MÉTROPOLES Entreprendre« Les métropoles CULTURE ET TOURISME désigne comme business friendly », savoureet les aires À Nantes, l’électrochoc a été provoqué Damien Castelain, président sans éti-urbaines sont par la fermeture des chantiers navals en quette (depuis avril 2014) de la MELune chance pour 1986, conduisant Jean-Marc Ayrault, le (Métropole européenne de Lille). Nouvellela France qu’elles maire d’alors, à unir ses forces avec les gouvernance et nouvelle feuille de routedynamisent » chefs d’entreprise, les structures syn- pour Lille’s agency, agence de développe- dicales et les organismes consulaires. ment fondée il y a 20 ans et cofinancéeCette fibre « entreprenante » vibre Moyennant quoi, « le taux de chômage du par la Métropole et la CCI. Et la marqueintensément à Montpellier où l’univer- territoire est maintenant inférieur de deux territoriale « Melcome to Lille » est sanssitaire-chercheur, fondateur du labora- points à celui de la moyenne nationale, note équivoque sur l’état d’esprit. Capitaletoire Amarok (observatoire à vocation Jean-François Gendron, président de la européenne de la culture en 2004, Lillescientifique et expérimentale, des atti- chambre de commerce et d’industrie de concourt pour décrocher le titre de capitaletudes, comportements et santé des entre- la région Pays de la Loire. Notre écono- mondiale du design 2020 en s’appuyantpreneurs) s’est définitivement ancré. Si mie est très diversifiée désormais. » Frédé- sur Lille design, des écoles et des entre-l’ancienne capitale de Midi-Pyrénées a ric Roussel, premier vice-président de la prises. « Nous postulons à tous les appelsperdu son titre dans la fusion avec Lan- Métropole, met en avant les nombreux d’offres de grands évènements, car ils génèrentguedoc-Roussillon pour donner corps sous-traitants de l’aéronautique rassem- des retombées économiques. Par exemple, 150à l’Occitanie, « elle doit aujourd’hui avoir blés au sein du réseau Neopolia, l’IRT millions d’euros de recettes pour l’Euro 2016l’intelligence d’être une excellente seconde. (Institut de recherche technologique) (dix matchs se sont joués à Lille et à Lens,Nous ne dépasserons jamais Toulouse », Jules-Verne, dédié aux matériaux et à NDLR) », souffle l’élu. Considérant que laconcède Olivier Torrès. Pour autant, il la mécanique, l’agro-alimentaire… En désindustrialisation (8 000 emplois perdusn’est pas question de souffrir du moindre la matière, le MIN, deuxième plus gros depuis 2008) n’est pas une fatalité pourcomplexe d’infériorité. Celui-ci évoque marché de gros après Roissy, démé- cette agglomération au glorieux passél’incroyable vitalité liée à la jeunesse, à la nagera dans de nouvelles installations manufacturier, la MEL a voté un planpart d’étudiants, etc. « C’est tout à la fois la (43 000 m²) à l’horizon de la fin 2018. « rebond industriel » en octobre dernier,Silicon Valley et le Brésil », s’amuse-t-il. Le Au-delà de ce socle, Nantes métropole placé sous la responsabilité de Frédériquepremier incubateur, Cap Alpha, y a vu le a misé sur le lien entre « culture et tou- Seels, conseillère métropolitaine en chargejour dès 1987. Et le Bic (Business innova- risme », avec un côté surprenant. Après le des relations avec les entreprises et direc-tion center) émarge en 4e position dans le Grand éléphant, architecture en mouve- trice générale de Création bois construc-top 10 national des incubateurs. Quant ment pouvant embarquer 50 passagers, tion, PME de 50 salariés. Elle évoque unau laboratoire d’excellence Labex Entre- les créateurs des Machines de l’île ont projet de show-room virtuel mettant enprendre, il totalise six chaires. « C’est annoncé une nouvelle animation géante, valeur le « made in MEL » ou encore lal’héritage de Georges Frêche qui a misé sur L’Arbre aux hérons, dans les anciennes tenue des Assises du robot industriel, enla matière grise après avoir constaté que la carrières Misery. « En dix ans, la fréquen- mai prochain, et la volonté de s’appuyerrégion avait raté la révolution industrielle. tation touristique a progressé de 50 % », sur des talents locaux.D’ailleurs, j’ai toujours entendu Gérard insiste l’élu métropolitain. La fusion, le Investir dans les infrastructures demeureCollomb dire que l’ancien maire de Mont- 1er janvier 2015, de l’agence internatio- une des clefs de voûte de l’attractivitépellier (de 1977 à 2004) était son modèle. » nale Nantes Saint-Nazaire avec Nantes d’une métropole malgré les contraintesDeux hommes ayant fait leur le principe métropole développement entérine une budgétaires. Lille va relier par tram saschumpétérien reposant sur la destruc- volonté de travailler collectivement pour gare ferroviaire avec l’aéroport (250tion créatrice. accueillir les entreprises et accroître la visibilité à l’international. En 2016, « 80 projets se sont concrétisés ». MOBILISATION COLLECTIVE À Lille, face au chômage qui a progressé de « 25 % en cinq ans », le nouvel exécutif métropolitain a également sonné la mobili- sation collective, seule solution pour inver- ser la tendance. « Le monde économique me CONSEIL EN RECRUTEMENT 3 rue de la République, 69001 Lyon DIRIGEANTS & CADRES EXPERTS Tél. 04 72 00 76 76 - www.innoe.net LYON - PARIS - INTERNATIONAL Acteurs de l’économie - La Tribune 51N°135 Mai 2017
Entreprendre MÉTROPOLESmillions d’euros d’investissement) et ce discours où tout se passe dans les métro- mandats, une durée suffisante pour mon-doubler ses lignes de tram. Dans l’agglo- poles qui ont, certes, un rôle à jouer, dans ter des projets », assène-t-il. Et prône demération lyonnaise, cinq milliards d’eu- la mesure où elles concentrent les fonctions raccourcir le temps de mise en œuvreros seront à nouveau investis par la Ville, dites support. Il faut travailler sur le système des opérations. « Un système innovant estla Métropole et le Sytral (Syndicat des d’interdépendance et arrêter d’opposer les un système apprenant où on transmet, entransports lyonnais) d’ici à 2020, quand territoires les uns aux autres. Des bouts de laissant le jeu ouvert, argumente MichelBordeaux Métropole revendique le réseau chaîne de valeur sont ici et là. » Lussault. Les gens supportent de moins ende tramway le plus étendu de France avec Pour Michel Lussault, pas l’ombre d’un moins les dynasties politiques, même au plan65 kilomètres de rail, fin 2016. doute : « Les métropoles et les aires urbaines local. » sont une chance pour la France qu’elles dyna-« BIG IS BEAUTIFUL » misent. Et il faut accorder le plus d’impor- « SOCIOSYSTÈMES »Avec une politique dynamique, les tance possible aux intercommunalités. » De Dans le jeu mondial, les villes sontmétropoles aspirent-elles pour autant ou l’étude commandée par la métropole de en compétition entre elles. Mais ellesirriguent-elles les territoires alentour ? Lyon à l’économiste Laurent Davezies, peuvent être aussi amenées à partager desLes économistes et experts divergent il apparaît que cette dernière transfère bonnes pratiques. Le pacte État-Métro-sur cette question. Olivier Bouba-Olga, « 35 % de son revenu disponible vers les poles, signé en juillet 2016, s’inscrit dansà l’université de Poitiers, dénonce un autres territoires ». Pour l’auteur, profes- cette logique. Chacune des métropolesdiscours faisant des grandes villes l’al- seur au Conservatoire national des arts et a choisi une initiative qu’elle va expé-pha et l’oméga de la création de richesses métiers, pas de doute non plus : la métro- rimenter avec un soutien financier deset d’emplois. « Je me remémore les années pole est le facteur de développement des pouvoirs publics et qui pourra ensuite1990 où étaient vantés les districts indus- territoires environnants. En observateur reproduire chez les autres. La MEL pro-triels et le « small is beautiful », remarque averti de cette agglomération, Michel Lus- meut ainsi l’idée d’un bonus mobilitéce spécialiste des territoires. Aujourd’hui, sault appuie ce propos : « Une des caracté- attribué aux personnes qui s’engagent à« big is beautiful ». Entre-temps, les pôles ristiques de la politique à la lyonnaise est de ne pas prendre leur voiture aux heuresde compétitivité sont apparus qui, pour ceux conjuguer développement économique et pré- de pointe. En élargissant le propos, unequi marchent le mieux, fonctionnaient déjà occupation sociale. » Il en veut pour preuve métropole peut-elle servir de modèle àavant d’exister sous cette forme. Je ne nie- la politique en matière de logement. Ceci dupliquer ? « Il faut sortir du modèle géné-rai pas certains effets positifs. Toutefois, cela est aussi le résultat d’une société civile rique. Ce qu’il faut, c’est du sur-mesure »,n’a pas été la solution miracle pour doper très active et multiple : catholiques tradi- tranche Olivier Bouba Olga. « Je pensel’économie. » Son verdict est sans appel : tionnels, progressistes, milieu alternatif, que les territoires ont une singularité dont il« La politique de soutien limitée à quelques culturel, etc. Cependant, l’universitaire ne faut pas avoir peur », renchérit Oliviergrandes villes est une erreur. » Et en est lyonnais alerte le premier édile de la ville Torrès. « La métropole ne peut être l’ins-convaincu : « La métropole se nourrit lar- sur un risque de « citadellisation » de la piration d’une politique nationale que pourgement des richesses créées sur les autres « baronnie locale ». « Les bons élus locaux une politique bien précise », analyse encoreterritoires non métropolitains. Je déconstruis font de bonnes choses les deux premiers Thomas Guénolé.« Les métropoles et les aires urbaines sont une chancepour la France qu’elles dynamisent »52 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
Michel Lussault alerte le premier édile de © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie Gérard Collomb a convaincu les forces vives MÉTROPOLES Entreprendre la ville de Lyon sur un risque © Philippe Castano du territoire de participer au développement Les villes se bâtissent sur une histoire propre, modelant les écosystèmes. D’au-de « citadellisation » de la « baronnie locale. » © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie économique de la métropole de Lyon. cuns parlent même de « sociosystèmes » : « Les territoires Toulouse qui s’est réalisée sur la greffe ont une réussie avec Airbus n’est pas comparable à singularité Lyon. Ou encore la Cité des vins ne pou- dont il ne faut vait être sise qu’à Bordeaux, inaugurée en pas avoir peur. » mai dernier et exploitée par la Fondation Olivier Torrès pour la culture et les civilisations du vin, etc. « En même temps, cela n’empêche pas de réfléchir à de grands principes pouvant être déclinés partout », pense Michel Lussault. Et ce géographe nostalgique de la Datar, comme d’autres, la verrait bien remise sur les rails, sous forme d’une agence de coopération, non normative, associant les collectivités territoriales et fondée sur l’émulation. Alain Rousset, président de la Nouvelle Aquitaine a franchi le pas l’an dernier en dotant l’institution régionale d’un pôle baptisé « Datar et harmonisation des politiques publiques ». L’équipe se com- pose d’une soixantaine d’agents avec une volonté affichée d’œuvrer en faveur des territoires en déprise. Une façon de se saisir pleinement du rôle de pilote du développement économique que la loi NOTRe confère aux régions. À ce propos, de quelle manière les métropoles vont- elles travailler sur ce terrain économique avec les régions ? Ces dernières ne vont- elles pas être tentées de reproduire, à leur échelle, ce jacobinisme si franco-fran- çais ? Les universitaires interrogés se rejoignent pour dire que le vrai frein en France, c’est le colbertisme de l’adminis- tration centrale. Rien de nouveau donc, à ce jour.Nantes métropole a misé sur le lien entre « culture et tourisme »et doublé la fréquentation touristique. © iStock by Getty ImagesN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 53
Entreprendre MÉTROPOLES © Morturier CADUQUE ans nos ter- Ainsi, l’idée selon laquelle on pourrait ritoires et appliquer partout et généraliser les poli- notamment tiques publiques locales qui fonctionnent, dans les a démontré son innocuité. Ainsi, la grandes villes, croyance que le salut des territoires on peut obser- viendra de l’extérieur telle qu’en rêve ver de belles encore l’ex-Datar devenue Commissariat réussites dans à l’égalité des territoires est-elle devenue la redynami- complètement caduque. La mobilisation endogène des acteurs d’un territoire est laDsation du tissu clé de la réussite des processus de déve- économique et loppement local, mais n’est pas trans- la capacité à posable en l’état au plan national où les faire consen- différents territoires qui composent la sus en réunis- nation, sont et resteront inégaux. Ce qui sant les acteurs concernés autour d’un s’observe et devrait être repris à l’échelle intérêt commun (Alain Juppé à Bordeaux, nationale est la dynamique d’acteurs qui Gérard Collomb à Lyon). En cette période émane de la société hors action publique. de campagne présidentielle, il est tentant Cette dynamique s’exprime à l’échelle de se poser la question de savoir s’il ne des grandes agglomérations notamment serait pas possible d’étendre ces réussites et concerne ce que l’on appelle parfois locales à une action nationale. Dans la « l’économie collaborative ». France du XIXe siècle faite de multiples Au-delà des formes prises aujourd’hui économies locales avec de faibles mobili- par ces collaborations (fab labs, living tés, la question aurait pu être pertinente, labs, tiers-lieux, etc.), c’est la rencontre mais aujourd’hui, cela n’est plus aussi clairement envisageable.UNE ÉQUATION INSOLUBLE BERNARD PECQUEUR Professeur à l’université Grenoble-Alpes, spécialiste de la géographie économiqueEn premier lieu, les mobilités ont frag- « La mobilisation directe du producteur et du consom-menté les territoires traditionnels où endogène des mateur qui cherchent collectivement lal’on naissait, vivait et mourrait au même acteurs d’un solution aux besoins des consomma-endroit. Ainsi, la marque de la moder- territoire est la clé teurs. Cette collaboration est parfois unnité et de ses tensions est la disjonction de la réussite des peu anarchique, mais surtout peut révé-entre bassin de vie et bassin d’emploi. processus de ler des contradictions et des compéti-En d’autres termes, la valeur se créée et développement local, tions néfastes. Dès lors, les acteurs desdonne lieu à des revenus salariaux, mais mais n’est pas politiques publiques locales (grands élusces revenus sont dépensés ailleurs. Les transposable en l’état notamment) retrouvent une légitimitéterritoires sont ainsi fragmentés et pré- au plan national où les en régulant les conflits et en coordon-sentent des systèmes ouverts et partiels différents territoires nant les énergies. Mais cela signifie qu’ils(ici un territoire de production et là un qui composent doivent inventer une nouvelle forme deterritoire de résidence). La cohérence la nation, sont et coordination avec la société civile etnationale ne peut résulter d’une addi- resteront inégaux » nouer de nouvelles relations avec lestion des territoires qui le composent. acteurs de la production et de la consom-En second lieu, les politiques publiques mation dans les territoires.locales fondées sur la création locale Cet effort de coordination pourrait êtred’emplois perdent de leur sens. À quoi généralisé à l’échelle nationale sous labon créer de la valeur si c’est pour trans- contrainte de renouveler fortement l’es-férer les revenus et ses effets sur d’autres prit de l’action publique.territoires ? L’enjeu des politiques Ce renouvellement passe par l’aban-publiques locales se déplace alors. Il vaut don du « saupoudrage » des moyensmieux être le lieu qui dispose de la valeur publics, la fin de la méfiance vis-à-vis deplutôt que celui où elle se crée. la société civile. Entre cette dernière etCela questionne profondément le passage la représentation publique nationale, ildes politiques publiques locales aux poli- s’agit bien de déterminer une « nouvelletiques nationales. alliance ».54 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
