OLGA SERJANTU M CPNM Mémoire « LA PLURALITÉ DES COMPORTEMENTS DE L’INDIVIDU, PROVOQUÉS PAR L’UTILISATION SIMULTANÉE DE DIVERS RÉSEAUX SOCIAUX » TUTEUR DE MÉMOIRE : SOUFIANE ROUISSI
LA PLURALITÉ DES COMPORTEMENTS DE L’INDIVIDU, PROVOQUÉS PAR L’UTILISATION SIMULTANÉE DE DIVERS RÉSEAUX SOCIAUX ISIC Université Bordeaux Montaigne Master Mention Humanités Numériques Master 2 «Conception de Projet Numérique et Multimédia» Olga SERJANTU Tuteur universitaire : Soufiane ROUISSI
M2 CPNM Les individus ont toujours montré différentes facettes en fonction de leur public, mais ce qui se présente désormais comme une nouveauté, c’est bien le fait de pouvoir les réunir sur un seul et même espace : le profil. Serge Tisseron 2 Serjantu Olga
REMERCIEMENTS Je tiens à remercier toutes l’équipe pédagogique du master «Conception de Projet Numérique et Multimédia» pour la qualité et la richesse de leurs cours. Je tiens à remercier les responsables de ce master, pour la diversité de leurs projets proposés au long de ces 2 années d’étude. Je remercie également à toutes les personnes qui ont accepté de répondre au questionnaire qui a servi comme étude de cas pour ce mémoire. Je remercie ma famille qui m’a motivé lors des moments difficiles, et mon ami Camille pour ses idées et ses réflexions enrichissantes, qui a veillé au bon déroulement de cette étude. Leur encouragement m’a permi d’avancer page après page, et j’ai appris beaucoup de choses intéressantes sur des sujets inspirantes. M2 CPNM 3 Serjantu Olga
SOMMAIRE Introduction..........................................................................................................................................................6 Problématique..................................................................................................................................................15 I. Communiquer à travers l’image. Les réseaux sociaux accordent une place centrale à la communication visuelle et à l’image...........................................................................................................17 1.Analyse sémiotique........................................................................................................................................................................18 18 a. Facebook...................................................................................................................................................................................................18 b. Instagram...................................................................................................................................................................................................23 c. Linkedin.......................................................................................................................................................................................................26 26 Conclusion..............................................................................................................................................................................28 2.L’image en tant que vecteur et moyen de communication au quotidien..............................29 9 3.L’image en tant que moyen d’affirmer son appartenance à une communauté.................33 Conclusion.................................................................................................................................................................................36 II.L ’identité numérique - une variable changeante quand au typologie des réseaux sociaux utilisés.............................................................................................................................................................37 1.A chaque réseau - son profil numérique...................................................................................................................37 2.La gestion de pluri-facettes dans l’espace numérique...............................................................................41 Conclusion..............................................................................................................................................................................42 42 42 III.Les réseaux sociaux influencent nos habitudes et notre quotidien.............................................43 1.Vivre à travers les réseaux sociaux..................................................................................................................................43 2.Augmenter sa vie à l’aide des réseaux sociaux....................................................................................................51 5 Conclusion..............................................................................................................................................................................53 53 53 Conclusion....................................................................................................................................................54 Ouverture....................................................................................................................................................................................................56 Bibliographie................................................................................................................................................57 Ouvrages.....................................................................................................................................................................................................57 Webographie..........................................................................................................................................................................................58 Vidéos...........................................................................................................................................................................................................60 60 Annexe........................................................................................................................................................61 M2 CPNM 4 Serjantu Olga
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I. INTRODUCTION On entend souvent dire que nous vivons dans une société en deux dimensions : l’une réelle et l’autre virtuelle. Le virtuel ne nous fait plus peur, nous l’avons tellement intégré dans notre quotidien, qu’il prend la même place que notre vie ordinaire. Le Wi-fi est devenu une norme, le partage de l’information - un besoin. Nous vivons dans une période de changements. De changements de rythme de vie, de nos attaches, de notre ouverture d’esprit, de nos personnalités. Nous nous levons chaque jour plus tôt pour réussir à faire plus. Nous buvons du café, pour rester vigilants sur tout ce que nous entoure. Nous, finalement, gardons toujours nos portables près de nous, car il nous sont utiles, voire indispensables. Quelques heures par jour nous sommes «connectés», «en ligne». Quelques heures par jour, nous sommes en train de naviguer dans un monde virtuel. Ce monde qui nous offre de l’actualité, du divertissement, du travail. Notre identité est partagée entre le monde hors ligne et celui en ligne. Tel un kaléidoscope, notre posture tient debout grâce aux différentes apparences attribuées au notre gré, sous couvert de la modernité de notre temps. Nous appartenons à de nombreuses communautés, à plusieurs mondes, à des fils de discussions, à plusieurs identités. Nous intégrons cela comme des bouts de nous même, qui, ensemble, forment un tout. Un tout éparpillé, un tout intégral. Nous vivons une période extraordinaire, celle de l’information et de l’exposition de soi. Jamais notre intimité n’a été autant dévoilée sous les applaudissements et les appréciations du public. Nous vivons une période extraordinaire, avec un désir impitoyable de transparence et de réalisme. Ce mémoire se donne comme sujet d’étude le média qui a cerné les individus d’une manière radicale. C’est un média qui connaît notre personnalité, les discussions avec nos amis, nos centres d’intérêt. Ce média n’est pas seulement un moyen de divertissement, c’est un média à part entière, un acteur important dans nos échanges de tout type. Ce média est, sans aucune surprise, les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux nous unissent en même temps qu’ils nous séparent. Mais, grandissant avec ces outils et les utilisant d’une manière naturelle, nous rendons-nous compte du poids de ce média dans nos vies? Sommes nous conscients de l’importance et de l’influence des réseaux sociaux sur nos vies ? Les vivons-nous d’une M2 CPNM 6 Serjantu Olga
manière positive, sans avoir l’impression de nous éparpiller entre une multitude des réseaux, leur laissant chaque fois une partie de nous ? Pour cette étude, nous allons nous intéresser aux générations des digital natives. Notamment aux personnes de moins de 30 ans, ayant grandi avec le numérique. Ces personnes ont vu leur vie fortement impactée par les nouveaux outils digitaux. Ils ont assisté à l’éclatement de celle-ci en mille possibilités, au croisement des différentes facettes en une seule : l’identité numérique. Cette cible a été le plus impactée par les réseaux sociaux et a assisté aux modifications de ses comportements. Les dernières années nous assistons à l’incrément massif des réseaux sociaux dans notre quotidien. Cette révolution n’aurait pas vu le jour sans le développement massif des technologies numériques, notamment sur mobile. Accessible partout et tout le temps, la possibilité de s’informer et d’avoir des réponses instantanées à nos questions les plus simples, est désormais un besoin. Google mis à part, les réseaux sociaux participent eux aussi à cet ancrage d’un mode de vie connecté et accéléré. Des informations de tout genre sont partagées et commentés chaque instant, tantôt de type professionnel (LinkedIn), tantôt d’information (Facebook, Twitter), tantôt d’inspiration (Instagram, Pinterest), tantôt de loisir (Snapchat). L’information, de nature différente, est révélée selon différents réseaux sociaux, comme étant segmentée. Tenant compte de cela, nos profils sont aussi différents selon chaque réseau. Nous adoptons une posture différente quand on parle sur LinkedIn ou sur Instagram. Facebook, paraît-il, les rassemble toutes en un. Twitter, au contraire, est une miniature des blogs et du vieil ami MySpace. Les réseaux numériques participent activement à la légitimation de la vie banale et ordinaire. Le point culminant - aujourd’hui - est sans hésitation occupé par le géant Facebook. L’omniprésence dans notre vie quotidienne, en est une preuve. Selon une étude récente de l’agence de presse Reuters, 67% des français utilisent Facebook d’une manière régulière.1 Nous nous sommes alors demandé quelle est la posture qui correspond le plus à notre personnalité réelle ? Est-il nécessaire d’avoir une image plus soignée et professionnelle pour nos futurs recruteurs, pour donner bonne impression avant une rencontre physique ? Nos photos sur Instagram sont-ils trop sincères pour séduire sur les applications de rencontre ? Nos profils numériques reflètent-ils notre vraie personnalité ou avons-nous abusé du côté «mise en scène» pour nous construire une personnalité numérique différente de celle 1 https://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/sites/default/files/digi- tal-news-report-2018.pdf (page 12, consulté le 20 juin) M2 CPNM 7 Serjantu Olga
hors ligne ? Ce sont toutes ces questions que suscitent notre intérêt lors de cette étude. Nous allons les grouper en 3 grands groupes et essayer d’y répondre le plus objectivement possible. Serge Tisseron2 insiste sur le fait que l’individu social a toujours cherché à montrer différentes facettes selon le public avec lequel il interagit, les réseaux sociaux sont alors un moyen moderne, répondant à ce besoin, qui permettent de les réunir dans un seul et même espace : notre profil numérique. Cette révolution n’aurait pas été possible sans l’arrivée de l’internet dans le milieu de l’armée, en passant par le milieu universitaire, pour atteindre ensuite le taux de 37% de pénétration des réseaux sociaux dans le monde3 en 2018. Le réseau informatique, construit dans une logique de «noeuds» a toujours visé un seul et même but : relier et créer du lien. En 1969, ARPANET a été conçu comme une technologie à but militaire, il a été ensuite utilisé pour échanger des informations entre les universités américaines. Cette première conception de transmission des messages électroniques a bel et bien posé les bases de la connexion à la vitesse de la lumière dont on jouit aujourd’hui. Mais la pénétration dans le monde et dans toutes les sphères de notre vie, s’est réalisée notamment avec la création du système «World Wide Web» par Tim Berners Lee, en 1991. Grâce aux partages des emails et à la possibilité d’échanger des fichiers, la révolution est en marche, et donne des contours plus réels au village planétaire4 d’aujourd’hui, qui ne connaît pas de frontières, pas de limite et, surtout, qui vit dans le présent, dans l’instantané. Dans les années 2000, une autre révolution voit le jour : les blogs et les réseaux sociaux. La solitude derrière les écrans, jusqu’à lors perçue craintive et triste, a commencé à être partagée auprès d’un réseau infini. La consommation passive de l’information n’est plus d’actualité depuis le debut du XXI siècle. Les internautes prennent le pouvoir en main. Ils deviennent acteurs et décideurs. Les écrans isolés, relayés par la technique, ont changé de dimension, devenant des écrans connectées et inter-connectés, en réseau. Les individus commencent alors à baigner dans le flux d’informations, étant, eux aussi, reliés à distance par un simple clic. 2 TISSERON Serge, «Les tyrannies de la visibilité : être visible pour exister ?» p.78 3 Source : https://fr.statista.com/statistiques/570671/media-sociaux-taux- de-penetration-globale-en--par-region/ M2 CPNM 4 MCLUHAN, Marshall, The Medium is the Massage, 1967 Serjantu Olga 8
