ÉVIAN-THONON-GAILLARD FOOTBALL CLUB EntreprendreFranck Riboud, PDG du groupe Danone© Laurent Cerino / Acteurs de l’économie L’Évian-Thonon-Gaillardjusqu'en 2014. © Jean-Paul Thomas / Thomas-Picturessaura au plus tard le 13 mai s’il demeure en Ligue 2. © ETG FC - Serge Deville Julian Dupraz (à gauche), directeur des services du club, Pascal Dupraz, son père, entraineur et directeur sportif, et Patrick Trotignon, président ont tous les trois été débarqués par le duo Bakhtiar - Tumbach entre 2014 et 2015.sonné comme une reconnaissance dans le ces deux types qui étaient prêts à mettre de et intérêts pour préjudice moral. En marsfootball français. La même année, les diri- l’argent », affirme l’un des actionnaires, 2014, trois mois après l’éviction de Patrickgeants menaient campagne pour obtenir la cité à l’époque par l’hebdomadaire local Trotignon, que le duo Bakhtiar-Tumbachconstruction d’un stade. Le débat consis- Le Messager. remplace par Joël Lopez, Franck Riboudtait alors à trancher entre la réalisation de Une fois le club installé en Ligue 1, le duo décide le retrait progressif du groupetravaux au parc des sports d’Annecy ou n’entend pas laisser la place à de nouveaux Danone de la structure. Le sponsoring del’édification d’une nouvelle enceinte. entrants. Les rapports se tendent et se l’équipe professionnelle est abandonné, distendent entre les partisans de Franck mais la multinationale s’engage à main-CONFLIT D’ACTIONNAIRES Riboud et le duo Bakhtiar - Tumbach, tenir son soutien à la section amateur« C’est après que cela s’est gâté, relate Marc détenteurs respectivement de 42 % et de jusqu’en 2017. Le groupe n’était lui-mêmeFrancina. Franck Riboud aurait souhaité 16 % du capital de Haute-Savoie Football pas actionnaire du club.ouvrir le capital pour le répartir au sein d’un Développement (HSFD), la holding duregroupement d’actionnaires. Mais cela ne s’est club. Selon les partisans de Franck Riboud, LE DÉPART DES HISTORIQUESpas fait. » Les deux actionnaires principaux, un pacte tacite avait été conclu, mais faute Entre-temps, Esfandiar Bakhtiar etEsfandiar Bakhtiar et Richard Tumbach, de pacte formel d’actionnaires, les majori- Richard Tumbach rachètent les parts depatron de Trigenium, une entreprise taires sont restés en position de force. Trois 34 autres actionnaires, arrivés au clubd’Annecy spécialisée dans la gestion des semaines exactement après que l’ETG FC avec Franck Riboud, contre un chèquedéchets, refusent de céder le contrôle. Les ait fêté son tout nouveau centre d’entraî- d’un montant de 1,8 million d’euros, por-deux hommes d’affaires étaient devenus nement, Patrick Trotignon est débarqué tant leurs parts respectives du capital àmajoritaires presque par hasard, pour une du club. L’ETG FC attaquera par la suite 52 % et 23,5 %. Zinedine Zidane, Bixentemise totale de 580 000 euros. « Quand le son ancien président à hauteur de six mil- Lizarazu et Michel Denisot - l’homme quitour de table a commencé pour trouver des lions d’euros, l’accusant de fautes graves avait présenté Patrick Trotignon à Franckfinancements pour le club, Franck Riboud n’a de gestion. Lui-même réclamera 1,5 mil- Riboud - font partie des actionnairespas obtenu les retours espérés. Mais il y avait lion d’euros au club au titre de dommages vendeurs.N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 51
Entreprendre ÉVIAN-THONON-GAILLARD FOOTBALL CLUBEn juin 2015, l’ETG FC est relégué en sa scolarité et ses études universitaires à Si le club a le bonheur de conserver saLigue 2. Il se sépare de son entraîneur Genève, où il réside actuellement. place en deuxième division, son présidentemblématique, Pascal Dupraz. Celui qui « Professionnellement, je travaille dans le sec- assure que « la remontée en Ligue 1 reste unavait alterné les postes de directeur sportif teur du trading pétrolier », indique le pré- objectif des cinq ans à venir ». Pour cela, leet d’entraîneur du club depuis les années sident du club de football qui ne s’étendra président compte s’appuyer sur le rappro-1990 – lorsque l’équipe jouait dans les pas davantage. « Ma personnalité, mon édu- chement du club avec le public, les jeunesprofondeurs du football amateur – est cation et ma culture m’amènent à considérer des écoles de football, les clubs amateurslicencié pour faute grave en juin 2015. que la discrétion est non seulement une règle, et les entreprises. « Nous voulons devenir unSon fils Julian, directeur des services du mais aussi un mode de vie et que cette dis- exemple en matière de formation et d’éduca-club, est évincé à son tour pour le même crétion ne relève pas d’une volonté de cacher tion : les joueurs de l’ETG, les professionnelsmotif. Les deux hommes, fils et petit-fils quoi que ce soit d’inavouable, assure-t-il. Les comme ceux du centre de formation, doiventde Jo Dupraz, un des piliers de l’histoire valeurs de discrétion et d’humilité portées par porter les valeurs savoyardes qui sont baséesde l’ETG FC, sont accusés d’avoir imité la les Savoyards, je les fais miennes : personne ne sur la discrétion, le travail, l’humilité, l’am-signature du président Joël Lopez sur cer- pourra me faire le reproche de parler inutile- bition, et même faire preuve d’une certainetains documents. Lequel Joël Lopez, niant ment et de truster la une des journaux. » audace. Le club n’a pas vocation à défrayertoute falsification de sa propre signature, En Suisse, Esfandiar Bakhtiar est surtout la chronique des faits divers », décrit Esfan-est aussi écarté à l’intersaison 2015. Le connu pour avoir créé, en 1981, la société diar Bakhtiar. Le président a ainsi l’idéepère et le fils Dupraz mènent le club aux Jaraco SA, radiée en 1995 du registre du de club citoyen, si chère à Franck Riboud,prud’hommes. À ce jour, aucune de ces commerce du canton de Genève. « En quand celui-ci lui avait donné son élanpoursuites n’a encore été jugée. 2004, le Trésor américain a identifié Jaraco fondateur. Mais l’avenir de l’ETG FC neAprès avoir écarté Joël Lopez, Esfandiar comme un intermédiaire majeur de blanchi- pourra pas seulement s’appuyer sur cesBakhtiar prend la présidence du club à ment d’argent pour les milliards de Saddam valeurs.« Nous voulons devenir un exemple en matière de formation et d’éducation :les joueurs de l’ETGFC, les professionnels comme ceuxdu centre de formation, doivent porter les valeurssavoyardes qui sont basées sur la discrétion, le travail,l’humilité, l’ambition, et même faire preuve d’une certaineaudace. Le club n’a pas vocation à défrayer la chronique des faits divers »titre temporaire. Hormis le nouveau pré- Hussein », mentionne le média américain QUESTION BUDGÉTAIREsident et son associé Richard Tumbach, les Bloomberg, en juillet 2005, dans l’article « Dans le football encore plus qu’ailleurs,principaux acteurs de l’évolution du club The Rich Boys. Esfandiar Bakhtiar et son l’argent est le nerf de la guerre », souligneont quitté l’ETG FC. « Depuis qu’ils sont frère Bahman y sont décrits comme des Marc Francina. Le budget du club esttous partis, j’essaie désespérément de contac- proches de l’ancien dictateur irakien. passé, en un an, de 29 millions d’euroster quelqu’un, mais personne ne répond, L’irruption de l’homme d’affaires dans le lorsqu’il évoluait en Ligue 1 à une four-témoigne Jean-Louis Romero, un agent de football français date d’un séjour à l’île chette prévue entre huit et dix millionsjoueurs actif depuis 18 ans dans le foot- Maurice, durant lequel il fait la connais- d’euros la saison prochaine, précise Esfan-ball professionnel, et basé en Haute-Sa- sance de Luis Fernandez, avec qui il se diar Bakhtiar. Il affirme ne pas craindre levoie. Il faudrait que je voie le président parce lie d’amitié. L’ancien milieu de terrain passage du club, en fin de saison, devant laque visiblement personne d’autre que lui ne international l’introduit dans le milieu du Direction nationale du contrôle de gestions’occupe de transfert, mais il ne me semble football professionnel, notamment à l’AS (DNCG) de la Ligue de football profes-pas à demeure au club. » En effet, Esfandiar Saint-Étienne, dont Esfandiar Bakhtiar sionnel (LFP). Il faut dire que la descenteBakhtiar revendique une discrétion cer- deviendra administrateur durant deux ans. en Ligue 2 et les conflits entre actionnairestaine. Mais pour Acteurs de l’économie-La ont eu un impact terrible pour les comptesTribune, il a accepté de lever le voile, un OBJECTIF LIGUE 1 du club.peu sur lui, et surtout sur sa vision de Esfandiar Bakhtiar est désormais en « Une descente est une véritable souffrance.l’avenir du club. première ligne depuis qu’il a pris la pré- Tant sur le plan sportif que sur le plan sidence de l’ETG FG, en plus d’être pro- humain », souligne Erick Garcia, directeurUN TRADER DISCRET priétaire de la majorité de son capital. commercial et marketing de l’ETG FC.Né en mai 1959 à Téhéran, l’homme d’af- Son objectif prioritaire étant actuellement Avec la descente en deuxième division,faires est le neveu de l’ancien Premier d’assurer avant tout le maintien en Ligue les droits TV de 13 millions d’euros ontministre iranien Chapour Bakhtiar, assas- 2 de son club. Face à ce défi, il réaffirme diminué de moitié. Le club a perdu 65 desiné en 1991. « Mes parents ont quitté l’Iran son soutien à l’entraîneur Romain Revelli, ses 170 sponsors, provoquant une chuteau début des années 1960 pour venir s’installer qui a succédé en cours de saison à l’an- des recettes publicitaires, passées de 4,8 àen Suisse », confie-t-il. Esfandiar Bakhtiar cien joueur du PSG Safet Susic à la tête de 2,5 millions d’euros. Il doit en outre faireest alors naturalisé helvète. Il fera toute l’équipe professionnelle. face à une baisse du nombre d'abonnés, de52 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
ÉVIAN-THONON-GAILLARD FOOTBALL CLUB Entreprendre3 800 à 1 400 en un an. « Ces chiffres sont professionnelle est un véritable gâchis, pointe club. L’homme d’affaires, aujourd’hui à laaussi la conséquence des conflits que connaît Esfandiar Bakhtiar. Il est trop tard pour retraite, dit avoir reçu les deux principauxl’ETG depuis plusieurs saisons, confirme se lamenter et pour se rejeter les responsa- actionnaires du club au mois de février,Erick Garcia. C’est très clairement le retour bilités, mais il n’est jamais trop tard pour se qui venaient sinon chercher des fonds, auque nous opposent bon nombre de partenaires reparler. D’une manière générale, tout action- moins un cautionnement. Mais Yves Bon-qui ne souhaitent pas associer leur image à naire et sponsor est le bienvenu à partir du taz a refusé. « Je propose 1,5 million d’eurosune communication aussi destructrice. » moment où sa participation s’inscrit dans le pour devenir majoritaire, avance Yves Bon- projet du club : faire de l’ETG un club citoyen, taz. Et une fois que je commanderai, j’ouvriraiCLUB À VENDRE ? exemplaire. » le capital. » Il soutient qu’il fait partie d’unDestruction, le mot illustre les trois Et l’opération de séduction auprès des groupe de douze chefs d’entreprises de laannées écoulées depuis la finale de la anciens partenaires a déjà commencé, à région prêts à investir pour « acheter deuxCoupe de France en mai 2013. Comment en croire les propos du troisième action- ou trois grands joueurs ». Coup de bluff ?le club va-t-il se reconstruire désormais, naire de l’ETG FC, Yves Bontaz, qui Tentative de déstabilisation ? La proposi-pour atteindre l’objectif affiché par son détient 15 % du capital. Propriétaire de tion a-t-elle une chance de se concrétiser ?président de retrouver l’élite du football Bontaz Centre, un sous-traitant automo- « Je ne me vois personnellement aucun avenirprofessionnel d’ici à 2021 ? « Nous n’avons bile de la vallée de l’Arve, il est aussi un (à la tête du club, NDLR), car seul l’avenirpas de nouveaux sponsors en vue, lâche sponsor de l’équipe professionnelle du du club m’intéresse. Avec ou sans moi à saErick Garcia. Notre volonté est de récupé- tête », affirme Esfandiar Bakhtiar.rer nos anciens partenaires. » Anciens par- « Nombre de En attendant une éventuelle recompo-tenaires signifie-t-il anciens sponsors ou partenaires ne sition de l’actionnariat, les yeux sontanciens actionnaires ? « Oui, nous sommes souhaitent plus lier tournés sur le calendrier de Ligue 2. Leà la recherche de nouveaux actionnaires, 13 mai, au parc des sports d’Annecy,confirme Esfandiar Bakhtiar. Tout dépen- leur image à une l’Évian-Thonon-Gaillard Football Clubdra des moyens que ces nouveaux investis- communication reçoit le Nîmes Olympique pour la der-seurs voudront mettre à disposition du club. aussi nière journée du championnat. Le matchL’ensemble des actionnaires de HSFD et des destructrice » pourrait s’avérer décisif. Au coup de siffletmembres du conseil d’administration sont final, l’ETGFC saura s’il demeure en Ligueouverts à étudier toute opportunité. » 2, avec l’espoir de renouer avec les suc-Du neuf avec le passé ? « Nous sommes les cès passés ou s’il est relégué en National,premiers à considérer que la manière dont replongeant dans le football amateur, sixDanone a quitté le sponsoring de l’équipe ans après l’avoir quitté.N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 53
Entreprendre RUBRIQUE DE NOM CASINO54 Acteurs deLle’éscioèngoemsoiec-iaLladeTsribsoucnieétés du groupe Casino se situe bien à Saint-Étienne N°128 Décembre 2015 mais le board est quant à lui, rue de l’Université, à Paris.
