en d’autres termes à des actions responsa-primauté aux résultats financiers et primauté bles. Avant lui, Alexandre Lombard, fils de l’un des deuxà l’impact social. fondateurs de la banque, fut parmi les premiers à ré- pondre à l’appel d’Henry Dunant en 1859. Cet engage- PAR NICOLETTE DE JONCAIRE ment se poursuit aujourd’hui en faveur du Comité international de la Croix-Rouge où deux associés du Comment s’articule le passage entre investisse- groupe siègent. Plus récemment, avec la responsabili- ment traditionnel et investissement durable? sation de la finance, d’une part, et la professionnalisa- Le principe de durabilité repose sur la volonté de créer tion de la philanthropie, de l’autre, les modes opératoires des passerelles entre des activités qui ne semblent pas, de ces deux activités ont commencé à converger. de prime abord, avoir de liens. Au sein de notre maison, nous avons toujours pratiqué en parallèle deux métiers: la préservation de patrimoine à travers l’investissement et l’action sociale devenue la philanthropie. Albert Lom- —WORK #06 — 15
IMPACT L’évolution joue donc dans les deux sens. Effectivement. Au cours des 30 dernières années, l’élan philan- thropique s’est structuré. En Suisse, la gouvernance des fondations s’est progressivement professionnalisée permettant de perpétuer l’élan initié par leurs fondateurs, en déléguant la logistique, l’ad- ministration, les aspects juridiques et opérationnels car un projet philanthropique exige des ressources auxquelles les mécènes n’ont pas toujours accès. Ce qui explique pourquoi sur 13 000 fondations en Suisse près de la moitié est devenue inactive faute d’encadrement. Cette première évolution a été suivie d’une deuxième. Celle de la gestion des projets visant à mieux déterminer le cercle des bénéficiaires. Les donateurs cherchent à mieux com- prendre les enjeux du champ dans lequel ils envisagent de donner et demandent à être conseillés. Il y a eu parfois un manque d’adé- quation entre les donations et les buts initiaux lorsque la philan- thropie fonctionnait en ordre dispersé. Aujourd’hui les objectifs d’un projet philanthropique doivent être clairs, mesurables et au- dités. Dans les méthodes, la philanthropie s’est rapprochée de l’in- vestissement. © Lombard Odier Vous parlez d’une troisième évolution majeure. Il y a eu pendant longtemps, et c’est encore parfois le cas, une di-Projet Echale au Mexique. chotomie entre l’usage du capital détenu par une fondation et l’usage de ses revenus. Il y a 30 ans, une fondation pour la santéDe quelle manière? pouvait avoir une partie de son capital investie dans l’industrie duL’investissement traditionnel – encore très actuel – donne la pri- tabac. Les fondations sont aujourd’hui beaucoup plus attentives àmauté aux résultats financiers. Il se réalise à travers une prise departicipation au capital d’une entreprise, en se préoccupant d’un ,,l’allocation de leur capital. Elles visent à un alignement de leursretour sur investissement. A l’autre bout du spectre, la philanthropiedonne la primauté à l’impact social sans attendre de revenus par- investissements avec leurs objectifs sociaux.ticuliers. Ces deux domaines d’action ne sont pas irréconciliableset des passerelles se sont construites au cours du temps pour les Les entreprisesrapprocher. L’investissement socialement responsable (ISR) est unepremière étape où l’investisseur porte son attention sur des entre- sociales doiventprises exerçant leurs activités commerciales avec un souci de res-ponsabilité sociale. Une seconde étape consiste à investir dans des générer des revenusentreprises dont l’impact social est obtenu par le biais d’une activitécommerciale. Ce que les anglo-saxons appellent l’impact investing. ,,pour se pérenniser.On peut distinguer l’ISR de l’impact investing, dans la mesure oùl’objectif du premier est de minimiser l’impact négatif des entre- Comment investissez-vous de manière responsable?prises alors que celui du second est de créer un impact positif dans Afin d’atteindre un alignement entre les investissements et les ob-le domaine social ou environnemental. jectifs sociaux, nous avons connu plusieurs développements ces dernières décennies. Le premier filtre socialement responsable aY-a-t-il une contradiction entre impact investing et rende- porté sur l’exclusion: par exemple ne pas investir dans l’armementments financiers? ou dans les produits agricoles de base. L’exclusion porte aussi par-Non, aucunement. Les entreprises dites «sociales» doivent géné- fois sur certains pays. Le second filtre que je qualifierais d’émula-rer des revenus pour se pérenniser. C’est le principe de l’impact tion, est de privilégier des sociétés répondant à des enjeux deinvesting qui les distingue des ONG et leur permet d’attirer des gouvernance sociale et environnementale (Best in class). Le troi-investisseurs. Elles se doivent de ne pas dépendre uniquement sième filtre, celui de soutien direct, est d’investir dans des sociétésdes dons de nature philanthropique dont l’obtention est toujours dont les produits ou les services offrent un bénéfice direct à la so-aléatoire. ciété ou à l’environnement. Nous usons également du droit de vote des actionnaires pour améliorer la gouvernance ou la stratégie des entreprises dans lesquelles nous investissons. Ces filtres ont16 — W O R K # 0 6 —
IMPACTd’abord été mis en place pour les fondations puis appliqués aux LOMBARD ODIER,,placements de nos clients privés qui voulaient une cohérence entre Présent sur les principales places financières, le groupe Lombard Odier permet à ses clients privés etleurs investissements et leurs valeurs. institutionnels de bénéficier d’une perspective interna- tionale à travers son réseau de 26 bureaux, qui couvre Les investissements 19 juridictions. Il emploie environ 2100 personnes. Les sociaux peuvent être à Associés du Groupe représentent jusqu’à la septième génération de banquiers à la tête de l’entreprise. A la la hauteur des fois propriétaires et gérants, ils sont impliqués aussi investissements bien dans la stratégie et la gestion, que dans le ser- vice à la clientèle. Lombard Odier compte parmi les ,,purement financiers. pionniers de l’investissement socialement responsable (ISR), domaine dans lequel le groupe s’est engagé dèsEt dans le cas de l’impact investing? le début des années 90 en développant sa propre mé-C’est une toute autre affaire. Alors que l’investissement respon- thodologie d’analyse sociale et environnementale. Sonsable peut opérer sur des marchés existants offrant de la liquidité approche permet de répondre aux attentes des inves-par filtres successifs comme nous venons de le voir, l’impact in- tisseurs qui veulent mettre leur portefeuille en cohé-vesting peut être perçu davantage comme du private equity ou du rence avec leurs valeurs et leurs convictions. Leprivate debt avec une liquidité plus restreinte car les entreprises groupe a également développé une expertise spéci-dites «sociales» ne sont pour ainsi dire jamais cotées en bourse. fique dans le domaine de l’Impact Investing dontToutefois, nous invitons les conseils de fondation à investir au Echale, une société de construction d’habitations du-moins 5% de leur capital dans ces entreprises, dans le souci d’ali- rables au Mexique, est un exemple. Il dispose aussignement des objectifs évoqués précédemment. Certaines familles d’une offre de conseil en philanthropie.vont plus loin et veulent que la quasi-totalité de leur fortune mobi-lière soit placée dans ce type d’investissement.Quel est son avenir? PARCOURSConsidérable. L’impact investing va se généraliser si la nouvellegénération de produits financiers qui le soutient réussit à assouplir Anne-Marie de Weck est Associée-gérante du Groupeles barrières qui retiennent l’investisseur classique d’y souscrire Lombard Odier. Elle est à ce titre Vice-présidente du(illiquidité, faible capacité d’absorption, coûts de transaction élevés, Conseil d’administration de la Banque Lombard Odiervéhicules inhabituels) et à en démontrer l’attractivité financière. & Cie SA. Licenciée en droit de l’Université de GenèveC’est déjà le cas dans l’univers obligataire avec les obligations et titulaire du brevet d’avocat, elle pratique le barreauvertes par exemple. Contrairement à ce que l’on entend souvent, jusqu’en 1984 puis complète sa formation aux Etats-l’impact investing peut être très attractif financièrement. Sur la pé- Unis et en Allemagne. En 1988, elle rejoint le Grouperiode 2003-2014, l’indice SMX Microfinance a offert un rendement KPMG-Fides, avant de devenir Partner et Vice-Chair-annuel de 3,87% avec une volatilité de 0,61%. Sa performance man du Conseil d’administration de KPMG en Suisse.est double de celle du Libor. Elle est proche de celle de l’indice ac- Anne-Marie de Weck entre chez Lombard Odier ention monde MSCI World et cet indice sous-performe de peu l’indice 1997 en tant que membre du Group Management etobligataire global de JP Morgan en étant beaucoup plus stable. Le responsable du département juridique et fiscal. Ellejargon financier masque ici une réalité mal connue: les investis- est à la tête de l’unité Clientèle Privée dès 1999 et As-sements sociaux peuvent être à la hauteur des investissements sociée-gérante depuis 2002. Elle est impliquée à titrepurement financiers. Ils sont en outre largement décorrélés des personnel dans de nombreuses initiatives philanthro-autres marchés financiers et donc garants d’une véritable diversi- piques dans les domaines social et culturel.fication. —1. L’indice SMX Microfinance, créé par la société genevoise Symbi- otics, suit et agrège les principaux fonds de dettes mondiaux qui financent les institutions de microfinance dans les pays en développement.—WORK #06 — 17
BUSINESSAntoinette Hunziker-EbneterL’investissement financierau futurQuitter l’investissement traditionnelpour se tourner vers la finance responsable. PAR MARIE-PAULE SCHMIDT FINANCE DURABLE PAR EXCELLENCE A ntoinette Hunziker-Ebneter a été présidente Forma Futura définit l’investissement responsable de la Bourse suisse. Elle a quitté l’investisse- comme le placement dans des titres – actions ou obli- ment traditionnel pour se tourner vers la fi- gations – de sociétés solides qui engendrent une qualité nance responsable en créant, avec Christian de vie durable et produisent des produits et services Kobler, Forma Futura Invest, une société de vraiment nécessaires. Au-delà de l’objectif même de gestion d’actifs totalement orientée vers une utilisation l’activité de la société, ces entreprises doivent fonction- durable du capital. ner de manière responsable pour prévenir l’épuisement des ressources naturelles. Elles doivent aussi faire preuve des meilleures pratiques pour s’assurer que l’ac- cès de nos enfants et petits-enfants à des ressources viables et à une vie de qualité ne soit pas obérés. Aux yeux d’Antoinette Hunziker investissements financier et18 — W O R K # 0 6 —
