Journal de bord de L'Homme Jetée - Loïc Hobi

TABLE DES MATIÈRES Préambule 1 La préparation 3 Le tournage 23 La post-production 35 Postface 42



PRÉAMBULE Ce journal de bord devait être le témoin écrit de mes pensées lors de la création de L’Homme Jetée, à mi-chemin entre le journal intime et un carnet très factuel, mais finalement écrire mes péripéties au fur à mesure que je les vivais fût bien plus compliqué et contraignant que prévu. Ainsi en me basant sur mon calendrier, quelques messages et beaucoup de moments marquants, je reviens sur le processus de création de ce court-métrage au travers de quelques textes et photos. Chaque film est unique dans sa manière de se concevoir et j’ai même tendance à dire que chaque film relève d’un miracle, néanmoins celui-ci porte bien le nom de film de fin d’études, réunissant tous les aléas possibles et inimaginables qui m’apprirent beaucoup. On grandit trop vite en faisant un film, à tel point qu’on remarque tous les jours quelque chose en plus d’immature dans ce que l’on a créé. Ce journal m’aidera sans doute, aussi, à prendre du recul sur ce film, mais comme chaque court-métrage que j’ai réalisé, il ne sera évacué qu’une fois projeté sur grand écran alors qu’on n’a plus aucun pouvoir que de le regarder parmi les spectateurs. Ce qui est sûr c’est qu’il me permet déjà de relativiser les possibilités manquées, les heures de sommeil envolées, mais surtout de me rendre compte de la chance que j’aie eu d’avoir une équipe prête à tenter autant de choses pendant 5 jours ! 1

Le journal de bord de L’Homme Jetée 2

LA PRÉPARATION JEUDI 20 DÉCEMBRE 2018, CHAUMONT Une jetée sur une montagne. Un personnage de 20 ans, bloqué dans sa vie, incarné par un remorqueur de bateau dans un port inconnu. C’est ce à quoi je pense lors de cette froide nuit d’hiver Suisse. Mon film de fin d’études je le prévoyais depuis le printemps 2018, ce serait un coming-of age sur des adolescents perdus dans les dédales souterrains du métro intitulé The Life Underground. Mais l’aventure de l’École de la Cité en eût décidé autrement. Juillet 2018, je me retrouvais sans avoir la certitude de retrouver l’école à la rentrée. Les conditions financières de celle-ci n’étaient pas assurées. J’avais alors décidé de faire produire mon film de fin d’études en Suisse. Fin—août 2018, après un été tumultueux et incertain, l’École de la Cité restait finalement ouverte, suite à me rencontre avec Hélène Faget, qui fondait Tell Me The Story, on conclut de produire ce film comme film de fin d’études. Cela me permettait d’avoir une production professionnelle sur ce qui devait être mon travail final à l’École de la Cité. 3

Le journal de bord de L’Homme Jetée Les mois passèrent et je réalisais que le timing que le contexte scolaire nous imposait ne serait jamais respectable avec un film produit. Le but initial de l’école étant de tourner entre mars et mai, nous n’aurions jamais le temps de financer ce film. Je savais donc que j’aurais peu de moyen pour réaliser mon film de diplôme. L’Homme Jetée est né d’un désir de faire un film avec peu d’acteurs, dans un décor d’ailleurs : Un personnage de 20 ans, bloqué dans sa vie, incarné par un remorqueur de bateau dans un port inconnu. C’est ce à quoi je pense lors de cette froide nuit d’hiver Suisse. MERCREDI 16 JANVIER 2019, ODÉON THÉÂTRE DE L’EUROPE J’avais vu Giuseppe Le film a été imaginé une première fois il n’y a même pas un mois, mais je réfléchi déjà au casting. Avec Gaëtan, confident mais surtout premier réalisateur sur le film, nous venons d’assister à une représentation de la pièce Les Idoles de Christophe Honoré. Gaëtan m’y a amené, je n’avais pas vraiment pris le temps de m’aventurer au théâtre depuis mon arrivée à Paris. Cette pièce eut deux incidences directes sur L’Homme Jetée, qui n’était qu’un scénario ficelé difficilement et un esprit en ébullition : 1. Les dialogues du film ne devraient pas seulement se contenter d’être du parler de marins mais plutôt explorer un langage rêvé et une élocution aux teintes étrangères, idéalisant la vie en mer ; 2. J’avais vu Giuseppe. Un comédien avait directement attiré mon attention, c’était Youssouf, c’était Giuseppe. En mettant de côté mon statut de spectateur qui mystifie les comédiens et les rend inaccessibles, je le contacte quelques jours après. Je suis convaincu que Giuseppe sera lui et que tout autre choix pour mon film serait décevant. 4

La préparation SAMEDI 26 JANVIER 2019, SAINT-OUEN La lune dans le caniveau. En quête d’inspiration - qui sert également à me conforter que l’on peut encore faire des films sans coller au réalisme ambiant du cinéma actuel - je visionne deux films : Querelle de Rainer Werner Fassbinder et La Lune Dans Le Caniveau de Jean Jacques Beineix. Le premier m’a été conseillé par Yann Gonzalez et le deuxième par Jean-Luc Daniel, deux personnes ayant consultés et aidés à la création du film. La lumière hallucinée du premier me marquera à jamais, et l’éclat de lyrisme – des mots à la caméra – me firent tomber amoureux du second. C’est bien dommage de découvrir ces œuvres sur un écran d’ordinateur. Dans tous les cas, c’est sûr : L’Homme Jetée ne sera pas un film avec un regard réaliste sur les marins, je ne connais rien d’eux et je me sers de leur environnement pour raconter mes pensées à 21 ans. MERCREDI 9 FÉVRIER 2019, SAINT-LAZARE L’Homme Jetée en caméra DV Dès que j’ai imaginé L’Homme Jetée, il était sûr que je voulais travailler avec Jacques Baguenier sur l’image du film. Jacques est un jeune chef opérateur qui avait déjà signé la photographie de Hell Broke Luz. Arrivé en urgence sur le projet, il avait sûrement fait le meilleur travail possible dans un espace si réduit ! L’Homme Jetée se tournera dans le port du Havre, ça sera une comédie musicale en cinémascope avec beaucoup de mouvements de caméra. C’est ce que je lui disais un mois auparavant, mais entre-temps, le film était devenu beaucoup plus intimiste. L’envie de vouloir atteindre un horizon qui nous est interdit serait exprimée par des plans fixes et des zooms. J’étais maintenant convaincu que pour faire ce film il fallait réduire le dispositif technique et je lui rabâchais en boucle qu’il fallait qu’on tourne avec une caméra DV. Ses efforts de chef opérateur et sa ténacité fasse à mes envies 5

