Important Announcement
PubHTML5 Scheduled Server Maintenance on (GMT) Sunday, June 26th, 2:00 am - 8:00 am.
PubHTML5 site will be inoperative during the times indicated!

Home Explore No 135 Acteurs de l'économie

No 135 Acteurs de l'économie

Published by AGEFI, 2017-04-11 03:31:08

Description: Avril 2017

Search

Read the Text Version

AUDIOVISUEL PUBLIC SUISSE ComprendreAUDIOVISUELPUBLICSUISSEL’ODYSSÉEDE GILLESMARCHANDPORTRAIT, SAMUEL MAÏON-FONTANAÀ compter du 1er octobre, la Société suisse de radiodi usion et télévision (SRG SSR) aura unnouveau directeur général : Gilles Marchand. Actuel patron de la RTS, déclinaison francophone dugroupe audiovisuel public suisse, il succédera à Roger de Weck, alors que les défis s’annoncentnombreux pour le service public helvétique et qu’une tempête politique pourrait bien mener àsa disparition. Un homme décrit tout en contraste à la fois avenant et « prédateur » qui devraa ronter vents et marées pour manœuvrer habilement un navire qui tangue sérieusement.N°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 101

Comprendre AUDIOVISUEL PUBLIC SUISSEDans son bureau, Sympathique et prêt à toutes les batailles métier, décryptant les habitudes de consom-trois écrans professionnelles, l’homme sait rester dis- mation et anticipant leur évolution, mais quisont allumés en cret et protège jalousement sa sphère pri- avance masqué ». Sur son blog, le journa-permanence. vée, justement parce qu’il connaît trop liste est assez acerbe, évoquant « un pro-Ils di usent le les médias. Il a le tutoiement facile mais fil très différent de son prédécesseur à la têteflux antenne reste distant. Un communicant remar- du mammouth encroûté qu’est la SSR  ». Etdes stations de quable, aux convictions parfois impéné- d’ajouter que, derrière ses apparences ave-télévision qu’il trables. Un homme à l’armure solide, tout nantes, son humour et son écoute cordialedirige tandis que en contraste, que même ses professeurs se cache «  un prédateur, un guerrier, quid’autres écrans qualifiaient de curieux et d’inclassable. sait ce qu’il veut et comment l’obtenir ». Deslui permettent Fils d’éditeur, né à Lausanne en 1962, reproches qui pourraient finalement res-de garder un œil, Gilles Marchand passe ses premières sembler à l’apanage d’un gérant efficace.tout au long de années à Paris et effectue des études enla journée, sur sociologie avant de rejoindre en 1988 la SOCIOLOGUEl’o re digitale de Tribune de Genève comme responsable Mais, plus que le profil de Gilles Mar-sa société. des études lecteurs. En 1993, il intègre chand, c’est surtout le processus deVoyageur, la recherche et marketing de Ringier sélection qui prête à interrogations. Hans-amateur de Romandie, dont il prend la direction cinq Ulrich Bigler, conseiller national du Partilecture, ans plus tard, avant de devenir direc- libéral-radical (proche des Républicainsd’équitation et teur de la Télévision Suisse Romande français), s’insurge que la SSR préfèrede cinéma, Gilles en 2001 (dont le siège est à Genève). En nommer quelqu’un du sérail plutôt que deMarchand est 2010, il se lance dans le vaste chantier de soumettre le poste au concours, comme ceune personnalité la fusion de la radio, de la télévision et fut le cas en 2010 pour recruter Roger dereconnue dans du numérique sous une seule entité  : la Weck. Pour le politicien zurichois, c’estle monde des Radio Télévision Suisse (RTS), pour plus même la preuve que le groupe audiovi-médias, en Suisse de convergences et une réduction des suel suisse n’est pas prêt à faire preuve deet à l’étranger. coûts de fonctionnement généraux (les transparence. «  Le contexte est incroyable- déficits de 2009 s’élevaient à 50 millions ment difficile et tendu. Cela eût été compli-102 Acteurs de l’économie - La Tribune de francs suisses, soit 46,7 millions d’eu- qué de nommer quelqu’un qui ne connaît pas ros). Aujourd’hui, outre la direction de la l’entreprise, réplique le principal intéressé. RTS, il assure les relations internationales Il faut quelqu’un qui connaisse parfaitement du groupe auprès de l’Union européenne les rapports de force politiques, les acteurs et de radiotélévision, siège au conseil de la situation professionnelle. Je vais me consa- surveillance d’Euronews (dont la Société crer à mes fonctions sans passer une année à suisse de radiodiffusion et télévision SSR découvrir et à m’acclimater à la société. » est actionnaire) et a été nommé intuitu Si ses compétences ne sont jamais personae par le Conseil fédéral à la com- remises en cause, un seul bémol est mission des médias. «  C’est quelqu’un de évoqué  : son manque d’aisance avec la très compétent qui a une excellente vision langue de Goethe et la crainte qu’il appa- de l’évolution des médias », confirme Alain raisse comme un technocrate. Mais Gilles Maillard, responsable d’Edito, le magazine Marchand récuse d’emblée le second suisse des médias, fondé par les différents reproche, assurant qu’il n’évince pas les syndicats de journalisme. De l’avis de facteurs humains au profit des chiffres : tous, celui qui a été choisi pour devenir, « Je suis sociologue, je ne suis ni journaliste au 1er octobre, le nouveau patron de l’au- ni producteur ni manager  ». Concernant diovisuel public suisse, est d’une grande le facteur linguistique, il prévoit d’al- intelligence et s’avère être un juste choix ler s’installer à Berne pour améliorer sa pour diriger la SSR au chiffre d’affaires pratique du suisse-allemand, non sans de 1,65 milliard de francs suisses (1,54 revendiquer sa langue natale. « Mais, en milliard d’euros) et 6 000 employés, qui Suisse, il y a trois fois plus de germanophones édite 17 stations de radio, sept chaînes de que de francophones », rappelle Alain Mail- télévision, ainsi que de nombreux sites lard, tandis que pour l’ancien journaliste internet, le tout dans quatre zones lin- Fathi Derder, conseiller national vaudois, guistiques, à travers cinq unités d’entre- « la minorité romande est à défendre ». D’au- prises et six filiales. tant que, de toute la Suisse, «  la partie Qualifié de stratège et brillant tacticien, francophone est celle qui est le plus attachée ses atouts font l’unanimité, même s’il pos- à son service public, avec une proximité et un sède évidemment des détracteurs. Pour succès qui la rendent essentielle à la SSR », Pascal Decaillet, célèbre journaliste aux insiste Gilles Marchand. positions néoconservatrices et ancien pro- ducteur de la RSR, Gilles Marchand est N°135 Mai 2017 « un sociologue qui connaît rudement bien son

“ L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE EN DIRECT ”1 mois *29 .-d’essai à CHFPapier (uniquement en Suisse) L'Agefi Indices Nos autres titres (selon périodicité)Numérique Code d'accès Tous les contenus agefi.com Archives en ligne, + de 420’000 articles Tous nos titres sur notre App iPad NewsletterAbonnement sur www.agefi.com/aboN°135 Mai2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 103*Cette offre est valable toute l’année et non renouvelable. TVA et frais de port inclus. agefi.com

Comprendre AUDIOVISUEL PUBLIC SUISSELA FRANCOPHONIE avec des chiffres enviables de l’ordre de des désabonnements  », analyse Yves DiPOUR FER DE LANCE 30 % de part de la télévision et 60 % pour Cristino, membre actif de l’associationCe directeur « dynamique » n’a d’ailleurs la radio. Les seuls concurrents de taille suisse des journalistes indépendants etde cesse de plaider son attachement à restent les médias étrangers, aux moyens rédacteur en chef du webzine alternatifla francophonie. «  Nous avons une vraie financiers plus importants qui, pour cer- LeMultimedia.info.richesse culturelle. Il ne faut pas baisser pavil- tains, font de la « concurrence déloyale » en Face à ce quasi-monopole détenu par lalon devant le monde anglo-saxon.  » Pour vendant de la publicité sur la Suisse sans SSR, une fronde principalement aléma-preuve, parmi les écrans de son bureau, s’acquitter des droits de diffusion des pro- nique gronde au point qu’une initiativeun autre canal est diffusé : TV5 Monde, grammes commercialisés sur le territoire populaire fédérale a été lancée pour sup-détenu par des sociétés audiovisuelles hélvétique. C’est le cas de M6 ou TF1, primer la redevance qui subventionne lespubliques francophones, dont France côté francophone. « Mais le CSA est resté médias, permettant ainsi une «  concur-Télévisions à 49 % et la RTS à 11,11 %. sourd à nos doléances  », regrette le direc- rence plus loyale  ». Nommée «  No-Bil-« Cette chaîne donne la chance inouïe à notre teur. Car c’est bien là le nerf de la guerre, lag  », du nom de l’impopulaire sociétépetit pays de rayonner sur plusieurs fuseaux qui déclenche toutes les invectives  : la chargée de percevoir la redevance auprèshoraires, d’informer et d’expliquer à l’étran- publicité. «  Par un rapport visibilité/prix des ménages suisses, cette initiative faitger notre réalité », se félicite celui qui est plus rentable avec un lectorat qui, par faci- peur, y compris aux médias locaux quiégalement président des Médias franco- lité, se rabat sur l’image, la télévision draine se verraient eux aussi privés de leurphones publics jusqu’en mai (il sera rem- le marché publicitaire et met d’une certaine – petite – part du gâteau. Assurer laplacé par Mathieu Gallet, pdg de Radio manière en péril le modèle économique des pérennité sera le tout premier combat deFrance). Cette mission d’information est autres supports, qui s’effritent et subissent Gilles Marchand. « On peut comprendre lesbien au cœur du mandat de prestationsdu groupe, qui y consacrait 627 millions En 2010, Gille Marchand lance un vaste chantier de fusion de la radio, télévision et du numériquede francs en 2015 (585 millions d’euros), sous une seule entité : la Radio Télévision Suisse (RTS). soit 38 % des coûts. Une préoccupationencore plus importante dans une démo- © RTS / Laurent Bleuzecratie participative  : «  L’information quenous proposons doit être équilibrée et de qua- FRANCE TÉLÉVISIONS VS SSRlité pour documenter le citoyen et lui per-mettre de faire usage au mieux de son droit À titre de comparaison, France Télévisions emploie environ 10 000 équivalents temps plein,de vote qui, en Suisse, est quasi mensuel. » soit deux fois plus que la SSR, pour un résultat net en déficit de 38 millions d’euros. Le groupeLe téléjournal réalise d’ailleurs 60 % de français réalise 29,2 % de part d’audience (7,6 millions de téléspectateurs chaque soir) pourpart de marché, contre 22 % pour TF1 et 318 millions d’euros de recettes publicitaires et bénéficiait en 2014 de 2,38 milliards d’eurosFrance 2. de redevance et de 104 millions d’euros d’aides de l’État, alors qu’en Suisse, la redevance estMais la SSR fournit également en quatre une facture d’un organisme privé, indépendant de l’État, afin de garantir une autonomie etlangues nationales de larges offres de éviter toute influence. Côté investissements, 400 millions d’euros sont consacrés par Francedivertissements et de cinéma (355 mil- Télévisions à la création, 644 à l’info, 316 aux fictions, 294 au divertissement et cinéma, 402lions, 22 % des coûts), de formation (310 aux magazines et documentaires et 201 au sport. Le groupe français rassemble six chaînes,millions, 19 %), sports (180 millions, des radios, plusieurs sites web et des participations dans d’autres médias, dont Euronews.11 %) et musique (119 millions, 7 %). « Jecombats l’idée de limiter le service public N°135 Mai 2017aux actions régaliennes, nous devons par-ler à tous les publics en étant généralistes etmultithèmes.  » Cette conception large etambitieuse du service public sera ainsidéfendue à la tête du groupe face à unconcept minimaliste qui se limiterait àtout ce que le privé ne fait pas, interdisantainsi sport et télécrochet, comme le sou-haitent certains milieux politiques.UN DÉLUGE DE CRITIQUESLa remise en question du mandat publicet la critique du financement constituenten effet un débat vif, alimenté par desconsidérations politiques, avec l’Uniondémocratique du centre (UDC, droite/extrême-droite) en tête de file. « Au nomdu credo libéral de libre concurrence, le ser-vice public prendrait trop de place », résumeAlain Maillard, admettant que la situationdominante de la SSR est très confortable,suivie par 96 % des habitants du pays,104 Acteurs de l’économie - La Tribune