RUBRIQUE DE NOM EntreprendreÀ SAINT-ETIENNEPOUR LA VIE ?ENQUÊTE, YANN PETITEAUX Sous la férule de son PDG Jean-Charles Naouri, la « tête » de Casino est définitivement à Paris, les jambes demeurant à Saint-Étienne où collaborent encore 3 500 salariés. L'enseigne de grande distribution et la capitale ligérienne font-elles toujours corps commun ? Enquête.N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 55 © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie
Entreprendre CASINO56 Acteurs de l’économie - La Tribune vec la fusion Auvergne Rhône-Alpes, le groupe Casino a perdu sa place de premier employeur régional au profit de Michelin. Il n’en demeure pas moins la principale locomotive économique de l’agglomération stéphanoise, où il emploie 3 500 collaborateurs (sur un total de 15 000 dans la région), dont 2 300 pour le seul siège social. Près de 120 ans après sa création par Geoffroy Guichard, le groupe de distribution – qui a refusé de répondre à toute demande d’interview, NDLR – est le dernier géant du bassin stéphanois, territoire où il reste encore très ancré. N°130 Avril 2016
CASINO EntreprendreCertes, le board du groupe a pris ses Le distributeur stéphanois est également ATTACHEMENT AU TERRITOIREquartiers rue de l’Université, à Paris. C’est un acteur clé du tourisme d’affaires. Le Dans son histoire récente, le bassin sté-là que le PDG Jean-Charles Naouri, suc- siège du groupe Casino reçoit chaque phanois a été profondément meurtri parcesseur d’Antoine Guichard (lire encadré), jour plusieurs dizaines de personnes ori- les disparitions successives des géantsa établi ses bureaux. C’est aussi le lieu ginaires, entre autres, de la région pari- Manufrance et Giat industries. Celaoù se prennent les décisions en matière sienne. Le groupe est aussi le premier explique sans doute la crainte récurrentede stratégie internationale. Mais le siège utilisateur de la ligne TGV Saint-Étienne- d’un éventuel départ de Casino. « À Saint-social des sociétés du groupe se situe Paris. Une aubaine pour le secteur hôte- Etienne, nous savons mieux que quiconquebien à Saint-Étienne. La capitale ligé- lier. « Casino reste un client privilégié de que l’économie n’est pas un acquis éternel,rienne reste donc le centre névralgique de nos établissements », observe Alain Boyer, note Michel Thiollière, maire de Saint-Casino. Une position qui impacte signifi- directeur de l’hôtel Kyriad de Saint- Étienne entre 1994 et 2008. Il n’est pascativement le dynamisme de l’économie Étienne et président des hôtels de chaîne interdit de penser que le groupe Casino ait,stéphanoise. En effet, le groupe travaille au sein de l’UMIH (Union des métiers et peu à peu, intérêt à placer ses centres deavec un grand nombre d’entreprises de des industries de l’hôtellerie) de la Loire. décisions ailleurs qu’à Saint-Étienne. » L’op-services, dont il est souvent un client Si Casino quittait Saint-Étienne, « ce serait tion d’un départ brutal et définitif semblemajeur, quand il n’en est pas le principal une catastrophe hôtelière qui mettrait à mal toutefois fort peu probable pour la plu-partenaire. C’est notamment le cas des au moins la moitié des établissements stépha- part des observateurs. « Je n’y crois pas,agences de communication commerciale nois. La perte de chiffre d’affaires se situerait ne serait-ce que pour une histoire de coûts »,Gutenberg networks et Altavia Saint- entre 10 % et 15 % du chiffre d’affaires ». Le estime Martine Laguerre, secrétaire géné-Étienne. Ou encore l’ancienne mutuelle secteur hôtelier stéphanois serait d’autant rale de l’Unsa Casino. « Casino est pré-de casino, Miel mutuelle, qui réalise tou- plus fragilisé qu’il dépend en quasi-tota- sent à Saint-Étienne depuis 1898 et il fautjours la majeure partie de son activité lité de la clientèle d’affaires et que les taux encore fournir des preuves d’attachement àavec le groupe de distribution. Dans une d’occupation y demeurent très faibles la ville ! », s’agace de son côté un cadremoindre mesure, Casino fait également (43 % en moyenne pour les trois étoiles). de l’enseigne. La question avait notam-appel à des fournisseurs locaux dans le ment refait surface en mars 2006, lors desecteur de l’agroalimentaire : eaux miné- l’annonce de la vente du nouveau siègerales gazeuses Parot, Laiterie du Forez, du groupe à un investisseur financier,Sicarev, fromagerie Guilloteau, pommes Matrix securities, pour un montant dedu Pilat, etc. À titre d’illustration, un 86,3 millions d’euros. L’opération étaitquart de la viande bovine commercialisée assortie d’un bail commercial à longen France par Casino est produite dans terme au bénéfice de Casino. En réa-la Loire. lité, il s’agissait d’une opération visant à rationaliser le patrimoine immobilierTRANSPORTS ET HÔTELLERIE du géant stéphanois. D’ailleurs, celui-ciL’influence économique de Casino se fait a racheté son siège social de 90 000 m²également ressentir sur le secteur des (dont 36 000 m² de bureaux) au fondstransports. « Une bonne part des transpor- britannique quelques années plus tard,teurs ligériens de marchandises générales en juillet 2013.sont en relation avec le groupe Casino »,résume Sylvie Plotton, secrétaire géné- BIENVEILLANCE POLITIQUErale de la FNTR (Fédération nationale Quel que soit le bord politique, les élusdes transports routiers) de la Loire. En stéphanois et régionaux ont toujoursrevanche, les relations entre le groupe de fait preuve d’un certain volontarismedistribution et les transporteurs locaux quand il s’est agi de conserver le géantont évolué ces dernières années : « Autre- de la distribution sur le territoire. Ainsi,fois, de nombreuses TPE/PME avaient une en 2004, le conseil régional a mis sur laactivité importante avec Casino. Aujourd’hui, table une subvention exceptionnelle dele groupe représente toujours de gros volumes près de trois millions d’euros pour finan-d’activité pour le secteur, mais il s’est davan- cer la déconstruction et la dépollution partage ouvert aux grands transporteurs Epora du terrain qui allait accueillir lenationaux. » futur siège de Casino. Ce tènement, situé à proximité immédiate de la gare TGVN°130 Avril 2016 de Châteaucreux, a ensuite été revendu au groupe de distribution, au prix plan- cher. « Dans ces cas-là, soit on adopte une posture dogmatique en disant que les affaires d’un grand groupe privé ne nous regardent Acteurs de l’économie - La Tribune 57
Entreprendre CASINOUN PATRON DISCRET ET DISTANTPremier actionnaire du groupe depuis 1992, Jean-Charles Naouri n’est, à la grande différence de son prédécesseur AntoineGuichard, ni commerçant ni Stéphanois. Natif d’Algérie, l’actuel patron de Casino est un ancien élève de l’École normalesupérieure, de l’université d’Harvard et de l’ENA (promotion Guernica). Cet intellectuel, aujourd’hui âgé de 69 ans, a débuté sacarrière à la direction du Trésor et au ministère de l’Économie, avant de rejoindre la banque Rothschild.Celui qui compte parmi les plus grandes fortunes de France n’est pas du genre à se laisser approcher facilement.Ses interlocuteurs soulignent son caractère introverti, voire distant. « Jean-Charles Naouri est un homme discret, simple,de talent, qui tient ses engagements et qui a des valeurs morales », encense André Mounier, président de la délégationstéphanoise de la CCI Lyon métropole.À l’inverse d’Antoine Guichard, Jean-Charles Naouri n’est pas homme à verser dans le management paternaliste.« En comité de groupe, il a toujours la parade pour nous faire entendre que nous sommes mal informés et que c’est luiqui a raison, tacle Martine Laguerre de l’Unsa. Il est inaccessible. On ne peut pas discuter avec lui. Dès qu’il a fini sonintervention, il quitte la séance, entouré de ses gardes du corps, avant mêmequ’elle ne soit levée. » Le constat est le même du côté de la CGT. Jean-YvesGarand, délégué syndical FO (syndicat majoritaire chez Casino), tempèretoutefois : « Nous ne sommes pas dans un groupe où l’on ne discute pas.Nous ne négocions pas directement avec monsieur Naouri, maisla discussion n’est jamais fermée. Si nous ne restons pas campéssur des positions dogmatiques, le dialogue est possible. » À l’inverse d’Antoine Guichard, Jean-Charles Naouri, PDG du groupe Casino © Pascal Sittler / Réa n’est pas homme à verser dans le management paternaliste.58 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
UN DANDY CHEZ BIBENDUM Entreprendre CIC Auto Des tarifs remisés* sur la plupart des marques et des modèles. UN CRÉDIT VOUS ENGAGE ET DOIT ÊTRE REMBOURSÉ. VÉRIFIEZ VOS CAPACITÉS DE REMBOURSEMENT AVANT DE VOUS ENGAGER.CIC Lyonnaise de Banque RCS Lyon 954 507 976. Pour en savoir plus : 0820 302 312 0,12 € / min*Offre N°130 Avril 2016 conjointe d’un financement, d’une assurance automobile ou d’un contrat d’entretien. Service distribué par CM-CIC BAacil tseouciréstédefinla’énccioèrneodmeie - La Tribune 59 conditionnée à la souscriptioncrédit-bail mobilier, SA au capital de 26 187 800 €, 12 rue Gaillon 75002 Paris - RCS 642 017 834 - N° ORIAS 09 046 570. Financement sous réserve d’acceptation par le CIC.Immatriculation en qualité d’intermédiaire en opérations d’assurances (consultable sur www.orias.fr), contrats d’assurance souscrits auprès de ACM IARD SA entreprise régie par le cic.frcode des assurances et distribués sous la marque CIC Assurances.