OKKO HOTELS ET CM-CIC INVESTISSEMMÉTERONPOTLE Entreprendre Un partenariat 4 étoiles. Olivier Devys, Amaury Leleu, PDG du groupe Directeur de Participations Okko Hôtels, pionnier chez CM-CIC Investissement, de l’hôtellerie haut spécialiste des métiers de haut de gamme « All inclusive ». de bilan pour répondre aux besoins de financement en fonds propres des entreprises. Le concept La rencontre Les ambitions Olivier Devys Olivier Devys Olivier Devys Nous développons un concept unique en L’hôtellerie est un secteur très capitalistique, À l’horizon 2020, nous souhaitons ouvrir Europe : des hôtels 4 étoiles de centre- notamment en raison de l’ampleur des 50 hôtels, dont la moitié à Paris, avec ville avec une formule « tout compris » investissements immobiliers. CM-CIC une grande sélectivité au niveau des intégrant tous les services possibles en Investissement, avec qui nous sommes emplacements. Nous étudions également chambre (internet, téléphone, vidéo à la entrés en contact via le CIC, notre banque des possibilités d’implantation au petit demande, machine à café) mais également historique, a la particularité d’avoir déjà international. En parallèle, dans une un accès 24h/24 et 7 jours/7 au Club. Les investi deux fois dans le groupe, en moins démarche d’innovation permanente, clients peuvent y trouver des réfrigérateurs de 4 ans. Une première prise de participation nous souhaitons proposer de nouveaux remplis de softs et de snacking et se voir en 2013 nous a permis d’apprendre à nous services comme la conciergerie ou la servir un petit-déjeuner ou un aperitivo connaître. En 2016, notre partenaire a doublé personnalisation des offres. (apéritif-dînatoire). sa participation confirmant l’attachement à notre projet. Amaury Leleu Amaury Leleu Moins de 3 ans après l’ouverture des premiers Les hôtels Okko remettent enfin le service et Amaury Leleu établissements de l’enseigne, le succès est l’hospitalité au centre des préoccupations de Nous avons très vite été séduits par la au rendez-vous et CM-CIC Investissement l’hôtelier. Ici, le client se sent comme chez lui : personnalité d’Olivier Devys qui nous a a tout naturellement renouvelé sa confiance il consomme ce qu’il veut, quand il veut. Un convaincus par sa capacité à dépoussiérer à Olivier Denys en se renforçant au positionnement qui répond manifestement le secteur de l’hôtellerie. L’équipe de capital pour lui permettre d’accélérer son aux besoins des voyageurs comme le management était déjà structurée et le développement. démontre le taux de satisfaction client. pipeline de projets d’implantations déjà très fourni, démontrait la capacité de l’enseigne à trouver sa place sur le marché.TheLINKS.fr - 170028 - 03/2017 - Crédit photos : Didier Cocatrix. En savoir plus sur cette rencontre ? Acteurs de l’économie - La Tribune 55 Retrouvez l’interview complète d’Olivier Devys dans la rubrique « Les-news/Rencontres à la Une » sur www.cmcic-investissement.com N°135 Mai 2017 Et suivez toute notre actualité sur
Entreprendre JEAN VAYLET Jean Vaylet N°135 Mai 201756 Acteurs de l’économie - La Tribune
JEAN VAYLET EntreprendreJEAN VAYLET À LA PRÉSIDENCE DE CCI FRANCELES DESSOUSD’UN CAMOUFLETPORTRAIT, MARIE LYAN ET DENIS LAFAYDepuis 2011, Jean Vaylet préside la chambre de commerce et d’industrie de Grenoble d’une mainde fer dans un gant de velours. Il n’aura toutefois pas réussi à dupliquer le modèle grenoblois sur leplan national échouant à prendre la présidence de CCI France au début de l’année. Malgré le soutiendu président du Medef Pierre Gattaz, il n’a pas su répondre à la stratégie et aux puissants réseauxde son rival bordelais Pierre Goguet, ni juguler les guerres intestines de son propre camp. Un échecdouloureux pour le dirigeant, qui a rme avoir réussi à mener sa CCI au pas d’une entreprise privée. uelques semaines seulement après sa et des financements publics, Jean Vaylet réélection à la présidence de la chambre a également assuré plusieurs mandats à de commerce et d’industrie de Gre- la présidence d’associations profession- noble, Jean Vaylet, se voyait déjà dans nelles, comme le Syndicat des industries le fauteuil de président de CCI France, de la micro et nanoélectronique (Sitelesc) l’établissement public (130 salariés) qui de 2005 à 2009, puis au Medef Isère fédère l’ensemble des chambres de com- jusqu’en janvier 2011. Il occupe toujours merce et d’industrie de l’Hexagone. Le la vice-présidence de la Fédération des soutien de poids du président du Medef, industries électriques, électroniques et Pierre Gattaz, n’aura pas suffi à le faire de communication (FIEEC). Que s’est-il élire. Si bien que le scrutin du 6 février donc passé pour que l’homme trébuche a fait figure de douche froide pour celui sur la dernière marche alors qu’il avait qui semblait pourtant s’être constitué des allures de favoris ? un réseau de taille et confortable sur le territoire régional et national à l’aube de JONGLER AVEC ses 70 ans. Après avoir gravi les échelons LES CONTRAINTES POLITIQUES du secteur privé, il a passé une majeure Seul candidat lors des élections consu- partie de sa carrière au sein de grands laires en novembre dernier, Jean Vaylet groupes du secteur de la microélectro- avait été réélu pour un second mandat à nique : directeur administratif et finan- la tête d’une liste commune Medef-CPME cier d’Efcis, essaimage du Léti, en 1972, à la CCI de Grenoble. « La première man- PDG de Thomson TCS dans les années dature s’est relativement bien passée, malgré 1990, puis vice-président d’Atmel Corpo- des sujets importants, comme la probléma- ration, chargé des programmes européens tique des déplacements et du contournementN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 57 © Fotolia
Entreprendre JEAN VAYLET« Dès lors UN STYLE DE LEADERSHIP de travailler ensemble, y compris avec lequ’il était soutenu Ce sont aussi parfois ses adversaires qui pôle sud de la Drôme et de l’Ardèche. Nouspar Pierre Gattaz, en parlent le mieux. « Jean Vaylet a des sommes proches de Grenoble, nous sommesil faut se demander postures claires et lisibles. Il a déjà géré des des isérois », balaye-t-il.pourquoi cela n’a entreprises de plusieurs centaines de sala-pas fonctionné » riés. Il a une relation avec les partenaires « SAVOIR TOURNER LA PAGE » sociaux très professionnalisés, ce qui fait de Transformer la CCI de Grenoble en unede Grenoble, et d’autres, plus imprévisibles, lui un adversaire coriace, qui se montre tou- société de services : tel était l’objectifcomme les changements politiques autour de tefois ouvert pour des accords intelligents », que Jean Vaylet souhaitait, entre autres,la CCI, avec une Ville écologiste, une Métro- reconnaît Lionel Picollet, représentant du transposer à CCI France. Avec 90 %pole socialiste, et un Département et une personnel CFDT CCI - CCIR Auvergne- de recettes non-fiscales, il tenait là sonRégion à droite », confie l’intéressé. Pour Rhône Alpes, qui rappelle que la relation modèle. « Je voulais développer le mêmecelui qui s’est toujours refusé à briguer avec le dirigeant peut aussi s’avérer « très accompagnement que celui que j’ai réalisétout strapontin politique, l’exercice s’an- musclée ». Son homologue de la CFE- à Grenoble, en essayant de dynamiser lenonçait donc périlleux lorsqu’il prend le CGC, Dominique Thevenin, regrette réseau des CCI avec une approche de chefposte en 2011. Pierre Streiff, président du quant à lui un dialogue social « inexis- d’entreprise et en accompagnant la muta-Medef 38, atteste qu’au sein du micro- tant ». « Ce sont les présidents des CCI tion digitale », affirme celui qui pense àcosme grenoblois, « il n’est pas simple de territoriales qui pilotent une grande partie la CCI de demain, plus axée sur les ser-mettre tout le monde d’accord avec les éti- des activités et qui prennent la décision de vices. Est-ce cette vision de la chambrequettes politiques de nos élus. Mais ce sont créer ou de supprimer des postes. Ils noti- consulaire qui a pu peser en sa défaveurdes hommes de consensus ». Fort de sa fient ensuite leur décision avec la chambre lors de la campagne à l’élection de CCIpropre recette, il a pourtant réussi à tisser consulaire régionale, qui nous emploie, et France, davantage conservatrice ? Est-cedes liens avec des hommes de tous bords celle-ci prend acte qu’il n’y a plus d’activité d’avoir sous-estimé les puissants réseauxpolitiques. « Être diplomate et apporter des à cet endroit. » Il ajoute que les proposi- de son adversaire ? Ou bien de faire par-idées et des moyens tout en ayant une ligne tions des représentants du personnel, tie d’une famille fragilisée par des luttesdirectrice : c’est la meilleure méthode pour se « et notamment les négociations salariales intestines ? Ce 6 février, à Paris, en toutfaire respecter, car les imposer ne fonctionne annuelles au sein de la CCI, ont toujours sus- cas, c’est le Bordelais Pierre Goguetjamais », soutient-il. Le maire écologiste cité une fin de non-recevoir à Grenoble ». qui a remporté le fauteuil, contre toutede Grenoble, Éric Piolle, en sait quelque Le président de la CCI – qui rassemble attente, creusant l’écart de 40 voix avecchose. « Nous cultivons des relations de tra- 618 salariés – endosse volontairement le Jean Vaylet, longtemps donné favori.vail. Nous avons pu coopérer sur des sujets rôle de leader : « Je suis avant tout un chef « J’ai concouru car je pensais pouvoir appor-comme la candidature de Grenoble à la de bande, qui souhaite que cela avance et que ter quelque chose. L’amertume de la défaitecoupe du monde féminine de football 2019 l’on travaille en collectif. Je ne suis pas pour existe toujours, car j’y croyais. Néanmoins,ou le commerce. » Éric Piolle salue un pré- la cogestion. J’ai toujours géré dans la convi- il faut savoir tourner la page », justifie lesident de CCI « non politisé », qu’il appelle vialité, mais en patron qui décide. » Consi- Grenoblois qui se consolera avec un siègepar son prénom : « Jean est comptable de dérant les mondanités comme une « perte au bureau de la centrale parisienne. S’il a,formation et moi ingénieur. Comme lui, j’ai de temps », il privilégie les rencontres plu- depuis, analysé cet épisode, mais préfèreété cadre dirigeant. Il a même déjà travaillé tôt informelles comme aux abords du « ne pas le partager », il affirme être entréavec certains de mes amis », raconte l’élu. stade de rugby de Grenoble, l’un de ses en phase de réflexion pour la suite. PourPour Jean Vaylet, industriel de métier, QG. Son réseau est multiple : à la fois comprendre ce revers, ni Pierre Gattaz,qui « n’a jamais eu l’ambition de devenir local, en tant qu’ex-président des patrons ni CCI France et ses présidents Pierreministre », les liens entre politique et éco- isérois, mais aussi régional, puisqu’il a Goguet et André Marcon n’ont répondunomie gagneraient toutefois à être resser- été vice-président de la chambre de com- favorablement aux sollicitations d’Acteursrés. « Si cela ne tenait qu’à moi, j’obligerais merce et d’industrie de la région, en de l’économie-La Tribune. Il faut trouvertous les politiques à faire un stage en entre- charge de la coordination de l’ex-région des réponses auprès de Pierre Streiff.prise ! Cela leur permettrait d’être plus clairs Rhône-Alpes et référent pour l’interna- L’homme du patronat isérois énumèredans leurs choix futurs. » « Nous l’avons tional au sein de la nouvelle région. « Je une élection nationale faite « de lobbying,soutenu lors des dernières élections à Gre- connais bien son nouveau président, avec qui de sujets, de dossiers, de propositions desnoble, car c’est un homme de charisme, qui j’avais travaillé au Medef », affirme-t-il. À candidats, de relationnel et de terrain. Celasait trouver les bons leviers pour emmener Paris, Jean Vaylet possède également un n’enlève en rien les qualités de Jean Vaylet,les gens avec lui et atteindre des résultats », double réseau, fruit de sa collaboration qui occupe tout de même des fonctions auestime Jérôme Lopez, nouveau président étroite avec Pierre Gattaz, ainsi qu’à CCI niveau national. La plus mauvaise place estde la CPME 38, citant en exemple la France. « Même si je n’ai pas été élu, je suis toujours celle du deuxième de toute façon ».signature de l’accord sur l’échangeur du trésorier de l’association », rappelle-t-il. Daniel Paraire rappelle que le principalRondeau, dont le président de la CCI a Une source proche du milieu consulaire obstacle a été politique : « Il y a avaitété l’un des maîtres d’œuvre. régional nuance cependant : « À Lyon, on tout l’apport de l’Aquitaine, du Sud-Ouest. entend peu parler de lui. Grenoble est plutôt58 Acteurs de l’économie - La Tribune dans une stratégie isolationniste et se com- N°135 Mai 2017 porte un peu comme une capitale vis-à-vis du Nord-Isère, alors qu’il faudrait travailler davantage en synergie. » Ce n’est pas l’avis du président de la CCI du Nord-Isère, Daniel Paraire qui s’était engagé aux côtés de Jean Vaylet pour l’élection de CCI France. « Avec Jean, nous avons l’habitude
JEAN VAYLET Entreprendre« L’appui de RÉSEAUX consulaire. Sans oublier qu’il disposaitla GLNF (Grande La défaite serait donc un enchevêtrement déjà de deux casquettes, celles de pré-loge nationale de plusieurs facteurs ayant pu échapper sident de l’association des CCI Métropo-française) aurait pesé au candidat malheureux qui avait pour- litaines (qui réunit 14 établissements) etdans la victoire de tant le soutien du patron des patrons. Un de membre du comité directeur nationalPierre Goguet » soutien de taille qui ne fera finalement de CCI France, des arguments qui ont pas le poids pour Jean Vaylet. Le desser- pu peser en sa faveur. D’autant plus queCela a davantage joué sur les relations per- vant plutôt. « Dès lors qu’il était soutenu par le « bosseur » Pierre Goguet laisse der-sonnelles que sur la qualité du candidat. Pierre Gattaz, il faut se demander pourquoi rière lui un bilan manifeste, notammentMais le niveau de qualité n’était pas un pro- cela n’a pas fonctionné », évoque une source avec la réussite de la fusion entre les CCIblème, et cela aurait bénéficié à l’ensemble de proche du milieu consulaire, rappelant du bordelais et de Libourne. Enfin lela région Auvergne-Rhône-Alpes ». Faut-il que les luttes de pouvoir peuvent s’avé- fondateur d’un important cabinet d’ex-y voir l’ombre d’une figure forte comme rer acharnées à ce niveau-là. « C’est une pertise-comptable et homme « influent »Alain Juppé, avec qui Pierre Goguet tra- affaire de famille et Pierre Gattaz bien qu’il aurait bénéficié, selon les informationsvaille en bonne intelligence ? soit le patron du Medef ne fait peut-être pas d’Acteurs de l’économie-La Tribune, d’unPour Lionel Piccolet, représentant CFDT, l’unanimité », interroge François Turcas. dernier appui déterminant, celui deselle illustrerait aussi une forme de pro- Le président de la CPME Auvergne- réseaux maçonniques notamment de latectionnisme : « Les présidents avaient le Rhône-Alpes reconnaît aussi que le pro- GLNF (Grande loge nationale française) ;choix entre mettre à la tête de CCI France un gramme de Pierre Goguet avait réussi à « Un mois avant l’élection, un interlocuteurgestionnaire d’industrie ou un homme issu convaincre les instances nationales avec de la GLNF m’a informé que Pierre Goguetdu secteur de la comptabilité, qui gère des ce qu’il estime comme de « meilleures pro- serait le futur président » rapporte notrepetites structures. » Ils ont visiblement fait positions », et que sa campagne « proche source proche du dossier.leur choix. de la nôtre avait fait la différence ». Il faut dire que le Bordelais s’était bien pré- paré : à l’issue d’une campagne de ter- rain « monumentale » qui l’avait mené jusque dans les Antilles, il s’était entouré de Dominique Babin, un ancien de l’Ena qui entretient des liens avec le monde Patron de la CCI de Bordeaux, © Sébastien Ortola / Réa Pierre Goguet a réussi, grâce à une campagne de terrain Acteurs de l’économie - La Tribune 59 et à ses réseaux, à s’imposer à la tête de CCI France.N°135 Mai 2017