Le journal de bord de L’Homme Jetée parfois fortuites eurent raison de moi plus tard et ce fût pour le meilleur. On tournera ce film en format 3:2 - repris du fromat des photographies argentiques - avec une caméra Arri Alexa Plus. Une dernière interrogation préoccupait Jacques ce jour-là : Comment ferait-on pour filmer les séquences sur le bateau. J’évitais de réfléchir trop pragmatiquement à cette question et j’espérais encore qu’on obtienne – où plutôt que Gaëtan obtienne – les autorisations nécessaires. SAMEDI 16 FEVRIER 2019, BASTILLE Giuseppe face à moi ? J’ai rendez-vous à Bastille pour rencontrer Youssouf ! Arrivé en retard, après avoir couru chez un ami pour imprimer en urgence la nouvelle version du scénario, je découvre Youssouf Abi-Ayad une seconde fois. Il paraît inévitablement différent de son personnage dans Les Idoles, où il incarnait Bernard-Marie Koltès. Je le trouve bien trop flatté par le fait que je lui propose un rôle. Après tout, je lui promets 5 nuits de tournage dans le froid du Havre avec une équipe de tournage de moins de 30 ans. J’admire la confiance qu’un comédien doit avoir pour accepter un projet mené par un gars de 21 ans et même pas payé ! Le cinéma lui fait de l’œil en tout cas, et à raison, il accepte donc le projet à ma plus grande joie mais à peur de ne pas correspondre à ce que j’attends de Giuseppe. Je le rassure, en me remémorant son interprétation de Koltès, mais quelques doutes s’installent. Malgré son planning chargé de représentations théâtrales, il libère déjà les dates de tournages pour moi. Ça sera lui Giuseppe ! Je « récupérais » donc un comédien « à » Christophe Honoré, j’avais peur de ne pas être à la hauteur face aux autres metteurs en scène à qui Youssouf avait eu à faire, mais finalement ce n’est pas un problème, chaque relation d’acteur à metteur en scène est différente. Il m’avoua d’ailleurs presque un an plus tard, qu’il était indûment persuadé que je détestais sa façon de jouer sur le tournage. 6

La préparation VENDREDI 1ER MARS 2019, 11H00, TRANSPACAM Des tests Le tournage approche à grand pas et nous n’avons toujours pas de régisseur général. L’angoisse monte mais il faut avancer sur le côté artistique parallèlement. Jacques négocie avec TranspaCam pour qu’on puisse venir tester des filtres à mettre devant la caméra afin d’atteindre l’image fantasmée par Théo et par le réalisateur. N’étant pas encore sûr du matériel auquel on aurait accès pour le tournage on procède à faire des tests caméra sur une Arri Alexa Plus, la caméra dont on rêvait pour le film. Erwan Legeldon, l’étalonneur du film, est venu nous donner un coup de main pour qu’on trouve les meilleurs paramètres de tournage afin de traiter au mieux numériquement l’image par la suite. Les dépenses commencent à être répertoriées et je décide – enfin – de m’atteler à la création d’un financement participatif afin de pouvoir passer du fantasme du film à la réalité ! Mais comment réunir autant d’argent en si peu de temps. Il faut vraiment avoir 21 ans, être un peu inconscient et un peu trop convaincu par son projet pour gérer la production et la réalisation d’un film simultanément. 7

Le journal de bord de L’Homme Jetée VENDREDI 7 MARS 2019, LE HAVRE Un aller-retour au Havre. 24 km à pied c’est ce qu’il m’a fallu pour découvrir une première fois les lieux où je souhaiterais tourner dans cette ville jusqu’alors inconnue. Le Havre accueillera L’Homme Jetée en mai, je l’avais décidé sur un coup de tête en décembre, en Suisse, lorsque je regardais où je pouvais tourner dans un port en étant proche de Paris pour réduire les coûts. « Qu’est-ce que je fous là ? » était le premier message que j’avais envoyé à Kim, une amie à qui je partage un peu trop mes pensées, en arrivant dans cette ville figée par le sodium. La mer déchainée qui frappait la fameuse digue nord répondit brillamment à la question. J’avais déjà visité cet endroit, virtuellement, comme je le fais depuis mon adolescence, en me promenant via Google Maps et Google Streetview, mais aujourd’hui je devais donner de ma personne afin de parcourir ces kilomètres sous toutes les météos et en prenant tout en photo. J’en ai peut-être prises un peu trop d’ailleurs. Je laisse aller mon scénario dans ces endroits et espère que tout ce que j’ai écrit ces dernier mois pourrait s’incarner ici. Afin d’assurer la production du film, j’avais prévu un rendez-vous avec une stagiaire journaliste de la presse locale. Je voulais qu’on puisse diffuser notre appel à comédien, plus on aurait de comédiens locaux, moins cela coûterait cher. Mais surtout je voulais qu’on puisse relayer le financement participatif à travers le journal. Avoir rendez-vous avec une journaliste dans une ville inconnue m’aurait tout à fait enchanté si je ne m’étais pas retrouvé aussi humide que le port du Havre avant celui-ci. Les conditions climatiques m’inquiétaient et la fulgurante marée devrait être domptée pour le tournage ! J’ai découvert de magnifiques lumières mais une chose est sûre, nous devrons composer avec les aléas de la météo. Mes chaussures regorgeront encore d’eau de mer lors de mon retour en métro parisien quelques heures plus tard. 8