Entreprendre CASINOpas, soit on se dit que l’on ne peut pas se « Il n’est pas part de Casino, assure l’élu. Nos relationspermettre de perdre un acteur économique interdit de ont toujours été basées sur le respect et lade cette importance », justifie Jean-Louis penser que confiance. »Gagnaire, député de la Loire et ancien le groupe Casino a, Il faut dire que, de son côté, le distribu-vice-président délégué au développement peu à peu, teur stéphanois joue volontiers le jeu deéconomique de la Région Rhône-Alpes. intérêt à placer l’ancrage local. Son directeur des rela-« À l’époque, le siège du groupe employait ses centres tions extérieures, Claude Risac, préside,2 700 salariés et des rumeurs circulaient à de décisions depuis janvier 2015, le conseil de déve-propos d’un éventuel déménagement à l’Isle- ailleurs qu’à loppement de Saint-Étienne métropole,d’Abeau, poursuit l’élu stéphanois. Ils ne Saint-Étienne » instance consultative de l’agglomération.sont pas venus nous faire du chantage à l’em- Le directeur du développement durableploi. Nous avons compris de nous-mêmes ce de Casino, Gilbert Delahaye, est, quantqu’il fallait faire. Finalement, les collectivités à lui, très présent au sein de la chambrelocales ont réussi à faire pencher la balance de commerce et d’industrie stéphanoisedu bon côté. » Pragmatique, l’élu socialiste dont il est vice-président et président duinsiste : « Il est important pour les collecti- groupe de travail environnement. L’im-vités d’être attentives, d’être dans le temps plication du groupe se traduit égalementdes affaires. Les grandes entreprises ont aussi par des actions de soutien aux institu-besoin d’être soignées et si on ne leur fait pas tions locales : Musée d’art moderne,sentir qu’on les aime, elles vont ailleurs. » Comédie de Saint-Étienne, Estival de laSans oublier, bien sûr, les considérables Bâtie, etc., et, bien entendu, dans l’équiperentrées fiscales liées à la présence d’un de football l’ASSE. Enfin, le groupe saitgroupe international de cette ampleur également s’assurer la bienveillance des(48,5 milliards d’euros de chiffre d’af- médias locaux dont il est l’un des plusfaires en 2015). « Il serait suicidaire de la importants annonceurs.part d’un élu, quel que soit son bord politique,d’oublier que Casino est un acteur majeur », ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURrenchérit le président de la délégation Casino consolide également sa présencestéphanoise de la CCI Lyon métropole, dans le domaine de l’enseignement supé-André Mounier. rieur. Grand pourvoyeur de stages et de taxe d’apprentissage, le groupe a renforcéRESPECT ET CONFIANCE ses liens depuis quatre ans avec l’uni-La plupart des institutionnels locaux versité Jean-Monnet (UJM). Une licenceassurent entretenir de saines relations professionnelle consacrée aux métiersavec le groupe. « Deux ou trois fois par de la distribution a été créée, ainsi qu’unan, je rencontrais Jean-Charles Naouri afin master 1 depuis cette année avec l’IAEd’échanger sur le développement du groupe et de Saint-Étienne. Un master 2 doit voirdu territoire, se souvient Michel Thiollière. le jour à la rentrée prochaine. Toutes cesCes rendez-vous informels étaient très utiles. » formations sont uniquement proposéesUne manière pour l’enseigne stéphanoise en alternance. « Depuis la rentrée, nousde peser sur la vie politique locale ? « Je avons élaboré des formations continues avecn’ai jamais constaté de rapport de déséqui- le groupe Casino », ajoute Cécile Romeyer,libre ni d’enchère ou de surenchère de la vice-présidente de l’UJM, en charge des relations entreprises et entrepreneuriat. DÉSENGAGEMENT À L’INTERNATIONAL Le géant stéphanois est par ailleurs très La période est délicate pour Casino. Le groupe, déjà sous le feu des critiques du fonds Muddy actif au sein de la fondation de l’univer- Waters, a vu l’agence de notation Standard & Poor’s dégrader sa note d’un cran en catégorie sité dont il est l’un des fondateurs et prin- spéculative (de BBB- à BB+). S&P sanctionne les « graves faiblesses » du distributeur au cipaux mécènes. Jean-Charles Naouri en Brésil. Le groupe, qui a publié en mars des résultats en net recul, a annoncé un vaste plan de est le président d’honneur. cession à hauteur de quatre milliards d’euros qui doit permettre de réduire l’endettement de Plus récemment, le géant de la distri- plus de trois milliards d’euros. Afin de rassurer les marchés financiers, il a finalisé la cession bution a réaffirmé son attachement au de sa filiale thaïlandaise Big C (700 magasins), mettant fin à 17 années de présence du territoire ligérien en volant au secours groupe en Asie. Sa filiale Big C Vietnam est également en cours de cession. Courant 2015, de l’Entreprise laitière de Sauvain, une Casino s’était déjà séparé d’actifs « non stratégiques » : une partie de sa filiale au Brésil et fromagerie dont il a pris le contrôle en la totalité de sa filiale argentine. Le groupe se recentre donc un peu plus sur ses activités septembre 2015 afin d’en assurer la françaises, qui représentent désormais 40 % de son chiffre d’affaires. Dans l’Hexagone, pérennité. La PME de quinze salariés il a mené, depuis deux ans, une politique de baisse des prix et mise désormais sur trois basée dans les Monts du Forez (Loire) créneaux : le discount (Géant, Leader Price), le premium (Monoprix, Naturalia) et les formats enregistrait alors de lourdes pertes. L’opé- de proximité (Franprix, Spar, Vival, Petit Casino, etc.). ration a permis au passage de continuer de valoriser la collecte d’une vingtaine60 Acteurs de l’économie - La Tribune de petits producteurs laitiers du départe- ment. Le modèle d’opération qui fait dire à certains observateurs que l’esprit d’An- toine Guichard, l’ancien patron stépha- nois du groupe, est toujours présent. N°130 Avril 2016
“ L’INTELLIGENCERUBRIQUE DE NOM Entreprendre ÉCONOMIQUE EN DIRECT ” www.agefi.com/abo 10 parutions 6 parutions 6 parutions 11 parutions 2 parutionsEncarté dans L’Agefi Kiosque / Abonnement Kiosque / Abonnement Kiosque / Abonnement AbonnementOffre découverte 1 mois au prix de CHF 29.-Accès numérique à L’Agefi quotidien (parution du lundi au vendredi)+ Inclus Indices, Agefi Magazine, Agefi Life, Agefi Immo et Work+ Inclus l’ensemble de nos publications sur App IpadRecherchez: agefi-geneveIndiquez code promo: AQ_Tribune N°130 Avril 2016 SOCIÉTÉ DE L'AGENCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE À GENÈVECette offre est valable toute l’année et non renouvelable. TVA et frais de port inclus. Conditions sur www.agefi.com/abo agefi.comActeurs de l’économie - La Tribune 61
Entreprendre CHRONIQUES Par Bernard Gaud, © DR- Emmanuel Foudrot Président du Medef Rhône-Alpes La compétition AÉROPORTUAIRE L’urgence du long terme POUR NOSRude compétition que celle à laquelle se livrent les aéro- ports. Une compétition illustrant la complexité de nos INFRASTRUCTURESans une société guidée par l’exigence croissante de l’immédiateté et la sociétés : s’y affrontent des acteurs aux visions souvent antagonistes, malgré des enjeux généralement com- réalisation à très court terme du moindre résultat, avec la complicité de muns. Outils indispensables à l’attractivité et au moyens de communication et d’une actualité médiatique quasi instanta- développement économique des territoires, les nés, le temps nécessaire au discernement et à la construc- aéroports fonctionnent selon des modèles éco- tion d’une vision stratégique de long terme, seul garant de la nomiques variés, dont la durabilité est réguliè- croissance et des emplois de demain, ne fait pas beaucoup rement remise en question. rêver, et c’est bien regrettable ! S’il est un secteur où la question du temps Ainsi, le modèle « Aéroport city » (du type Francfort ou Roissy), basé sur le déploiement d’une panoplie de services tertiaires (com- Dest clé pour notre économie, c’est bien celui des infrastructures, facteur merces, shopping, hôtels et restauration, etc.) semble atteindre ses limites : essentiel de compétitivité de nos entreprises et d’attractivité de nos terri- le pari d’une forte commercialisation du tertiaire est souvent un échec du fait toires. Notre pays a longtemps bénéficié d’une excellente réputation de ses de la faible attractivité des sites et de la concurrence proche des métropoles. réseaux (transports, énergie, eau, communications) et des services associés. Mais la situation De même, les modèles de type « cluster » fonctionnent rarement au-delà de se dégrade dangereusement. Dans le rail, le réseau ferroviaire français, vieillissant et très peu la filière sous-traitance aéronautique et logistique, ne disposant pas d’atouts connecté aux nouvelles technologies, doit être considérablement modernisé, et ceci avant une réellement différenciants. ouverture programmée à la concurrence européenne, sous peine de devenir le maillon faible Les modèles de type « Porte d’un territoire », en revanche, tirent plutôt mieux de l’Europe ferroviaire. Pour les routes, la complexité des responsabilités territoriales ne facilite leur épingle du jeu. Ils reviennent à la finalité première de ces infrastructures clairement pas l’entretien d’un réseau pourtant historiquement remarquable, mais dont la qualité et s’efforcent de proposer des services de base compétitifs et adaptés à est malheureusement de moins en moins au rendez-vous. Dans le fluvial, des projets majeurs tous leurs segments de clientèle (passagers et compagnies aériennes). Par pour nos entreprises ont été dogmatiquement annulés (canal Rhin-Rhône) ou mis en veille pro- exemple, ils s’attachent à ouvrir des lignes aériennes qui soient moins de longée (canal Seine Nord). Dans les airs, si nos aéroports de province restent encore en-deçà l’affichage qu’une réponse aux véritables besoins du territoire. de leur potentiel, c’est aussi parce que la gestion de notre ciel reste soumise à des conditions de contrôle aérien d’un autre âge, marqué par un centralisme parisien intolérable. Et enfin dans Risque et investissement le numérique, les atermoiements sur le choix des modalités de construction du réseau laissent Les aéroports sont devenus des ETI à la gouvernance complexe, qu’il faut des régions entières en retard sur ce plan et créent les conditions de la création d’un désert organiser et structurer de manière professionnelle. Souvent perçues comme numérique sur une grande partie de notre pays. une rente à fort potentiel de développement, ce sont en fait des structures à haut niveau de risque en matière d’investissement : Cas d’école • Il faut les dimensionner au plus juste pour préserver l’équilibre entre niveau La région Auvergne Rhône-Alpes, située au carrefour de l’Europe et sur la route de plusieurs grandes voies commerciales mondiales, est un cas d’école en matière de gestion erratique et d’endettement, compétitivité des offres et développement durable. irresponsable de ses infrastructures. Son rayonnement va évidemment de pair avec la pré- • Il faut réussir à les intégrer aux économies locales et à les aligner avec les servation et l’entretien des réseaux existants, l’amélioration de leur qualité de services, de leur performance et de leur interconnexion, mais surtout avec la réalisation et le développement de enjeux locaux pour garantir leur performance. nouveaux réseaux d’infrastructures fiables et efficaces. Rappelons que Lyon, qui est perçue comme la 15e des villes européennes les Il y a urgence aujourd’hui de voir au-delà du « 20 heures » et d’adopter une vision de long plus attractives pour les investissements étrangers, ne possède que la 49e terme pour prendre les décisions et engager dans les plus brefs délais les tra- plateforme aéroportuaire continentale. Les stratégies aéroportuaires vaux nécessaires au démarrage des chantiers d’infrastructures vitaux pour gagnantes ne s’écrivent que dans la durée ; en cette période de notre pays et notre région : contournement ferroviaire et autoroutier de l’agglomération privatisation, il faut espérer que l’État en tienne compte dans ses choix. lyonnaise dans le prolongement de l’indispensable Lyon-Turin, A45 entre Saint-Étienne et Lyon, jonction A89-A6, désaturation de l’entrée sur Grenoble, ligne LGV Paris-Orléans-Clermont-Lyon, Lire le dossier sur les aéroports poursuite la mise à quatre voies de la RCEA, élargissement de l’A75, modernisation du réseau de Lyon et Genève, page 32. portuaire du Rhône, … Le statu quo serait, dans ce domaine, fatal pour la compétitivité des entreprises d’Auvergne Par Pascal Gustin, Rhône-Alpes, la desserte et l’attractivité de nos territoires. Président d’Algoé62 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