M2 CPNM Pour les digital natives, les réseaux sociaux est un média ordinaire. Leur utilisation leur est familière et intuitive. Ils se posent rarement la question de «pourquoi» et «comment» ils les utilisent. Mais quelles sont vraiment leur caractéristiques et comment est conçu le mécanisme qui les incitent à les consulter quotidiennement ? Dans le dictionnaire classique nous trouvons la définition des réseaux sociaux comme «Site internet qui permet aux internautes de se créer une page personnelle afin de partager et d’échanger des informations, des photos ou des vidéos avec leur communauté d’amis et leur réseau de connaissances»5. Pour aller plus loin, le sociologue Pierre Merklé définit un réseaux social comme «un ensemble d’unités sociales et de relations que ces unités sociales entretiennent les unes avec les autres»6. Selon lui, la caractéristique principale d’un réseau social est, tout d’abord, la possibilité de créer un espace personnel où l’internaute peut «reproduire» sa personnalité à travers les photos qu’il met en ligne, les statuts ou textes publiés, ce que définit, in fine, son «profil numérique». Le coeur des réseaux sociaux est la communauté qui échange des likes, des commentaires et des partages. La plus-value que motive les utilisateurs à être actifs sur ces plateformes est le retour des pairs. Ce désir d’être accepté par une communauté numérique est définit par Serge Tisseron comme l’extimité7, c’est à dire le désir que nous incite à montrer certaines parties de notre vie personnelle pour la faire valider par les autres. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre suivant. Ainsi, un réseau social ne peut exister que par sa communauté8. La possibilité d’interagir avec les membres d’une communauté est le facteur qui a contribué à la propagation massive des réseaux sociaux. Le besoin de se sentir partie intégrante d’une communauté et d’être accepté par celle ci est un besoin de l’individu social. Un autre mécanisme qui a contribué à la propagation massive des réseaux sociaux est le don contre don. Le don que les utilisateurs pratiquent sur les réseaux numériques, s’inscrit dans la dimension de 5 L’INTERNAUTE. Dictionnaire. http://www.linternaute.fr/dictionnaire/ fr/definition/reseau-social/ [en ligne]. (consulté le 2 juin, 2018) 6 MERKLE, Pierre, Sociologie des réseaux sociaux, édition La Décou- verte, coll. Repères, 2004, p.4 7 TISSERON Serge, Les tyrannies de la visibilité : être visible pour exister ?, p.121 8 PEREA, François, « L’identité numérique : de la cité à l’écran. Quelques aspects de la représentation de soi dans l’espace numérique », 2010/1 (Volume 2010), p. 144-159. 9 Serjantu Olga
«faire société» tous ensemble9. Selon Antonio Casilli, le fait d’échanger quelque chose, avec l’intention de récupérer des approbations d’autres membres de la société, joue un rôle déterminant dans la création de son profil numérique. «Je n’arrive pas à croire que les gens mettent autant de détails sur leurs vies, sur ce qu’ils font. Cela trahit une envie d’avoir des contacts, de créer un lien social. Parce que ça établit un lien social, et c’est ça qui me plaît.» confie l’une des personnes interviewé par Antonio Casilli. Non seulement la notion de communauté jour un rôle central, elle est également accompagnée par des mécanismes de captation du temps grâce au design de ces applications. On peut énumérer parmi ceux ci l’envoi des différentes notifications comme un nouveau J’aime, ou des «Souvenirs de ce jour là», une nouvelle story ajouté par Cécile ou David...bref, ces notifications nous poussent à «checker» les applications plusieurs fois par jour, ce que, au final, nous rend addicts.10 Nous reviendrons sur l’addiction aux réseaux sociaux dans le dernier chapitre. Les utilisateurs qui partagent leur vie sur ces plateformes attendent en contrepartie des réactions de la part de la communauté avec laquelle ils interagissent. L’hospitalité en ligne est la première des motivations des usagers. Naturellement, les usagers s’attendent à avoir un retour pour le temps et l’énergie qu’ils attribuent à peaufiner leur profil numérique. Le sentiment d’avoir le pouvoir de changer quelque chose ou compter pour quelque chose s’inscrit aussi parmi les facteurs de participation aux réseaux numériques. Toujours dans l’optique de participation à la vie communautaire, les utilisateurs ont le sentiment de pouvoirsusciter des réactions par la mise en ligne de leurs opinions ou leur mode de vie. Cette soif du pouvoir, propre à l’humain, pousse les utilisateurs à partager leur temps avec une communauté grandissante jour après jour, étant de plus en plus avide de contenus. M2 CPNM 9 CASILLI, Antonio, Les liaisons numériques, vers une nouvelle sociabi- Serjantu Olga lité ?, édition Seuil, 2010, p.47 10 HARRIS, Tristant, Plateforme TED, Décembre 2014, https://www.ted. com/talks/tristan_harris_how_better_tech_could_protect_us_from_distrac- tion?language=fr 10
Petit historique... L’année 2002 est le point de départ qui déclenche la multiplication des réseaux sociaux mondiaux. Avec l’apparition de LinkedIn en 2002 et MySpace une année après, la tendance de faire société «en ligne» a vu ses débuts. En 2004, Facebook voit le jour. D’abord dans les milieux universitaires, il a vite détrôné Myspace en 2008, et est devenu international et massivement utilisé. D’autres réseaux voient également le jour au début des années 2000, comme YouTube en 2005, un média axé sur le partage des contenus vidéo, et Twitter en 2006 basé sur le mécanisme de micro-blogging. En 2010 et 2011 Instagram et SnapChat sont lancés, deux plateformes axées uniquement sur le partage des photos en tout genre, allant de photos drôles jusqu’aux photos professionnelles. Comme nous l’avons évoqué plus haut, la multiplication des réseaux sociaux est fortement liée aux progrès réalisés dans le domaine du mobile. La connexion 4G, bientôt 5G, a facilité énormément l’accès au web. De plus, la multiplication des applications, leur performance et leur pertinence ont incité les gens à passer du grand écran de leurs ordinateurs à celui des smartphones, rendant internet accessible partout et tout le temps, que l’on soit dans le train ou simplement dans son canapé. Pour preuve, 4.9 milliards de personnes utilisent le téléphone mobile en 201811. Les prévisions statistiques sont d’autant plus optimistes, et prédisent pour l’année prochaine que la moitié de tous les utilisateurs, seront des utilisateurs de smartphones12. Et cela, pour la première fois depuis l’apparition de cet outil dans les années 2000. Ainsi, la multiplicité des écrans est fortement liés à la propagation des réseaux sociaux, dont certains sont conçus pour une utilisation uniquement sur smartphones, comme SnapChat, Periscope ou Instagram, même si ce dernier permet d’y accéder sur l’ordinateur, avec des fonctionnalités restreintes. Dès lors, les réseaux sociaux mobiles se développent en parallèle avec les réseaux sociaux multi-écrans. Même si Facebook et LinkedIn ont d’abord été développés pour une utilisation sur l’ordinateur fixe, ils sont actuellement davantage utilisés sur smartphones que sur les M2 CPNM 11 Services Mobiles, «Le magazine de l’écosystème mobile». http:// Serjantu Olga www.servicesmobiles.fr/20-chiffres-sur-le-marche-mobile-a-connaitre- en-2018-38749/ (consulté le 2 juin 2018) 12 Blog, «Think with Google», https://www.thinkwithgoogle.com/intl/ fr-fr/tendances/vision/les-francais-sont-mobile-first-et-google/ (consulté le 6 juin) 11
ordinateurs, soit un taux de 66% de la population.13 Ce que incite les gens à utiliser de plus en plus leurs smartphones c’est entre autres la diversité attrayante des applications et des réseaux sociaux. Il existe une multitude de plateformes sociales, et chacune a su se rendre utile à sa manière. Des outils de libre expression, les réseaux sociaux permettent de nous projeter comme des identités différentes. En fonction du réseau social qu’on utilise, comment adaptons nous notre comportement ? Quels codes utilisons-nous pour recueillir plus de likes et faire plus de buzz ? Plus que des simples outils, les réseaux sociaux sont devenus une façon de s’accomplir pour une génération entière. Les enfants nés après les années 2000 réfléchissent différemment. Même leur enfance ne ressemble plus à la nôtre, certains rêvent de devenir youtubeurs, d’autres de se lancer dans l’intelligence artificielle. Pourquoi le numérique Brian Solis de l’agence attire-t-il tant les esprits ? Pourquoi Jess33, infographie des réseaux sociaux le virtuel est-t-il si captivant ? La soif de classés selon 26 catégories nouveauté ? L’envie de vivre une vie ailleurs ? Lors des événements importants, nous utilisons nos profils numériques pour manifester notre appartenance à la communauté. Le premier événement qui nous vient en tête quand on parle de mobilisation de masse grâce aux réseaux sociaux est le Printemps Arabe, un autre plus récent est Charlie Hebdo en 2015. A travers ces moments nous avons découvert une communauté immense. Aujourd’hui, en 2018, les réseaux sociaux sont utilisés pour la lutte contre le terrorisme ou, du moins, pour la prévention des lieux dangereux - grâce à la nouvelle fonctionnalité sur Facebook, qui permet de dire à ses amis si on est en sécurité. Cette fonctionnalité, M2 CPNM 13 WE ARE SOCIAL, Agence, «Digital en 2017», Slide 5/107, https:// Serjantu Olga wearesocial.com/fr/blog/2017/01/digital-social-mobile-les-chiffres-2017 (consulté le 2 juin 2018) 12
au début conçue pour des catastrophes naturelles, a été activée en France lors des attentats du 13 novembre. Quatre millions d’utilisateurs14 de ce réseau géant l’ont depuis utilisé. Cet exemple démontre la dimension sociale forte des réseaux sociaux, loin du voyeurisme et de l’exhibitionnisme. Le côté communautaire des réseaux sociaux est un aspect très fort et nous allons souvent y faire référence lors de cette étude. Le «moi» virtuel est utilisé dans des buts différents. Pour donner du rêve, pour raconter des histoires, pour s’exprimer ou même pour contester l’existence de ces réseaux. Parmi nos amis réels, il y a sûrement des personnes qui se proclament étant contre les réseaux sociaux. Dans ce cas, ils adoptent une posture passive, en regardant ce que font les autres sans pour autant publier quoi que ce soit sur leur vie. De toute manière, leur profil numérique parle de quelque chose, transmet un certain message. La pratique de mettre en scène sa vie est devenue encore plus flagrante grâce aux photographies et images publiées. L’image aujourd’hui, figée ou animée, est porteuse de plus de sens et donne de la valeur à nos profils. Comme une preuve pour montrer notre existence, le statut ou l’identité, l’image de nos profils est devenue le reflet de l’image de soi, telle une vie jouée sur une scène et retouchée en post-production ensuite. Les algorithmes de certains réseaux sociaux ont été adaptés à ce changement, et mettent en valeur les visuels pour susciter un taux d’engagement plus fort. Facebook, par exemple, permet la publication des images avec seulement 20% de texte. Feu vert à l’inspiration des graphistes et des motion-designers. L’image est mise au centre de la transmission de l’information. L’individu traite une image 60 fois plus vite qu’un texte15. La phrase énoncé par Patrick Le Lay, ancien président directeur général du TF1, concernant la captation de l’attention des téléspectateurs : «il faut trouver du temps de cerveau disponible», est toujours d’actualité. A l’heure actuelle, pour capter l’attention des individus, il est nécessaire de simplifier l’information. Dans ce but, les images le font très bien car notre rapport à l’information est de plus en plus visuel. M2 CPNM 14 Journal et site d’information, LE MONDE, https://www.lemonde.fr/ pixels/article/2016/11/13/un-an-apres-les-attentats-du-13-novembre-les-trans- formations-du-safety-check-de-facebook_5030356_4408996.html (consulté le 2 juin 2018) 15 Blog du Communicant, site, https://bit.ly/2mgH8P2 (consulté le 2 juin 2018) 13 Serjantu Olga
