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No 131 Acteurs de l'économie

Published by AGEFI, 2016-06-28 09:53:19

Description: Juillet - Août 2016

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ARuhvôenreg-nAelpes acteursdeleconomie.com CEVA le bout du tunnel 10 ans KÉOLIS, L’INDÉTRÔNABLE L 16956 - 131 - F: 9,50 - RD Vincent Kaufmann Juillet-Août 2016 9,50 euros LA RÉVOLUTION AUTOMOBILE Françoise Benhamou ET SI TOTAL QUITTAIT LYON ? Marc Augé

UNE TRÉSORERIE DISPONIBLE MAIS NON RÉMUNÉRÉE, C’EST AUSSI UTILE QU’UN TOURNEVIS POUR PLANTER UN CLOU. COMPTE EXCÉDENT PROFESSIONNELS UNE TRÉSORERIE DISPONIBLE ET RÉMUNÉRÉE POUR TOUS LES PROFESSIONNELSVoir conditions en agence.Caisse d’Epargne et de Prévoyance de Rhône Alpes - Banque coopérative régie par les articles L512-85 et suivants du Code monétaire etfinancier - Société anonyme à directoire et conseil d’orientation et de surveillance - Capital de 1 000 000 000 euros - 116 Cours Lafayette 69003Lyon - 384 006 029 RCS Lyon - Intermédiaire d’assurance, immatriculé à l’ORIAS sous le n°07 004 760. Photographie : Jean-Philippe Lebée.

ENTRÉE EN MATIÈRE DialoguerENTRÉE EN MATIÈRE,FRANÇOISE BENHAMOU‘‘Caractériser l’esprit d’entreprendre dans un univers numérique, c’est se référer à l’agilité d’esprit nécessaire à l’élaboration d’un projet, à la capacité à faire évoluer ce projet en fonction d’un écosystème, à la créativité, à la prise de risque, au goût de la collaboration. Au fond, ces qualités étaient déjà nécessaires à l’esprit d’entreprendre dans le monde physique, mais elles sont comme décuplées dans un univers numérique mondialisé, où l’information circule quasiment en temps réel, où la distance et le temps sont comme abolis par la technologie des réseaux. La culture peut alors apporter beaucoup. De la culture, nous pouvons évoquer le caractère précurseur. Qu’est-ce donc qu’un créateur, si ce n’est un individu qui fait de la création et de l’originalité la matière première de l’exercice de son métier ? N’est-ce pas, par exemple, dans le monde musical que l’on a dû a ronter précocement le caractère disruptif de la révolution numérique ? Les startups culturelles apportent aujourd’hui leur lot d’innovations. On pourrait mentionner parmi tant d’autres, les françaises Soundsgood, plateforme hébergeant les playlists des curators (programmateurs) de musique  ; Meludia, site d’apprentissage des fondamentaux de la musique, ou Balades-Créatives et ses « Balades-Spectacles » qui ouvrent les portes du patrimoine culturel réunionnais. Dans le domaine du livre et de la lecture, YouScribe est une plateforme communautaire qui a che une certaine longévité ; elle propose des résumés de lecture et des avis à ses abonnés. SISSO o re des visites interactives de musées et de foires d’art. Et à l’autre bout du spectre, mentionnons la tentaculaire Wikipedia, qui aura à sa manière inventé l’économie du partage, la cocréation, la circulation mondiale des savoirs, sous l’égide d’une fondation, quitte à opérer des bouleversements majeurs dans le monde éditorial et à susciter la polémique dans le monde scientifique. Il y a sans doute un déficit de culture dans les programmes scolaires. Entrer comme par e raction dans un musée pour en découvrir les œuvres et les parcours, grâce à la plasticité des usages qu’autorisent les technologies numériques, c’est dépasser des a priori et franchir des barrières pour de nombreux jeunes. Comprendre à quel point la culture ouvre au monde, à la diversité des cultures, des modes de vie et des identités nourrit alors l’esprit d’entreprendre. On ne peut faire fructifier une entreprise sans avoir été sensibilisé à la variété des approches des relations humaines selon les cultures, sans avoir compris que les marchés se composent d’une diversité d’usages, de services, qui s’ancrent dans des pratiques culturelles. La culture sensibilise ainsi à l’esprit d’entreprendre. Mieux encore, elle en est un des éléments moteurs.’’Françoise Benhamou, Professeur des universités, Membre du Cercle des économistesLire le dossier L’entrepreneuriat Acteurs de l’économie - La Tribune 3sauvera-t-il la culture ?paru dans le supplément EntreprendreN°131 Juillet-Août 2016

Dialoguer RUBRIQUE DE NOM4 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

ÉDITORIAL DialoguerOL’ÉDIT RIAL,DENISLAFAYAH, LE BON AIR SUISSE… a bien sûr été inspirée et est nourrie par l’organisation politique fédé- raliste. A certains égards comparable à son alter ego allemand, le8millions d’habitants : ça, la Suisse et Auvergne Rhône-Alpes modèle helvète une fois appliqué à l’économie fait donc la part belle l’ont bel et bien en commun. En revanche, si l’on s’en tient au dialogue social, matérialisé dans la rédaction des Conventions aux réalités entrepreneuriales des deux côtés d’une frontière collectives du travail aux niveaux des branches ou des entreprises. traversée chaque jour par 115 000 « pendulaires », la simili- Réformistes, progressistes, plutôt compétents car responsabilisés, les tude cesse aussitôt, et le modèle helvète fait bien davantage syndicats font, c’est-à-dire travaillent à négocier l’intérêt des salariés rêver (Supplément p.40). En e et, de Genève à Zürich, des profondes racines culturelles, financières et politiques ont prospéré des dispo- Umais sans le désincarner de celui de l’entreprise ou de la société. sitifs qui libèrent, responsabilisent, donc donnent envie d’oser et de ltra-libérale, asociale la Suisse  ? Que nenni, comme le bâtir. L’interventionnisme est faible, le rôle de l’État est polarisé sur la démontre l’Assurance-chômage, financièrement excéden- création de conditions clémentes, le système fiscal est vertueux, l’al- taire – en France le déficit s'élève à 4,4 milliards d'euros en lègement des démarches administratives se poursuit. La souplesse 2015. Parce qu’il peut faire fructifier cet équilibre des res- des lois et l’exiguïté des réglementations dominent, le montant des ponsabilités individuelle et collective, le dispositif domestique cotisations sur les salaires est largement contenu – et intelligem- n’est pas vulnérabilisé par les dérives de l’assistanat et la défaillance ment indexé sur la variation du taux de chômage –, les dispositifs de des devoirs, et ainsi assure même des allocations plus élevées sur licenciement favorisent une flexibilité élevée et donc exhortent les une durée culminant à deux ans. L’éducation profite pleinement, elle entrepreneurs à une audace et à une innovation protéiformes. « C’est aussi, de ce schéma décentralisateur et collaboratif. Le système iné- le mariage des talents et de l’argent », résume un professeur de l’Ecole dit de formation professionnelle, dit « dual » (alternance entreprise et polytechnique fédérale de Lausanne – dont les startups associées école), convainc… les deux tiers des jeunes Suisses, conquis par un ont levé, depuis le début de l’année, 180 millions d’euros… modèle d’apprentissage tourné vers l’employabilité et là encore fruit Bien sûr, d’autres réalités – en premier lieu la solitude des entre- d’un singulier consensus. Imagine-t-on une telle dynamique de coo- preneurs en faillite – ombrent le tableau, et ce dernier ne peut être pération entre établissements d’enseignement et entreprises dans réduit à quelques composantes aussi flatteuses que réductrices et la France de l’Education nationale gangrénée par le corporatisme et nécessairement caricaturales. Mais, ausculté à l’aune des spécifi- l’égalitarisme, le malthusianisme et l’idéologie anti-libérale, le dogme cités françaises, ce contexte entrepreneurial demeure particuliè- rement séduisant. Et il n’est bien sûr pas étranger à la performance Pétatique et la doctrine anti-entreprise ? des critères quantitatifs qui, pour la septième année consécutive, ourquoi, finalement, un tel écart culturel et entrepreneurial propulsent la Suisse en tête du classement des pays les plus compé- de part et d’autre de la frontière  ? Deux raisons émergent titifs (selon le Forum économique mondial) avec notamment un PIB particulièrement. La première est un trésor : elle a pour nom de 81 000 dollars par tête et un taux de chômage de 5,1 % au premier confiance, celle que se destinent des partenaires sociaux et plus largement une population qui l’ont ensemencée dansVtrimestre 2016. La France, elle, figure au 22e rang. le processus de responsabilisation innervé par les systèmes poli- oilà pour la partie visible de l’iceberg. Nettement plus riche tique et démocratique. La seconde est un cadeau, mais qui peut d’enseignements est de plonger sous la ligne de flottaison être empoisonné : l’intérêt supérieur de la nation, qui s’est imposé et d’y distinguer trois des principaux piliers de l’architecture à une mosaïque d’identités, de cultures, de langues a priori hétéro- culturelle et sociale du pays : le soin et la valeur conférés au gènes et, vues de France, miraculeusement agrégées. Un cadeau car travail, au dialogue social, et à la démocratie – y compris il consolide, fédère, cimente, mais aussi un poison lorsque la ligne de d’entreprise. Trois items dont l’imbrication a permis de déployer un démarcation entre patrie et nationalisme devient poreuse et syno- ensemble de raisonnements et d’actes qui agglomèrent de manière nyme de rejet et de repli. En votant à 50,3 % en février 2014 pour plutôt harmonieuse responsabilité individuelle et responsabilité col- « la fin de l’immigation de masse et l’instauration de quotas », les lective, c’est-à-dire qui circonscrivent les importantes aspirations autochtones ont ainsi pris le risque d’a aiblir substantiellement voire individuelles, par essence a ranchies du carcan étatique, à l’exigence d’hypothéquer le Plan de collaboration européenne, assujetti au res- supérieure de l’intérêt collectif – une règle antithétique de celle qui a pect de la libre circulation. Au nom des répercussions en termes tant paralysé la France en mai et juin. Imagine-t-on dans l’Hexagone 67% économiques que d’image et de réputation, les milieux décision- de la population refuser de nouvelles semaines de congés comme ce nels s’inquiètent. D’aucuns, même, tremblent. Comment conjurer le fut le cas chez sa voisine en 2012 ? spectre de la disqualification économique et entrepreneuriale sans Cette charpente sociale, que caractérise la décentralisation des discréditer le scrutin électoral ? Voilà l’équation à plusieurs inconnues débats et des décisions illustrée par les fameuses votations ou réfé- à laquelle les autorités du Conseil fédéral s’a airent jusqu’en février rendums d’initiative populaire proposés dans les 26 cantons com- 2017, date fixée pour trouver avec l’Union européenne une issue – posant la Confédération – et qui, même lorsqu’ils n’aboutissent pas figée depuis plusieurs mois par le scrutin britannique du 23 juin. Le comme ce fut le cas le 5 juin (lire également p.15) pour l’instaura- modèle même de la démocratie helvète est en jeu. tion d’un revenu de base universel, ont l’immense mérite d’éveiller le débat, de bousculer les consciences et d’irriguer la veine citoyenne –,N°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 5

SOMMAIRE Dialoguer Entreprendre Inventer Entrée en matière 3 Françoise Benhamou 5 Et si Total quittait Lyon ? Éditorial Transports urbains lyonnais Le rêve de L’actualité en images 8 Keolis, l’indétrônable 16 Jacques Testart L’initiative de Renaud Colin 10 Chroniques 24 Automobile, 33 Lu sur acteursdeleconomie.com 12 Tribune Vincent Charlet 30 la roue tourne 34 Chroniques 14 31 Tribune Bernard Jullien 41N°131 Tribune Marc Augé 15Acteurs de l’économie est publié par RH Editions (capital 221 640 euros) - 51 avenue Jean Jaurès - 69007 Lyon - Tél. 04 72 18 09 18 - Fax 04 72 18 09 21 - [email protected] - acteursdeleconomie.compremièrelettreprénom.nom @acteursdeleconomie.com - Directeur de la publication et de la rédaction : Denis Lafay - Directeur général délégué : Valérie Asti - Rédacteur en chef adjoint : Romain Charbonnier - Rédacteur en chef web :Jean-Baptiste Labeur - Journalistes : Danny Baumann (Agefi Suisse), Didier Bert, Adeline Charvet, Geneviève Colonna d’Istria, Marie-Annick Depagneux, Dominique-Myriam Dornier, Nelly Gabriel, MaximeHanssen, Laurence Jaillard, Karen Latour, Marie Lyan, Nicolas Rousseau, Françoise Sigot - Secrétariat de rédaction : Nicolas Rousseau - Photographes : Laurent Cerino, Emmanuel Foudrot - Dessinateurs : KanellosCob, Vic - Maquette : Marie-Anne Joly - Conférences-Débats : Nicolas Rousseau - Responsable webmarketing & communication : Emilie Degueret-Cornern, Eric Fossoul - Comptabilité : Sonia Girard - Abonnements - Publicité :Anaïs Jeantet, Razala Oulka - Impression : Courand, 82 route de Crémieu, 38230 Tignieu-Jameyzieu - N° de CPPAP : 0320K89381 ISSN 1620-6096 - Dépôt légal : 3ème trimestre 2016 - 5 n°/an - Couvertures : Laurent Cerino, Acteurs del’économie - CEVA, Groupe 13.76, L. Fascini - Supplément Entreprendre www.banque-rhone-alpes.fr N°13113/J0u6i/l2le01t6-A1o6:û55t:423016 acteurs eco 200x45.indd 16 Acteurs de l’économie - La Tribune

10e Prix de l’esprit d’entreprendreComprendre Respirer 10e Prix de l’esprit d’entreprendre 74 Prix Révolutionner Léna Geitner 80 Prix Mobiliser Agathe Zebrowski 82 84 et Sylvain Lhuissier 86 Prix S’épanouir Audrey Barros 88 Prix Éduquer Mathilde Aglietta 89 Prix Rebondir Sandrine Stojanovic 90 Prix Créer, Inventer Charlotte Vignal 92Larissa Balakireva, Prix Être utile Jacques Lacroix 94la fonceuse 43 Coup de crayon sur… 96CEVA, une locomotive Prix Enrichir Jean-Yves Blay 98sans wagons ? L’exposition 44 « Sacré béton » 65 Prix Transmettre Régis MarconBienvenue en « Almatie » 54 Isabelle Jarousse, Prix Écrire le futur Julien Durant,Chroniques 60 le mystère sans l’artifice 66 Jérémy Rochette et Vincent AndréTribune Vincent Kaufmann 62 Le goût des autres 70 Prix Spécial Thierry de la Tour d’Artaiserisques & assurances due diligence - appel d’offres d’assurancesmanagement de la continuité de la chaine d’approvisionnementsmanagement de la continuité d’activitésKonseï78 rue de l’Ancienne Caserne 69250 Montanay - 04 78 32 33 28 [email protected] rue de la Butte 25000 Besançon - 03 81 51 02 01sarl au capital de 100 000 € - 510 347 073 RCS LYON - 12 065 484 ORiAS - 82 69 13185 69 DiRECCTE - NAF 7022Z - www.konsei.frN°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 7