BUSINESSresponsable vont de pair. Seules les sociétés solides financière- PERFORMANCESment sont admissibles dans son univers d’investissement destinéexclusivement à la responsabilité sociale et environnementale. Les portefeuilles durables peuvent donner d’excel- lents rendements. Les performances de Forma Futura DES CONVICTIONS PROFONDES étayent cette thèse.Cette politique d’investissement est le reflet de convictions per-sonnelles profondes. «Mes propres valeurs sont l’intégrité, le res-pect de la société et celui de l’environnement ainsi que de latransparence». C’est aussi le courage de dire non. Non à des pro-duits financiers qui ne sont pas orientés vers l’intérêt véritable desclients. Partager avec eux des données fondamentalement impor-tantes pour le futur, comme le taux d’émission de gaz nocifs, met-tre à leur disposition des comparaisons entre entreprises durableset non-durables. Ses convictions sont aussi celles de ses clients.Désireux de se comporter de façon responsable au sein de leurfamille et de leur environnement professionnel, ils veulent aussiinvestir leur richesse de manière cohérente avec leurs habitudesde consommation et leur respect des droits démocratiques.,, Il faut savoir dire non à des produits financiers qui ne sont pas orientés vers l’intérêt véritable ,,des clients. L’INTÉRÊT CROISSANT DES INSTITUTIONNELS UNE RECHERCHE APPROFONDIEMême si les clients de Forma Futura sont principalement des in- La sélection d’entreprises admissibles dans un univers durabledividus, Antoinette Hunziker remarque un intérêt croissant pour exige davantage de recherche que celle de la gestion d’actifs clas-l’investissement durable chez les clients institutionnels et particu- sique. Forma Futura utilise les services de Sustainalytics, leaderlièrement au sein des fonds de pension suisses. Aux Pays-Bas, en mondial de l’analyse de la durabilité des entreprises. Dans l’universGrande-Bretagne et en Scandinavie, les caisses de pension inves- de 5000 sociétés sur lesquelles Sustainalytics lui fournit des no-tissent déjà une large portion de la richesse qui leur est confiée tations, l’équipe de recherche sélectionne celles dont le rating estde manière responsable depuis pas mal de temps. au moins 10% supérieur à la moyenne de ses paires. Ce filtre ré- duit l’univers à environ 750 sociétés sur lesquelles l’équipe effec- DURABILITÉ ET PERFORMANCE tue une analyse financière classique. Celles qui sortent victorieuses de cette seconde épreuve, sont soumises à une analyse qualitativeLes détracteurs de la finance durable prétendent souvent qu’elle détaillée portant sur trois sphères d’impact et six thèmes spéci-n’est pas aussi rentable que la finance classique et ne permet donc fiques de la durabilité. Sont passés au crible le leadership, la gou-pas d’assurer les rendements exigés par leurs investisseurs ounécessaires à verser les retraites attendues. C’est une questionqu’Antoinette Hunziker s’est posée lorsqu’elle s’est lancée dansForma Futura. Déjà alors, de nombreuses études démontraient quela performance des investissements durables était aussi bonneque celles des placements classiques. Son expérience aujourd’huile lui confirme.—WORK #06 — 19
BUSINESSvernance, l’engagement et l’autonomie des employés et le capital FORMA FUTURA INVEST INC.intellectuel, la stratégie commerciale et les produits – y comprisla viabilité de la chaîne d’approvisionnement. L’impact des produits Forma Futura Invest Inc. est une société de gestion in-et des services est mesuré par l’utilisation de ressources comme dépendante fondée en 2006 par Antoinette Hunziker-l’eau, l’énergie et les matériaux de base. Sont aussi étudiés de Ebneter et Christian Kobler à Zurich. La société s’estmanière critique la promotion d’une qualité de vie durable, notam- donné pour mission d’investir d’une manière qui re-ment sur les marchés défavorisés, et le respect des droits hu- flète les valeurs personnelles de ses clients et encou-mains. Est exclue toute société qui dérive plus de 5% de son chiffre rage une qualité de vie durable tout en assurant desd’affaires des combustibles fossiles, de l’énergie nucléaire, de l’ar- revenus compétitifs. Elle répond à l’exigence d’unemement, des biocarburants ou des OGM. clientèle qui veut utiliser son capital de manière res- ponsable et contribuer à la tendance aujourd’hui bien LES ACTIONNAIRES ACTIVISTES établie d’investissement durable sur les marchés fi- nanciers. L’approche consiste à sélectionner des in-Les actionnaires activistes qui poussent les entreprises à modifier vestissements qui apportent une contribution positivedes comportements jugés regrettables, gagnent en puissance. En de long terme à la construction d’un avenir viable pourSuisse, leurs questions mobilisent l’intérêt public. Qu’il s’agisse les générations futures, dans le respect des droits hu-de rémunération ou de diversité. Forma Futura offre à ses clients mains et la transparence. L’équipe de Forma Futuraun service de vote. Avant chaque assemblée générale des sociétés veut participer à cet effort en mettant le capital au ser-investies, la société de gestion envoie des recommandations de vice des ces valeurs. La société offre des services devote à ses clients. Un service qu’ils apprécient de plus en plus. conseil, de reporting sur les indicateurs financiers et ISR ainsi que des mandats de gestion pour un apport,, minimum de 300 000 francs. Les actionnairesactivistes qui poussent les entreprises à modifierdes comportements jugés regrettables, gagnent en ,,p u i s s a n c e . DÉJOUER LE «GREEN WASHING» PARCOURSLa «responsabilité sociale» est aujourd’hui largement revendiquée Antoinette Hunziker-Ebneter est CEO et associé-fon-par les multinationales. Il est crucial de bien distinguer ce que les dateur de Forma Futura Invest Inc., une société de ges-entreprises réalisent réellement de ce qu’elles prétendent réaliser. tion d’actifs indépendante pour les clients privés etSi leurs déclarations comportent une forte composante «relations institutionnels axés sur une qualité de vie durable. Ellepubliques», il n’en reste pas moins que de nombreuses entreprises a plus de 25 ans d’expérience dans la finance et la ges-reconnaissent l’importance réelle de progresser vers une exploi- tion des risques. Jusqu’en 2005, elle était à latation responsable et que de vraies mesures ont été prises. Pour direction du groupe de la Banque Julius Bär & Co., res-leur propre bien et pour celui de leur réputation. Les progrès sont- ponsable du trading et des ventes. Elle était auparavantils réels dans la vérification de la chaîne d’approvisionnement? directrice de la Bourse suisse. Dans les années 1990,Dans la mise en œuvre d’une politique des droits de l’homme? Ou Antoinette Hunziker a été responsable de la construc-encore dans l’équilibre entre travail et vie de famille des employés? tion et de la mise en service de la Bourse électroniqueAvec l’expérience, les chercheurs parviennent à discerner l’enga- suisse (EBS). Elle est titulaire d’un Master of Arts ingement véritable du marketing. En examinant les données de ter- Business and Administration de l’Université de Saint-rain et en comprenant si ces données correspondent aux intentions Gall et d’un diplôme de la Swiss Banking School. En de-joliment formulées. — hors de ses activités professionnelles, elle est engagée dans plusieurs organisations éducatives. Antoinette Hunziker-Ebneter est aussi membre du conseil d’admi- nistration de la Banque Cantonale de Berne.20 — W O R K # 0 6 —
BUSINESSEmergence dans la finance ARUNDHATI BHATTACHARYA VIVIENNE YEDA C’est la banquière la plus puissante Nang Lang Kham est CEO du d’Inde. Présidente de la State Bank groupe Kanbawza (KBZ Group), of India, Arundhati Bhattacharya, un conglomérat financier birman, est responsable d’un cinquième fort de 80 000 employés. Son in- des activités bancaires du sous- fluence s’étend aux dirigeants de continent indien. Au cours des trois l’industrie dans les secteurs des décennies passées à Bank of India, mines, de la banque, de l’avia- Arundhati Bhattacharya a travaillé tion, de l’assurance, de l’indus- aux quatre coins de l’Inde et oc- trie, de l’agriculture, de l’immo-cupé une multitude de postes: devises étrangères, trésorerie, opé- bilier, du commerce, de la santé, du tourisme et de l’hôtellerie.rations de détail, ressources humaines et services d’investissement Libéré en 2013 de décennies de dictature, le Myanmar évoluey compris le poste de directrice de la banque d’affaires et de direc- vite. Fort d’une liberté démocratique retrouvée et d’un certaintrice générale en charge des nouveaux projets. Elle a également nombre de réformes économiques cruciales, le pays est devenusiégé au bureau de New York de la banque. Elle a été impliquée dans un terrain fertile pour l’entrepreneuriat. Née et élevée au Myan-le lancement de plusieurs nouvelles entreprises telles que General mar, Nang Lang Kham a choisi de poursuivre ses études de pre-Insurance SBI, SBI Custody Services, et du Fonds d’infrastructure mier cycle à Singapour et a participé à divers programmes deSBI Macquarie. Elle attache beaucoup d’importance à ces change- mentorat dont celui organisé par Fortune et le Départementments qui ont constitué pour elle un apprentissage nécessaire. d’Etat américain où elle a été encadrée par Rosalind Brewer, pré-«L’Inde est un pays très jeune. Lorsqu’on regarde notre démographie, sidente et CEO de Sam’s Club. «Notre vision pour l’avenir de KBZon voit que la majorité de nos citoyens ont moins de 35 ans» expli- est de créer une entreprise de classe mondiale, conforme auxquait-elle à CNN. Elle soutient le projet In-Touch de filiales sans pa- normes internationales tout en conservant les valeurs d’une en-pier mais aussi sans tables ni chaises, orienté vers une clientèle très treprise familiale» déclarait-t-elle dans une interview au maga-jeune dont les habitudes diffèrent de celles de leurs parents. zine World Finance qui lui consacrait sa couverture. NANG LANG KHAM TERESITA SY-COSON Nang Lang Kham est CEO du Teresita Sy-Coson est vice-prési- groupe Kanbawza (KBZ Group), un dente de la SM Investments conglomérat financier birman, fort Corporation (SMIC), l’une des hol- de 80 000 employés. Son in- dings les plus importantes cotées fluence s’étend aux dirigeants de en bourse aux Philippines, avec l’industrie dans les secteurs des des intérêts dans le commerce mines, de la banque, de l’aviation, de détail, la banque, l’immobilier de l’assurance, de l’industrie, de et l’investissement mobilier. Elle l’agriculture, de l’immobilier, du est aussi Présidente du Conseilcommerce, de la santé, du tourisme et de l’hôtellerie. Libéré en d’administration de BDO Unibank, la plus grande banque des2013 de décennies de dictature, le Myanmar évolue vite. Fort d’une Philippines en termes de ressources totales, de capitaux, deliberté démocratique retrouvée et d’un certain nombre de réformes prêts, de dépôts et d’actifs sous gestion. En dehors de ces deuxéconomiques cruciales, le pays est devenu un terrain fertile pour postes, Sy-Coson détient également des positions clés au conseill’entrepreneuriat. Née et élevée au Myanmar, Nang Lang Kham a d’administration et de gestion de diverses filiales et sociétés af-choisi de poursuivre ses études de premier cycle à Singapour et a filiées de BDO, et du groupe SM. Dont BDO Private Bank, BDOparticipé à divers programmes de mentorat dont celui organisé par Leasing et Finance, BDO Capital & Investment Corporation et laFortune et le Département d’Etat américain où elle a été encadrée Fondation BDO. Elle est également conseiller auprès de SMpar Rosalind Brewer, présidente et CEO de Sam’s Club. «Notre vision Prime Holdings. Teresita Sy-Coson fait partie de la délégation depour l’avenir de KBZ est de créer une entreprise de classe mondiale, trois membres représentant les Philippines au Conseil consultatifconforme aux normes internationales tout en conservant les valeurs des affaires de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Estd’une entreprise familiale» déclarait-t-elle dans une interview au (ANASE), comité formé en 2003 pour articuler la relation entremagazine World Finance qui lui consacrait sa couverture. secteurs privé et public. — 21—WORK #06 —