Entreprendre CHRONIQUES Patrick Martin Président du MedefPerformance Auvergne-Rhône-AlpesET GOUVERNANCEDES TERRITOIRES Une étrange DÉCONNEXIONEn quête de performance, les territoires (communes, villes, métropoles, dépar- tements, régions, etc.) cherchent souvent à identifier et à reproduire des poli- Au même moment où notre pays est engagé dans une campagne électorale tiques, des méthodes, des manières de faire supposées être des bonnes hystérique et mystificatrice, il redresse la tête sans se l’avouer. Certes, cer- pratiques. On assiste de fait à une forme de panurgisme des politiques terri- tains sujets préoccupants, voire graves, sont encore mal pris en compte : toriales : rares sont les collectivités qui ne cèdent pas à la mode du moment les dérèglements climatiques, le fanatisme religieux, les zones de non-droit, (comme dans les entreprises). La disparité des résultats constatés, particulièrement l’exclusion, la dette publique que nous léguerons à nos enfants. Convenons sur le long terme, les conduisent à rechercher d’autres modes d’action. Pourtant, ce que ces enjeux sont d’ailleurs bien peu traités dans l’actuel débat politique. Certes les n’est pas dans les solutions qu’il faut chercher les clefs de la performance, mais dans effets sur le taux de chômage de ce redressement qui point se font encore attendre la manière dont sont instruites les politiques entre les acteurs publics et privés. Cela – mais ils apparaîtront, preuve en est la multiplication des zones géographiques et n’est pas nouveau, car, de tout temps, la systémique territoriale a incité les parties pre- qualifications professionnelles où la pénurie de main-d’œuvre s’intensifie. Pour le reste, nantes à s’accorder et à composer pour créer des synergies et des complémentarités les signes d’amélioration se confirment, qu’il s’agisse d’indicateurs subjectifs (le moral au niveau du territoire. Cela se fait le plus souvent sous forme de confrontation et de des ménages et des entrepreneurs) ou objectifs (l’emploi intérimaire, les mises en médiation autour de propositions. chantier de logements, les crédits d’investissement, les carnets de commandes, etc.). Confrontés à la réalité quotidienne, proches du terrain, soumis « en temps réel » aux Réaction et adaptation réactions de leurs administrés, nos élus locaux, dans leur grande majorité, font preuve Les pays scandinaves et anglo-saxons ont une gouvernance axée sur la co-élaboration d’écoute et de pragmatisme. Loin des slogans racoleurs ou clivants, ils savent pro- où la place des acteurs privés est prépondérante. La maîtrise d’ouvrage y est partagée, mouvoir l’efficacité collaborative. Ils se posent, avec réalisme, en facilitateurs, souvent la planification plus légère. Cette gouvernance, basée sur une responsabilité com- même en initiateurs de projets pour le bien commun. mune, apparaît beaucoup plus efficace, car capable de réagir vite et de s’adapter aux réalités du moment, et cela, quelle que soit la maille territoriale. Le secteur privé et la Bon sens société civile s’impliquent et s’engagent fortement dans l’élaboration et le pilotage des Mais les mêmes peuvent changer de visage, de discours et de convictions quand ils politiques et le revendiquent. À titre d’exemple, le « Business Manifesto » (élaboré après se laissent entraîner par la supposément « grande » politique partisane nationale, sous 45 meetings) portait le point de vue de 600 décideurs privés quant aux stratégies et le feu des « sunlights ». projets du Grand Londres. Nous vivons donc une étrange et inquiétante double déconnexion entre d’un côté la Une manière de procéder très différente de celle de la France, pays de planification, réalité d’un Pays qui n’aspire qu’à avancer et le fait, et de l’autre, l’image péjorative et de programmes et de centralisation… qui sait concevoir de belles stratégies dont dramatique qu’on lui renvoie ; entre un échelon territorial essentiellement consensuel l’implémentation s’avère inopérante, voire impossible (l’exemple de l’écotaxe étant le et les débats artificiels, fratricides que l’on veut nous imposer au niveau national. plus emblématique). Tout cela relève de contingences culturelles, certainement les plus C’est grave. complexes à lever. Et si, loin des chimères et des solutions de gribouilles, nous revenions simplement, lucidement, au bon sens ? Défions-nous des illusionnistes en tous genres !« Les pays scandinaves etanglo-saxons ont une manièrede procéder très différentede celle de la France, pays deplanification, de programmeset de centralisation »Lire le dossier page 48, « Nos élus locaux, dans leurMétropoles, un exemple pour l’État ? grande majorité, font preuve d’écoute et de pragmatisme » Pascal Gustin © DR Président d’Algoé N°135 Mai 201760 Acteurs de l’économie - La Tribune
TRIBUNE EntreprendreLA BONNE Il est de bon ton aujourd’hui de parler de gouvernance quand il s’agit deGESTION EST politique plutôt que de gouvernement ou d’affaires de la cité. Il est aussiUNE ILLUSION ; de bon ton de se déclarer pragmatique, rationnel, cohérent, quand il s’agitELLE EST JUSTE de présenter un programme, un programme pourtant éminemment politique au niveauLE MANTEAU national, mais pas que.PUDIQUE ET Le New public management est passé par là nous expliquant combien il n’y auraitRATIONALISÉ pas d’idéologie en matière d’économie (ce qu’affirmait l’ancien Premier ministreD’UNE Manuel Valls lors du débat des primaires). Il s’agit de cette veine-là, cette idéePOLITIQUE très entrepreneuriale, pour ne pas dire managériale du politique qui pourraitQUI NE VEUT conduire à dire que l’État peut se gérer comme une ville, un village dans cePAS DIRE qu’il est convenu de nommer la « bonne gestion ». Deux bémols à ce paradis de laSON NOM bonne gestion : d’une part la politique est faite de choix, au niveau national, par exemple, la chose régalienne ne peut faire abstraction de vision politique ; d’autre part, au niveau local, est-on si sûr que la gestion d’une ville soit si exempte de choix politique ? Rien n’est moins sûr ! Sur le plan national, il est inévitable de faire des choix notamment pour les questions régaliennes. Il s’agit d’interventions militaires, d’inflexion ou non de l’Europe, d’alliances, d’Otan, de rapprochement avec Poutine ou avec Trump… On le voit sur cette seule question des affaires internationales, le politique est crucial et il est impossible de ne faire que de la « bonne gestion », impossible de faire l’économie de choix politiques et stratégiques. Sur d’autres types de questions régaliennes, telles que la sécurité ou la justice, les philosophies sont différentes : quand d’aucuns privilégient la prévention-proximité d’autres préfèrent une politique dite sécuritaire. Bien sûr, les deux points de vue ne sont jamais exclusifs l’un de l’autre, mais, il reste que des visions différentes de société sont en jeu, et c’est bien normal.GOUVERNER C’EST CHOISIR UN MODÈLE DESOCIÉTÉ JUSQUE DANS LES INTERSTICES DELA VILLE, DU VILLAGE OU DE LA MÉTROPOLEVirginie Martin BONNE GESTION VS GESTION BONNE © Grégory Machet - L’Atelier de la photoPolitologue,Kedge Business School Qu’est-ce que la « bonne gestion » ? Une position médiane ? Un mix approximatif ? Est-ce toujours possible de faire ce mélange ? N’y a-t-il pas derrière chaqueLire le dossier page 48, « bonne » gestion une vision de la société qui n’est pas commune à tout le monde ?Métropoles, Et qu’est-ce qu’une « gestion bonne » ? Préférer afficher, à la manière de l’Alle-un exemple pour l’État ? magne, un faible taux de chômage, mais avec presque 20% de travailleurs pauvres ? Ou le contraire ? L’objectivité est illusoire. Gouverner c’est donc choisir unN°135 Mai 2017 modèle de société et ce jusque dans les interstices de la ville, du village ou de la métropole. Car, malgré la dérive économiste de nos sociétés, influencées en cela par le monde anglo-saxon des années 1980-1990 – qui a tout de même fini par choisir l’utra-politique en la personne de Donald Trump – nous ne pouvons nier que les choix des Alain Juppé ou autre Jean-Claude Gaudin en passant par Anne Hidalgo, contiennent du politique, inexorablement. Le premier a fait beaucoup pour la diversité des origines, des cultures et des religions ; le second joue avec les grands travaux et la communication, et la troisième développe un projet très écologiste pour Paris. La politique est consubstantielle de leur action. Au final, posons une question cruciale : quelle est la différence entre une « bonne gestion » et une « gestion bonne » ? L’une équilibrerait des tableaux de chiffres, quand l’autre tenterait d’être bienveillante et humaniste. Nous le voyons, ici encore une simple inversion de l’épithète et nous basculons politiquement. Alors, oui, la bonne gestion est une illusion ; elle est juste le manteau pudique et rationalisé d’une politique qui ne veut pas dire son nom. Plus grave, son corollaire, la gestion « a-politique » des cités nous amènerait directement à nier la démocratie voire la citoyenneté pour privilégier une technocratisation bien loin des agoras populaires. Le « a-politique » est une forme de bonne gestion qui ferait de nous des individus muets. Acteurs de l’économie - La Tribune 61
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LE RÊVE Inventer LE RÊVE CYPRIEN VERSEUX‘‘Le 28 août dernier, je suis sorti à l’air libre. J’ai pu sentir la caresse du soleil et du vent. J’ai pu manger de la nourriture fraîche et surtout, j’ai pu parler à des inconnus. Cela semble peut-être banal. Pour moi, c’était extraordinaire. Cela faisait 366 jours que je vivais confiné dans un dôme de 11 mètres de diamètre, perché à deux kilomètres et demi d’altitude sur le plus grand volcan de la planète. Pendant cette année, je n’avais eu aucune communication en temps réel avec l’extérieur ; je n’avais vu ou parlé qu’aux cinq autres scientifiques isolés avec moi. Nous n’étions sortis qu’en analogues de combinaisons spatiales, avions mangé de la nourriture lyophilisée et avions été observés au quotidien par des équipes situées à des milliers de kilomètres de là. J’ai eu le privilège d’être l’un des six équipiers de la mission Hawaii space exploration analog and simulation IV, une expérience financée par la Nasa pour préparer l’exploration de la planète Mars. Plus précisément, pour développer des stratégies permettant de maintenir les futurs astronautes compétents et sains d’esprit malgré des conditions de vie di ciles. Je me présente : Cyprien, membre de la génération Y. Oui, cette génération à laquelle on reproche souvent d’être paresseuse, indisciplinée et hédo- niste. Cette génération dont on croise parfois le regard lorsqu’il daigne s’écarter d’un écran d’ordinateur ou de téléphone. Celle dont on se demande peut-être pourquoi elle est si peu entreprenante et si avide de divertissements. Pourtant ma génération n’est pas le reflet d’une décadence ou d’une perte de valeurs. Elle est simplement dans l’attente. Elle est extrêmement édu- quée et possède des outils dont la génération précédente ne rêvait même pas : ses téléphones sont plus puissants que les ordinateurs utilisés pour rejoindre la Lune, elle peut partager ses idées largement et instantanément sur internet, et les cours des plus grandes universités sont à portée de ses écrans tactiles. Mais elle est hésitante quant aux problèmes auxquels appliquer sa force. En France, aucune guerre n’a frappé à nos portes, aucune épidémie n’a décimé nos populations, et nombre d’entre nous prennent pour acquis le fait d’avoir un toit et de la nourriture en abondance. Le revers de notre chance, c’est qu’aucun objectif ne devient évident. Les plus audacieux d’entre nous trouvent une quête parmi les nombreuses options qui s’o rent à eux : ils militent pour l’environne- ment, créent une entreprise innovante ou a chent leurs talents de comédien sur des plateformes virtuelles. Les autres, quant à eux, cherchent dans leurs sources infinies de distraction facile le moyen d’oublier qu’ils ne trouvent pas le sens dont ils ont besoin. Leur sentiment de ne pas progresser mais, simplement, de vieillir. Ma génération a besoin d’un objectif fédérateur. Un objectif pour lequel brûler, unir ses forces et exploiter les incroyables outils dont elle dispose. Elle ne veut pas simplement régler les problèmes créés par les géné- rations précédentes ; elle veut aussi aller de l’avant. Un tel objectif, lentement, se dessine : Mars. La Nasa s’est engagée à envoyer des hommes sur la Planète rouge dans les années 2030. L’entreprise SpaceX vise les années 2020. D’autres plans se mettent en place, plus ou moins visibles, plus ou moins crédibles. Peut-être les projets actuels ne se réaliseront-ils pas dans les délais annoncés. Peut-être qu’ils ne feront qu’inspirer ceux qui, plus tard, réussiront. Ce qui est certain, c’est qu’un intérêt pour Mars vient d’être ravivé. Et si la Planète rouge semblait inatteignable à nos grands-parents, elle est maintenant presque à portée de notre technologie. ’’Non, ma génération n’est donc pas une génération perdue. Elle n’a simplement pas encore montré de quoi elle est capable. Cyprien Verseux AstrobiologisteN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 63
64 Acteurs de l’économie - La Tribune Inventer STARTUPS ET GRANDS COMPTESN°135 Mai 2017 © Chéreau, dessins Extraits de l’étude « David avec Goliath 2016 » par Raise et Bain et Company
STARTUPS ET GRANDS COMPTES InventerSTARTUPSET GRANDSCOMPTESLE MARIAGEDE RAISONFace au bouleversement de tous les secteurs économiques, les grandes entreprises ne peuvent plusfaire preuve d’inertie ni « d’égocentrisme » dans leur politique d’innovation, au risque de mourir.Pour se réinventer, l’agilité des startups, leurs innovations de services ou de produits, sont parfoisvues comme des remèdes e caces sur le court terme, permettant de renforcer leur métiertraditionnel et aussi d’anticiper les ruptures à venir. Un changement de paradigme, encore lentà se di user au sein du Cac 40, malgré une accélération récente, et qui nécessite desbouleversements organisationnels internes majeurs, non sans résistance. Le prix de la survie ?DOSSIER, MAXIME HANSSENN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 65
Inventer STARTUPS ET GRANDS COMPTES66 Acteurs de l’économie - La Tribune ne scène symptomatique s’est déroulée voici quelques mois au sein d’un grand groupe français. Le directeur de l’innovation, dont le bureau jouxte celui du PDG, a installé une horloge un peu particulière. Un compte à rebours de dix ans, lancé lorsqu’il a pris son poste, et qu’il n’oublie jamais d’amener avec lui lors des comités exécutifs de l’entreprise. Un rapport au temps qui vise à notifier au top management que si, en fin de compte, la structure n’a pas profondément modifié sa stratégie de transformation digi- tale, elle disparaîtra. Cette anecdote traduit un fait majeur qui hante tous les grands groupes français : face au bouleversement de tous les secteurs économiques, engendré par la révolution numérique, ces colosses ne peuvent plus faire preuve d’inertie ni « d’égocentrisme » dans leur politique d’innovation. Le risque serait ni plus ni moins « mortifère », à l’heure où une jeune entre- prise à fort potentiel de croissance peut, grâce à sa technologie, disrupter à tout moment le modèle traditionnel d’un acteur établi depuis des décennies. N°135 Mai 2017
STARTUPS ET GRANDS COMPTES Inventer« Les grands comptes cherchent à « réingénérer » leur stratégied’innovation grâce à des infiltrations, à l’image d’un sportif atteintphysiquement mais qui pratiquerait des infiltrations médicalesafin d’assurer ses performances »Ce challenge, les grands comptes doivent le relever avec des encore plus éloquent, 93 % de ces grandes structures ont déjàcontraintes administratives, culturelles et budgétaires intenses. proposé des initiatives liées à des prix ou événements permettantIls se tournent donc massivement vers le monde des startups, de mettre en lumière des startups. Des concours durant lesquelsqui représente, pour eux, un espace de respiration et d’inspi- les grands comptes promettent parfois plusieurs milliers d’eurosration, mais qu’il n’est toutefois pas simple d’appréhender. « Ils de récompense ou une ouverture à leur base clients. « Ils ne fontcherchent à « réingénérer » leur stratégie d’innovation grâce à des pas cela par charité. C’est avant tout du business », souligne un obser-infiltrations, à l’image d’un sportif atteint physiquement mais qui pra- vateur. Des rendez-vous incontournables pour les grandes entre-tiquerait des infiltrations médicales afin d’assurer ses performances », prises afin de repérer les jeunes pépites qui pourraient contribuerillustre Michel Coster, directeur de l’incubateur d’emlyon busines à les révolutionner. « C’est la symbolique de l’épuisette », s’amuse unschool. Ces jeunes pousses, agiles, peuvent leur apporter des fin connaisseur des écosystèmes. EDF aurait vu passer dans cesbriques d’innovation pour un nouveau produit ou explorer de radars plus de 600 jeunes entreprises en trois ans.nouveaux secteurs qui, demain, pourraient s’avérer stratégiques.L’engouement est réel depuis deux ou trois ans. POTENTIELEn 2016, toutes les entreprises du CAC 40 ont noué des partena- Ce regard stratégique vers l’extérieur porte un nom : l’open innova-riats avec des startups. Selon l’étude parue la même année « L’al- tion, ou innovation ouverte. Ce concept s’est développé au débutliance des grandes et des jeunes entreprises », menée par Raise et des années 2000 sous l’influence d’Henry Chesbrough, profes-Bain & Company auprès de 70 % des entreprises de l’indice bour- seur à l’université de Berkeley. Il estimait que toute organisationsier français de référence, une sur deux dispose soit d’un incuba- pouvait tirer profit de l’ouverture de ses protocoles d’innovationteur, soit d’un accélérateur ou d’un labs. Ces structures visant à à de nouveaux acteurs (entreprises, startups, chercheurs, etc.)« couver les startups », au plus près d’elles, ont été multipliées par plutôt que de tourner en circuit fermé au sein d’un départementneuf entre 2010 et 2015. Par ailleurs, 59 % des grands comptes ont de R&D. Longtemps en retard par rapport à leurs homologuesagi au sein d’un venture capital, quand 44 % mènent des politiques américains, les groupes français ont pris récemment la mesured’investissement direct dans le capital des jeunes pousses. Chiffre de ce potentiel – et surtout de cette nécessité vitale – dans un 1 an 40 €Je m'abonne pour TTCDE L ÉCONOMIE / 5 numéros + supplémentsOFFRE 2 ans 70 €Je m’abonne pour TTC / 10 numéros + supplémentsSPÉCIALE Société : ......................................................................................................................................................................................... Nom / Prénom : ......................................................................................................................................................................... Adresse : ........................................................................................................................................................................................ .............................................................................................................................................................................................................. Code postal : ................................................................ Ville : ................................................................................................ E-mail : ............................................................................................................................................................................................ Tél. : ................................................................................................................................................................................................... Date et signature MODE DE RÉGLEMENT Chèque libellé à l'ordre de RH ÉDITIONS à retourner à Acteurs de l'économie - Immeuble le Diplomate - 51 avenue Jean Jaurès - 69007 Lyon Je souhaite recevoir une facture acquittée Je souhaite m’inscrire à la newsletter RÉSERVÉ À ACTEURS DE L'ÉCONOMIE Réf. client :......................................................... Périodicité : du n°............................. au n°.......................... Banque : ....................................................................... N° chèque : ...................................................................N°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 67