Dialoguer L’ACTUALITÉ EN IMAGES © Saint-Etienne Tourisme / Evelyne Deveaux 1Depuis le 10 juin, la France est hôte1 de la compétition de l’Euro de football. En Auvergne Rhône-Alpes,2 le Parc OL à Lyon et le stade Geo roy Guichard à Saint-Etienne accueillent plusieurs rencontres. Un jackpot pour les deux villes puisque la première pourrait enregistrer 150 millions d’euros de retombées et la seconde plus de 75. 2Emmanuel Macron en campagne ? Le ministre de l’Économie était en déplacement à Lyon, le 2 juin, à l’invitation du sénateur-maire Gérard Collomb, son premier soutien, pour une journée de travail sur l’industrie. Le ministre en a clairement profité pour exprimer une pensée plus politique qu’économique. Signe d’un premier pas vers les Présidentielles de 2017. 3Le groupe de pneumatique Michelin a enregistré des résultats en hausse de 12,5 % sur l’année 2015, valant à la rémunération de Jean-Dominique Sénard, son PDG, d'être portée à 2,3 millions d’euros. Dans le même temps, l’entreprise auvergnate a annoncé un plan d’économies (2017-2020) de 1,2 milliard d’euros. Conséquences : des départs à la retraite ne seront pas remplacés et la production hors de l’Europe sera renforcée. 3 © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie © Michelin8 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

© Laurent Cerino / Acteurs de l’économie L’ACTUALITÉ EN IMAGES Dialoguer © Colas Vienne - Atelier Ruelle 4 4Perrache nouveau est-il enfin © DR arrivé ? C’est un serpent de mer vieux de plusieurs années : l’image et l’accessibilité négatives du pôle d’échange de Perrache à Lyon. Avec 100 000 personnes qui y transitent quotidiennement (200 000 en 2030), la collectivité se devait de l’aménager. Chose faite. Le projet, livré fin 2019, doit faciliter l'accès aux multiples modes de transports disponibles depuis la gare mais aussi aux piétons et cyclistes. Investissement : 36,2 millions d’euros. 5 5SEB écrit une nouvelle page de son histoire. Avec le rachat de l’Allemand WMF (spécialisé dans les ustensiles de cuisine et machines à café professionnelles) qui pèse plus de un milliard d’euros, le groupe familial lyonnais signe sa plus importante acquisition, lui permettant de se renforcer sur le marché outre-Rhin. 6La vente a été signée le 2 juin après des mois de recours déposés par l’un des héritiers. Porcher Industries sera désormais anglais. Le fabricant isérois de tissus techniques et de composites (1 950 salariés) rejoint la société de gestion de fonds Warwick Capital. Des moyens supplémentaires devraient être apportés, dont une enveloppe de 100 millions d’euros pour ses usines. Porcher est présidé par André Genton. 7Lamy & associés rejoint le conglomérat Fiducial, présidé par Christian Latouche, plutôt que EY, longtemps favori. Un rapprochement surprise dans le milieu des grands cabinets de droit des sociétés qui doit permettre au Lyonnais de financer les importantes transformations qu'impose un secteur en profonde mutation. 78 8Après la démission de Vincent Michelot, en février, de son poste de directeur de Sciences Po Lyon, le conseil d’administration de l’école a élu Renaud Payre pour lui succéder. Acteurs de l’économie - La Tribune 9N°131 Juillet-Août 2016 © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie

Dialoguer L’INITIATIVE L’esprit d’entreprendre, Renaud Colin le porte en lui depuis longtemps si bien qu’il n’est pas surpris de se voir, aujourd’hui, à la tête de sa propre structure. « Je savais un jour que je sauterais le pas. » Ce pas, Renaud Colin l’avait déjà plus ou moins expérimenté lors de précédents emplois à responsabilités. Mais désormais «  j’ai cette vraie liberté de monter mes pro- jets, de prendre mes décisions et de faire mes choix ». Sensible aux questions d’environnement, il s’est ainsi lancé dans l’aventure entrepreneuriale dès 2014, en parallèle de son activité, soutenu par son patron d’alors. Renaud Colin suit le programme Lyon Startup et dès mars 2015, quitte son poste de chef de pro- jet en recherche et développement, pour le grand bain de l’entreprise, en créant, avec un associé, AddBike. Une société qui pense et conçoit des vélos tripor- teurs innovants. « Je suis parti de ma pro- blématique de pouvoir transporter mes deux enfants. Après di érents tests, j’ai donc pensé à un vélo triporteur adapté en milieu urbain et modulable. » Entou- rée de partenaires tels que l’Insa de Lyon pour la conception et Imeca (filiale de Michelin) pour la partie industrialisa- tion, AddBike est devenue en quelque temps – et une campagne de crowdfun- ding plus tard – un petit phénomène. Si bien qu’adressé initialement au grand public, l’objet intéresse le monde de l’en- treprise et devrait, à l’avenir, représenter une part significative du chi re d’a aires. Un avenir qui s’annonce radieux puisque Renaud Colin a de grandes ambitions en Europe du Nord, là où le vélo est une religion. « Au moins, nous ne serons pas obligés d’expliquer ce qu’est un tripor- teur. » RC Retrouvez Renaud Colin, dans l’émission Start’Up Co, proposée par TLM –Télé Lyon Métropole et Acteurs de l’économie-La Tribune, chaque 2e et 4e vendredi du mois.© Laurent Cerino / Acteurs de l’économie RENAUD COLIN, LE TRANSPORTEUR 10 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

INNOVER AU SERVICE DE NOS CLIENTS, ÇA NOUS TIENT À CŒUR. Avec l’application «Groupama Toujours là», le site granvillage, réseau social gratuit de mise en relation entre producteurs et consommateurs, la modernisation de 300 points de vente, l’agence mobile Groupama Car pour aller au devant des clients, Groupama Rhône-Alpes Auvergne est plus que jamais un acteur de l’innovation au service de ses clients. Au cœur de la région, au cœur de la vie.Groupama Rhône-Alpes Auvergne - Caisse régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles de Rhône-Alpes Auvergne - 50 rue de Saint-Cyr - 69251 Lyon cedex 09 - 779 838 366 RCS Lyon Emetteur des Certi cats Mutualistes - Entreprise régie par le Code des Assurances et soumise à l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution - 61 rue Taitbout - 75009 Paris.

Dialoguer LU SUR ACTEURSDELECONOMIE.COM « L'ARRIVÉE DE CES NOUVEAUX SERVICES NE CONDUIT DONC PAS À UNE FIN DES MARQUES, MAIS BIEN AU« Pour lutter e cacement contre Amazon, CONTRAIRE NÉCESSITE UNE PLUS GRANDE VIGILANCEil aurait été certainement plus pertinent DANS LEUR CHOIX, ET LEUR STRATÉGIE DE PROTECTION »pour la Fnac de rattraper son retarden matière de révolution numérique Vers la fin des marques ?sur son cœur de métier des produits Hugues Pouzet, associé au cabinet Germain & Maureau, 1er juind'édition plutôt que de s'obstinerà acheter un Darty hors de prix »Fnac-Darty : une vraie fausse bonne idéeMarc Touati, économiste et président du cabinet ACDEF, 3 juin« LE « VIVRE ENSEMBLE » EST EN PANNE, FAUTE DE CRÉER LES CONDITIONS D'UN « FAIRE ENSEMBLE »À L'ÉGARD NOTAMMENT DE CEUX QUE LA VIE FRAGILISE »L’indécence fait le pleinBernard Devert, président-fondateur d'Habitat et Humanisme, 30 mai« UNE ENTREPRISE LU SUR « En se délestant duMODERNE, QUI VALORISE, ACTEURSDELECONOMIE.COM déploiement numérique,DANS UN OBJECTIF ENTENDU l'État a raté sa transitionDE PERFORMANCE, vers une nouvelle ère.LA QUALITÉ DE VIE AU Si certains politiciensTRAVAIL NE PEUT commencent à s'yACCEPTER CELA. NOUS intéresser, en seDEVONS TOUS FAIRE FRONT, gargarisant desHOMMES ET FEMMES POUR nombreuses startupsDES QUESTIONS DE RESPECT qui voient le jourDE NOS DROITS sur le territoire,ÉLÉMENTAIRES, À les infrastructuresEXERCER SEREINE- sont pour le momentMENT NOTRE MÉTIER » trop faibles pour espérer un quelconqueA aire Baupin : Si les femmes renversement de situation »sont victimes, l'entreprisepassive est coupable Le numérique : une opportunitéClaire Saddy, présidente du réseauRhône-Alpes Pionnières, 11 mai pour les territoires défavorisés ? Pascal Chavernac, président du groupe Resadia, 27 mai« Le noyau idéologique central du Front national est bien un nationalisme chargé de xénophobieet même de racisme. Les musulmans, et non pas les capitalistes ou au contraire les communistes,sont donc sans surprise ceux qui subissent les premiers les foudres de la nouvelle présidente.Mais qui en doutait ? »Marine Le Pen élue en 2017 ? « L'OPACITÉ EST DÉSORMAIS LA RÈGLE, LA TRANSPARENCEQuand la fiction-politique appelle à l'action L'EXCEPTION. ET CES EXCEPTIONS SONT TRÈS ENCADRÉES,Alain Touraine, sociologue, 26 avril BIEN PLUS QUE LA DÉFINITION DU SECRET D'AFFAIRES »« AVEC LE TEMPS, EDF A FINI PAR CROIRE Secret des a aires : Après le plombier polonais,QUE SON MÉTIER ÉTAIT DE BÂTIR DES le boulanger françaisCENTRALES NUCLÉAIRES DE PLUS EN PLUS Pascal Durand, Philippe Lamberts et Eva Joly, eurodéputés EELV, 24 avrilSOPHISTIQUÉES, ALORS QUE SA MISSIONEST DE FOURNIR DE L'ÉLECTRICITÉ À TOUS, « À partir de son réseau intérieur en plein développementÀ UN PRIX ABORDABLE, SANS DÉGRADER de 80 000 kilomètres de voies à grande vitesse en 2030,L'ENVIRONNEMENT ET SANS LAISSER DE la Chine tisse sa toile hors du territoire national »FARDEAUX AUX GÉNÉRATIONS FUTURES » La mondialisation chinoise sur les railsLe Far West énergétique est en marche Paul Clerc-Renaud, conseiller du commerce extérieur de la France à Hong-Kong,Grégory Lamotte, fondateur de Comwatt, 28 avril 12 mai12 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

RUBRIQUE DE NOM Dialoguer siparex.comUNE DYNAMIQUEPOUR LA CROISSANCE• Un groupe indépendant avec plus de 35 ans • Des implantations en France et en Europe d’expérience dans le nancement en fonds propres servant une stratégie plurirégionale et internationale• 1,5 milliard d’euros de capitaux sous gestion • Un investisseur en fonds propres socialement responsable• Un accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement en France • La force du réseau Club Siparex (actionnaires, et à l’international investisseurs et entrepreneurs) qui offre appuis et conseilsACTIVITÉSMIDMARKET SMALL CAPS INNOVATION— — Cryogen.fr - Photo : © Shutterstock139 rue Vendôme - 69477 Lyon cedex 06 27 rue Marbeuf - 75008 ParisT. + 33 (0)4 72 83 23 23 T. + 33 (0)1 53 93 02 20N°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 13LYON • PARIS • LILLE • NANTES • BESANÇON • STRASBOURG • LIMOGES • DIJON • MADRID • MILAN • MUNICH

Dialoguer CHRONIQUES Guillaume Alberto, Directeur commercial banque privéeRendez-vousRATÉS chez CIC - Lyonnaise de BanqueEn 2012, le directeur du centre de recherche du BIT, coordonnateur du AVEC LE TEMPS Rapport sur l’emploi dans le monde, me disait : « En France vous pro- duisez des rapports intéressants sur ce qu’il faudrait faire pour améliorer Si la jeunesse représente l’avenir d’une nation, la vieillesse pourrait bien être le fonctionnement du marché du travail. Ce qui est compliqué chez vous son eldorado ! En effet, si le vieillissement programmé des populations dans c’est le passage à la phase de mise en œuvre ! » les pays développés est un défi pour nos finances publiques, il est également À cette aune, 2015 a été un grand cru avec à la saison des vendanges perçu comme une opportunité sur le plan économique. Le comportement trois rapports : celui de Jean-Denis Combrexelle remis au Premier des consommateurs, qu’ils soient américains, français ou japonais, est inti- ministre, ceux de Terra Nova et de l’Institut Montaigne, sans compter mement lié à leur âge, ceci étant bien sûr à mettre en relation avec l’évolution naturelle l’essai Badinter Lyon-Caen admettant le caractère contreproductif d’un droit du travail de leurs besoins, de leurs désirs, mais aussi de leurs revenus. On observe ainsi que devenu illisible par son surpoids. les dépenses des ménages atteignent un pic entre 50 et 65 ans, avant de diminuer, Toutes les planètes semblaient alors alignées. Ces rapports convergeaient dans un d’abord légèrement, puis plus violemment. En effet, les études montrent clairement élan œcuménique, vue la sensibilité politique différente de leurs auteurs, vers des que cette population jouit d’un important patrimoine financier et immobilier constitué conclusions assez proches pour refonder le droit du travail. Tous préconisaient d’ouvrir au fil des années, et dispose souvent d’un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne, lié au plus près des situations où les problèmes se posent (c’est-à-dire le plus souvent notamment au fait que cette classe d’âge est aussi largement désendettée. l’entreprise) des fenêtres de négociation, une fois posé un cadre de jeu pour les acteurs Si la consommation des ménages est clairement perçue comme une composante (ordre public absolu et dispositions supplétives). Jean-Denis Combrexelle proposait un essentielle de la croissance économique mondiale pour les années à venir, alors, cette second étage au niveau de la branche avec des dispositions encadrantes. Ces rapports tendance au vieillissement progressif des populations constitue, au moins pour un ont été globalement bien accueillis par les partenaires sociaux. temps, une réelle opportunité. Le gouvernement n’a pas préparé « Séniorisme » l’opinion publique sur l’utilité de la réforme Les grandes marques ne s’y trompent pas et intègrent de plus en plus souvent dans du Code du travail en expliquant, exemples leur communication ce changement de mentalité. Ainsi, sur les écrans ou dans la à l’appui, ses effets positifs sur l’emploi presse, les teints hâlés, voire tannés de célèbres septuagénaires, comme celui de Sean Connery, ou encore Jane Fonda, remplacent progressivement les égéries dia- Défaillance phanes et souffreteuses. Une forme de « séniorisme » émerge face à un jeunisme Quelques mois plus tard, le projet de loi travail dans sa première version assez obèse dogmatique. par l’ampleur des sujets traités a été l’occasion de passer aux travaux pratiques et a Dans ces conditions, susceptibles de générer des ruptures, mais aussi des possibilités, fait l’objet d’un rejet de l’ensemble des OS, crispation qui lui a fait prendre un mauvais les entreprises qui tireront le mieux leur épingle du jeu seront celles qui seront capables pli de départ. de mettre en place les stratégies les plus efficaces pour comprendre et atteindre Cette initiative s’est faite avec une stratégie de communication défaillante du gou- ces nouveaux consommateurs, devenus plus exigeants que par le passé, car mieux vernement, un manque d’anticipation sous-évaluant l’agenda parsemé d’échéances informés. printanières pourtant assez visibles : congrès d’une CGT en crise et se positionnant « La vieillesse est un long naufrage », disait un Général célèbre à propos d’un Maréchal sur une ligne radicale, négociation délicate sur l’organisation du temps de travail dans non moins célèbre… et pourtant, dans l’océan tumultueux d’une économie en plein la branche ferroviaire, juste avant l’Euro 2016. En annonçant la réforme du Code du doute, le vieillissement progressif des populations pourrait bien constituer ce radeau de travail à l’automne, puis lors des vœux sans en faire la pédagogie, le gouvernement n’a sauvetage nous menant sur les rives radieuses d’une prospérité éternelle. pas préparé l’opinion publique sur l’utilité de ce projet en expliquant, exemples à l’ap- pui, ses effets positifs sur l’emploi. C’est une occasion ratée. Elle a ouvert une tribune aux insiders de divers horizons les moins concernés par le projet pour engager une bataille politique avec, en toile de fond, la place respective des centrales syndicales et la recomposition du paysage politique à gauche. Bruno Dupuis, Si la consommation des ménages © Christian Chamourat - DR Senior advisor Associé, est clairement perçue comme Alixio une composante essentielle de la croissance économique mondiale14 Acteurs de l’économie - La Tribune pour les années à venir, alors, cette tendance au vieillissement progressif des populations constitue, au moins pour un temps, une réelle opportunité N°131 Juillet-Août 2016