BUSINESSIsabelle BourcierA la croisée del’innovation financièreet de l’ISRLa démarche d’Isabelle Bourcier est de vestisseurs de long-terme en évitant les biais court-termistes durendre accessible les travaux des PER 4.équipes qui s’appuient sur les résultats «Le CAPE est ajusté aux cycles économiques. Il se calcule d’aprèsde recherches scientifiques pour les les bénéfices moyens ajustés de l’inflation sur dix ans, pour inté-traduire en produits investissables. Elle l’a grer la tendance qu’ont les marchés à retrouver les valeursfait avec l’approche Minimum Variance 1 moyennes, et pour limiter l’impact des exagérations à courtet plus généralement avec certaines terme» nous explique Isabelle Bourcier. «Historiquement cet indi-stratégies dites Smart Beta 2. Elle ouvre cateur a eu un pouvoir prédictif. Plus le CAPE est élevé moins laaujourd’hui un nouveau chapitre avec un performance sur les dix prochaines années le sera. A contrario,ETF 3 dont l’indice sous-jacent est le plus il est faible plus la performance boursière à attendre sera fa-Shiller Barclays CAPE Europe Sector vorable». Statistiquement un CAPE inférieur à 10 annonce uneValue. moyenne des performances annualisées sur les 10 prochaines années d’environ 14%. Le CAPE du marché des actions améri- PAR SUZANNE REYSCHES caines est actuellement de 26 à 27 ce qui laisse présager un ren-C ’ est sur une application des travaux de Robert Shiller, professeur de finance comportementale à l’Université de Yale et prix Nobel d’économie en 2013, que la directrice du développement de lasociété de gestion d’actifs Ossiam, filiale du groupe Natixis, alancé le dernier-né de ses produits financiers. LE CAPE, UN INDICATEUR POUR LE LONG TERME 1. La Minimum Variance est une méthode visant à construire un portefeuille avec une volatilité réduite en sélectionnant etLes indices Shiller Barclays CAPE sector value ont été développés pondérant les titres à faible volatilité et faible corrélation.conjointement par la banque Barclays et le professeur Shiller surla base des recherches publiées initialement en 1988 par John 2. Les stratégies Smart Beta pondèrent les portefeuilles de titres deCampbell et Robert Shiller. Ils utilisent le Cyclically Adjusted PE façon différente des indices traditionnels et visent à corriger lesratio (CAPE ratio) comme mesure d’évaluation clé et ont été limites des indices pondérés par la capitalisation boursière commeconçus pour offrir une exposition aux grandes capitalisations les biais de concentration sur quelques valeurs.boursières possédant un biais «value». Ils sont destinés aux in- 3. Les Exchange Traded Funds (ETF) sont des valeurs qui se négo- cient en Bourse et répliquent des indices boursiers 4. Le PER ou ratio cours/bénéfices est le rapport entre le cours d’une action et les profits de l’entreprise concernée.22 — W O R K # 0 6 —
BUSINESSdement annualisé de 5 à 6 % sur les 10 prochaines années si sont évitées. Mais une entreprise écartée pour un niveau del’on se fie aux données historiques. controverse élevé peut être réintégrée lorsqu’elle a pris les me-Cet indicateur peut devenir un vrai signal d’alerte: en 2000, le sures appropriées à corriger les dommages qu’elle a pu causer.CAPE du marché américain était supérieur à 40, ce qui impliquait Ossiam travaille actuellement sur l’approche ESG pour offrir des produits d’investissement responsable à ses clients. En utilisant,,des rendements moyens futurs attendus négatifs sur une période des fournisseurs spécialisés tant sur les notations d’entreprises en matière d’ESG que sur les positions de vote en assemblée gé-de dix ans. nérale qui poussent les entreprises à une meilleure gouvernance vis-à-vis de la société, de la gouvernance et de l’environnement. Dans le bruit financier, Au croisement d’une approche scientifique et d’une approche res- ponsable, l’équipe est en mesure d’adapter son approche Mini- ,,la part des émotions mum Variance construite il y a quelques années aux exigences est importante. de l’investissement socialement responsable. Elle répond en cela aux demandes des caisses de pensions et plus généralement des CRÉDIBILITÉ CROISSANTE DE LA institutionnels. — FINANCE COMPORTEMENTALE OSSIAMC’est une notion basée sur l’histoire et non sur le court terme.Les recherches de Robert Shiller suscitent d’ailleurs un intérêt Ossiam est une société de gestion spécialiste du smart betacroissant au fur et à mesure qu’apparaissent les limitations des affiliée à Natixis Global Asset Management. Basée à Paris,stratégies financières à très court terme sur les marchés bour- Ossiam entend être la première société en Europe propo-siers. La finance comportementale gagne en crédibilité à sant une gamme diversifiée d’ETF sur indices de stratégie,chaque crise boursière. Lorsqu’on s’aperçoit que les motiva- reposant sur des analyses quantitatives et fondamentalestions des investisseurs et des traders sont plus émotionnelles rigoureuses. Ossiam totalisait un encours sous gestion deque rationnelles. 2263 millions d’euros au 30 avril 2015. Ses dirigeants réu-«Dans le bruit financier, la part des émotions est importante» nous nissent des expertises complémentaires couvrant à la foisexplique Isabelle Bourcier. En basant son produit sur des cycles la gestion d’actifs et le trading, la recherche quantitative etde dix ans, Robert Shiller a choisi d’éviter ces bruits et de ne pas fondamentale, la structuration de fonds et la maîtrise desdépendre d’un seul cycle économique (estimé à 6 ans). risques de marché et des risques opérationnels.La difficulté est de rendre la notion de CAPE investissable. L’indi-cateur est très difficile à calculer au niveau des entreprises. Lesentreprises trop jeunes (Google par exemple) ne seraient pas in-clues. A chaque changement de normes comptables, il faudraittout recalculer. Barclays et le professeur Shiller ont donc choisiune approche sectorielle, en créant une version normalisée duCAPE sur 20 ans et en privilégiant dans le portefeuille les secteurspour lesquels le CAPE est favorable.L’objectif est clairement de protéger les investisseurs de soubre-sauts imprévisibles des marchés en usant des découvertes scien-tifiques les plus en pointe. APPROCHE SCIENTIFIQUE ET PARCOURS RESPONSABILITÉ SOCIALE Isabelle Bourcier a rejoint Ossiam, en tant que Directrice de développement, début 2011. Précédemment, elle a travailléSur l’intérêt des grands investisseurs institutionnels à prendre en 16 ans au sein du groupe Société Générale où elle était res-compte les aspects ESG, Isabelle Bourcier constate la diversité ponsable mondiale des produits cotés (ETF, certificats,culturelle des critères. En France, où l’intérêt se développe, on warrants) de la Société Générale et de Lyxor Asset Mana-s’inquiète davantage de la gouvernance et du traitement des sa- gement.lariés. Ce ne sont pas tout à fait les mêmes notions qui s’appli-quent dans les pays nordiques. Les investisseurs françaisrecherchent davantage l’approche Best-in-class que l’exclusion.La gouvernance est analysée dans le temps, sur les améliorationsen matière d’accidents du travail ou de pollution. C’est le niveaude controverse qui sert de guide. Plus il est élevé, plus les sociétés—WORK #06 — 23
BUSINESSFinance responsableou durable?Pourquoi la finance «responsable» doit êtreexclue… de la finance durable. PAR MARJORIE THÉRY UN SECTEUR ÉSOTÉRIQUE S ur le papier, l’investissement socialement En pratique, le secteur apparaît parfois comme assez responsable (ISR) possède de nombreuses ésotérique. Avec de multiples définitions et recoupe- caractéristiques pour séduire autant le ments, des études statistiques ou académiques plus ou journaliste économique que l’investisseur. moins contradictoires, et des résultats financiers aléa- En particulier depuis la crise financière de 2008, toires. Sans parler de certains aspects normatifs et où la perte de repères et de sens dans le secteur financier traditionnel, a accéléré le développement ,,d’une dichotomie latente entre investissements respon- de la finance dite responsable. sables et non responsables, qui n’aident pas le secteur à s’affranchir de certains a priori. L’ISR n’est qu’encore qu’une ,,soupe primitive.24 — W O R K # 0 6 —
BUSINESSLa Suisse reste relativement discrète sur le sujet, comparée par D’un point de vue économique, de nombreuses études ont parexemple à l’Angleterre, la Belgique, la France ou les Etats-Unis, ailleurs démontré que les critères d’exclusion n’apportaient sou-où les thématiques de finance responsable sont parfois portées vent aucune valeur ajoutée économique et financière. Ils ne fontaux nues, autant du côté des assets managers que, de plus en que réduire l’univers d’investissement. Et de manière aussi parfoisplus, des grands investisseurs institutionnels ou de la classe poli- très dogmatique: qui peut dire que Coca Cola est plus responsabletique. Certains regrettent cette discrétion helvétique, mais le posi- que le groupe LVMH, souvent exclu à cause de ses activités danstionnement suisse a au moins le mérite d’éviter le green-washing les spiritueux? Ou que Syngenta, souvent exclue aussi, est moins(également appelé sustainable-washing). responsable ou éthique que Rio Tinto? Bien sûr, les critères d’exclusions sont les plus simples à mettre,, en place et sont donc très répandus. Ils comptent d’ailleurs pour Qui peut dire que une large part dans les statistiques globales de finance durable, qui surévaluent souvent fortement la taille du secteur. Coca Cola est plus DURABILITÉ ET VALEUR ,,responsable que LV M H ? Mais la finance «durable», plus que «responsable», est beaucoup plus intéressante. Elle apporte une véritable valeur ajoutée à l’éco-Il est en effet surprenant – voire agaçant – que l’on fasse parfois nomie, la finance et l’investisseur quand elle permet d’avoir unel’apologie de l’ISR comme un aboutissement ultime, ou une pana- analyse améliorée de l’investissement et tend à soutenir descée. En réalité il n’est qu’encore qu’une soupe primitive. Grouillante modèles économiques durables, et donc potentiellement sourcesde vie et d’idées, d’innovations et de changements de paradigmes, de dividendes et de plus values à long terme. C’est finalement unemais qui n’est encore qu’aux balbutiements de son évolution. sorte de structuration de principes de pur bon sens, dans le sensIl faudra être patient avant que l’ISR arrive au stade de maturité. ou la gestion des critères ESG (environnementaux, sociaux et deLe