Inventer STARTUPS ET GRANDS COMPTEScontexte économique disruptif. « La mise en place de ces pratiques, « En s’intéressant à elles,et les intérêts stratégiques qu’elles revêtent, est désormais tout en haut les entreprises cherchentdes priorités de tous les Comex des grands comptes français », assure à comprendre les révolutionsFrançois Gonczi, directeur numérique chez EDF. Signe de cette potentiellement en cours.prise de conscience, « la sémantique a changé : certains groupes Les jeunes pousses jouent doncne parlent plus de R&D, mais de recherche et innovation, se rappro- le rôle de tête chercheuse »chant ainsi des marchés. Les paradigmes changent », appuie LéthiciaRancurel, directrice du centre d’expérimentation urbain Tubà EXPLORER DE NOUVEAUX TERRITOIRESà Lyon. « L’affichage avec les startups relevait davantage de la com- Et c’est pour appréhender ces inconnues – dans une logiquemunication externe. Désormais, elles ne sont plus un faire-valoir pour d’abord défensive, qu’elles tentent de faire passer à l’offensiveattirer des talents et démontrer le dynamisme supposé d’une entreprise. – que les entreprises convoquent les jeunes sociétés innovantesCes jeunes pousses sont scrutées pour une raison unique : le business pour explorer de nouveaux territoires. La fameuse transition digi-à très court terme, mais surtout les business de demain grâce à leur tale, qui doit permettre de parer toutes les menaces éventuellescapacité d’identification des signaux faibles », explique Stéphane Par- portées par le changement, autant que d’en saisir les opportu-cheminal, directeur de l’Institut open innovation, une chaire de nités. « Les startups naissent aux intersections entre les différentsCentraleSupélec cofondée par Altran, Mazars, Société générale et secteurs traditionnels et les nouvelles technologies : AgriTech, FinTechVinci. Les grands comptes cherchent concrètement une chose : par exemple. En s’intéressant à elles, les grands comptes cherchent à« La montée en compétence sur la chaîne de valeur » et « la remise de comprendre les révolutions potentiellement en cours et les positionsl’innovation au cœur de la création de valeurs ». « Il s’agit pour certains à prendre. Les jeunes pousses jouent donc le rôle de tête chercheusede combler un retard massif et ainsi d’éviter l’accident industriel », tacle avec le risque qu’elles deviennent parfois plus grosses que les acteursMichel Coster. L’influence des startups se matérialise ainsi par historiques », poursuit Eric Burdier. « Il y a des endroits où stra-deux portes d’entrée. La première, plus classique, concerne celle tégiquement, nous avons des interrogations. Ne pas laisser la portedu « core business », c’est-à-dire le corps métier traditionnel de la ouverte à des explorations serait une erreur fondamentale qui pourraitsociété. « L’entreprise va chercher des moyens et des solutions pour nous revenir comme un boomerang », alerte de son côté Françoisaccélérer ses cycles de nouveaux services ou produits, en particulier via Gonczi. Par peur de passer à côté de leur métier de demain, lesle numérique », explique Eric Burdier, cofondateur de l’accélérateur grands comptes se sont donc lancés dans un grand jeu de stra-Axeleo. Il s’agit donc d’une innovation incrémentale – c’est à dire tégie « digne de Risk, où chacun prend des positions sans vraimentgraduelle, une « petite » amélioration qui ne remet pas en cause savoir si elles seront porteuses, souligne Eric Burdier. Nous sommesle modèle dominant. La startup, forte d’une technologie ou d’un condamnés à aller chercher de la valeur partout et à agiter toutes lesservice disruptif, va ainsi être perçue par le grand groupe comme feuilles de ce grand arbre qu’est l’innovation. »une opportunité pour faire passer un palier à son offre existante. Michelin, certainement l’un des grands comptes les plus mûrs« Il est parfois beaucoup plus économique et efficace d’intégrer une dans la relation avec les startups, est représentatif de cette néces-brique technologique déjà existante dans une startup plutôt que de la sité d’exploration des « cercles » éloignés de son activité tradition-développer en interne », confirme Sylvain Paineau, directeur Europe nelle. Présent dans de nombreux lieux d’innovation, notammentde l’open innovation chez Schneider Electric. « Une fois la solution au Bivouac, lieu phare de la French Tech de Clermont-Ferrand,de la jeune pousse identifiée, si elle est mûre, nous l’intégrons directe- il mène une politique généreuse envers les startups : partenariatment à une activité business à travers un accord commercial. Si elle industriel, commercial, investissement en capital, etc. Là aussi,nécessite des approfondissements, un accord de codéveloppement est la charité n’a pas de place. À travers ces expérimentations, lenoué », détaille le responsable. « Mais, parfois, une innovation peut leader mondial s’oriente de plus en plus comme un acteur majeurouvrir un nouveau business model, complètement modifier le paradigme de la mobilité et non plus spécialement comme un fabricant dede l’entreprise. Ce sont ces nouveaux horizons qu’elles recherchent dans pneus. D’une activité traditionnellement industrielle, l’entrepriseleur collaboration avec des startups », révèle Albin Jourda, fondateur se positionne comme une « plateforme », se tournant vers leet CEO de French Cleantech. Un horizon qui peut justifier une tertiaire, notamment grâce à l’utilisation des données. À ce titre,prise de participation dans le capital de la startup. le partenariat avec le triporteur électrique lyonnais Freegônes, dédié aux marchés de la propreté urbaine, de la livraison urbaine68 Acteurs de l’économie - La Tribune et de la vente ambulante, est intéressant. L’industriel va soutenir la production de la jeune pousse, à des conditions avantageuses pour cette dernière. Et derrière, Bibendum espère récupérer des données issues de ces triporteurs qui arpentent le territoire urbain, qu’elle pourra ensuite utiliser dans de nouveaux services. L’innovation ouverte des grandes entreprises est donc un moyen d’externaliser en partie les risques inhérents à l’innovation et pourrait, demain, s’avérer stratégique. N°135 Mai 2017
STARTUPS ET GRANDS COMPTES Inventer« Ces colosses aux pieds IMPACTS SUR L’ENTREPRISEd’argile pourraient bien demain Car tout l’enjeu d’une transition digitale résulte de la « matu-devenir des « rhinocornes » » rité du corporate », c’est-à-dire de sa capacité d’organisation et de mutation structurelle. « Celui qui donnera de l’efficacité à saMOYEN OU LONG TERMES stratégie d’open innovation sera celui qui sera capable de relever l’en-Mais contrairement aux évolutions du « core business », qui jeu majeur de la transformation de l’administration interne du grandépousent la logique du court terme, cette phase d’exploration, compte », explique un spécialiste sous le sceau de l’anonymat. Etpour les grands comptes, impose « un tunnel de l’innovation » le challenge est immense : « Il n’y a pas de go to market clairementfocalisé sur le moyen ou le long termes. Ainsi, certains doivent identifié, pas d’organisation ou de gouvernance types. En somme, lesfaire face à de véritables accès de « schizophrénie ». « Les grands inconnues sont nombreuses, et pourtant ces grands groupes saventgroupes sont jugés sur leur performance financière immédiate. Dans qu’ils doivent accélérer sous peine de mourir », détaille Eric Bur-cette logique, il est difficile de justifier des orientations d’expérimen- dier. L’impulsion doit venir d’en haut pour assurer l’efficacité destations aléatoires, qui ne porteront leurs fruits, peut-être, que dans mesures et des expérimentations développées avec le terrain etplusieurs années », met en lumière Albin Jourda. « L’impétueuse dans les cellules d’open innovation créées. « Les Comex doiventnécessité de satisfaire les actionnaires fait qu’un grand groupe ne lais- fixer des orientations claires dans ce domaine », poursuit pour sasera jamais filer ses ratios de rentabilité. L’immense challenge est donc part le dirigeant d’EDF. Il n’est donc plus question d’aborder lade conserver sa performance financière tout en mettant en place des question de la transition digitale comme un simple « saupou-dispositifs qui bouleversent l’entreprise afin qu’elle puisse répondre aux drage numérique », mais bien comme un axe stratégique autourchallenges à venir, dans cinq ou dix ans », précise Eric Burdier. De duquel s’articulent toutes les sphères de l’entreprise. Cette prisefaçon plus pragmatique, au sein même des équipes de salariés, de conscience se caractérise notamment par la transformation duMichel Coster souligne que « les indicateurs clés de performance chief digital officer en véritable chief digital transformer, de plus endu management n’ont pas encore évolué pour coller à ces probléma- plus intégré au cercle de décision stratégique. Le CTO entretienttiques stratégiques de projection et d’expérimentation. La majorité des une relation de confiance avec la direction générale de l’entre-groupes n’ont pas compris qu’ils doivent être ambidextres et jouer sur prise. Sans cesse à équilibrer les contraintes opérationnelles etles deux tableaux ». les impératifs de changement, il est au fait de l’avancement des travaux et connaissances des équipes internes et suit de près les activités des partenaires et des concurrents. Une sorte de n° 10 qui « distribue le jeu ».N°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 69
Inventer STARTUPS ET GRANDS COMPTES« La sémantique a changé : certains ÉVANGÉLISATIONgroupes ne parlent plus de R&D, Mais la mise en place de ces dispositifs, encore trop rares dansmais de recherche et innovation » les grandes entreprises, est le fruit d’une longue évangélisation. La réticence, à l’origine, est parfois profonde dans ces unités. LaCette transformation doit se diffuser dans toute l’entreprise, pour notion de risque inhérente à l’activité d’une startup peut parfoisnotamment s’adapter aux contraintes des startups, pourvoyeuses paralyser les différents services. La jeune pousse aura-t-elle lesd’innovation. L’enjeu est de créer une relation équilibrée afin de reins assez solides pour assurer la production ? Peut-elle assumerne pas mettre en danger la jeune pousse. « Pour cette dernière, le ce changement d’échelle ? Ses indicateurs économiques sont-ilsrisque de péricliter au contact d’un grand groupe est réel », assure assez mûrs pour cette collaboration ? Voilà des questions quiun spécialiste, rappelant que seules 1 à 10 % des collaborations se posent au sein des divisions opérationnelles, et auxquelles ilentre ces deux mondes peuvent être considérées comme une revient au CTO d’apporter des réponses tout en se voulant ras-réussite. Une collaboration qui peut engendrer des modifications surant. « Notre rôle est de lever les freins et de limiter les risques »,dans l’organisation interne : unités juridiques, administratives, assure Sylvain Paineau, de Schneider Electric. L’intégration ded’achats. « Les grands groupes à la pointe dans ce domaine déve- ces nouveaux procédés et startups a également un autre impact :loppent une profonde simplification de leur démarche. Ils crééent des celui de modifier la culture d’innovation au sein de l’entreprise.« zones franches » », appuie Stéphane Parcheminal. Des disposi- « Oui, des tensions peuvent exister entre les cellules d’open innovationtifs qui permettent aux startups de ne pas rentrer dans la très et les unités traditionnelles de R&D. La mise en place d’une stratégiecomplexe « machine à laver administrative » du grand groupe. d’open innovation peut être perçue comme un message de défiance deElles accèdent ainsi à des règlements de facture plus rapides, des la part de la direction envers ses ingénieurs, explique Stéphane Par-appels d’offres simplifiés ou des accords de confidentialité ou cheminal. Mais je pense qu’il existe une vraie complémentarité entrecommerciaux allégés par rapport aux 400 pages traditionnelles. ces deux dispositifs. »Chez Schneider Electric, le paiement des prestations des startups Ces mouvements profonds à l’œuvre dans les grands comptes,est imposé à 30 jours, contre 90 jours pour les partenaires tradi- accompagnés ou engendrés par les startups, dessinent-ils réelle-tionnels (PME, ETI, etc.). ment ce qu’ils deviendront demain ? Alors que les startups ont leur propre référentiel pour démontrer la réussite de leur modèle – la fameuse licorne, cette jeune entreprise valorisée un milliard d’euros –, ces colosses aux pieds d’argile pourraient bien demain devenir des « rhinocornes », c’est-à-dire un grand groupe qui, grâce au digital et à l’expérimentation, aura développé une nou- velle branche d’activité qui pèsera un milliard d’euros de revenus. De quoi rapprocher encore un peu plus grands comptes et star- tups avant que le temps imparti à cette révolution ne soit écoulé. Le compte à rebours est lancé.70 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
RUBRIQUE DE NOM InventerN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 71 En harmonie avec votre vie
Inventer RUBRIQUE DE NOM GÉNÉRATION 2050 À LA POURSUITE DE DEMAIN Habitat, consommation, déplacement : comment les modes de vie s’organiseront-ils d’ici à 2050, c’est-à-dire un peu plus de trente ans à l’échelle d’une génération ? La plupart des visions prospectivistes prennent en compte le double impératif de réduction des gaz à e et de serre et de maîtrise de nos consommations d’énergie. Loin de l’optimisme béat et sauf rupture technologique, aucun bouleversement majeur n’est programmé à l’horizon de cette moitié de siècle, la prospective ne venant confirmer que des tendances lourdes et déjà prégnantes à l’aube de 2020. FEUILLETON, NICOLAS ROUSSEAU© iStock by Getty Images 27 mars 2053. Les températures extérieures mesu- constante augmentation depuis l’instaura- Cette matinée rées sous abri ont gagné 2,7 degrés en tion de celui-ci. Tanao, sorti du lit, se dirige printanière moyenne. Tanao, 34 ans, en a dorénavant vers la salle de bain, qui n’a plus de bain prend des allures l’habitude. Pour l’heure, le réveil n’a pas que le nom. La pomme de douche pulvérise estivales. encore sonné. D’ailleurs, c’est la lumière un mélange d’eau et d’air, ceci afin de limi- Question qui va le réveiller. Un capteur intelligent ter la consommation d’eau. Chaque foyer, d’habitude. adapte la luminosité de son appartement selon le nombre de personnes le compo- Depuis presque en variant l’ouverture des stores selon sant, se voit dorénavant affecter un quota de une décennie l’heure de lever préalablement réglée. De consommation, calculé au plus juste afin de déjà, l’été même, la température de son logement - préserver les ressources. En mars, Tanao et commence un appartement de trois pièces de 52 m² sa mère, Thérésa, 61 ans, avec qui il partage plus tôt. installé au sein d’un immeuble collectif en son appartement, devraient ne pas avoir zone périurbaine - est automatiquement à s’acquitter de la taxe imputée pour tout 72 Acteurs de l’économie - La Tribune régulée grâce à des capteurs thermiques dépassement. installés dans chacune des pièces de vie. Avant de quitter son domicile pour Ces capteurs l’informent en temps réel sur rejoindre, d’abord en bus, puis à vélo, un sa consommation d’énergie. Ce mois-ci, espace de bureaux partagés situé à une selon les dernières estimations, il semble vingtaine de kilomètres, Tanao avale le jus que l’immeuble dans lequel il réside soit d’une orange pressée par un robot qu’il a énergétiquement positif, l’ensoleillement programmé, comme chaque matin à la de ce mois de mars ayant permis de pro- même heure. Depuis l’installation d’un jar- duire davantage d’énergie (solaire) - des din partagé sur le toit de son immeuble, le panneaux photovoltaïques couvrent les trentenaire et sa mère profitent de paniers façades est et sud-est du bâtiment - que de fruits et de légumes bihebdomadaires à ses occupants n’en ont consommée. Une un prix raisonnable. Cet approvisionnement bonne nouvelle, les taxes prélevées au titre en circuit court leur permet d’équilibrer au du dispositif ORCE (objectifs de réduction mieux leurs menus et de réduire le budget de la consommation énergétique) étant en alloué mensuellement à l’alimentation. N°135 Mai 2017