Le côté esthétique joue un rôle important aussi. L’abondance des image nous a rendu gâtés. Nous sommes plus sensibles aux imperfections visuelles qu’auparavant. Cela s’accompagne aussi par les nombreuses applications destinées à la retouche photo, perfectionnement du visage, ajout de filtres, des effets, etc. De plus, toutes les applications ayant connues un fort succès ces dernières années mettent au coeur de leurs mécanismes les images ou les vidéos. C’est probablement une des raisons expliquant pourquoi l’individu moderne accorde autant d’importance à son image16 virtuelle. Nous avons vus qu’il existe une multitude de réseaux sociaux. Chaque réseau social étant différent, les individus adaptent leur profil selon les règles et codes de ces réseaux. En moyenne, une personne utilise 5 réseaux sociaux17 ce que signifie qu’elle gère simultanément 5 fragments d’identités différentes. C’est justement ce point que sera le fil rouge de cette étude. M2 CPNM 16 Ici on entend l’image en tant qu’objet symbolique, apparences Serjantu Olga 17 We Are Social Agency, Digital 2018, https://fr.slideshare.net/weareso- cialsg (consulté le 2 juin 2018) 14
1. PROBLÉMATIQUE L’humain a tendance à s’opposer à tout ce qu’est nouveau. Le monde virtuel nous est assez peu familier pour qu’on puisse l’accepter pleinement. On entend souvent des critiques contre l’utilisation excessive des portables ou des ordinateurs, sous couvert de l’argument que la vie réelle se passe en dehors de ces outils. A titre personnel, je ne vois pas ces deux mondes comme étant opposés, mais plutôt complémentaires. Ces deux espaces de sociabilité se complètent, formant un environnement social unifié. L’objectif de cette étude sera de suivre comment l’individu gère simultanément deux facettes différentes : réelle et virtuelle, et quelles conséquences ressortent de cette cohabitation. Assumons-nous pleinement la réalité binaire d’aujourd’hui ? Avons- nous le contrôle sur nos profils ou subissons-nous tout simplement les règles imposées par ces réseaux ? Comment l’individu gère-t- il ces deux espaces, réunis en un seul espace-temps ? Accordons- nous plus d’importance à notre vie en ligne qu’à celle en dehors des outils numériques ? Quelles sont les limites, les conséquences, et finalement les opportunités, que cette cohabitation peut nous offrir? Une multitude de questions intéressantes surgissent quand on approfondit le sujet. Nous tenterons de répondre à certaines d’entre elles à travers une problématique générale : Comment l’utilisation simultanée de divers réseaux sociaux provoquent une pluralité de comportements chez l’individu? Afin de répondre d’une manière plus exacte, nous allons donner 3 hypothèses qui traceront le cheminement de ce mémoire : Hypothèse 1 Communiquer à travers l’image. Les réseaux sociaux accordent une place centrale à la communication visuelle et à l’image. Hypothèse 2 Les profils numériques sont adaptés selon le réseau social utilisé. Hypothèse 3 Les réseaux sociaux influencent nos habitudes et notre quotidien. M2 CPNM 15 Serjantu Olga
Nous allons infirmer ou affirmer ces hypothèses à l’aide de plusieurs démarches méthodologiques, considérées ensemble comme la méthodologie de ce mémoire : 1. Analyse sémiotique des vidéos promotionnelles des différents réseaux sociaux pour voir comment ces réseaux sont marketés auprès du grand public. Analyse de leur charte graphique, ergonomie, fonctionnalités, UX. 2. Analyse de quelques pages de profils «type» pour mettre en lumière les typologies existantes et montrer que chaque réseau social a ses règles et ses codes. Cette analyse nous permettra également d’observer l’importance des images sur certains réseaux sociaux et la manière dont ils sont construits pour offrir une place centrale à l’image. 3. Questionnaire sur l’importance qu’on accorde aux réseaux sociaux et la place qu’ils occupent dans la vie des individus. 4. Recours et consultation récurrente des références littéraires, articles et vidéos qui permettront d’appuyer les propos que nous allons évoquer tout au long de ce mémoire. M2 CPNM 16 Serjantu Olga
1. COMMUNIQUER À TRAVERS L’IMAGE. LES RÉSEAUX SOCIAUX ACCORDENT UNE PLACE CENTRALE À LA COMMUNICATION VISUELLE ET À L’IMAGE Hors ligne, les individus forment leur personnalité à travers la combinaison de plusieurs facteurs : leur passé, leurs origines, leur statut social, leur valeurs, leurs aspirations, leur physique etc. Sur les réseaux sociaux, les utilisateurs doivent trouver un moyen de reproduire ces facteurs et construire eux-mêmes leur profil. Les réseaux sociaux, étant des plateformes codées et développées par et pour les humains, fournissent une quantité limitée de moyens pour reproduire en ligne notre personnalité réelle. Sur Facebook, Instagram, Twitter ou LinkedIn on peut commenter, partager et liker des pages, des publications ou des groupes. Ces moyens, utilisés sur une période définie de temps, arrivent à traduire ce qu’un individu pense, à quoi il croit, à quoi il aspire. Ce sont les traces qu’on laisse sur le web, tout comme on aménage nos lieux de vie ou de travail. C’est un processus d’individuation1 d’un lieu digital qui s’apparente aux processus employés pour habiter des lieux physiques. Récemment, les tendances actuelles se sont tournées de plus en plus vers une communication visuelle. En effet, cela se vérifie si on observe le succès des réseaux sociaux les plus récents qui confèrent une place centrale aux contenus visuels et graphiques. Entre 2010 et 2015, des réseaux sociaux tels Instagram, Pinterest, SnapChat, Periscope ou encore Tinder ont séduit de millions d’utilisateurs. Le point commun de ces médias est la communication par l’image. Parallèlement, nous pouvons observer que des réseaux plus anciens tel Facebook, valorisent eux aussi de plus en plus les images, en adaptant leurs interfaces et leurs algorithmes en concordance avec les nouvelles tendance du marché. L’objectif de l’analyse sémiotique de vidéos de présentation de ces produits sera de vérifier l’importance de la communication visuelle pour ces communautés numériques mondiales. L’analyse des vidéos créées pour la promotion de certains réseaux nous permettra de comprendre les promesses imaginaires et symboliques de ces réseaux. En suivant cette méthodologie, nous pourrons alors affirmer si l’image détient une place centrale dans la vie des individus, et cela par le biais des médias sociaux actuels. 1 PIERRE Julien, « Génétique de l’identité numérique : sources et enjeux des processus asso- ciés à l’identité numérique » 17 M2 CPNM Serjantu Olga
1. ANALYSE SÉMIOTIQUE L’analyse sémiotique des vidéos utilisées pour la promotion des réseaux sociaux nous semble importante afin de déchiffrer les imaginaires véhiculés par ces réseaux. Les réseaux sociaux qui seront étudiés sont les suivants : Facebook, Instagram et LinkedIn. Le choix de ces réseaux a été fait par rapport aux différents objectifs de ces réseaux : loisir, inspiration, professionnel. Après de multiples recherches, nous nous sommes rendus compte que les réseaux les plus utilisés aujourd’hui, ne possèdent pas, en effet, des vidéos destinées à leur promotion. Les sites qui ressortent sur le moteur de recherche Google proposent des moyens ou des conseils pour la création des vidéos SUR ces plateformes, et non des vidéos DE ces plateformes. Cela nous prouve que les réseaux sociaux ont une dimension sociale d’autant plus importante car ils se sont propagés de manière naturelle et organique, «de bouche à oreille». Leur succès n’a pas eu lieu grâce à une bonne campagne publicitaire ou grâce à leur fonctionnement innovant. Les médias sociaux ont vu leur expansion par le simple fait qu’ils ont offert un lieu d’échange et de communication pour tout le monde. L’égalité de tous les membres de ces réseaux a permis à des milliers de personnes d’affirmer leur personnalité, sur la même échelle que tous les autres utilisateurs. Les réseaux sociaux n’ont jamais été marketés. C’est pour cela aussi que l’inscription a toujours été et restera gratuite (à pat les compte Premium pour certains). Leur richesse, c’est la communauté en elle même, le fait que les gens interagissent entre eux et partagent l’information. Sans la communauté, les réseaux sociaux perdent toute leur valeur. L’agglomération flagrante sur ces réseaux a permis aujourd’hui la création d’autres domaines tels que le marketing et la publicité online. Le développement économique et la monétisation de l’activité sur ces réseaux est devenu possible grâce aux données stockées sur ces plateformes. Toute interaction ou trace laissée par leur utilisateurs (likes, commentaires, intérêts, partage, photos etc.) apporte des données précieuses pour le ciblage des publicités de tout genre. La Big Data, aujourd’hui en quantités énorme, représente un interet commercial pour les GAFAM1. Le commerce, autrefois à la recherches des fleuves et rivières pour la navigation, a vu ses frontières s’élargir à l’échelle mondiale. Les réseaux sociaux fournissent une mine d’information sur l’utilisateur. Elles permettent de connaître et influencer les habitudes d’achat des futurs potentiels clients, et avoir ainsi une vision 360° sur ces derniers. a. Facebook En effet, depuis ses débuts, Facebook a subi des multiples modifications et ajustements. Avant que les images prennent une place centrale sur Facebook, celui-ci proposait d’exprimer sa pensée de jour en lançant une sorte d’injonction «Exprimez- vous». Cette fonctionnalité est mise en avant par son emplacement, tout en haut du fil 1 Acronyme des géants du web : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft Serjantu Olga 18 M2 CPNM
d’actualité et sur la page la plus vue de tout le réseau. Elle incitait les gens à partager leurs idées et leur humeur, sans pour autant donner la possibilité de télécharger facilement des photos ou des vidéos. Aujourd’hui, sur cette même zone, la possibilité de publier une photo a été ajoutée. Cette fonctionnalité a joué un rôle important dans la démocratisation des photos et à participé au développement de la communication par le biais des images. A défaut de l’analyse des vidéos promotionnelles, comme nous l’avons planifié au début, nous allons nous appuyer sur les vidéos que nous avons pu trouver sur le site officiel de ce réseau. Nous parlons notamment des vidéos créées pour marketer indirectement le réseau, d’un point de vue business. Nous avons trouvé des merveilleuses vidéos qui montrent quel contenu il faut créer sur Facebook pour développer son business ou son entreprise. Dans ce cas, Facebook s’essaye comme une vraie agence de publicité, en montrant à la fois que tout est possible sur ce réseau et, de l’autre côté, les moyens d’y parvenir. Analyse des pages et des techniques promotionnelles de Facebook Parmi les pages qui présentent la manière comment gagner de la visibilité avec Facebook, nous avons trouvé une page intitulée «Succès», c’est à dire les histoires de succès atteintes par des marques grâce à un bon ciblage sur Facebook. Étant un réseau mondial, Facebook permet vraiment de toucher des cibles à l’échelle globale. Mais, ce que nous intéresse en premier lieu, c’est la façon dont cela est présenté à titre d’exemple, et comment cela a pu potentiellement participer à la création d’une nouvelle tendance visuelle. Dans les deux pages d’exemple, l’image occupe plus de la moitié de l’écran. Dans la description de ces histoires de succès, on comprend bien l’importance de travailler son image de marque, et l’importance de faire cela de manière qualitative. «L’entreprise a découvert que les photos lumineuses en gros plan de gâteaux à l’unité et les vidéos de décorations de gâteaux étaient les plus efficaces», peut-on lire d’une pâtisserie basée à New York, ou encore sur la réussite d’une boutique de cupcake : «Le contenu publicitaire présentait des photos vibrantes en gros plan de cupcakes juste sortis du four». Dans chaque histoire, on sous-entend des conseils sur l’importance des images fixes ou animés pour convaincre ses clients. Créer du contenu simple, percutant et original, M2 CPNM 19 Serjantu Olga