LES CLÉS DE TRIBUNE EntreprendreLA SORTIE DECRISE SONT La jeunesse est globalement la laissée-pour-compte de nos systèmes poli-DU CÔTÉ DE tiques, économiques et sociaux. Malgré le discours ambiant globalementLA JEUNESSE : très « jeuniste », la jeunesse est la partie de la population où laPLUS ÉDUQUÉE, pauvreté et la précarité gagnent le plus de terrain et qui absorbe la plusPLUS MOBILE, grande partie des chocs économiques. os finances publiques sont une machinePLUS OUVERTE à reporter sur les générations futures une partie de nos dépenses courantes.SUR LE MONDE, Quant à notre droit du travail, il contribue à tenir soigneusement les jeunesPLUS ENTRE- en marge du marché du travail. Conçu en période de plein emploi pour desPRENANTE, salariés en CDI dans des grandes entreprises protégées, il n’est absolumentET MOINS pas adapté aux nouvelles générations, ni à leurs aspirations à plus d’autono-IDÉOLOGUE mie, ni aux nouveaux risques économiques et sociaux qu’ils doivent affronter. Absente des débats publics – si l’on exclut quelques relais très politisés comme l’Unef –, la jeunesse a clairement la tentation du refus : refus de travailler en France – en témoigne la proportion de jeunes qui se disent prêts à s’expatrier ; refus du salariat – en témoigne la proportion particu- lièrement élevée des jeunes qui déclarent vouloir travailler en indépendant ; refus de l’engagement politique et syndical au profit d’un repli sur d’autres communautés, virtuelles ou réelles.NOTRE JEUNESSE EST UN TRÉSORBertrand Martinot, UNE ÉNERGIE POSITIVE © DRÉconomiste,ancien délégué général Pourtant, notre jeunesse est un trésor. Quantitativement d’abord. La cohorteà l’emploi et à la formation de jeunes français arrivant chaque année sur le marché du travail dépasseprofessionnelle aujourd’hui la cohorte des jeunes allemands. Et cette évolution ira en gran-de 2008 à 2012, dissant : il y a aujourd’hui 820 000 naissances en France contre 700 000 enet auteur de Pour en finir Allemagne. On ne dira jamais assez le potentiel économique et géostratégiqueavec le chômage , que cet avantage nous procure en Europe.Fayard-Pluriel Il est évident que les clés de la sortie de crise sont du côté de la jeunesse. Beaucoup plus éduquée – en moyenne ! – que les générations précédentes –,N°130 Avril 2016 beaucoup plus mobile, plus ouverte sur le monde, plus entreprenante, moins idéologue, rien ne se fera sans elle. C’est pourquoi nous sommes confrontés à plusieurs défis. Le premier est de trouver des moyens que cette jeunesse intègre les insti- tutions républicaines. Cela passe par des changements institutionnels très simples : interdiction du cumul des mandats, limitation du nombre de mandats dans le temps, que ce soit dans les domaines politiques ou syndicaux. Le deuxième est de construire une politique d’attractivité des talents : pour les chercheurs, pour les créateurs, les entrepreneurs. Il s’agit par exemple d’abaisser les barrières réglementaires et malthusiennes ou encore de ren- forcer l’attractivité des carrières dans le domaine de la recherche. Attirer les talents, c’est également investir dans l’avenir plutôt que de payer des intérêts de la dette toujours plus lourds. Le troisième consiste à permettre aux jeunes de trouver plus facilement leur place sur le marché du travail. Cela suppose des modifications pro- fondes de notre droit du travail et d’ouvrir beaucoup plus largement les emplois publics, donc de s’affranchir du système des concours partout o c’est possible. Parallèlement, le droit à une formation de type deuxième chance devrait être ouvert pour permettre aux jeunes de progresser en qualification et de s’adapter aux évolutions technologiques tout au long de leur vie. Le quatrième et dernier défi, c’est d’intégrer par le travail tous ceux pour lesquels le système scolaire à la française n’est pas adapté. L’apprentis- sage est une voie notoirement sous-développée dans notre pays. De nombreux talents, à tous les niveaux sont entravés et gâchés. Transformer l’énergie parfois sombre de la jeunesse d’aujourd’hui en une éner- gie positive est la clé de la sortie du marasme actuel. Nous n’avons d’ail- leurs pas le choix. Acteurs de l’économie - La Tribune 63
LE RÊVE Inventer LE RÊVE, CORINNE VEZZONI‘‘Quel demain ? Quelle ville ? Quel homme ? Voilà trois questions auxquelles il faudrait répondre avant de s’interroger sur la place que l’homme et la femme pourraient y tenir. On constate dans le monde une mégalopolisation croissante et je m’inquiète du réchau ement climatique et des atteintes durables à la biodiversité. Je regarde avec crainte et espoir les révolutions technologiques et en particulier celle du numérique. J’observe les tendances à l’acquisition d’usages plutôt qu’à l’appropriation de biens. Et mon interrogation est : quelle architecture, quel urbanisme pour ce monde-là ? La mégalopolisation peut se voir de deux manières. Comme une méga-urbanisation ou comme le développement d’un nouveau type de regroupement urbain. Je crois à cette deuxième hypothèse. Dès lors, ma préoccupation est de trouver un nouvel équilibre entre la gestion de la densité urbaine et la présence de la nature. C’est la place donnée à la nature et à l’agriculture de proximité, c’est réinventer une organisation urbaine en pôles-villages urbains plutôt qu’en centre- périphérie. Le combat contre le réchau ement climatique appelle la recherche et le développement de nouvelles sources d’énergies décarbonées, mais aussi une juste utilisation des matériaux. À chaque période, son type d’habitat, adapté aux modes de vies. Il faut inventer le nôtre qui tienne compte du génie de chaque lieu, faire avec la terre, la lumière, la pierre qu’il y a ici et nulle part ailleurs. Les nouvelles technologies doivent nous conduire à repenser les mobilités au bénéfice d’une plus grande accessibilité. Chacun devra être plus accessible sans forcément être mobile, comme en témoigne la révolution de l’e-commerce. Mais, au-delà des évolutions technologiques et même sociologiques, il convient de revenir aux fondamentaux que l’on oublie ou néglige trop souvent. Je crois profondément que l’homme a toujours été en quête de beauté et de sens et que cela perdure quelles que soient les évolutions écono- miques, technologiques, sociales. Mon métier me permet, à travers l’architecture ou l’urbanisme, de produire de l’émotion concrète pour la vie de tous les jours avec ce qui m’est donné de traditionnel et de nouveau en matière technique. C’est ce qu’ont toujours fait ceux qui nous ont précédés. La di culté aujourd’hui tient à la tyrannie de l’éphémère que porte la recherche de l’innovation permanente. Sans l’ombre qui sculpte l’espace, sans la matière qui vibre au soleil, où serait la splendeur, où serait la grâce ? ’’Corinne Vezzoni, Architecte, Prix de l’architecte 2015N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 65
Inventer TRIBUNECOMME UNE IMPRESSIONDE RÉVOLUTIONFEUILLETON, NICOLAS ROUSSEAU Le marché de la fabrication additive, dite plus communément « impression 3D », est promis à exploser : le chi re d’a aires mondial, aujourd’hui de 4,3 milliards d’euros, devrait quadrupler d’ici 2020. Le champ d’application de cette révolution technologique semble infini.66 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
MARRUQBUREIQDEUFEADBERNIQOUME InventerN°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 67 © Fotolia
Inventer IMPRESSION 3D« Quoi que Plastique, acier, or, céramique, béton, « Il ne s’agit pasvous produisiez, fibres alimentaires, tissu humain, etc. la d’une simple évolutionquelqu’un, liste des matériaux imprimables continue technologique,quelque part sans cesse de s’allonger. « Il ne s’agit pas mais bel et biendans le monde, d’une simple évolution technologique, mais belessaie et et bien d’une nouvelle révolution industrielle », d’une nouvelleparviendra estime encore Philippe Einrich, dirigeant révolutionà l’imprimer de Préférence 3D, société de conseil et for- industrielle.en 3D. » mation en impression 3D. « Si révolution ilEn matière y a bien, elle sera davantage sectorielle », tem- L’impression 3Dd’impression 3D, père Jean-Pierre Chevalier, professeur au permet de produirele champ des Cnam, directeur du laboratoire Matériauxpossibles ainsi industriels, considérant que la technique des objets queprésenté par d’impression 3D peut bouleverser les l’on n’aurait pasPhilippe Einrich, secteurs du bâtiment, de l’aéronautique, su fabriquerconsultant en de l’aérospatiale et de l’industrie lourde, autrement »nouvelles et peut-être davantage encore le secteurtechnologies, est biomédical (lire encadré). Cette révolution une quantité correspondant exactement auquasiment infini. programmée n’en est encore qu’à ses pré- besoin de construction de l’objet », détailleTout ou presque mices et il semble difficile d’en mesurer encore Philippe Einrich. « Or, cette tech-est imprimable. l’étendue des effets. « Les efforts consentis nique permet un gain de matière, donc un dans le domaine de la recherche fondamen- gain de poids pour la pièce finale », précise68 Acteurs de l’économie - La Tribune tale et dans la recherche appliquée, ainsi que Jean-Pierre Chevalier. Un avantage majeur dans le développement des applications, per- dans l’aérospatiale, notamment. mettent de penser que nous sommes à l’aube d’un bouleversement profond des modes de OPTIMISATION DES PROCÉDÉS fabrication. Les débouchés sont considérables Juste ce qu’il faut, là où il faut. Le principe et peut-être n’en a-t-on pas encore véritable- ainsi résumé de la fabrication additive en ment conscience en France », ajoute Philippe constitue également l’un de ses princi- Einrich. paux atouts, prolonge Sylvain Charpiot, à la tête de Drawn, une