RUBRIQUE DE NOM InventerN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 73
Inventer GÉNÉRATION 2050« Toute lecture VIEILLISSEMENT INÉLUCTABLE « Il est peu probableprospectiviste doit Au 1er janvier 2050, en supposant que que nous changionstâcher de s’écarter les tendances démographiques récentes de paradigmede la tentation se maintiennent, la France compterait économique,boule de cristal » 70 millions d’habitants, soit 9,3 millions pour glisser d’une de plus qu’en 2005. La population aug- économie de laLA TENTATION « BOULE DE CRISTAL » menterait sur toute la période, mais a un possession versRécit de pure (science-)fiction ou scénario rythme de moins en moins rapide. Par une économieplausible et visionnaire ? Sans doute, un ailleurs, « en 2050, un habitant sur trois de l’usage »peu des deux. « Toute lecture prospectiviste serait âgé de 60 ans ou plus, contre un surdoit tâcher de s’écarter de la tentation boule cinq en 2005. La part des jeunes diminue- permet pas facilement le développementde cristal. Il ne faut jamais perdre de vue rait, ainsi que celle des personnes d’âge actif. de ces pratiques aujourd’hui encore. « Ilque nous sommes tributaires des inerties liées En 2050, 69 habitants seraient âgés de 60 constitue tout l’enjeu, non seulement sur leaux infrastructures déjà existantes », pré- ans ou plus pour 100 habitants de 20 à 59 plan de l’habitat, mais aussi de consomma-vient d’emblée Cécile Désaunay, direc- ans, soit deux fois plus qu’en 2005. Aucun tion énergétique, qui ne se prête pas davan-trice d’études au sein de Futuribles, scénario ne remet en cause le vieillissement, tage qu’aujourd’hui au développement de lacentre de réflexion et d’études prospec- qui est inéluctable, au sens où il est inscrit mutualisation des équipements et n’encou-tives. « À l’horizon 2050, la plupart des dans la pyramide des âges actuelle, puisque rage les pratiques collectives et collabora-visions prospectivistes sont réalisées compte les personnes qui atteindront 60 ans à l’hori- tives », juge Cécile Désaunay.tenu d’un double impératif de réduction des zon 2050 sont déjà toutes nées (en 1989 ou ÉCONOMIE DE LA POSSESSIONgaz à effet de serre et de contrôle de nos avant). L’allongement de la durée de vie dans L’évolution des modes de vie à l’hori-consommations d’énergie. Un scénario très les années futures ne fait qu’accentuer son zon 2050 devrait s’effectuer sans bou-pessimiste consiste à imaginer un futur mar- ampleur. En effet, même si l’espérance de vie leversements majeurs, bien que ceux-ciqué par un dérèglement climatique majeur », se stabilisait à son niveau de 2005, le nombre puissent évoluer assez vite à l’échelleenvisage pour sa part Yoann Gru- de personnes âgées de 60 ans ou plus aug- d’une génération. Ainsi, le téléphone por-son-Daniel, chargé du développement menterait quand même de 50 % entre 2005 table d’abord, puis le smartphone, ontdu programme Our Life 21 au sein de et 2050 », prévient Isabelle Robert-Bobée, considérablement modifié les pratiquesl’association 4D (Dossiers et Débats pour chef de la division enquêtes et études courantes en l’espace de 20 années. Restele Développement Durable). Cet outil de démographiques au sein de l’unité des à savoir quelle innovation technolo-projection vise à modéliser les quotidiens études démographiques et sociales de gique pourra à ce point transformer nosdes familles en 2050, dans une société l’Insee, dans le cadre d’une étude inti- comportements à l’horizon 2050. « Laqui cherche à maîtriser sa consommation tulée « Projections de population pour la révolution numérique et la transformationde ressources et ses impacts environne- France métropolitaine à l’horizon 2050 ». digitale progressive de la société induirontmentaux. « Cette approche est basée sur une Ce vieillissement induit, naturellement, de nouveaux usages qu’il est encore peu aiséméthode de calcul innovante qui comprend des adaptations de modes de vie, en d’imaginer. Il faut donc demeurer prudents »,à la fois les différentes catégories d’usage des termes d’équipements (hôpitaux, mai- estime François Moisan. Le marché desménages (alimentation, confort domestique, sons de retraite, par exemple) et de ser- objets connectés permet aux fabricantssanté, déplacement au travail, etc.) selon leur vices (aides à la personne, soins, services d’équipements et développeurs d’appli-consommation d’énergie, et leurs émissions de livraison de repas) dédiés à une popu- cations de devenir prescripteurs de pra-de gaz à effet de serre », précise l’associa- lation plus âgée, favorisant le maintien tiques. « La question est de déterminer àtion 4D. Les scénarios d’évolution rédigés à domicile. De plus, et c’est une autre quel rythme et à quel degré ces prescriptionspar l’Agence de l’environnement et de la conséquence de l’évolution de la pyra- auront un impact sur nos modes de vie etmaîtrise de l’énergie (Ademe) à l’horizon mide des âges, une tendance dominante de consommation », pointe encore Cécile2030 puis 2050 – une vaste étude bapti- consiste en la baisse du nombre moyen Désaunay.sée « Visions énergie climat 2030/2050 : d’habitants par foyer, notamment à causequels modes de vie pour demain ? » a été du vieillissement de la population. Ainsi, N°135 Mai 2017publiée en 2014 – prennent en compte il devrait y avoir de plus en plus de per-une réduction par quatre, d’ici au milieu sonnes âgées qui vivent seules dans desde ce siècle, des niveaux d’émission de logements, globalement mal adaptés etGES, « dans un contexte de transition éner- mal équipés pour cette part de la popu-gétique réussie et d’amplification du bien-être lation. Les situations de colocation vont,de la population », espère François Moi- elles, se multiplier, qu’il s’agisse de colo-san, directeur exécutif de la stratégie et cation extrafamiliale, entre individus nede la recherche, et directeur scientifique partageant aucun lien de parenté et ne sede l’Ademe, en dépit d’un accroissement connaissant par forcément au préalable,prévu de la population. ou intrafamiliale et intergénérationnelle, entre une mère et son fils, par exemple.74 Acteurs de l’économie - La Tribune Notre scénario originel ne devrait pas en cela s’écarter de la réalité de certaines situations à l’aube de la seconde moitié de ce siècle. Le logement partagé et collecti- visé ne devrait, en revanche, pas non plus exploser. Tout simplement, parce que le parc immobilier déjà existant sera loin d’avoir été entièrement renouvelé et ne
LA VILLE AUSSI RUBRIQUE DE NOM Inventer EDF 552 081 317 RCS Paris, 75008 Paris – Photo : Laurent Chéhère – 3D : Waldo Lee.PEUT RECHARGER SES BATTERIES EDF 552 081 317 RCS Paris, 75008 Paris – Photo : Laurent ChGrâce aux services énergétiques d’EDF et de ses filiales, les bâtimentssont désormais capables de produire et consommer leur propre énergie.*LNAotrVe aIvLeLnEir eAstUélSeSctIrique. Et il est déjà là.PEUT RECHARGER SES BATTERIESGrâce aux services énergétiques d’EDF et de ses filiales, les bâtimentssont désormais capables de produire et consommer leur propre énergie.*Notre avenir est électrique. Et il est déjà là.edf.fr/collectivitesL’énergie est notre avenir, économisons-la !* La Nvi°l1l3e5pMeaui t20ré17duire ses consommations d’énergie et s’alimenter en produisant elle-même de la chaleuArcetteudres dle’éll’éeccotnriocmitiée -gLrâacTeribàulnae g7e5stiondes réseaux de chaleur et de froid, l’optimisation de la performance énergétique et la valorisation des énergies alternatives et renouvelables.
Inventer GÉNÉRATION 2050Toutefois, il est peu probable, analyse la « L’évolution DE LA FOURCHE À LA FOURCHETTEdirectrice d’études à Futuribles, que nous des modes de vie à Si l’on se fie aux préconisations établieschangions de paradigme économique, l’horizon 2050 devrait par l’Agence nationale de sécurité sani-pour glisser d’une économie de la posses- s’effectuer sans taire de l’alimentation, de l’environne-sion vers une économie de l’usage. « La bouleversements ment et du travail (Anses), de nouvelleslocation de biens concernera encore majori- majeurs, bien que pratiques alimentaires viseront un tripletairement des biens tels qu’appartement ou ceux-ci puissent objectif : répondre à nos besoins nutri-véhicule. Il existe un écart entre les décla- évoluer assez vite tionnels, prévenir les risques de maladiesrations d’intention des consommateurs et à l’échelle d’une chroniques liés à certains aliments etleurs pratiques réelles. Il existe de nombreux génération » limiter l’exposition des consommateursfreins à la location et à l’emploi partagé de aux contaminants chimiques présentsbiens neufs que l’on utilise peu fréquemment, dans l’alimentation (pesticides). Ainsi,à commercer par le prix », établit-elle. La notre assiette, composée en vertu de l’ap-différence entre prix d’achat et prix de plication du principe « de la fourche à lalocation n’est pas suffisante pour dissua- fourchette », du producteur au consom-der le consommateur d’acquérir un bien. mateur en circuit quasi direct, devrait« Il n’en demeure pas moins que le modèle évoluer et voir notamment la part carnéebasé sur l’hyperconsommation et l’obsoles- substantiellement diminuer. L’Anses necence programmée des objets voit ses jours préconise pas plus de 70 grammes parcompter. Il s’agira bien de renforcer la dura- jour pour la viande (hors volaille), soitbilité des biens », propose-t-elle encore. 500 g/semaine, et 25 g/jour pour la char-Pour qu’une économie de fonctionnalités cuterie. Elle se fonde sur le rapport duse développe et se concrétise, il faut pen- Centre international de recherche surser en amont toute une offre de services le cancer, l’agence cancer de l’OMS qui,spécifiques (points de location, réseau fin octobre 2015, s’appuyant sur 800de voisinage, etc.). « Les produits que nous études, a classé la viande transformée,consommons aujourd’hui quotidiennement essentiellement la charcuterie, dans lasont globalement sous-évalués : le prix qu’il catégorie des agents « cancérogènes pournous en coûte ne répercute pas la valeur l’homme », tandis que les viandes rougesréelle des coûts de production, notamment (qui incluent le porc et le veau) sont consi-sur le plan de la consommation énergétique. dérées comme « probablement cancéro-Il s’agit d’internaliser au prix de revient les gènes ». Notre consommation de sucrecoûts externes réels, puis de les répercuter et de sel devrait parallèlement se réduireau prix de vente », considère quant à lui en proportion, tandis que seront favori-Yoann Gruson Daniel. Notamment en ce sés, dans nos menus, les fruits et légumesqui concerne l’alimentation. ainsi que les légumineuses, les céréales complètes et les fruits secs. « C’est bien ici © iStock by Getty Images les contraintes sanitaires qui nous imposent de revoir la composition de notre assiette alimentaire », analyse François Moisan. Afin d’assurer les approvisionnements, notamment en milieu urbain, et « d’après les modélisations conçues pour le programme Our Life 21, nous devrions assister au déve- loppement d’une agriculture urbaine et périurbaine, qui puisse répondre à certains besoins », projette Yoann Gruson- Daniel. Au milieu de ce siècle, en effet, deux indi- vidus sur trois seront devenus urbains, ce qui suppose de relever d’importants défis dans les domaines de l’énergie, de l’ur- banisme, de l’environnement, des trans- ports et des approvisionnements. Relever ces défis « nous permettra d’adapter et faire évoluer nos modes de vie de manière presque spontanée », conclut François Moisan.76 Acteurs de l’économie - La Tribune Quelle innovation technologique pourra modifier nos comportements à l’horizon 2050 comme l’a fait le smartphone ? N°135 Mai 2017
RUBRIQUE DE NOM Inventer Le Monde de L’énergie de 2050, coMMent avons-nous accédé à nos rêves de renouveLabLe ?Au-delà des objectifs politiques et législatifs qui nous sont assénés tous les jours, nous avons amorcé unvirage salvateur : celui du mieux vivre avec son environnement. Comprendre et maitriser l’énergie à tous lesniveaux nous permet aujourd’hui en 2050 de préserver le climat et la nature, de développer des énergiesrenouvelables et sobres, et d’améliorer nos performances de consommation.Alors qu’hier l’énergie était puisée et épuisée, aujourd’hui, l’énergie est créée, disponible et utilisablepar tous. Elle n’a jamais été aussi propre, locale, renouvelable et avec aussi peu d’effet sur le climat.L’énergie de L’avenir ou Les énergies d’avenir ?Nous le savons aujourd’hui, il n’a pas fallu compter sur une énergie d’avenir, mais des énergies d’avenir : onle voit maintenant, elles sont multiples, renouvelables et surtout propres, c’est-à-dire sans aucun impact surl’environnement, qu’il s’agisse de la production ou de la consommation.Le mix énergétique est varié, car c’est ainsi qu’il est devenu abondant, abordable et acceptable pourl’envi-ronnement. Une fois créées, ces énergies convergent vers les réseaux pour être transportées ettrouver leur utilisation selon les besoins : nous savons aujourd’hui, en chaque lieu, consommer labonne énergie au bon moment.de La création à L’utiLisation : Biométhane Solaire photovoltaïqueL’énergie inteLLigente (Issu de la biomasse, déchets, agriculture)Selon ces principes, la création d’énergie est devenue Énergie éolienne Énergie hydrauliquelocale et intermittente (ex. solaire) ou non (ex. le biogaz),ce qui pose la question essentielle du lieu d’utilisation :comment transporter et stocker l’énergie ?C’est le rôle des réseaux de transport d’électricité et de Nouvelles énergies Power-to-Gasgaz, qui permettent de ne pas réduire l’utilisation des renouvelables Gas-to-Powerénergies à leur seul endroit et moment de production.Les possibilités de passer d’un réseau à l’autre se multi- OBJECTIFS 2050plient et ce que nous appelons énergies « Smart » signifieque l’on peut connecter les réseaux d’énergies entre Injecter tous types d’énergieseux. Nous sommes capables de consommer du renouvelables dans les réseauxrenouvelable n’importe où, à n’importe quel moment etainsi pallier les écarts de production entre les territoires.Mieux produire et consommer l’énergie, c’était dansle champ des possibles en 2017.aujourd’hui en 2050, c’est réel. COMMENT ? Claire, 25 ans en 2017 Déployer Connecter Génération 2050 des solutions les réseaux de stockage électriques et gaziers d’énergieN°135 RMéais2id0e17ntiel Mobilité propre : Industries à forte Acteurs de l’économie - La Tribune 77Habitat bioclimatique électrique, GNV performance énergétique Centres villes & immeubles connectés
Inventer CHRONIQUESRÉSEAUXD’INITIATIVEPUBLIQUE, un premierbilan encourageantIl y a 15 ans environ, les collectivités territoriales ont décidé de prendre en mains Bruno Dupuis © DR - Christian Chamourat l’aménagement numérique de leur territoire plutôt que de le laisser entre celles des Associé senior advisor, opérateurs privés. En effet, sans leur intervention, la libéralisation du marché français des télécommunications aurait abouti à une fracture territoriale irréversible entre les Alixio zones urbaines denses desservies par de nombreux opérateurs et les zones péri- phériques ou rurales peu ou pas desservies en haut débit. Elles se sont lancées dans RÉENCHANTONS les études puis le déploiement et l’exploitation de réseaux mutualisés ouverts à tous les le travail opérateurs du marché. Ces projets, coûteux et structurants, ont pu être financés grâce à un effet de péréquation au sein d’un département ou d’une région, et grâce aussi à En ce début de printemps où la situation politique de notre pays est plus des investissements conjoints des collectivités, des industriels, de l’État et de la Caisse incertaine qu’elle ne l’a jamais été, il faut guetter les hirondelles et les signes des dépôts(1). La région Auvergne-Rhône Alpes n’est pas en reste dans ce d’optimisme pour le moral de nos concitoyens et de notre pays. A ce titre, la panorama avec quasiment la totalité de ses départements couverts ou grande enquête, inédite, par le nombre de répondants (plus de 200 000) et en passe de l’être. Ces 15 années nous donnent ainsi le recul nécessaire pour de questions (176), « Parlons travail », réalisée par la CFDT à l’automne 2016, analyser l’impact de ces investissements sur l’attractivité des territoires qui en bénéfi- doit nous réjouir par sa richesse et par tous les signes encourageants qu’elle fait res- cient. C’est l’objectif de l’Observatoire créé en 2013 par la Firip (Fédération des indus- sortir sur les perspectives de réenchantement du travail. triels des réseaux d’initiative publique) et la Caisse des dépôts, alimenté par l’Idate. Elle mérite qu’on s’y attarde tout d’abord pour saluer le caractère innovant, très Au-delà du déploiement et de la couverture effective des territoires, celui-ci évalue les constructif et éclairant d’une telle initiative portée par une grande organisation syn- retombées de ces infrastructures sur leur dynamisme économique. Des indicateurs dicale. Elle permet de remettre la réflexion sur cette thématique au centre du jeu et riches d’enseignement pour les décideurs politiques et territoriaux avec des retombées d’écarter trop de poncifs sur la toxicité du travail, dans