pour une audience mondiale, sélectionnée selon des critères établis qui garantissent un taux trois fois plus important2 que votre produit pourrait toucher et intéresser - c’est comment Facebook vend son utilité et son algorithme de ciblage. Dans la partie «Inspiration», nous pouvons trouver des idées créatives qui «arrêteront l’utilisateur de leur navigation». Tous les contenus que Facebook propose de créer sont des contenus majoritairement axés sur le visuel, comme on peut observer dans cette image. Évoqué plus haut comme étant une communauté «tout-en-un», Facebook est utilisé par certains comme une plateforme professionnelle, par d’autres comme un média pour exprimer sa créativité, et même parfois comme un journal intime. Notre questionnaire3 a montré que Facebook est, pour 77,4% des personnes interviewés, un outil de communication et plateforme d’échange de messages. 54,8% d’entre eux passent la majorité de leur temps d’activité sur la messagerie (l’actuel Messenger qui appartient à Facebook). Questionnaire mené sur 32 personnes Lors de l’inscription, l’utilisateur est invité à renseigner son nom, son sexe, son âge, sa ville, son parcours scolaire, ses expériences professionnelles, sa religion s’il le souhaite, et même son statut amoureux. Il peut ensuite choisir une photo de profil visible en premier lieu sur sa page de profil (analyse sémiotique du profil à suivre). Une fois ces informations fournies, l’utilisateur est laissé à sa guise et à ses propres envies de suivre les groupes qu’il veut et de se construire les interactions qu’il souhaite. Guidé par les règles que la communauté s’est elle-même créées, le but final de 2 Blog, Facebook, https://www.facebook.com/business/industries/technology (consulté le 6 juin 2018) 3 Toutes les réponses au questionnaire sont insérées dans la partie Annexes Serjantu Olga 20 M2 CPNM
toutes les interactions sur ce réseau, à part les messages privés, c’est de s’exprimer et de créer de l’engagement. Si on veut que nos opinions soient entendues auprès du plus grand nombre, il est nécessaire de suivre certaines règles. Dans cette optique, Dominique Cardon souligne que la structure des réseaux sociaux participe amplement à la construction d’une identité numérique car «les utilisateurs n’ont d’autre choix que de composer avec les modalités auxquelles ils sont soumis». 4 Facebook, quant à lui, impose des règles qui visent à montrer notre personnalité sous une pluralité d’aspects : les informations personnelles (nom, prénom, âge, sexe etc.), les traces chiffrées (temps de présence, nombre d’amis, likes etc.), les actions réalisées sur ce réseau (partage, commentaire, like). Aucun espace n’est laissé sans utilisation, pour laisser à chacune des facettes de notre personnalité le moyen de s’exprimer. Même l’orientation sexuelle, une facette intime cachée par la majorité des gens, peut s’exprimer à travers les publication des divers articles ou des statuts. Facebook pense l’identité sous une multitude d’aspects, comme un melting pot de ce qu’une personne peut être. Cette représentation se réalise de plus en plus à travers l’image. Observant la page d’une personne, son identité numérique est exprimée au fil des ans de plus en plus au travers des images. Considéré comme la plus grande bibliothèque de photos online, ce réseau héberge plus de 350 millions de photos téléchargées chaque jour. 5 Afin de mieux comprendre l’importance de l’image dans la définition de l’identité sur Facebook, nous allons tout simplement colorer en blanc tous les espaces occupés par des images sur une page de profil Facebook. Qu’en reste-il ? 4 CARDON, Dominique, [en ligne], «Le design de la visibilité. Un essai de cartographie du web 2.0» https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=RES_152_0093 [consulté le 6 juin] 5 Blog, Le Blog Du Modérateur, «Chiffres Facebook 2017», https://www.blogdumoderateur. com/chiffres-facebook/ [consulté le 6 juin] M2 CPNM 21 Serjantu Olga
La comparaison de ces mêmes pages, avec et sans éléments visuels, permet d’affirmer à quel point les images sont porteuses de sens dans ce réseau mondial. Les éléments visuels permettent de communiquer beaucoup plus d’informations que les éléments textuels. Facebook a créé ces espaces dans des buts divers : pour la photo de profil, les miniatures de la photo de profil, la photo de couverture, les photos identifiées, une image résumant un post. L’espace pour la photo de profil n’est pas très grand, pourtant, elle est positionnée d’une telle manière qu’elle soit la première chose qu’on voit en arrivant sur la page d’un utilisateur. La page de profil, étant stratifiée, met la photo de profil sur la première couche de la page, comme un élément identificateur essentiel. Les images sont changées au fil du temps, de nouvelles identifications apparaissent et le profil subit des modifications au fur et à mesure. Afin d’exprimer un événement important, l’individu moderne prend une photo. Pour prouver cela à la communauté à laquelle il appartient, elle est souvent publiée sur Facebook. C’est aussi la raison pour laquelle Facebook a créé récemment la fonctionnalité «Souvenirs», qui nous envoie des notifications de souvenirs en nous le rappelant que «il y a 5 ans, vous avez publié ceci». Conscients du poids qu’ont les images dans la vie des gens, Facebook a rendu les images encore plus importantes, en les associant avec des souvenirs. Plus qu’un réseau social, il est devenu notre journal intime connecté. De plus, les images sur la page du fil de l’actualité, appelé Feed, ont subi une évolution considérable. Fil d’actualité Facebook 2008 - 2018 Non seulement les images sont de plus en plus présentes, mais leur taille a augmenté énormément. Le fil d’actualité tourne autour de l’image, c’est cet élément qui donne ou pas envie de cliquer. C’est une autre raison pourquoi les images occupent de plus en plus de place dans notre manière de voire le monde, qui est formaté aujourd’hui en partie par les médias sociaux. En dehors de la dimension d’un passeport numérique, Facebook attire autant de gens car ce réseau a, peu à peu, remplacé les journaux d’actualité. D’après l’étude menée par Reuters, Facebook reste le réseaux le plus utilisé pour diffuser des news, 41% des français l’utilisent pour s’informer. 1 1 BLOG DU MODERATEUR, https://www.blogdumoderateur.com/etude-consomma- 22 M2 CPNM Serjantu Olga
Bien qu’on continue toujours à lire les journaux en papier, la disponibilité instantanée et en temps réel est une caractéristique incontournable de notre addiction à ce réseau. Addiction maléfique ou bénéfique, seul l’utilisateur peut en décider. Tout de même, ce réseau reste le pont numérique entre la vie d’un individu ordinaire et le reste du monde. b. Instagram Racheté par Facebook en 2012, Instagram est devenu aujourd’hui un des réseaux incontournables basé sur l’image et la communication visuelle. Quand on dit Instagram, on entend image, car ce réseau a fait de l’image l’objet principal de toute interaction. Un outil qui est rentré, plus que les autres réseaux sociaux, dans l’intimité des gens. Un outil qui a vulgarisé la photo ordinaire en lui donnant une valeur importante, considérée jusqu’alors comme un objet sans intérêt. Les tendances visuelles, cela se passe sur Instagram. Les plus grands photographes ou vidéastes l’utilisent aujourd’hui pour partager du contenu. La cible, avide des images retouchées ou tout simplement jolies, a trouvé l’espace approprié pour «faire société» autour de l’image. Instagram, à mon avis et en tant qu’une amoureuse de l’image, a rendu la photo accessible et populaire, jusqu’en la banalisant. De nombreux profils existent, même de plus banals comme celui-ci qui est dédié entièrement au bruit de la coupe du pain. (Parfois, il ne faut pas se demander pourquoi…). Profil @cuttingbread4life sur Instagram De profils de tout genre ont vu le jour, la majorité sont de simples histoires de la vie quotidienne des gens. Depuis 2016, Instagram a développé la possibilité de créer un profil professionnel avec des thèmes prédéfinis : art, divertissement, culture, voyages, photographie, e-shop etc. Mais la plus-value de cette fonctionnalité est la possibilité d’ajouter un bouton «call to action» permettant de contacter le détenteur du compte. De plus, l’accès aux statistiques est également fourni avec le compte pro, ce que simplifie l’accès à la data et la rend plus compréhensible. Ce réseau, conçu pour une utilisation principalement sur mobile, a inspiré les gens à prendre des photos en toute occasion. L’image est le vecteur principal sur Instagram, elle prédomine partout, que ce soit sur le fil d’actualité, dans le fil des recherches ou sur la page de profil. La page de profil, contrairement à celle de Facebook, est présentée sous forme d’album de photos, rangées soigneusement sur un mur virtuel. Le côté sentimental est très présent sur Instagram car ce réseau est dédié aux photos sublimes et moments tion-information-france-2018/ (consulté le 20 juin) Serjantu Olga 23 M2 CPNM
heureux. Comme un héritage aux clichés parfaits, ce réseau incite les utilisateurs à parler à travers l’image, et à dévoiler, par le biais à cela, le meilleur de l’image. Instagram est devenu un média phare de l’image. Il compte plus de 800 millions d’utilisateurs, après Facebook et YouTube. Son succès, c’est sa communauté, qui regarde le monde à travers leur caméra et partage les moments ordinaires avec une communauté créative. Cela est prouvé également par les statistiques de notre questionnaire. Instagram est le réseau le plus utilisé parmi les réseaux principaux (Facebook, Linkedin, Twitter et Youtube) avec 45,2% de taux d’utilisation, suivi par Facebook à 25,8 %. Sur leur site officiel nous avons pu trouver une présentation visuelle de leur offre, accompagnée à chaque fois d’un texte court et des animations. Comme Facebook, Instagram propose à ses utilisateurs de faire la promotion de son entreprise à travers des image et des vidéos : «Assurez-vous de disposer d’une bonne luminosité pour prendre des photos de qualité avec votre téléphone mobile».2 L’incitation d’utiliser le mobile n’est pas un hasard. Tout d’abord cela s’explique par le fait que ce réseau est disponible sur portable. Deuxièmement, ce dernier permet aux individus d’accéder à ce réseau partout et tout le temps. Cela incite également à publier plus de photos car l’outil de création se trouve toujours dans leur poche. De plus, ce réseau incite non seulement à créer de jolies photos et vidéos, mais utilise pleinement ces moyens pour passer des messages clés «Il suit les trois mêmes principes créatifs que vous appliqueriez à n’importe quel canal marketing. Découvrez ces principes en vidéo».3 Cela prouve une fois de plus le mécanisme de communication de ce réseau se réalise à travers l’image, figée ou animée. Les applications liés, comme Hyper Laps ou Boomerang, permettent de créer des contenus de qualité pour tous ceux qui le souhaitent. Créer des gifs, des images 2 BUSINESS INSTAGRAM, site officiel de Instagram, https://business.instagram.com/a/ins- tagram-create-promotion?locale=fr_FR (consulté le 7 juin) 3 BUSINESS INSTAGRAM, https://business.instagram.com/getting-started/ (consulté le 8 juin) 24 M2 CPNM Serjantu Olga
animées ou des vidéos courtes n’est plus désormais réservé seulement aux agences de création. Chacun peut devenir photographe s’il le souhaite. C’est d’ailleurs pour cela que le métier de photographe est devenu d’autant plus précieux. Face à la profusion de quantité de photos floues et mal cadrées, le travail de photographe pro est d’autant plus contrasté et apprécié. La photo est donc au coeur de ce média. On voit bien dans l’image ci-dessous que sans photos, Instagram perd toute sa fonctionnalité. Supprimant les images et les vidéos, qui sont les principaux canaux de transmission de l’information sur ce réseau, Instagram reste denué de sens, et les utilisateurs n’y trouveront certainement aucune utilité sans ce médium. De plus, d’après notre questionnaire, 54,8% de personnes affirment que Instagram est le réseau que ressemble le plus à leur personnalité, grâce à son côté créatif et artistique. Il faut également mentionner le fait que les personnes interviewés viennent des milieux et études différentes. M2 CPNM 25 Serjantu Olga