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Le journal de bord de L’Homme Jetée LUNDI 11 MARS 2019, CENTRE DENTAIRE MONTPARNASSE Une dent de sagesse en moins C’est avec une dent de sagesse en moins que je continue de réfléchir au film, parfois excité à l’idée de tout ce qu’on pourrait filmer dans les lieux découverts quelques jours plus tôt, parfois anxieux face à la difficulté de faire du sens sur 10 pages de scénario. On a tendance à dire qu’une page de scénario égale une minute de film, l’école imposant dix minutes maximum par film, je ne me doutais pas encore que mes 10 pages allaient se transformer en 21 minutes ! Outre le manque de régisseur général, quelque chose d’autre commence à être urgent à moins de deux mois du tournage : c’est le manque d’un acteur principal ! Théo existe sur le scénario mais n’apparaît pas parmi les centaines de candidatures au casting mené par Julia Leblanc Lacoste. Il faudra le chercher bien plus loin ! DIMANCHE 17 MARS 2019, BELLEVILLE Pas de Théo J’ai toujours pas de Théo, mais j’ai un Giuseppe et le scénario commence à prendre forme, c’est le moment qu’on trouve notre acteur principal ! VENDREDI 22 MARS 2019, CITÉ DU CINÉMA On a trouvé Théo. Je rêvais de son visage depuis des mois sans le voir parmi les plus de 200 candidatures qu’on a reçu pour le rôle. Mais Julia a déniché la seule bonne personne pour le rôle. Théo sera incarné par Hubert Girard, un comédien qui avait jusqu’ici seulement foulé les planches. Il vient de passer le casting pour le rôle principal, enfin je n’aime pas le terme casting, il vient de nous rencontrer disons ! J’hésitais à le voir pour le rôle de 10

La préparation Théo, le trouvant un peu vieux sur les photos transmises, mais Julia a insisté et elle a eu raison, le casting a duré plus longtemps que prévu car on a pu vraiment travailler plusieurs intentions de jeux et plusieurs séquences. Ça sera le seul comédien qu’on verra pour le rôle. Hubert a donné beaucoup de lui-même lors de cette rencontre et je suis persuadé qu’il y a beaucoup de choses à puiser en lui tant il est généreux et à l’écoute. Je récolte les avis des quelques personnes qui étaient présentes avec moi, mais plus pour me conforter dans le choix. Ça me semble sûr. Quelques heures plus tard je l’appelle pour lui dire que c’est décidé. On a un Théo, maintenant on a une tête pour incarner le film sur le financement participatif. J’expérimente un peu avec une vidéo de son essai que je mélange à une vidéo d’un cargo trouvée sur le net et voilà on a un teaser. Il ne reste plus qu’à lancer le financement participatif, seulement je dois partir en festival le week-end qui arrive afin de présenter Face À Face Dans La Nuit au Festival 7ème Lune de Rennes, mais gérer tout ça en même temps me semble impossible. MARDI 26 MARS 2019, CITÉ DU CINÉMA Le financement Face À Face Dans La Nuit a reçu le prix du meilleur film expérimental à 7ème Lune ! C’est ce type d’expériences qui motivent dans la création de son prochain film. Mais au-delà de la joie de présenter un film en festival, je crois que ce qui a prévalu c’est de découvrir d’autres courts-métrages qui cassent les barrières de la narration. 7ème Lune m’aura assuré qu’on peut tout filmer, tout montrer et tout raconter. Aujourd’hui je dois lancer le financement participatif. Je sors d’une rencontre avec un comédien super talentueux mais que je n’ai pas forcément trouvé avenant, qu’est-ce qui primera pour un 2nd rôle? Pas le temps de réfléchir, le plombier doit passer chez moi, je cours. 11

Le journal de bord de L’Homme Jetée Le financement participatif sera en ligne ce soir, et je commencerai ainsi mon planning de communication sur le film. Avec l’impression parfois d’être candidat à une élection politique, je dois convaincre le futur public du film de le financer et comme lors des élections importantes, ce sont les personnes déjà convaincues qui donneront ! Le lendemain je retourne en Suisse, je vais très peu dormir comme avant chaque retour. JEUDI 28 MARS, CHAUMONT Les spectateurs Les soutiens du film commencent à s’accumuler, on atteint vite une petite somme intéressante, mais cela me rappelle particulièrement qu’une fois le film soutenu par d’autres personnes, on a des comptes à leur rendre. Je pense sincèrement que mon film sera bien, sinon je ne le ferais pas, néanmoins la pensée qu’il ait déjà des spectateurs sans qu’il ne soit même tourné me garde éveillé. Lors de ce retour en Suisse, je dois déjà travailler sur mon prochain projet de film. Si je veux assurer mon début de carrière après l’École de la Cité, il faut absolument qu’on puisse d’ores et déjà commencer à financer mon film dans le métro : The Life Underground. J’en profite pour faire des repérages, rencontrer des comédiens, et flâner dans les pensées de ce projet de film autre que L’Homme Jetée ! Ça fait du bien de se séparer de celui-ci pendant quelques jours. JEUDI 4 AVRIL, LAUSANNE, SUISSE RTS Vendre un film avant de l’avoir fait, c’est apparemment une capacité qu’il me reste à acquérir. Je viens de me faire interviewer par une très sympathique journaliste de la RTS afin de parler de mon projet. L’objectif était a priori simple: parler d’un projet qui m’habite plusieurs mois, je connais ma leçon 12