lesquels beaucoup de com- directes : 11 000 emplois directs en 2017 pour la construction et l’exploitation des mentateurs assez éloignés du monde du travail et de l’entreprise, se sont complus Rip, 28 000 emplois prévus pour 2022 ; 40 000 personnes à former d’ici à 2020, en ces dernières années, sur le thème de la souffrance au travail en particulier. Au sens mesure d’exporter ensuite leur savoir-faire ; un chiffre d’affaires annuel de la filière de photographique, cette enquête nous révèle beaucoup de choses sur l’état du travail 2,3 milliards d’euros en 2017, en croissance de 25 % par an. dans ses différentes facettes. Ainsi plus des trois quarts des répondants aiment leur Mais aussi des externalités positives pour les territoires disposant d’un Rip avec un travail, ce qui est plutôt une bonne nouvelle en soi. Cela ne veut pas dire pour autant taux de chômage inférieur de 0,7 % pour les territoires et un nombre de créations que tout va bien et cela pointe aussi certains sujets de préoccupation comme celui de d’entreprises supérieur de 10 % en moyenne. l’autonomie, de la charge de travail avec une tendance nette à l’intensification et pour une fraction non négligeable, de conditions de travail difficiles. Offre de proximité Ces premiers résultats devraient encourager tous les acteurs, à leur niveau de respon- Les réseaux d’initiative publique représentent aujourd’hui huit millions de prises sabilité et de proximité dans les entreprises à prendre connaissance de cette enquête déployées ou en cours de déploiement contre 6,3 pour les zones couvertes par les ouverte à tous et de ses résultats pour s’emparer des sujets que mettent en relief les opérateurs privés (avec des objectifs respectifs de 15 et 20 millions de prises à terme). premiers éléments d’analyse. Enfin si quatre opérateurs se partagent habituellement le marché en zones de déploie- ment privé, les Rip sont souvent utilisés simultanément par plus de 10 opérateurs. Pilier Du fait de la concurrence, les entreprises bénéficient d’une offre de proximité plus Bien sûr, cela devrait se faire en premier lieu au plus haut niveau de l’entreprise. C’est adaptée et réalisent sur l’ensemble du territoire 100 millions d’euros d’économies par ce que suggérait la première des dix propositions du rapport « Bien être et efficacité an sur leur budget télécom. Ces résultats n’ont pas échappé aux investisseurs privés du travail » rendu au Premier ministre début 2010 par H. Lachmann, C. Larose et M. qui prennent désormais une place de plus en plus importante dans le financement des Pénicaud. Travailler au plus près sur certains thèmes mis en exergue, doit projets. La part publique des financements devrait représenter quatre milliards d’euros permettre d’identifier des axes d’amélioration très opérationnels des sur un investissement total de 20 milliards d’euros en 2022 soit bien moins que les 6,5 conditions d’exercice du travail et de la qualité de vie au travail qui ne milliards, prévus lors du lancement du Plan France très haut débit. peuvent que contribuer à la performance globale de l’entreprise. Gageons qu’avec l’effondrement de nombreux lieux de socialisation, le travail, son (1) Celle-ci est aujourd’hui actionnaire de 46 réseaux d’initiative publique dans toute la France. lieu et ses formes d’exercice transformées par le digital, reste de ce point de vue et comme le montre cette enquête massive, un pilier essentiel d’intégration sociale pour Hélène Lambling beaucoup d’entre nous, ne serait-ce que par le temps que nous lui consacrons, n’en Responsable déplaise aux sirènes de ceux qui nous font miroiter une société sans travail. thématique numérique, N°135 Mai 2017 direction Auvergne-Rhône-Alpes de la Caisse des dépôts 78 Acteurs de l’économie - La Tribune
S’IL N’EST TRIBUNE InventerPAS POSSIBLEDE RELEVER Pour un chercheur physicien et climatologue, être interrogé sur notreLES DÉFIS avenir collectif en 2050 constitue une forme de piège. On attend leEN 2050, LE plus souvent de lui des chiffres, des prévisions, une image simpleMAÎTRE MOT et claire de notre futur sur une Terre plus chaude qu’aujourd’hui. Mais,RESTERA si nos sciences fournissent des éléments de contexte importants, ce sontCELUI DE bien les générations qui entrent aujourd’hui dans la vie active, ou dansL’ÉDUCATION, la vie tout court, qui devront écrire l’histoire des prochaines décen-SEUL GARANT nies. L’exemple du XXe siècle incite à l’humilité. Qui a su anticiper lesDE LA deux guerres mondiales, les camps, la haine raciale, qui en ont marquéDÉMOCRATIE une si longue part ? Il en ira de même dans les décennies à venir : ce sont des dynamiques sociales, politiques ou économiques largement impré-Lire le dossier page 72, visibles qui orienteront pour une large part l’évolution du monde. MaisGénération 2050 bien sûr, ce futur sera aussi très sensible à des contraintes environne- mentales, qui, au fil du temps, deviennent réellement pressantes. L’accord de Paris sur les changements climatiques, de manière claire et désormais ratifiée par une très large majorité d’États, vise à stabiliser la tempé- rature moyenne de la surface de la Terre à un niveau qui ne dépasse pas celui de la période préindustrielle de plus de deux degrés. Or quand on émet des gaz à effet de serre, le réchauffement est deux fois différé dans le temps : parce que les gaz restent des décennies dans l’atmosphère, parce qu’ils mettent aussi une à plusieurs décennies pour chauffer la couche superficielle de l’océan. Ces délais correspondent à une forme de dette écologique qu’il faut commencer à rembourser. Les calculs montrent ainsi que, compte tenu des gaz déjà accumulés, il faudra avoir changé de trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre avant 20 ans, les avoir réduits de 40 à 70 % en 2050, et les avoir complètement supprimées avant la fin de ce siècle. Ces chiffres s’appliquent en particulier à l’usage des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) qui comptent aujourd’hui pour 80 % de nos ressources énergétiques. Il s’agira donc d’un changement brutal de notre production d’énergie, qui sera aussi un choc social : pour y arriver, il faudra créer des milliers, peut-être des mil- lions d’emplois – mais beaucoup disparaîtront aussi.ÉCRIRE LE FUTUR INCITE À L’HUMILITÉHervé Le Treut DÉCISIONS DIVERSES ET CONTRADICTOIRES © CC BY-SA 3.0Climatologue,directeur de l’Institut Que se passera-t-il en 2050, s’il n’est pas possible de relever d’ici làPierre-Simon Laplace, ces défis ? Au mieux, nous n’aurons pas atteint le niveau de deux degrésprofesseur à l’université de réchauffement, mais avec la certitude de le dépasser plus tard. LesPierre et Marie Curie, conséquences des changements en cours se seront aggravées, avec la fra-membre de l’Académie gilisation de zones littorales et inondables, ou encore de zones semi-des sciences arides, urbaines, montagneuses, un peu partout sur la planète. Une exaspération des contrastes Nord/Sud sera également inévitable. Tous cesN°135 Mai 2017 éléments feront pression pour prendre des décisions très diverses et souvent contradictoires. Pour s’orienter dans un contexte aussi volatile, il faudra s’appuyer sur des priorités fermement définies. Par exemple : préserver la biodiversité, ce patrimoine irréparable dont nous sommes complètement dépendants. Ou encore : ne pas oublier que rien ne pourra se faire sans les populations, et que cela implique une capacité à débattre collectivement de choix complexes. Derrière tout cela, le maître mot restera certainement celui de l’éducation, seul garant de la démocratie dans des conditions difficiles. Acteurs de l’économie - La Tribune 79
exeCocmuptreinvdere.eRmUBR-IlQyUoE nDE.NcOoMmtransformezvotre aveniravecemlyonbusiness schoolPROGRAMMES DE FORMATION CONTINUEPOUR MANAGERS & DIRIGEANTSProgrammes courts - Certificats - MBA - DiplômesProgrammes intra-entreprises et sur-mesureLYON . SHANGHAI . SAINT-ETIENNE . CASABLANCA . PARIS*Les entr8e0preAnecutersusrosndtedel’séccroénatoemurise. N-oLuas Tcrréibounns edes entrepreneurs. **Entrepreneurs visionnaires. Centre pour le Développement du Management Entrepreneurial - C.D.M.E. NSo°c13ié5téMpaari 2ac0t1io7nssimplifiée au capital de 4.352.710 euros - Siège social : 23 avenue Guy de Collongue - 69130 ECULLY - 505 388 017 RCS LYON. Copyright : Gettyimages - Mise en page : K-zen
EXTRATERRESTREHÉLÈNE COURTOIS, astrophysicienne PORTRAIT Comprendre « Qui sommes-nous ? », « Où vivons-nous ? », « Com- ment en sommes-nous arrivés là ? » : ces questionne- © Laurent Cerino / Acteurs de l’économieActeurs de l’économie - La Tribune 81 ments me passionnent au point d’essayer de trouver des réponses dans les galaxies pour connaître l’ori- gine de l’homme. Explorer, c’est aussi chercher la vie ailleurs, ce que la science n’a encore jamais trouvé. Et pourtant, nous y parviendrons un jour. La science, c’est l’espoir ! C’est expliquer ce que nous voyons, ce que nous vivons. Mais la science, c’est aussi l’erreur. Elle fait partie de nous et doit être admise, y com- pris dans le milieu scientifique. Cela m’est arrivée et pourrait m’arriver encore. Il ne faut pas avoir peur de le dire et continuer à avancer avec bienveillance et sincérité. » TRANSMETTRE « Transmettre le savoir et forger un esprit de curio- sité et de critiques doit constituer l’essence même de l’éducation de notre jeunesse. Comprendre l’univers dans lequel nous vivons et celui qui nous entoure ne nécessite pas les 11 années d’études d’astrophysique que j’ai dû faire, ni d’être astronaute. L’humain est extraordinaire ! Saisissons cette chance pour lui faire passer des messages. Nous, scientifiques, devons parvenir à transmettre le savoir. C’est notre devoir, notre mission. Ce que j’inculque à mes étudiants de l’université Lyon 1, et aux jeunes du Planétarium de Vaulx-en-Velin. Les connaissances, mes décou- vertes, ne m’appartiennent pas. Elles sont à tous et ne doivent pas rester sur un disque dur. Il est fonda- mental de donner à l’autre et d’échanger pour que chacun connaisse sa place dans le monde. » EXPLORATRICE « Être la première à poser mes yeux sur une nouvelle galaxie et la répertorier sur ma carte procure le même sentiment que celui qu’un explorateur doit ressentir lorsqu’il découvre de nouvelles espèces, de nou- veaux territoires. L’émerveillement et l’excitation de la découverte vous enivrent. Le vertige d’avancer dans la connaissance de l’humanité est exaltant. Carto- graphier l’univers et les galaxies demande de la pré- cision, un travail méticuleux pour un résultat qui peut se révéler extraordinaire. Savoir d’où l’on vient nous révèle comment protéger notre vie et notre environ- nement. Sans les scientifiques, nous n’aurions pas atteint le niveau de connaissance qui est aujourd’hui le nôtre. »N°135 Mai 2017
Comprendre JEUNES ÉLECTEURSJEUNES ÉLECTEURS82 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
JEUNES ÉLECTEURS ComprendreEXTRÊME LIMITE ENQUÊTE, ANNE BIDEAULT Acteurs de l’économie- La Tribune explore à travers une série de trois reportages la manière dont la jeunesse française, dynamique, énergique et combative, néanmoins très absente du débat politique et pour partie séduite qui par l’abstention qui par le vote extrémiste, s’engage pour bousculer l’ordre établi. Focus sur les moyens qu’elle emploie pour espérer peser lors des prochaines élections présidentielles. Acteurs de l’économie - La Tribune 83 Elsa, 27 ans.N°135 Mai 2017 © iStock by Getty Images © iStock by Getty Images
Comprendre JEUNES ÉLECTEURS« L’avenir ma génération Laure, 21 ans, est étudiante en master 2m’inquiète. bénéficie d’une de ressources humaines. Elle affirme queMa situation est retraite. Le beaucoup de jeunes de son entourage vote-loin d’être celle monde du travail ront comme elle aux prochains scrutinsde mes parents est de plus en présidentiel et législatif, mais elle sou-et de mes plus exigeant, ligne qu’il n’est pas simple de l’affirmergrands-parents à mais les contre- publiquement : « Cela reste encore tabou. »mon âge. parties sont Ce constat, nous l’avons fait également :Le contexte maigres. J’ai une hormis ceux qui s’inscrivent dans unea beaucoup vision du futur démarche militante, il n’est pas aisé dechangé. Vous assez grise. faire témoigner des jeunes qui acceptent deavez beau faire Je me dis : « Cette parler de leur intention de vote en faveurdes études, façon de gérer de l’extrême droite.cela ne porte la société ne Ceux qui optent pour l’autre côté depas forcément fonctionne pas. l’échiquier, à l’inverse, sont plus diserts.ses fruits Alors pourquoi ne Ainsi Coline, 19 ans, en double licenceen termes pas essayer autre droit et économie s’apprête à voter pourd’emploi ou de chose ? » Aussi la première fois en avril à l’occasion d’unsalaire. En tant suis-je suis scrutin national. « Je me suis rendue à uneque femme, je quasiment sûre réunion publique du NPA. Cela correspondsais que je serai de voter FN à la aux valeurs que je porte et à mes envies pourmoins bien payée présidentielle. le futur. Philippe Poutou n’appartient pas àqu’un homme. Pour moi, c’est cette classe politique qui gouverne depuis tropJe doute que une façon de longtemps. Je me sens plus proche de lui que taper du poing d’un politicien loin de tout, jamais confronté à84 Acteurs de l’économie - La Tribune sur la table et la vie que vit la majorité des Français. » Ten- de marquer tée par les extrêmes la jeunesse française ? mon méconten- Alors que François Hollande était le can- tement. » didat de la jeunesse aux présidentielles en 2012, avec 28 % des voix des 18-25 ans au 1er tour, selon l’Ifop, les jeunes électeurs se sont tournés vers le Front national lors des scrutins suivants en lui accordant le tiers de leurs voix. Sauf que les jeunes qui votent sont rares. Il est donc plus exact de dire que le premier parti de la jeunesse, c’est l’abstention. Ainsi, selon un sondage Ifop réalisé pour l’Anacej (Association natio- nale des conseils d’enfants et de jeunes) dans le courant du mois de mars 2017, un jeune sur deux prévoit de ne pas aller voter (ils étaient 70 % à s’être déplacés en 2012) lors des prochains scrutins. L’élection pré- sidentielle ne semble donc plus représenter l’évènement incontournable de la vie poli- tique française pour les jeunes de 18 à 25 ans, bien moins mobilisés que l’ensemble du corps électoral français (63 %). Au final, l’Anacej souligne donc que, proportionnel- lement, les jeunes ne votent pas plus pour le FN que le reste de la population. En y mêlant abstention et vote au premier tour à l’occasion des régionales 2015, le vote des 18-25 ans a moins contribué au score des listes du Front national que celui des 25-49 ans. Si les jeunes avaient voté mi-mars, les résultats s’afficheraient comme suit : abs- tention en haut du podium, puis Marine Le Pen et Emmanuel Macron à égalité (28 % des intentions de vote chacun), suivis par Jean-Luc Mélenchon et Benoît N°135 Mai 2017
Hamon (environ 15 % des intentions de « Je suis quasiment JEUNES ÉLECTEURS Comprendrevote chacun). « La jeune génération ne fait sûre de voter FN portée de la plupart des jeunes. Un jeunequ’accentuer des tendances que l’on constate à la présidentielle. sur quatre est sans emploi, 80 % à 90 %dans les autres âges de la vie », note Cécile Pour moi, c’est une des premières embauches sont des contratsVan de Velde, sociologue spécialiste des façon de taper du précaires, et il n’est pas rare que les tren-jeunesses et auteure de Sociologie des âges poing sur la table tenaires fassent encore office de variablesde la vie (Armand Colin, 2015). Comment et de marquer mon d’ajustement dans l’entreprise. Consé-expliquer ces choix ? mécontentement. » quence : le sentiment de trahison grandit. « On nous promettait un effet papy-boom,DÉCEPTION Laure, 21 ans, déplore Mathias Thépot, mais il n’a pas euLe journaliste Mathias Thépot fait partie étudiante en master 2 lieu. » Pour lui, le vote en faveur de l’ex-de cette génération : il a 29 ans. Avec son de ressources humaines trême droite et l’abstention sont le signe duconfrère Thomas Golovodas, il vient de rejet d’un système politique qui ne garantitpublier un livre au titre explicite : Mani- pas à la jeunesse une place dans la société.feste d’une jeunesse trahie (Bayard, 2017). La déception est d’autant plus grande queCe livre, il le voit comme une tentative de la jeunesse était une priorité du candidat« déculpabiliser sa génération : elle n’est pas Hollande. Durant la dernière campagneresponsable de tout ce qui lui arrive, mais elle a présidentielle, il déclarait : « Est-ce que lesle devoir de réfléchir, de douter, de critiquer ». jeunes vivront mieux en 2017 qu’en 2012 ?Il explique les choix électoraux de ses pairs Je demande à être évalué sur ce seul enga-par le fait que « beaucoup » leur a été pro- gement, sur cette seule vérité, sur cette seulemis, sans qu’aucun résultat concret n’ait été promesse ! » Selon un sondage commandéaujourd’hui obtenu. Ainsi, dans un monde en avril 2016 par l’Anacej à l’Ifop, 85 % desoccidental focalisé sur la réussite indivi- 18-25 ans estiment que cet engagement n’aduelle mesurée à l’argent gagné, satisfaire à pas été tenu. Les mesures effectivementl’injonction à être heureux, tant profession- prises par le gouvernement en faveur denellement que personnellement, est hors de la jeunesse (contrats d’avenir, de généra- tion, développement de l’apprentissage,Ce n’est pas le discours xénophobe qui séduit les jeunes électeurs, majoritairement plus ouverts et plus tolérantsque l’électorat classique du FN, mais la rhétorique populiste. © Fred Marvaux / RéaN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 85