c. Linkedin LinkedIn est le premier réseau social professionnel au monde, utilisé par plus de 115 millions 1 de personnes. Ce réseau, qui a aussi une portée business, possède un business model freemium, c’est à dire qu’il propose des packages de comptes gratuits, mais également des comptes payants plus complets. Outre le fait qu’il offre les mêmes fonctionnalités que Facebook ou Instagram, ce réseau permet d’effectuer des recherches d’emploi et d’accéder à d’autres fonctions tel que carrière, éducation ou solutions professionnelles. Sa structure, similaire au curriculum vitae, permet d’afficher ses expériences professionnelles, son poste actuel, ses études et ses compétences. Ce réseau n’est pas axé sur l’image, bien qu’il a subi au cours des ans de nombreuses modifications de sa structure et son design, tourné de plus en plus vers l’image. Tout comme les autres réseaux sociaux, l’image de l’individu est essentielle et donne une valeur à son profil. Sans photo, le profil paraît suspect et abandonné, même si LinkedIn n’est pas un réseau social privilégiant l’image. Le texte est prédominant, le profil numérique d’un individu se construit majoritairement par des mots et des articles publiés. LinkedIn a l’image d’un journal spécialisé. La signalétique prédominante sur le site est neutre, liées aux articles et aux logos des entreprises. Contrairement au Facebook, qui propose «d’ajouter des amis», LinkedIn suggère de «développer son réseau». Ces critères suffisent pour comprendre pourquoi la densité des images est différente que sur Facebook ou Instagram, qui est lié tout simplement aux objectifs différents de ces réseaux. A l’inverse de deux réseaux sociaux évoqués plus haut, LinkedIn est marketé non seulement à travers les conseils de création de contenu, mais aussi à travers des vidéos sur différentes thématiques publiés sur YouTube. Ce réseau a gagné en renommée et en utilisateurs grâce à une popularité organique. Il utilise également le storytelling pour donner des conseils ou communiquer sur ses fonctionnalités et opportunités. 1 BLOG DU MODERATEUR, https://www.blogdumoderateur.com/50-chiffres-medias-so- ciaux-2018/ (consulté le 8 juin) M2 CPNM 26 Serjantu Olga
Son principal médium est YouTube. Sur le compte LinkedIn, des vidéos de différents genres sont publiées : comment débuter sa carrière, comment trouver le job de ses rêves, comment apprendre et comment réussir avec LinkedIn. Cela crée une certaine proximité avec ses utilisateurs, les guidant et les inspirant. Axé sur la croissance professionnelle, le site officiel de la plateforme contient moins de visuels. On y trouve, en revanche, beaucoup de texte et des logos d’entreprises. Les vidéos de promotion viennent appuyer toute cette information. Elles sont dynamiques, esthétiques et touchantes par les images et les sujets choisis. Une seule voix off guide le spectateur, les yeux collés aux flux d’images défilantes avec vitesse. Elles sont neutres et professionnelles tout en restant simples et émouvantes. Les principes de base de publicité sont appliqués : les vidéos LinkedIn sont inspirantes, donnant l’impression que seulement cette plateforme peut vous aider à trouver le job parfait. L’image que LinkedIn s’est construit a plusieurs facettes : apprendre, inspirer, aider. Les résultats de notre questionnaire en témoignent la même tendance : 71% des personnes interviewés utilisent Linkedin comme une carte de visite professionnelle. Bien que l’image n’est pas valorisée sur cette plateforme, nous remarquons que Linkedin propose de plus en plus de personnaliser son espace, en ajoutant par exemple une photo de couverture sur son profil. Un visuel est également exigé lors de la publication d’un article, ce que n’était pas le cas avant. Cela a comme but non seulement d’enjoliver la navigation, mais aussi de suivre les tendances actuelles des plus grands réseaux sociaux. M2 CPNM 27 Serjantu Olga
CONCLUSION de «L’analyse de la manière dont les réseaux sociaux sont marketés auprès du grand public» A la suite de cette analyse, nous pouvons observer plusieurs points communs entre les 3 réseaux étudiés, qui peuvent également s’étendre aux autres réseaux. D’une manière générale, le point commun indéniable de chaque réseau social est l’ergonomie que guide l’utilisateur dès le départ et à chaque étape de son expérience. Ces médias disposent d’un mécanisme prédéfini afin d’inciter les utilisateurs à être actifs et à interagir avec la communauté. A titre d’exemple, nous avons vu l’architexte de Facebook, construit dans le but d’orienter l’attention de l’utilisateur vers l’image de sa page de profil et vers son identité au fil des années. Contrairement à Linkedin, qui incite ses utilisateurs à avoir une posture corporate et partager des informations professionnelles. Instagram, a le rôle d’un album de photo, favorisant les beaux moments et la beauté qui nous entoure. Deux aspects prédominent : l’image et les données chiffrées. L’image est mise au coeur des interactions et de la sociabilité. La quantité, au détriment de la qualité, prime sur ces réseaux (le nombre d’amis, de likes, de commentaires, de personnes dans son réseau etc.) Les chiffres sont des indicateurs forts pour ce média contemporain, au contraire de la qualité, tout comme l’image au détriment du texte. M2 CPNM 28 Serjantu Olga
2. L’IMAGE EN TANT QUE VECTEUR ET MOYEN DE COMMUNICATION AU QUOTIDIEN Plus que des simples moyens de communication, les images constituent la quintessence de nombreux réseaux sociaux, elles surpassent souvent les mots. Le succès des réseaux sociaux tels Instagram, SnapChat, Pinterest ou Tinder n’est pas anodin car cela correspond au glissement de la tendance où le texte dominait vers des réseaux où l’image est devenue surpuissante. On peut tout simplement observer le nombre de clichés pris par la génération X et Y. Les albums de voyage, les interminables selfies à toute heure, les photos des plats ou les photos artistiques. La tendance de prendre une photographie pour sauvegarder un moment est aujourd’hui d’actualité. Un moment partagé est un moment figé, car cela nous donne l’impression que la mémoire collective est plus puissante que la nôtre. Plus que symbolique, l’image est devenue un objet de communication. Les réseaux sociaux participent activement à consolider cette tendance. Facebook privilégie l’image à une publication seulement textuelle. Une image vaut mille mots, se sont- ils dit. Selon la sociologue et psychologue Nicole Aubert,1 la tendance actuelle c’est «l’intensité de l’instant», or, les formes et les couleurs ont un impact plus puissant sur l’individu, c’est le langage le plus signifiant avec une action immédiate. De nombreuses techniques sont employées sur ces réseaux. Facebook par exemple incite à publier des photos ou s’y référer : changer facilement la photo de profil en image animée, changer la photo de couverture, créer des albums, des carrousels de photos, partager quotidiennement des photos «souvenirs», des clips pour visualiser son année créés également à partir des photos, des filtres photo en lien avec des grands événements. Bref, de nombreuses possibilités mettent en avant la photo, en tant qu’objet, en tant que vecteur de notre propre image et personnalité. Sur Instagram, une tendance récente, développée au début par Snapchat, est de documenter sa vie à travers les stories. Les stories sont des vidéos ou photos publiées aux dimension des écrans de smartphones avec une durée d’une journée. On voit alors apparaître des vidéos ou des albums photos d’un niveau professionnel qui servent à raconter sa journée. En outre, c’est aussi un moyen intelligent de donner envie de publier plus. Cela a créé la différence entre les photos publiées sur le profil, et les stories, ces dernières étant plus nombreuses et quotidiennes. L’image est de plus en plus mise en avant, mais n’en reste pas moins visible grâce aux lignes de code et aux métadonnées invisibles à l’oeil de l’internaute. L’image est toujours 1 VERDET, Antoine , « Le rôle de l’image n’est plus simplement d’informer le consommateur, mais de l’immerger dans une expérience », Le Monde, mai 2017 [en ligne] https://www.lemonde. fr/idees/article/2017/05/29/le-role-de-l-image-n-est-plus-simplement-d-informer-le-consomma- teur-mais-de-l-immerger-dans-une-experience_5135631_3232.html (consulté le 20 juin) M2 CPNM 29 Serjantu Olga
accompagnée par un texte,ce que montre la convergence de ces deux moyens de communication. Si un fragment de texte peut vivre de manière autonome, cela n’est pas encore vrai dans le cas inverse. Le besoin des mots est encore une réalité. Grâce aux bribes de textes explicatifs, l’image gagne en visibilité et en compréhension sur nos écrans de portables et dans le paysage numérique. Selon Laurence Allard les smartphones ont rendus possible la tendance de «je vois, j’envoie»2 qui s’inscrit dans un double habitus des digital natives. Cela donne l’impression de créer une continuité du moment présent. Comme l’explique l’auteure, le smartphone permet cette double fonction d’une technologie de soi et pour soi. Les photographies de l’instant permettent de créer et reproduire des émotions dans une situation donnée, ce qui était plus difficile à réaliser avec un texte. Plus que des simples éléments iconographiques, les photographies traduisent certaines facettes de la personnalité de l’usager. L’image objet, à l’ère de l’individuation et de l’hyper concentration sur «soi» a motivé les usagers à publier des nombreux contenus de leur vie mais aussi de leur corps. Un de ces contenus a été désigné «le mot de l’année» par le dictionnaire d’Oxford en 2014. Il s’agit du mot «selfie». Que ce soit dans le but de confirmer sa présence dans un lieu ou dans le but de se montrer, le mécanisme reste le même : se prendre en photo. Le plus souvent avec un smartphone. Cette pratique s’est massivement démocratisée au cours des dernières années, comme pour prouver «à soi-même qu’on existe». Le selfie a pénétré toutes les sphères de la vie : professionnelle, privée, publique. Cette tendance définit la société moderne - une «société du spectacle qui aime regarder et se regarder», comme expliqué par Pauline Escande-Gauquié dans son ouvrage.3 2 ALLARD, Laurence, Express Yourself 3.0 ! Le mobile comme media de la voix intérieure. Entre double agir communicationnel et continuum disjonctif somatechnologique, 2005 [en ligne], http://www.academia.edu/9298589/Express_Yourself_3.0_Le_mobile_comme_media_de_la_voix_ int%C3%A9rieure_Entre_double_agir_communicationnel_et_continuum_disjonctif_soma-tech- nologique (consulté le 20 juin) 3 ESCANDE-GAUQUIÉ, Pauline, «Tous selfie ! Pourquoi tous accro ?», Éditions François Bourin, 2015 30 M2 CPNM Serjantu Olga
Si le mot, devenu une pratique, s’est mondialisé en 2014, le concept d’autoportrait existe depuis de centaines d’années. L’autoportrait a émergé grâce à la mise au centre de l’homme en tant qu’un sujet important et à part entière, sur la même échelle que le divin. Nous pouvons attester cela avec les autoportraits de peintres célèbres comme Vincent Van Gogh , Claude Monet ou encore Jan Van Eyck. De nos jours, la pratique de selfie traduit une volonté de l’individu moderne de s’affirmer dans le monde virtuel infini. Perçu souvent comme une pratique narcissique, le selfie englobe un concept beaucoup plus vaste : «A l’autoportrait d’hier – qui coïncidait avec la naissance du sujet – répondrait aujourd’hui au selfie – qui coïncide avec celle du moi virtuel.»1 C’est dorénavant une pratique habituelle, faisant converger les tendances culturelles et technologiques vers un même point - l’individu. Parler de la tendance «selfie» nous semble pertinent car elle porte une dimension sociale forte. Selon les statistiques présentées par Le Figaro, chaque seconde 1 000 selfies sont prises dans le monde.2 Ces photos sont publiées sur les réseaux sociaux pour montrer son rattachement à une communauté. Publiés dans le but de partage, elles sont souvent retouchées dans le but de donner bonne impression et se montrer de la meilleure des façons. Des dizaines de selfies sont prises avant qu’une seule soit publiée, car l’autoportrait contemporain ne vise plus à représenter l’individu au plus proche de la réalité, mais plutôt au plus proche de ses désirs de réalité. Ces autoportraits sont prises dans les meilleurs moments, pour montrer la meilleure version de son quotidien, tel un fantasme de nous-même et un reflet amélioré. 1 GODART, Elsa, Je selfie donc je suis - Les métamorphoses du moi à l’ère virtuel, édition Albin Michel, 2016, chapitre 7 « Une révolution esthétique » 2 BEGOT, Amandine, RTL Radio, Aout 217 [en ligne] http://www.rtl.fr/actu/debats-societe/ chaque-seconde-1-000-selfies-sont-pris-a-travers-le-monde-7789857582 (consulté le 26 juin) 31 M2 CPNM Serjantu Olga
Pour finir, cette pratique désigne un vrai enjeu culturel et social, une manière de penser et de voir le monde. Des nombreux ouvrages, études et recherches lui sont dédiés (Elsa Godart «Je selfie donc je suis», Bertrand Naivin «Selfie : un nouveau regard photographique», Pauline Escande-Gauquié «Tous selfie ! Pourquoi tous accros ?» etc.) M2 CPNM 32 Serjantu Olga