TRIBUNE DialoguerNOUS NE Les contradictions des partis politiques actuels en France commencent à ySAURIONS aiguiser le goût des mouvements plus ancrés dans la démocratie directeSOUS-ESTIMER ou participative.LA PORTÉE L’intérêt des mouvements « citoyens » actuels, c’est d’abord qu’ils témoignentRÉVOLUTIONNAIRE d’un refus de la passivité et d’une volonté de réagir au caractère structurelD’INSTAURER de la crise que nous traversons.UN REVENU Le chômage ou les emplois précaires ne sont pas le fruit d’un complot démo-DE BASE niaque, mais la traduction de changements dans l’organisation de la produc-INCONDITIONNEL tion. Cet argument avait d’ailleurs été invoqué à l’appui des 35 heures et de la politique du « temps libre ». Le découplage entre travail et revenu est chaque jour plus manifeste : on fait appel au bénévolat pour des tâches jugées urgentes, mais certains hauts salaires sont sans rapport avec la quan- tité de travail qu’ils sont censés rémunérer. En Suisse, depuis des années, des mouvements citoyens ont travaillé sur la possibilité d’instaurer un revenu de base inconditionnel, RBI. Des écono- mistes ont chiffré le coût d’une telle opération et élaboré plusieurs scéna- rios possibles. Une votation vient d’avoir lieu début juin, rejetée par 77 % des électeurs. En Finlande une expérience est d’ores et déjà en cours. Or, nous ne saurions sous-estimer la portée révolutionnaire d’un tel projet : parti de la base pour remonter jusqu’aux instances gouvernementales, il déve- loppe des propositions totalement inédites susceptibles de répondre au défi de l’automatisation du travail et d’en faire une chance à saisir pour éli- miner la pauvreté de la terre au nom de la dignité et de la liberté réelle de l’individu humain. Il n’a de sens que s’il assure vraiment la possibilité pour chacun de choisir sa vie. « LES MOUVEMENTS CITOYENS  ACTUELS TÉMOIGNENT DU REFUS D’ÊTRE PASSIF  »Marc Augé, ENCOURAGEANTEthnologue et anthropologue,Ancien président de L’idée du revenu de base n’est ni de gauche ni de droite. Elle constitue unel’École des hautes études réponse logique au constat qu’impose la nouvelle révolution industrielle :en sciences sociales, l’intelligence artificielle va supprimer plus d’emplois qu’elle n’en créera.Auteur de La Sacrée semaine Ces problèmes ont été traités à longueur de journée au Forum mondial de Davosqui changea la face du monde et il ne faut donc pas s’étonner qu’ils aient été évoqués à Nuit debout. On(Odile Jacob, 2016) pourrait plutôt être surpris qu’ils n’occupent pas une place plus importante dans les préoccupations des mouvements citoyens en France. Peut-être un thème sur lequel se retrouvent des personnalités de droite et de gauche éveille- © DR t-il la méfiance. Peut-être aussi le respect de la valeur travail est-il si ancré dans les esprits qu’il entraîne à voir un encouragement à la paresse dans la liberté reconnue de travailler ou non. Le travail, en outre, est tra- ditionnellement considéré comme une source de sociabilité. Mais nous savons bien que certaines formes nouvelles de travail, au contraire, condamnent à la solitude et que, d’autre part, des épidémies de suicides ont affecté plu- sieurs entreprises adeptes de la « gestion par le stress ». Nous pouvons donc estimer que la liberté de travailler ou non aurait des conséquences positives sur la productivité et, de manière générale, sur le climat des entreprises. Si la votation suisse avait abouti à l’instauration effective et généralisée d’un revenu de base inconditionnel, cela aurait donné au Mouvement français pour un revenu de base (MFRB) un élan nouveau. Le fait qu'en Suisse plus de 23% des électeurs aient voté en sa faveur est déjà un encouragement : gageons qu’il donnera bientôt l’occasion à l’ensemble des mouvements dits « citoyens » de bâtir des projets concrets à échéance brève qu’ils auront à cœur de faire connaître et d’expliquer.N°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 15

Entreprendre RUBRIQUE DE NOM ET SI TOTAL16 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

RUBRIQUE DE NOM EntreprendreQUITTAIT LYON ? ENQUÊTE, ROMAIN CHARBONNIER Désengagement, restructuration, fermeture : les sombres rumeurs sur l'avenir de la plateforme pétrochimique Total de Feyzin pourvoyeuse de près de 3 000 emplois (in)directs, ne sont pas nouvelles. L'actualité sociale, le contexte de la filière et la stratégie du groupe les exacerbent toutefois, et inquiètent les pouvoirs publics locaux. Un sujet hautement sensible, convient-on jusqu'à la Direccte. Aujourd'hui fiction, le spectre n'est pas, à moyen terme, une illusion. Pour quelles conséquences ? Et quelles ripostes ?N°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 17 © Laurent Cerino / Réa

Entreprendre TOTAL, BYE-BYE LYON ?L’annonce n’avait Mais si au fond, cette déclaration du Installée en bordure du Rhône, à une poi-fait qu’ajouter un patron de l’un des plus grands groupes gnée de kilomètres de Lyon, la raffineriepeu plus d’huile industriels mondiaux, n’était que l’arbre Total est un acteur historique et majeursur le feu… et fait qui cachait la forêt ? Cette sortie était-elle de la Vallée de la chimie (qui s’étend surcraindre le pire. calculée, mesurée, anticipée ? Les interro- 25 kilomètres, le long du Rhône, irri- gations demeurent. Par le passé, le pétro- guant bien au-delà de la région AuvergneLe 24 mai, alors que des manifestations lier (qui a réalisé 9,2 milliards d’euros Rhône-Alpes. Située en zone urbaine etcontre la loi travail se tenaient un peu de résultat net en 2015) s’est déjà illus- « plus petit site » du groupe français, sonpartout dans l’Hexagone, le PDG de Total tré en prenant des mesures drastiques, avenir est régulièrement remis en ques-Patrick Pouyanné menaçait les grévistes comme la fermeture de la raffinerie des tion et inquiète tant les pouvoirs publicsdes cinq raffineries du groupe, bloquant Flandres à Dunkerque (2010), reconvertie locaux que les acteurs économiques. « Celes sorties des usines, de «  revoir  » ses en centre de formation aux métiers de la n’est pas nouveau, j’entends cela depuis plusinvestissements prévus en France. « C'est pétrochimie, associé à un dépôt pétro- de 30 ans  », remarque un ancien direc-quelque part une forme de rupture du pacte lier. Face à l’érosion de ses marges dans teur du site. Mais ces rumeurs récur-qui lie à la fois nos employés et notre entre- le raffinage et afin de rester leader, le rentes sont-elles bien incongrues  ? Ouprise, avait-il avancé en marge de l'as- groupe s’est engagé dans des restructura- s(ont)-elles (été) bien réelles  ? Les élé-semblée générale des actionnaires. Cela tions massives en 2015 afin de transfor- ments recueillis par Acteurs de l’économie-va nous conduire à réviser sérieusement nos mer ses raffineries en usines rentables et La Tribune montrent qu’une menace planeplans d'investissements dans l'ensemble de compétitives. toujours au-dessus de la Vallée de laces sites.  » Une annonce – ou du chan- Ainsi, 200 millions d’euros seront inves- chimie comme la trace laissée dans le cieltage  ? –, loin de rassurer les salariés tis à La Mède dans les Bouches-du-Rhône par la flamme sortant de la torchère de laplusieurs fois inquiets sur leur sort ces pour transformer la raffinerie – qui per- raffinerie. Et lorsque certains s’avancentdernières années. dait 100 millions d’euros par an – en un sur des projections de fermeture de l’acti- site de production de bio-carburants, vité raffinage à plus ou moins long terme,18 Acteurs de l’économie - La Tribune supprimant au passage 180 emplois. d’autres s’inquiètent des répercussions Quatre cents millions d’euros sont pré- qu’une telle décision – si elle s’avère un vus sur la raffinerie de Donges, en jour réelle – pourrait avoir sur l’ensemble Loire-Atlantique – elle aussi déficitaire. de la filière régionale. Seuls ses trois autres sites de Gonfre- ville (Haute-Normandie), Grandpuits N°131 Juillet-Août 2016 (Seine-et-Marne) et Feyzin résistent et poursuivent leur activité de raffinage. Mais pour combien de temps encore ? Ce vaste programme mené par le successeur de Christophe de Margerie, décédé acci- dentellement en 2014, doit par ailleurs garantir l’activité et l’emploi sur le sol français. « Personne ne sera licencié », avait assuré Patrick Pouyanné dans la presse, Total employant 3  900 salariés sur l’en- semble de ses cinq sites. Mais sa récente déclaration, suite aux blocages des raffi- neries, pourrait signer, dans l’absolue, un coup d’arrêt avec les répercussions que cela laisserait entrevoir. Et parmi elles, la raffinerie de Feyzin fait couramment l’objet de rumeurs sur le maintien de son activité.

TOTAL, BYE-BYE LYON ? Entreprendre © Genève Aéroport Pour faire face à la baisse de ses marges des activités ra nage, © Denis Allard / Réa le PDG de Total Patrick Pouyanné a pris la décision, en 2015,N°131 Juillet-Août 2016 de restructurer une partie du parc industriel. Acteurs de l’économie - La Tribune 19

Entreprendre TOTAL, BYE-BYE LYON ?« L´avenir de Total « Le risque està Feyzin constitue de constater unun sujet d'inquiétude chamboulementimportant comme le de la filière,reconnait la Direccte » si un maillon venait à se fragiliser »RENTABLE UN PPRTLa raffinerie Total forme la pierre angu- « FERME » VIEILLISSANTElaire du couloir de la chimie desservant Des éléments de réponses se trouventun « marché local clé ». Avec le bassin de Le Plan de prévention des tout d’abord dans la situation internatio-population de la métropole de Lyon et sa risques technologiques conduit nale que le secteur connaît ces dernièressituation sur le pipe-line Marseille-Stras- par la DREAL (Direction régio- années. La consommation en hydrocar-bourg, ce furent les raisons de sa mise nale de l’environnement, de bure poursuit sa chute de parts de mar-en service en 1964. Un choix stratégique l’aménagement et du logement) ché, les ventes d’automobiles électriquespour le groupe français qui lui permet de devrait être appliqué dans les progressent (+ 64 % en France, en 2015),rayonner sur toute la région Centre-Est. prochains mois. Issu de la loi du et les mesures environnementales sont« Feyzin n’est pas une petite raffinerie mais 30 juillet 2003, sur la prévention toujours plus contraignantes pour lesun site dont la synergie entre les parties raffi- des risques naturels et tech- industriels (mise en place notamment dunerie et pétrochimie est un vrai atout », pré- nologiques et sur la réparation Plan de prévention des risques technolo-vient Georges Moreno, directeur du site. des dommages, suite à la catas- giques, PPRT). Ce contexte conduit TotalUne particularité qui lui permet de faire trophe d’AZF à Toulouse, cette à restructurer une partie de ses sites, etface à la baisse de l’activité raffinage les mesure doit permettre la mai- Feyzin n’y sera sans doute plus exemptmauvaises années. « De plus, il s’agit d’une trise de l’urbanisation autour des à l’avenir. « Ces contraintes font parties duplateforme logistique desservant la région sites industriels classés Seveso durcissement de l’environnement auquel lapar camions, trains, barges et pipe-lines de seuil haut. Ce qui n’échappe plateforme doit faire face. Ce ne sont pas les800 kilomètres », complète-t-il. Si bien que pas à Feyzin. La commune est seules. Il y a aussi des changements de spéci-Feyzin fait partie des trois raffineries du d’ailleurs la dernière sur la liste fication de produits à venir, la baisse du mar-groupe à ne pas perdre d’argent. Selon à devoir l’appliquer car plus ché de fuel oil, etc., c’est une lutte continuellel’ancien directeur, l’entreprise pouvait contraignant que les autres. mais qui se prépare longtemps en avancerécupérer jusqu’à 100 millions d’euros Dans les faits, le PPRT aura un avec l’élaboration de plan long terme sur 10annuels de marge sur le raffinage. « Si la impact sur les habitants voisins ans  », répond Georges Moreno. Dans cedirection décide de rester, c’est parce que l'ac- de Total. Certaines expropria- climat, des acteurs locaux sont circons-tivité est profitable  », soutient-il toujours, tions sont annoncées mais ce pects sur l’avenir de l’usine de raffinagedu moins pour le moment. «  Actuelle- sont plutôt des aménagements rhodanienne. « Elle est vieillissante et tropment, elle se porte bien car le cours du brut sur les habitations qui seront petite par rapport aux infrastructures qui seest faible et les marges toujours aussi impor- demandés aux populations. construisent ailleurs dans le monde », recon-tantes  », reconnait Michel Lavastrou, «  Les industriels ont déjà des nait Philippe Massuyes, directeur dedélégué syndical CGT à la raffinerie. La contraintes très importantes, l’usine Bluestar Silicones (600 personnesplateforme de Feyzin est par ailleurs un et si nous ne voulons pas d’un sur Saint-Fons). « A terme, une multiplica-acteur «  majeur  » pour le territoire avec désert industriel, il faut un PPRT tion d’ouvertures de raffineries dans les paysun impact substantiel générant 2  000 ferme », a rme Michel Denis, 1er du Golfe avec un produit fini livré pourraitemplois indirects selon certaines estima- adjoint à la mairie de Saint-Fons, avoir de lourdes conséquences pour la raffi-tions et 650 directs, ou encore des taxes responsable du développement nerie  », craint Yves Blein, député-mairerécoltées par la Métropole de Lyon, redis- économique. PS de Feyzin et «  premier supporter  »tribuées aux communes (pour Feyzin, du maintien du groupe sur sa communecelle-ci s’élève à huit millions d’euros (premier employeur et mécène). De plus,dont la moitié provient de Total, indique «  elle n’est pas située en bord de mer. Unson maire). Dès lors, pourquoi Total se important désavantage », remarque Simon-désengagerait de sa partie raffinage sur Pierre Eury, responsable du pôle entre-Feyzin ? prises, emploi, économie à la Direction régionale des entreprises, de la concur-20 Acteurs de l’économie - La Tribune rence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) Auvergne Rhô- ne-Alpes, mais en bord d’autoroute, clas- sée Seveso seuil haut. Et « depuis le sud de la France, vous avez suffisamment de tuyaux pour alimenter tous les clients de la région. Feyzin pourrait alors devenir un simple dépôt », projette même l’ancien directeur de la plateforme. N°131 Juillet-Août 2016