55 % des jeunes déclarent que « la politique est importante dans leur vie » et se disent plus « révoltés » que « résignés ».Comprendre JEUNES ÉLECTEURS © Olivier Saint-Hilaire / Haytham-Réa« Je rêve d’une société où l’on vivrait davantage ensemble, entre lesdifférents milieux et les différentes générations, pour nous ôter cette peurde l’autre. C’est utopiste, et alors ? »Coline, 19 ans, en double licence droit et économieélargissement du service civique, etc.) implosera », prédit Anthony, 21 ans, militant « L’affaire Fillon, c’est le sommet ! Les Fran-demeurent peu connues et n’ont pas su du Front national en licence professionnelle çais devraient avoir davantage de respect pourcréer un appel d’air suffisant pour enrayer à l’IUT de l’université Lyon I. eux-mêmes ! » Il n’est pas étonnant que lesle sentiment de déclassement qu’éprouvent Plus d’un jeune sur trois ne se reconnaît mouvements de contestation – tels Nuitnombre de jeunes vis-à-vis des générations pas dans l’offre politique actuelle, jugée debout, en France, et d’autres en Europequi les précèdent. « Pour moi, la société ne « en décalage ». Dès lors, pourquoi se – appellent, entre autres, à un changementprête pas assez attention aux jeunes, déplore déplaceraient-ils aux urnes ? Alors que des règles du jeu politique et militent pourColine, alors que tout investissement en chez leurs aînés, voter est encore souvent une VIe république.faveur de la jeunesse portera forcément des considéré comme un devoir de citoyen, De cette défiance, les uns déduisent quefruits ! Je trouve que, non seulement, la société les électeurs les plus jeunes y voient un le plus constructif est de s’abstenir. L’abs-ne nous fait pas de place, mais qu’en plus, elle droit, que l’on peut ou non exercer, selon tention n’est pas, ici, synonyme d’in-ne nous prépare pas assez à celle que l’on s’ap- l’utilité que l’on y trouve. « Ce qui est très différence, mais elle doit être envisagéeprête à prendre. Je rêve d’une société où l’on net chez cette génération-là, c’est son extrême comme un choix politique revendiqué,vivrait davantage ensemble, entre les différents défiance vis-à-vis de la politique représenta- une sanction. Les autres se tournent versmilieux et les différentes générations, pour tive », constate Cécile Van de Velde. Face la candidate qui manifeste le plus fort sonnous ôter cette peur de l’autre. C’est utopiste, à un système politique qui ne leur semble côté antisystème, Marine Le Pen. « J’aiet alors ? Quand on poursuit un objectif trop ni transparent, ni éthique, ni représen- commencé à m’intéresser à la politique lorsélevé, au moins, on avance ! » tatif, mais corrompu et tournant sur lui- de la précédente élection présidentielle, en même, les jeunes appellent de leurs vœux 2012, l’année de mes 17 ans. Dès ce moment,DÉFIANCE le renouvellement de la classe politique, et Marine Le Pen a retenu mon attention et j’aiLa classe politique ne parvient pas à donner l’évolution des pratiques démocratiques : pris ma carte au Front national. Elle incarneaux jeunes le sentiment qu’ils sont écou- transparence, non-cumul des mandats, tout ce que les autres n’incarnent pas. Elletés, pris en considération, bref, représentés. probité, participation. « J’ai le sentiment que parle comme nous parlons tous les jours, elle« En tant qu’étudiant, je me sens comme un tous les jours, on apprend qu’il y en a un qui a n’a jamais été au pouvoir, ni à la tête d’unoublié, comme un enfant à qui on dit : « Ça embauché son fils ou sa fille. Ils le font tous ! », ministère, elle a vraiment quelque chose àva passer… ». Je ne pense pas que le système s’indigne Laure, qui se choisit donc de se offrir », avance Anthony. Même s’il aug-actuel soit viable. Si ce n’est pas lors de cette tourner vers le FN. À l’autre bout de l’échi- mente son influence dans tous les milieux,élection présidentielle, dès la prochaine, il quier, la révolte de Coline lui fait écho : le Front national continue de glaner ses86 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
JEUNES ÉLECTEURS Comprendresuffrages particulièrement chez les jeunes « En tant qu’étudiant, je me sensles moins diplômés et les moins favorisés comme un oublié, comme un enfantsocialement. Pour Cécile Van de Velde, ce à qui on dit : « Ça va passer… ». »n’est pas le discours xénophobe qui séduitles jeunes électeurs, majoritairement plus Anthony, 21 ans, en licence professionnelleouverts et plus tolérants que l’électoratclassique du FN, mais la rhétorique popu- vis-à-vis du politique. Le « PRAFiste », génération porte en elle des valeurs ultra-dé-liste, sur le mode « de colère à colère, d’émo- pour « celui qui n’en a plus rien à faire », mocratiques : autonomie, éthique, écologie,tion à émotion ». Mathias Thépot lit aussi a perdu espoir en la politique et, selon le solidarité ». Elle rejette avec vigueur toutedans ce rejet du système un fruit de l’his- politologue, les moins de 35 ans seraient les action politique qui nie aux citoyens latoire du pays : « Les jeunes Grecs ou Portu- plus touchés par ce phénomène. De fait, le possibilité de s’exprimer, comme cela a étégais du même âge que moi sont très choqués sentiment que cette élection présidentielle, le cas lors de l’usage de l’article 49-3 de lapar la montée du Front national en France. et donc leur vote, ne changera rien à leur constitution pour le passage en force dePour eux, la démocratie et la paix ne sont situation et à celle de la société en général la loi travail en mai 2016. Mais son actionpas structurelles. Leurs parents ont combattu est l’une des principales raisons invoquées politique, la jeunesse la joue surtout surpour les libertés fondamentales. Alors que les pour justifier le choix de s’abstenir. d’autres scènes. Nouveaux modes deFrançais nés au début des années 1990 n’ont Pour autant, d’autres observateurs se consommation, participation aux débatsconnu que la paix, tout comme leurs parents, refuseraient à appliquer le néologisme de publics, occupation de lieux, et – y com-et parfois même leurs grands-parents. Ils ne Brice Teinturier pour qualifier les jeunes, pris à l’échelle internationale – pétitionsmesurent pas les risques. » car ils soulignent au contraire « le très fort en ligne et boycotts, la jeune génération désir de démocratie » de cette génération. choisit ou invente des modes d’engage-« NE RIEN LÂCHER » 55 % des jeunes déclarent d’ailleurs que ment citoyen qui lui sont propres. Bref, siDans son livre Plus rien à faire, plus rien « la politique est importante dans leur vie » la façon de faire ne prend pas une formefoutre, la vraie crise de la démocratie (Robert (étude Anacej), et se disent plus « révoltés » classique (adhésion à un parti politiqueLaffont, 2017), Brice Teinturier, directeur que « résignés ». Faut-il le rappeler, rare- ou à un syndicat), le désir de peser sur lagénéral délégué de l’institut de sondage ment une génération a été aussi éduquée. société est bien là. Et il constitue un acteIpsos, fait lui aussi le lien entre la difficulté Et, renchérit Cécile Van de Velde, « cette politique.d’insertion dans la société et la distanciationVENT DE FRAICHEUR SUR 8 MONT-BLANC ... ... LAISSEZ-VOUS SURP R ENDRE ... WWW.8MONTBLANC.FR CANAL 31 DE LA TNT CANAL 30 SUR LES BOXN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 87
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BANQUE SUISSE ComprendrePringy Annecy-le-Vieux Annecy Meythet Seynod Cran-Gevrier © DR / Ville d’AnnecyCOMMUNE NOUVELLED’ANNECY DOSSIER, DIDIER BERTLE GRAND SAUTN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 89
Comprendre COMMUNE NOUVELLE D’ANNECY près toute élection, les citoyens ont beau jeu de vérifier si leurs élus tiennent leurs promesses de campagne. À mi-mandat de leurs élus municipaux, les électeurs d’Annecy, Cran-Gevrier, Annecy-le-Vieux, Meythet, Pringy et Seynod peuvent voir les choses à l’en- vers. Lors de la campagne électorale des élections municipales de 2014, en effet, Aaucune liste candidate dans ces com- munes n’envisageait de projet de fusion territoriale dans son programme. Pourtant, trois ans plus tard, ces six municipalités ne forment plus qu’une. Depuis sa fusion avec cinq communes voisines, e ective au 1er janvier 2017, la discrète Annecy accède au 6e rang des villes d’Auvergne-Rhône-Alpes. Décidée et réalisée en un temps record, cette union territoriale qui prend provisoirement le nom de Commune nouvelle d’Annecy pourrait bien constituer la première étape d’un processus aboutissant à la création d’une métropole de premier ordre au niveau régional. À condition toutefois d’aplanir les tensions rencontrées lors de sa mise en œuvre au forceps et d’apporter la démonstration du bien-fondé économique. « La Commune nouvelle Jean-Luc Rigaut, maire de l’ancienne commune d’Annecy, élu en d’Annecy s’affirme face janvier à la tête de la Commune nouvelle d’Annecy – baptisée ainsi provisoirement –, aurait fait preuve d’un volontarisme reconnu à l’aire urbaine de Genève par tous, fervents partisans ou acerbes critiques de la méthode et ses 900 000 habitants. employée. Le projet aurait pu bénéficier du gel des dotations de l’État, octroyées aux communes fusionnées, mais cette opportu- Sa taille et son système nité a fait long feu. Le maintien des dotations n’a finalement été productif autonome vis-à-vis accordé qu’aux communes de moins de 10 000 habitants. Mais les arguments en faveur de la fusion annécienne ont fini par surpasser de sa voisine helvète lui cette déconvenue. permettent de dialoguer À l’origine de l’initiative, la création de la communauté d’agglomé- plus ou moins d’égal à égal ration du Grand Annecy, au 1er janvier 2017, a constitué la rampe de lancement de la fusion. Cette nouvelle intercommunalité réunit avec cette dernière » désormais la communauté d’agglomération d’Annecy et les com- munautés de communes du pays d’Alby-sur-Chéran, du pays de la90 Acteurs de l’économie - La Tribune Filière, de la rive gauche du lac d’Annecy et de la Tournette. Une entité neuve, qui rassemble pas moins de 43 communes et totalise 200 000 habitants, soit 25 % de la population de la Haute-Sa- voie et près du tiers de ses emplois. Avec la création du Grand Annecy, qu’il préside également, Jean-Luc Rigaut visait à équilibrer les relations entre ce nouveau géant et la préfecture du département haut-savoyard. « Je crois beaucoup au couple commune-intercommu- nalité dans un rapport équilibré, explique-t-il. Cela implique que la ville-centre soit puissante et s’appuie sur un territoire aggloméré fort, avec une création de solidarités entre les deux. » À chacun son rôle. L’agglomération coordonne et structure son bassin de vie en usant de ses compétences en matière de développement économique, de transport, d’aménagement du territoire et d’environnement. Quant aux communes, elles s’occupent des services de proximité, sur le plan du sport et de la culture, notamment. « Néanmoins, celles-ci doivent être assez solides et organisées pour porter ces équipements », soutient l’élu. N°135 Mai 2017
COMMUNE NOUVELLE D’ANNECY ComprendreEN QUÊTE DE REPRÉSENTATIVITÉ par Guy Métral, président de la chambre de commerce et d’indus-En fusionnant avec ses cinq voisines, Annecy souhaitait affirmer sa trie de la Haute-Savoie. Lui qui dénombre 11 400 entreprises etplace dans un nouvel ensemble de grande taille. Ce qui explique 67 300 emplois dans la nouvelle commune soutient que la Ville seaussi pourquoi Pringy a fusionné dans le nouvel ensemble et est donne les moyens de gagner en visibilité, mais aussi de soutenirle seul village à l’avoir fait. Les cinq autres participantes sont en son dynamisme économique. La Commune nouvelle d’Annecy doiteffet urbaines ou péri-urbaines. « Le regroupement des établissements pouvoir satisfaire sa démographie en constante croissance avec lapublics de coopération intercommunale (EPCI) constitue le fond du débat, construction de nouveaux logements, le déploiement de transportssouligne Jean-François Piccone, maire de Pringy jusqu’à la fusion collectifs, d’équipements et de services publics, souligne-t-il, enet désormais maire délégué de Pringy au sein de la Commune nou- étendant ce bénéfice à l’ensemble de la population du département.velle d’Annecy. Dans ce Grand Annecy, les petites communes comme « Cette fusion conforte toute la Haute-Savoie, affirme Guy Métral.la nôtre bénéficient de davantage de poids et de représentativité au sein Pour le directeur de Citia, Patrick Eveno, « le diagnostic des poli-du nouvel ensemble. » Pringy, qui comptait pour un treizième de la tiques était le bon ». L’organisateur du Festival international du filmcommunauté d’agglomération d’Annecy en termes de population, d’animation croit qu’il ne faut pas minimiser la portée symboliqueaurait été noyée au milieu des 43 communes du Grand Annecy, de cette fusion. « Quand des festivaliers venus de 80 pays arrivent ici,précise Jean-François Piccone. « Elle qui comptait un vice-président ils s’étonnent toujours que ce soit une aussi petite ville qui héberge un teldans l’agglomération et qui en compte un dans le nouveau Grand Annecy, événement, affirme-t-il, avec la conviction que la nouvelle Annecyn’aurait pu, sans la Commune nouvelle d’Annecy, obtenir de membre parviendra plus facilement à se positionner à l’international. Attirerdans le nouvel exécutif », poursuit-il. Même si la représentativité est la lumière sur Annecy profitera à tout le département. »maintenue, y-a-t-il eu la crainte que l’identité propre à la ville se Concrètement, la fusion octroie davantage de moyens à certainsdissolve et s’efface ? « Tous les citoyens du bassin d’Annecy, quand ils se outils de développement économique. Initiative Grand Annecy pré-trouvent à Lyon, disent habiter à Annecy », balaie Jean-Luc Rigaut. La voit déjà d’augmenter le nombre d’entreprises soutenues, affirmerevendication d’une identité annécienne a donc préfiguré l’union Arnaud Busquet, président de l’organisme local d’aide à la créationcommunale. « Nous avons juste dit : faisons-le ! » et à la reprise d’entreprises. « La nouvelle agglomération nous a octroyéGAIN DE VISIBILITÉ des fonds supplémentaires afin de couvrir un territoire plus important »,Cette image véhiculée sur l’ensemble du territoire Auvergne-Rhô- précise-t-il. Au-delà d’une visibilité accrue recherchée en Auvergne-ne-Alpes et à sa capitale, Lyon, est précieuse pour le maire de la Rhône-Alpes, la Commune nouvelle d’Annecy améliore aussi sonCommune nouvelle d’Annecy et président du Grand Annecy. « Il est positionnement vis-à-vis du voisin suisse. « Elle s’affirme face à l’aireimportant que ce couple solide pèse à la Région. » Une vision partagée urbaine de Genève et ses 900 000 habitants, observe le chercheur. Sa taille et son système productif autonome vis-à-vis de sa voisine helvèteN°135 Mai 2017 lui permettent de dialoguer plus ou moins d’égal à égal avec cette der- nière », analyse Jacques Lévy, professeur de géographie à l’École polytechnique fédéral de Lausanne (EPFL) et co-auteur d’une étude sur l’identité annécienne, commandée par le comité local de déve- loppement d’Annecy. La Commune nouvelle d’Annecy ferait ainsi figure de modèle en France : jamais une commune aussi importante n’avait été constituée par fusion de communes... et en aussi peu de temps. Seul exemple comparable, la communauté d’agglomération du Pays Basque, qui regroupe 310 000 habitants, mais ne compte pas de commune fusionnée à l’échelle de celle d’Annecy. UNE CULTURE POLITIQUE PARTICULIÈRE Il s’agit bien de l’identité locale qui semble avoir été le facteur de cette réalisation rendue possible en moins de trois ans. « La scène politique locale est autonome depuis longtemps, avec des élus qui ne se contentent pas de l’utiliser comme un tremplin vers l’échelle régionale ou nationale, observe Jacques Lévy. Jean-Luc Rigaut, acteur prin- cipal de cette fusion, concentre son énergie au niveau local, comme le faisait son prédécesseur Bernard Bosson. » À cette vision s’ajoute la capacité locale de créer un consensus, « plus qu’ailleurs, selon le chercheur. Pourtant, partout on voit l’intérêt de fonder un espace plus pertinent en matière de bassin d’emploi, de transports, etc. Mais on y voit aussi parallèlement surgir des oppositions sur fond de rivalités politiques ou de personnes ». Cette capacité de dialogue relève d’une culture politique locale, à l’image du style suisse, poursuit le cher- cheur. « L’orientation donnée vise à la résolution de problèmes. Cette approche est plus pragmatique et moins conflictuelle que dans le reste de la France. » Néanmoins, la fusion a fait naître son lot d’inquié- tudes et des voix discordantes sont montées au créneau critiquant la rapidité à laquelle celle-ci a été mise en oeuvre. « Sur le fond, la fusion est une bonne idée. Elle manque cependant de légitimité démo- cratique, critique Denis Duperthuy, président du premier groupe d’opposition Avec vous, Annecy pour tous (divers gauche). Les équipes Acteurs de l’économie - La Tribune 91