3. L’IMAGE EN TANT QUE MOYEN D’AFFIRMER SON APPARTENANCE À UNE COMMUNAUTÉ L’image, en tant qu’objet ou symoblique, évolue dans la relation qu’elle entretien tantôt avec l’individu, tantôt avec sa communauté. Tant qu’une image ou une information reste stockée dans le portable d’un individu, il n’y a aucune répercussion sur son profil numérique. Le processus ne prend forme qu’une fois cette information partagée avec la communauté. L’image objet devient alors une image sociale, avec ses conséquences et ses dimensions. De ce processus découle une nouvelle forme, celle de l’image de soi au sein d’une communauté. D’une dimension plus importante et plus significative. L’image de soi sur les réseaux sociaux vit à l’aide des textes, des retombées de la part de la communauté, mais aussi des données quantifiables telles des statistiques. Une quantité phénoménale de données sont captées et analysées par différents capteurs et algorithmes. Le temps de connexion, le nombre de likes et d’interactions, les pages consultées etc., les réseaux sociaux gardent nos traces et nous connaissent presque par coeur. C’est important aussi de souligner que ces données ont un fort potentiel commercial. Elles constituent le nouvel or d’aujourd’hui. Ces données clés montrent l’intérêt que provoque une publication. Plus il y a de l’engagement, plus la communauté voit la publication et contribue à la popularité de l’individu. Nous parlons ici de e-popularité ou e-réputation. Chaque individu peut mesurer plus ou moins sa popularité en ligne, que ce soit par des statistiques «clés en main» ou par sa propre appréciation. Étant de plus en plus présents sur le web, on associe plus volontiers la notion d’identité numérique avec celle d’e-réputation. C’est un faux amalgame car l’identité numérique est censée être notre personnalité, alors que l’e-reputation est l’opinion des autres sur nous. L’une ne doit pas se confondre avec l’autre, mais souvent c’est la quête de l’e-réputation que l’individu cherche sur le net. Pour prouver à soi-même qu’il est digne d’une communauté ou pour se sentir plus à l’aise dans sa peau ? C’est à chacun d’en décider. Il est important de comprendre ce qu’apporte l’approbation d’une communauté à un individu. Tout d’abord, un individu publie du contenu The Kid, by iHeart. Une photo reprise par l’artiste Banksy sur une communauté qui lui est similaire, de par son âge, ses intérêts, ses appartenances sociales. La publication des contenus est soumise à des risques, c’est à dire des retours positifs ou négatifs de la part de cette communauté. Mais sachant quels retours positifs l’individu peut en tirer, le bénéfice est trop tentant pour ne pas essayer de l’obtenir. Le meilleur retour qu’une communauté M2 CPNM 33 Serjantu Olga
peut apporter c’est de reconnaître et apprécier ce qu’un individu est et représente. Les réseaux sociaux donnent l’impression de pouvoir gagner une notoriété d’une manière assez simple, mais, de l’autre côté éphémère. Comme disait Andy Warhol : «A l’avenir, chacun aura droit à son quart d’heure de célébrité mondiale».1 La dépendance aux réseaux sociaux n’est pas un fait anodin. Dès le début ce média a été conçu pour rassembler les gens et créer du lien entre eux, mais au fur et à mesure ce lien est devenu si fort et proche de la réalité qu’il s’est transformé en une nécessité. Pour appuyer ce fait, nous pensons à la pyramide de Maslow qui représente les 5 paliers des besoins vitaux de l’homme. Dans ce cas, cette pyramide a été adaptée selon les besoins de l’homme moderne et social, dans le contexte des réseaux sociaux. Nous pouvons remarquer qu’il existe des objectifs et des besoins différents selon le degré d’utilisation des réseaux sociaux. L’accomplissement personnel ne vient pas du simple fait d’utiliser les réseaux numériques, mais de créer et d’être apprécié, lu, vu, entendu. Les réseaux sociaux permettent cette merveilleuse opportunité de montrer la vie sous les plus beaux angles. Le point commun de toutes les photos publiées sur ces réseaux est de montrer le quotidien et notamment sa beauté. A partir du moment où la recherche de la beauté prend une dimension sociale, cela a un impact significatif sur la vie de l’individu. Plus notre vitrine sur les réseaux sociaux brille, plus notre estime est grand et imposant. L’individu social ne rate aucun moment pour se mettre en scène. Comme l’explique Erving Goffman dans son ouvrage «La mise en scène de la vie quotidienne»2 , cette attitude permettrait de se rapprocher des normes établies par la société et de se valoriser en fonction de celles-ci. L’individu joue des rôles différents selon les situations 1 Site de citations, Le Monde, http://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-34533.php 2 GOFFMAN, Erving, «La Mise En Scène De La Vie Quotidienne», https://www.babelio. com/livres/Goffman-La-mise-en-scene-de-la-vie-quotidienne-tome-1--la/847936 34 M2 CPNM Serjantu Olga
et le public avec lequel il interagit. L’auteur emploie le mot «personne» qui «dans son sens premier signifie un masque».3 Tout le monde, toujours et partout joue un rôle, plus ou moins consciemment. Les réseaux sociaux se présentent alors comme des espaces pouvant accomplir ce désir de représentation, permettant de jouer des rôles souhaités, parfois même idéalisés dans la vie virtuelle mais possible dans celle réelle. Dans ce climat, il existe des tas d’applications de retouche photo, tout comme des applications de retouche de visage en temps réel, comme Facetune ou Make Up Genius, ou même Snapchat qui permet d’affiner le visage et le publier en un clic sur son profil. L’exigence et la critique d’autrui étant plus élevées en ligne, tous les moyens sont bons pour se rapprocher des standards de la société, mais sont-ils vraiment atteignables ? Certains sont un peu plus en avance dans cette course et ont réussi à s’autopromouvoir en ligne par eux-mêmes. Nous parlons ici de Personal Branding. Cela consiste à se valoriser soi-même comme étant à la fois une marque et à la fois une agence de communication. Des Youtubeurs et Instagrammeurs connaissent la popularité à travers des milliers de fans et de likes. Le Personal Branding renvoie à une communication de «soi» parfaitement orchestrée. Nous reviendrons dans la troisième partie sur les effets néfastes de ce style de vie. 3 Universalis, «De l’etymologie à a métaphysique», https://www.universalis.fr/encyclopedie/ personne/1-de-l-etymologie-a-la-metaphysique/ (consulté le 26 juin) 35 M2 CPNM Serjantu Olga
CONCLUSION de «Les réseaux sociaux accordent une place centrale à la communication visuelle et à l’image» En guise de conclusion pour cette première partie nous pouvons affirmer la première hypothèse : «Les réseaux sociaux accordent une place centrale à la communication visuelle et à l’image». Dans cette partie nous avons essayé de démontrer l’évolution de la place de l’image sur les réseaux sociaux et, respectivement, dans la vie des utilisateurs. Nous avons noté que l’image est de plus en plus utilisée comme moyen de communication, au détriment des longs textes. Celle-ci est présente de plus en plus sur les pages de profil et sur le fil d’actualité. Les bâtisseurs des réseaux sociaux lui ont trouvé des utilisations supplémentaires : photo-souvenir, photos-carrousels, photos-résumé etc. Bref, la place de l’image est le message. 1 Cependant, l’image de soi est elle aussi de plus en plus importante, traduite quant à elle par le biais des photos publiées en ligne, en quête toujours de l’image parfaite. Le besoin d’enjoliver son quotidien et de le partager avec une communauté présente 24/24 sur le net est lié à un besoin purement social, celui de prouver son appartenance à une communauté. A travers son identité numérique, l’individu cherche finalement à accéder à une autre identité, notamment l’identité collective. Les liens faibles que l’individu crée sur les réseaux sociaux sont devenues tellement forts et proches de la réalité que c’est désormais un besoin plus qu’un moyen de divertissement. Étant le maître de son image réelle, l’image numérique est souvent soumise au verdict de la communauté dans laquelle elle apparaît. Ainsi, l’individu se trouve constamment et malgré lui au carrefour entre son désir d’appartenir à une communauté et son envie d’affirmer ses différences et sa personnalité qui le rend exceptionnel. Grâce aux nombreux réseaux sociaux existants, l’individu a la possibilité de varier son profil numérique selon le réseau numérique utilisé. C’est ce que nous étudierons dans la partie suivante. 1 MCLUHAN, Marshall, «Medium is the message» M2 CPNM 36 Serjantu Olga
II. L’IDENTITÉ NUMÉRIQUE - UNE VARIABLE CHANGEANTE QUAND AU TYPOLOGIE DES RÉSEAUX SOCIAUX UTILISÉS Le processus de création et de développement de nos profils sur les réseaux sociaux, semblent s’adapter de plus en plus à nos vies et suivre le rythme de nos journées. Ces réalités virtuelles sont de plus en plus présentes, créant, nous semble- t-il, une réalité parallèle à celle hors ligne, devenant de plus en plus crédible, plus représentative. Dans ce chapitre nous allons étudier les variations de nos profils sur les différents réseaux, parmi ceux, que les digital natives utilisent majoritairement chaque jour : Facebook, Instagram et Linkedin. Pour chaque réseau nous nous créons un profil différent, la question que nous allons nous poser ici c’est «pourquoi?» Quels sont les facteurs qui nous influencent à nous donner des allures différentes ? Et au final, laquelle parmi toutes est la vraie ? L’objectif est de comprendre comment fonctionne l’individu sur les différents réseaux sociaux selon les représentations qu’il souhaite véhiculer. 1. A CHAQUE RÉSEAU - SON PROFIL NUMÉRIQUE Les plateformes sociales numériques permettent à l’individu de contrôler le flux d’informations qu’il publie, et ainsi donner l’impression qu’il souhaite avoir auprès de ses amis virtuels. Pour évaluer si le titre de ce chapitre est vrai, nous allons nous intéresser à la matière primaire et plus accessible des réseaux sociaux : les images. Les statuts publiés et les articles repartagés peuvent être aussi soumis à des évaluations, mais nous allons nous centrer sur les images car c’est la voie la plus directe au profil numérique, la plus évocatrice et symbolique. Selon les différentes plateformes, un même individu ne publie pas le même contenu ni les mêmes photographies. Comment s’articulent les identités de l’individu sur les réseaux sociaux ? Nous pouvons donc remarquer qu’un même individu ne se devoile pas de la même manière sur LinkedIn, Facebook ou Instagram. M2 CPNM 37 Serjantu Olga
Photographies de profil d’une même personne sur 2 réseaux différents : Facebook et Linkedin Quand on pense à Instagram, un des premiers mots qui nous vient à la tête c’est #selfie. Comme nous l’avons évoqué dans la première partie, Instagram a démocratisé la pratique de l’autoportrait sous la notion de selfie. Ce type de photographie est très récurrente sur ce réseau. L’ambiance donnée à ces photos est souvent décontractée (lunettes de soleil, chapeau etc. ). Nous retrouvons également certaines poses populaires recopiées par toute la communauté, comme par exemple le duck face ou la photo dans le miroir. On note également la colorimétrie des photos, souvent très pop et bien travaillée. C’est la même chose pour le visage, qui souvent subi des jeux de lumière pour paraître parfait. A la différence de deux autres réseaux, sur Instagram on publie souvent des photos d’une faible importance, c’est à dire des photographies ordinaires de quotidien, de la nourriture, des couchers de soleil, de nos chats etc. Contrairement à LinkedIn, Instagram est un réseau utilisé pour montrer la beauté de la vie, sa légèreté et splendeur. Sur Linkedin, la majorité des photos sont sobres et neutres, souvent prises en costume et sur un fond blanc. En tout cas, ce sont les normes non écrites de ce réseau. Les individus privilégient la photographie la moins retouchée, en mode portrait et en gros plan. Contrairement à Instagram, la but des photos de profil sur Linkedin c’est de montrer l’individu de manière nette, sans accessoires ou objets en arrière plan. Telles des photos de carte d’identité, les images sur Linkedin ne permettent pas de déceler les traits de personnalité d’un individu. Pour finir, Facebook se présente à la fois avec le style sobre de Linkedin, à la fois avec celui décontracté de Instagram. Ce réseau ne connaît pas de règles, tellement il est vaste. Les individus publient des photos neutres, tout comme des photos décontractées. Finalement, c’est l’individu qui définit le style et écrit les règles de son profil, et non le contraire, comme sur les deux réseaux précédents. M2 CPNM Photographies de deux personnes différentes sur Facebook Serjantu Olga 38