manque de visibilité et de clarté sur le domaine n’aide pas à gouvernance) apporte une gestion des risques plus élaborée, ensa compréhension. Ni par les journalistes, ni par les investis- complément à une analyse financière classique. Il y a ici desseurs, les conseillers financiers et encore moins le grand public. logiques «best in class» et des mesures de progression ou d’enga-Les problèmes de définitions et le manque de standards inter- gement, plutôt que d’exclusion. Autant de caractéristiques qui sontnationaux ou d’indices de comparaison sont les critiques qui tout à fait en ligne avec un élan sociétal global favorable à cesreviennent le plus souvent. Sans parler des discours parfois creux concepts: la volonté d’aller vers plus d’efficience énergétique, uneou naïfs de certains, remplis de bons sentiments et incroyable- meilleure mesure de la croissance ou une gouvernance plus struc-ment redondants. ,,turée et transparente. QUESTIONS DE TERMINOLOGIE Le possible etDans l’écosystème suisse, on peut donc finalement quand même l’impossible n’ontse réjouir que des acteurs comme Swiss Sustainable Finance etSustainable Finance Geneva, associations faitières du secteur, ou que faire du bienles praticiens de la finance durable, optent généralement pour uneapproche plus pragmatique et moins dogmatique. Ce qui pourrait ,,et du mal.renforcer leurs avantages comparatifs.Car derrière la question de la terminologie, la réalité est que la La finance durable ferait alors peut être bien d’exclure la financefinance «éthique» ou «responsable» ne porte pas en elle de pers- dite «responsable» ou «morale», qui ne fait souvent qu’apporterpectives de croissance particulièrement élevées. Les investisse- confusions et dogmatisme. Dans un livre publié il y a déjà plusments avec un aspect moral existent depuis très longtemps, de 10 ans (Le capitalisme est-il moral?) le philosophe Andrédifférentes confessions religieuses ayant établi des préceptes Comte-Sponville critiquait déjà cette moralisation de la sociétémoraux d’économie il y a bien longtemps (condamnation du prêt et de l’économie: «Prétendre que le capitalisme pourrait êtreà intérêt, exclusion des entreprises avec des activités dans alcool moral n’a pas de sens. En effet, le possible et l’impossible n’ontou l’armement etc.). Il n’y a en cela absolument rien de nouveau que faire du bien et du mal. Si nous voulons qu’il y ait une mo-à pratiquer par exemple des critères d’exclusion pour la sélection rale dans une société capitaliste, celle-ci doit venir d’ailleursde certains titres par exemple. que du marché». ——WORK #06 — 25
SOCIÉTÉRajna Gibson BrandonFinance et sociétéLors de la création du Geneva Finance compétition est rude (Journal of Finance, Journal ofResearch Institute (GFRI) en 2009, priorité a Financial Economics ou The Review of Financial Stu-été donnée par le rectorat de l’Université de dies). Des stratégies beta aux problèmes de notationGenève à l’axe «finance et société». Un de la dette, des taux de change au choix entre la réas-message sans équivoque pour Rajna Gibson, surance et la titrisation ou encore de la contagion entredirectrice de l’Institut. marchés financiers et marchés immobiliers au facteur chance dans la réussite des hedge funds, la palette PAR NICOLETTE DE JONCAIRE académique des recherches dans ce domaine cou- vertes par les professeurs du GFRI est vaste et diver- D édié à la recherche et à la formation en sifiée. Une partie des recherches s’effectue en finance, l’Institut donne un élan nouveau à collaboration avec le Swiss Finance Institute dont la recherche en gestion de portefeuille mais Rajna Gibson Brandon dirigeait la recherche jusqu’en aussi aux problématiques de la gouver- décembre 2014. nance d’entreprise. Les thèmes de recherche actuels Du côté de la formation, le GFRI et la Faculté d’Eco- de Rajna Gibson Brandon couvrent l’évaluation des nomie et de Management de l’Université de Genève actifs financiers, la gestion des risques, la gouvernance abritent depuis 2013 un Master en Wealth Manage- d’entreprise et surtout la finance expérimentale.. ment (GEMWEM) qui associe gestion de portefeuilles, allocation des actifs, ingénierie du risque, construction GESTION DE FORTUNE des produits structurés et compréhension des instru- ments dérivés. Par ailleurs, le GFRI a démarré cette Une partie importante des travaux du GFRI portent sur année un Master of Advanced Studies in Wealth la gestion des actifs dans les approches classiques de la finance. Ces travaux sont largement représentés dans les publications les plus prestigieuses de l’uni- vers de la recherche académique en finance où la26 — W O R K # 0 6 —
SOCIÉTÉManagament en collaboration avec la PBC School of Finance de GENEVA FINANCE RESEARCH INSTITUTEl’Université Tsinghua de Pékin. Ce programme de formation (GFRI)continue destiné à des professionnels de la finance en Chineimplique ra que les professeurs du GFRI iront enseigner une Le GFRI est un Institut pluridisciplinaire de l’Université departie de leurs cours à Pékin et à Shanghai. Genève (UNIGE) créé en mars 2009 et entièrement dédiéLa mission de l’Institut est aussi de diffuser la connaissance au à la recherche et à la formation en finance. Son ambitionpublic. Il organise régulièrement séminaires et conférences sur visait à donner un élan nouveau à la recherche et à lades thèmes d’actualité: bitcoin, régulation des marchés et pers- formation en finance au sein de l’Université de Genève, etpectives de l’économie globale l’année dernière, technologie ce, particulièrement dans les domaines de la gestion definancière (Fintech) dans les mois à venir. portefeuille et des thématiques de «finance et société». Structurellement inter-facultaire, le GFRI se situe à la RECHERCHES «FRONTIÈRES» croisée entre les Facultés d’Economie et Management (GSEM), de Droit, de Psychologie et des Sciences de l’Edu-C’est dans ce que Rajna Gibson Brandon appelle les recherches cation. Par ailleurs, le GFRI collabore étroitement avec leà la «frontière» de diverses disciplines que le GFRI se distingue Centre de Droit Bancaire et Financier de l’UNIGE et le Pôlede ses pairs. Une affaire qui remonte à loin car, spécialiste de de Recherche National en Sciences Affectives.l’analyse du risque financier classique, Rajna Gibson Brandons’est vite intéressée à l’angle humaniste de la finance à traversun projet inter-disciplinaire initié en 2007 sur la préférence pourl’honnêteté. «Ce sont les distorsions que suscitent les approchesde prises de décision fondées sur la performance à court terme –et la prise de risque excessive qui en découle – qui m’ont menéeà m’interroger sur des thèmes qui ne préoccupaient que peu lesacadémiques avant la crise des subprimes». Le court-termisme,le statut social attaché à l’argent et la destruction des valeurséthiques intrinsèques chez les individus par un environnementaux normes de gouvernance nocives et leurs impacts sur lesprises de décision financières sont vite devenus ses préoccupa-tions majeures. De là, elle s’est spécialisée dans la finance,,expérimentale mais avec un accent porté sur les problématiquesde la finance responsable. Le GFRI fait aujourd’hui ,,figure de pionnier.Le GFRI fait aujourd’hui figure de pionnier avec le premier poste PARCOURSde professeur-assistant de finance durable en Suisse tenu parle professeur Philippe Krüger et plus surprenant encore, un Rajna Gibson Brandon est professeure de Finance à l’Uni-enseignement en neurofinance et en neuroéconomie dispensé versité de Genève depuis septembre 2008 et titulaire d’unepar la professeure Kerstin Preuschoff. Sans oublier la recherche Swiss Finance Institute Senior Chair. Elle dirige le Genevaen finance comportementale et expérimentale. Difficile toutefois Finance Research Institute de l’Université de Genève de-d’acquérir une notoriété à travers les publications académiques puis mars 2009 et était directrice de la recherche du Swissen finance qui restent encore largement fermées aux approches Finance Institute de 2007 à 2014. Elle est également pro-innovantes à la «frontière» de la finance. fesseure honoraire de Finance à l’Université de Lausanne.Pour la troisième fois, le GFRI organisera en mars 2016, en Elle est membre du Conseil d’administration de Swiss Recollaboration avec Sustainable Finance Geneva et l’UNEP, le depuis juin 2000 et a été membre de la Commission fédé-Sommet de la Finance durable, devenu le plus grand évènement rale des banques de janvier 1997 à décembre 2004. Elleacadémique sur ce thème d’Europe. Un moment de transfert de enseigna à l’Université de Zurich de 2000 à 2008 et à l’Uni-connaissances et de débats sur une finance durable encore peu versité de Lausanne d’octobre 1991 à février 2000. Elle futconnue du public. — auparavant professeur-assistante de Finance au Groupe HEC, France et «Visiting Scholar» à New York University et à la John Anderson Graduate School of Management de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Rajna Gib- son Brandon détient un doctorat en sciences économiques de l’Université de Genève.—WORK #06 — 27
SOCIÉTÉChevalières destemps modernesLa fonction des banques centrales est de réguler la quantité de ELVIRA NABIULLINAmonnaie pour répondre à des objectifs qui varient d’un pays àl’autre, stabilité des prix mais aussi croissance et emploi. Délicats L’économiste russe Elvira Nabiul-à arbitrer ces objectifs sont confiés à des entités indépendantes lina est présidente de la Banquedu pouvoir politique à un degré plus ou moins important selon centrale de Russie depuis le 24 juinles pays. Depuis la crise de 2008, les banques centrales polari- 2013. Proche de Vladimir Poutine,sent l’attention. Comme si elles étaient seules capables de elle fut son conseiller économiquerésoudre le chaos financier. Chaque décision de la Fed, de la de mai 2012 à juin 2013 aprèsBCE ou de la BNS est suivie de près par une large section des avoir été Ministre du développe-medias et du public et fait l’objet de multiples supputations, ment économique et du com-commentaires et critiques tant de la part des économistes et des merce de 2007 à 2013. Si ellefinanciers que des politiques. Les femmes à la tête des banques n’a pas le poids de sa consœur Janet Yellen, elle est toutefoiscentrales restent une toute petite minorité (voir tableau). Leur considérée comme l’un des cent personnages les plus influentsprésence dans les pays dits développés est infime. Rééquilibrée du monde. Depuis que les Etats-Unis et l’Union européenne setoutefois par celle de Janet Yellen au poste de gouverneur de la sont lancés dans une politique de sanctions vis-à-vis de la Russie,Federal Reserve (Banque Centrale des Etats-Unis). Elvira Nabiullina a fort à faire. L’effondrement du prix du pétrole n’arrange pas la situation d’un pays qui dépend fortement de JANET YELLEN l’exportation des hydrocarbures. Pour endiguer la fuite des capi- taux (128 milliards de dollars ont quitté le pays en 2014) et juguler Le monde entier est pendu à ses l’inflation galopante (9,4% sur 2014), Elvira Nabiullina passait les lèvres. Montera-t-elle les taux taux directeur de la Banque Centrale russe à 10,5% mi- directeurs? Ne les montera-t-elle décembre 2014 alors qu’il n’était que