La préparation mais je débite trop vite mes paroles à la radio. Quelques regrets plus tard je suis tout de même content et très reconnaissant de pouvoir toucher autant de monde avec ce projet, mais ce passage radiophonique ne rapportera que peu d’argent sur le financement participatif. Plus tard dans la journée, j’ai rendez-vous avec Hélène, la productrice de The Life Underground pour signer mon premier contrat de réalisateur. Mon avenir après L’Homme Jetée semble assuré sur le moment, mais pas si sûr : il faut déjà tourner L’Homme Jetée ! VENDREDI 5 AVRIL, CITÉ DU CINÉMA L’ébullition de l’École de la Cité Après avoir attendu un comédien qui devait nous rencontrer pour interpréter un rôle secondaire, Julia reçoit un SMS : il avait oublié notre rendez-vous. Tenant absolument à le rencontrer et le trouvant sympathique on le verra dans deux jours. Cette venue à la Cité du Cinéma m’a au moins permis de voir Alice Delamaire faire la répétition finale pour son film de fin d’études, ce qui redonne forcément un coup de boost. Elle se lance dans une grosse production, elle fera un film médiéval : Ashy ! Je suis très admiratif de voir son calme à un jour de son tournage comparé à l’angoisse qui monte à un mois du miens ! L’école bouillonne, c’est une période absolument géniale que de voir tous ses amis travailler à la création de leur film de diplôme, et d’en croiser un en train de faire passer des casting, l’autre en train de pleurer car il n’a pas obtenu son lieu de tournage mais surtout de pouvoir échanger et se rassurer mutuellement. LUNDI 7 AVRIl, CITÉ DU CINÉMA Budget et casting La rencontre pour le rôle secondaire, mais non moins important, a eu lieu. Le tournage se rapproche mais je suis toujours indécis quant à qui va jouer 13

Le journal de bord de L’Homme Jetée le rôle de Gabriel. Une nouvelle question prend le dessus : Faut-il préférer un comédien à un autre car l’un coûtera moins cher puisqu’il vient du Havre? Une seule réponse : les problématiques de production ne sont pas compatibles avec les problématiques artistiques, avoir la casquette de réalisateur et celle de producteur c’est compliqué ! MERCREDI 10 AVRIL 2019, SAINT-OUEN Le temps défile plus vite que les mots. Un scénario ça prend du temps à réellement se mettre sur papier et même une fois qu’on a une version complète, il faut le retravailler sans cesser jusqu’au tournage. Cela fait plus d’un mois que je ne l’ai pas touché. Je connais mieux ses forces et ses faiblesses maintenant et je souhaite ajouter les nouvelles idées accumulées depuis la dernière version. J’ai décidé de consacrer ma journée à le retravailler. Alors que j’étais bien lancé sur la nouvelle version du scénario, on m’appelle pour savoir si j’ai pris ma décision pour le casting et pour connaître le nombre de personnes qui me manque dans mon équipe. Il est déjà dur de trouver les bonnes personnes avec qui travailler, mais cela se complique encore plus lorsque le projet n’est pas rémunéré. On peine à compléter l’équipe. Mettons ces problématiques de côté et retournons au nerf de la guerre avant le tournage du film: le scénario. Un sentiment plaisant m’accompagne ce soir. Les nombreuses réécritures accompagnées de l’aide de Youri Najdovski, des conseils de Yann Gonzalez et des intervenants de l’école m’ont convaincues que certaines actions semblaient perdues entre des envies de mise en scène et des idées qui ne correspondaient plus à L’Homme Jetée. Je m’en débarrasse. À moins d’un mois du tournage je sens que je peux le dire : Je tiens enfin la bonne version de scénario 14

La préparation MARDI 16 AVRIL 2019, CITÉ DU CINÉMA Répétition Notre-Dame a brulé hier. Deux gros sacs de friperies dans les mains, l’idéal pour avoir des habits caractérisant les personnages, la fumée qui noircissait le ciel m’avait offert une pause dans tout cela. Je ne voulais pas m’incomber le rôle de costumier sur ce film, mais il m’a paru moins contraignant de le faire moi-même que de perdre du temps en cherchant un inconnu qui le ferait. Aujourd’hui c’est la première répétition, la première rencontre entre les deux comédiens principaux, tout le film repose sur eux. Cette rencontre doit fonctionner. Hubert et Youssouf, Théo et Giuseppe, vous devez vous aimer !   LUNDI 29 AVRIL 2019, CITÉ DU CINÉMA Répétitions Les répétitions s’enchaînent et avec elles les dialogues évoluent, entendre son scénario lu par un comédien est toujours une plaisante épreuve. Tout ne fonctionne pas une fois incarné mais on ajuste, petit à petit, les détails. Le financement participatif avance gentiment mais sûrement, il faut user de toutes les techniques pour motiver les gens à participer, d’une parodie du maillon faible aux publications encensant Le Havre, tout y passe ! Heureusement, entre temps La Ville de Neuchâtel à décider de soutenir le film, un soutien qui libère un peu de la pression financière et permet de s’attaquer aux vrais problèmes : On tourne dans 8 jours, et on n’a pas d’ingénieur du son, pas de scripte, pas de régisseur. Tout se passe pour le mieux. Toute l’équipe actuelle du film enchaîne les coups de téléphones et messages pour trouver les maillons manquants. Ça va le faire, on n’a pas le choix. 15