Le maintien de la raffinerie est observé « Un jour Total TOTAL, BYE-BYE LYON ? Entreprendrede près, en particulier par les services fermera le site »de l’État, et ce depuis des années. Car les acteurs redoutent tant et pour lequelmalgré sa rentabilité, plusieurs fois son Son ancien directeur ils essayent de (se) rassurer, espérant queavenir a sérieusement été évoqué au la date effective n’arrive pas de sitôt. « Lepoint d’en inquiéter les pouvoirs locaux CHIFFRES CLÉS problème peut être pris également à l’envers :et nationaux. «  Nous avions eu de vraies Total restructure en France et en Europe, ceincertitudes, il y a un ou deux ans, recon- (source Maison de la chimie Rhône-Alpes) qui peut profiter à celui de Lyon », remarquenaît laconiquement Simon-Pierre Eury, Jean-Louis Martin.par ailleurs commissaire au redressement • 1ère région française «  Les critères pour son maintien, commeproductif en région. Des réunions régulières de production tout site industriel, sont sa rentabilité éco-ont lieu afin de balayer différents sujets mais nomique et son acceptabilité dans le terri-sur ce type d’information très spécifique, cela • 50 000 salariés toire. Pour cela, dans un environnementne se sait pas. » Le sujet est donc haute- • 14 communes impactées très changeant et difficile, la plateforme doitment sensible. Ainsi, les décisions futures • 11 000 hectares de continuer à s’améliorer en continu », répondsont négociées, non pas à Feyzin ou dans sans dévoiler de chiffres, ni de projection,le bureau du président de la Métropole sites industriels Georges Moreno.de Lyon Gérard Collomb mais à Paris, • 12 milliards d’euros de DÉPENDANCEentre dirigeants de Total et ministres, et Anticiper le départ de Total – ouce, dans la plus grande discrétion. « Nous chiffre d’affaires (2013) d’un autre industriel de la Vallée de lan’avons pas la maîtrise d’une fermeture ou chimie –, c’est la raison qui a conduit lesd’une ouverture et ce pour Total ou d’autres. politiques à se mobiliser activement etNous faisons donc tout notre possible pour faire en sorte que les meilleures condi-les garder ici ou les attirer  », répond fata- tions soient réunies pour maintenirliste David Kimelfeld, 1er vice-président l’activité de la filière, mais aussi attirerde la Métropole de Lyon chargé du déve- de nouveaux acteurs. C’est toute l’ambi-loppement économique. Nombreux s’ac- tion de l’Appel des 30. Un programmecordent à dire qu’un désengagement de mené par la Métropole de Lyon autourTotal de sa raffinerie serait vécu comme d’industriels et de partenaires privés etune «  catastrophe  » pour le territoire. publics, dont l’objectif est de «  consoli-Dans l’immédiat, elle reste en activité. der la dynamique d’innovation de la ValléeMais pour combien de temps encore  ? de la chimie ». « Un moyen d’accompagnerPlusieurs acteurs estiment que cela ne la mutation du territoire, explique Daviddurera pas éternellement. Kimelfeld. L’enjeu est d’accueillir de nou-« Elle exerce un rôle si capital qu'un départ velles activités afin de mieux mailler lesporterait un coup terrible à toute la chimie filières et se substituer à la trop forte dépen-mais aussi à l’industrie en général », avance dance de quelques-unes. Si nous restons lesJean-Louis Martin, président de l’Union bras croisés, les industriels partiront. Pourdes industries chimiques Rhône-Alpes cela nous devons donc être pro-actifs. Avec(UIC) qui, prudemment, pense qu’il l’Appel des 30, nous avons cette volonté den’y aura pas de décision sur les « cinq à faire peser en notre faveur une décision quidix ans à venir ». Yves Blein en est aussi pourrait être prise par certains d’entre eux,convaincu  : « Le groupe n’est pas sous la aux lourdes conséquences pour la Vallée.  »pression de s’en séparer… du moins pas dans Une dépendance entre industriels – héri-l’immédiat. » Mais « un jour, elle fermera », tée d’un passé au cours duquel les grandsaffirme formellement l’ancien directeur acteurs comme Rhône-Poulenc ou Elfde Total qui défendait l’idée inverse, étaient les fleurons du territoire –, maislorsqu’il y exerçait. «  Si tel est le cas, en aussi entre les différents bassins (Roussil-revanche elle ne sera pas abandonnée mais lon, Les Roches, Le Pont de Claix- Jarrie,transformée. Total ne laisse pas un site etc.) est une problématique régulièrementcomme cela. Il a une responsabilité sociale et mise en avant. Elle a d’ailleurs été rele-sociétale », nuance-t-il. Un pronostic peu vée dans le Contrat d’étude prospectiveencourageant pour le site de Feyzin que dans la chimie-environnement en Rhône- Alpes, réalisé par EY. « Si ce haut niveau Certificat Diriger Une Activité Prenez vite de la hauteurwww.executive.em-lyon.com / [email protected] / 04 78 33 78 38N°1E3M1 LJ1u7i3lle-Bta-nAdoeûaut 2D0U1A6-190x35_acterueco.indd 1 Acteurs de l’économie0-6/L0a6/2T0r1ib6un1e4:220 1

Entreprendre TOTAL, BYE-BYE LYON ? Document Métropole de Lyon L’APPEL DES 30 Initié en 2014 par la Métropole de Lyon, l’Appel des 30 est un programme qui veut donner les moyens de réussir la mutation éco-industrielle et éco-territoriale de la Vallée de la chimie en faisant face notamment à la transformation de la chimie lourde. La collectivité souhaite ainsi accueillir de nouvelles activités innovantes sur les terrains à réindustrialiser. Un gise- ment de 60 hectares étant disponible sur les sites de Solvay, BASF, Bluestar, etc. Un premier appel avait été lancé 2014,22 Aucntenuorsudveel’aécuolneomseiera- Llea T1reirbsueneptembre, et les premiers projets devraient sortir de terre d’ici 2017. La collectivitNé°s13’e1 sJtuidlleot-nAnoéûte2016 l’objectif de créer 500 emplois d’ici 2020.

TOTAL, BYE-BYE LYON ? Entreprendre« Le passé nous les activités ont été conservées, évitant qui a toujours su résister aux crises. « Lel’a montré, le scénario catastrophe  : l’arrêt des uni- passé nous l’a montré, les industriels arriventles industriels tés de production. «  Pour l’ensemble des à s’adapter en permanence. Le territoirearrivent à s’adapter industriels, il est indispensable de maintenir est solide.  » Pour certains industrielsen permanence. la chimie amont, développer la chimie avale comme Solvay, « même si nous avons inté-Et le territoire et favoriser l’émergence d’une chimie nou- rêt que l’écosystème se porte bien, le départest solide » velle », rappelle le président de l’UIC Rhô- d'un poids lourd n’aurait pas tellement de ne-Alpes. « Prévenir, anticiper et lutter, c’est conséquences sur notre activité  », souligned’intégration inter-sites peut s’apprécier notre mission », précise Philippe Massuyes, Emmanuel Murgue, délégué Rhône-Alpescomme une force et garantit des débouchés également trésorier de l’Union. La vigi- pour le chimiste belge.de proximité pour les activités concernées, il lance est donc permanente. Avec Total, Avec l’arrêt de sa raffinerie, le groupereste une faiblesse de la filière, dont la péren- fleuron de l’industrie française, elle l’est français ne pourrait cependant envisagernité peut être menacée en cas de défaillance encore plus puisque l’image de la Vallée un abandon total de son site. En effet,d’un maillon de la chaîne.  » Et les effets de la chimie (plus ou moins contrastée sa localisation reste stratégique puisquepourraient être dommageables. «  L’éco- auprès des associations environnemen- la compagnie pétrolière aura nécessai-système a trouvé son équilibre, les acteurs tales et d’une partie de la population) y rement besoin de dépôts de carburants.travaillent beaucoup entre eux, les liens sont est directement associée. Ce serait donc D’autant plus qu’un démantèlement et lesforts, donc c’est extrêmement positif. Ceci un coup dur pour le territoire et la filière. opérations de dépollution seraient beau-étant, le risque est de constater un chambou- coup trop coûteux. Ce qui était encorelement de la filière, si un maillon venait à se RÉSILIENCE classée dans la catégorie des rumeurs,fragiliser  », reconnaît Jean-Louis Martin. Que l’écosystème connaisse une défail- il y a encore 10 ans, n’a jamais été aussiCela aurait pu être le cas avec les dos- lance et une fragilité soudaines, si un plausible que ces dernières années. Danssiers Vencorex ou Kem One. Finalement, acteur majeur quitte le territoire, est une un contexte atone, où le pétrole se raré- réalité. « Celui qui est à la source détient le fie et les consommations changent, il est pouvoir sur les autres », affirme Yves Blein. certain que Total pourrait prendre de Pascal Tromeur, le reconnaît. Mais loin nouvelles mesures draconiennes à l’ave- de faire des projections hasardeuses, le nir. Jusque-là, sa raffinerie de Feyzin y a directeur d’Air Liquide préfère évoquer échappé, mais jusqu’à quand ? Les pro- le phénomène de résilience d’un secteur nostics sont ouverts.N°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 23

Entreprendre RUBRIQUE DE NOMTRANSPORTS URBAINS LYONNAISLe scénario ne s’était pas produit depuis 1998 : Keolis se retrouve sans compétiteur pour briguer lenouveau contrat d’exploitation des transports en commun lyonnais, prenant e et le 1er janvier 2017.Pour quelles raisons aucun acteur ne concourt cette fois pour une délégation de service public à unmilliard d’euros sur six ans ? Les jeux sont-ils déjà faits ? Keolis, filiale de la SNCF, dont la voie est libre,est-elle alors en position de force pour négocier les derniers ajustements avec le Sytral (Syndicat destransports en commun lyonnais), l’autorité organisatrice des TCL ? Les interrogations entourant cenouveau contrat d’exploitation sont nombreuses.24 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

RUBRIQUE DE NOM EntreprendreKEOLIS, L’INDÉTRÔNABLE ENQUÊTE, MARIE-ANNICK DEPAGNEUX PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADEN°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 25

Entreprendre KEOLIS CHIFFRES CLÉS « Nous avons retiré le dos- sier d’appel d’offres et • 1,7 million de voyages par jour nous l’avons examiné. • 19 % de hausse de la fréquentation Il est exigeant, mais classique. Toutefois, au entre 2010 et 2015 pour les quatre moment de nous poser lignes de métro la question du «  go no • + 21 % pour les 120 lignes de bus go », nous avons consi- et trolleybus déré que nous avions • + 80 % pour les 6 lignes de tramway peu de chances d’être • 4 447 agents retenus. C’est toute la difficulté de lutter contre un compétiteur bien installé et donnant satisfaction. Nous avons donc décidé de nous26 Acteurs de l’économie - La Tribune concentrer sur Lille, car les jeux sont plus ouverts », témoigne Laurent Mazille, directeur des relations institutionnelles chez Transdev, aujourd’hui détenu par la Caisse des dépôts et Veolia Environ- nement. RATP Dev, filiale internationale du groupe RATP, a elle aussi retiré le dossier et finalement décidé de ne pas aller plus loin. « Il s’agit d’un important marché, le plus gros après Paris. Nous y réfléchissons depuis longtemps, car les savoir-faire mis en œuvre à Lyon sont présents à la RATP. Cependant, s’attaquer à Keolis est compliqué comme l’ont montré les précédents appels d’offres, analyse François-Xavier Perin, président du directoire de RATP Dev. De plus, les ressources nécessaires pour y répondre se comptent en millions d’euros. » Or, bien que réévalué à 1,5 million d’euros, le dédom- magement (net de TVA) consenti par le Sytral aux candidats éconduits serait loin de couvrir les frais. François-Xavier Perin les estime plutôt autour de cinq millions d’euros. « Certes, c’est un challenge pour nos équipes, organisées pour le relever. Mais les appels d’offres sont nombreux en ce moment », reconnaît Laurent Mazille. La priorité est donc donnée à ceux pour lesquels « nos chances sont les plus grandes ». DÉS PIPÉS ? Ces commentaires convenus laisseraient-ils suggérer une distor- sion de la concurrence  ? Les négociations sur le contrat stricto sensu seraient-elles parasitées par d’autres sujets, tel l’engagement de la SNCF à délocaliser à Lyon toujours plus de cadres pour aider les immeubles de grande hauteur à sortir de terre ? En 2004, il s’était dit que le bureau exécutif du Sytral était plutôt favorable au groupement Transdev-RATP. Mais Gérard Collomb, président de la Communauté urbaine de l’époque (devenue Métropole de Lyon), qui rêve de hauteur pour le quartier d’affaires de la Part- Dieu, aurait imposé Keolis, selon nos informations. Et des ser- vices de la SNCF, déconcentrés de Paris, occupent 17 étages de la tour Oxygène, livrée en avril 2010. Rebelote avec la tour Incity, inaugurée le 11 mai dernier, elle aussi dans le quartier d’affaires de la Part-Dieu, et accueillant 1 450 personnes sur 18 niveaux. Le Sytral se serait-il donc placé entre les mains de la SNCF ? « Il est infondé de croire que les dés sont pipés. Je n’ai jamais rien entendu qui puisse le laisser entendre », clame Annie Guillemot, élue à la présidence du Sytral en juin 2015. « La SNCF est un partenaire de la Métropole. Et c’est un actionnaire stable et durable pour Keolis », ajoute Michel Havard, pourtant leader Les Républicains de l’op- position municipale à Lyon et administrateur du Sytral. N°131 Juillet-Août 2016

KEOLIS Entreprendre« Je fais confiance à Keolis Allotir le réseau, Bernard Rivalta qui a présidé aux destinées du Sytral pendant 14 ans, s’y est toujours opposé. « Prenons l’exempledans la mesure où Lyon constitue de la ligne de métro D. Si elle tombe en panne, 40 000 passagers sontson vaisseau amiral en France » affectés. Il faut mettre en place des bus de substitution. L’exercice est moins souple si ce sont deux exploitants différents », énonce l’ex-éluLE REFUS D’ALLOTIR politique désormais consultant de Guillaume Pepy, patron de laEn revanche, tout le monde est plus à l’aise pour évoquer le motif SNCF, à l’international. Si la future délégation de service publiquedu refus persistant du Sytral de scinder le marché en deux ou (DSP), lancée fin 2014, est l’héritage de Bernard Rivalta, Annietrois lots. « Pour un réseau de cette taille, c’était un moyen d’attirer Guillemot l’assume totalement : « Nous voulons que le contrat soitplusieurs compétiteurs avec des expertises différentes et de challenger global pour répondre au maximum aux besoins de la clientèle. Tous lesdes opérateurs », assure Laurent Mazille. En conséquence, ce der- jours ou presque, nous avons des incidents et Keolis a l’obligation denier déplore que le syndicat n’ait pas innové en la matière. Cet mettre en place une offre de remplacement. »avis est partagé par RATP Dev qui croit savoir que la technostruc- Le second argument est d’ordre financier : « En cas d’allotissement,ture du syndicat serait favorable à l’allotissement du contrat avec les opérateurs ne pourront plus s’engager sur un niveau de recettes.d’un côté, la surface, et de l’autre, le métro. «  Notre expérience Comment imputer la part des voyages et des charges revenant auxaurait été utile pour le projet Avenir Métro 2020 de modernisation du uns et aux autres ? », fait valoir l’ancien président des transportsmétro », rappelle François-Xavier Perin, en évoquant l’échec de en commun. Des motifs balayés par François-Xavier Perin : « Jemise en service du projet monté avec Areva. connais au moins une vingtaine de collectivités locales qui ont résolu le problème en créant une chambre de compensation ou un système de répartition des recettes. » François-Noël Buffet, maire LR d’Oullins « Il est infondé de croire que les dés sont pipés. Je n’ai jamais rien entendu qui puisse le laisser entendre », clame Annie Guillemot, présidente du Sytral. Gérard Collomb, président de la Communauté urbaine de l’époque aurait imposé Keolis en 2004, selon nos informations.N°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 27