AUDIOVISUEL PUBLIC SUISSE Comprendre © RTS / Laurent Bleuze « Répondre au défi digital, c’est développer des offres à la carte, participatives. Nous devons repenser nos modes de production, nos façons de faire », souligne Gilles Marchand.militants qui dénoncent une redevance très cibler ainsi les publics en mobilité. «  Ces « RÉINVENTER LE MÉTIER »élevée (environ 400 euros, sans condition capsules produites par nos rédactions TV sont Si la tempête passe, un autre axe de déve-de possession d’un récepteur, NDLR) innovantes et visent une audience à qui l’on loppement sera suivi par Gilles Marchand :mais cela aurait tendance à détruire une doit s’adresser différemment, avec une autre le réinvestissement culturel. En sus d’uneoffre enrichie, très fournie, de nombreux pro- narration et une autre écriture. C’est très grande tradition documentariste, desgrammes en clair, sans péage comme beIN prometteur. » accords de branches augmentent l’aide deSports ou Canal+ en France, et du journa- Un «  laboratoire  » qui figure parmi les la SSR au cinéma et aux séries suisses, àlisme de qualité, accessible », dénonce Yves vidéos les plus regardées à la demande hauteur de 40 millions de francs par anDi Cristino. « Mais si l’initiative est adop- en 2016. L’équivalent «  swiss made  » à (37 millions d’euros). Mais tous ne sonttée, nous pourrons fermer boutique, assure des styles novateurs tels que les formats pas optimistes pour le secteur des médiasle futur PDG de la SSR, car la redevance courts de France info ou encore la plate- qui traversent une profonde crise. Yvesreprésente 75 % de nos ressources (1,2 mil- forme Brut, lancée il y a quelques mois par Di Cristino porte un regard morose sur laliard d’euros, contre 20 % environ en Renaud Le Van Kim (Le Grand Journal) et situation, où «  l’art d’informer s’efface der-revenus publicitaires, NDLR). Dans le Guillaume Lacroix (Studio Bagel). Objec- rière un esprit managérial  », Alors que lescas contraire, la SSR sera confortée dans sa tif assumé dans ces démarches de part et deux groupes qui se partagent 88 % dumission et nous pourrons nous occuper des d’autre de la frontière : séduire les jeunes, tirage des journaux francophones suissesétapes suivantes (loi, concession, etc. » avec des vidéos de décryptage au ton par- imposent des rendements jusqu’à 15 % à fois humoristique. Gilles Marchand en est leurs titres. «  Pourtant, dans un monde deLE DÉFI NUMÉRIQUE conscient : « Nous devons produire différem- surcommunication, trier, sélectionner et don-Des étapes qui convergent vers le numé- ment pour du broadcast ou du digital. » Un ner du sens à une information fiable et perti-rique, investi dès 2001. «  Répondre au pari gagnant puisque les vues mensuelles nente en lieu et place de la simple transmissiondéfi digital, c’est développer des offres à la sur Facebook et YouTube ont été multi- est plus que jamais un rôle démocratique  »,carte, participatives. La stratégie va au-delà pliées par 3,5 la seule année dernière pour conclut Alain Maillard. Les paradigmesde la distribution. Nous devons repenser nos atteindre plus de six millions. doivent s’adapter à un contexte écono-modes de production, nos façons de faire.  » Mais cette présence numérique croissante mique dégradé pour, demain, répondreEn exemple, Gilles Marchand cite Nouvo, n’est pas pour plaire à tout le monde. Pour aux réflexions qui s’adjoindront au numé-un média conçu en cinq langues (français, le président de l’UDC, Albert Rösti, par rique par rapport aux données person-allemand, italien, romanche, anglais) pour cette démarche, « la SSR dépasse les limites nelles, à la réalité virtuelle, à l’intelligenceêtre consommé sur les réseaux sociaux, de son mandat de prestations.  » Celui-ci artificielle, «  ainsi qu’aux limites éthiquesavec des vidéos d’information «  pour attend même un redimensionnement par et professionnelles relatives au datajourna-mieux comprendre le monde ». L’image est la suppression de certaines chaînes. C’est lisme  ». Autant de champs passionnants,carrée et sous-titrée, pour être majoritaire- le peuple suisse qui décidera l’an prochain distants d’une logique commerciale, pourment lue sans le son sur les smartphones de l’avenir de la SSR en adoptant ou non le sociologue et professionnel des médias(un support en progression constante) et l’initiative No-Billag. qu’est Gilles Marchand.« Derrière ses apparences avenantes,son humour et son écoute cordiale se cache « un prédateur,un guerrier,qui sait ce qu’il veut et comment l’obtenir » »N°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 105

Comprendre CONFÉRENCE L’innovation est le mantra des entreprises pour se développer et s’ouvrir de nouveaux marchés. La démarche est pourtant longue, incertaine et risquée. Nicolas Osanno du groupe O2 et Lionel Sitz d’emlyon business school ont chacun apporté expérience et analyse lors de la conférence « Innovation : développez de nou- veaux marchés ! » organisée par Acteurs de l’économie - La Tribune avec le programme AMP de l’école de management. Lionel Sitz COMPTE-RENDU, LAURENCE JAILLARDet Nicolas Osanno PHOTOGRAPHIE, LAURENT CERINO / ADEpLo’IuNrNdOe VnAouTvIOeaNux marchésNicolas Osanno, directeur exé- cutif du groupe O2 et diplômé AIDE À LA SURVEILLANCE Lionel Sitz précise également qu’il faut AMP d’emlyon business En novembre 2016, O2 arrive enfin à bon bien différencier le développement tech- school, a su mettre à profit port en présentant au salon de la Piscine nique et le commercial, « nous n’achetons cette formation pour conduire de Lyon son produit No Stress, assistant pas une technologie, mais un service, une hardiment son groupe sur le chemin de connecté contre les risques de noyade. solution. L’innovation doit s’insérer dans une l’innovation. Spécialisée dans l’équipe- Celui-ci relie un bracelet ou un collier pratique de consommation. Il faut inventer le ment des piscines privées et familiales, équipant le jeune baigneur à un smart- produit et la vie qui va avec ». La commer- l’entreprise est une fédération de PME phone ou un phare. «  Ce n’est pas une cialisation de No Stress est passée par le qui fabrique, commercialise et distribue amarre, mais une aide à la surveillance. » rachat de Sokool, société spécialisée dans auprès de 2 500 professionnels. À travers Pour son produit, l’entreprise s’est dotée les abris de piscine, puis par le lance- six marques, elle emploie 270 personnes d’une petite filiale dédiée, allant chercher ment, en interne, d’un site internet dédié, et s’appuie sur six unités de fabrication. en externe des compétences en plastur- avec création des équipes adéquates. Déjà « La réglementation en France concernant la gie, design, smartphone. « Une petite star- présent dans 57 pays, le groupe fait une sécurité des piscines est très stricte, mais il y tup en interne en somme. Seuls les grands pause avant de commercialiser No Stress avait un trou : que faire quand les dispo- groupes industriels peuvent internaliser à l’international. « Nous sommes très atten- sitifs, barrières, volets, sont levés ? Com- leurs ressources pour innover  », décrypte dus en Europe, mais nous irons doucement. ment assurer la sécurité des jeunes enfants Lionel Sitz, professeur marchés et inno- Nous allons d’abord nous concentrer sur le quand la piscine est ouverte à la baignade ? » vations à l’emlyon business school. Et marché français pour asseoir la notoriété du Dès 2004, le groupe se lance et co-dé- ajoute, au vu du parcours complexe du produit. En revanche, nous pensons déjà à veloppe un outil. Celui-ci rencontre le groupe : « Une innovation de rupture passe une nouvelle version. Pour de nouveaux mar- succès auprès des piscines, mais des dif- par des hauts et des bas. Il faut du courage, chés comme celui des personnes handicapées, ficultés de propriété de brevets se soldent de la persévérance et des moyens financiers. celles atteintes d’Alzheimer ou les plaisan- par un procès. En 2010, la société retire On avance souvent sans le savoir. On ne ciers. » Et Lionel Sitz de conclure : « Les son innovation du marché et repart seule. saura que rétrospectivement si l’innovation marchés se saturent très vite. Il faut se diffé- Trois millions d’euros d’investissements est légitime.» rencier en innovant. » et quatre années plus tard, en 2014, une nouvelle version est disponible. «  Mais « Une innovation de rupture passe par des hauts et elle était « has been » avant même d’être lan- des bas. Il y faut du courage, de la persévérance et des cée, on parlait déjà d’objets connectés et nous moyens financiers. On avance souvent sans le savoir » n’étions pas dans ce format. »106 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017

CHRONIQUES ComprendreCONCLURE UN BAIL COMMERCIAL,un bon investissement ?Le bail commercial, régi par des dispositions d’ordre Benoît Boussier Bon outil public du Code de commerce (Art. L.145-1 et s.), est Avocat associé, On pourrait dès lors considérer que le preneur est seul inté- pour l’entreprise un investissement usuel et pour l’in- Delsol Avocats ressé. Pourtant, la conclusion d’un bail commercial présente vestisseur immobilier, un excellent vecteur, permettant un intérêt certain pour un investisseur immobilier. Il permet de à la première son développement commercial en pro- Par l’effet de la loi Pinel (loi n°2014-626 du 18 juin 2014), l’évo- détenir un actif immobilier, à long ou très long terme, dont la tégeant ses intérêts, tout en respectant l’objectif de rentabilité lution du loyer au renouvellement, qui pouvait être déplafonnée plus grande part des risques, des travaux, des charges d’en- de long terme du deuxième. Pour l’entreprise, conclure un bail notamment lorsque l’environnement avait évolué très favorable- tretien, de taxes et d’assurances aura été transférée, dans un commercial est un investissement immédiat, lorsque des travaux ment, se trouve « plafonnée ». bail dénommé « bail investisseur », à la charge du locataire. d’aménagement sont nécessaires, et ce, quoique des franchises Et, le développement commercial et la valeur créée par l’exploi- Certes la loi Pinel, censée rééquilibrer les charges, a limité de loyers lissent leur coût. Or, il convient de s’assurer que ces tation se trouvent protégés contre l’éviction à la fin du bail, le bail- ce transfert ; mais, elle a surtout entériné la pratique selon travaux ne sont pas en contradiction avec les clauses du bail leur ne pouvant refuser le renouvellement que contre le paiement laquelle les grosses réparations, nécessaires à la conser- concernant leur réalisation, ou qu’ils ne contreviennent pas avec au preneur d’une indemnité d’éviction (Art. L 145-14), qui sera vation de l’intégrité de l’immeuble, restaient à la charge du le droit de la copropriété, de l’urbanisme ou de l’urbanisme com- égale au « préjudice causé », l’indemnisant de son investissement bailleur. mercial. Chacun de ces régimes exposant le preneur à un risque et de la perte de son fonds. Quoique le bailleur ait à indemniser le preneur s’il voulait, au susceptible d’altérer la pérennité du bail. terme du bail, l’évincer, il pourra probablement compenser ce C’est aussi un investissement de longue durée puisqu’il est coût -l’indemnité versée étant souvent proportionnellement appelé à durer a minima neuf ans étant précisé que le preneur équivalente à la qualité de l’emplacement - en demandant un dispose, sauf cas spécifiques prévus limitativement (Art. L145-4 pas de porte important au nouvel entrant qui de surcroît aura alinéa 2), d’une sortie anticipée tous les trois ans à sa seule à acquitter un loyer très probablement plus élevé. disposition avec un préavis de six mois par LR/AR ou par acte Enfin, pour preneurs et bailleurs, une grande liberté d’huissier. Or, il faut nuancer ces considérations, car le bail com- contractuelle est offerte malgré les dispositions d’ordre mercial constitue un actif essentiel, cessible sauf clause contraire public, pour que le bail commercial puisse longtemps régir voire malgré cette clause lorsqu’il est vendu en même temps que leurs relations, pourvu que les deux parties comprennent le fonds de commerce (Art. L145-16) sous les réserves prévues leur intérêt commun à la valorisation de leurs investissements au contrat (agrément / forme …). respectifs !UNE SOCIÉTÉ HOLDINGpour optimiser la transmission de sa société Stéphane Flandin dispose d’un abattement de 65 % à l’impôt sur le revenu. Réinvestissements © Christelle Viviant - DR Ingénieur patrimonial, Dans le cas d’une cession importante, le coût de la trans- Lors de la dernière loi de finances rectificative pour 2016, Expert & finance mission peut s’avérer élevé, surtout si le chef d’entreprise n’a Bercy a précisé certaines règles du report d’imposition, dont pas besoin d’appréhender intégralement le produit de ces- la durée de portage du réinvestissement. La holding doitLa plus-value de cession de titres est actuellement sion ou s’il souhaite le réinvestir dans une nouvelle activité. conserver son investissement pendant au moins 12 mois imposable au barème progressif de l’impôt sur le Le chef d’entreprise apporte les titres de la société d’exploi- dans une nouvelle activité économique. Ce délai court et revenu, après un abattement selon la durée de tation qu’il souhaite céder au capital d’une société holding. souvent en deçà de l’horizon de placement, laisse donc une détention, et aux prélèvements sociaux. Lorsque Cet apport est considéré fiscalement comme une cession marge de liberté très grande dans le réinvestissement. De le chef d’entreprise ne bénéficie d’aucun régime – or le chef d’entreprise n’obtient ni fond ou créance – plus, il n’est pas nécessaire d’exercer soi-même l’activité. Il de faveur (départ à la retraite, cession intrafamiliale, titres Bercy admet alors que la plus-value d’apport bénéficie d’un existe donc des solutions en private equity permettant de res- acquis dans les dix ans de la création de la société), il report d’imposition : elle est calculée selon les règles fis- pecter cette condition de réinvestissement tout en valorisant cales actuelles, mais ne sera exigible que lors de la cession son capital dans la holding. N°135 Mai 2017 des titres de la holding. Par la suite, la société holding vend À ce jour, l’apport cession est une solution alternative per- les titres de la société d’exploitation et perçoit le produit de mettant de figer une partie de la plus-value avec les condi- cession. Le chef d’entreprise dispose alors d’une tions fiscales actuelles. L’intégralité du produit de cession holding patrimoniale avec de la trésorerie à son pourra être réinvestie, améliorant la capacité de capitalisation actif, et aucune fiscalité personnelle ne sera due de son patrimoine sur le long terme.  au jour de la cession1. Dans le cas d’un apport et d’une cession par la holding dans un délai inférieur à trois ans2, 1 La plus-value mise en report peut être définitivement exonérée en l’administration fiscale impose que la holding réinvestisse au cas transmission à titre gratuit des titres de la holding (donation moins 50% du produit de cession dans une nouvelle activité ou succession) économique, laissant libre de tout investissement l’autre 2 Au-delà de trois ans, il n’est pas obligatoire de réinvestir 50 % moitié pour des investissements purement patrimoniaux. dans une nouvelle activité, d’où l’intérêt de prévoir sa transmission Acteurs de l’économie - La Tribune 107