Le journal de bord de L’Homme Jetée MARDI 30 AVRIL 2019, LE HAVRE Sous le soleil du havre Aujourd’hui on a vu tous les décors du film, avec Gaëtan, Jacques et Kim on a tout photographié et tout épié. On a testé les mouvements des comédiens, pris des photographies aux focales du film et observé la marée. On a beaucoup remis en question le scénario et la mise en scène, on a vu des cargos et on est monté sur des tas de cailloux. Dans une semaine on transpirera dans les lieux où on a rigolé. 16

La préparation 17

Le journal de bord de L’Homme Jetée LUNDI 6 MAI 2019, SAINT-OUEN Demain, le Havre Le départ est imminent, on ne dort plus beaucoup. Hubert est venu chez moi pour voir à quoi ressemblait sa tête amochée, point central de l’intrigue de L’Homme Jetée. S’abîmer pour partir avec quelqu’un qu’on aime. J’espère que tout cela restera fiction et que les blessures resteront le travail d’Alexandra Duponq. Quelques dernières photos de son travail pour le valider, c’est génial Hubert est Théo. Théo est amoché. Le financement participatif a atteint son objectif, enfin, on pourra respirer. Mais le versement n’arrivera que pendant le tournage, un nouveau rebondissement non prévu. Demain on part pour le Havre. Demain il faut que j’aie fini de fabriquer les pochoirs pour les faux tatouages de Giuseppe, demain il faut que j’aie fini de salir les chaussettes de Giuseppe à coup de bain de café, demain il faut que j’aie fini le motif de la femme qu’on voit sur le dessous de verre, demain il faut que j’aie fini mes dernières modifications de texte, demain il faut que j’ai finie de préparer tous les documents administratifs. Mais demain on a de beaux acteurs, de beaux décors, tout se concrétise ! Demain, Le Havre. 18

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Le journal de bord de L’Homme Jetée MARDI 7 MAI 2019, CAMIONNETTE Départ Tout est là, tout est prêt, tout est chargé. Après avoir récupéré le matériel caméra, le matériel lumière, le matériel son et les accessoires. Après avoir fait les faux tatouages sur Youssouf et après avoir trouvé par hasard un régisseur qui était d’accord de nous accompagner au Havre alors qu’il était sur un tournage à l’étage au-dessus à la Cité du Cinéma, c’est parti. On roule en direction du Havre, avec Jacques à la ritournelle des blagues de Josselin, le 1er assistant caméra. On a accumulé plusieurs heures de retard, il a fallu évidemment vérifier tout le matériel, puis faire des achats de dernières minutes. Pendant ce temps Gaëtan est déjà arrivé au Havre et organise notre arrivée avec Romain, un très sympathique Havrais qui nous a apporté son aide précieuse tout au long du tournage. J’ai peu de souvenirs de cette première journée de transports et cette arrivée nocturne au Havre, si ce n’est le moment où on a calé en pleine monté avec la camionnette remplie à ras-bord de matériel puis le sommeil qui s’est suivit espérant le meilleur pour les jours qui suivraient. Demain, on tourne ! 20

La préparation 21

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LE TOURNAGE MERCREDI 8 MAI 2019, LE HAVRE Jour 1 L’équipe est arrivée par train, juste le temps d’aller les déposer au gîte ou ils dormaient qu’on devait commencer à tourner. Les séquences de salle de bain passent en premier, le rythme est soutenu quoiqu’un peu détendu, mais c’est normal en un début de tournage ! 4 heures après, au bord de la mer, on l’était moins. Le poisson chat avait eu le temps de décongeler et d’éviter de se faire voler de justesse par un chat. On était au bord de la mer pour tourner les séquences sous l’estacade. La météo nous avait joué des tours, le vent est tellement puissant qu’il soulève déjà des vagues au-dessus de l’endroit où nous devions tourner. On a peu de temps. Le lieu devient magnifique car submergé, mais nous avons tous les pieds dans l’eau à dix degrés. Finalement on est un peu dans les mêmes conditions que le tournage de Titanic, toute proportion gardée évidemment. Le temps est imparti, on doit couper quelques plans et finir rapidement la séquence, l’eau devient menaçante, elle a frappé un projecteur qu’on éteint de suite. La séquence est terminée, on est sauvé. 23

Le journal de bord de L’Homme Jetée Hubert et Youssouf auront fini leur première journée de tournage dans l’eau pour la séquence 9. 9. EXT. PLAGE - NUIT Les vagues remontent sur la plage et viennent épouser les pieds de THEO. Il observe GIUSEPPE au loin dans l’eau. Le phare les éclaire périodiquement. THEO s’avance jusqu’à ce que l’eau atteigne ses genoux. GIUSEPPE disparaît dans l’obscurité. THEO s’alarme. En écrivant cela je ne pensais pas encore que deux comédiens allaient affronter la pluie, le vent et l’eau foirde quelques mois plus tard. On synchronise la fréquence du projecteur sur l’estacade au loin pour créer un passage de phare et on boucle la séquence. Deux heures plus tard on finit de ranger le matériel, trempé, et on dort, tout juste sec. Demain, on tourne. 24

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Le journal de bord de L’Homme Jetée JEUDI 9 MAI 2019, LE HAVRE Jour 2 2. EXT. TERRAIN DE BASKET - JOUR Un terrain de basket sert d’arène à un équipage d’hommes âgés entre 25 et 35 ans. Une dizaine de membres entourent un JEUNE HOMME peinant à respirer dans un sac en plastique. GABRIEL, baraqué, 30 ans, donne les instructions. GABRIEL Tu cries. Tu dégages. Prêt? Ils le font tourner sur lui-même. Les bruits du groupe le désorientent. GABRIEL baisse le bras. La dizaine de membres s’est transformée en quelques figurants venus gentiment nous donner un coup de main pour tourner la séquence. Pas le temps d’avoir peur des inconnus, je dois les diriger. On répète la séquence et on la tourne. Quand on tourne, on se bat toujours contre le temps. On a tourné ce film sur 5 jours pour des raisons économiques mais un 6ème jour aurait été nécessaire. On enchaîne les séquences, on fait peu de prises, peut-être 3 ou 4 en moyenne. Ce soir on tournera le plan final du film, le froid n’aura pas raison de nous. Demain, on tourne ! 26