entreprise de design IMPRESSION PAR COUCHE et d’impression 3D, dont les ateliers sont Qu’entend-on par révolution industrielle ? implantés à Chassieu (Rhône). Son inven- Acceptons, par définition, qu’il s’agisse tion, une imprimante baptisée Galatea d’un cycle d’innovation qui transforme – dans la mythologie grecque, la statue profondément la production industrielle sculptée par Pygmalion –, a récemment et son organisation. Or l’impression 3D fabriqué les quatre lions de quelque quatre bouleverse la manière dont sont conçus mètres de haut qui orneront les abords du et fabriqués les produits. La « fabrication Parc Olympique Lyonnais, lors de l’Euro additive », sous son exact vocable, per- 2016 de football. « Nous n’utilisons que la met de créer des objets par empilement quantité de matière dont nous avons besoin. de fines couches de matière. « Surtout, De plus, le matériau utilisé (sous la forme de elle permet de produire des objets que nous petites billes de plastique, NDLR) est réutili- n’aurions pas su fabriquer autrement », s’en- sable et recyclable à l’infini. » thousiasme Jean-Pierre Chevalier. C’est-à- L’économie de matière brute et le gain dire en utilisant un mode de production financier sont donc réels et quantifiables. traditionnel, dit « soustractif », au cours Mais pour profiter des avantages de la duquel de la matière est ôtée à une pièce fabrication additive, « il faut au préalable brute pour obtenir la pièce finie. « Cette passer par une phase de reconception des technique dépasse toutes les techniques tradi- pièces. On parle ici d’optimisation des procé- tionnelles de fabrication. Au lieu de soustraire, dés technologiques de fabrication. La plupart de retirer de la matière à un bloc originel, par des industriels, à l’heure d’aujourd’hui, font fraisage ou usinage par exemple, la composi- encore l’économie de cette étape pour opter ou tion s’effectue par ajout de matière. Mais dans non pour des processus de fabrication addi- tive. Or il n’est pas possible de mesurer les N°130 Avril 2016
IMPRESSION 3D Inventer « IMPRIMER DES TISSUS HUMAINS au plus proche du besoin du patient » Ingénieure de recherche, Léa Pourchet est manager de la plateforme 3D.Fab*, en charge du développement de l’impression 3D appliquée au vivant. Une autre application de la fabrication additive orientée vers le secteur de la santé et le monde médical. Focus sur cette technologie dont les débouchés apparaissent, là encore, révolutionnaires. © DR Quels sont les avantages que revêt l’im- domaine, il est nécessaire de modéliser pression 3D en matière médicale ? la forme exacte. Ces cartilages impri-« La plupart La peau produite par impression 3D n’est més seront avant tout, et dans un pre-des experts en pas cultivée, mais bel et bien imprimée. mier temps, des objets de recherche. Pourimpression du Avant d’entamer l’impression, il faut dis- passer à l’étape suivante, le test clinique,vivant pensent que poser de cellules premières et d’un écha- il faut que les matériaux que nous utili- faudage. En comparaison avec les peaux sons obtiennent un grade médical, quel’impression cultivées en laboratoire, les temps de les cellules utilisées soient bien celles dud’organes fabrication sont très réduits. Pour la peau, patient. Tout l’objet de nos recherches estdevrait être le gain de temps de production est sans de pouvoir produire et imprimer des tis-possible d’ici conteste un avantage. Nous utilisons une sus personnalisables selon les besoins età une dizaine technique proche de la technique FDM au plus proche du défaut du patient. L’in-d’années. - les imprimantes 3D basées sur la tech- térêt de l’impression 3D est là : parvenir à nologie FDM fabriquent des pièces couche mettre en forme et à imprimer les propresMais cela après couche, de bas en haut, en chauffant et cellules du patient. À terme, si une greffepourrait survenir en extrudant un filament thermoplastique, est possible, par exemple de peau pourbien plus tôt » NDLR -, mais au lieu du fil de plastique un grand brûlé, on peut considérer qu’il chauffé qui traverse l’extrudeur, c’est une n’y aurait potentiellement pas de rejet* En partenariat avec le CNRS, seringue verticale qui permet d’imprimer puisqu’il s’agit de ses propres cellules. l’Université Lyon I et l’UMR 5246 un mélange de cellules et de biomaté- riaux. La mise au point de ce biomatériau Peut-on envisager un jour de pouvoir et l’optimisation du processus de fabri- imprimer des organes complets (foie, cation ont nécessité des recherches afin cœur, reins, etc.) ? d’en assurer le maintien de texture et la La plupart des experts en impression du biodégradabilité. vivant pensent que l’impression d’or- ganes devrait être possible d’ici à une Pourquoi avoir choisi la peau comme dizaine d’années. Mais, à la vitesse à premier terrain de recherches et d’expé- laquelle se développent les technologies rimentation ? et une fois certains paramètres mis au La peau est une première étape. C’est un point, telle la vascularisation des organes moyen pour nous d’éprouver le concept imprimés, cela pourrait survenir plus tôt. d’impression 3D du vivant. Nous sou- Encore faut-il que ces techniques d’im- haiterions passer aujourd’hui à des tissus pression obtiennent les agréments et les plus complexes, la peau demeurant une certifications officielles. Nous sommes à succession de couches planes. L’imprimer l’aube du développement d’une technolo- en 3D n’est donc pas très complexe. C’est gie véritablement révolutionnaire. Et l’on pourquoi nous essayons aujourd’hui commence seulement à en mesurer les d’imprimer du cartilage : dans ce potentiels.N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 69
Inventer IMPRESSION 3D 1 2 © Fotolia © Drawn - Laurence Jeanson1 Tout ou presque est imprimable. Plastique, acier, or, 3 céramique, béton, fibres alimentaires, tissu humain, etc.2 « Certains en ont assez des grandes séries de mobilier que tout le monde achète dans des enseignes de distribution et retrouve chez son voisin. L’impression 3D permet une personnalisation inédite. » Sylvain Charpiot.3 La « fabrication additive », sous son exact vocable, permet de créer des objets par empilement de fines couches de matière. © Drawngains et avantages de l’impression 3D à l’aune Des chiffres révélateurs, qui prouvent forme, à partir d’un fichier 3D », précise-t-ondes procédés traditionnels de fabrication », que l’engouement des premières années encore chez Materya. « La fabrication addi-martèle Philippe Einrich. a cédé la place à des réelles perspectives tive permet de réduire les temps d’étude et de d’application. conception d’un produit. Ce gain de temps estDU MARCHÉ DE NICHE significatif économiquement parlant », ren-AU MARCHÉ GLOBAL DU PROTOTYPAGE À LA PRODUCTION chérit Gilles Pommier, fondateur d’Addi-Dans une récente étude, l’institut améri- Parmi les premières applications indus- tive 3D, service lyonnais d’impression, decain Gartner, spécialisé dans le conseil et trielles d’emblée envisagées pour la modélisation et de numérisation 3D. Et dula recherche dans le domaine des tech- fabrication additive figure le prototy- prototype à la pièce, et notamment à l’ou-niques avancées, confirme une tendance page rapide. Une technique dans laquelle tillage rapide, il n’y a qu’un pas qu’ont déjàglobale. « Le marché de l’impression poursuit s’est spécialisée Materya, une entreprise franchi de grands groupes aéronautiquessa transformation et sa mutation du marché également basée à Chassieu. « Nous pou- et automobiles, à commencer par Airbusde niche à un marché global d’entreprises et vons produire une pièce et l’expédier dans et Opel.de consommateurs. » En 2016, il devrait un délai réduit à la journée, compte tenu deainsi se vendre plus de 500 000 unités sa complexité et des contraintes d’impres- SÉRIES LIMITÉES ETauprès des particuliers, soit une évolu- sion », évalue Christine Blanchard, direc- PERSONNALISATIONtion de 103 % des ventes comparées aux trice générale de Materya. Une rapidité Passée le mode gadget, certains consom-volumes de ventes enregistrées en 2015. de réponse à la commande qui séduit mateurs optent pour la fabrication addi-2016 pourrait bien marquer un tournant une clientèle composée notamment tive dans un souci de pouvoir accédervers le début d’une croissance colossale : d’industriels. à des objets individualisés produits enles ventes devraient doubler chaque année « Le prototypage est une des phases de la quantité très limitée. C’est le pari de Syl-pour dépasser le seuil des 5,5 millions de recherche et développement dans la conception vain Charpiot. « Certains en ont assez desmachines en 2019. Le chiffre d’affaires du d’un produit. Il permet d’accélérer sa commer- grandes séries de mobilier, que tout le mondemarché de l’imprimante 3D devrait pas- cialisation. Les différents procédés d’impres- peut acquérir dans de grandes enseignes deser, selon les estimations, de 4,3 milliards sion 3D permettent de passer d’un projet au distribution et retrouver chez son voisin. »d’euros en 2015 à 17,7 milliards en 2020. stade de l’étude à celui de la validation de Partant de ce principe, il propose une70 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
IMPRESSION 3D Inventergamme de mobilier pensée, modélisée et propriétaires et des développements libres Les ventesproduite selon les besoins d’un client. Car et ouverts à tous en Open source. devraientc’est bien là tout l’objet et l’une des prio- Sans l’expiration d’un brevet – par un doublerrités de l’impression 3D : la fabrication effet naturel d’innovation sectorielle, cette chaque annéede produits personnalisés ou en séries expiration engendre une baisse des prixlimitées. des imprimantes 3D et permet de déve- pour dépasser« La personnalisation est un des avantages lopper encore davantage la technologie –, le seuil des 5,5 millionsmajeurs de cette technologie. L’impression 3D Sylvain Charpiot n’aurait pas été à même de machines en 2019permet de répondre très exactement au besoin de développer Galatea. « J’ai eu besoin ded’un client et de lui proposer de produire ce plusieurs mois pour mettre au point cetteque les techniques traditionnelles ne per- machine, en même temps que je montais monmettent pas de fabriquer », confirme Gilles modèle d’entreprise. » Seul donc.Pommier. Un écosystème peu à peu semble se mettre en place, notamment dans laDU GARAGE AU PÔLE région lyonnaise. Un organisme natio-DE COMPÉTITIVITÉ nal de formation et d’information, F3DFLes acteurs de la fabrication additive (Formation 3D France) dédié à la 3D,sont de plus en plus nombreux. Dans ce tente de fédérer acteurs de la formationmilieu se côtoient des entreprises, des et entreprises. « Nous développons en pré-startups et un bon nombre de « bidouil- alable à cette structuration des rendez-vousleurs ». Profitant d’une technologie tom- professionnels mensuels, baptisés Mercredibée dans le domaine public il y a moins de la 3D, de manière à pouvoir identifier lesd’une dizaine d’années, « nombre de mes compétences sur le territoire lyonnais. » Unconcurrents futurs travaillent encore dans préalable nécessaire avant de, peut-être,leur garage », estime Sylvain Charpiot. envisager la création d’un véritable pôleComme au début de l’ère informatique. de compétitivité dédié à l’impression 3D,Un parallèle rapproche d’ailleurs ces deux afin de développer croissance et emploirévolutions technologiques, marquées par sur ce marché à l’échelle du territoirela traditionnelle opposition des logiciels régional. Gaëtan Wambre Alexandre Moatti VOUS AUSSI, TBWA\CORPORATE - Félix Ledru© Directeur comptabilité & gestion, Responsable régional, VOUS ALLEZ NOUS Proxival Dumont Sécurité AIMER.N°130 Avril 2016 Si vous déléguez la gestion de votre informatique à un partenaire extérieur, c’est bien souvent pour faire face à des problèmes dont vous n’avez pas pu trouver la solution en interne. La moindre des choses, c’est de vous les résoudre vite et bien, avec fluidité et au meilleur coût. C’est justement notre spécialité. Et ce que vous apprécierez surtout, c’est tout ce qui fait notre nom Proxival : notre proximité, nos valeurs humaines, notre sens du service et notre capacité à vous comprendre. Tout simplement vous, votre métier, votre culture, pour avancer avec vous. www.proxival.com PROXIMITÉ I FLEXIBILITÉ I ENGAGEMENT DE RÉSULTATS Acteurs de l’économie - La Tribune 71