Comprendre CHRONIQUESLES DIRIGEANTS et les attentes de la « multitude »Nicolas Colin Dans l’économie fordiste, la création de Repositionner et repenserExpert APM, valeur se fondait sur l’immobilisation d’actifs Si les entreprises numériques gagnent toujours à la fin,inspecteur des finances tangibles : infrastructure physique, chaînes c’est parce qu’elles ont compris que les utilisateurs sontet rapporteur de la mission de production, matières premières. Les devenus actifs et qu’elles ont su s’organiser pour stimu-« Création et internet » règles du jeu sont différentes dans l’éco- ler cette activité. Afin d’évoluer, elles peuvent se repo-Auteur de L’âge de la multitude, nomie numérique. Les clients ne sont plus une masse sitionner et se repenser. Au fond, c’est une question deentreprendre et gouverner uniforme et passive, mais une « multitude » : organisés culture  : plutôt qu’un dispositif centralisé considérantaprès la révolution numérique en réseaux, rendus plus exigeants par la capacité des les utilisateurs comme une masse de clients passifs,(Armand Colin, 2012). entreprises numériques à leur fournir des services per- les dirigeants doivent pouvoir adapter leurs décisions sonnalisés, ces utilisateurs sont pour les entreprises en temps réel aux attentes de la multitude, pour mieux à la fois des clients et des actifs à valoriser. Pour les l’enrôler dans la chaîne de valeur de l’entreprise. C’est entreprises traditionnelles qui cherchent à réaliser des une opportunité plus qu’une menace : dans un secteur économies d’échelles, leur obsession est de grossir encore structuré de manière traditionnelle, adopter une et de standardiser leur offre pour diminuer leur coût approche plus numérique peut être un avantage décisif. marginal de production. Il ne s’agit pas de planifier une « stratégie numérique » Dans l’économie numérique, au contraire, l’enjeu est à la marge du cœur de métier de l’entreprise, mais de maximiser les puissants effets de réseau rendus de transformer l’entreprise pour mieux s’allier avec la possibles par la connexion des utilisateurs entre eux. multitude. « Les clients ne sont plus une masse uniforme et passive, mais une « multitude »ASSURANCE-VIE : clause bénéficiaire et renonciationOlivier Morin L’assurance-vie présente un double intérêt pour Autre exemple, dans le cadre d’une clause bénéficiaireResponsable du service gestion privée, le souscripteur : il peut, sa vie durant, effec- démembrée, le souscripteur pourra désigner le conjointBanque Populaire Auvergne Rhône Alpes tuer des rachats sur le contrat, et transmettre pour l’usufruit et les enfants pour la nue-propriété. Une le bénéfice du contrat lors de son décès. autre stratégie consiste à utiliser la clause bénéficiaire Dans l’hypothèse de ce dernier cas, les type, mais à envisager la renonciation du bénéficiaire © DR capitaux sont versés aux bénéficiaires dési- de premier rang (le conjoint). Les bénéficiaires de gnés dans la clause bénéficiaire du contrat, second rang pourront alors accepter le bénéfice du « hors succession », ce qui permet de bénéfi- contrat. Le premier bénéficiaire ayant renoncé pure- cier d’un régime juridique et fiscal privilégié. ment et simplement est censé n’avoir jamais existé, La clause, type de la plupart des contrats commercia- et le bénéfice du contrat est transmis directement aux lisés actuellement, prévoit la désignation du conjoint bénéficiaires de second rang. La renonciation permet survivant en premier rang, à défaut des enfants, et à ainsi de réaliser un saut de génération, sans passer par défaut des héritiers. Lors du décès, lorsqu’un bénéfi- une donation entre bénéficiaire de premier rang et de ciaire accepte, cela exclut totalement les bénéficiaires second rang. des rangs subséquents. Cependant, cette stratégie se révèle souvent impar- Cette clause répond à la demande d’un grand nombre faite. Le conjoint survivant va souhaiter percevoir la de souscripteurs qui souhaitent protéger en priorité le partie des capitaux-décès nécessaire au maintien de conjoint survivant. son train de vie, mais préférer renoncer à l’excédent au Cependant, en pratique, la clause type ne répond profit de ses enfants. pas toujours aux souhaits des souscripteurs, et à la Une solution simple et sécurisée consiste à souscrire diversité des situations familiales et patrimoniales… plusieurs contrats ; suite au décès du souscripteur, le au moment du décès du souscripteur. bénéficiaire de premier rang pourra alors choisir d’ac- cepter certains contrats et de renoncer à d’autres en Plusieurs contrats fonction de son âge, de ses besoins et de ses souhaits. Une première solution consiste à rédiger des clauses La souscription de plusieurs contrats, combinée avec bénéficiaires sur mesure. la faculté d’y renoncer constitue une solution simple Par exemple, il est possible de répartir le bénéfice du permettant de protéger le conjoint survivant, tout en contrat entre plusieurs bénéficiaires en pleine propriété, lui donnant la possibilité d’amorcer la transmission au selon une répartition choisie par le souscripteur. profit des enfants.108 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017

CHRONIQUES ComprendreLOI SAPIN 2 :une révolution juridique pour les entreprises Bertrand de Belval double en cas de fusion ou scission. À défaut d’en traitement de la corruption consistant en une « conven- Avocat associé, faire l’inventaire, on retiendra les changements pro- tion judiciaire d’intérêt public ». Traduction : un accord Colbert Avocats fonds qu’elle va introduire dans le rapport à la légalité. avec le parquet pour payer une amende contre un Focalisée sur la lutte contre la corruption dans les abandon des poursuites. Il sera possible de cher-La loi relative à la transparence, à la lutte contre entreprises de plus de 500 salariés et de 100 mil- cher à négocier la non-poursuite. Méthode qui a ses la corruption et à la modernisation de la vie lions d’euros de chiffre d’affaires consolidé (mais aussi limites morales, mais des intérêts certains tant pour les économique du 9 décembre 2016, dite aussi celles de plus de 50 salariés pour l’aspect lié aux entreprises que l’État. En cas de condamnation, il faut loi Sapin 2, est très importante : 169 articles lanceurs d’alertes), cette loi introduit deux évolutions saluer l’introduction de la peine pénale de programme et des décrets à foison. Quoique centrée sur majeures qui bouleversent la tradition. En premier de mise en conformité (copie du monitoring anglo- la lutte contre la corruption, elle balaie de nombreux lieu, elle renforce considérablement les obligations saxon) qui pourra aussi être mise en œuvre pour inci- thèmes au risque d’être inaudible : droit des sociétés, de «  compliance  » au point d’en faire un pilier de la ter l’entreprise à retrouver la « compliance » requise. banques, lobbying, etc. On trouve à la fois l’introduc- gouvernance et du management de l’entreprise. La Cette loi opère une révolution pragmatique dans l’ap- tion du principe « say on pay » pour les dirigeants des compliance peut se définir comme « l’ensemble des proche de la délinquance économique et financière. sociétés cotées, et l’apport du fonds de commerce à processus qui permettent d’assurer le respect des Nécessité d’un programme de conformité et d’alerte une SARL ou encore le maintien des droits de vote normes applicables à l’entreprise par l’ensemble de ab initio. Possibilité de négocier avec l’autorité de ses salariés et dirigeants et conformément aux valeurs poursuite a posteriori. Les entreprises devront d’une de cette entreprise ». Il s’agit, en l’occurrence, de pré- part réviser leurs process pour, si ce n’est pas déjà voir des mesures pour anticiper les non-conformités le cas, inclure la question juridique et la compliance juridiques en obligeant les entreprises à prévenir des dans leurs paramètres stratégiques. D’autre part, elles comportements déviants et les repérer  : rédaction devront changer de perception de la loi qui n’est plus d’un code de conduite, un dispositif d’alerte, une car- un mécanisme purement sanctionnateur (« pas vu, pas tographie des risques,, etc. L’objectif est de « tuer la pris »), mais participe d’un développement durable en poule dans l’œuf » et susciter des alertes en cas de luttant préventivement, notamment contre le fléau de franchissement de la ligne rouge. la corruption qui détruit la confiance dans le fonction- nement de l’économie et nuit à la société. Si la France Révolution pragmatique veut remonter dans le classement du rapport Doing En second lieu, au stade du traitement des infrac- Business, ses acteurs ont tout intérêt à se saisir de ces tions suspectées, il est prévu une nouvelle modalité de nouveautés sans modération. AGRO… CULTUREDieu sait qu’en cette période préélectorale internet nous abreuve au long lentement mais sûrement, les racines profondes de la démocratie. des jours de « nouvelles », vraies ou fausses, manipulant nos neurones Quand ce silence s’avère insuffisant, quand des prémices de vérité commencent jusqu’à les infiltrer de toxines destructrices de ce bon sens, et de cette à remonter à la surface, les pesticides de la dénégation d’abord puis les herbicides clairvoyance, qui devraient fonder la décision du citoyen que l’on va bientôt de la désinformation ensuite entrent en action avec une efficacité d’autant pluslui demander. Curieusement, l’observation de la nature ne nous condui- redoutable que l’anonymat d’internet la décuple. Le traitement se complique encore quand la quasi- disparition de la conscience morale chez certains vecteurs du secretrait-elle pas à mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à cette déliquescence de l’instruction conduit à cette perversité de confusion entre ivraie et bon grain, entre présomption d’innocence et quasi-certitude de culpabilité.politique qui ne cesse d’appauvrir notre pays et plus largement, notre planète ? Hypermarchés de la communication La similitude des processus est souvent étonnante  : Une difficulté majeure tient à ce que les producteurs de l’information politique se livrent à une guerre permanente dans leur course à l’audimat conduisant à ce risque supplé- depuis trop longtemps, le travail en profondeur des mentaire entre vitesse et précipitation. Face à cette incessante mouvance, le citoyen, non plus acteur mais seulement consommateur, ne parvient plus à faire le tri sur les sols a été négligé, ce terrain de l’éducation qui a rayons de ses hypermarchés de la communication sur lesquels d’un jour à l’autre – voire d’un moment à l’autre – le produit est modifié, dans son contenu ou dans son pour première mission de fonder la conscience emballage. Bien sûr et heureusement, tentent encore de survivre, trop esseulés quand ils ne sont pas bâillonnés, quelques irréductibles d’une culture politique raisonnée à civique et morale du futur citoyen dont l’avenir défaut d’être bio. Jusqu’à quand ? Et dans le même temps, dans les programmes, presque pas un mot sur l’agriculture ! se charge d’en révéler toutes les carences. Acteurs de l’économie - La Tribune 109 Quand le sous-sol est à ce point appauvri, la nécessité quotidienne oblige à le «  nourrir  », non pas en bio, mais au contraire, avec une multitude d’ingrédients qui, loin de soigner, © Alain Rico - DR polluent allègrement. Le premier d’entre eux est le silence, celui qui enfouit la ver-Jean Lafay mine, laquelle se charge de pourrirN°135 Mai 2017

Comprendre TRIBUNE Les attitudes électorales de la jeunesse sont connues : une propension à l’absten- tion et une préférence pour les partis extrêmes. Le tropisme « extrême » existeON DÉNOTE UNE bel et bien, mais il se dirige soit vers l’extrême gauche, soit vers l’extrêmeSENSIBILITÉ droite, soit vers l’abstention. Cette dispersion fait de « l’excès » un paramètre desPOLITIQUE choix des jeunes électeurs, mais on en repère bien d’autres. Au bout du compte, laGÉNÉRATION- jeunesse est éclatée en différents segments et il n’existe nullement de vote « jeune ».NELLE QUI Premier constat. Il y a une jeunesse intégrée ou en voie d’intégration qui n’est guèreS’EXPRIME disposée au frisson de l’excès. Une partie d’entre elle pourrait voter allègrementLOIN DE pour l’extrême centre d’Emmanuel Macron1 : ce dernier en mars 2017 capte 27% desL’ISOLOIR intentions de vote des 18-24 ans, soit un score légèrement supérieur à celui qu’il rencontre dans les autres classes d’âge. La jeunesse passée par l’université (44% de la génération Y) peut être séduite par la volonté de l’ex-ministre des Finances d’enjamber le clivage droite-gauche et de réenchanter le projet européen et la mon- dialisation. Cette adhésion culminera sans doute chez les étudiants issus des filières d’élite, ceux pour qui le modèle californien, « compétition, technologies numériques, start-up et innovation », offre un terrain de jeu. Pour des raisons idéologiques ou de sentiment de déclassement, d’autres jeunes adultes diplômés du supérieur pour- ront, de leur côté, opter pour une gauche radicale. Jean-Luc Mélenchon et, dans une moindre mesure, Benoit Hamon, attirent une partie du vote jeune : on a vu lors des mobilisations contre la loi El Khomri combien certains étudiants sont révoltés par le caractère peu inclusif de la société française. Aujourd’hui, cette préférence pour une gauche pure comme le diamant constitue moins la marque de fabrique de la jeunesse qu’elle ne le fit autrefois, mais cette tendance subsiste.IL N’EXISTE NULLEMENT DE VOTE« JEUNE »Monique Dagnaud RÉBELLION © Guillaume BraunsteinSociologue,directrice de recherche Restent les 41% de jeunes qui n’ont que le bac et/ou une formation professionnelleau CNRS courte et les 15% qui sont sortis précocement du système scolaire munis tout au mieux du brevet. Leur vote s’orientera dans plusieurs directions, mais cette fraction1 Sondage Elabe du 2 mars 2017, des jeunes, et en son sein ceux qui sont en emploi, est sensible aux thèmes fron- ces tendances apparaissent également tistes. Et c’est parmi eux que se recrutent beaucoup des électeurs du Front natio- dans d’autres sondages. nal – qui recueille près du tiers des votes des 18-24 ans. La droite classique, avec François Fillon comme candidat, semble n’attirer qu’une petite fraction des jeunes,Lire le dossier sur autour de 10%. Autre geste emblématique : l’abstention. Deux tiers des moins de 24les jeunes électeurs, ans n’ont pas voté aux dernières départementales. Le taux d’abstention des jeunespage 64. est en général supérieur de 10% à celui de l’ensemble des électeurs, et ce, même aux présidentielles. Ce taux d’abstention conduit à réduire la part des jeunes dans la composition d’un l’électorat particulier : par exemple, le vote en faveur de Le Pen vient en tête pour la tranche des 18-24 ans, mais comme ils votent en petit nombre, ces jeunes ne constituent, au final, qu’une faible fraction du vote global en faveur de Marine Le Pen. On évoque souvent l’idée d’un moratoire du vote – le primo votant n’est pas encore acculturé au rituel du suffrage universel, et de surcroît, il peine à se forger une opinion. D’autres motifs font de cette abstention un geste éloquent. L’instance politique, comme instrument de cohésion et de transformation sociale, a montré son impuissance à leurs yeux. L’abstention apparaît alors comme une posture d’indifférence affichée, presque comme une rébellion. On dénote pourtant une sensibi- lité politique générationnelle qui s’exprime loin de l’isoloir. Au fur et à mesure que la communication en réseaux est devenue la norme, que les interactions horizontales se sont intensifiées, les vingtenaires cherchent le salut chez leurs proches et dans des actions avec leurs pairs. Cette génération s’investit dans les mouvements asso- ciatifs et collaboratifs, l’économie solidaire et le crowdfunding, des secteurs qui touchent deux cordes sensibles : l’écologie et l’entre aide sociale ou humanitaire. L’engagement dans la société civile, la valorisation du local, l’attention à la transi- tion énergétique et aux nouveaux modes de vie : tous ces éléments nourrissent plus solidement une identité générationnelle que ne le fait le vote.110 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017