Le tournage 27

Le journal de bord de L’Homme Jetée VENDREDI 10 MAI 2019, LE HAVRE Jour 3 3. EXT. BATEAU REMORQUEUR. PORT - JOUR La mer s’étend à perte de vue, THEO apparaît. Il récupère une amarre. Un énorme bateau de cargaison rentre dans le port et lui fait de l’ombre Tourner sur un bateau remorqueur, c’était un des points de départ du film, auquel j’ai dû renoncer. Conscient de la difficulté que ça allait être, j’ai décidé d’écrire des séquences qui pourraient s’adapter à un tournage sur un quai dans le cas où nous n’aurions pas satisfaction à nos demandes d’autorisations. Aujourd’hui, on arrive sur le quai Joannes Couvert, et on voit un énorme bateau qui resterait là toute la journée. On tente quand même de demander si on peut tourner sur la passerelle mais non, on tournera juste devant. Et ça sera parfait ! Encore une coïncidence qui nous aidera à faire ce film. En tournant L’Homme Jetée, on le savait : on sera aux aguets pour filmer le moindre bateau qui passe. Demain, on tourne ! 28

Le tournage 29

Le journal de bord de L’Homme Jetée SAMEDI 11 MAI 2019, LE HAVRE Jour 4 25. EXT. PORT. DIGUE. – MATIN THEO déboule à toute allure sur la digue et ralentit en voyant le cargo de GIUSEPPE s’éloigner sur la mer. Il crie, de toutes ses forces. THEO Va te faire enculer ! Le temps est à nouveau compté, on enchaîne sur plusieurs décors dans la même journée. Tourner sur autant de lieux différents, ça fait beaucoup pour une si petite équipe. Le soleil se couchera plus tôt qu’on ne l’aurait souhaité, et on repoussera une séquence au lendemain mais ça nous laissera le temps de souffler un peu devant la lumière qu’il créer. Demain, on tourne !   30

Le tournage 31

Le journal de bord de L’Homme Jetée DIMANCHE 12 MAI 2019, LE HAVRE Jour 5 1. INT. APPARTEMENT DE THEO. CHAMBRE - JOUR Théo, un frêle matelot de 22 ans, est assis sur son lit encagoulé d’un sac en plastique. Il donne des coups de poings dans le vide tout en essayant de respirer. Il suffoque puis enlève le sac. On découvre un jeune homme au regard rempli de solitude perdu dans son appartement vétuste. Il a empilé les restes de sa chambre d’enfance dans 20m². THEO remet le sac sur la tête. Aujourd’hui on tourne principalement les séquences d’intérieur, la chambre de Théo. L’équipe de décoration Cécile Etien et Lenny Gladwin n’ont que quelques heures pour transformer la chambre de la maison où on loge en chambre humide et crasseuse de Théo. La peinture rose saumon est souillée par notre papier peint vert bleu. Il y aura des dégâts mais on doit tourner, on doit finir le film aujourd’hui. Les plans s’enchaînent, la fatigue générale se fait ressentir, mais on bouclera finalement le film à près de 6 heures du matin. Demain on dort ? 32

Le tournage 33

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LA POST-PRODUCTION LUNDI 13 MAI 2019, SAINT-OUEN Le départ Même pas le temps de dormir, il faut envoyer toute l’équipe dans le train de 10 heures. On range tout, et on s’en va plusieurs heures plus tard, sans avoir dormi. Le trajet de retour en camionnette fut laborieux, mais finalement cette dernière nuit nous aura non seulement prouvé que tourner passera avant tout mais surtoru qu’il aurait fallu une 6ème journée de tournage. 21 minutes de film en 5 jours de tournage avec des conditions pareilles c’est trop. On rentre épuisé, faisant les retours de matériel chez chaque loueur différent. On loupe l’heure de rendu de la camionnette, on la rendra demain ce n’est pas grave. Avec Jacques on finit par rentrer en métro, en laissant la camionnette proche de l’endroit où je le rapporterai le lendemain à la première heure. Encore un trajet en métro, en ramenant des objets qui ont perdus leurs propriétaires durant le tournage. Je rentre avec un film sur mon disque dur surtout, j’ai hâte de le monter mais c’est pour plus tard. 35

Le journal de bord de L’Homme Jetée MARDI 14 MAI 2019, SAINT-OUEN Monter pour monter Une fois cette dernière camionnette rendue, l’extrême tension du tournage retombe. Après avoir passé une semaine avec une dizaine de personnes, on se retrouve seul avec des rushes. Je n’ai que quelques semaines pour monter une première version du film car il sera présenté le 12 juin devant le Jury à l’École de la Cité et entre-temps j’ai décidé de partir au festival de Cannes pour quelques jours – afin de me reposer et de voir des films je croyais, mais cela m’épuisera encore plus. Le montage du film commence d’une manière assez systématique à chaque fois, je replace les rushes à peu près comme j’avais prévu de les monter. Puis on se confronte à la réalité de ce qu’on a tourné. Ils ne correspondent jamais fidèlement à ce qui était imaginé au scénario, le boulot de dizaines de personnes les ont enrichi et modifié. On regarde ces scènes et remet tout en question, le tournage a fait qu’on se retrouve avec certaines choses qui fonctionnent, d’autres non. C’est compliqué de revoir ses images directement après le tournage, il faudrait préférer un temps de repos et s’occuper l’esprit pendant une semaine en tout cas avant de plonger dans le montage. Laisser s’évacuer le tournage et commencer un nouveau film avec les rushes qu’on a. MARDI 21 MAI 2019, SAINT-OUEN Revoir Alors que les messages, tout à fait légitimes, des membres de l’équipe du film arrivent pour voir les rushes et en savoir où le film en est, il est compliqué de leur répondre. Je revis jour et nuit ce qu’on a brillamment réussi sur le tournage mais également ce qui est un plus bancal dans le film pour le moment. Le montage doit équilibrer tout ça. Gaëtan vient me soutenir pour le montage. Parfois, je me dis que sans lui, le film n’aurait pas été commencé, ni terminé. Son aide est précieuse et va 36