de 5,5% au début de l’année. pas? A quel niveau? La croissance Sachant combien ce taux serait difficile à supporter pour les en- américaine est-elle assez haute? treprises russes dans un contexte proche de la récession. Malgré Le chômage est-il assez bas? L’in- cette décision, le rouble plongeait le lendemain. En janvier 2015, flation grimpe-t-elle? La stabilité les réserves de devises de la banque centrale de Russie avaient des marchés financiers est-elle diminué de 20% à 388 milliards de dollars, passant sous le seuil assurée? Chacune de ses paroles des 400 milliards pour la première fois depuis 2009. —– chaque expression de son visage – est interprétée et réinterpré-tée par des dizaines de milliers d’analystes économiques et finan- UNE MINORITÉ MONTANTEciers et par des milliers de médias. Janet Yellen appartient au Sur 191 gouverneurs de banques centrales, seules 16 sont des femmes (8%).groupe des six personnages les plus influents de notre époque, encompagnie de Vladimir Poutine, Barack Obama, Xi Jinping, le Pape Gouverneur Banque centraleet Angela Merket. Nommée à la tête de la Federal Reserve (Fed)en janvier 2014 à l’âge de 68 ans, Janet Yellen est responsable Jeanette R. Semeleer Banque Centrale d’Arubad’un bilan de 4 500 milliards de dollars soit plus de 25% du ProduitIntérieur Brut des Etats-Unis. Le destin du monde financier et de Wendy Craigg Banque Centrale des Bahamasl’économie mondiale dépend de ses décisions. Rappelons que laFed est l’une des banques centrales les plus indépendantes du Linah Mohohlo Banque du Botswanapouvoir politique au monde (ce qui ne va pas sans quelques grin-cements de dents) et que son mandat est l’un des plus étendus Chrystalla Georghadji Banque Centrale de Chypreau sein des banques centrales puisqu’outre la stabilité des prix, lacroissance et l’emploi, elle est aussi responsable de la stabilité Maria Elena Mondragon Banque Centrale du Hondurasdes marchés financiers. En bref de la santé de l’économie améri-caine au jour le jour. Karnit Flug Banque d’Israel Retselisitsoe Matlanyane Banque Centrale du Lesotho Zeti Akhtar Aziz Banque Negara Malaysia Azeema Adam Authorité monétaires des Maldives Elvira Nabiullina Banque de Russie Atalina Ainuu Enari Banque Centrale de Samoa Maria do Carmo Silveira Banque Centrale de Sao Tome / Principe Jorgovanka Tabakovic Banque Nationale de Serbie Caroline Abel Banque Centrale des Seychelles Valeryia Gontareva Banque Nationale d’Ukraine Janet Yellen Federal Reserve (Banque Centrale des Etats-Unis) Source: Central Bank News, 7 avril 201528 — W O R K # 0 6 —
SOCIÉTÉ © Fondation Guilé Ouvrières emballant des bananes, GuiléAcademicAssessment de la société Chiquita.Doris Rochat MonnierPromouvoir laresponsabilité socialeL’humain est au cœur des valeurs de la tion. En signant volontairement le Pacte Mondial, uneFondation Guilé. Elle veut sensibiliser les chefs entreprise engage sa responsabilité mais aussi celle ded’entreprise au respect des valeurs humaines ses dirigeants et de ses employés. Un message publicet environnementales. Entretien avec Doris que sa priorité est d’être une entreprise citoyenne dansRochat Monnier, directrice de la Fondation. sa stratégie et dans son mode de fonctionnement. PAR LISE MEDIONID epuis 2005, la Fondation Guilé encourage LES OUTILS DE LA RSE 1 activement le respect des dix principes universels du Pacte Mondial des Nations La responsabilité sociale passe d’abord par la connais- Unies. Cette initiative auprès des entreprises sance de soi et par la transparence. Pour une société,privées, lancée en 2000 par les Nations-Unies et son s’engager est une chose, l’expliquer publiquement enancien secrétaire général Kofi Annan, favorise le respect est une autre. Y être incité par le dialogue avec desdes droits humains, du droit du travail, de la protectionde l’environnement, ainsi que la lutte contre la corrup- 1. La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et de gouvernance.—WORK #06 — 29
SOCIÉTÉ © Fondation Guilé Système d’irrigation des plantations, GuiléAcademicAssessment de la société Chiquita.représentants d’investisseurs en est une troisième. Doris Mais les générations formées à l’évaluation financièreRochat Monnier est convaincue que «le reporting RSE est un classique n’intègrent souvent pas ces dimensions de RSEvecteur de changement interne et externe, et qu’il a un impact dans la gestion de fortune. La lecture des rapports sociauxsur les décisions prises, la réputation, et donc les perfor- et environnementaux ne fait pas encore partie intégrante desmances financières à long terme». De même qu’une entre- compétences des gérants ou de leur processus d’analyse.prise décrit ses stratégies commerciales pour augmenter ses «A quelques exceptions près» ajoute Doris Rochat Monnier,parts de marché, elle se doit d’expliquer comment ces stra- «dont une génération de la finance durable qui monte entégies survivront dans le contexte humain et environnemental Suisse, et des gérants plus visionnaires».globalisé.C’est pour cette raison que la Fondation Guilé a développé la LE DIALOGUE ACTIONNARIALméthodologie GuiléReportingAssessment™ en 2006, une éva-luation neutre qui définit la capacité de l’entreprise à décrire La Fondation Guilé est «advisor» des fonds Cadmos-Guilé, qui nela façon dont elle gère les enjeux sociaux, environnementaux, sont pas gérés comme les autres fonds dits socialement respon-et de gouvernance. Cette analyse est un miroir qui permet à sables. La démarche du gestionnaire n’est pas ici d’ajuster sesla société de mesurer rapidement ses forces et ses faiblesses allocations sur la base du jugement d’agences de notation socialedans la mise en œuvre d’une politique de RSE et de sa com- et environnementale, mais de réellement intégrer dans son analysemunication. Dans le dialogue avec la Fondation Guilé qui suit primaire les informations sur la capacité des entreprises à gérerl’analyse, la société peut identifier ses lacunes et les zones à la durabilité, grâce au dialogue mené par la Fondation auprès desaméliorer pour continuer à créer de la valeur pour les action- sociétés investies. Doris Rochat Monnier estime que le dialoguenaires et les autres parties prenantes. actionnarial exerce une réelle influence sur la gouvernance des sociétés dans lesquelles un fond investit.30 — W O R K # 0 6 —
SOCIÉTÉMais la prise en compte de ces facteurs extra-financiers GUILÉ ACADEMIC ASSESSMENT(dont l’expression fausse la réalité puisqu’ils ont un impactfinancier in fine) est freinée par des normes encore trop Au début des années 1990, Chiquita a initié une im-diffuses. «Il y a trop d’initiatives, trop d’agendas politiques. pressionnante remise en question pour devenir uneLes réconcilier est une gageure», explique Doris Rochat organisation «citoyenne» et responsable, avec un fortMonnier. Même si certaines directives, comme celles de la engagement social et environnemental envers sesGlobal Reporting Initiative, ou du Sustainability Accounting parties prenantes. C’était une démarche pionnière,Standards Board (une entité associée à la SEC), se généra- mais l’entreprise peine à en tirer les bénéfices. Est-celisent, aucun cadre n’est unanimement pratiqué. Quant à que ces efforts peuvent être convertis en crédibilité etfinanciariser la nature ou la vie humaine, c’est encore une en retours tangibles auprès des parties prenantes dedémarche fragile … la société? Quelles leçons tirer des décisions prises par Chiquita pendant plus de 20 ans? C’est ce qu’ont LA MYOPIE DES MARCHÉS FINANCIERS cherché à savoir le Prof. Guido Palazzo (HEC Lausanne) et la Dr. Dorothea Baur dans le cadre d’une étudeLes fondements du reporting financier engendrent des «GuiléAcademicAssessment», dont l’objectif est deattentes aberrantes. Une rentabilité à très court terme, scru- contextualiser les dilemmes des multinationales au re-tée trimestre après trimestre par la bourse, n’est pas propice gard des contraintes et des réalités des parties enà la viabilité à long terme. «La myopie des marchés financiers présence. La recherche est ainsi pratiquée sur la baseentrave les stratégies responsables». Dans leur processus de d’un accès libre à toutes les sources d’informationssélection d’un investissement, les fonds de pension mettent dans l’entreprise, et dans le cadre d’une gouvernancetoujours en avant le nom du gérant et sa performance (au tripartite dans laquelle la Fondation Guilé joue un rôlesens purement financier du terme). Difficile de convaincre les de facilitateur et d’intermédiaire impartial.entreprises de changer de comportement dans ces condi-tions. Un nombre croissant d’investisseurs veulent pourtantque les entreprises prennent en compte les enjeux de res-ponsabilité sociale, mais leur nombre est encore insuffisantpour faire la différence.Et ce n’est pas tout. «Il n’existe peu ou pas d’information surla manière dont les entreprises dites responsables gèrent leurpropre fortune ou celle de leur caisse de pensions» nous ditDoris Rochat Monnier. Beaucoup d’entreprises prennent réel-lement à cœur leurs engagements dans leurs opérations quo-tidiennes mais n’en tiennent pas compte dans la gestion deleurs capitaux. Une dichotomie que l’on retrouve dans la ges-tion du capital des fondations philanthropiques. LA RÉALITÉ CONTEXTUELLE PARCOURSLa Fondation Guilé a lancé une nouvelle approche, le Guilé- Titulaire d’un Master de l’Université de HEC-Lausanne,AcademicAssessment, en collaboration avec le milieu univer- Doris a débuté sa carrière comme analyste macroéco-sitaire. Par cette analyse au cœur de la société et avec ses nomique chez Paribas en 1994 avant de mettre enparties prenantes, elle cherche notamment à faire compren- place et de gérer le département Marketing & Com-dre que «la responsabilisation passe par le hardware et le munication de Ferrier Lullin & Cie. Plus tard elle rejointsoftware». Le hardware? Des processus formalisés qui de Pury, Pictet, Turrettini & Cie afin de promouvoir,guident ou contraignent les employés à respecter les normes auprès d’investisseurs institutionnels et privés, l’inté-mises en place. Pour un groupe comme Siemens qui compte gration des valeurs financières, sociales, environne-plus de 90 000 fournisseurs, impossible de surveiller leur mentales et éthiques dans la gestion de leur fortune.comportement sans «hardware». Le software? Une personni- Après 20 ans d’expérience multidisciplinaire, et mèrefication, par l’exemple des dirigeants, d’une volonté éthique. de deux adolescentes, Doris est depuis deux ans laLa performance RSE sera dépendante du contexte de l’entre- Directrice de la Fondation Guilé. Cette organisation àprise. «Apprendre à contextualiser la responsabilité pratiquée but non lucratif a pour objectif de sensibiliser lespar une grande multinationale est important pour juger de la porteurs de responsabilités économiques, politiques,réalité, pour tirer des leçons, et pour améliorer les perfor- sociales et culturelles au respect de la dignité humainemances futures» conclut Doris Rochat Monnier. — dans le domaine de l’entreprise. Elle encourage notamment le respect des principes du Pacte Mondial des Nations Unies qui couvrent les droits de l’homme, les normes du travail, la protection de l’environnement et la lutte contre la corruption.—WORK #06 — 31