PUBLI-REPORTAGE © iStock by Getty Images Au cœur de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes, la Métropole de Clermont-Ferrand renforce son attractivité grâce au dynamisme des institutions et des acteurs économiques bien implantés sur le territoire. Tour d’horizon.CLERMONT FERRANDUNE MÉTROPOLEBIEN DANS SA PEAUN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 111

PUBLI-REPORTAGEAvec plus de 280 000 habi- de la prévention santé connaissent éga- © DRCarmelo Lauricella tants et près de 15 000 lement un véritable essor grâce à des Responsable compte chez Dalkia entreprises, l’agglomération destinations thermales attractives qui clermontoise est un ter- savent innover et se mobiliser pour Que représente Dalkia en Auvergne ? ritoire actif où il fait bon attirer les curistes et participer à la Carmelo Lauricella : En Auvergne,vivre. Depuis le 1er janvier 2017, elle recherche médicale. Le numérique n’est notre activité se concentre sur less’est rebaptisée Clermont Auvergne pas en reste avec la construction en départements du Puy-de-Dôme, laMétropole afin d’affirmer ses nou- cours d’un « quartier du numérique » au Haute-Loire, Allier et un peu le Cantal.velles ambitions et d’incarner son sou- cœur de Clermont-Ferrand qui verra le Nous employons une centaine de sala-hait de peser dans la grande région jour en 2019. Il accueillera des start-up riés et représentons 160 emplois indi-Auvergne-Rhône-Alpes. et encouragera le développement de rects. Notre activité génère 27 millions l’entrepreneuriat innovant. Preuve de d’euros de chiffre d’affaires, répartis surFRENCH TECH son engagement dans le digital : Cler- trois segments : le confort énergétiqueCar la capitale de l’Auvergne a des mont Auvergne Métropole est labélisée des bâtiments, le monde industriel et lesatouts de poids et représente un pôle French Tech depuis 2016. réseaux de chauffage urbains.économique majeur à l’ouest de la régionet au centre de la France. Plusieurs GRAND PROJET URBAIN En quoi consistent vos activités ?grands sièges sont installés à proximité Clermont-Ferrand est aussi une ville CL : Pour la majorité, il s’agit de pres-de Clermont-Ferrand. Michelin, leader jeune, avec une communauté étudiante tations de services sur la performancemondial des pneumatiques, reste l’ac- importante. Ils sont 40 000 à suivre un énergétique. Nous avons des contratsteur incontournable et renommé du cursus d’enseignement supérieur dans de durée avec des partenaires, privéssecteur. Tout comme Limagrain, qui est l’agglomération, attirés par l’Univer- ou publiques. Nous produisons le chauf-le numéro deux mondial des semences sité ou les grandes écoles renommées. fage et l’eau chaude grâce à la concep-potagères. Dalkia, spécialiste des ser- Mais aussi par des loisirs fleurissants. tion, la réalisation et l’exploitation devices énergétiques a même fait de Cler- Clermont Auvergne Métropole compte chaufferies, nous fournissons des utili-mont-Ferrand un bassin d’innovation déjà cinq piscines et 17 bibliothèques et tés industrielles. Nous avons également(voir interview). Le tourisme et le secteur médiathèques. Et cette offre sera ren- une activité « Travaux  », qui représente forcée grâce à la réhabilitation du site 4 millions d’euros de chiffre d’affaires © Dalkia de l’Hôtel-Dieu. La bibliothèque de la annuel sur l’Auvergne. communauté urbaine verra le jour au cœur du bâtiment Dijon, un immense Pourquoi le territoire est-il ensemble classé aux Monuments his- propice à l’innovation ? toriques et comprenant trois ailes. Un CL : Dalkia est constamment en grand projet urbain estimé à 40 millions recherche d’innovations pour apporter d’euros qui va renforcer l’attractivité de des solutions durables et écologiques à Clermont-Ferrand. Et profondément ses clients. Ainsi, quasiment tous nos changer son visage. Rendez-vous en réseaux de chaleur utilisent la bio- 2022 pour la livraison… masse pour les besoins en chauffage et eau chaude sanitaire. L’Auvergne s’y « L’agglomération prête particulièrement car les massifs clermontoise est forestiers sont à proximité. C’est aussi un territoire actif un territoire ouvert, avec des interlocu- où il fait bon vivre » teurs sensibles aux expérimentations. © Olivier Guerrin © Olivier Guerrin112 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017

PUBLI-REPORTAGE UN LABORATOIRED’INNOVATIONDalkia, leader des services énergétiques, expérimente des projets ambitieux autour de l’énergiecirculaire à Clermont-Ferrand. Interview avec son responsable du développement Auvergne,Carmelo Lauricella.Ce qui nous permet de lancer des numérique ». Les data-centers se multi- discussions sont bien avancées avec lesprojets précurseurs. C’est un de nos plient ces dernières années et dégagent bailleurs sociaux et la phase opération-« laboratoires  ». beaucoup de chaleur. Nous avons mis au nelle devrait commencer avant la fin de point, avec des start-up, un procédé pour l’année 2017. Si cette démonstration estAvez-vous des exemples ? récupérer cette énergie et la réinjecter concluante, nous envisagerons de passerCL : Limagrain, coopérative spéciali- dans le réseau. Cela permet de chauffer à une échelle plus importante.sée dans les céréales, nous a confié la l’eau à 40 degrés, pour un immeubleconception, la réalisation et l’exploita- comprenant entre 24 et 30 logements. « Limagrain, coopérativetion d’une chaufferie qui utilise la rafle Où en est le développement ? spécialisée dans lesde maïs comme combustible. Ce petit CL : Plusieurs cibles ont été identifiées. céréales, nous a confié lacylindre sur lequel s’accroche le maïs est Nous avons des prérequis : la chaudière conception, la réalisationtrès inflammable et produit une énergie numérique doit s’ installer dans une et l’exploitation d’uneimportante. Cette chaufferie alimente les chaufferie, ce qui nécessite au minimum chaufferie qui utiliseséchoirs du site d’Ennezat et réduit l’em- 4 m2 de disponible. L’immeuble ne doit la rafle de maïs commepreinte carbone de Limagrain de plus pas dépasser les 30 logements si on veut combustible »de 2 600 tonnes de CO2 par an. C’est un dimensionnement optimal. Et la rueun peu comme si vous enleviez l’équiva- doit être équipée de la fibre optique. Les © Dalkialent de la pollution de 1 000 véhicules. Chaufferie Limagrain.Quels ont été les défis techniques ?CL : Valoriser, sous forme d’énergie, undéchet issu de la production agricole estla première innovation. Il fallait aussiprendre en compte les contraintes liéesaux rafles de maïs dans la constructionde la chaufferie. Nous avons un parte-nariat avec le constructeur, Compte-R,également basé en Auvergne. Nousavons conduit plusieurs phases d’expéri-mentation pour maîtriser complètementle cycle de production et s’assurer ducaractère écologique du procédé.Sur quels projets travaillez-vousactuellement ?CL : Nous voulons utiliser la chaleurdégagée par les serveurs informa-tiques des data-centers pour alimenterdes immeubles en eau chaude sani-taire. C’est un concept de «  chaudièreN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 113

Dalkia, partenaire des collectivités d’AuvergnePour relever le défi de la transition énergétique, Dalkia offre à sesclients des solutions sur mesure pour maîtriser l’ensemble de la chaîneénergétique, de la fourniture d’énergie jusqu’à l’optimisation de leurconsommation, en passant par la gestion des installations. Dalkiacontribue ainsi à la maîtrise des consommations d’énergie et à laréduction des émissions de CO2 des collectivités et desgestionnaires de bâtiments.L'énergie est notre avenir, économisons-la ! www.dalkia.fr

COUP DE CRAYON DE KANELLOS COB SUR... Respirer LES NOUVELLES ASSISES INTERNATIONALES DU ROMAN REVIENNENT À LYON, DU 29 MAI AU 4 JUIN avec une thématique centrée autour de la langue dans tous ses états.N°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 115

Respirer RUBRIQUE DE NOM116 YAuctTeaukrsahdaesl’héic, oénlèovmeiede- Ll’aécToribleuTnseuji N°135 Mai 2017 et le chef Romain Barthe, de l’Auberge de Clochermele à Vaulx-en-Beaujolais.

RUBRIQUE DE NOM Respirer CHEFS JAPONAIS ETLECUGIRSAINNEDFPRAARNAÇDAOIXSEEN°135 Mai 2017 REPORTAGE, MATHIEU PÉRISSE/WE REPORT PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE Avec trois chefs étoilés, les cuisiniers japonais brillent en Auvergne-Rhône-Alpes. Mais alors qu’ils sont toujours plus nombreux à venir se former et à travailler en France, la gastronomie nippone, di érente de celle française dans son approche, reste encore confidentielle dans nos assiettes. Après 15 années de règne du sushi, fallacieux raccourci de son savoir-faire, la tradition culinaire japonaise, dont Lyon et Paul Bocuse ont largement favorisé le déploiement, attend (encore) son heure. Acteurs de l’économie - La Tribune 117

Respirer CHEFS JAPONAIS ET CUISINE FRANÇAISEIl entre dans son Depuis 2011, ce souriant quinquagénaire RIGUEUR ET RESPECTrestaurant les est l’heureux patron du Tomo, dans le Chaque année, depuis 30 ans, ils sontbras chargés 6e arrondissement de Lyon. Ouvrir son une quarantaine de cuisiniers japonais àde cartons de restaurant en France ? Un rêve de gosse. poser leurs valises au château de l’Éclair,nourriture. À six ans, il se passionne pour une émis- à Liergues, au milieu des vignes du Beau-Tomohiro sion de cuisine très populaire au Japon. jolais, pour toucher leur rêve du doigt.Hatakeyama Adolescent, il dévore les manuels des Une soixantaine d’autres s’installent aus’éloigne grands cuisiniers. Son choix est fait  : il château Escoffier, à Reyrieux, non loinrarement de sera chef. Pour payer ses études, le jeune de là. Ils ont entre 19 et 20 ans  ; leurses fourneaux, homme travaille, pendant dix ans, dans famille a déboursé plus de 20 000 eurosmême pendant une entreprise de transport. « Un boulot pour cinq mois de cours intensifs. Leson jour de dur, stressant. » En 1997, il s’envole enfin prix d’une formation d’excellence, aurepos. À peine pour la France. Direction le Beaujolais cours de laquelle les élèves manipulentune escapade et l’école Tsuji. Pour les cuisiniers japo- les meilleurs produits du terroir tricolore.dans les monts nais, « faire Tsuji », c’est un peu comme Le prix, surtout, d’une image de marquedu Pilat pour être accepté au château de Poudlard dans dont les jeunes apprentis savent qu’ellecueillir du Harry Potter : un passage obligé pour tous leur ouvrira toutes les portes une fois ren-wasabi. À deux les apprentis magiciens de la gastrono- trés au Japon. Celle de la grande cuisinepas de Lyon, mie française. Ce matin de février, ils française, réputée comme étant l’une desla plante sont une quinzaine à découvrir les for- plus techniques au monde. «  L’image duemblématique mules subtiles du tourteau de noisette et chef en toque blanche est très prestigieusede la cuisine du chocolat au coing, sous la houlette du au Japon », estime Shigefumi Sato, le trèsjaponaise chocolatier lyonnais Yoann Laval. Aucun discret responsable administratif du châ-« pousse comme ne parle français. Un interprète traduit teau de l’Éclair. Arrivé en France pourune mauvaise la recette, étape par étape. «  Ils sont très étudier les beaux-arts en 1995, il n’en estherbe », attentifs, très rigoureux », résume le profes- presque jamais reparti, tombé «  amou-s’amuse-t-il. seur d’un jour. Pour ce jeune chocolatier, reux » du pays, confie-t-il. Et pour valori- le premier contact avec le Japon remonte ser ses élèves, l’homme assume d’utiliser118 Acteurs de l’économie - La Tribune à 2012, au Salon du chocolat de Tokyo. Il les vieux clichés. «  Au Japon, l’idée de y découvre une culture culinaire riche, groupe est toujours mise en avant. Nos élèves mais une approche très différente des marquent un grand respect de la hiérarchie et standards français. « Les Japonais aiment prêtent une grande attention aux consignes. les choses de très haute qualité, en petites C’est pour cela qu’ils sont très appréciés par quantités. Ils sont capables de vendre des les grands chefs. » boîtes de quatre chocolats, s’étonne-t-il À l’issue de leur formation, l’immense encore. Mais ils sont là pour apprendre à majorité des élèves Tsuji rentreront au faire « à la française », même si nous utili- Japon, pour travailler dans l’un des nom- sons parfois des produits japonais, comme le breux restaurants français que compte yuzu ou le thé matcha ». l’archipel. Mais ils sont de plus en plus nombreux à s’aventurer dans les cuisines de l’Hexagone. Dans son bureau installé dans une aile du château néogothique, Pierre Béal, directeur des écoles Tsuji en France, évoque fièrement ces anciens qui se sont fait une place au soleil. «  Nous avons des seconds chez Yannick Alléno (trois étoiles), chez Thierry Marx (deux étoiles), des chefs étoilés à Monaco, à Paris ou encore à Beaune, énumère-t-il. C’est un phénomène encore récent, mais qui prend de l’ampleur. ». N°135 Mai 2017