La post-production au-delà du film, il canalise le calme nécessaire à la fin de ce projet. On passe plusieurs nuits chez moi, à monter le film, à se confronter aux rushes et à assembler le tout. On n’a plus que quelques jours avant notre départ à Cannes, je veux absolument pouvoir envoyer une première version à Erwan pour l’étalonnage. DIMANCHE 26 MAI 2019, SAINT-OUEN Cannes Cannes m’a permis de profiter d’une autre facette du métier, ce festival contraste énormément avec la réalité du cinéma. C’est une façon de se mettre en scène en revêtant un costume et en étant entouré de tous les paradoxes les plus embarrassants du monde et de la jet set qui n’appartient pas à la création de films. Ce n’est pas la personne qui est les pieds dans l’eau au Havre à 3 heures du matin qui en rêve. C’est tout de même l’occasion de faire de très belles rencontres personnels et cinématographiques. J’en ai profité pour redevenir spectateur, faire L’Homme Jetée m’avait un peu sorti des salles de cinéma. VENDREDI 31 MAI 2019 Retrouvailles de soldats Pour profiter de n’en faire qu’une seule soirée, je fête mon anniversaire passés depuis quelques jours en faisant un pot de fin de tournage. L’occasion de revoir l’équipe du film en ayant l’étrange sensation de s’être battu ensemble pendant 6 jours sur un front de guerre. Tout le monde s’impatiente bien évidemment sur l’état du film. Un premier montage est là mais il faut attendre encore longtemps avant de pouvoir le partager ! Un film qui représente une semaine de tournage peut représenter des délais de six mois à un an de post production suivant les conditions de production. Quoiqu’il en soit, on a l’impression d’être bien seul pendant la post production alors qu’on était toute une armée pendant le tournage ! 37

Le journal de bord de L’Homme Jetée LUNDI 3 JUIN 2019 Pizzas et étalonnage Grâce à Erwan, la post-production avance rapidement, il est toujours là pour me sortir une nouvelle version étalonnée du film. On mange des pizzas et on attend les rendus.   MARDI 11 JUIN 2019, PANTIN Côté-Court Une fois la version du montage pour l’école validée, je profite du festival du film court de Pantin : Côté-Court. J’ai l’occasion d’y montrer Face à Face Dans La Nuit, qui voyage bien en festivals et cela motive pour finir L’Homme Jetée. D’autant plus, qu’en toute sincérité, quand on regarde les courts-métrage de fiction diffusés en festivals, ça rassure la qualité de son travail. La grande préoccupation du moment se passe du côté de l’école. En effet suite à la règle imposée des dix minutes pour le film de fin d’études, ils souhaitent projeter que les dix premières minutes. Mon premier montage en fait 21. Après de multiples discussions cela semble peu probable que j’obtienne gain de cause, mais à quoi bon projeter la moitié d’un film ? Demain le film passera devant le jury, demain Yann le verra, demain est-ce qu’il sera en entier ? MERCREDI 12 JUIN 2019, CITE DU CINEMA L’école c’est fini Le film a été projeté en entier. Grâce à l’insistance de Yann, ils n’ont pas eu le choix, tous les films des élèves de la promotion Jan Kounen ont été diffusés dans leur entièreté. Merci. M’en voilà rassuré. 38

La post-production La fin de L’Homme Jetée semble proche, j’ai des bons retours de la part du jury, mais il reste encore beaucoup de boulot. Il faut ajuster le montage et le mixer. La post-production ça prend du temps. MARDI 18 JUIN 2019, SAINT-OUEN Thermomix Avoir un film c’est bien, mais avoir un film mixé c’est mieux. Tout le montage du film a été construit autour des bruits de vagues et des cornes de brumes que l’on entend dans un port. Cependant dans la version actuelle du film tous les bruits se mélangent et il est nécessaire qu’un mixeur vienne régler tout ça et si possible en faire un mixage en 5.1. Un premier mixeur est trouvé, mais au bout de plusieurs mois sans nouvelle, et ayant gardé le film en otage sans mixage, ça ne sera pas possible de continuer avec lui. Le film semble finit mais il ne l’est pas.   MERCREDI 3 JUILLET, SAINT-OUEN Les envois non mixé L’étalonnage final est validé avec Erwan, on a l’image finale du film mais pas le son final. C’est le moment de commencer les envois du film en festival. Il faut qu’il puisse exister au-delà de son disque dur maintenant. DIMANCHE 1ER SEPTEMBRE 2019, BEAUCE Thermomix 2 Le film sera mixé d’ici fin septembre ! Je viens d’apprendre la sélection du film en compétition Suisse des Internationale Kurzfilmtage de Winterthur ! C’est génial, ce festival faisait partie de mes objectifs. Je suis fier qu’il parle enfin à quelqu’un et qu’ils osent sélectionner une version non mixé. D’autant plus 39