Comprendre COMMUNE NOUVELLE D’ANNECY« En 2014, aucune liste candidate dans ces communes n’envisageaitde projet de fusion territoriale dans son programme. Pourtant,trois ans plus tard, ces six municipalités ne forment plus qu’une »majoritaires des différentes communes n’avaient pas été élues pour cela. » reconnaît l’importance de réaliser des économies mais, prudent,« Effectivement, nous ne le savions pas lors des élections municipales de attend de voir avant d’y croire. « Il faut commencer par un projet opé-2014, reconnaît Jean-Luc Rigaut. Mais depuis, l’État a drastiquement rationnel, avec un calendrier de réalisation année par année », soutientbaissé ses dotations. La fusion permet de compenser cette diminution en celui qui affirme également se méfier de l’éloignement du centre deréalisant des économies d’échelle dans la durée. Nous avons été élus pour décision inhérent à une telle fusion.six ans avec une ligne de conduite. Nous avons assumé notre charge en À quelques kilomètres, le constat est le même. Comparable à Poisy,tenant compte de cette évolution. » Néanmoins, lorsque Denis Duper- Épagny Metz-Tessy est elle-même le résultat de la fusion d’Épagnythuy avance l’idée que les débats auraient pu se dérouler jusqu’aux et de Metz-Tessy depuis le 1er janvier 2016. Un an avant la fusionprochaines élections municipales de 2020 dans le but d’optimiser annécienne, l’opportunité de rejoindre cette dernière n’a pas étél’organisation matérielle des services et améliorer la gouvernance, retenue. Il faut dire que le rapprochement des deux communesJean-François Piccone prône la résolution des problèmes au fur et à est le résultat d’une longue route en commun. Dès 1974, les deuxmesure qu’ils surviennent. « Il faut savoir avancer, affirme l’élu. Vous communes créaient un club sportif intercommunal. Puis est venuepouvez discuter des semaines et des mois, des petites choses déplairont l’heure de l’école de musique unique, avant celle de la crèche com-toujours. » L’opposition s’inquiète donc des choix politiques opérés mune. L’église, le gymnase et le service de police ont tous été misau prétexte qu’il faudrait aller vite. en commun avant même la fusion officielle « fruit d’une longue histoire commune », illustre Roland Daviet, son maire. En 2014, leÉCONOMIES projet est annoncé durant la campagne des élections municipales.Lors de sa constitution, la Commune nouvelle d’Annecy a choisi « La diminution des dotations de l’État a précipité la concrétisation »,de ne pas retourner devant les électeurs, préférant conserver tous souligne Roland Daviet, qui précise que 175 000 euros étaient déjàles élus de chaque commune, avec la satisfaction assurée de ne pas économisés par cette mise en commun chaque année depuis 2005,multiplier les mécontents, en attendant les prochaines élections qui quand un syndicat intercommunal a été créé, notamment pourverront chuter le nombre de conseillers municipaux à 59, contre rationaliser le foncier. Quant à rejoindre la Commune nouvelle202 actuellement. « Pour faire plaisir aux élus, chacun d’entre eux a d’Annecy, dont la trajectoire préliminaire a été bien plus courte,été maintenu dans sa petite chapelle, ce qui conduit aujourd’hui à avoir Roland Daviet se montre nuancé. « Nous ne sommes pas contre l’idée66 maires adjoints », relève l’élu opposant. Aussi Thierry Cusin, de fusionner, mais comment expliquer à nos concitoyens que nous avonsdélégué du syndicat autonome de la ville d’Annecy, fulmine-t-il : prévu une commune nouvelle et que les cartes changeront de main du jour« Cette fusion s’opère sur le dos des agents municipaux. » Puisque les au lendemain ? »communes ont voulu faire des économies, pourquoi ne pas avoir Derrière l’angélisme de la création de la Commune nouvellecommencé par réduire le nombre d’élus, interroge le responsable Annecy des interrogations demeurent toujours et devrait alimentersyndical qui assène d’autres critiques, relatives aux choix qui se les débats à venir. La rapidité d’exécution de la fusion faisant de cetfont « dans un contexte économique difficile. » Sur le marché immo- ensemble un colosse fragile.bilier du bassin annécien, un des plus chers de France, « certainsagents n’ont plus les moyens de se loger », s’inquiète-t-il. Depuis le 1erjanvier, les agents municipaux ne peuvent plus obtenir d’avance surleur 13e mois auprès du groupement de solidarité, l’équivalent d’uncomité d’entreprise. « Ils se font proposer des crédits avec intérêts. » Etc’est sans compter la suppression de jours fériés locaux, comme lesquatre jours octroyés dans le passé par le maire de Cran-Gevrier...Au bout du compte, c’est la privatisation de services que craint leresponsable syndical, qui regarde du côté d’Annecy-le-Vieux, com-mune du maire délégué Bernard Accoyer. « Tout est en délégation deservice public chez lui. »UNE APPROCHE CRITIQUÉE Jean-Luc Rigaut, maire de la © Gilles PielCes difficultés n’étonnent pas les maires des six communes voisines Commune nouvelle d’Annecy.(Argonay, Chavanod, Épagny Metz-Tessy, Montagny-les-Lanches,Poisy et Quintal), qui ont fait le choix de demeurer en dehors duprocessus de fusion au printemps 2015, qualifiant le projet de « pré-cipité ». Aujourd’hui, le maire de Poisy, Pierre Bruyère, ne fermepas la porte à une éventuelle entrée dans la nouvelle commune…mais plus tard. « Il faut que nous soit donnée l’envie de la rejoindre.Alors nous irons », lance-t-il, ne voyant pas ce que sa commune de7 300 habitants aurait eu à gagner en termes d’équipements et deservices. « Les impôts de mes concitoyens allaient augmenter de 70 %pour le foncier bâti et de 30 % pour la taxe d’habitation. Certes, avec unétalement sur dix ans, mais il fallait proposer des services en contrepar-tie, pointe-t-il. Or, nous sommes déjà bien équipés à Poisy. » Le maire92 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
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Comprendre RUBRIQUE DE NOM94 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
CCI ComprendreCLUSTERSRÉSERVOIRSD’INFLUENCESÉRIE, STÉPHANIE BORG Acteurs de l’économie - La Tribune 95 © iStock by Getty ImagesN°135 Mai 2017
Comprendre CLUSTERSClusters, pôles de ès la création d’Elsalys Biotech, en Les entreprises poussent d’abord lacompétitivité, grappes 2013, Christine Guillen, la fondatrice porte d’un cluster pour « enrichir leurd’entreprises... entrepreneurs de cette startup, rejoint sans hésiter le réseau ». Entendre ici, « pour booster leuret dirigeants y adhèrent pôle de compétitivité Lyonbiopôle (200 business ». « Être présent dans un clusterpour booster leurs a aires et adhérents). L’ancienne collaboratrice de à des effets concrets : on note une augmen-développer leurs innovations. Transgene (la startup est un spin-off du tation de 5 à 7 % du chiffre d’affaires desCes structures, devenues de laboratoire) connaît déjà, par ce biais, les entreprises adhérentes », rappelle Nico-véritables laboratoires d’idées activités du cluster. « Adhérer était une évi- las Millet, directeur de l’industrie, de laet groupes de réflexion dence, se souvient-elle. C’est une vraie force compétitivité et des territoires à la CCIau point de s’élever au rang pour combler le gap, une source d’échanges Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne.de think tanks régionaux, permanents, de liens, d’information. Cela L’institution, qui travaille actuellementconnaissent une m’a permis d’être mise en relation avec des à l’émergence de nouvelles filières (com-transformation singulière partenaires, de finaliser des projets scienti- munication, bureaux d’étude, cosméto-et constituent désormais fiques et de préparer mes levées de fonds. » logie, entreprises du patrimoine vivant)une indéniable source Notamment le projet à 10 millions d’eu- est déjà à l’initiative de plusieurs clus-d’influence. ros qui devrait aboutir au milieu de l’an- ters, dont certains devenus des pôles née 2017. Comme elle, plus de 70 000 nationaux, comme les clusters Lumière96 Acteurs de l’économie - La Tribune entreprises font partie des 200 clusters, (filière de l’éclairage, 170 adhérents) et 71 pôles de compétitivité et 127 grappes Eden (filière sécurité-défense). « En 2008, d’entreprises français (les chiffres varient nous étions un petit groupe d’entrepreneurs régulièrement en fonction des fusions). À qui voulions nous développer à l’export, se ce titre, la région Auvergne-Rhône-Alpes souvient Jean-Luc Logel, président du est l’une des premières contributrices, cluster Eden et de Centralp, fabricant de avec près de 50 structures actives. systèmes électroniques embarqués, mais surtout exister face aux grands groupes. » Aujourd’hui, le cluster regroupe 140 PME françaises (un milliard d’euros de chiffre d’affaires, 10 000 emplois en France) et favorise toujours la croissance de ses membres. « Je l’ai rejoint au moment où j’ai décidé d’ouvrir l’entreprise à d’autres mar- chés connexes. Je trouvais moins risqué de se développer par ce biais. Le cluster m’a permis d’apprendre les codes du secteur », souligne Guillaume Verney-Carron, directeur général du fabricant d’armes de chasse et fusils automatiques éponyme basé à Saint-Étienne. N°135 Mai 2017
CLUSTERS Comprendre« Le cluster, ESPRIT DE CONFIANCE Plus quec’est un état d’esprit Car il ne s’agit pas seulement de réaliser les affaires,collectif. S’entraider, des affaires pour soi. « Le cluster, c’est un la veilles’unir et se connecter état d’esprit collectif. S’aider les uns les autres, technologiquepour faire des s’unir et se connecter pour faire des choses et l’informationchoses ensemble. ensemble. Un cluster actif, c’est une commu- en abondanceUn cluster actif, c’est nauté de destin », analyse Jean-Philippe « constituentune communauté Ballaz, délégué du cluster Race (filière du une vraie richessede destin » offshore, 60 adhérents), également pré- intellectuelle sent lors de la création du cluster Eden. quandOUVERTURE Néanmoins, le fonctionnement repose l’appartenancePour les TPE-PME, qui constituent la sur un triptyque : bienveillance, intégrité à un clustermajorité des adhérents des clusters – et confiance. « Générer cette confiance est est envisagé commejusqu’à près de 95 % au pôle de compé- essentiel pour passer à l’action », renchérit une vie associative »titivité Mont-Blanc Industrie – « l’essentiel Jean-Marc André, directeur général duest de ne plus être seul, résume Laurence pôle de compétitivité Mont-Blanc Indus- LABORATOIRE D’IDÉES ET D’ACTIONSDumazer, cogérante d’Alpes Usinage, tries (315 adhérents), qui s’appuie sur une « L’autre vocation du cluster, c’est de com-fabricant de composants mécaniques charte de valeurs communes. Et qui, en prendre et d’anticiper les tendances. Il nebasé à Marnaz, en Haute-Savoie, et tré- marge de son activité, a lancé un « club faut pas avoir peur de sortir de son confortsorière de ce pôle. Il n’est pas facile d’exis- BouRSE » pour favoriser les échanges de thématique pour s’ouvrir à la diversificationter dans notre milieu, très concurrentiel. bonnes pratiques économiques non-mar- du marché », poursuit Xavier Roy. PourNos moyens sont différents, alors que l’exi- chands et basé sur la confiance. « Mal- aider les entreprises à collaborer, à fairegence du marché, de qualité et de prix est gré notre réseau de fournisseurs, il est très émerger l’innovation et de nouveauxla même pour tous ». C’est là, pour Xavier intéressant de pouvoir monter des projets concepts, la plupart de ces structuresRoy, directeur général de France Clus- avec des gens de confiance, en proximité », organise la mise en relation. Des atelierster, un réseau national de 150 pôles et souligne Philippe Geoffroy, adhérent de travail thématisés ponctuent leur quo-clusters français dont le siège se trouve et directeur de l’innovation technolo- tidien. « Tout l’art consiste à animer cesà Lyon, l’un des piliers de la nécessité de gique et de la propriété intellectuelle du réunions pour que du contexte de réflexionces lieux : « La principale valeur ajoutée groupe de domotique Somfy. Plus que émergent des actions et des projets. Il fautd’un cluster reste sa capacité à faire « sor- les affaires, la veille technologique et placer les bonnes personnes autour de latir la tête du guidon ses chefs d’entreprise. l’information en abondance « constituent table », estime Patrick Clert-Girard, délé-La majorité détient de petites unités. Ils ne une vraie richesse intellectuelle quand l’ap- gué général du cluster Lumière. Concrets,disposent pas toujours des ressources pour partenance à un cluster est envisagée comme pragmatiques, ces ateliers donnent lieuprendre le recul nécessaire. Et la principale une vie associative. Bien sûr, il faut s’investir, à de multiples initiatives, connexionsmotivation du chef d’entreprise est de sortir donner de son temps. Mais c’est nécessaire entre grands groupes et PME ou pro-de son isolement, de partager de l’informa- si l’on veut, en contrepartie, retirer de la jets inter-entreprises. Emmanuel Caël,tion, de mieux connaître et de s’intégrer dans substance », conclut Philippe Lespagnol, fondateur de Nature et Confort, adhé-son environnement. » Une ouverture amor- directeur général du spécialiste de la rent au cluster Lumière, a déjà imaginécée par le pôle de compétitivité Lyon- signalétique Lenoir Services et adhérent un produit en collaboration avec unebiopôle. Traditionnellement réservé aux au cluster Lumière. autre entreprise. Mais surtout, il vient deacteurs de l’innovation du secteur de la monter une conférence sur les enjeux desanté, le pôle a créé, début 2017, un statut l’éclairage naturel à Paris. « Sans le poidsde membre-associé. « Il s’agit d’un second et le réseau du cluster, il est évident que nouscercle de compétences et de structures, pas n’aurions jamais pu toucher et rassemblerdirectement pourvoyeur d’innovations, mais autant de monde. Seul, je suis inaudible »,qui porte un intérêt à nos activités. L’idée est estime le président de cette TPE de cinqde structurer un réseau d’acteurs apportant personnes. Les plus entreprenants sede l’expertise et des compétences nouvelles », lancent, quant à eux, dans l’organisationexplique Florence Agostino-Etchetto, de grandes journées collaboratives.directrice générale de Lyonbiopôle. Acteurs de l’économie - La Tribune 97N°135 Mai 2017
Comprendre CLUSTERS « Tout l’art consiste à animer des réunions pour que du contexte de réflexion émergent des actions et des projets. Il faut placer les bonnes personnes autour de la table », estime Patrick Clert-Girard, délégué général du cluster Lumière. © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie SOURCE D’INFLUENCE ? dans ce type d’organisation. « De par leur restent plus nuancés. « Nous ne sommes pas « Quel sera l’avenir du spectacle vivant ? » ; façon d’aborder les problématiques, certains se un think tank et n’avons pas vocation à l’être, « Peut-on articuler respect de la vie privée positionnent clairement comme des think tanks. modère Florence Agostino-Etchetto. Cela ne et développement des drones ? » ; « Com- Et faire remonter les besoins des entreprises veut pas dire que nous ne réfléchissons pas en ment travailler ensemble sur la santé pour influer les politiques publiques constitue interne, mais nous préférons porter l’innovation connectée ? » ; « Quelles perspectives pour une forme de lobbying », estime Xavier Roy. par l’action. » le marché de l’hydrogène en France et dans Ainsi, le cluster Eden a déjà contribué au Organismes vivants qui évoluent dans le monde ? » ; « Quelles prospectives sur Livre blanc de la défense et n’a pas hésité le temps, les clusters ont entamé leur les métiers pour les entreprises industrielles à monter au créneau en faveur du crédit mue. Face à des politiques publiques qui et leur attractivité auprès des jeunes ? ». impôt recherche dans l’industrie. « Nous déclinent, confrontés à la baisse des dota- Autant de sujets qui sont actuellement avons clairement réussi à faire évoluer le cadre tions publiques, jusqu’ici principaux finan- à l’étude dans les clusters de la région. législatif et influencé les mesures nécessaires ceurs, ils ont inventé, à coup de fusions, « Depuis 10 ans, ces structures mélangent pour développer les industries de défense », d’associations, de multiplications de ser- petites et grandes entreprises, créent une vraie assure Jean-Luc Logel. Quant au cluster vices et de lieux d’accueil, leur propre chaîne de valeur, ouvrent de sérieux débats Lumière, il est à l’origine de l’émergence du modèle économique. Prémices, peut-être, et sont des lieux de réflexion sur l’avenir », label national Certiled de certification des à leur véritable indépendance d’esprit. Et estime un consultant habitué à intervenir performances des luminaires LED. D’autres gage de leur capacité d’influence. 98 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
RUBRIQUE DE NOM ComprendreN°135 Mai 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 99
Comprendre AUDIOVISUEL PUBLIC SUISSE© RTS / Philippe Christin 100 Acteurs de l’économie - La Tribune N°135 Mai 2017
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