Le point commun de ces trois réseaux, mais également des autres réseaux sociaux, c’est que l’individu est l’élément central des photos de profil. Le but est, sans aucune hésitation, de plaire à autrui et d’affirmer ainsi sa personnalité. Arriver à conjuguer ces deux éléments nous propulse directement à la 5ème étape de la pyramide de Maslow. Les contenus publiés sur un réseau, semble être difficilement publiables sur un autre. Dans ce climat, l’individu se définit des rôles selon différents réseaux numériques et en conformité avec la communauté à laquelle il fait face. Nous nous exposons des différentes manières sur différents réseaux sociaux car chacun d’entre eux nous permet de dévoiler une facette particulière de notre personnalité. Ainsi, l’essentiel c’est de ne pas montrer sa personnalité en intégralité, mais dévoiler les meilleurs aspects selon le public auquel il s’expose. La complémentarité de tous les réseaux utilisés donne justement la personnalité d’un individu, le «moi» intégral. A chaque moment, l’individu moderne dévoile un visage différent, fragmente sa personnalité en plusieurs facettes afin de correspondre à ce que le monde attend de lui. Suite à notre questionnaire, 74,2% ont affirmé que leurs photos sont différentes selon les réseaux sociaux utilisés. Nous avons envie d’être partout, toujours présents et attentifs. Car les autres le sont, alors la contrainte est une norme, se transformant en stress si nous n’arrivons pas à la gérer. La diffraction de l’individu sur les réseaux sociaux nous renvoie directement aux différents comportements que nous adoptons dans la vie réelle selon les groupes qu’on fréquente : les amis, la famille, le travail, les inconnus etc. L’identité numérique changeante est donc présente aussi dans la vie déconnectée. Ce processus est très bien décrit par Elsa Godart dans son livre «La psychanalyse, va-t-elle disparaître ?» : «Corollaire à cette société postmoderne : la déréliction - ou l’éclatement, voire la diffraction de l’individu. Avec en creux, bien entendu, la question de l’identité : à chaque moment, l’individu arbore un visage, un masque différent.» 1 La porosité entre ces deux espaces, virtuel et réel, est un sujet étudié aussi par Antonio Casilli dans le livre «Les liaisons numériques, vers une nouvelle sociabilité ?». Selon lui, les termes employés par rapport à l’utilisation du numérique ne sont pas créés par hasard. Tel des espaces de vie, nous «visitons» des pages web, «entrons» sur un site, nous avons des «adresses» mail, des sites «d’hébergement». L’association entre les espaces web et les lieux de vie est un fait réel. «Ces expressions sont aussi le symptôme de notre manière de penser ces technologies : visiblement, nous associons volontiers l’information et la communication à la notion d’espace.»2 Encore un argument de penser le monde numérique en tant que monde à part entière, sauf pour la partie physique. C’est aussi pour cela qu’il existe de vraies risques d’addiction au monde déconnecté. Par sa complexité, nous avons l’impression de ne rien manquer en naviguant une journée entière sur le web, pourtant, sur la durée, cela nous prive des composantes essentielles et indispensables pour une vie sociale saine. 1 GODART, Elsa, «La psychanalise vat-elle disparaitre?», Albin Michel, 2018 2 CASILLI, Antonion, Les liaisons numériques, vers une nouvelle sociabilité ?, édition Seuil, 2010, p19 39 M2 CPNM Serjantu Olga
Cela nous amène à regarder de plus près le rapprochement entre ces deux mondes. Dans ce sens Antonio Casilli évoque la notion de «liens faibles», qu’il définit comme des rôles reconfigurables d’un simple clic de souris. «Les liaisons numériques sont traversées par une envie contradictoire : construire une sociabilité forte basée sur des « liens faibles »».3 La sociabilité apportée par les réseaux ne peut pas être remplacée par celle de la vie réelle. Un équilibre est établi quand elles se complètent mutuellement. Les amis virtuels sont en grande partie un acte déclaratif, ils ne sont pas semblables aux amis dans la vie réelle, même si parfois des amitiés se créent d’abord sur les réseaux pour être après renforcées dans la vie déconnectée. La notion de l’espace-temps est très importante dans le rapport vie réelle-vie virtuelle. Le temps est réduit à l’instantanéité quand on parle des réseaux. Selon le réseau, le temps est valorisé différemment. Vivre le moment présent correspondrait au Snapchat et aux stories de Instagram, ou même Twitter. Facebook et Linkedin se rapportent à un délai de temps plus large. Le temps est perçu différemment quand on navigue en ligne, ce que nous donne l’impression de jongler entre différents mondes en simultané. Ce constat nous mène directement au sous-chapitre suivant. 3 CASILLI, Antonio Les liaisons numériques, vers une nouvelle sociabilité ?, édition Seuil, 2010, p13 40 M2 CPNM Serjantu Olga
2. LA GESTION DE PLURI-FACETTES DANS L’ESPACE NUMÉRIQUE Sur les réseaux sociaux la notion de temps existe en accélération. Etant donné que chaque réseau représente une facette spécifique de la personnalité d’un individu, le fait de pouvoir passer d’une facette à l’autre, lui donne impression de gérer ces facettes en même temps, sans avoir le sentiment de coupure entre celles ci. Dans la vie réelle, au contraire, l’individu doit prendre le temps de se déplacer entre les lieux, ce que implique une fragmentation entre le lieu de son travail et la maison, par exemple. Sur le web, cette fragmentation n’existe pas. Il se produit alors un affranchissement de l’espace-temps, les identités numériques sont superposées, mais peuvent en même temps exister de manière indépendante car elle sont hébergées sur différents réseaux. C’est cela la plus grande différence avec le monde réel. L’individu est en mesure d’être partout quand il le souhaite. L’accélération est ici et aujourd’hui. La possibilité de basculer entre diverses facettes peut provoquer, à long terme, une perte de repères et un stress constant due à l’effacement des limites. «Les comportements individuels comme ceux du collectif sont entraînés dans ce mouvement de surenchère, d’excès où la tentation de l’extrême se fait toujours plus forte». 1 Nous reviendrons sur ce point dans la prochaine partie où nous aborderons les effets négatifs d’un usage abusif des réseaux sociaux. Pour s’adapter et ne pas se confondre dans le jeu vie réelle/vie virtuelle, l’individu doit apprendre à lier les deux niveaux, de la même manière comme nous avons évoqué plus haut le fait de complémentarité des amis virtuels et réels. Si cette liaison n’existe pas, l’individu peut se sentir réduit à une seule partie de l’identité. L’exemple le plus commun ce sont les gamers qui consacrent la majeure partie de leur temps, les yeux rivés sur l’écran, se retrouvant ensuite inadaptés à la vie sociale réelle. On remarque ainsi que l’individu semble mieux cerner ces deux identités lorsque l’espace et le temps sont dissociés. Le souci de pouvoir bien discerner les deux vies (virtuelle/réelle) réside dans la cohabitation simultanée de ces représentations. Le va et vient entre ces deux mondes doit passer par un lien conscient qui complète un monde par un autre et à l’inverse. L’accès instantané aux plateformes sociales peut amener l’individu à la confusion. Pour éviter cela, l’individu doit apprendre à créer du lien entre les plateformes sociales et à gérer ses profils situés à des niveaux différents. Dans la vie réelle cela arrive de manière naturelle car le temps est linéaire et non superposé. La gestion de pluri-facettes dans les réseaux sociaux peut bien sûr nous permettre de développer nos différents facettes voire talents (beaucoup de gens se sont rendus compte de vouloir devenir photographes ou artistes en s’inscrivant sur Instagram, les utilisateurs passifs de MySpace ont découvert leur passion pour l’écriture..). Néanmoins, la question existentielle de Montaigne «Qui suis-je?» trouve ses réponses avec plus de difficulté dans le paysage ultra connecté et plein de possibilités éparpillées sur le réseau numérique géant. 1 GODART, Elsa, «La psychanalise vat-elle disparaitre?», Albin Michel, 2018 Serjantu Olga 41 M2 CPNM
CONCLUSION de «L’identité numérique - une variable changeante quand au typologie des réseaux sociaux utilisés» Dans cette partie nous avons vu à travers des exemples et des explications la véracité de la deuxième hypothèse. En effet, la profil numérique de l’individu varie selon le réseau social utilisé. Cependant, il tire son inspiration de sa propre réalité pour enrichir celle virtuelle. Il existe également une corrélation entre les espaces réels et virtuels : notre maison pour Facebook, le travail pour Linkedin, les vacances pour Instagram. La porosité de ces deux mondes a aussi des limites. En effet la notion de temporalité entre en jeu quand nous sommes déconnectés. Les facettes qu’on adopte selon un public différent dans la vie réelle sont plus ou moins naturelles et ne se croisent pas, évoluant d’une manière isolée mais complémentaire. Sur le web, l’individu gère ces facettes de manière simultanée et instantanée, l’espace- temps étant confondu en un. Cela cependant peut amener à une perte de repères, que ce soit par la distanciation du réel ou par le changement des modes de vie. M2 CPNM 42 Serjantu Olga
III. LES RÉSEAUX SOCIAUX INFLUENCENT NOS HABITUDES ET NOTRE QUOTIDIEN A travers les parties précédentes nous avons vu qu’il existe une véritable perméabilité entre le profil numérique d’un individu et sa vie réelle, tout comme entre différents réseaux sociaux qu’il utilise en simultané. Dans cette troisième partie nous allons étudier les impacts, tant négatifs que positifs, des réseaux sociaux numériques sur le comportement et les habitudes de leur utilisateurs. La gestion de deux mondes parallèles, l’importance accordée aux jugements de nos pairs sur les réseaux, l’envie d’appartenir à une large communauté existante majoritairement en ligne; ce sont les diffractions que subit l’individu moderne. Alors, quelles conséquences cela apporte sur le comportement de l’individu ? Quels sont les bienfaits mais aussi les dommages que ces nouvelles tendances impliquent ? Comment les comportements et le mode de vie sont-ils modifiés ? Quelle nouvelle société cette révolution nous prépare ? Nous tenterons ici de répondre à ces questions, et apporterons des cas précis recueillis avec notre questionnaire et des exemples marquants trouvés sur le web. 1. VIVRE À TRAVERS LES RÉSEAUX SOCIAUX Afin de mieux comprendre l’impact des réseaux sociaux sur leurs utilisateurs, nous allons observer l’impact de ces derniers sur les jeunes. L’individu en phase de création identitaire est très vulnérable aux changements de la société dans laquelle il grandit. Il reflète au mieux une société, tel un miroir dont la seule fonctionnalité c’est de renvoyer l’exacte forme d’un objet. Les jeunes, nés après les années 2000 n’ont ( malheureusement ou heureusement? ) pas connu un monde sans portables et sans réseaux sociaux. Leur identité s’est construite en parallèle avec une identité numérique. Certains avouent «se confondre entre celui qu’il est en ligne et celui qu’il est vraiment»1 , à force de voir des mises en scène de la vie de leurs pairs. Dans cette nouvelle ère, le «like» est devenu la nouvelle référence d’appréciation. Cette forme d’énonciation immédiate permet à tout à chacun d’exprimer ses préférences 1 TURKLE, Sherry, Seuls ensemble – De plus en plus de technologies de moins en moins de relations humaines, édition L’échappée, 2015, p421 43 M2 CPNM Serjantu Olga
et son adhésion. Selon Dominique Cardon, cette écriture en ligne se rapproche «des formes oralisées de la conversation ordinaire»2 par son format simple et immédiat. Si le like est une forme beaucoup moins exigeante, c’est pour donner la possibilité à tous ceux qui souhaitent de publier en ligne sans se soucier du format et des formes textuelles. Cela rend également possible l’expression spontanée des opinions, des sentiments, de la créativité. C’est ainsi qu’une nouvelle réputation est créée, basée non sur le mérite, mais sur la quête de visibilité. Antonio Casilli pointe la nouvelle influence créée par les réseaux sociaux vers la quête d’un corps parfait. Internet véhicule d’une manière massive des représentations sociales basées sur le corps et la recherche des physiques d’excellence. Les utilisateurs des réseaux sociaux ne sont pas insensibles à ces influences, «Ils exécutent un travail méticuleux d’adaptation de leurs pratiques de vie aux modèles de corps qui circulent sur la Toile».3 Afin de satisfaire son besoin d’appartenance à la communauté en ligne, l’individu va chercher à modifier ses représentations personnelles pour correspondre à celles attendues par la communauté. Il peut même chercher à modifier son corps car celui-ci va lui permettre d’accéder à une certaine réputation, c’est à dire à une acceptation de la part du groupe social auquel il appartient ou qu’il souhaite intégrer. Dans une vidéo4 postée par une influenceuse qui a plus de 300 000 followers sur Instagram, nous pouvons voir à quel point la communauté peut être critique et stigmatisante par rapport aux apparences physiques. La blogueuse, en partenariat avec l’organisme caritatif Cybersmile Foundation, a créé une vidéo où elle modifie (sous photoshop) au fur et à mesure son corps en fonction des remarques négatives de ses followers. A la fin de la vidéo son corps ne ressemble pas à un physique humain : une silhouette disproportionnée, des seins énormes, une taille très fine, des grosses lèvres et yeux, des cheveux blonds. La campagne a comme but de protéger et alerter les filles que la cyberintimidation peut avoir des influences néfastes sur la santé mentale et la représentation physique. Plus de 40% des femmes ont déjà été harcelées en 2 CARDON, Dominique, « Du lien au like sur Internet. Deux mesures de la réputation », Communications, vol. 93, no. 2, 2013, pp. 173-186. 3 CASILLI, Antonio, Les liaisons numériques, vers une nouvelle sociabilité ?, édition Seuil, 2010, p206 4 Presse Citron, Presse Online, «Une influenceuse modifie son corps pour répondre aux cri- tères de beauté», https://www.presse-citron.net/comment-avoir-un-corps-de-reve-sur-instagram/ (consulté le 24 juin) M2 CPNM 44 Serjantu Olga