Entreprendre KEOLISet administrateur du Sytral, se montre plus ouvert à cette hypo- « Je suis assez fier duthèse : « La décomposition du contrat mérite d’être regardée pour la réseau, mais il doit êtresuite sous réserve d’une étude préalable précise. » réhumanisé »LA PAIX DES BRAVESUne certitude : le réseau lyonnais fait saliver les prestataires tri- Cette instance dispose des compétences internes pour challenger lecolores dont ils reconnaissent tous l’efficacité. Mais, à en croire sortant. Il est en capacité de le mettre en concurrence fictive », ren-Stéphane Noël, secrétaire délégué FO chez Keolis Lyon, « quand chérit Michel Havard. L’élu lyonnais le répète : « Keolis est bonvous siégez à l’Union des transports publics et ferroviaires, vous avez délégataire et est apprécié. Et il n’y a pas de doute sur sa capacitéun peu le sentiment que c’est la paix des braves entre les opérateurs technique. »qui se partagent le marché français. C’est à l’international qu’ils «  Je fais confiance à Keolis dans la mesure où Lyon constitue sonse déchirent  ». Et les étrangers ont du mal avec les contraintes vaisseau amiral en France », renchérit Michèle Vullien, 2e vice-pré-sociales. L’anglais Arriva, seul non Français à s’être manifesté sidente de la Métropole de Lyon et administratrice du syndicat.à ce jour, en 1993, «  n’a pas donné suite quand ils ont compris De fait, la direction de Keolis, qui a décliné toute demande d’en-qu’il fallait reprendre le personnel en place », se souvient Raymond tretien en invoquant son obligation de réserve en l’état actuel desDeschamps, directeur général du Sytral. Qu’en sera-t-il dans le discussions, se sert de Lyon comme une vitrine pour mener sesfutur ? conquêtes à l’international. Ce réseau est un laboratoire dansEn attendant, Keolis n’a pas eu de rival pour lui souffler l’exploi- beaucoup de domaines : les technologies de communication, latation des TCL pour le prochain tour, de 2017 à 2023. Le Sytral récupération d’énergie (freinage du métro), l’éco-conduite desl’affirme  : la partie ne sera totalement gagnée qu’une fois les tramways et des bus, etc.négociations finalisées, d’ici à l’été. Au cas où « nous n’arriverionspas à nous mettre d’accord, nous pourrions prolonger d’un an l’actuelcontrat », met en garde Annie Guillemot. Plus en amont, il étaitégalement possible de relancer une consultation. « Les techniciensdu Sytral sont d’autant plus attentifs qu’il n’y a pas de concurrence. La direction de TER de la SNCF s’est installée dans la tour Incity. N°131 Juillet-Août 2016 Ici son directeur général, Franck Lacroix.28 Acteurs de l’économie - La Tribune

KEOLIS EntreprendreLE SOCIAL OUBLIÉ « S’attaquer à Keolis estPour conserver ce réseau en 2010, la filiale de la SNCF «  s’est compliqué comme l’ont montréengagée sur une croissance de 36 % des recettes sur la durée de laconvention. Nous avons la confirmation que c’était totalement fan- les précédents appels d’offres »taisiste puisque la progression atteint 24 % fin 2015, ce qui est déjàassez exceptionnel  », analyse Jacky Halbrant, secrétaire général UN MILLIARD D’EUROSCGT chez Keolis Lyon, qui emploie 4 447 agents (dont 4 382 D’INVESTISSEMENTéquivalents temps plein).Les produits réels des TCL ressortent à 211,047 millions d’euros, Malgré la diminution des ressources liées au versementen 2015, inférieurs de 4,5 % à l’obligation contractuelle, selon transport du fait du relèvement du seuil des entreprisesles comptes analytiques présentés lors du comité syndical du 29 devant l’acquitter et la baisse de 3 % de la dotation deavril dernier. Et les engagements de recettes non tenus justifient la Métropole, le Sytral a maintenu un plan d’investis-l’essentiel des 13,5 millions d’euros de pénalités prélevés par le sement d’un milliard d’euros sur la durée du mandatSytral(1), le solde des malus provenant de problèmes de régularité 2015-2020. Résultat d’une gestion financière sûre,et propreté. saluée par l’agence Standard & Poor’s qui a relevé laLes représentants syndicaux se plaignent que le social a été note du syndicat à « AA » au titre de l’exercice 2015. Finoublié. Ils en veulent pour preuve un taux d’absentéisme élevé décembre 2015, le résultat net disponible s’établissait à« dépassant les 11 %(2) ». « Il frôle même les 20 % parmi les conduc- 120,75 millions d’euros d’investissement. L’investisse-teurs dans certains dépôts », s’inquiète Jacky Halbrant. Ces arrêts ment le plus coûteux du mandat concernant l’extensionde travail sont causés par des accidents de travail (dont les agres- de la ligne B du métro jusqu’aux hôpitaux sud de Lyon :sions), les congés maternité et les arrêts maladies. « On ignore ce 394 millions d’euros budgétisés pour 2,5 kilomètres etqui est du ressort des pathologies réelles et du mal-être. Toujours est-il une mise en service annoncée pour 2023.que le médecin du travail a alerté sur les risques psychosociaux, maisil n’a pas les moyens de faire de la prévention », poursuit le syndica-liste de la CGT. « Je suis assez fier du réseau, mais il doit être réhu-manisé. Nous observons de moins en moins d’encadrement. Quandvous êtes affecté sur une ligne de bus la nuit, plus personne ne vientà votre rencontre. Les salariés sont trop seuls », déplore StéphaneNoël. Dans la prochaine DSP, des exigences supplémentairessont formulées en matière de ressources humaines. « Il faut queles agents aient des perspectives d’évolution de carrière, qu’il puissentacquérir des compétences par la formation », reconnaît RaymondDeschamps. Pas moins de 70 métiers sont comptabilisés au seindes TCL. L’accent sera également mis sur l’entretien et la main-tenance du matériel.Par ailleurs, le Sytral entend que soit mis en place un plan cohé-rent de lutte contre la fraude qui se situe autour de 10 %. « C’estun sujet compliqué auquel nous avons toujours été attentifs, car ilengendre aussi des problèmes de sécurité. Nous demanderons au délé-gataire d’améliorer l’ensemble des procédures. Il existe déjà des contrô-leurs en civil, mais il faut que les équipes soient plus mobiles », énoncela direction de l’autorité organisatrice. La fraude représente unvrai manque à gagner, et la crise n’arrange rien.(1) En contrepartie des charges liées au service, l’exploitation reçoit une rémunération qui s’est établie à 372 millions d’euros en 2015. Ce forfait est ajusté en fonction de l’atteinte des objectifs contractualisés.(2) Le rapport du Sytral relevait un taux de 11,9 % en 2013 pour un objectif maximum de 9,3 %. CONSEIL EN RECRUTEMENT 3 rue de la République, 69001 Lyon DIRIGEANTS & CADRES EXPERTS Tél. 04 72 00 76 76 - www.innoe.net LYON - PARIS - INTERNATIONAL Acteurs de l’économie - La Tribune 29N°131 Juillet-Août 2016

Entreprendre CHRONIQUES Anne Imbert, Avocate associée, Disparition Delsol Avocats DES FILIÈRES Vrais ou faux détachés ? INDUSTRIELLES VERS UNE EXTENSION DU DOMAINE DE LA LUTTELa France continue de faire partie du peloton de tête de la désindustrialisation en Europe et son déclin a entraîné « Contourner délibérément le droit, c’est remettre en cause ce une déstructuration de bassins d'emploi et de pans entiers qui fonde notre société. » (1) Selon la législation française, de l'économie. La vision du « zéro usine » portée par des est détaché le salarié d’un employeur établi et exerçant économistes et des capitaines d'industrie a fait long feu et son activité à l’étranger qui, à la demande de celui-ci, exé- l'État veut maintenant préserver ses filières industrielles et cute un travail sur le sol français pendant une durée limi- économiques, après avoir longtemps simplement cherché à tée. À l’origine de montages juridiques frauduleux parfois accompagner et à gérer socialement leur déclin. En 2013, extrêmement sophistiqués, le détachement est source une « Nouvelle politique industrielle » a été mise en place, de dumping social et de travail illégal. Face à ce phéno- qui s'appuie sur un Conseil national de l'industrie doté de mène croissant, la France a longtemps cherché à guérir 14 comités de filières. Elle sonne le glas de la politique nationale industrielle ses maux plutôt qu’à les prévenir. Cette attitude s’inverse planificatrice, et laisse la place à la concertation étroite et à la co-construction aujourd’hui avec un durcissement notable des règles, des contrôles et des sanctions en la entre les « Forces vives de l'industrie » et l'État, au moyen de contrats de matière. Le tournant s’opère en juillet 2014 avec la loi Savary (transposant la directive 2014/67/ filières, déclinés en feuilles de route. Cette volonté de reconquête industrielle UE). La responsabilité solidaire de l’entreprise donneuse d’ordre et de son cocontractant est s'accompagne de discours portant sur la nécessaire transversalité des filières encourue en cas de non-respect des droits des travailleurs étrangers détachés, les syndicats et la promesse de mise en œuvre rapide d'actions qui se veulent inclusives peuvent intervenir au nom de l'intérêt général et l’employeur étranger doit obligatoirement dési- et créatrices d'emplois. gner un représentant sur le territoire français avant tout détachement. Puis la loi Macron (2015), votée parallèlement au scandale du chantier de l’Université du Parti socialiste de La Rochelle, Préservation instaure, pour les mesures les plus importantes, outre la carte d’identification professionnelle des Ce changement de paradigme se met difficilement en place dans un pays ouvriers du BTP, l’obligation pour l’employeur étranger de déclarer ses salariés préalablement à rigidifié par ses corporatismes et ancré dans un centralisme viscéral. La leur détachement, l’obligation de vigilance du donneur d’ordre quant au respect des règles de difficulté et l'absence de pratique de la territorialisation rendent cette volonté détachement (par exemple, il doit se faire remettre par son cocontractant étranger une copie de changement de méthode de gouvernance peu visible et efficace. L'État de sa déclaration de détachement), la suspension pendant un mois de la prestation de services reprend d'ailleurs rapidement la main sur les sujets qu'il estime stratégiques. si elle s’avère illégale, la solidarité de paiement des rémunérations et des charges entre le don- En effet, les écosystèmes productifs français réagissent mal en période neur d’ordre et son cocontractant étranger. Le plafond des sanctions pécuniaires associées au de changement et, de ce fait, ne se régénèrent pas assez rapidement. On non-respect de ces obligations a été rehaussé à 500 000 euros. constate que les politiques économiques visent peu la consolidation et le développement de l’existant, celui-ci étant souvent axé sur le futur. Or, le Apogée détricotage d'un tissu industriel peut être très rapide ! On commence à Aujourd’hui, le projet de loi travail renforce ces sanctions en autorisant par exemple, la suspen- constater que la préservation de l'intégrité d'une filière est pri- sion pure et simple d’une prestation de service international en cas d’absence de déclaration mordiale à la survie de l'ensemble de celle-ci, alors qu'une idée préalable de détachement. Enfin, les acteurs sociaux sont amenés à jouer un rôle accru dans le communément admise était de se concentrer sur les activités à cadre de la convention nationale de lutte contre le travail illégal et les fraudes au détachement forte valeur ajoutée. C'est au niveau des bassins d'emploi que se situe dans le BTP (février 2016). D’autres conventions sont d’ailleurs annoncées dans les secteurs la vraie vie des filières et c'est à cette maille que doivent se développer et de l’agriculture, du spectacle, de l’emploi à domicile, etc. La lutte contre le détachement illégal se reconstruire les chaînes de valeur des activités : le développement et est à son apogée. Il faut dire que le sujet, outre son aspect indéniablement social la réussite de certains clusters le démontrent bien. La proximité avec les n’en demeure pas moins une source de profit considérable pour l’État français. enjeux et la réalité des situations rendent les orientations et les actions Espérons que cette lutte sera menée avec intelligence et concertation entre les pouvoirs publics beaucoup plus opérationnelles et adaptées aux réalités business. Les déci- concernés pour aider à la reprise de l’emploi en France. deurs perçoivent le croisement de leurs intérêts et comprennent que la filière ou le bassin d'emploi constitue leur «  bien commun  », à préserver collectivement. Pascal Gustin, (1) Extrait du discours du Premier ministre du 30 mai 2016 lors de la Commission nationale de lutte contre le travail illégal © DRPrésident d’Algoé – présentation du Plan national de lutte contre le travail illégal 2016-2018.30 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

TRIBUNE Entreprendre Le débat sur les perspectives économiques de notre pays est parfois pol- lué par des images d’Épinal. Il faut donc prendre garde au sens véritable des mots. Pour un banal moteur de recherche, l’industrie se réduit à une usine fumante et polluante. Dans la nomenclature d’activités établie par les statisticiens après la Seconde Guerre mondiale, et toujours suivie à quelques aménagements près par l’Insee et ses homologues internationaux, l’industrie est une liste figée de secteurs, qui se distinguent de l’agriculture et des services. Cette industrie-là, on le sait, notamment en raison des gains de productivité élevés qu’elle réalise et dont nous tirons la croissance, voitTOUT son poids économique se réduire, en France comme dans tous les pays dévelop-RAISONNEMENT pés, au profit des entreprises du secteur tertiaire.ÉCONOMIQUE Mais quiconque est allé sur le terrain a réalisé, depuis longtemps déjà, queCOMMENÇANT l’industrie et les services sont interdépendants. L’immense majorité (85%) desPAR SÉPARER entreprises « manufacturières » françaises tire une part de leurs revenus deOU À OPPOSER la vente de services de leur chiffre d’affaires en mo enne, chiffre qui neINDUSTRIES cesse de croître). En retour, certaines entreprises fondées initialement pourET SERVICES une prestation de services consolident leur mod le d’affaires en se mettant àCONDUIT fabriquer des produits. Et, surtout, les unes et les autres s’associent pourÀ UNE IMPASSE proposer à leurs clients des solutions performantes, compétitives et inno- vantes. Les achats croisés entre les deux secteurs, tant en sous-produits qu’en prestations intellectuelles, sont quotidiens. Tout raisonnement écono- mique commençant par séparer ou à opposer industries et services conduit à une impasse.OUI, L’AVENIR FRANÇAISSE PENSE INDUSTRIEL !Vincent Charlet, TRANSFORMATION PROFONDE © Bruno des Gayets / NikojaDirecteur de La Fabriquede l’industrie Au sens premier du terme, l’industria consiste à répondre à un besoin en faisant preuve d’astuce, d’habileté. L’industrie moderne serait née, selon certains histo-N°131 Juillet-Août 2016 riens, à la création des arsenaux de Venise. Aujourd’hui, fondamentalement, l’in- dustrie se reconnaît partout où l’ingéniosité et l’organisation des principes de production permettent de réaliser des gains de production et des innovations. Dès lors, chacun comprend que l’industrie a toute sa place dans l’économie de demain, pour répondre aux besoins vitaux et non vitaux des prochaines générations. Chacun com- prend également que l’industrie offrira des emplois passionnants à ceu qui voudront contribuer. ouveau médicaments, logiciels embarqués, intelligence artificielle, moyens de transport, logement économe, nouveaux matériaux, solutions énergétiques, etc. Les besoins sont insondables ! En particulier, les entreprises manufacturières, depuis les industries agroalimen- taires jusqu’à la construction aéronautique, vont vivre dans les toutes prochaines décennies une transformation très profonde de leur chaîne de production et de sous-traitance, sous l’effet de la diffusion des technologies numériques. ig data, impression 3D, nouvelles méthodes de conception et de production, etc. la liste des innovations est impressionnante. Tous les métiers, et secteurs de l’entreprise seront touchés, avec comme horizon : l’enjeu de répondre à une demande toujours plus sophis- tiquée dans un contexte de transition énergétique et d’économie de la ressource. Un formidable appel pour de nouveaux talents ! Acteurs de l’économie - La Tribune 31