CHEFS JAPONAIS ET CUISINE FRANÇAISE Respirer« Dans l’imaginaire Tomohiro Hatakeyama, patron du Tomonippon, Lyon occupe à Lyon : « Nous sommes là pour apprendreune place de choix » à faire « à la française », même si nous utilisons parfois des produits japonais,DE BOCUSE À LA CITÉ comme le yuzu ou le thé matcha. »DE LA GASTRONOMIEUn succès qui doit beaucoup à un Acteurs de l’économie - La Tribune 119homme, Shizuo Tsuji. Pierre Béal nousentraîne dans un coin du château pournous montrer le buste du mythique fon-dateur de l’école. Un journaliste, critiqueculinaire et diplômé en littérature fran-çaise, dont les parents dirigeaient unepetite école de cuisine à Osaka dans lesannées 1960. Décédé en 1993, l’homme,auteur de nombreux livres culinaires, futl’un des meilleurs artisans du rappro-chement entre le Japon et la France. Etla création de l’école à côté de Lyon nedoit rien au hasard. Très tôt, l’homme delettres s’est lié d’amitié avec Paul Bocuse.Dès 1973, l’emblématique Lyonnais, tri-plement étoilé depuis 1965, se rend àTokyo, en compagnie du Roannais PierreTroisgros. Quelques années plus tard, lechef de Collonges-au-Mont-d’Or assoitson statut de mythe au Japon, en ouvrantun espace de produits français dans lesmagasins Daimaru, l’équivalent nippondes Galeries Lafayette. À ce jour, l’auradu pape de la gastronomie françaisedemeure intacte au Japon, où l’entreprisefamiliale possède sept restaurants.N°135 Mai 2017

Respirer CHEFS JAPONAIS ET CUISINE FRANÇAISEBien sûr, Paris accapare toujours l’atten- « Au Japon, les sushis Quand je vois des sushis californiens à lation de la majorité des Japonais intéres- ou les sashimis sont fraise, je pleure », se désole Pierre Béal. Lesés par la France. Mais dans l’imaginaire très chers, car conçus sujet inquiète jusqu’au Japon. En 2007,nippon, Lyon occupe une place de choix. avec des poissons de Tomohiro Hatakeyama est sélectionné,Érigée «  capitale mondiale de la gastrono- très haute qualité. avec d’autres cuisiniers, par le Jetro,mie  » par le célèbre critique Curnonsky Quand je vois des organisme gouvernemental chargé deen 1935, la ville bénéficie de longue date sushis californiens à promouvoir le pays à l’étranger. Objectif :d’une excellente image. Dans le sillage la fraise, je pleure » évaluer l’image de la cuisine japonaisede l’école Tsuji, de nombreux cuisiniers en France. « J’ai testé des dizaines d’établis-japonais veulent désormais s’implanter Jusqu’à présent, la gastronomie japonaise sements. C’était souvent immangeable, seentre Rhône et Saône. Capitale écono- était réduite à la portion congrue en souvient le chef. Je me suis dit : « Pauvremique européenne majeure, Lyon draine France. Il faut attendre l’orée des années Japon, il vaut mieux que ça ! » ». Aprèsaussi une clientèle d’hommes d’affaires 2000 pour assister à un retour de balan- plus de dix ans de cuisine «  à la fran-japonais. Des touristes de choix pour cier. Après avoir conquis les États-Unis, la çaise  », il décide de fonder le Tomo, uncertains restaurants lyonnais. Les ins- mode des sushis irrigue la France entière. restaurant traditionnel japonais. À Lyon,titutions lyonnaises ne s’y sont d’ail- La petite boule de riz et de poisson cru ils ne sont qu’une poignée sur ce secteur.leurs pas trompées : en 2018, la Cité de s’impose en quelques années comme un C’est là tout le paradoxe  : les chefsla gastronomie ouvrira dans un nouvel classique de la vente à emporter, à côté japonais enchaînent les succès, mais laHôtel-Dieu flambant neuf et la première de la pizza ou encore du kebab. Les fran- cuisine japonaise stagne dans son déve-exposition temporaire sera consacrée à chises se multiplient. Même si le secteur loppement hexagonal. Dans son éditionla cuisine japonaise. Signe des liens forts a vu sa croissance ralentir fortement ces 2017, le guide Michelin a accordé quatreentre la cité rhodanienne et le pays du dernières années, le marché reste lucratif. étoiles supplémentaires à des chefs japo-Soleil-Levant. Sushi Shop, le leader français, a réalisé nais, dont deux macarons pour le Kei, un chiffre d’affaires de 187 millions d’eu- à Paris. À Lyon, Takao Takano, dans leLA CATASTROPHE DES SUSHIS ros en 2016, soit une hausse de 6 % en restaurant éponyme, et Tsuyoshi AraiLe dialogue est pourtant longtemps un an. Parallèlement, les Français s’en- (Au 14 février), arborent chacun unedemeuré à sens unique. Pendant des thousiasment pour les aliments sains qui étoile depuis déjà quelques années, toutdécennies, la France a seule profité de son forment la base de la cuisine japonaise. comme Masashi Ijichi, à Valence (Laimage au Japon pour y prospérer. « Dans Tofu, poissons, algues diverses (wakamé, Cachette). Pourtant, ces stars régionalesles années 1980 et 1990, tous les grands kombu, nori…) et absence de matière revendiquent d’abord une cuisine fran-chefs français possédaient un restaurant à grasse attirent des clients en quête d’une çaise, saupoudrée d’influences nippones.Tokyo  », se souvient Patrick Henriroux, alimentation diététique.chef doublement étoilé de La Pyramide, Mais pour les cuisiniers japonais, le « LA CUISINE JAPONAISEà Vienne. À partir de 1986, le cuisinier sacre des sushis est une catastrophe. En NE PARDONNE PAS »se rend régulièrement au Japon pour des résumant la cuisine japonaise à un seul «  La cuisine japonaise est difficilementdémonstrations dans les grands groupes produit, souvent fabriqué de manière exportable  », explique Jacques Marcon.hôteliers, avec l’appui du French Food industrielle, il occulte la richesse de la Fils de Régis Marcon, avec qui il exerceCulture Center, un prestigieux organisme tradition nippone. «  Au Japon, les sushis dans le restaurant trois étoiles de Saint-de formation japonais. D’autres cuisiniers ou les sashimis sont très chers, car conçus Bonnet-le-Froid (Haute-Loire), le cheffondent directement des établissements. avec des poissons de très haute qualité. a fait une partie de ses études à l’écoleUn «  âge d’or  », en partie emporté par Tsuji. Il revient tout juste d’un séjour aula crise économique nippone des années Japon, où il finalise la création d’un res-1990. Seuls les poids lourds sont res- taurant. «  Le problème réside dans le faittés, à l’image des Bocuse, Ducasse et que la cuisine japonaise ne pardonne pas siRobuchon. Depuis 2003, Patrick Henri- vous n’avez pas la bonne qualité de produits,roux supervise le Crown, un restaurant estime-t-il. Là-bas vous pouvez acheter letokyoïte installé au cœur d’un palace. premier thon rouge de l’année à 600  000Mais l’époque n’est plus la même. En euros  ! Les poissons doivent être tués selonmatière de gastronomie, les Japonais ont une certaine technique pour conserver leurrevu leurs exigences à la hausse. Et les goût intact. Vous ne trouvez pas cela enchefs français sont contraints de s’adap- France. »ter. «  Le Crown, c’est à peine 1 % de notrechiffre d’affaires, mais il constitue pour nous N°135 Mai 2017une très bonne image de marque », acquiescePatrick Henriroux.120 Acteurs de l’économie - La Tribune

À l’international,désormais, Bpifranceles entrepreneurs quiRCS 507 523 678 Bpifrance assure, au nom de l’État et sous son contrôle, votre activité export.Bpifrance vous accompagne, Acteurs de l’économie - La Tribune 121finance vos projets et assurevotre activité à l’export.bNp°1i3f5 rMaai n20c17 e.fr

Respirer CHEFS JAPONAIS ET CUISINE FRANÇAISEDans ses cuisines, Jacques Marcon À l’image de Tomohiro Hatakeyama, les LES CHEFS JAPONAISemploie pourtant en permanence « quatre cuisiniers japonais installés en France ET LEURS RESTAURANTSou cinq » Japonais, dont il apprécie parti- restent donc des petits entrepreneurs, À LYONculièrement «  la rigueur et la précision  ». un peu aventuriers, attirés par un modeMais le chef voit un autre frein au déve- de vie plus paisible que dans leur pays Tomoloppement de la cuisine japonaise dans natal. Nourris au mythe de la gastrono- Tomohiro Hatakeyamal’Hexagone. « Leur respect pour l’artisanat mie française, la plupart des chefs ne s’en Chez Terraest immense, mais la transmission de ces détachent jamais complètement. « J’ouvri- Hiroshi Teramotosavoir-faire s’effectue beaucoup plus de père rai un restaurant français quand je serai à Takao Takano*en fils ou de maître à élève ». Une certaine la retraite, pour le plaisir, sourit le cuisi- Takao Takano« culture du secret », selon Pierre Béal, pour nier. Quand la cuisine japonaise se sera enfin L’Ourson qui Boitqui les Japonais « sont rarement dans une installée en France. » Akira Nishigakilogique de gros business, type Georges Blanc Flairou Alain Ducasse ». Aux grandes marques Hirayuki Watanabeque fondent parfois les chefs français, Au 14 Février*les Japonais privilégient une approche Tsuyoshi Araiplus familiale. «  Ils ont plutôt le souci deconserver et de transmettre un patrimoine,pas de le développer », poursuit le directeurde l’école Tsuji. Difficile de s’imposer àl’étranger dans ces conditions.Pour les cuisiniers japonais, « faire Tsuji », © DRc’est un peu comme être accepté au châteaude Poudlard dans Harry Potter. SAISON OPÉRA CONCERT17—18 DANSE AMPHIOPÉRA DE LYON3 MAI 20H ANIMÉE PAR JUDITH CHAINE trafik.fr | photo © Corentin Fohlen AVEC JÉRÔME BEL, CHRISTOPHE HONORÉ, GRATUIT DANIELE RUSTIONI… RÉSERVATION CONSEILLÉE LES GRANDS ARTISTES DE LA SAISON, N°135 Mai 2017 EN IMAGES ET EN LIVE. 04 69 85 54 54 OPERA-LYON.COM L’OPÉRA NATIONAL DE LYON EST CONVENTIONNÉ PAR LE MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DE LA COMMUNICATION,LA VILLE DE LYON, LE CONSEIL RÉGIONAL AUVERGNE-RHÔNE-ALPES ET LA MÉTROPOLE DE LYON122 Acteurs de l’économie - La Tribune

RUBRIQUE DE NOM Respirer Un événement LYON AUVERGNE RHÔNE-ALPES 13-14 juin 2017 Centre de Lyon Congrès#SDE2017 Infos > salondesentrepreneurs.com N°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 123

Respirer RUBRIQUE DE NOMORCHESTRE N°135 Mai 2017NATIONALDE LYONTOUS AU DIAPASONIMMERSION, ROMAIN CHARBONNIERPHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE« Rolls » desorchestres en France,l’Orchestre national de Lyona acquis une notoriété internationale,fruit d’une politique musicale et d’un ensembleorchestral unique. En faire partie, c’est atteindre lessommets de l’art. Et pour que la mise en musique soitla plus juste, rigueur, maîtrise et savoir-vivre constituentses fondements. Ils caractérisent, en outre, la singularité dela maison, à l’heure où s’écrit une nouvelle partition de son histoire.124 Acteurs de l’économie - La Tribune

RUBRIQUE DE NOM RespirerN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 125L’Orchestre national de Lyon en répétition.

Respirer ORCHESTRE NATIONAL DE LYON l est 9h30 ce matin-là. Pas une seconde de plus. Afin que la magie opère, la mécanique doit être bien huilée et Les 104 musiciens de l’Orchestre national de doit s’articuler sans fausse note à l’image de la justesse d’une Lyon assis, instrument en main, attendent le pre- partition. Et cela, à chaque étage de la maison lyonnaise, qui mier geste du chef d’orchestre letton Andris Poga compte 104 musiciens et une centaine d’employés (dont la moitié pour débuter les répétitions d’un concerto pour appartient à l’équipe administrative). Une PME au budget annuel clarinette de Mozart. En ordre de marche, rigou- de 15 millions d’euros dont l’organisation se révèle être parti- reusement attentifs, ils se lancent et appliquent culière, très hiérarchisée, et dont le vivre-ensemble constitue la avec justesse, chacun dans sa famille d’instru- pierre angulaire. ment, la partition. Ajustements méticuleux, les gestes et le souffle des musiciens s’affinent au gré UN TOURBILLON des heures de travail afin de jouer le son parfait Faire partie de l’orchestre, c’est vivre au fil des saisons, des répé- tel que désiré par le maestro invité pour donner titions, des chefs d’orchestre. C’est intégrer une troupe, composée un concert deux jours plus tard, à l’auditorium. de brillants musiciens ayant pour la plupart fréquenté les classes Tout est millimétré, précis, net. Le niveau d’ex- du conservatoire. Des jeunes qui portent en eux la fraîcheur cellence est tel qu’aucun droit à l’erreur n’est per- et le dynamisme, mais naturellement l’inexpérience quand les mis le soir de la représentation. Les musiciens qui plus anciens, armés de pratique et de connaissances – sur des composent l’orchestre sont parmi les meilleurs œuvres spécifiques notamment –, peuvent transmettre, inculquer de France. Si bien qu’une centaine de candidats et porter le groupe. « Il faut pouvoir entrer rapidement dans le tour- peuvent se présenter lors d’une audition pour un billon du rythme de l’orchestre et s’adapter aux œuvres jouées chaque seul poste de violoniste. La concurrence est rude, semaine par un chef différent, reconnaît Sandrine Haffner. Avec de les places, rares, et l’exigence de maîtrise, encore l’expérience, c’est plus simple. » Certains sont présents depuis des plus élevée qu’ailleurs. « Cela demande une disci- années, voire des décennies, et il n’est pas question pour eux de pline de fer de la part de tous », reconnaît Vincent s’en aller. Car jouer pour l’ONL se mérite et leur a demandé des Hugon, altiste, entré en 2000 à l’ONL. « Du tra- années d’effort et d’abnégation. « Sa réputation est telle aussi que vail et encore du travail, ajoute Sandrine Haffner, nous n’avons pas envie de le quitter », prévient Guillaume Dionnet, violoniste depuis 27 ans au sein de l’orchestre. tubiste ici depuis 10 ans. Il représente le Graal tant convoité. Pour être opérationnel dès le premier jour de répéti- D’aucuns peuvent être amenés à en partir pour évoluer profes- tion, ce n’est pas moins de dix heures d’entraînement sionnellement ou pour cause de départ en retraite. Mais intégrer chez soi, même si chacun s’adapte en fonction de son l’ONL, donne la garantie de jouer de grandes œuvres et de tra- instrument. » Cette discipline est un marqueur de vailler avec des chefs d’orchestre prestigieux, dans des conditions la qualité de l’ensemble. Elle fait de l’Orchestre privilégiées, au sein de l’auditorium de Lyon. national de Lyon l’une des « Rolls » des orchestres Cette notoriété repose, en grande partie, sur le choix du direc- en France avec une programmation de très haute teur musical. C’est lui qui véritablement donne sa couleur à l’or- volée, exigeante mais éclectique et ouverte à chestre. C’est lui le grand patron des musiciens. Depuis six ans, tous les publics, et des chefs d’orchestre et des ce rôle incombe à Leonard Slatkin. Avant son arrivée, il suscitait solistes de renom. «  Ce n’est pas une contrainte, déjà une forte attente chez les musiciens, « et nous ne sommes pas c’est en nous, remarque Vincent Hugon. Ceux qui déçus, avoue Guillaume Dionnet. Un bon chef apporte les connais- n’y parviennent pas ne sont pas ici. » Une répétition sances que l’orchestre n’a pas. Il le guide et le porte. En l’occurrence ce « démarre à l’heure pile, sinon ce serait ingérable », qu’il réussit à faire ». Le mæstro permanent connaît les forces, mais souligne le musicien, par ailleurs membre de la aussi, et peut-être surtout, les faiblesses de ses musiciens, sait commission orchestre, poste comparable, peu ou jusqu’où il peut les emmener, comment les faire évoluer, tout en prou, à un délégué du personnel. La rigueur, les nouant avec eux une relation de proximité, d’intimité artistique musiciens l’acquièrent souvent dès le plus jeune même. Ce qui le conduira à « métamorphoser » l’orchestre. Son âge, durant l’apprentissage de leur instrument, investissement et sa fonction se révèlent déterminants dans la puis tout au long de leur carrière. cohésion du groupe et de celle de la maison tout entière. « L’or- chestre connaît des périodes différentes à chaque changement de direc-126 Acteurs de l’économie - La Tribune tion. Son ambiance en dépend beaucoup, souligne Sandrine Haffner. À nous de savoir nous adapter.  » Présent 14 semaines par an à Lyon, le chef, qui dirige par ailleurs le Detroit symphony orches- tra, mettra pourtant fin à sa mission en septembre. Et pour la première fois dans l’histoire de l’orchestre, il se verra attribuer le titre de directeur musical honoraire pour ce qu’il a bâti et l’em- preinte qu’il laissera. La nomination de son successeur est donc attendue avec impatience en interne, et chez les mélomanes, d’au- tant plus que 2017 est une année de changements pour l’ONL. Une nouvelle partition est en train de s’écrire depuis l’arrivée en janvier d’Aline Sam-Giao à la tête de la structure, au poste de directrice générale. N°135 Mai 2017