ligne5, le succès de cette campagne n’est pas un simple hasard. Concernant notre questionnaire, pour vérifier comment les individus appréhendent les réseaux, nous leurs avons demandé comment ceux ci influencent leur vie. Les réponses sont partagés entre «ils nous rendent communicatifs» et «augmentent le stress». Un autre effet néfaste que peuvent avoir les réseaux sociaux est lié à la notion de temps. Le temps passé sur les réseaux numérique augmente d’année en année. Tout comme cela peut présenter des opportunités et de nouvelles possibilités, dédier plus de temps aux petits écrans et à la vie qui se cache derrière peut s’avérer nuisible. La perte d’équilibre entre la vie réelle et la vie virtuelle présente des vrais risques pour le comportement et la psyché d’une personne. Le temps passé à dévoiler certaines parties de soi, à recevoir des échos (commentaires et likes), même si cela peut, dans une certaine mesure, avoir des effets positifs, ne peut pas être substitué à des relations sociales de la vie déconnectée. L’envie de vouloir montrer seulement ses meilleures facettes, dans le but de convaincre ses abonnés, peut amener l’utilisateur à confondre sa vraie personnalité avec celle qu’il veut représenter. Cela peut même amener à oublier sa vie réelle et se confondre complètement dans une vie qui, en réalité, n’existe pas en dehors d’une connexion Wi-Fi et un écran de pixels. Le phénomène des live streamers en Asie en est un exemple6. Leur métier consiste à enregistrer leur vie et la vivre devant un écran. Devant des milliers de spectateurs, ces «acteurs» mangent, parlent, dansent afin de contenter les solitaires derrière les écrans. C’est un phénomène qui montre à quel point l’individu est isolé dans un monde ultra connecté. Comme des idoles, les spectateurs gratifient leurs élus en leur achetant des stickers, des chocolats, même des voitures. Ils vivent à travers eux ce que leur manque dans leur vie : de la simple communication et de vraies rencontres. D’un côté, le marché grandit de jour en jour. Les chinois, ne se retrouvant plus dans leur vie, se connectent chaque soir pour de savourer la vie des autres, celle de leurs fans. Un jeune travailleur confie au journaliste : «Les live streamers apportent quelque chose de merveilleux à ma vie. Quand je me sens stressé, les regarder me fait du bien. Et puis, je peux partager avec quelqu’un ce qui s’est passé dans ma journée». 5 Slate, Presse Online, «Harcèlement en ligne. Et alors?» http://www.slate.fr/story/148530/ harcelement-en-ligne (consulté le 27 juin) 6 GENCE, Jérôme, Polka Magazine, «La vie en direct des livestreamers», http://www.polka- magazine.com/la-vie-en-direct-des-livestreamers/ (consulté le 3 juillet) 45 M2 CPNM Serjantu Olga
De l’autre, partager sa vie avec une communauté inconnue n’est pas pour autant un métier très facile. Huit live streamers sur dix abandonnent au bout d’une année ou deux. Tout comme les spectateurs, les live streamers doivent consacrer leur vie aux écrans sans visage. La technologie n’est pas encore arrivée jusqu’au point de pouvoir remplacer complètement les vraies relations humaines. Les célébrités usent et abusent souvent de mise en scène possible sur les réseaux. Les reines de l’impossible touchent de milliers fans en créant du rêve pour les yeux affamés d’une vie parfaite. Certains utilisateurs contestent cette vie souvent très travaillé et loin d’être spontanée. Le compte de Celestebarber 7 sur Instagram essaye de réproduire dans la vie réelle les photos parfaites des top modèles ou des fameuses instagrammeuses. La femme s’affiche naturellement et dans des situations que nous rencontrons chaque jour, pour montrer la fossée entre vie sur Instagram et la vie réelle. Les réseaux sociaux sont par essence une mise en scène. Le fait de prendre une photo est déjà une mise en scène. Le plus grand risque, c’est de creuser une distance entre le monde réel et virtuel. Quand il existe une trop grande différence entre ces deux réalités, l’individu se voit obligé de choisir un camp ou un autre. Le monde virtuel a tout pour être attrayant : des beaux moments, de la joie constante, des voyages aux différents coins du monde. L’individu, sensible et incertain, peut vite basculer vers un monde virtuel idéalisé, sans en avoir conscience de ce processus. C’est dans ce climat que le sentiment de solitude et d’angoisse apparaît. Une autre tendance de plus en plus populaire sur les réseaux, notamment sur Instagram c’est la représentation d’une vie de maman parfaite qui arrive à gérer tout en même temps. La vie conjugale, la vie à la maison, le temps pour prendre soin de son enfant, le travail, toutes ces facettes sont gérés par les super-mamans de l’Instagram d’une manière digne de respect. Leur comptes soigné jusqu’à la perfection, ne laissent pas passer aucune trace de fatigue ou de surmenage. Mais c’est une fausse réalité, car derrière les clichés parfaites, il y a bien sûr des couches sales, des vomis de bébé, des 7 Compte Instagram, Celestebarber https://www.instagram.com/celestebarber/ Serjantu Olga 46 M2 CPNM
nuits blanches, des dépressions… Instagram, terre fertile des mythes qui a fait pousser des comptes de mamans les plus cools, les plus inspirantes et les plus belles, cela ne change d’aucune manière la vraie vie d’une maman pleine de responsabilités et d’insomnies. La réalité reste inchangé, en même temps que les clichés veulent nous convaincre du contraire. Parmi toutes ces vies parfaites qui brillent trop fort et nous empêchent de voir la vérité que se cache derrière, il existe de comptes drôles et réalistes qui brisent les tabous, comme le compte de Rachelle Rowlings8. Derrières ses jolies photos, elle raconte la vie que finalement, chaque maman connaît, qui est, au final la vie en tant que telle, sans mise en scène et sans photos retouchées. La vraie. Les liens faibles que les médias sociaux nous offrent, bien que importants pour notre sociabilité, ne peuvent pas combler tous les besoins sociaux réels. À force de voir une communauté entière tendre vers la perfection, les utilisateurs ardents des réseaux sociaux deviennent souvent très exigeants avec eux-mêmes, souhaitant exceller dans tous les niveaux (sport, intellectuel, amoureux, professionnel etc.). De la frustration et du stress se crée alors si ces objectifs ne sont pas atteignables. Accompagnée parfois par un sentiment de rejet de la part de la communauté à laquelle l’utilisateur veut adhérer, la solitude peut devenir de plus en plus imperméable et difficile à dépasser. Affichée aux yeux de tous et aux publics variés, l’individu doit apprendre à gérer ce stress, avec une désagréable sensation que des projecteurs pointent constamment leur lumière sur lui. La vidéo «L’anniversaire/ The birthday»9 montre bien ce glissement. On voit une famille qui fête l’anniversaire de leurs fils. Le père, téléphone à la main en train de filmer cet événement, demande de refaire des scènes de famille, comme l’arrivée du gâteau ou son fils soufflant les bougies, pour que la vidéo soit la plus parfaite possible et suscite le plus de likes. A force de rejouer des scènes de moments familiaux intimes, celles-ci perdent leur côté naturel et joyeux. Le moment culminant c’est quand sa femme, en colère et en pleurs, lui confie les difficultés de sa vie quotidienne, attendant des excuses et du soutien de la part de son mari. Lui, toujours le téléphone dans sa 8 Site Instragram, Rachelle Rowlings, https://www.instagram.com/rachelle.rowlings/?hl=fr 9 GUILLOTIN, Gre, Nou, L’anniversaire / The birthday (feat Natoo), 24 mars 2016, https:// www.youtube.com/watch?v=EiLjQTN39IQ (consulté le 24 juin) 47 M2 CPNM Serjantu Olga
main, lui demande de se confier à nouveau pour qu’il puisse filmer la scène car cela lui apportera des likes sur les réseaux sociaux. Tout en étant une parodie, cette vidéo souligne à quel point les réseaux peuvent provoquer une fissure entre la vie réelle et virtuelle. Pour ne pas basculer dans une vie idéalisée qui, au final, n’existe vraiment pas, l’individu, utilisateur de ces réseaux, doit maintenir un fil rouge entre ces deux espaces. L’équilibre social est très important quant à une utilisation intelligente de ces médias. Souhaitant envoyer une image parfaite de sa vie, l’individu peut négliger ses relations sociales sans se rendre vraiment compte, créant un déséquilibre voire un conflit entre ces deux mondes. Des abus et des drames sont parfois constatés sur ces médias. Des harcèlements, insultes et agressions filmées trouvent un terrain fertile. Comme par exemple le cas de Océane qui a usé de la mise en scène des réseaux sociaux pour filmer son suicide10 et le publier sur Periscope11. La fille de 19 ans s’est jetée sous un train, à cause d’avoir été violée et subi des violences de la part de son ex-copain. Si ces abus existent, cela est certainement dû à une éducation non conforme aux réseaux sociaux. Comme évoqué dans l’introduction, ce sont devenus des médias à part entière, dépassant les limites de plateformes de divertissement et de loisir. Il est important aujourd’hui de former les jeunes à vivre correctement avec ces plateformes pour palier les potentielles déviances et addictions. Nous avons souvent entendu les gens se plaindre d’une addiction à leur smartphone, ou plutôt, aux applications qu’ils utilisent par le biais de leur portable. Nous avons souvent 10 Le Parisien, «Suicide sur Periscope», mai 2016, http://www.leparisien.fr/essonne-91/sui- cide-sur-periscope-oceane-la-mort-en-direct-12-05-2016-5788331.php (consulté le 27 juin) 11 Application pour regarder et publier des vidéos en direct 48 M2 CPNM Serjantu Olga
entendu les gens qui essayent de se passer de leur mobile, de faire un «détox» digital. Une chose est sûre, l’addiction au portable est l’addiction moderne du XXIème siècle. Les réseaux sociaux sont des moyens de combler la solitude et de créer facilement des «liens faibles» et de nouvelles relations. Non seulement aux liens qu’il crée sur ces plateformes, l’individu peut être accro aussi aux représentations véhiculés par les réseaux. Une fiction créée pour et par lui même. L’addiction aux réseaux sociaux trouve son origine au moment, quand l’individu, en manque de temps et de confiance en soi, privilégie les relations créées sur les réseaux sociaux à celles réelles. Dans ce jeu, l’individu s’enferme dans un cercle social virtuel, en essayant d’échapper à la solitude ou tout simplement en choisissant un moyen de communication plus facile et plus rapide où il contrôle tout. Les likes et les commentaires nourrissent sa solitude. En retour et en guise de merci, l’individu devient dépendant de la communauté virtuelle, sans se rendre compte qu’il n’est qu’un petit élément qui peut être supprimé en quelques clics. Parmi les 32 personnes interviewés, 58,1% affirment d’avoir un besoin de vérifier régulièrement les réseaux sociaux, ce que sous-entend une addiction. En effet, l’addiction aux réseaux sociaux rentre dans le système de «récompense». Le système de récompense se base sur toutes sortes de «susucres» numériques qu’on trouve sur les réseaux : des likes à nos photos, de messages de félicitations, des petits messages pour nous souhaiter bon matin, des confettis sur messenger… Art Digital par Tony Futura Les chercheurs ont constaté un surcroît d’activité dans les zones motivationnelles du cerveau lors de l’utilisation de Facebook12. Comme l’addiction à l’alcool ou aux drogues, 12 MONTILLY, Juliette, Le Nouvel Observateur, Presse Online, https://www.nouvelobs.com/ rue89/notre-epoque/20171222.OBS9715/shot-d4e-9dopamine-ce-que-facebook-fait-au-cerveau-de- M2 CPNM Serjantu Olga
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