Inventer CHRONIQUES LA COMMUNICATION Par Olivier Morin, © DR SOCIALE PREND- Responsable ELLE « LE DESSUS » sur le dialogue social ? du service gestion privée, Banque Populaire des AlpesLa sphère sociale est très souvent un bon client pour les journaux, les réseaux sociaux et autres médias. De véritables pièces de théâtre Réduire l’ISF se jouent avec différents acteurs : au niveau du gouvernement avec EN INVESTISSANT des lois qui se succèdent et qui visent à moderniser le dialogue DANS LES PMEa souscription au capital de PME permet de bénéficier d’une réduction social : lois El Khomri, Macron, Rebsamen, Larcher, Aubry… chacun des ministres de l’Emploi, du Travail, des Affaires sociales, voire de d’ISF de 50 %. Initialement simple, ce dispositif fiscal a rencontré un l’Economie porte son nom à la postérité ; avec des jeux dans les- franc succès, et ses conditions d’application ont donc été régulière- quels Matignon voire l’Élysée prennent les choses en main… ou non. ment amendées et complexifiées. Au niveau des parlementaires issus des commissions des Affaires Dans l’esprit du législateur, la réduction d’ISF doit récompenser une sociales comme Christophe Sirugue qui sont alors rapporteur de prise de risque réelle de la part du contribuable (et donc un risque textes contestés de par leur meilleure réputation au sein des acteurs du dialogue social. de perte en capital). De nombreuses activités sont donc exclues, par Sur le champ intellectuel avec les rapports Combrexelle, Badinter… sans parler des interventions à chaud des think tanks Terra nova vs Montaigne. Au niveau syndical, Lexemple, la gestion d’un patrimoine mobilier ou immobilier. où l’on reprend les dialectiques syndicats réformateurs et contestataires. Et même Pour les souscriptions réalisées depuis le 1er janvier 2006, le législa- aujourd’hui des tribunes dans la presse de parties prenantes comme les DRH de teur est allé plus loin et a souhaité privilégier les investissements dans grands groupes… en dehors des organisations patronales classiques. les sociétés les plus risquées. Lors de l’investissement initial par le contribuable, soit la société devra exercer son Perte de contrôle activité depuis moins de sept ans, soit l’augmentation de capital sera réalisée dans le L’exercice de la communication sociale est alors plus ou moins violent : chemise cadre d’un investissement représentant plus de 50 % du chiffre d’affaires moyen de la déchirée, attaque de commissariat par les étudiants, saccage de sous-préfecture, société des cinq années précédentes, et dans le but de conquérir un nouveau marché, séquestration de cadres pour les plus extrêmes : le point commun de ces actes ou un nouveau secteur géographique. de violence est la perte de contrôle des acteurs et notamment des organisations Depuis le 1er janvier 2016, il s’agira uniquement des souscriptions au capital de socié- syndicales. tés dont le contribuable n’est pas actionnaire. Tout l’enjeu est alors de garder la maîtrise de la situation. Un véritable séquençage de la communication sociale se met en place : annonce puis rencontres une semaine Investissements de suivi plus tard en bilatéral, rencontre collective, rencontre chez le ministre, le Premier Les augmentations de capital successives étant fréquentes dans le cadre d’une activité ministre, le Président de la République selon des formats variables : tête-à-tête avec de « business angel », le législateur a donc prévu une dérogation pour les « investis- les leaders syndicaux, en délégation, en conférence. Puis vient la sphère des parties sements de suivi » ; il s’agira d’investissements déjà prévus dans le plan d’entreprise, influentes : les remèdes des think tanks…, l’annonce des parlementaires experts qui lors de l’investissement initial. Ces investissements de suivi pourront bénéficier de la écrivent avant au Premier ministre, vs l’organisation de manifestation unitaire ou non. réduction d’impôt, même après le délai de sept ans. On notera d’ailleurs qu’il n’existe pas de rite de la conférence de presse commune Si le contribuable est découragé par une réglementation particulière- comme pour la diplomatie. Il faudrait que le pouvoir s’affiche avec un contre-pouvoir. ment complexe, il pourra avoir recours à des professionnels pour l’aider La dialectique est aussi intéressante : écoutés, mais entendus ? Des points inac- à réaliser ses investissements. ceptables et d’autres positifs, des points de blocage, entendre les incompréhensions • Ainsi, des sociétés de gestion proposent désormais aux contribuables de procéder et les doutes qui s’expriment, faire la pédagogie du projet ou des revendications, le compte n’y est pas encore… sont autant d’artifices pour maîtriser les troupes et à la recherche de sociétés éligibles pour leur compte, dans le cadre de « mandats instaurer un rapport de forces, peu importe les dispositions de fond de la loi : il s’agit de gestion ». Une certaine répartition du risque est proposée, par le biais d’investis- de tenir les troupes. La communication sociale prend en conséquence le dessus au sements dans plusieurs sociétés (en général au moins 20 sociétés). Le contribuable débat de fond que doit mener le dialogue social. investissant directement au capital, la réduction sera de 50 % de ses investisse- ments. La réduction est plafonnée à 45 000 euros. Par Gilles Sabart, • Une alternative consiste à souscrire des parts de Fonds Communs de Placement Docteur en droit public, dans l’Innovation (FCPI) ou de Fonds d’Investissement de Proximité (FIP), qui inves- directeur régional sud-est Alixio tiront dans des sociétés éligibles, ce qui permet également de mutualiser le risque. La réduction est de 50 % du montant des Fonds effectivement investi en titres de PME éligibles (en pratique, le taux effectif est souvent de 45 %). La réduction est plafonnée à 18 000 euros. Les investissements en direct ou par le biais de FCPI ou de FIP peuvent être cumulés, mais le montant total des réductions ne pourra excéder 45 000 euros. On notera enfin que les réductions ne sont acquises définitivement que si les très nombreuses conditions sont respectées et notamment sous réserve de la conservation des titres au minimum cinq ans par le contribuable.72 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
LA FABRICATION TRIBUNE InventerADDITIVE ESTEN TRAIN DE Les procédés d’impression 3D ou procédés de fabrication additive sontTROUVER SA définis par leJUSTE PLACE fait que la pièce est produite en ajoutant de la matière là o il faut.ENTRE OU, Dans leur version industrielle, ces procédés sont très récents. Les premiersMIEUX, procédés de fabrication dont l’homme s’est servi, comme la fonderie ou leEN COMPLÉMENT forgeage aux ges de bronze ou de fer, n’étaient pas additifs mais réplica-DE SES GRANDES tifs. L’idée était de fa onner l’objet en déformant la matière au moyen d’unSŒURS, outil de forme, comme un moule ou une enclume. Les procédés soustractifs, oRÉPLICATIVES on fabrique la pièce par enlèvement de matière, sont apparus plus tard, maisOU l’homme les utilise intensivement et les ma trise depuis quelques sièclesSOUSTRACTIVES déjà. cette échelle de temps, les procédés additifs, basés sur des premiers brevets déposés il y a moins de quarante ans, semblent à peine sortis de l’ uf. S’ils souffrent encore de défauts dus à leur relative jeunesse, ils vont gagner en maturité et occuper une place importante dans l’organisation de la production industrielle moderne. Le principe d’ajouter de la matière plut t que l’enlever ou la déformer simplifie la planification des étapes de produc- tion tout en augmentant la gamme de géométries fabricables. l’origine, les procédés additifs ont été mis au point dans le but de répondre à une problématique industrielle très particulière : la fabrication de prototypes. Ces techniques étaient d’ailleurs appelées procédés de pro- totypage rapides comme pour souligner qu’il n’en sortirait jamais de pièces utilisables de fa on sérieuse, souvent à cause de problème de fiabilité et de mauvaise tenue mécanique. Les choses ont changé. Les exemples d’applica- tions de l’impression D hors du prototypage sont légion. On peut les grouper en trois catégories essentielles. D’abord, les objets avec un haut degré de personnalisation. iennent ensuite les pièces qui nécessitent des structures internes complexes utilisées dans des domaines pointus de la mécanique.L’IMPRESSION 3D VA BOULEVERSERLE MÉTIER DE CONSTRUCTEUR Éric Boillat, uparavant, ces objets étaient obtenus par un complexe assemblage d’un grand © Alain Herzog / EPFL Professeur nombre de pièces individuelles. ujourd’hui, l’impression D en permet une et adjoint scientifique réalisation simple et directe. Le gain en durabilité et en co t est considé- au Laboratoire de gestion rable. La dernière catégorie est celle des objets optimisés topologiquement, et procédés de production, notamment les pièces structurelles utilisées en aéronautique et en aérospa- Institut de génie mécanique tial qui doivent être à la fois légères et résistantes. L’impression D qui de l’EPFL permet de ne mettre de la matière que là o elle est vraiment nécessaire, à savoir sur les fameuses lignes de force, semble être la solution que l’indus-Lire le dossier sur trie attendait pour répondre à cette problématique.l’impression 3D, page 66. Les résultats les plus récents de la recherche permettent aux procédés d’im- pression D de gagner en fiabilité et aux pièces qu’ils produisent de pré-N°130 Avril 2016 senter des résolutions géométriques et des propriétés mécaniques toujours meilleures. La fabrication additive est en train de trouver sa juste place entre ou, mieux, en complément de ses grandes s urs, réplicatives ou sous- tractives. outefois, le facteur de progrès le plus important réside dans la modification de nos habitudes de conception et d’utilisation de pièces. Basées sur un paradigme totalement différent - addition de matière et non ajout ou déformation -, les techniques d’impression D vont bouleverser le métier de constructeur. Pour tirer profit de ces technologies, il faudra repenser de fond en comble le programme d’éducation et de formation des jeunes ingénieurs et des techniciens en mécanique. Acteurs de l’économie - La Tribune 73