« Tout est millimétré, préciOsR,CnHEeStTR»E NATIONAL DE LYON RespirerN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 127 © David Duchon-Doris Le mæstro américain Leonard Slatkin donne la couleur à l’orchestre et le guide depuis qu’il en est le directeur musical.

Respirer ORCHESTRE NATIONAL DE LYON« Un premier soliste fixera « Pour que la magie opère,l’exigence musicale, la mécanique doit être bienun cadre de discipline, huilée et doit s’articuler sansque nous suivrons ensuite » fausse note, à l’image de la justesse d’une partition »SENTIMENT D’APPARTENANCEPortant la casquette du chef d’entreprise, et ancienne directrice « Cela nécessite de la rigueur, car chaque décision aura un impact »,de l’Orchestre des Pays de Savoie, c’est à elle que revient la mis- reconnaît-il. En lien permanent avec toutes les équipes, Mathieusion de mettre en musique la nouvelle stratégie et d’intimer sa Vivant doit faire en sorte que le soir de la représentation, « tout sevision à l’Orchestre national de Lyon, en accord avec la Ville de passe bien sans que le public ne s’aperçoive d’un éventuel problème ».Lyon, son employeur. « Je souhaite emmener les troupes avec moi, Une question d’exigence et de dialogue. « Il faut arriver à savoirautour d’un projet, en me nourrissant des autres », annonce la musi- manager l’ensemble et à faire des compromis, tout en suivant une lignecienne, amatrice de hautbois. Avec un profil de gestionnaire et directrice. » Un métier de pression et de passion.de ressources humaines, Aline Sam-Giao connaît les enjeux et le Travailler à l’ONL est donc avant tout une aventure d’hommes etchallenge qui l’attendent, et souhaite appliquer ses décisions en de femmes animés par un fort sentiment d’appartenance et pargarantissant la stabilité de l’ensemble, surtout dans une période cette volonté de faire grandir, ensemble, l’entreprise culturelle.de changement. «  La valeur que nous avons à offrir réside dans Une entreprise néanmoins pas tout à fait comme les autres, mêmele travail des individus. Il faut savoir garder cet enthousiasme qui si elle en utilise les codes et que sa directrice en emprunte sonimprègne la maison », souligne-t-elle. Quelques semaines après son vocable parlant d’innovation, de visibilité, de stratégie de déve-arrivée, elle a donc « volontairement » fait le choix de partir avec loppement, d’optimisation de moyens financiers et humains et deeux en tournée aux États-Unis, durant deux semaines, afin « de cible. C’est bien tout un monde qui gravite et respire au rythmesentir leur préoccupation. J’ai trouvé des personnes fières et attachées à d’un cœur battant : l’orchestre.leur outil de travail, désireuses d’exister et loin d’être opposées au chan-gement ». Cette relation avec ceux qui font vivre l’orchestre, maiségalement avec les équipes qui l’entourent et le gèrent – « garantesaussi de sa bonne santé », signale Sandrine Haffner –, est un facteuressentiel, si ce n’est primordial, pour sa pérennité. Et pour que cemicrocosme s’épanouisse dans le meilleur des mondes possibles,elle peut s’appuyer sur un homme, Mathieu Vivant.Au centre des décisions, il est le directeur de production depuisdeux ans après avoir intégré l’ONL en tant qu’agent d’accueil ily a 15 ans. C’est par lui que tout passe. Résoudre les problèmes,se dégager des contraintes budgétaires, répondre aux désirs deschefs et aux besoins des musiciens, anticiper la programmation2017/2018… entouré d’une équipe de 16 personnes, il gère laprogrammation et règle la logistique au niveau de la production. Aline Sam-Giao doit mettre en musique la nouvelle stratégie de l’ONL depuis son arrivée à la direction en janvier. Mathieu Vivant, directeur de la production.128 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017

ORCHESTRE NATIONAL DE LYON Respirer« Un bon chef apporte les HIÉRARCHIEconnaissances que l’orchestre L’organisation en son sein codifiée et très encadrée, permetn’a pas. Il le guide et le porte » d’atteindre un niveau supérieur de qualité. Mais comme pour d’autres formations, celle de l’ONL reste traditionnelle. D’abord,RIGUEUR les quatre familles d’instruments sont rangées de manière défi-Méconnue du grand public plus habitué à l’applaudir, la vie d’un nie  : au premier rang, les cordes entourent le chef d’orchestre,orchestre suscite pourtant la curiosité et soulève bien des ques- puis les bois, les cuivres et, pour terminer, les percussions.tions. « Nous formons une micro-société », s’amuse Vincent Hugon. Parmi les 104 musiciens, certains ont davantage de responsabi-Chaque jour, ils se retrouvent tous à l’auditorium, pour répéter lités et assurent des rôles plus importants, tant sur le plan musi-en vue du concert qu’ils donneront dans la semaine. Ils prennent cal qu’humain. Chacune de ses familles comprend un premierleur pause au même moment, leurs congés aussi, et partent en soliste, dont le rôle est de jouer des parties en solo, mais égale-tournée ensemble. Tout est pensé en groupe. Les affinités se ment de diriger son pupitre. Il est également le représentant decréent principalement par famille d’instruments, et comme au son groupe vis-à-vis du chef d’orchestre. « Il fixera l’exigence musi-sein de toute communauté, la vie en collectivité génère son lot cale, un cadre de discipline, que nous suivrons ensuite. Mais individuel-de contraintes. « Cela se gère comme dans la vie de tous les jours », lement, nous devons tous être prêts au préalable », explique Sandrineremarque néanmoins Guillaume Dionnet. Et s’il advient que de Haffner. Les autres musiciens sont appelés tuttistes. De plus,«  rares  » tensions naissent, elles s’effacent lorsque le chef d’or- l’ONL compte deux supers solistes violon (jouant chacun unechestre donne le départ. « C’est comme partout, évoque Sandrine semaine sur deux), dont le rôle est hiérarchique. Ils représententHaffner. Seulement, dès que le concert commence, nous ne formons l’orchestre devant le chef et le public et ce sont eux qui accordentqu’un. » Chacun dans son rôle, conscient de la place qu’il occupe la formation. « Ils sont les patrons qui travaillent très en amont suret de la réputation qu’il doit maintenir. Aucun faux pas ne sera les musiques qui seront produites », souligne Vincent Hugon. Telstoléré pour le concert final. Le professionnalisme avant tout. des managers dans une entreprise, ils encadrent les musiciens etLa rigueur en pendant. La passion pour la musique en plus. La veillent à la bonne tenue du groupe, ce que chacun accepte. Uncohésion du groupe tient aussi aux instants privilégiés qu’ils aspect artistique sur lequel Aline Sam-Gio n’intervient pas. « Jevivent ensemble. Des instants durant lesquelles l’ONL part en n’ai pas mon mot à dire, sauf cas exceptionnel, car je suis moins légi-tournée et se produit dans des lieux prestigieux, comme récem- time. » Quant à la programmation, elle peut prendre la décisionment au Carnegie Hall, à New York. Malgré le rythme soutenu et finale. « Le délégué artistique sélectionne, trois ans à l’avance, les chefsla pression, c’est lors de ces expériences que les liens se resserrent invités, avec le regard du directeur musical », ajoute-t-elle. Aux musi-et offrent un résultat encore plus fort. «  Si c’est dur parfois, ces ciens de donner aussi leur avis, après le passage de l’un d’eux,moments nous fédèrent plus que d’autres, car nous voulons tous faire pour connaître leur envie ou non de jouer à nouveau avec lui.de belles prestations  », explique Guillaume Dionnet. «  Vivre ces « Ils viennent pour une ou deux représentations, et c’est à ce momentémotions en groupe est tellement enrichissant », acquiesce Vincent que vous voyez les grands chefs », remarque Vincent Hugon. « ToutHugon. est une histoire de rencontres, précise Guillaume Dionnet. Parfois cela ne fonctionne pas. Cependant, les erreurs de casting sont rares. » Si l’Orchestre national de Lyon atteint depuis quelques années les sommets, c’est donc le résultat de la sévère discipline intimée par ceux qui le composent et d’une organisation intelligente à tous les niveaux, qui assure à cette maison sa renommée mondiale.N°135 Mai 2017 La relation avec ceux qui Les musiciens Guillaume Dionnet (tuba), Vincent Hugon et Sandrine Haffner (violons). font vivre l’orchestre est un facteur primordial pour sa pérennité. Ici, Bernard Rustant, chef comptable. Acteurs de l’économie - La Tribune 129

Respirer LA COMÉDIE DE SAINT-ÉTIENNE ARNAUD MEUNIER FAIT SA COMÉDIE PORTRAIT, GÉRARD CORNELOUP PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE130 Acteurs de l’économie - La Tribune En hissant la Comédie de Saint-Étienne parmi les plus grands centres d’art dramatique français, Arnaud Meunier a réussi à redonner ses lettres de noblesse à cette institution vieille de 70 ans. L’homme de théâtre, passé par Sciences-Po, a che un bilan radieux, et ainsi vient d’être confirmé à la direction pour les trois prochaines années. De quoi accompagner pleinement la mutation de la Comédie et de son école dans ses nouveaux quartiers, en septembre prochain. Portait d’un homme engagé, sensible à la création, à la transmission et au développement des cultures. N°135 Mai 2017

LA COMÉDIE DE SAINT-ÉTIENNE RespirerAu cours du mois de habituel de ce genre de missive. Il faut PIONNIER DE LA DÉCENTRALISATION février, c’est par un dire que le bilan du directeur est élo- Alors qu’à Villeurbanne, à cette époque, courrier officiel signé gieux. À commencer par celui de la fré- Roger Planchon développe le théâtre de de la ministre de quentation. De 2011 à 2016, celle-ci est la Cité et qu’à Lyon, Marcel Maréchal la Culture, Audrey passée de 28 000 à 43 000 spectateurs. s’adonne au théâtre du Huitième, à Saint- Azoulay, que l’an- Une dynamique qui coïncide cette année Étienne, c’est le comédien et metteur en nonce fut faite  : le avec un anniversaire, celui des 70 ans de scène Jean Dasté qui se lance dans l’aven- comédien, metteur la structure stéphanoise, créée en 1947. ture avec sa troupe. Originaire de Gre- en scène et directeur Elle était alors le deuxième centre dra- noble où il aimait jouer dans les usines Arnaud Meunier était matique national (CDN) de l’Hexagone, pour toucher le public populaire, il confirmé à la tête du Centre dramatique après celui de Colmar. Une nouvelle conçoit pour la toute jeune Comédie une national de Saint-Étienne pour une nou- génération théâtrale d’après-guerre pre- activité novatrice tournée vers un large velle période de trois ans, à compter du nait les choses en mains, tournée vers public, réalise un travail de choix, mais 1er janvier 2018. Avec un commentaire l’innovation et la jeunesse, abandonnant fait face à des divergences locales, qui le flatteur de la ministre  : «  Créer, fédérer, l’antique notion de délégation de service conduisent finalement à démissionner partager et transmettre  : pendant six ans, public jusqu’alors pratiquée et remplacée en 1970. Toutefois, 12 années plus tard, vous avez su parfaitement conjuguer et décli- pour l’occasion par un contrat de décen- grâce à la pugnacité de l’un des directeurs ner ces quatre verbes sur le territoire ligé- tralisation dramatique, institué par la loi suivants, Daniel Benoin, la structure rien.  » Un propos qui dépasse le cadre de 1972. Avec des troupes subvention- d’origine se dote d’une nouvelle compo- nées par l’État et les collectivités territo- sante formative : l’école de la Comédie de riales, dotées de moyens (lieux, matériels, Saint-Étienne qui dispense, en trois ans, personnels, financiers) indispensables à une formation de comédien. Plusieurs leur fonctionnement et garantis par les salles sont aménagées, les productions tutelles. Le tout débouchant sur le but final du projet : une mission de création dramatique d’intérêt public. La nouvelle Comédie de Saint-Étienne ouvrira en septembre. © Milou Archite&ctureN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 131