Le journal de bord de L’Homme Jetée qu’il figure parmi la compétition Suisse et non la compétition école ! Le film n’aura malheureusement pas été prêt pour Locarno, c’est dommage mais c’est pour une prochaine fois. Quoiqu’il en soit, il reste 29 jours pour mixer le film et envoyer la version finale à Winterthur. Grâce à Hélène et Denis Séchaud, il sera mixé chez Masé Studios, par Vuk Vukmanovic, un mixeur étudie en master son, son travail m’épate, le son en 5.1 permet de rendre le film bien plus uni et immersif, je le redécouvre en salle de mixage. JEUDI 7 NOVEMBRE 2019, WINTERTHUR Première La première du film approche. Je suis très anxieux à l’idée de projeter le film pour la première fois, enfin on appelle ça une première mais finalement on l’a toujours montré à quelqu’un avant. Il s’est réalisé plutôt rapidement pour un court-métrage finalement, mais cela semble tout le temps être une éternité tant on grandit et on vit de choses durant la création d’un film. Le travail que l’on a mené pendant tout ce temps est enfin montré, on est déjà conscient de ce qui fonctionne bien et de ce qui fonctionne moins bien mais on attend toujours les réactions du public, les réactions de sa famille, les réactions de l’équipe. J’espère des discussions intéressantes et des personnes émues tout en redoutant les questions gênantes. Tandis que L’Homme Jetée commence à peine à exister chez les spectateurs, j’ai la tête au prochain film. 40

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P O S T FA C E JEUDI 23 JANVIER 2020, SAINT-OUEN Le prochain, les prochains Maintenant que le film existe et qu’il passe en festival, j’en suis heureux. C’est un film de fin d’études dans le sens le plus noble du terme je crois: j’ai tenté. Et plus d’un an après la première idée de ce film, ça me rassure. Je n’étais pas sûr de tout, tout ne fonctionne pas mais au moins je ne vois aucun film qui ne lui ressemble ! C’est forcément gratifiant. Je prépare maintenant mon prochain film puis les prochains, en espérant que tout ça conclue sur de nouvelles aventures. A posteriori, je me dis qu’il faut être sacrement inconscient et avoir une bonne dose d’égo pour se lancer dans la création d’un film et traîner autant de personnes dans son idée ! Ecrire ce journal de bord m’a remémoré tous les moments que j’avais oubliés au profit du film, je me demande vraiment ce que je penserais objectivement de L’Homme Jetée si je n’étais pas conscient de tout ce qu’il y avait derrière la caméra. J’espère que des spectateurs s’y retrouvent et je crois que c’est déjà le cas ! J’espère également pouvoir revenir sur ce journal de bord dans quelques années quand je m’attaquerai à des projets plus longs et à des défis encore plus grands, pour relativiser le tournage que c’était. 43

Le journal de bord de L’Homme Jetée Demain je pars à Soleure pour présenter le film. C’est toujours un peu bizarre de revenir sur quelque chose qui nous paraît clos, alors que c’est neuf aux yeux des spectateurs mais c’est ainsi. Je prépare d’arrachepied mon prochain film que je souhaite pouvoir partager avec vous prochainement, et c’est grâce à L’Homme Jetée et donc grâce à vous que je pourrai faire : The Life Underground. J’espère que ce journal de bord vous aura un peu plus parlé qu’un simple making of photographique et vous aura fait comprendre les enjeux derrière chaque plan du film. Je vous remercie encore infiniment pour le soutien, tant financier que moral, que vous avez apporté tout au long film. L’Homme Jetée, c’est des comédiens, une équipe mais c’est surtout vous, sans qui le film n’aurait pas vu le jour ! Merci ! Demain, The Life Underground 44

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Le récit de la création du court-métrage sous forme de journal de bord illustré retraçant un an de l’écriture à la première du film. Synopsis du film La vie de Théo, un jeune docker croupissant dans son port natal, s’écoule au rythme monotone des bateaux de marchandises allants et venants. À travers sa rencontre avec Giuseppe, un marin désabusé de passage, Théo puisera en lui le courage d’affronter les vagues afin d’échapper à sa morne existence en tentant d’intégrer l’équipage bourru de Giuseppe. facebook.com/hommejetee instagram.com/loic.hobi L’Homme Jetée a été produit par Loïc Hobi, Tell Me The Story et l’Ecole de la Cité Avec le soutien de La Ville de Neuchâtel Contributeurs Ulule Dominique, Pierre & Manon Hobi - Céline Bourgeois - Anicée Willemin - Dan Streit - Vincent Clavel - Antonnio Macchia - Sylvie Waeber - Sylvia Wiederkehr - Chloé Margas & Kim Remoué - Marie-Agnès & Patrice Deyrieux Youri Najdovski - Daniel & Agnès Domjan - Déborah Chevallier - Clémentine Odion - Magaly Roges Deyrieux Raphaël Tschudi - Laurette Courregelongue - Julia Leblanc Lacoste - Dominique Cressier - Solange Goffin - Josué Binet - Elodie Talmone - Jérôme Bloch - Raphaël Belliot - Jean-Pierre Fournier - Olivier Béguin - Lucas Ballabene Milan Prados Nicolas & Aline Surdez - Guilhem Pla - Patxi Arsa - Lilo Wullschleger - Fabien Persoz - Clotilde Girault - Nicole Dassaye - Anouk Schaldenbrand - Laurent Jaudon - Loïse Rebetez - Léo Guennoun - Arthur Winternheimer - Léo Brunet - Anatole Levilain-Clément - Thomas Alcala - Alice Delamaire - Andy Buron - Nadia de Bosset - Earwyn Oppon Avec le soutien en industrie de NextShot - Next&Go - Transpalux - Transpacam - Flam & Co - Masé Studios