DES TRAVAUX PREVUS ? PENSEZ AECOIRENOVERPro tez-en pour réaliser des travaux d’isolation quigarantiront confort thermique et économies d’énergie.La Métropole vous accompagne dans vos projets ! VOUS SIMPLIFIE L’ÉCO-RÉNOVATION - © NG WEE PINwww.grandlyon.com/ecorenov

LE RÊVE Inventer LE RÊVE, JACQUES TESTART‘‘Il existe deux façons principales de penser l’avenir à moyen terme. Elles se côtoient parfois chez les mêmes personnes, les mêmes partis ou think tanks, alors que ces deux prédictions sont clairement incompatibles. D’un côté, la croyance en des technologies capables de nous sauver de toutes nos impasses, de plus en plus puissantes et dotant les hommes de propriétés inédites : vivre beaucoup plus longtemps et en état de santé permanente, augmenter l’intelligence autant que la vitesse à la course à pied, profiter d’un environnement artificialisé et protecteur où règneraient l’abondance ainsi que la satisfaction de tous les désirs. Cette voie, qui est plus ou moins consciemment indiquée par les actuels dirigeants du monde, est celle du transhumanisme. D’un autre côté, la certitude que les limites de la planète sont presque atteintes, d’où l’obligation d’en économiser les ressources, mais aussi la conviction que le développement compétitif n’est pas viable ni humainement désirable, et qu’il faut lui opposer la sobriété volontaire, le partage et la convivialité. Venues de groupes en marge du système sous le nom de décroissance économique, ces idées gagnent progressivement en crédibilité, jusqu’à contaminer partiellement les discours des tenants de l’idéologie dominante. Dans ces conditions, il est di cile de jouer au futurologue. Assumons que la voie transhumaniste est fortement compromise, tant par des limitations extérieures (changements climatiques, maladies chroniques, pollutions généralisées, etc.) que par des contradictions intrinsèques (promesses intenables, exclusions aggravées, e ets indésirables des innovations, non maîtrise de la complexité du vivant, etc.). Est-ce à dire que la voie décroissante triomphera aisément ? Changer de paradigme existentiel n’est pas acquis, même si l’enjeu n’est pas de « revenir à la bougie » comme le prétendent les réactionnaires, qui sont aujourd’hui ceux qui défendent un progrès linéaire et sans fin. Combien parmi les contemporains sont disposés à partager leur voiture, leur jardin, leur ordinateur ? Combien sont prêts à refuser les mirages de la santé intégrale, des modes vestimentaires et robotiques, à réduire fortement leur consommation de viande, de transport motorisé pour diminuer les gaspillages, les pollutions, le réchau ement fatal de la planète ? Il appartient aux détenteurs de l’information d’ouvrir les esprits vers de nouveaux modes de vie plutôt que de pousser sans cesse à la consommation, de tourner en dérision les idées salvatrices et de préparer l’ubérisation des élans ultimes de convivialité. ’’Jacques Testart, Biologiste, Auteur de L’humanitude au pouvoir. Comment les citoyens peuvent décider du bien commun (Seuil, 2015)N°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 33

Inventer TRIBUNEEntre mutations technologiques et modificationsdes usages, le secteur automobile est confrontéà des bouleversements inédits. Les constructeursdoivent « sortir de leurs murs » et adopterune dynamique d’open innovation qui irriguenombre de territoires en pointe danscette filière. Riche d’un passé dansle transport de poids lourds, la régionAuvergne Rhône-Alpes peut yexercer un rôle majeur.LAaUrToOuMe tOoBuIrLnEe N°131 Juillet-Août 2016FEUILLETON, FRANÇOISE SIGOT34 Acteurs de l’économie - La Tribune

MARRUQBUREIQDEUFEADBERNIQOUME Inventer La voiture Navya Acteurs de l’économie - La Tribune 35 © Stéphane Audras / Réa sans chau eur, ici à Lyon en 2013.N°131 Juillet-Août 2016

Inventer AUTOMOBILE, LA ROUE TOURNE our un peu, ils passeraient d’autono- propre avec des émissions de particules inaperçus. D’ailleurs, il faut mie à la cen- moins importantes. Après plus de 100 mil- tendre l’oreille (et ne rien taine du moteur lions d’euros investis en recherche et déve- entendre), ouvrir grand les électrique. «  Notre loppement, 300 brevets déposés, le moteur narines (et ne rien sentir), et technologie fonctionne. Nous MCE-5 semblerait tenir ses promesses, ses les yeux (et ne rien différen- avons déjà commercialisé 250 véhicules, et inventeurs estimant avoir atteint « un niveau cier) pour se rendre compte pensons franchir le cap du millier dès l’an pro- de maturation proche de l’industrialisation  ». qu’une innovation majeure chain. Son coût reste deux fois supérieur à celui De quoi envisager d’équiper les voitures du secteur automobile est en d’un véhicule classique. Nous pourrons alors d’ici moins de cinq ans si les constructeurs train de naître. Depuis plus diviser le prix par deux  », annonce Francis l’adoptent… et si le projet voit réellement d’un an, une cinquantaine Allouche, directeur des ventes de Symbio le jour. de véhicules Kangoo sil- FCell. Pour accompagner cette expérimen- À deux heures de route de la capitale de la lonne les rues de Grenoble tation, à Lyon, la Compagnie nationale du grande région, dans les ateliers du construc- et Lyon dans le cadre du Rhône, et le Drômois McPhy Energy ont teur auvergnat Ligier, une autre innovation programme HyWay, coor- implanté sur le port Édouard Herriot une est à son tour célébrée  : celle du véhicule donné par le pôle de compé- station de recharge d’hydrogène exploitée autonome EZ10, un mini bus permettant titivité Tenerrdis, spécialisé par GNVert qui permet de recharger en d’effectuer des trajets dont l’itinéraire est dans les innovations en hydrogène les véhicules du projet HyWay connu en amont. «  L’innovation réside dans matière d’énergies renouve- en moins de sept minutes. Restera ensuite l’absence de poste de conduite. De fait, le véhi- lables, et soutenu par l’État, à multiplier le nombre de stations de distri- cule se repère grâce à des capteurs lui permet- la Région et la Commission bution d’hydrogène et à adapter le réservoir tant d’identifier les obstacles. Par ailleurs, nous européenne. Leur spécifi- à hydrogène sur des voitures de tourisme programmons en amont la trajectoire qu’il doit cité  ? Ils sont électriques et pour leur donner une autonomie de 500 suivre  », explique Xavier Salort, directeur équipés d’un prolongateur kilomètres afin que ces voitures d’une des ventes chez Easy Mile, joint-venture d’autonomie fonctionnant nouvelle ère envahissent nos routes. Une créé par le constructeur automobile Ligier et à l’hydrogène mis au point question de quelques mois... Et assurément Robosoft pour produire et commercialiser le pas l’entreprise grenobloise une petite révolution. Le mot peut aussi EZ10. Pour l’heure cette technologie impose Symbio FCell. De quoi ajou- qualifier le moteur de MCE-5 Développe- d’opérer dans un environnement maîtrisé ter près de 200 kilomètres ment. L’entreprise lyonnaise a remis au goût où l’imprévu est absent. Mais demain, du jour la technologie de la compression constructeurs et chercheurs n’excluent pas36 Acteurs de l’économie - La Tribune variable. Depuis près de 15 ans, dans une de parvenir à adapter leur technologie sur grande discrétion, elle peaufine la mise au les véhicules particuliers et d’arpenter, par point d’un moteur dont la consommation exemple, les autoroutes où l’environnement moyenne est réduite et la combustion plus est bien moins aléatoire qu’en ville. L’AVENIR S’ÉCRIT AUTREMENT Sous l’impulsion de startups, mais aussi des constructeurs et équipementiers, l’au- tomobile fait sa révolution. Les enjeux sont de taille et les défis à relever peut-être sans égal. D’autant que dans le classement des sujets marqués par la contradiction, l’automobile fait la course en tête. Stig- matisés pour être bruyants, couteux et polluants, les véhicules – automobile en tête – restent des équipements très pri- sés. Un coup d’œil sur les chiffres suffit à s’en convaincre. Alors qu’à peine 250  000 véhicules étaient dénombrés au début du XXe siècle, la production annuelle mondiale franchit aujourd’hui les 80 millions d’exem- plaires. Porté notamment par les pays en développement, le marché est encore loin de son apogée, mais avec la raréfaction du pétrole, les pressions environnementales et les mutations des usages, l’avenir de l’auto- mobile va devoir s’écrire autrement. Désor- mais ce n’est plus nécessairement au sein des services recherche et développement des géants de la construction automobile que naissent les innovations. Nombreuses sont les startups qui s’affairent pour mettre au point des véhicules plus beaux, plus propres, plus légers et bien sûr ultras connectés. N°131 Juillet-Août 2016

AUTOMOBILE, LA ROUE TOURNE InventerL’URBAIN EN LIGNE DE MIRE de l’autopartage. Symbio FCell a quant à de marchandises en milieu urbain. Ainsi,Pour les penser, les chercheurs ne se elle accueilli Michelin à son capital. Plus même si Auvergne Rhône-Alpes, qui acontentent plus d’améliorer leurs perfor- que jamais il semble écrit que la voiture vu naître les voitures et les camions Ber-mances techniques. La course à la puis- de demain sera placée sous le signe des liet – devenus aujourd’hui Renault Truckssance et à la vitesse s’essouffle, emboîtant collaborations. Un mode de faire que les –compte davantage comme une placele pas à un marché en totale mutation. « Le acteurs du transport de la région Auvergne forte de la construction de bus et de poidsfutur de l’automobile a tendance à devenir un Rhône-Alpes maîtrisent déjà sur le bout de lourds, elle s’impose comme un territoirephénomène urbain, mais la population urbaine la pédale grâce à un passé riche dans ce en pointe dans la vaste chaîne de l’automo-à tendance à s’éloigner des centres-villes. domaine. bile du futur. Parmi les programmes portésAujourd’hui, 70 % à 80 % des trajets quotidiens par LUTB, l’un se concrétise par la misequi se font en voiture sont liés aux courses, aux DU POIDS LOURD À LA VOITURE au point d’accessoires plus légers et moinsactivités des enfants et au travail. La consé- «  Les enjeux des véhicules de demain sont vibrants. « Ces avancées sont décisives pour lesquence sur les achats d’automobiles est sans finalement identiques, que nous parlions de la véhicules électriques où le bruit du moteur neappel. Les Français privilégient des voitures voiture ou du poids lourd. Il s’agit de rendre masque plus celui des accessoires », commenteplus petites, plus compactes et mieux équi- les véhicules plus performants, de mieux gérer Philippe Gache. Un autre vise à expérimen-pées pour des trajets de plus en plus courts », les flux et d’optimiser les charges pour trans- ter des modes de mobilité spécifiques pourcommente François Roudier, directeur de porter plus, en un seul véhicule. Notre objectif les zones de montagne. Ou encore à prolon-la communication du Comité des construc- est donc de mutualiser les compétences pré- ger la durée de vie des batteries. Certainsteurs français d’automobiles (CCFA). L’an sentes sur notre territoire pour que les diffé- sont encore embryonnaires quand d’autres,dernier 54 % des véhicules vendus en rents acteurs du monde des transports puissent comme le projet Transpolis (voir encadré),France étaient des citadines. Dorénavant, partager leurs travaux  », souligne Philippe sont déjà bien concrets. Autant de révolu-la voiture se consomme comme n’importe Gache, directeur du programme systèmes tions au sein de l’un des plus vieux sec-quel autre objet, plus exactement comme de transports intelligents au sein du pôle de teurs économiques, condamné à s’adapterun service. «  Elle se loue de plus en plus  », compétitivité LUTB, qui regroupe près de pour poursuivre sa route en adoptant unerésume François Roudier. Cette mutation 200 adhérents et a permis de faire aboutir nouvelle conduite. Désormais, il ne s’agitdes usages fait sortir les grands acteurs 200 projets collaboratifs en 10 ans. À ce plus d’imaginer un objet de séduction,de l’automobile de leurs usines. Début jour, il est le seul cluster en Europe centré encore moins un signe de richesse ou deavril, PSA a ainsi annoncé avoir participé sur les grands enjeux environnementaux, puissance, mais de se concentrer sur l’ex-à la levée de fonds de 18 millions d’eu- sociétaux et économiques que constituent périence de mobilité que va permettre cetros de Koolicar, une start-up française les systèmes de transport de personnes et objet.AU MICRO DE MARIE LEYNAUD, DU LUNDI Crédits Photos : Éric GANNATLES CRÉATEURS D’ENTREPRISES AU VENDREDIPARTAGENT LEURS EXPÉRIENCES À 19H30 DANS L’ÉMISSION REDIFFUSION : SAMEDI 17H45 LYON VILLE DEL’ENTREPRENEURIAT LYON / 88.4 BOURGOIN-JALLIEU / 95.9 ROANNE / 88.3 Acteurs de l’économie 3-0L/0a3/T20ri1b6un1e9:2357 SAINTE-FOY-L’ARGENTIÈRE / 101.7 TARARE / 95.1 VIENNE / 94.7 VILLEFRANCHE / 91.7N°1½31paJgueillAectt-EAcoo_ûMt a2r0ie1_6Leynaud.indd 1