Respirer LA COMÉDIE DE SAINT-ÉTIENNE « La motivation et la qualité sont bien entendu des priorités, mais pas seulement. La sélection se fait aussi sur la base de l’égalité des chances. La couleur de la peau ne compte pas, ni pour Andromaque ni pour Ruy Blas »s’enchaînent et les spectacles se suivent, de son école supérieure d’art dramatique. ÉGALITÉ DES CHANCESjusqu’à l’arrivée en 2011 d’Arnaud Meu- «  Ce fut pour moi de nouveaux challenges, À la Comédie de Saint-Étienne, l’hommenier, qui transformera et bouleversera rappelle-t-il. Une nouvelle aventure basée de théâtre parvient ainsi à faire se côtoyerl’établissement. Bordelais de 38  ans, il sur un redémarrage, avec un centre dra- les metteurs en scène et les comédiens dedevient alors le plus jeune directeur des matique d’un côté, composé d’un service renom avec les compagnies émergentes.CDN... avec du travail sur les planches. de production associant un directeur, une En conséquence, le nombre de produc-« C’était une belle maison, riche d’une belle équipe technique, des artistes, avec tournées tions augmente chaque année. Cette sai-histoire, mais un rien assoupie. Elle ne réa- à la clé. Et, de l’autre, un lieu de formation son, 40 spectacles sont joués, soit 200lisait que rarement des tournées, qui sont visant surtout les jeunes. Une école de théâtre représentations. Avec des spectateurs depourtant l’une de ses vocations phares. Son comme il en existe 12 en France, formant plus en plus nombreux et fidèles. « Il fal-équipe attendait une nouvelle dynamique, des acteurs, mais dont l’objectif est aussi de lait trouver des créateurs, des auteurs, desprête à la suivre et à y participer active- stimuler les esthétiques. Un lieu de création dramaturges et les faire venir. Il fallait aussiment. Ce fut le cas. Elle m’a suivie. Ils m’ont et de transmission. » et surtout retrouver et ramener le public.suivi, synthétise le directeur, d’abord chef C’est en bonne voie  », précise le direc-d’équipe. Ils ont participé à ce redémarrage. « C’était une belle teur, satisfait. Sur le plan de la création,C’était, davantage qu’attendu, indispensable maison, avec une celle-ci est particulièrement dynamique :à la structure. » Un leader qui avait déjà belle histoire, mais 100 auteurs vivants ont été joués en sixen poche et à disposition une valise un rien assoupie. Son ans, à travers 140 pièces, auxquelles il« artistico-administrativo-créatrice » bien équipe attendait une convient d’ajouter 18 commandes d’écri-garnie  : diplômé de Sciences-Po, il s’est nouvelle dynamique, ture. La Comédie s’affiche ainsi parmitrès vite lancé dans le monde du théâtre. prête à la suivre et y les meilleurs CDN de France. Quant àIl fonde en 1997 la Compagnie de la participer activement. la formation, l’école forme les artistes deMauvaise Graine et se fait remarquer au Ce fut le cas. Elle m’a demain dans un site reconstruit, com-festival d’Avignon dès l’été suivant. Il axe suivie. Ils m’ont suivi » portant trois plateaux de création et deuxtout particulièrement son travail de créa- studios. En trois ans de cursus, la promo-tion sur le monde des auteurs contem- tion de dix élèves est encadrée par desporains, tels Pier Paolo Pasolini, Michel artistes professionnels aguerris, avec unVinaver et Stefano Massini. Mais Arnaud programme complet composé de travailMeunier travaille aussi dans un univers en ateliers, d’interprétation à la danse envoisin de l’opéra, comme avec Pelléas et passant par le corps, mais aussi de com-Mélisande de Claude Debussy, œuvre mandes d’écriture en partenariat avec lacréée au festival de Pâques de Salzbourg, Ciné-Fabrique de Lyon. « Arnaud Meunieret plus récemment L’Enfant et les sortilèges, est un grand « patron » de théâtre, incarnantde Maurice Ravel, présenté au festival à la fois le savoir-faire et l’expérience desd’Aix-en-Provence. À Saint-Étienne, ce anciens, et la modernité et le dynamismecréatif s’épanouit aussi dans un contexte des jeunes générations », souligne Claudiadifférent, puisque le poste comprend à Stavisky, directrice du théâtre des Céles-la fois la direction de la Comédie et celle tins, à Lyon.132 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017

LA COMÉDIE DE SAINT-ÉTIENNE RespirerEngagée dans une démarche d’ouver- UN NOUVEAU LEVER DE RIDEAU cette nouvelle Comédie, dessinée par leture et sociétale, l’école de la Comédie studio Milou, devraient s’achever pro-propose, depuis septembre 2014, un POUR LA VILLE chainement, avec un nouveau théâtre deprogramme d’égalité des chances – le Ce rayonnement retrouvé et cette dyna- 8 000 m², composé d’une grande salle depremier créé en France, novateur et mique affichée ont évidemment un coût. 700 places, dotée d’un très grand plateau,volontariste – afin de favoriser l’acces- Si le financement (cinq millions d’eu- d’une salle modulable de 300 places,sibilité aux écoles supérieures d’art dra- ros de budget pour le CDN et 900 000 d’une salle de répétition et de deux stu-matique aux jeunes issus de la diversité euros pour l’école) du CDN repose à dios de travail dévolus à l’école. L’inau-culturelle, sociale et géographique. Un 70 % sur des subventions publiques réu- guration est annoncée pour septembre,programme soutenu par la Fondation nissant l’État, le Département, la Région point d’orgue pour démarrer avec brio laCulture et Diversité, qui se décline sous et la Ville de Saint-Étienne, il l’est aussi nouvelle saison 2017-2018. «  La concré-deux formes principales  : les stages à 30 % sur les recettes propres, contre tisation d’un rêve. Une nouvelle page de« Égalité Théâtre » et la classe prépara- 12 % seulement auparavant. Un budget l’histoire théâtrale de Saint-Étienne. Notretoire intégrée. Inutile de préciser que le qui reprend les recettes de la billetterie, la histoire, commente Arnaud Meunier : Enconcours sélectif est très prisé  : jusqu’à vente des spectacles présentés en tournée prélude, nous avons pensé et conçu la pré-500 candidats pour dix places par pro- ainsi que le mécénat local, apporté par sente saison comme un pont entre nos deuxmotion. « La motivation et la qualité sont les PME autour de grands partenaires, tel sites. Nous nous sommes efforcés de resterbien entendu des priorités, mais pas seule- le groupe Casino, «  signe d’une image de une ruche de création, tout en préparantment. La sélection se fait aussi sur la base confiance que nous avons acquise auprès du notre déménagement. »de l’égalité des chances. La couleur de la milieu économique stéphanois ces dernièrespeau ne compte pas, ni pour Andromaque ni années ». « Arnaud Meunierpour Ruy Blas », confie Arnaud Meunier, Restait à réaliser un (vaste) projet  : la est un grandlequel a lancé une expérience pionnière : construction d’un nouveau site (29,4 « patron » de théâtre,la création d’une classe préparatoire inté- millions d’euros d’investissement), à la incarnant à la foisgrée sur critères sociaux. De quoi faire fois de théâtre et de travail, correspon- le savoir-faire etréagir la ministre de la Culture évoquant dant à l’évolution progressive de la mai- l’expérience desdans son courrier «  l’exemplarité de son son. Un rajeunissement nécessaire de anciens, et latravail en faveur de l’égalité réelle ». la vieille dame septuagénaire pleine de modernité et leEt le directeur va même encore plus loin vitalité, mais dont les bâtiments vieillis- dynamisme despuisqu’il n’oublie pas non plus les autres sants sont devenus inadaptés aux formes jeunes générations »composantes d’activités permettant, par actuelles de spectacle vivant. Il aura falluexemple, à 8 000 personnes de bénéficier attendre 15 ans, et plusieurs municipali- Acteurs de l’économie - La Tribune 133des actions de sensibilisation au théâtre tés, pour que cette opération – inscrite aupopulaire, suivant 1 500 heures de pra- Contrat de projet signé entre l’État et latique théâtrale, mais également s’investit Région – aboutisse et se concrétise danspour signer des partenariats à l’interna- le secteur Manufacture Plaine-Achille,tional, des États-Unis à la Chine, jusqu’au un quartier créatif en plein cœur du parcBurkina Faso. François-Mitterrand, à deux pas de la fameuse Cité du design. Les travaux deN°135 Mai 2017

Sophie et Pierrette Guillemot.DOMAINE GUILLEMOT-MICHELL’ŒUVRE DU VIVANTEn presque trois décennies, Marc Guillemot et son épouse Pierrette ont transformé un vignoblepresque confidentiel de six hectares de chardonnay, à Clessé (Saône-et-Loire), en un domainevigoureux et vivant. Ils produisent chaque année une seule cuvée d’un blanc magnifique prévenduedès les premiers jours de sa mise en bouteilles. Sur le domaine, tous travaillent, en conscience etpar conviction profonde, à la préservation d’un écosystème grandement mis à mal sur l’ensembledu patrimoine viticole.REPORTAGE, DOMINIQUE-MYRIAM DORNIERPHOTOGRAPHIE, LAURENT CERINO / ADEDomaine Guillemot-Michel N°135 Mai 2017Clessé (Saône-et-Loire)Blanc AOC Viré-ClesséCuvée QuintaineCertification Demeter6 hectares134 Acteurs de l’économie - La Tribune

Marc Guillemot, des chevaliers au combat. Le vigneron en VIN Respirer58 ans, est un rit aujourd’hui, fier de cette déterminationami d’Emma- contagieuse. En 2014, nombre de vigne- rude à l’image lisse de la Bourgogne, révélénuel Giboulot rons se sont organisés pour prospecter le des dissensions, des coups bas. Malgré sesdont le procès, en vignoble en prévention. La Bourgogne dérives matérialistes, elle incarne toujours2013, avait levé viticole est aujourd’hui la seule région l’archétype d’un modèle viticole unique. Etune indignation de France où la flavescence dorée recule, la biodynamie, si elle concerne seulementquasi générale comme ont reculé, en leur temps, des 4 % du vignoble, représente presque 30 %bien au-delà des décisions bureaucratiques complètement du chiffre d’affaires : « Cette histoire a eu lefrontières. déconnectées du terrain. mérite de ressouder le nord de la Bourgogne, où se trouvent les « seigneurs », pour qui celaUn frondeur discret et sensible, un gaillard IMAGE ÉCORNÉE marche très bien, et les parents pauvres dudroit à la barbe séculière, qui aurait pu être Tout avait commencé par un foyer de sud, qui compte plus de caves coopératives  »,le modèle d’un maître d’œuvre malgré son flavescence découvert il y a dix ans et que conclut Marc Guillemot, qui n’a jamaisprofil de «  post-soixante-huitard repenti  » la chambre d’agriculture n’avait pas iden- supporté « qu’un type derrière son bureau luicomme il se présente, et faire bonne figure tifié. C’est le vigneron concerné lui-même intime l’ordre d’agir sur ses terres ! ». Il inviteau tympan du portail d’une cathédrale. qui avait fait analyser ses vignes, constatant sans relâche ses collègues à «  se réappro-Sur ce territoire, les haies de buis, les cha- l’attaque de la cicadelle. S’en était suivie une prier le métier », en affirmant haut et clairpelles et l’architecture délicate des pierres réaction offensive de l’administration qui que « tout se fait grâce à la conviction et à lablanches rappellent à chaque détour que avait imposé un traitement obligatoire sur conscience ».nous sommes en terre clunisienne. Dans les deux départements de la Côte-d’Or et ASPECT PAYSANle même ordre, il n’aurait pas été incon- de la Saône-et-Loire. «  Nous sommes tom- C’est en 1979 que ce Parisien issu de lagru de voir Marc Guillemot prendre la bés sur un fonctionnaire qui voulait éradi- filière «  math sup et math spé  » a rencon-tête d’une jacquerie non-violente, dès lors quer, explique Marc Guillemot. La maladie tré Pierrette, son épouse, inscrite en filièreque l’actualité viticole de cette année 2013 qui progresse depuis 30 ans est une maladie viticole à Beaune. Son père, Georgesavait levé une résistance et une organisa- de quarantaine, donc encadrée par l’Europe, Michel, coopérateur, possédait le domainetion exemplaires dans le grand microcosme et il allait même au-delà des directives supra- actuel, planté par le grand-père. Alorsdes vignerons bourguignons. Notamment nationales  ! Alors que la cicadelle se déplace que le couple avait décidé d’aider Georgeschez ceux qui n’étaient pas d’accord pour lentement et nous laisse le temps de réagir Michel à Clessé, Marc Guillemot est tombétraiter systématiquement et drastiquement si on prospecte régulièrement.  » Il semble malade à cause des traitements chimiquesleur vignoble avec des produits toxiques, que l’origine de ce cataclysme équivalent du vignoble : et au décès du patriarche,alors que la flavescence dorée avait été au phylloxéra soit liée aux pratiques de le couple quittait la cave, et convertit l’en-détectée dans la région. Marc Guillemot reproduction des vignes par clone et bou- semble à la biodynamie. « La coopérative neavait prévenu : « Je n’ai pas traité et je ne trai- ture, mises en œuvre depuis 30 ans, car la nous avait pas payé la dernière récolte. Nousterai pas. Si l’on m’y oblige, ce sera la guerre. vie maintient sa vigueur génétique par la avions besoin d’argent. Alors nous nous sommesLes fourches du grand-père sont encore dans la reproduction naturelle. Les fonctionnaires installés aussi comme œnologues ! » Quant augrange, au cas où. » Comme un clin d’œil de dijonnais qui avaient amorcé l’incendie ont « regard des autres », il y a 25 ans, revenir aul’histoire, le domaine se situe précisément finalement été mutés ou promus. En 2015, pays diplômé des grandes écoles, prendreroute de Quintaine, cette joute médiévale Thibault Liger-Belair, le second vigneron la liberté de quitter la cave coopérative etludique destinée autrefois à l’entraînement convoqué devant les tribunaux pour les traiter le vignoble en conformité avec le mêmes raisons, était relaxé, la maîtrise et calendrier biodynamique à trois heures du le courage dans leur positionnement for- matin, leur compte était bon ! Marc Guil- çaient le respect. Mais infliger l’humilia- lemot évoque cela avec humour et un total tion d’un procès à des vignerons animés détachement : « Nous sommes venus à la bio- d’une éthique profondément respectueuse dynamie par l’aspect paysan. Nous trouvions du vivant et qui, par leur choix, se situent une réponse à des questions agronomiques, dans le sillage des plus grands : Romanée car être simplement en bio ne nous suffisait Conti ou domaine Leroy, a porté un coup plus.  » Utiliser à outrance des produits chimiques ou des produits bio  : il y a iciN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 135