SOCIÉTÉTimea BacsinszkySponsoringsportif etfinanceEn décembre, la Banque Cramer comme l’excellence, le fair-play ou la recherche de la performance.annonçait son association avec l’athlète J’apprécie tout particulièrement le fait que la Banque ait cru ensuisse Timea Bacsinszky qui devenait moi avant même mon retour au premier plan.ainsi son ambassadrice. Un partenariatqui entendait symboliser le rapproche-ment entre ambition et dynamisme de lasportive et qualités de fair-play, deréactivité et de performance auxquellesla banque veut s’identifier. PAR ROHAN SANT Quelle est l’importance du sponsoring pour une jeune sportive? CE QU’EN DIT TIMEA BACSINSZKY… Une carrière de sportive professionnelle requiert des soutiens importants, aussi bien financiers que logistiques. Les enjeux sontQue représente pour vous le poste d’ambassadrice de la multiples et exigent des compétences spécifiques. Dans mon cas, ilBanque Cramer? est important de m’associer à des partenaires capables de m’accom-C’est une grande satisfaction pour moi d’être l’ambassadrice de pagner dans ma carrière à tous les niveaux. C’est le cas avec lala Banque Cramer. Nous partageons des valeurs communes Banque Cramer qui m’offre par ailleurs des services dont j’ai besoin et me permet d’envisager ma carrière avec une certaine sérénité.32 — W O R K # 0 6 —
SOCIÉTÉLe rapport avec une banque est-il différent du rapport avec SPONSORING SPORTIFd’autres sponsors?Chaque relation est bien sûr différente même s’il y a à chaque fois Le sponsoring sportif consiste pour une entreprise à sou-pour dénominateur commun, la passion du sport et la relation tenir financièrement une manifestation sportive, une équipehumaine. Une banque privilégie notamment les contacts directs et ou un sportif, non dans un but philanthropique comme danspersonnels. Pour ma part, j’ai la chance de pouvoir rencontrer des le mécénat, mais à des fins commerciales. Cette activité degens de tous horizons et partager avec eux ma passion et mes soutien – également appelée parrainage – se fait moyen-valeurs et ces rencontres sont également très enrichissantes nant l’octroi en retour de la promotion de son image depour moi. marque. Le sponsoring, contrairement à la publicité, per- met d’utiliser tous les canaux de promotion simultanément.Quels sont vos espoirs pour la saison en cours? Grâce à son association avec un sportif, le sponsor seraNous ne nous sommes pas fixé d’objectifs de classement. Mon présent aussi bien à la télévision et dans les journaux que sur les médias électroniques ou encore sur l’affichage,,objectif est plutôt de m’améliorer constamment. Pour cela, j’essaie traditionnel. Soutenir un sportif peut donc s’avérer particu- lièrement intéressant en termes de visibilité, surtout side donner le meilleur de moi-même à l’entraînement et en match. l’athlète sponsorisé est performant. Selon le cabinetNous ferons le bilan en fin de saison… Sponsorize, les trois sponsors les plus importants du sport en Suisse sont Raiffeisen, Swisscom et Migros. A eux trois, Les valeurs? ils ont investi près de 60 millions de francs en 2013. Cette manne profite surtout au football, au hockey sur glace et ,,Fair-play, réactivité et au ski, les sports les plus médiatisés en Suisse. performance. CE QU’EN DIT PASCAL WIDMER, RESPONSABLE DE LA SUCCURSALE DE LAUSANNE DE LA BANQUE CRAMER & CIE …Pourquoi avoir choisi Timea Bacsinszky commeambassadrice? Pour quelles qualités?Banque Cramer & Cie a souhaité soutenir sa croissance avec unecommunication rajeunie et dynamique, centrée autour de valeursfondamentales. Sportive suisse ambitieuse et talentueuse, TimeaBaczinsky nous a tout naturellement semblé être la candidateromande évidente. Les contacts personnels et un timing «idéal»ont fait le reste.Que représente le sponsoring d’une jeune sportive pour une PARCOURSbanque comme la vôtre?Nous nous percevons comme une banque «à taille humaine» et à Timea Bacsinszky est une joueuse de tennis suisse de 25 ansce titre, nous privilégions un ancrage local de nos activités et la qui figure actuellement au 23e rang du classement mondialproximité avec nos clients. Avec Timea, nous voulons avant tout féminin (meilleur classement 21 WTA). Elle a commencé sanous associer au succès du sport suisse. Le tennis bénéficie d’une carrière à l’âge de 14 ans. Elle est alors la plus jeunebelle popularité en ce moment et il est accessible à tous. Il s’agit joueuse professionnelle de l’histoire du tennis suisse. Enégalement transmettre de belles valeurs telles que le fair-play, la avril 2011, Timea Bacsinszky est victime d’une grave bles-réactivité et la performance. sure au pied qui la tient écartée des courts pendant de nombreux mois. Au début de l’été 2013, Timea BacsinszkyCette collaboration porte-elle ses fruits? décide de donner une nouvelle impulsion à sa carrière enElle dépasse de loin nos attentes! En effet, Timea réalise d’excel- collaborant avec Dimitri Zavialoff, ancien coach de Stanlents résultats et pointe désormais au 23e rang au classement Wawrinka. En passant de la 285e place pour retrouver leinternational du tennis féminin WTA. Nous sommes d’ailleurs très top 50 du classement WTA, Timea Bacsinszky a signé unfiers d’avoir pu contribuer à cet impressionnant come-back. Nous des plus impressionnants come-backs du circuit. Avecpouvons ainsi bénéficier d’une excellente visibilité à ses côtés. Au deux tournois remportés dans les premiers mois de 2015 etplan humain, il s’agit aussi d’une belle rencontre qui permet de d’excellents résultats face à plusieurs joueuses du top 10,partager fierté et engouement avec nos collaborateurs et avec Timea Bacsinszky a conforté sa place au sein de l’élitenos clients. — mondiale. Par ailleurs, Timea Bacsinszky parle couramment cinq langues (français, allemand, anglais, italien et hongrois).—WORK #06 — 33
L’ÉCONOMIE AU FÉMININ L’économie au féminin L’ÉCONOMIE AU FÉMININBUSINESS SOCIÉTÉ Mireille BallestrazziMATIÈRES GENRE &PREMIÈRES FINANCE A la tête d’InterpolIMPACT TENDANCES MARGARETA WAHLSTRÖM Plans d’urgence anti cataclysmes KIMBERLY TAYLOR Au cœur des dérivés mondiauxLES MYTHES INVESTIR DANS SUSAN GREENFIELD Digitalisation et prise de risqueDE LA CRISE LE DESIGN SHIRIN NESHAT Quand l’art affronte les interditsDORA BAKOYANNIS Alice Dautry SUPPLÉMENT DÉCEMBRE 2013 NUMÉRO 3 RECONSTRUIRE LA GRÈCE DIRIGE L’INSTITUT PASTEUR SUPPLÉMENT OCTOBRE 2012 NUMÉRO 1 - OFFERT PAR PROFIL & L’AGEFI IMPACT C’EST QUOI UN ISLAMISTE MODÉRÉ ? | FINANCE NAVIGUER EN PÉRIODE DE TURBULENCE | SOCIÉTÉ LA RETRAITE : UNE BOMBE À RETARDEMENT TENDANCES L’ART EN FER DE LANCE SUPPLÉMENT MAI-JUIN 2013 NUMÉRO 2 Marina Mary Callahan Erdoes Abramovic dirige J.P. Morgan Asset Management La guerrière de l’art contemporain ANNE-MARIE DE WECK Passerelle vers la durabilité ANNETTE SCHÖNHOLZER Art Basel, l’évènement ANTOINETTE HUNZIKER Investissement financier au futur SONAL SINGH Enchères du bout du monde RAJNA GIBSON BRANDON Finance et société LATIFA ECHAKHCH Prix Marcel Duchamp TIMEA BACSINSZKY Sport et sponsoring financier BEDIN & PERRET Week-End à Rome JUIN 2015 NUMÉRO 6 JUIN 2014 NUMÉRO 4✂ Je m’abonne pour une année (2 numéros de WORK) à 10.– et désire recevoir le cadeau de bienvenue selon les disponibilités en stock. Je profite de l’offre spéciale pour une année (6 numéros de Profil + 2 numéros de WORK) à 29.– et désire recevoir le cadeau de bienvenue selon les disponibilités en stock.Mes coordonnées (champs obligatoires*)Nom*: Prénom*: WK6_PABORue*: NPA/Localité*:Tél: E-mail*:Date: Signature: Coupon à retourner à: WORK – Agefi SA, rue de Genève 17, CP 5031, 1002 Lausanne – abo.work@agefi.com www.agefi.com/publications-eco-financieres/work.html Suivez-nous aussi sur notre blog: www.workmag.me
SOCIÉTÉGouvernance au fémininPAR VALÉRIE PLAGNOL, ÉCONOMISTE ET ADMINISTRATEUR DE SOCIÉTÉL a cause est largement entendue et de mieux en mieux les filières managériales qui conduisent au plus haut de la pyramide: documentée: la présence de femmes au conseil d’adminis- on compte près de 19% de femmes dans les fonctions administratives tration d’une société et plus généralement dans les positions transversales, mais seulement 8.5% dans les directions opération- de directions des entreprises est un plus et cela se mesure nelles et moins de 4% atteignent le poste de PDG 1. L’accès à l’édu-directement dans la performance économique et financière de l’en- cation supérieure, la participation croissante des femmes au marchétreprise.Tous secteurs confondus, on constate qu’elles surperforment du travail, les lois et règlements en matière de maternité, comme lasur les marchés financiers et dans de nombreux cas sont plus géné- participation accrue à la vie politique, sont autant de facteurs qui fa-reuses à l’égard de leurs actionnaires 1. La proportion des femmes vorisent la présence des femmes aux plus hautes responsabilités.dans les conseils d’administration est en constante augmentation. Elle Même s’il reste difficile d’établir un lien de causalité unique et certainest passée en moyenne de 9% en 2004 à 16,4% en 2014 2 et est entre diversité et performance, la présence de femmes à des postesproche de 25% en Europe. Les pays scandinaves qui ont instauré le de responsabilité au sein des entreprises les plus performantes estplus tôt des quotas sont ceux où la présence de femmes dans les un constat assez général. La promotion de la diversité au sein desconseils d’administration dépasse les 30%, la Norvège atteint même entreprises est bien gage de performance. Il reste à s’en donner les40%. A contrario, on était à 11,3% seulement en Suisse en 2013 1. moyens à tous les niveaux. L’introduction de quotas aux conseilsEn revanche, les femmes sont encore sous représentées dans les po- d’administration est de ce point de vue un grand pas, mais aussi unsitions de direction générale et au sein des Conseils. Cette «ségréga- premier pas. —tion» professionnelle commence tôt. Elle s’aggrave souvent avec lenombre d’enfants en bas âge 3. Il faut en trouver les raisons bien en 1. Credit Suisse Research Institute «the CS gender 3000: women inamont: dès l’école où les filles sont moins nombreuses à suivre les fi- senior management» Septembre 2014.lières scientifiques et techniques que les garçons. Du coup les femmessont «concentrées» dans un nombre plus réduit de filières profession- 2. «The rise of women in society: enablers and inhibitors. A globalnelles. Et même à diplôme égal, elles sont moins représentées dans study» – Sucheta Nadharni, Elaine Oon University of Cambridge – April 2015 (échantillon de plus de 1000 entreprises dans 51 pays). 3. DARES – ministère du travail (France) «répartition des hommes et des femmes par métiers» Décembre 2013 n°79WOMEN ON BOARDSTour d’horizon européen de la gouvernance au fémininLa diversité de genre dans les conseils d’administration est un sujet d’Equalyst, et Nicolette de Joncaire, rédactrice en chef de WORK etd’actualité dans de nombreux pays d’Europe. Cette dernière soulève journaliste à l’Agefi.plusieurs questions. Les Business & Professional Women (BPW) vousinvitent à une soirée sur cette thématique avec des conférencières Mercredi 17 juin 2015 à 17:30 à la Fédération des Entrepriseet conférenciers de renom. Tous les acteurs de l’écosystème éco- Romandes (FER), 98 rue de St Jean, 1211 Genèvenomique sont conviés à cette soirée d’information, de témoignageset de débat. Prix des places: membres des BPW, de la FER et de l’OWIT: Fr. 70.–,Valérie Plagnol, présidente de la Société d’Economie Politique (Paris), employés de Thomson Reuters: Fr. 70.–, autres membres du public:introduira le débat qui réunira Agnès Bricard, conseillère du com- Fr. 120.–.merce extérieur de la France, Valérie Kirschmann, administratrice Inscription sur le site de OWIT Lake Geneva dans Eventsde Thomson Reuters Suisse, Diane Reinhard, présidente du Cercle (http://www.owit-lakegeneva.org/event-1912775).Suisse des Administratrices, Tineke Ritzema, administratrice de la Contact: info@bpw-geneve.chBanque Alternative Suisse, Jean Studer, président du conseil d’ad- Programme détaillé sur www.bpw-geneve.ch sous Manifestationsministration de la Banque Nationale Suisse et Arif Zaman, directeur Avec le soutien du bureau de la promotion de l’égalité entre femmesdu Commonwealth Businesswomen’s Network. Le débat sera et hommes de la République et du Canton de Genève, de la FER, demodéré par Sibylle Rupprecht, directrice de Catalyst Europe et Thomson Reuters, de Wit Lake Geneva, de Deloitte, de Be Curious et de l’Agefi.—WORK #06 — 35