Publi-reportIangveenter AUTOMOBILE, LA ROUE TOURNE© GRTgaz / Arnaud Joron LA MOBILITE DURABLE PASSE PAR LE GAZ En octobre 2014 est adoptée la directive sur le déploiement d’une infrastructure pour carbu- rants alternatifs, dite directive AFI(1). Ce texte demande à chaque État membre de mettre en place d’ici le 18 novembre 2016 un cadre d’action national pour le développement du marché relatif aux carburants alternatifs et le déploiement des infrastructures afférentes : points de recharge pour véhicules électriques, points de ravitaillement en GNV (sous forme de Gaz Naturel Comprimé – GNC – et de Gaz Naturel Liquéfié – GNL) pour les transports routiers, maritimes et fluviaux, et points de ravitaillement en hydrogène. L’Association Française du Gaz Naturel Véhicule portant sa vision du marché du véhi- associé un grand nombre d’acteurs (AFGNV) a remis aux ser- cule gaz à l’échéance 2020, ainsi que de la filière, estime que le dévelop- vices du Ministère de l’En- des perspectives de développement pement d’un parc GNV de 11 000 vironnement, de l’Énergie à l’horizon 2030. Coordonnée par poids-lourds et de 20 000 véhicules GRTgaz, opérateur du réseau de utilitaires d’ici 2020 nécessiterait et de la Mer un rapport transport de gaz, cette étude, qui a de porter le réseau d’avitaillement 38 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

AUTOMOBILE, LA ROUE TOURNE InvePnutbelir-reportageà environ 250 stations publiques, au profit de l’économie et de l’emploi Le réseau de stations publiques GNV © GRTgazcontre une quarantaine à l’heure régional. en 2020actuelle, pour un investissement de GRTgaz accompagne les territoiresl’ordre de 200 millions d’euros. En dans cette phase de déploiement, en GRTgazAuvergne-Rhône-Alpes ce réseau de apportant sa vision européenne et A POUR OBJECTIFstations pourrait être constitué d’une nationale du développement du GNV QU’AU MOINStrentaine de points d’avitaillement. en général, et plus particulièrement 20% DE SON PARCLes investissements dans ces stations sur le déploiement du réseau de sta- DE VÉHICULEpourront être portés en grande par- tions, ainsi que son expertise tech- ROULE AU GNVtie par les acteurs privés moyennant nique et économique sur le sujet. En D’ICI 2020le maintien des mesures incitatives ce sens GRTgaz participe notammentactuellement en vigueur, et en parti- au projet Equilibre, initiative régionale Acteurs de l’économie - La Tribune 39culier le maintien de l’écart de fisca- à portée nationale voire européennelité entre le gaz et le diesel jusqu’en réunissant transporteurs routiers,2025, à l’instar des dispositifs adoptés ADEME et GRDF en vue de concilierau Royaume-Uni, en Italie ou en Alle- compétitivité et transition énergé-magne. Dans son rapport, l’AFGNV tique Convaincu pour être convain-préconise également l’adoption de quant, GRTgaz a pour objectif qu’aumesures incitatives complémen- moins 20% de son parc de véhiculetaires, comme des soutiens à l’inves- roule au GNV d’ici 2020.tissement pour compenser l’écart à Associé à GRTgaz depuis 2015l’achat des véhicules gaz par rapport pour promouvoir la mobilité gaz, leau diesel. Les infrastructures gazières véhicule MicroJoule conçu par les(réseaux, stockages, terminaux étudiants du lycée La Joliverie deméthanier) sont déjà correctement Saint-Sébastien-sur-Loire (44) parti-dimensionnées pour raccorder ces cipera au Shell Eco-marathon Europefutures stations, et constituent un 2016, du 30 juin au 3 juillet 2016 àactif solide qui facilitera la construc- Londres, dans la catégorie GNC. Ention de l’écosystème GNV. 2015, sur le circuit de Rotterdam,La déclinaison opérationnelle de ce Microjoule avait parcouru 2 551,8 kmplan de déploiement repose sur les avec l’équivalent d’1 litre d’essenceacteurs économiques (commerciali- dans cette même catégorie.sateurs de gaz carburant, chargeurs Le Shell Eco-marathon est une com-et transporteurs routiers, construc- pétition mondiale qui met au défi lesteurs) mais aussi sur les collectivités étudiants de concevoir, construire etlocales au titre de l’aménagement conduire les véhicules les plus perfor-du territoire, en pilotant des sché- mants possibles en matière d’effica-mas directeurs régionaux pour cité énergétique.mailler correctement l’espace enstations publiques, en accompagnant Contacts :les projet des acteurs privés dans la Benjamin Masseronréalisation de leurs investissements Référent GNV Rhône-Méditerranée(mesures locales, mise à disposition [email protected] foncier…), et si besoin en organi- Georges Seimandisant des appels à projet pour complé- Délégué territorialter le réseau de stations publiques. Rhône-MéditerranéeEn plus de ses apports bénéfiques [email protected] la qualité de l’air et la réduction www.grtgaz.comdu bruit l’émergence de la mobilitégaz permet à toute une filière indus- (1) Alternative Fuels Infrastructurestrielle et de services de voir le jour,N°131 Juillet-Août 2016

Inventer AUTOMOBILE, LA ROUE TOURNE © TranspolisTRANSPOLIS fait la course en têteTout y est ! Les rues, les feux trico- en Europe. Incubé au sein de LUTB et Navya est par exemple venu chez nous lores, les immeubles, les arbres, initié par des acteurs industriels et l’Ins- pour tester son véhicule autonome », relate les bancs et s’il le faut, il saura titut français des sciences et des technolo- Stéphane Barbier. Présenté comme « la faire traverser un piéton bruta- gies des transports, de l’aménagement et brique », indispensable entre la modéli- lement ou voir le vent provoquer des réseaux (IFSTTAR), il devrait ouvrir sation 3D et les conditions réelles, Trans-un éboulement sur la chaussée. En repro- en 2018. polis entend s’imposer comme l’espaceduisant à l’identique une ville sur près privilégié d’échanges et de cocréationde 100 hectares, Transpolis(1) permet aux « LA BRIQUE INDISPENSABLE » entre les acteurs du monde du transport.acteurs des transports et au-delà, de dis- En attendant, les premières pistes de Gestion du trafic, gestion dynamiqueposer d’un outil sans égal pour améliorer travail et surtout le modèle économique des places de parking, avènement desleurs innovations. « Pour innover sur le se dessinent. « Nous allons louer tout ou chaussées intelligentes équipées de cap-champ de la mobilité urbaine, il est indis- partie de nos équipements à des industriels teurs pouvant modifier la signalisation etpensable de développer des interfaces entre qui souhaitent tester leurs projets. D’ailleurs, dialoguer avec les véhicules automatisésles différents acteurs. Transpolis a donc été même si nous ne disposons pas à ce jour de sont autant de défis auxquels Transpoliscréé pour réaliser des scénarios d’usage, per- la totalité de notre futur outil, nous avons devrait apporter son concours.mettant de tester des innovations dans un déjà commencé à proposer des prestationscontexte d’environnement urbain », résume en utilisant les pistes d’essais de Renault (1) Les fondateurs de Transpolis : Renault Trucks,Stéphane Barbier, son directeur du déve- Trucks qui jouxtent notre site. Notre labo- Colas, Aixam, Groupe Polaris, Vibratec, Eve System,loppement. Implanté sur plus de 80 hec- ratoire installé à proximité de l’aéroport Adetel Group et l’Institut français des sciences et destares sur le site de l’ancien camp militaire Saint-Exupéry, au sein duquel nous réali- technologies des transports, de l’aménagement etde la Valbonne dans l’Ain, cet équipe- sons des essais de simulation sur des équi- des réseaux (IFSTTAR), ont été rejoints en2014 parment en cours de construction est unique pements routiers, est également mobilisé. le Syndicat des équipementiers de la route (SER) et en 2016 par le groupe Vicat, Groupama Rhône-Alpes Auvergne et la Caisse des dépôts et consignations.« Auvergne Rhône-Alpes s’impose comme un territoireen pointe dans la vaste chaîne de l’automobile du futur »40 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016

LES TRIBUNE InventerPOLITIQUESDOIVENT Au cœur du développement économique des nations, dès avant-guerre auxPARVENIR États-Unis et après-guerre en Europe et au Japon, l’automobile s’estÀ IMPULSER UNE inscrite comme une priorité de développement pour la plupart des nou-CONCURRENCE, veaux pays industrialisés. La Corée, la Chine, le Brésil, le Mexique, lesBEAUCOUP MOINS nouveaux États membres de l’Union européenne, l’Inde, la Malaisie, la Thaï-GLOBALE ET lande, l’Algérie ou le Maroc ont successivement su s’inscrire dans le paysage.BEAUCOUP PLUS ls ont ainsi confirmé et ren orcé la place tr s cruciale que l’automobile« GLOCALE » a, comme industrie, dans la structuration des économies et de la géographie des espaces producti s. Si tel est le cas, c’est parce que, comme levier du changement social et humain, l’automobile demeure solidaire du développement des mobilités qui a accompagné systématiquement la croissance et qui induit des trans ormations ma eures des territoires. aute de pouvoir résister à la puissance presque irrépressible que son développement représente, pays mûrs comme pays émergents, autorités centrales comme autorités locales, ONG écologistes ou communautés citoyennes mettent en balance de plus en plus clairement les coûts de ce développement et tentent de le discipliner. La sécurité routi re ou sanitaire, les émissions de ga à effet de serre, l’em- prise au sol, la maîtrise de l’occupation et de la structuration des espaces sont autant de bonnes raisons de le aire. es technologies nouvelles asso- ciées au nouvelles ormes de motorisation d’une part et au numérique d’autre part ressortent alors comme de bons mo ens d’ parvenir et d’obtenir enfin, un développement maîtrisé de l’automobile et de son impact social humain et territorial.L’AUTOMOBILE À LA RECHERCHEDES COMPROMISBernard Jullien, COMPROMIS © DRMaître de conférencesen économie à l’Université e ait, sur le papier, réduire les émissions, limiter l’emprise au sol et lade Bordeaux, directeur du congestion associée à l’automobile et en articuler mieu l’usage avec d’autresGerpisa (1) (ENS Cachan) ormes de mobilité plus douces ou plus appropriées au espaces dense est au ourd’hui un ob ecti soutenable. l ne sera toute ois pas atteint sans que(1) Groupe d’étude et de recherche s’affirment ermement, ace au industriels et à leur volonté de voir préva- permanent sur l’industrie et loir des solutions globales, des autorités régionales et locales qui montrent les salariés de l’automobile cette volonté de ma trise et am nent les acteurs industriels à chercher avec eu des compromis. es compromis seront à rechercher entre automobile etN°131 Juillet-Août 2016 autres modes de déplacement, entre automobile en propriété et auto mobile partagée, entre automobile traditionnelle et automobile autonome, entre les motorisations thermiques et les autres. ls porteront donc sur les ormes admises ou souhaitées de développement du produit automobile. Ils seront dans le même temps à rechercher sur les ormes de développement de l’automobile comme production et concerneront alors le contenu local des productions en composants produits sur place et, de plus en plus, en conception localisée dans les différentes régions ou différents pa s. Plut t que de courtiser des acteurs globaux en tentant de les convaincre de rester ou de venir chez eu , les politiques doivent parvenir à impulser une concurrence, beaucoup moins globale et beaucoup plus glocale , o les industriels auraient à convaincre les citoyens et leurs représentants qu’ils sont les meilleurs par- tenaires qu’ils puissent trouver pour aire respecter les choi démocratiques qui sont les leurs. n en est encore loin, mais on n’en a amais eu autant la volonté et – techniquement – les possibilités. Acteurs de l’économie - La Tribune 41

Comprendre RUBRIQUE DE NOMthéra • Photo: N. Bouchut PIONEERING DIAGNOSTICS Avec près de 10 000 collaborateurs et une présence dans plus de 150 pays, bioMérieux offre des solutions de diagnostic qui améliorent la santé des patients et assurent la sécurité des consommateurs. www.biomerieux.com N°131 Juillet-Août 2016 42 Acteurs de l’économie - La Tribune * Transformer les partenariats en innovation Pionnier du diagnostic

LARISSA BALAKIREVA, la fonceuse PORTRAIT Comprendre CHERCHEUR © Laurent Cerino / Acteurs de l’économieLarissa Balakireva est très peu retournée en Russie,N°131 Juillet-Août 2016 son pays natal, depuis qu’elle a foulé pour la première fois le sol français en 1996, en vue d’intégrer l’équipe de chercheurs du CEA. Un choix que cette passionnée de science a fait, à l’âge de 30 ans, dans un seul but : exercer son métier dans les « meilleures conditions » dans le domaine de l’agroalimentaire. «  En Russie, cette industrie est très en retard à l’instar du milieu de la recherche, très archaïque.  » Et depuis 10 ans, elle s'est lancée dans une nouvelle activité en créant l’entreprise Novocib. Une société qui développe un kit permettant de tester la fraîcheur des produits de la mer. CARACTÈRE De la Russie, elle garde une pointe d’accent qui la distingue. Larissa Balakireva a également conservé le « caractère » du pays des tsars. Dans un domaine où la patience et le temps sont indissociables, la cher- cheuse puise en son for intérieur pour avancer. « Je suis impatiente de voir le résultat à grande échelle, mais j’ai encore besoin d’expliquer mon innovation et surtout de faire face à la résistance de certains. » Une situation «  épuisante  », mais pour laquelle, elle ne pourrait abandonner. « C’est très frustrant parfois de s’investir autant pour si peu de retours. Mais j’ap- prends de mes erreurs et je continue. » DANSEUSE Après la musique gothique, une période salsa, Larissa Balakireva a découvert le ballet. Une discipline qui lui ressemble et qui lui apporte « équilibre et dignité ». Ce que la scientifique tente d’entreprendre et de mainte- nir au quotidien. « Dans le ballet, aucune place n’existe pour l’amateurisme. Tout doit être pensé et millimé- tré. À la russe  !  », précise cette perfectionniste, d’un «  incorrigible  » naturel optimiste, mais estimant ne pas être assez dure avec elle-même dans son tra- vail. « Ainsi, plus je travaille, plus je maîtrise mon sujet, mieux je le comprends et conçois le monde. C’est pour cela que je n’accepte pas les échecs. » Et ce, dans tout ce qu’elle entreprend. Acteurs de l’économie - La Tribune 43

Comprendre RUBRIQUE DE NOM 44 Acteurs de l’économie - La Tribune N°131 Juillet-Août 2016Tunnel de Pinchat, front d’attaque de Carouge-Bachet.