Respirer VINune forme d’équivalence d’appréhension Un inventaire à la Prévert destiné à amé- finesse, minéralité. Une cuvée, c’est une entité,par le quantitatif, qui pose un problème liorer les outils des biodynamistes, tout en l’histoire d’un chemin.  » Quant à la ques-au vigneron. Au contraire, la biodynamie communiquant à ses collègues le fruit de tion habituelle posée à Marc Guillemot  :se situe sur le registre de l’impulsion. Elle ses tentatives et expérimentations depuis « Est-ce que cela fonctionne ? », la réponse neapporte une vision cosmique mettant en bientôt trente ans. Il aime à montrer, sur les se fait pas attendre, car les preuves scienti-interrelation l’ensemble des paysages, pro- photos, l’évolution du domaine, sa bonne fiques et la justification rationnelle, il s’envoquant l’action recherchée par des doses santé, la terre qui remonte, submergeant la moque comme d’une guigne. Le résultathoméopathiques - quatre grammes de silice caillasse ; et malgré la charge de travail, la est là, éclatant. Au début de l’installationà l’hectare par exemple, pour donner une fibre poétique et l’ingéniosité de la famille du domaine, un jour qu’il rentrait de sesimpulsion de lumière à la plante - plutôt s’expriment. Le vigneron considère la terre vignes, il a vu un homme qui l’attendait :que se substituer à l’action du végétal, avec davantage comme une belle endormie qu’il un importateur anglais qui lui a pris 12 000le ciel et les cycles planétaires. «  C’est une faut réveiller que comme le terrain offensif bouteilles en une seule fois. Huit joursagriculture solaire  », résume Pierre Mas- des tractoristes, comme il les nomme. En après, un autre… Le bouche-à-oreille et lason, un spécialiste, inspirateur amical de résumé, ceux qui sont pris dans la spirale réputation comme une traînée de poudre.la conversion du domaine Guillemot-Mi- d’une mécanisation à outrance, avec peu Parker ? Il n’est pas allé le chercher. Ce sontchel. « C’est un monde que l’on ne maîtrise pas de personnel pour beaucoup d’hectares. les clients qui ont écrit au fameux guideencore. Il subsiste une part de mystère. Nous Au domaine, l’intelligence, la capacité à se américain. Et les notes sont excellentes.tentons de retrouver les rythmes de la plante. remettre en question et une curiosité sans Le vin est présent dans 13 pays, il ne resteIl n’y a pas de routine en biodynamie », ajoute faille, attirent les jeunes gens. «  Si un sta- même pas un tiers de la production pourle vigneron. giaire veut pratiquer telle intervention que je l’Hexagone. Le couple ne se rend qu’à un n’approuve pas, je lui demande de m’expliquer seul salon, celui d’Angers, pour «  voir lesMÈRE ET FILLE pourquoi », dit le vigneron. copains ». En cave, aucun travail de vinifica-Au domaine, c’est le paradis retrouvé des tion : « Nous pressurons, nous laissons décan-salamandres, chenilles de sphinx, nichées BOUCHE-À-OREILLE ter une nuit et nous mettons en fûts. Nous ned’oiseaux cachées dans les sarments, papil- Auparavant, le mâcon-villages était un faisons pas de soutirage non plus. En résumé,lons et autres insectes, forcément bienve- vin de comptoir. Puis, il a décollé. Mais nous ne faisons rien, s’amuse le vigneron, quenus dans un monde où chaque organisme pour le vigneron, le fossé se creuse depuis de la surveillance  !  » L’avenir s’écrira avecvivant à son rôle et sa place. Plantation de une dizaine d’années entre les gens qui Sophie Guillemot-Michel qui prend pro-haies, refuges à insectes, calendrier de tra- s’orientent vers la biodynamie avec un vin gressivement la suite de ses parents et nevail réalisé en harmonie avec les positions de qualité et une plus-value importante, et souhaite pas agrandir le domaine. Pourcosmiques et planétaires respectant les de l’autre, les coopératives. Avec la Saône développer l’activité, elle préfère s’orienterrythmes biologiques de la plante en encou- à l’est, le sol composé d’argile, de limons, vers les produits dérivés : un marc unique,rageant sa vitalité, comme les micro-orga- d’humus issu de la décarbonatation des certifié Demeter, et des vins à bulles, maisnismes du sol et les substances minérales. sols calcaires, ce sont des limons en billes aussi le tartre du blanc, lavé, séché, broyé.Ici tout semble merveilleusement vivant, qui s’auto-tassent, deviennent du béton Un ami chef étoilé Michelin l’expérimentedonc beau. Les grosses lessiveuses où chauf- et ne respirent plus. En fait, des terroirs en levain de pâtisserie.faient les tisanes de plantes ont été rempla- assez ingrats. Mais c’est bien cette difficulté Une verticale récente de tous les vins ducées par de magnifiques alambics en cuivre géologique qui permet d’élaborer des vins domaine a donné l’occasion au vigneronet en bois, où s’élaborent les hydrolats, mais parfaits comme l’œuvre divine  ! La cuvée de constater que chaque millésime est uneaussi le marc de Bourgogne. Sophie, « la fille Quintaine, assemblage de toutes les par- mémoire vivante d’où surgit une tempora-unique préférée », s’y est mise. Avec Pierrette celles du domaine, donne des vins fruités, lité évoquant avec pudeur le bonheur dessa mère, elles ont fait l’école des plantes de légers, légèrement citronnés, tendus. «  Le jours, mais aussi les secrets et la fragilité deLyon, pour approfondir l’univers de la flore vin est différent en biodynamie : il possède une la vie. Chacun son voyage. Que Dionysos etet de ses miracles curatifs : camomille, valé- finesse supérieure. Le nôtre n’est pas du tout tous ses pairs fassent qu’il se perpétue avecriane et fougère y sont distillées. Le romarin boisé. Il présente un bel équilibre fraîcheur, bonheur au domaine Guillemot-Michel.est utilisé pour lutter contre le mildiou. Cene sont pas moins de cinq personnes pour « C’est un mondesix hectares qui travaillent au domaine et que l’on ne maîtriseréalisent un vrai travail de jardinage, car ici pas encore. Il subsistela présence humaine est continuelle. Pier- une part de mystère.rette reçoit la clientèle, s’occupe en partie dela vinification et officie à la partie ingrate de Nous tentons del’administratif ordinaire et pléthorique de retrouver les rythmestoute entreprise. Le flacon, un peu onéreuxpour l’appellation, leur permet de s’en sortir de la plante. »financièrement.Marc Guillemot se définit comme : « l’ours N°135 Mai 2017des vignes », celui que les clients ne voientjamais, qui bricole les machines, adapte,ajoute, supprime, rallonge ou raccourcitles tuyaux, récupère l’eau de pluie, la filtredans le sable, avant d’en arroser ses vignes.136 Acteurs de l’économie - La Tribune

RUBRIQUE DE NOM RespirerWINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINECHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITYEVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENTWINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINE WINECHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITY CHARITYEVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT EVENT N°135 Mai 2017 de 18 à 22h Acteurs de l’économie - La Tribune 137

Respirer TRIBUNE Qu’y a-t-il de français dans la cuisine japonaise ? Qu’y a-t-il de japonais dans la cuisine française ? Tout et rien à la fois serait-on tenté de direLA CUISINE tant ce qui les rapproche les éloigne aussi, puisque si le Japon et la FranceFRANÇAISE partagent une passion commune pour l’art culinaire, leurs fondamentaux sont toutDE CRÉATION simplement inversés. Alors que d’un côté de l’Eurasie, les Français boivent enSE JAPONISE mangeant et accompagnent leurs mets avec de grands vins, à l’autre bout du conti- nent, les Japonais mangent en buvant et accompagnent leurs sakés de délicates préparations dans un repas sans riz, visant à en faire ressortir la subtile saveur de la boisson. Entre les deux cultures, les structures symboliques du repas sont comme deux pôles opposés qui s’attirent mutuellement, car une cuisine est une synthèse dont les éléments échappent aux simplifications, mais dont les symboles restent pré- sents en suspend derrière les goûts, les pratiques et les formes. Si au Japon, le riz est la marque de la civilisation, c’est le traitement du cru qui a donné sa caractéristique à sa gastronomie. Parmi les marqueurs identitaires, à l’inverse de la dichotomie entre le cru et le cuit, qui présente une double opposition entre l’élaboré et le non-élaboré, mais aussi entre la nature et la culture par la cuisson, la gastronomie japonaise répond pour les accompagnements par un raffi- nement du cru. Pour les produits de la mer, la transformation en mets se traduit avant tout par un art subtil du découpage qui permet de faire ressortir le goût originel. Une aspiration de retour à la naturalité qui fait donc de la gastrono- mie japonaise un système inversé du triangle du cuit du cru et du pourri tel que l’avait théorisé Claude Lévi-Strauss dans le premier tome de ses Mythologiques (Plon, 1964), et un ordre d’appropriation de la chair du poisson par l’Homme com- plètement différent de celui de la Chine ou de l’Europe occidentale où un brochet pourra être transformé en quenelle et un saumon en mousse. Au Japon, le sashimi est le moyen le plus simple et le plus raffiné de s’approprier l’essence du met d’origine animale. FRANCE-JAPON : LE MIROIR INVERSÉ DU RAFFINEMENT GASTRONOMIQUENicolas Baumert MOUVEMENT D’ATTRACTION NATURELGéographe,maître de conférences Cette sensibilité a été à l’origine de la redécouverte des saveurs légères, du cru et du peu cuit lorsque les cuisiniers français sont arrivés en masse au Japonà l’université de Nagoya (Japon) pendant les années 1960. Ils y ont conseillé les établissements de haute tenue etet auteur de en retour ont rapporté les techniques et les idées qui ont influencé la nouvelleDésastres et Alimentation,le défi japonais cuisine. Raymond Olivier fût l’un des premiers en 1964 suivi par les plus grands noms de la gastronomie française tels les frères Troisgros, Paul Bocuse ou Joël(L’Harmattan, 2014) Robuchon. Les influences ont si bien prises qu’aujourd’hui, non seulement nombre de chefs français exercent au Japon, mais surtout les Japonais sont partis à la conquête des tables française. En quête de formation d’abord, et la qualité des apprentis japonais qui exercent un peu partout dans le monde n’est plus à démon- trer, mais aussi pour ouvrir leurs propres restaurants. Ainsi, Paris compte bien entendu trois restaurants japonais étoilés (Aida, Jin et Okuda), mais aussi six restaurants étoilés de cuisine française avec un chef japonais. Nous avons donc d’un côté, le Japon, qui depuis l’époque Meiji (1868-1912), maîtrise les bases de la grande cuisine française (la cuisine d’Escoffier est depuis cette époque servie à la table de l’Empereur) et qui a su également acculturer les pro- duits et les plats à sa propre sensibilité gastronomique et, d’un autre côté, la France, où pointe une envie toujours plus forte de flocons de riz, de naturalité et d’umami. Une envie de Japon qui met en avant les petites portions, les boites-re- pas et la vaisselle en porcelaine brute. Comme si tout était parti d’un mouve- ment d’attraction naturel, la cuisine française de création se japonise, comme unLire le dossier page 116, siècle plus tôt les grandes tables japonaises s’étaient francisées. Miroir inverséChefs japonais ou autre face de la lune, l’opposition géo-anthropologique de ces deux sensibili-et cuisine française tés alimentaires permet un enrichissement mutuel de plus en plus fécond. © DR138 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017

Paris Le temps respecte ce qui est construitSaint-Denis avec passionLyon La Part-Dieu Architecte : SOHO Architecte : Archigroup Cours du Midi – Lyon Perrache Architecte : SUD Architecte : Valode & Pistre Le 107 – Lyon Part-DieuVilleurbanne 21 Ecully Parc – EcullyEcully Urban Garden - Lyon Gerland Sadena - VilleurbanneLyon Gerland Eklaa – Lyon GerlandPlaine Commune Architecte : SUD Architecte : AFAALyon Est FINANCEMENT – MANAGEMENT DE PROJETS – CORPORATE REAL ESTATEParis Rive Gauche 139 rue Vendôme – 69006 LYONLyon Ouest 04 72 74 69 69A uber villiers sogelym-dixence.frLyon Saint-ExupéryParis La DéfenseBoulogneGrenobleLyon Brotteaux

UNAUVERHONALPIN* SAIT FAIRE D’UNE IDÉE UNE RÉUSSITE * LES HABITANTS DE NOTRE GRANDE RÉGION N’ONT PAS ENCORE DE NOM MAIS DÉJÀ UNE GRANDE BANQUE QUI PARTICIPE AU DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRISES !PLUS FORTE, PLUS PROCHE, PLUS CONNECTÉEBanque Populaire Auvergne Rhône Alpes – Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L512-2 et suivants et du Code Monétaire et Financier et l’ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit – Siren 605 520 071 RCS Lyon – Intermédiaire d’assuranceN° ORIAS : 07 006 015 – Siège social : 4, boulevard Eugène Deruelle – 69003 LYON – N° TVA intracommunautaire : FR 00605520071 Crédit photos : Gettyimages, iStock – Crédit agence : – RCS : 495 289 399 – 16090277 – Janvier 2017 – Document publicitaire non contractuel


Like this book? You can publish your book online for free in a few minutes!
Create your own flipbook