SOCIÉTÉ Career Women’s Forum Ladies’ Lunch de Lausanne Créé à Genève en 1982, le Career Women’s Le Ladies’ Lunch organise deux fois par an, Forum (CWF) soutient le développement pro- au Lausanne Palace & Spa, un repas de sou- fessionnel des femmes actives à travers un tien en faveur d’une œuvre caritative dont réseau de relations. L’association organise l’action d’entraide menée en Suisse des activités professionnelles et extra-profes- Romande, lui semble mériter un encourage-sionnelles. Elle établit un dialogue permanent avec les ment particulier. Chaque demande est étudiée par le comité.organisations publiques, privées et d’autres associations. L’aide financière a grandi au fil des années, permettant auLe 20 avril, la 33e Assemblée Générale du Career Ladies’ Lunch de soutenir des œuvres d’utilité publique, dontWomen’s Forum s’est tenue à Genève. Le poste de prési- la plupart ont démarré de façon modeste, grâce à l’initiativedente occupé depuis deux ans par Hélène Gache (IBM) a de personnes concernées par une épreuve de vie.été repris par Valentina Gizzi (DuPont). Le 27 avril, le CWF Le 7 mai, le déjeuner de printemps s’est tenu au profit de larecevait Michaela Troyanov, membre du Conseil d’admi- fondation Special Olympics Switzerland qui aide les per-nistration de Postfinance et récemment nommée à celui sonnes en situation de handicap mental à se développer pardu fonds de compensation compenswiss (responsable de le sport. Présent dans plus de 170 pays, Special Olympicsla gestion du «premier pilier»). Elle affirmait: «Les femmes emploie plus de 244 000 coaches et 805 000 volontairesattendent d’être découvertes? Laissez tomber! Les pour permettre à 4,2 millions de sportifs de pratiquer plusfemmes doivent se rendre visibles et les opportunités de 30 sports différents et de participer, ensemble, à desviendront à elles». Et d’ajouter: «Posez-vous les bonnes compétitions. Le mouvement a été créé aux Etats-Unis enquestions et ne tombez pas dans le piège de la vanité 1968 par Eunice Kennedy-Shriver, sœur cadette du Prési-lorsqu’on flatte votre ego». dent John F. Kennedy. Valentina Gizzi, présidente Dominique Brustlein, présidenteBusiness & Professional Women 100 Women in Hedge Funds Business and Professional Women (BPW) Fondé en 2001, 100 Women in Hedge est la principale organisation de femmes Funds est une association globale réunis- actives, en Suisse et dans le monde. Le sant plus de 12 000 professionnelles dont réseau suisse compte 2500 membres, l’effort bénévole cible l’éducation, les issues de professions très diverses et initiatives professionnelles et la philan-réparties dans 40 clubs. Les BPW organisent des thropie. L’association soutient en particulier la formationmanifestations régulières et disposent d’une bourse à des femmes dans le domaine de la finance alternativel’emploi. Elles entretiennent des partenariats dans les et attribue, chaque année, dix bourses au programmesphères économique, sociale et politique et sont d’enseignement du Chartered Alternative Investmentreprésentées dans les commissions européennes et Analyst (CAIA). Les évènements destinés à lever desinternationales. Dans l’émission Infrarouge du 10 mars fonds incluent quatre galas (New York, Londres, Hongsur la RTS «Egalité salariale: pourquoi ça coince?», Kong et Genève). Au cours des dix dernières années,Monique Ryser, présidente des BPW Switzerland, l’association a levé près de 30 millions de dollars audéfendait le point de vue de l’association sur les bénéfice de nombreuses associations caritatives etécarts salariaux de 20% entre femmes et hommes en impacté de manière positive la vie de près de 400 000Suisse, alors que le principe de l’égalité salariale est personnes. Le comité suisse de l’association réunit Katyinscrit dans la Constitution depuis 1981. Le 17 juin à Huang (Deutsche Bank), Genevieve Lincourt-GheyssensGenève, les BPW tiendront la conférence Women On (Pictet Asset Management), Tenke Zoltani (Islan AssetBoards, tour d’horizon européen de la gouvernance au Management) et Anne Simond (ARM Swiss Representa-féminin (page 35). tives SA). Monique Ryser, présidente pour la Suisse Tenke Zoltani, membre du comité suisse36 — W O R K # 0 6 —
SOCIÉTÉ WISTA WBS Women’s International Shipping & Trading Women’s Business Society est une asso- Association (WISTA) est une organisation ciation, créée à Genève en 2012, dont internationale qui regroupe les femmes l’objectif est la promotion de la carrière occupant des postes de direction dans féminine dans les secteurs de la vie éco- les secteurs du négoce, du transport ma- nomique, juridique, politique et sociale.ritime et des métiers connexes. L’association veut être La Women’s Business Society se dédie particulièrementun acteur majeur pour attirer davantage de femmes aux femmes dans les quinze premières années de leurdans ces industries et soutenir les femmes qu’y occu- carrière. Elle organise diverses activités afin que lespent des postes de responsabilité. Les réseaux, l’édu- membres se rencontrent et puissent échanger leurscation et l’encadrement sont au cœur de ses activités vues sur les questions relatives aux carrières fémi-car WISTA cherche à améliorer la compétence de ses nines. Dont des déjeuners autour de personnalités sus-membres et à renforcer leurs succès. WISTA compte ceptibles de servir de modèles de référence à sesplus de 1800 membres dans 32 pays et soutient la adhérentes. L’association s’est tout particulièrementcréation de relations entre entreprises au niveau na- mobilisée, conjointement avec l’association Femmes ettional et international par le biais de ses membres. Le Sciences et en partenariat avec les associations12 mars, WISTA Suisse organisait une conférence au Femmes et mathématiques et Femmes Ingénieurs pourcours de laquelle Mariella Bottiglieri, MD responsable faire connaître les métiers scientifiques pour lesde l’affrètement de la Giuseppe Bottiglieri Shipping femmes et contribuer à supprimer un certain nombreCompany, faisait le point sur le statut du shipping de stéréotypes présents chez les acteurs du systèmemondial. éducatif. Yasmina Rauber, présidente de WISTA Switzerland Julie Wynne, présidente ONU Femmes Agenda ONU Femmes est l’organisation des Chaque association présente un agenda complet de ses Nations Unies pour l’autonomisation des activités sur son site web. Nous conseillons à nos femmes dans le monde. Elle est présente lecteurs et lectrices de s’y référer directement. dans près de 80 pays en développement, au travers de bureaux locaux ou de projets Career Women’s Forum (CWF)et 18 pays – en Europe, Amérique du Nord et Australie – Site internet: www.cwf.chont établi des Comités nationaux. Le 27 avril, ONUFemmes publiait l’étude «Le progrès des femmes dans Ladies Lunch de Lausannele monde 2015-2016: Transformer les économies, Site internet: www.ladieslunch-lausanne.chréaliser les droits » dans sept villes, un programme depolitique alternatif visant à concrétiser l’égalité de Business and Professional Women (BPW)genre. Dans un éditorial du 6 mai, Phumzile Mlambo- Site internet: www.bpw-geneve.chngcuk, directrice exécutive d’ONU Femmes, écrivait«Nous avons la plus importante population de femmes 100 Women in Hedge Fundséduquées jamais enregistrée et cependant, à l’échelle Site internet: www.100womeninhedgefunds.orgmondiale, les femmes trouvent difficilement du travail…elles sont payées en moyenne 24% de moins que les Women’s International Shipping & Tradinghommes. Les mesures classiques comme le PIB ont été Association (WISTA)historiquement aveugles à une grande proportion dutravail effectué par les femmes». Site internet: www.wista.net Phumzile Mlambo-ngcuk, directrice exécutive ONU Femmes Site internet: http://www.unwomen.org/fr Women’s Business Society (WBS) Site internet: http://www.wbsociety.org/—WORK #06 — 37
TENDANCES © MathafSheikha Al Mayassa Le Mathaf, musée d’art moderne et contemporain de Doha.Art et pouvoirde l’argentLe Qatar construit l’une des plus impor- princesse du Qatar et sœur de l’Emir actuel, a pris les chosestantes collections d’art au monde. Par la en mains, le petit état du Golfe s’est positionné sur un tout autrevolonté de la sœur de l’émir actuel. terrain: celui de l’art. Depuis 2005, la Qatar Museum Authority (QMA), fondée par la PAR ANNE-HÉLÈNE DECAUX jeune femme de 32 ans, dépense sans compter pour récupérer les derniers chefs d’œuvre encore en mains privées disponiblesL’ hôtel Martinez de Cannes, le Paris St-Germain, Har- sur le marché. Selon ArtReview, QMA disposerait d’un budget rods, le Lido… La famille royale du Qatar s’offre cer- d’acquisition à faire pâlir d’envie les conservateurs du MoMA taines des plus anciennes et des plus prestigieuses ou du Met: un milliard de dollars par an, soit environ 2% de l’en- de nos institutions. Mais la fièvre acheteuse de la fa- semble du marché de l’art 1. On comprend comment le Qatar amille Al-Thani ne s’arrête pas aux clubs de foot et aux grands réussi à se constituer en l’espace de quelques années une col-magasins de luxe. Depuis que Sheikha Al Mayassa Al-Thani, lection de près de 6000 œuvres majeures.38 — W O R K # 0 6 —