RUBRIQUE DE NOM Comprendre CEVA UNE LOCOMOTIVE SANS WAGONS ? ENQUÊTE, DIDIER BERT AVEC DANNY BAUMANN (AGEFI SUISSE)N°131 Juillet-Août 2016 La future liaison ferroviaire entre Genève et Annemasse baptisée CEVA © CEVA - Groupe 13.76, L. Fascini est appelée à révolutionner le paysage économique transfrontalier. D’ici son lancement programmé en décembre 2019, nombre d'écueils devront être levés. Côté Suisse, le volet financier et le schéma infrastructurel font l’objet de contestations, en France l’insu sance des moyens octroyés et la responsabilité de la SNCF, « coupable », de négliger le réseau, sont stigmatisées. À quand le bout du tunnel ? Acteurs de l’économie - La Tribune 45

Comprendre CEVA vallée de l’Arve dont on entend parler plus côté français pour amener le plus de per- souvent  », souligne Gabriel Doublet. Ces sonnes possible en gare d'Annemasse, assureLa construction points noirs contribuent-ils à alimenter Jean-François Besson. Ce sera détermi-du RER du le sentiment anti-frontalier côté Suisse ? nant. Cela suppose des liaisons ferroviairesGrand Genève « Je suis convaincu que le rejet des frontaliers nombreuses et de qualité entre Annemasse etest lancée. par une partie de la population helvète est lié les autres villes du département. » avant tout aux nuisances apportées par les Or, la métropole internationale du GrandCe chantier au coût de 1,41 milliard transports routiers, affirme Jean-François Genève risque bien de ne pas trouver ded’euros (dont 234,2 pour la partie fran- Besson, secrétaire général du Groupe- connexion avec ses territoires périphé-çaise) reliera, en décembre 2019, les gares ment transfrontalier européen (GTE). riques. C’est la crainte de l’Associationd'Annemasse et de Genève, en visant le Lorsque vous voyez passer 10 000 voitures rail Dauphiné Savoie Léman (ARDSL).report d’une partie des 550 000 déplace- devant votre portail, cela crée des tensions ! » « Le CEVA est un projet absolument essen-ments quotidiens entre la zone frontalière « Le CEVA doit permettre de faire tomber un tiel, structurant, attendu, sur lequel de nom-française et la ville suisse. certain nombre d’a priori culturels, renché- breux acteurs politiques et associatifs se sontJusqu’à présent, ces trajets s’effectuent rit Patrick Mignola, vice-président délé- battus depuis une dizaine d'années, avancelargement par la route engorgée de part gué aux Transports à la région Auvergne Claude Brasier, son président. Nouset d’autre de la frontière par les 90 000 Rhône-Alpes. Nous serons tous gagnants en sommes persuadés que la fréquentation seratravailleurs frontaliers qui franchissent, termes d’échanges économiques, touristiques au rendez-vous, mais il ne faut pas se conten-chaque matin, la frontière pour se rendre et culturels. » ter d’un projet au rabais ! »à leur travail dans le canton de Genève. UNE OFFRE DÉJÀ DÉFICIENTEDes déplacements qui ne font qu’aug- ATTENDU DEPUIS 135 ANS «  Comment la SNCF sera-t-elle capable dementer… « Les projections démographiques Pour construire le CEVA (pour Corna- rehausser son offre de trains alors qu’ellelaissent supposer que ce dynamisme n’est vin – Eaux-Vives – Annemasse, les deux ne cesse d’en supprimer depuis dix ans ? sepas prêt de s’arrêter, observe Gabriel Dou- gares genevoises et la gare française qui demande Claude Brasier. En Rhône-Alpes,blet, maire de la commune frontalière de seront reliées), la Suisse et la France ont la compagnie de chemins de fer (la SNCF,Saint-Cergues, vice-président à l’Assem- déjà réussi à surmonter les difficultés ren- NLDR) supprime des trains en raison dublée régionale du Genevois français (ARC contrées par le passé pour collaborer sur manque de mécaniciens, y compris enSyndicat mixte), et d’Annemasse Agglo. des infrastructures concrètes. Des parte- Haute-Savoie où l’offre est déjà rachitique. »Notre territoire s’en sort bien, donc nous atti- naires des deux pays (autorités politiques Contrairement à la Suisse, où les trainsrons. Comme Genève construit trop peu, des et compagnies de chemins de fer) se sont sont réputés arriver à l’heure, la qua-Suisses ne parviennent plus à se loger dans le entendus pour connecter leurs réseaux lité du trafic actuel côté français laissecanton. Ils viennent donc s’installer de ce côté ferroviaires entre Genève et Annecy. Il à désirer. «  Dès qu’un train rencontre unde la frontière. » faut dire que le projet initial date de… problème, un effet domino se fait sentir surCet afflux de population se traduit le 1881. La vitalité des échanges en zone l’ensemble du réseau, constate le présidentmatin et en fin de journée par des bou- frontalière aura fini par permettre au pro- de l’ARDSL. Les Suisses prévoient des trainschons routiers qui parsèment la cuvette jet de se concrétiser théoriquement en de réserve qu’ils font partir dès que l’un d’euxlémanique et conduisent à dégrader la décembre 2019, après quatre années de est en retard. »qualité de son environnement. « Nos taux travaux. Les 16 kilomètres de ligne fer-de pollution sont comparables à ceux de la roviaire du CEVA connecteront alors les « L’enjeu n’est réseaux suisses et français, se félicite la pas seulement le46 Acteurs de l’économie - La Tribune SNCF dans un dossier de presse publié CEVA, mais bien le au printemps, mais refusant tout autre Léman Express » commentaire. À la mise en service du CEVA, ce sont 230 kilomètres de lignes En Haute-Savoie, certaines lignes de TER et plus de 40 gares qui seront connec- connaissent des trous de quatre heures tées dans un rayon de 60 kilomètres, et en journée, observe-t-il. Même la ligne toucheront une population d'un million reliant actuellement Genève et Bellegarde, d'habitants. Ce réseau étendu, dénommé dans l’Ain, subit des restrictions, malgré Léman Express, sera alors un vrai RER de sa fréquentation par les frontaliers. En métropole internationale. La connexion 2015, Lyria, la société détenue aux trois du CEVA avec le réseau ferroviaire secon- quarts par la SNCF, a commencé à sup- daire d'Annemasse jusqu'à Bellegarde, primer des arrêts du TGV reliant Genève Annecy et Saint-Gervais pourrait alléger à Paris. Une pétition et la mobilisation la pression immobilière en zone fron- des élus locaux ont poussé le président talière, précise Jean-François Besson  : de la SNCF Guillaume Pépy à concé- « Cela pourrait encourager à s’installer plus der le maintien de la desserte de Belle- loin dans l’arrière-pays. » garde, «  sous réserve de stabilité à moyen Mais pour que le Léman Express atteigne sa promesse de routes moins engorgées, N°131 Juillet-Août 2016 d'un immobilier moins inflationniste, d'un air moins pollué, encore faudra-t-il que certaines conditions soient réu- nies. «  La clé sera la capacité d’irrigation

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Comprendre CEVA traversée par une voie unique  : les instal- « UN GRAND ILLUSIONNISTE »terme de ses coûts d'infrastructure sur l’axe lations ferroviaires n’ont pas évolué depuis Le maire de Saint-Gervais pointe leParis-Genève  », écrit-il dans un courrier les années 1900, tonne Jean-Marc Peillex, responsable  : «  Le président de la SNCFadressé en mai à Sophie Dion, députée maire de Saint-Gervais. Accélérer un est un grand illusionniste. Il ne s’intéresseLes Républicains du Mont-Blanc. Mais les cadencement nécessite des infrastructures qu’aux grandes lignes et aux grandes métro-arrêts supprimés ne seront pas rétablis. qui le permettent. Aujourd’hui, la théorie poles. Aujourd’hui, on met quatre heuresContactée par Acteurs de l'économie-La prétend accélérer le cadencement, tandis pour relier Saint-Gervais à Lyon… DansTribune, la SNCF indique que la décision que la réalité montre la difficulté à y parve- le même temps, vous pouvez faire un aller-sur le cadencement définitif du Léman« La volonté d’améliorer le réseau ferré en vallée de l’Arveest une belle chimère. Seuls les enfants peuvent y croire.Le président de la SNCF est un grand illusionniste »Express n’a pas encore été prise. « Nous nir.  » Difficile ou impossible? «  Ce serait retour entre Paris et Lyon en deux heures ! »devons nous exprimer avec nos partenaires, possible… mais la SNCF n’a aucune volonté Jean-Marc Peillex ne croit pas que desrépond Marie-Anne Maire, directrice de de le faire puisque les terrains nécessaires travaux puissent être réalisés à temps.la communication SNCF Voyageurs à la pour passer en double voie ont été vendus, « Le contrat de plan État-Région ne prévoitdirection régionale TER. Nous sommes affirme l’élu. Leur volonté d’améliorer le que quelques centaines de milliers d’eurosseulement opérateurs sur les trajets. » réseau ferré en vallée de l'Arve est une belle pour financer l’étude de modernisation de chimère. Seuls les enfants peuvent y croire. la voie, mais pas un centime pour faire lesUNE INFRASTRUCTURE OBSOLÈTE On nous supprime le train de nuit, la moitié travaux d'ici à 2020 », constate-t-il.Et même si la SNCF parvenait à mettre des TER sont des autocars. Si l’on continue Qu’il s'agisse de mettre davantage desuffisamment de trains ponctuels en cir- à ce rythme, sans travaux d’infrastructures, trains en circulation ou de financer desculation, l’obsolescence de l’infrastruc- le CEVA ne servira qu’à Genève. Le reste travaux supplémentaires, la possibilitéture ferroviaire haut-savoyarde – hors de la Haute-Savoie n’aura fait que payer un de voir le Léman Express irriguer effi-CEVA – semble rédhibitoire si d’impor- équipement quasiment suisse. » Le coût des cacement la Haute-Savoie dépend avanttants travaux ne sont pas engagés d’ici deux kilomètres de CEVA qui se trouvent tout du financement qui sera injecté2019. «  Il faut moderniser l’ensemble du en territoire français est de 234 millions dans le réseau, ajoute Claude Brasier.réseau ferroviaire en Haute-Savoie, affirme d’euros, comprenant la construction de « Le contrat de plan État-Région 2015-2020le président de l’ARDSL. Entre Annemasse l’ouvrage et la restructuration des gares prévoyait le financement du CEVA et l’amé-et Annecy, on repère une voie de croisement d’Annemasse et du Chablais (financés nagement des gares, mais les autres amé-tous les six kilomètres. Ce n’est pas adapté par l’État, la Région, le département de nagements étaient renvoyés au contrat deà un trafic moderne.  » Et ce n’est pas le Haute-Savoie et les agglomérations d’An- plan suivant  », répond Patrick Mignola.seul point noir… « La vallée de l’Arve est nemasse et du Chablais). Or, l’enjeu n’est pas seulement le CEVA, mais bien le Léman Express. Des lignes UN PEU D’HISTOIRE de TER vont devenir des lignes de RER. Certaines verront le trafic doubler. Avant Le débat sur cette ligne franco-suisse est (très) ancien et cristallise les ten- de préciser : « Je suis prêt à investir davan- sions depuis des années. D’un point de vue historique, cette liaison ferroviaire tage sans attendre 2020. Il faut renforcer prend réellement forme avec la convention du 7 mai 1912, entre la Confé- la robustesse et la fiabilité des trois lignes dération helvétique et l’État de Genève. Les Chemins de fer fédéraux (CFF) d’accès au CEVA (Bellegarde, Annecy, s’engagent à construire le raccordement entre la gare Cornavin et les Eaux- Saint-Gervais, NDLR). Et nous prendrons Vives (qui fait partie du CEVA actuel). La Première Guerre mondiale retar- tous les moyens nécessaires pour cela.  » dera le processus et ce n’est qu’en 1941 que la mise en chantier du tronçon Dans quel délai ? « Des études seront ren- Genève-La Praille démarrera. En 2000, le Conseil d’État genevois demande dues en septembre, et nous mobiliserons des l’achèvement du raccordement à la confédération. Vingt-quatre députés de financements dès l’an prochain. Je ne veux partis divers déposent un projet de loi ouvrant un crédit de six millions de pas attendre 2019 pour que l’on se rende francs (5,43 millions d’euros) afin de réaliser ce tracé devant relier la gare de compte que des retards ont été pris à Belle- Cornavin à Annemasse en passant par la Praille et les Eaux-Vives. Le Canton garde, à Annecy et à Saint-Gervais, qui dés- prend donc les choses en main pour que cette liaison ferroviaire prévue depuis tabiliseraient l’ensemble du service apporté la Convention de 1912 voie enfin le jour. La mise en service est prévue pour aux voyageurs. » décembre 2019.  DB «  Nous savons que le contexte budgétaire est difficile pour les collectivités locales, y48 Acteurs de l’économie - La Tribune compris pour la Région. La SNCF maîtrise mal ses propres coûts ? Où la Région trou- vera-t-elle les ressources pour financer ce saut d’offre ? », s’interroge tout de même Claude Brasier. N°131 Juillet-Août 2016

CEVA Comprendre« Sans travaux d’infrastructures, Gare Eaux Vives. © CEVAle CEVA ne servira qu’à Genève.Le reste de la Haute-Savoie n’aura faitque payer un équipement quasiment suisse » © CEV©ADFrRanceN°131 Juillet-Août 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 49

Comprendre CEVAGare Champel-Hôpital. © CEVAANTOINE DA TRINDADE« UN PROJET DE MOBILITÉSTRUCTURANT POUR LA RÉGION »Des premières prévisions à l’enveloppe finale, le financement aura mobilisé un surplus de près de800 millions de francs suisses, provoquant la colère des opposants auxquels Antoine Da Trindade,directeur du projet CEVA, répond. DANNY BAUMANN francs en base de prix 2008. À noter que Il ne nous appartient pas de nous expri- ce montant ne comprend aucune réserve mer au nom des Genevois. Mais nousEn octobre 2009, le Conseil d’État pour les risques du projet – estimés à 188 pouvons penser qu’en 2009, les habitants validait un budget de 1,47 milliard millions de francs. se sont prononcés sur un crédit com- de francs (1,33 milliard d’euros) pour plémentaire, avant tout pour un projet la réalisation du projet CEVA, finale- Cependant, pour les voies d’accès et les de mobilité structurant pour la région. ment porté à 1,56 milliard (1,41 mil- aménagements des di érents sites, ils sont Il semble y avoir un consensus sur les liard d'euros). En 2015, celui-ci est estimé à la charge des communes et non pris en besoins d’amélioration de la mobilité au à 200 millions francs de plus (180 millions compte dans le budget… sein du Grand Genève. d’euros) selon des informations parues dans Le protocole d’accord de 2002, signé par la presse. Quelles sont les raisons de cette la Confédération, le Canton et les Che- Le CEVA est régulièrement mis en avant augmentation  ? D’ici décembre 2019 et sa mins de fer fédéraux, excluait l’aména- comme un métro. Le manque de flexibilité mise en service, quel sera le coût final ? gement des voies d’accès et du périmètre de celui-ci (cinq stations sur un tronçon de Le devis est de 1,56 milliard de francs des gares. Le projet CEVA n’a pas pour 16 kilomètres) est pourtant souvent décrié. suisses et non 1,76, hors renchérisse- objet de conduire ces aménagements, si N’est-ce pas là l’une des grandes problé- ment. La différence entre 1,47 milliard de bien qu’aucun budget n’est inclus dans le matiques du projet ? francs et 1,56 provient d’une part des six financement. Le CEVA n’a jamais eu vocation à être un millions de francs votés en supplément métro. Il s’agit bien plus que cela, puisque par les députés du Grand Conseil (soit Le projet a été soumis à une votation le 29 c’est une voie ferroviaire qui relie les 13 millions avec la part fédérale), d’autre novembre 2009 et accepté à 61,2 % par la réseaux ferrés français et suisse à travers part des 29,3 millions de francs devisés population genevoise. Au vu des di érents le territoire genevois. En construisant pour les aménagements supplémentaires problèmes soulevés et notamment des 16 kilomètres de ligne et cinq gares, le de la gare de Lancy-Pont Rouge, enfin dépassements budgétaires, pensez-vous CEVA permettra de connecter 45 gares des 52 millions prévus pour les indem- que le résultat du vote aurait été le même entre elles, et de créer un réseau de 230 nisations de tiers et d’autres aspects fon- aujourd’hui ? kilomètres de ligne ferroviaire sur toute ciers. Fin décembre 2015, la prévision des coûts finaux s’élève à 1,57 milliard de N°131 Juillet-Août 2016 50 Acteurs de l’économie - La Tribune


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