Comprendre RUBRIQUE DE NOM ENTREPRENEURS,RASSEMBLEMENTINSCRIVEZ-VOUS AU PLUS GRAND BUSINESS DE FRANCE AccorHotels Arena Paris Intervenants, thématiques RCS 507 523 678 et inscription sur74 Acteurs de l’économie - La Tribune www.bpifrance.fr/ innogeneration N°130 Avril 2016
ANTHONY BLETON-MARTIN, startupper quadragénaire PORTRAIT Comprendre PHYSICIEN © Laurent Cerino / Acteurs de l’économieDocteur en physique ou chef d’entreprise, AnthonyN°130 Avril 2016 Bleton-Martin y attribue la même visée : celle de faire « émerger des idées » qui peuvent, dans l’absolu, « changer le monde ». Une philosophie qui le guidera tout au long de sa carrière. En prenant le virus très tôt, transmis par un père passionné d’astronomie, il se tourne au départ vers la recherche. Espérant créer, innover, découvrir, il se confronte cependant à une matière abstraite. « Dans la physique quantique, il est plus di cile de faire bouger les lignes. Après mes trois années de thèse, je n’ai pas trouvé ce que je vou- lais. » C’est finalement en découvrant internet et en créant sa startup en 1996 qu’Anthony Bleton-Martin parvient à donner sens à ses idées. « Avec le recul, je ne me suis finalement jamais senti l’ âme d’un vrai chercheur de laboratoire, celui qui a la capacité à décrocher un prix Nobel ! » INTERNET Lorsqu’il découvre cette technologie, grâce à un ami travaillant au Cern de Genève, Anthony Bleton- Martin est subjugué. « J’o ciais alors au CNRS, à Paris. Ce fut un choc. Nous pouvions voir s’a cher des serveurs du monde entier. » Sa première idée est de l’utiliser pour vulgariser la physique quantique. Mais sans modèle économique, il s’oriente plutôt vers les entreprises avec l’objectif de leur donner accès à internet. Avec deux autres associés, il fonde l’agence Novius. Les débuts sont difficiles, les connexions lentes, « il fallait convaincre ». Puis, peu à peu, l’en- treprise grandit, résiste à la bulle et se développe. Elle compte aujourd’hui une trentaine de salariés. Désor- mais, Anthony Bleton-Martin a pris du recul, occupe seulement la présidence afin de se consacrer pleine- ment à son nouveau projet entrepreneurial. STARTUPPER À 47 ans, Anthony Bleton-Martin repart de zéro. Il s’est lancé dans l’aventure Clubble. La startup s’annonçait au départ comme un réseau social d’entreprise basé sur l’usage de l’email. Mais face à l’américain Slack, elle s’est transformée en un nouveau concept, bap- tisé MailClark. « Nous permettons aux utilisateurs de Slack d'échanger des emails avec l'extérieur sans quit- ter le logiciel. » Un projet plus prometteur qui lui aura demandé de pivoter sa trajectoire. Une démarche qui n’a pas été sans conséquence, même pour cet entre- preneur expérimenté. « Nous avons touché le fond en juillet 2015, j’étais d’ailleurs prêt à prendre un poste de salarié. Aujourd’hui, nous nous trouvons de plus en plus souvent dans des situations où nous devons transformer notre modèle en cours de route. Pour cela, il faut être réactif et posséder cet état d’esprit. » Un nouveau challenge « stimulant, mais angoissant » après des années à développer, gérer et faire grandir Novius. « Je sors ainsi de ma zone de confort. » Acteurs de l’économie - La Tribune 75
Comprendre RUBRIQUE DE NOM LE BONHEUR EST DANS IMMERSION, ROMAIN CHARBONNIER PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE La notion de bonheur en entreprise est désormais bien plus qu’un phénomène : une réelle manière de penser les organisations autrement, au profit partagé du salarié et de l'employeur, et à condition d'être fondée, authentique et sincère. Illustration au sein de la PME Lofoten.76 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
RUBRIQUE DE NOM ComprendreLOFOTENN°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 77 Elsa, 27 ans.
Comprendre LOFOTEN des îles norvégiennes sur lesquelles il Une bonne santé qui résulte à la fois l aurait pu gravir les échelons s’est rendu à plusieurs reprises. d’une politique sociale tournée vers l’hu- du Centre national d’études Avec sa femme, il se lance dans la fabrica- main et d’un développement « patient », spatiales de Toulouse. Là, une tion de meubles, d’abord à Toulouse, puis selon le terme du dirigeant. « Deux fon- belle carrière lui tendait les déménage rapidement dans sa région damentaux » qui guident la PME vers bras. Finalement, après dix natale, à Yzeron, dans le Rhône. Face à une croissance continue à deux chiffres, années à penser des projets de l’engouement, il recrute 12 salariés. Dès consolidant la structure, en particu- longue durée, Éric Vialatoux 2003, après le rachat d’une autre société, lier durant la crise économique. « Nous a préféré prendre une autre il s’installe à quelques kilomètres, sur la n’avons procédé à aucun licenciement, se direction, celle de l’entrepre- commune de Thurins. Embauche après félicite Éric Vialatoux, ajoutant fière- neuriat. Son « coup de grisou », embauche, il atteint la barre des 55 sala- ment : Depuis, je refuse même des chan- comme il le dénomme. Au riés à ce jour. Aujourd’hui, Lofoten enre- tiers. » La situation est également le fruit milieu des années 1990, il fait gistre un chiffre d’affaires de six millions d’une stratégie mûrement réfléchie, repo- le choix de repartir de zéro et d’euros, réalise des commandes pour de sant sur l’abandon de la fabrication de de se lancer le défi de créer son grands comptes, telles que les loges du meubles, pour le renforcement de la par- entreprise, artisanale. De l’ar- Parc Olympique Lyonnais ou encore les tie agencement et menuiserie. « La vision tisanat avec le regard de l’in- menuiseries dans le cadre de la réhabi- patrimoniale du meuble a disparu. De plus, génieur. « L’idée était de créer litation de la prison Saint-Paul, à Lyon. l’arrivée des enseignes à bas coût a eu raison une activité de transformation de de notre choix », justifie le dirigeant. la matière, en l’occurrence le bois - qui offre des possibilités tech- UNE CULTURE D’ENTREPRISE niques incroyables -, de la pro- Constamment en mouvement, à la duction à la commercialisation recherche de nouveautés, Éric Viala- en mettant en place des proces- toux affirme avoir pris le contre-pied sus de production, et plaçant les de l’artisanat classique. Il détonne dans hommes au cœur du système. » un milieu jugé traditionaliste, au sein Un saut dans le vide qui n’a en duquel, parfois, ébénistes et menuisiers rien effrayé ce natif de l’ouest peinent à prendre le virage indispensable lyonnais. « J’aime les choses à leur évolution et gage de leur pérennité. nouvelles, prévient-il. Et puis, la gestion d’une équipe spatiale et celle d’une entreprise sont relati- vement proches, à cette seule dif- férence peut-être : la casquette de chef d’entreprise est plus large ! » Si bien qu’après avoir travaillé sur des satellites, il démarre l’aventure Lofoten - du nomUne politique sociale tournée vers l'humain etun développement patient : les fondamentauxsur lesquels le patron Eric Vialatoux et sessalariés fondent la culture de Lofoten.78 Acteurs de l’économie - La Tribune David, 36 ans. « Nous sommes un vrai groupe. N°130 Avril 2016
« Nous prenons le contre-pied de ce qui se fait le fonctionnement de l’entreprise que pour LOFOTEN Comprendrehabituellement. » Le chef d’entreprise sur- notre image », explique, bienveillant, le homme, épanoui dans ses nouvellesprend aussi par l’importance de la place dirigeant. fonctions. « Tout le monde peut y parvenirqu’il accorde à ses employés, tant dans L’esprit Lofoten est d’ailleurs donné dès dès lors que le dirigeant accepte la prise deleur bien-être quotidien au travail que l’entretien d’embauche. Elsa, 27 ans, risque et l’ouverture, remarque Éric Via-dans leur développement professionnel. assistante polyvalente depuis six ans, latoux. Accorder ma confiance à des jeunesUne « culture d’entreprise » qu’il a mise en se souvient de la réflexion de son futur de moins de 30 ans, les responsabiliser, celaœuvre dès le départ, décloisonnant toute patron : « « Le jour où il y a une mauvaise ne m’empêche pas de dormir, au contraire. »hiérarchie et offrant alors une grande ambiance, j’arrête », m’avait-il dit ! » Une D’autres comme Jean-Louis, 57 ans, ontplace à l’autonomie, à la responsabilisa- phrase qui résume à elle seule la philoso- fait le choix de poursuivre leur carrièretion et à la délégation. De quoi favori- phie qui imprègne, depuis plus de 20 ans, au contact de la matière, à l’atelier. « Leser un climat social serein et une « très les murs de la PME, au point d’en deve- côté manuel me manquerait trop. » Avecbonne » atmosphère de travail, de l’avis nir sa clé de voûte. Mêlant confiance et 37 ans de maison, son rôle est de « fairegénéral. Une démarche inscrite dans convivialité, elle donne ainsi à l’ensemble ce qui est infaisable », ce qui lui demandeses valeurs, transmise et portée ensuite des salariés cette motivation quotidienne. une grande technicité. Mais surtout, ilpar les collaborateurs. « Ce sont eux qui « Nous sommes un vrai groupe. Les gens accompagne les jeunes apprentis et leurles diffusent auprès des nouveaux entrants sont là pour les autres », souligne David, transmet son savoir-faire. « Participer àet des clients. Cela est essentiel, tant pour 36 ans, à l’aube de sa 16e année à l’ate- lier. Un climat général né d’une ouver- ture et d’une confiance qu’Éric Vialatoux accorde à ses collaborateurs, et ce, quels que soient l’individu, son niveau social ou sa qualification. « Ce qui compte avant tout, ce sont la personnalité et le parcours de vie. » Dès lors s’est « naturellement » mis en place l’ascenseur social tirant, vers le haut, les profils volontaires. Tom en est l’exemple. À seulement 25 ans, diplômé d’un bac professionnel, il est passé d’ou- vrier à chef d’équipe avant de prendre le poste, il y a deux ans, de chargé d’af- faires, avec un portefeuille client de deux millions d’euros. « Je me suis questionné sur mes capacités à occuper ce poste. Puis, poussé par mon envie d’évolution, j’ai accepté la proposition. Étonnamment, l’adaptation s’est faite facilement », souligne le jeuneLes gens sont là pour les autres » Jean-Louis, 57 ans. N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 79