TENDANCESAu cours des trois dernières années, Sheikha Al Mayassa a nul besoin d’étiquettes Louvre, Guggenheim ou British Museum. © Brigitte Lacombenotamment acquis trois chefs d’œuvre dont les ventes, et surtout Le Qatar opère les transferts culturels seul, se construisant unl’exportation, ont suscité d’importantes polémiques dans les capital patrimonial essentiel à sa légitimation comme capitalepays d’origine. Les Joueurs de cartes de Cézanne a été acheté culturelle de demain.à la famille de l’armateur grec George Embiricos en décembre Seul bémol à sa stratégie: la censure. En octobre 2013, le sexe2012 pour 250 millions de dollars. L’emblématique Enfant à la d’un écorché de Damien Hirst exposé à l’Al Riwaq ExhibitionColombe de la période bleue de Picasso était exposé à la Space de Doha dans le cadre de la première rétrospective deNational Gallery de Londres depuis une quarantaine d’années l’artiste au Moyen-Orient a été occulté par des feuilles deavant que la famille Aberconway ne se décide à le céder en vignes rajoutées sur les bronzes. Quelques semaines plus tard,2013. Et ce malgré les tentatives du ministère de la culture la sculpture d’Adel Abdessemed, illustrant le fameux coup debritannique d’empêcher l’œuvre considérée comme trésor na- tête que Zinedine Zidane avait administré à Marco Materazzitional de quitter la pays 2. Nafea Faa Ipoipo? (Quand te maries- pendant la coupe du monde de football de 2006, a disparu detu?), l’un des derniers tableaux peints par Gauguin en Polynésie la Corniche de Doha. Pour calmer les esprits, après lesfrançaise, en dépôt au Kunstmuseum de Bâle, a été cédé il y a plaintes de religieux conservateurs pour qui l’artiste encoura-quelques mois à la QMA pour la somme de 300 millions de geait l’idolâtrie. —dollars, un record absolu pour une œuvre d’art.Grâce à ces quelques coups d’éclat, Sheikha Al Mayassa est en PARCOURStête des Power Lists comme celle d’Art Review, qui la plaçait Quatorzième enfant de l’Emir du Qatar Hamad ben Khalifal’année dernière au 13e rang de son classement des personna- Al Thani, Sheikha al Mayassa est l’une des femmes mécènelités les plus influentes du monde de l’art, derrière Alain Seban les plus influentes du monde de la culture et de l’art (clas-et Bernard Blistène (tandem à la tête du Centre Pompidou) et sement du magazine Forbes 2012 des 100 femmes les plusdevant Marc Spiegler (directeur d’Art Basel). influentes au monde et de Time 100). Elle apprend le fran-Sheikha n’est pas seulement bien née, elle a aussi la tête bien çais, l’anglais et l’arabe à Doha puis est diplômée en 2005pleine. Après avoir étudié la littérature et les sciences politiques d’un BA en science politique et en littérature de l’universitéaux Etats-Unis et en France, la jeune femme a dans un premier Duke en Caroline du Nord. Elle poursuit ses études duranttemps fondé Reach Out To Asia (ROTA), une organisation à but un an à Sciences Po et à l’université Paris-1 Panthéon-non lucratif connue dans toute l’Asie pour son action en faveur Sorbonne, puis des études supérieures à l’université Co-des communautés les plus marginalisées. Ce n’est qu’une fois lumbia à New York. Elle fonde et préside l’ONG philanthro-l’ONG sur les rails qu’elle a décidé de se consacrer à Qatar pique «Reach Out To Asia» (ROTA) pour aider les victimesMuseum Authority, élément clé du plan petrol afterlife du pays. des récentes catastrophes naturelles en Asie et pour fournirCar si ses frères se concentrent sur des investissements plus un accès à l’éducation aux populations mal desservies deconventionnels en prenant des positions dans Volkswagen, ce continent. Importante mécène du monde de l’art, elle aEADS ou Crédit Suisse, Sheikha Al Mayassa estime que le Qatar pour ambition de faire du Qatar un centre de premier plandoit aussi miser sur l’art s’il souhaite s’assurer un avenir. pour la culture, l’art et l’éducation dans sa région et auD’où les Gauguin, les Cézanne, les Picasso et les Rothko (elle niveau mondial.en possède onze); l’embauche de pointures comme EdwardDolman, l’ancien PDG de Christie’s qui a dirigé QMA à ses côtéspendant plusieurs années avant de prendre les rennes dePhillips en août 2014; et les grandioses musées qu’elle a faitconstruire dont le Museum of Islamic Art, dessiné par I.M. Pei,et le Mathaf. Ce dernier a accueilli depuis son inauguration desexpositions de Damien Hirst, Takashi Murakami, Mona Hatoum,Cai Guo-Qiang, Shirin Neshat, ou encore Adel Abdessemed.Là aussi, Sheikha a su affirmer son esprit d’indépendance et sedémarquer de ses voisins d’Abou Dhabi en refusant tout labelétranger. Car pour celle qui défend l’abaya traditionnelle commeun «signe d’affirmation culturelle» (son intervention sur le portdu voile à la conférence TED en 2010 a fait le tour du monde),1. Selon le rapport de l’économiste Clare McAndrew sur le marché de l’art réalisé pour la TEFAF (The European Fine Art Foundation).2. L’Enfant à la colombe de Pablo Picasso a été vendu en avril 2013, le ministère de la culture britannique n’ayant pas réussi à réunir les 50 millions de livres nécessaires à acquérir la toile.—WORK #06 — 39
TENDANCES ᕢ ᕣ ᕡ © www.daniela-tonatiuh.ch © www.daniela-tonatiuh.ch © www.daniela-tonatiuh.chᕤ © www.daniela-tonatiuh.ch 1. Edition ByMoyard en collaboration avec Prism 2. Sélection de produits de Design Suisse, Revue Moyard n.2 3. Image pour le créateur de bijoux Kiko Gianocca 4. Campagne pour la collection Blackout, Moncler40 — W O R K # 0 6 —
Dissonances, ᕡᕢ TENDANCESbruits et ᕣharmonie © www.daniela-tonatiuh.ch © www.daniela-tonatiuh.ch PAR KHADIJA HEMMAT essinoise, Daniela Droz a grandi jusqu’à l’âge de dix ans dans un petit village du fin fond de la Valle Leventina, en contact direct avec la nature, entourée d’une famille férue de design et d’ar-chitecture. Après une formation en photographie àl’ECAL, elle obtient son bachelor en 2008. Elle y enseigneà son tour la photographie.Curieuse, Daniela éprouve un besoin physique de recher-cher incessamment de nouvelles images, de se confron-ter avec ce qui se fait ici et ailleurs, sans s’identifier àun quelconque courant. Une qualité précieuse à l’ère di-gitale où il faut savoir s’orienter et trier.Les séries photographiques de Daniela Droz partagent,malgré leur apparente divergence, une même démarche.Celle de discerner les traces de beauté et de perfectiondans les objets et dans les personnages. Ni sensiblerie,ni romantisme cependant. Au contraire, Daniela rase ladifficulté à travers des dispositifs lumineux ou chroma-tique qui créent dissonances et bruits dans l’harmoniefeinte de ses photographies. Sa passion? Le still life etla mise en scène des objets. — ᕤ© www.daniela-tonatiuh.ch © www.daniela-tonatiuh.ch 1. «Portrait» 41 2. Untitled, de la série EXPERIENCES, 2013, format originale polaroid 6643. Untitled, de la série BACKGROUNDS, 2010-2012, jet d’encre sous acrylique brillant, 50x67 cm4. Untitled, de la série BACKGROUNDS, 2010-2012, jet d’encre sous acrylique brillant, 50x67 cm —WORK #06 —
TENDANCESLivresC’est par le biais de la socio-économie autant que des placements que les auteures ensont venues, dans une démarche en particulière adéquation avec le sujet, à croiser leurssavoirs sur le rôle, le fonctionnement et l’efficacité de l’épargne solidaire. Le télescopagede «finance» et «éthique» a de quoi déboussoler précisément ceux qui sont le plus à mêmede s’y intéresser: un critère autre que la rentabilité n’appartient pas à l’économie néolibé-rale, tandis que les initiatives de bonne volonté semblent réduites à quêter plutôt qu’à sefinancer. Au carrefour de ces tendances, l’épargnant a un rôle clé à jouer. Placer son argent– pas forcément une fortune – dans un domaine dit éthique (développement durable, mi-crocrédit, objectif social) ne rapporte moins que les secteurs «rebutants» (hedge funds,agrochimie, etc.) que parce qu’ils ne sont pas encore soutenus à la même échelle, maisles investisseurs responsables ne s’y trompent pas, un portefeuille solidaire n’est pas àfonds perdus! Le problème, paradoxalement, est de trouver à quoi participer, et donc parquel gestionnaire de l’épargne passer pour financer ce en quoi l’on croit. D’où l’importancede ce guide, qui balise systématiquement le sujet. Nadia Dhaoidi, Aude Sarda, Epargner éthique Gualino Editeur, 2011 – 208 pages, Fr. 25.20 Les TOP de WORKTous l’intérêt de cet essai est dans le «s» de Issu des études et expériences menées par Débarrassée de son corollaire habituel, «et pratiques: Madeleine Hersent, qui a été l’Université Senghor pour le développement solidaire» (qui marque plutôt les courants phi- africain, dont l’auteure est l’un des piliers, ce lanthropiques), l’économie sociale telle que la présidente du Mouvement pour l’économie rapport pluridisciplinaire sur l’insuffisance décrit cette professeure des sciences de la solidaire (MES), maîtrise aussi par le terrain des investissements nécessaires au dévelop- gestion montre son influence sur des muta-l’ensemble des étapes qui, des initiatives les pement des grandes métropoles africaines tions sensibles qui, de manière inhabituelle, plus modestes aux grandes décisions, sont dessine, en creux, le rôle essentiel qui leur sont remontées d’un niveau local aux struc- propres à ancrer la démocratisation – au est dévolu dans le «décollage» de toute leur tures les plus importantes. Sur le plan écono-double sens de contribution et d’accès – del’économie dans les mœurs. Des expériences région. Intervenant dans un contexte de mique, la réorientation des flux en fonctionlocales, plus aptes aux chemins de traverse, mondialisation encore mouvant, le finance- des besoins réels et l’évolution des modes de ment local s’affirme pourtant comme l’un aux mutations effectives des voies de des leviers majeurs du développement de financement (partenariats), constitutifs des financement et d’investissements, de l’Afrique, dont l’essai précise les processus politiques publiques, gagnent également desparticipation ou de responsabilités, visite gui- déjà à l’œuvre et surtout les potentialités. domaines moins officiels, comme les pra- dée d’un phénomène lent mais opiniâtre. tiques salariales ou l’investissement durable.Madeleine Hersent, Arturo Palma Danièle Bordeleau, Les finances Marie J. Bouchard, L’économie sociale, Torres, L’économie solidaire en locales, moteur du développement, vecteur d’innovation: L’expérience dupratiques, Erès, 2014 – 250 pages, Riveneuve Editions, 2013 – 244 pages, Québec, PU Québec, 2011 – 259 pages, Fr. 38.80 Fr. 21.50 Fr. 31.50 Libraire conseil: Payot42 — W O R K # 0 6 —
Galilée Physicien, mathématicien, ingénieur, astronome et philosophe (1564 – 1642) MERCI, GALILÉE. Si vous vous étiez contenté de penser comme tout le monde, nous ne serions pas en train d’accomplir ce que nous faisons aujourd’hui. Mais vous pensiez di éremment et vous nous avez inspirés. C’est pour cela que nous gérons les investissements di éremment. Nous sommes EI Sturdza. Nous pensons au-delà du conventionnel. Pour obtenir des informations sur nos fonds, veuillez contacter Banque Baring Brothers Sturdza SA, Représentant en Suisse de E.I. Sturdza Funds plc par téléphone au +41 (0) 22 317 98 11 ou par e-mail à l’adresse info@eisturdza.com eisturdza.comE.I. Sturdza Strategic Management Limited, numéro d’immatriculation 35985, est réglementée par la Commission des Services financiers de Guernesey au titre de la fourniture des servicesde gestion d’investissement et de conseils et fait partie du Groupe Sturdza Private Banking.
Accomplir ensemblede grandes choses.Le Credit Suisse soutient les femmes dans leur ascension vers le sommet: depuis 1993,QRXVVRPPHVƟHUVGŒ¬WUHVSRQVRUSULQFLSDOGHWRXWHVOHV«TXLSHVQDWLRQDOHVHWGHOŒ$VVRFLDWLRQVXLVVHGHIRRWEDOO1RXVVRXKDLWRQVEHDXFRXSGHVXFFªV¢OŒ«TXLSHQDWLRQDOHI«PLQLQHSRXUVDSUHPLªUHSDUWLFLSDWLRQ¢OD&RXSHGX0RQGH)«PLQLQH),)$&DQDGDšcredit-suisse.com/nationalteams
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