Comprendre LOFOTEN générales offertes par l’entreprise. « On Vialatoux les minimise : « Seuls 5 % des retrouve ici le bon équilibre entre vies pro- personnes sont dans l’excès, comme partoutla formation des plus jeunes est toujours fessionnelle et privée », se satisfait Elsa. ailleurs. » Avouant rester vigilant, il pré-gratifiant. » Avec un salaire un peu plus élevé que la fère plutôt se concentrer sur « les autres moyenne, tous bénéficient d’avantages 95 % », en phase avec la pensée de l’entre-CONDITIONS PRIVILÉGIÉES mis en place par le PDG : un weekend prise. « C’est ma priorité ! »Autre source d’épanouissement des sala- de trois jours une semaine sur deux, des Cependant, face au développement sou-riés, l’autonomie. Chez Lofoten, pas de aménagements d’horaire spécifiques, tenu de l’activité, certains s’interrogentmanager. Les équipes de l’atelier tra- suivant la demande, des primes diverses, sur la capacité de l’entreprise à main-vaillent à plusieurs sur des projets et ce, mais aussi un accès à l’atelier pour des tenir cette philosophie si particulière.dans leur intégralité, de la conception à travaux personnels. « Mentalement, tout « Pourra-t-on continuer ainsi si l’on granditla pose. Ils n’en réfèrent qu’à leur chargé cela nous motive beaucoup plus », reconnaît davantage ? », se demande un salarié. Uned’affaires, responsable de la commande Tom. Et, pour l’entreprise, ces disposi- question que se pose le PDG lui-même,et donc du client. « Les impliquer dans la tions influent directement sur la produc- conscient que son modèle devra être revuchaîne de production les motive davantage », tivité. « Tout le monde y gagne », réagit si l’entreprise atteint une autre dimen-estime Éric Vialatoux. Un argument Éric Vialatoux, « heureux » d’en être là sion. « À 80 personnes, il faudra l’aménager,confirmé par les intéressés. « Nous avons aujourd’hui. le faire évoluer. Mais dès lors que vous dispo-une pression puisque nous devons rendre sez de personnes impliquées dans leur travail,un produit de qualité. Néanmoins avec cette l’équilibre se fait naturellement », tient-il à rassurer.« À 80 personnes, il faudra aménager Pour l’heure, sa priorité reste de trouveret faire évoluer l'organisation. Mais avec de l’espace supplémentaire pour agrandirdes personnes impliquées dans leur son entreprise afin de pouvoir répondretravail, l’équilibre se fait naturellement » plus favorablement à la demande, mais également d’offrir un meilleur confort deliberté et cette responsabilisation, le travail ET APRÈS ? travail à ses employés. Lofoten ne cessen’a rien à voir. Surtout, il n’est pas routi- Lofoten serait-il donc un petit paradis de grandir dans un secteur pourtant ennier », explique David. Sans compter les des salariés ? La simple observation le difficulté. Si bien qu’aujourd’hui, nom-outils de production ultra-performants démontre. Mais loin de vivre dans un breux sont ceux qui souhaiteraient inté-mis à disposition qui offrent, à tous, les monde utopique, elle n’est pas exempte, grer la PME artisanale tant pour le travailconditions idoines de travail. « Notre à l’instar de n’importe quelle autre struc- que les valeurs prônées. Finalement, lemétier évolue en fonction des nouveau- ture, de tensions ou de comportements bonheur en entreprise chez Lofoten netés technologiques, c’est très enrichissant », individuels éloignés des valeurs prô- repose pas sur de grands principes mana-poursuit, satisfait, le jeune papa. nées par ceux qui la composent. Avec gériaux, mais bien sur une conduite d’en-Parmi les autres privilèges soulignés un modèle aussi ouvert, Lofoten peut treprise différente et engagée de la partpar les employés figurent les conditions faire face à des « dérives », même si Éric d’un patron soucieux du bon équilibre entre ses hommes et sa stratégie. Un équilibre garant d’un état d’esprit tou- jours positif. De ceux qui poussent à gra- vir les échelons.Tom, 25 ans.80 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
INVENTING HEALTH LE PATRIMOINE DES HCL ComprendreBEYOND BORDERSthéra • Photo: N. Bouchut PIONEERING DIAGNOSTICS Les infections causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient entraîner près de 10 millions de décès supplémentaires par an d'ici 2050* La résistance aux antibiotiques, un enjeu majeur de santé publique, est au cœur de nos préoccupations. Pionnier du diagnostic, nous sommes fortement engagés dans la lutte contre cette menace. bioMérieux développe des solutions de diagnostic qui permettent d’identifier la bactérie à l’origine d’une infection, de choisir le traitement antibiotique le plus adapté et d’éviter un traitement inutile, afin de contribuer à l’amélioration de la prise en charge des patients, partout dans le monde. * Source : rapport de Jim O’Neill sur la résistance aux antibiotiques - janvier 2016 www.biomerieux.com Acteurs de l’économie - La Tribune 81 N°13F0airAevprirlo2g0re16sser la santé au-delà des frontières Pionnier du diagnostic
Comprendre RUBRIQUE DE NOM82 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
N°130 Avril 2016 RUBRIQUE DE NOM Comprendre © Fotolia Réussite quasi assurée une fois le cursus intégré et situation de plein emploi : le métier d’ingénieur a encore de beaux jours devant lui. Focus sur les spécificités du modèle hexagonal plébiscité par les entreprises aussi bien françaises que chinoises ou américaines. INGÉNIEURS L'EXEMPLE FRANÇAIS DOSSIER, NICOLAS ROUSSEAU l’échelle nationale, un peu plus de 100 000 recrutements d’ingénieurs sont comptabilisés chaque année, révèle l’en- quête IESF 2015 (Ingénieurs et Scientifiques de France), organe représentatif de la profession. Le taux de chômage chez les ingénieurs est près de trois fois inférieur à celui de la population active globale. Les jeunes diplômés n’ont aucun mal à être embauchés. Quelques mois après l’obtention du parchemin, plus de 80 % d'entre eux bénéficient d’un emploi. Le chômage demeure aux alentours de 2 % pour les promotions sorties entre 1995 et 2010. Exemple parmi tant d’autres, au sein de Grenoble INP, 98 % des diplômés sont embauchés au plus tard six mois après l’obten- tion de leur diplôme. « Les taux d’employabilité, quelle que soit la structure de formation, avoisinent les 100 % », se réjouit Frank Debouck, directeur de l’École Centrale de Lyon. Acteurs de l’économie - La Tribune 83
Comprendre INGÉNIEURS et délivrent environ 3 850 diplômes d’ingénieurs par an (gradeAu niveau de l’entreprise, grâce à la diversité des métiers d’ingé- de masters). « Nous pourrions en former davantage, estime Franknieur et en dépit de certains déséquilibres sectoriels, plus de la Debouck, eu égard au nombre d’établissements de formation présentsmoitié des embauches se réalisent sans difficultés particulières. sur notre territoire. En effet, il semble que la demande existe et qu’elleLe marché de l’emploi est donc plutôt favorable aux ingénieurs, n’est pas toujours pourvue, ou alors avec difficulté. Néanmoins, il fautles jeunes diplômés sont embauchés très rapidement et la popu- craindre les mouvements d’inertie et ne pas inverser les tensions, aulation des ingénieurs est en situation de plein emploi. Ce qui risque de ne plus pouvoir placer les ingénieurs diplômés. » La pru-peut apparaître comme des indicateurs positifs ne révèle-t-il pas dence est donc de mise. La France peut-elle craindre une pénurieimplicitement les tensions existant sur le marché de l’emploi des d’ingénieurs ? Non, « par le simple jeu de l’offre et de la demande,ingénieurs ? le marché de l’emploi est à l’équilibre », rassure Didier Desplanche. Et les déséquilibres sectoriels conjoncturels peuvent être assez« L’ingénieur à la française rapidement corrigés, à l’échelle temporelle d’un cursus de forma- tion, soit environ de trois à cinq ans, calcule Pascal Ray, directeurse caractérise notamment de l’École des mines de Saint-Étienne : « Nous sommes dans lapar son adaptabilité, sa faculté constante anticipation du placement de nos diplômés. »d’appréhender et de comprendredes enjeux complexes dans « L’entreprise est présente àdifférents champs et de piloter tous les étages d’une écoledes projets de grande envergure » et accompagne l’étudiant ingénieurTENSIONS ET PÉNURIE ? tout au long de sa formation »Globalement, il n’existe pas de tensions sur le marché du tra-vail des ingénieurs. Nombre de chefs d’entreprises, notamment ENTREPRISES ASSOCIÉESdans le secteur du numérique, confient toutefois des difficultés à L’adéquation de l’offre et de la demande sur le marché de l’emploirecruter des candidats. Trop peu d’ingénieurs sont-ils formés en est également permise grâce aux partenariats qui lient structuresFrance ? « Nous parvenons assez bien, en tant que structure de forma- de formation et entreprises, futurs employeurs des diplômés.tion, à anticiper les besoins de l’entreprise et à « produire » davantage « Nous sommes très à l’écoute des « parties prenantes externes » pourd’ingénieurs. Cela dit, il nous faut toujours être prudents et ne pas évaluer au mieux leurs besoins », considère Pascal Ray. Afin dedépasser certains paliers, de manière à ne pas inverser les tensions et « coller le plus justement au marché, grande caractéristique de touteles tendances sur le marché de l’emploi », juge Didier Desplanche, école d’ingénieurs », selon Frank Debouck, les structures de forma-directeur de l’ECAM Lyon (École catholique d’Arts et Métiers). tion s’associent toutes à des entreprises. Celles-ci sont présentesL’Université de Lyon, grâce à ses écoles d’ingénieurs, représente et interviennent à différents niveaux de la formation. « L’entre-le premier site français pour la formation d’ingénieurs. Les 16 prise est présente à tous les étages d’une école et accompagne l’étudiantécoles d’ingénieurs de Lyon-Saint Étienne, habilitées par la com- ingénieur tout au long de sa formation », détaille encore le directeurmission des titres d’ingénieurs, membres, associées ou non de de Centrale Lyon. Les entreprises sont notamment associées à lal’UdL forment près de 15 000 élèves ingénieurs chaque année définition des programmes de formation, au cours desquels ellesLe talent sur mesure www.algoe-executive.fr www.stantonchase.com Votre solution depuis 40 ans dans 46 pays pour le recrutement de profils rares et de haut niveau Recrutements Executive Searchet le développement de vos Équipes Assessments Top Managers Experts Coaching Lyon :Carole de Chilly - 04 72 18 13 70 - 9 bis, rte de Champagne 69130 Ecully Une entreprise, deux marques Paris :Philippe Palacin - 01 53 02 26 86 - 23, rue Louis-le-Grand 75002 Paris N°130 Avril 201684 Acteurs de l’économie - La Tribune
La fin de la trêve hivernale et après ?FORMATION, L'ELDORADO SUISSE Comprendre par Bernard Devert, président et fondateur du mouvement Habitat et HumanismeLa fin de la trêve hivernale et après ? Les constats de la précarité sont connus. Il est inutile de s’y © Guillaume Atger attarder. L’urgence est de poursuivre la trêve, les cœurs ne pouvant hiberner devant la détresse et le désarroi de trop de familles. J’entends que bien des propriétaires ont besoin de recevoir leur loyer. Il ne s’agit surtout pas d’opposer bailleurs et preneurs. La question est d’agir dans l’intérêt de tous ; trois moyens : La trêve hivernale se termine, alors recommencent * Devenir « propriétaire solidaire » en louant un appartement les inquiétudes et angoisses pour des familles déjà au prix du loyer très social. Un avantage fiscal important atténue bien fragilisées. l’effort financier réalisé. En contrepartie, Habitat et Humanisme offre une garantie de loyer. Des expulsions vont se faire jour témoignant de l’insuffisance d’une trêve. Certes, les hostilités ont été * Investir au sein de nos Foncières « Habitat et Humanisme» suspendues sans parvenir à une hospitalité active. ou « Entreprendre pour Humaniser la Dépendance » pour développer un habitat à vocation d’insertion pour des foyers La perte du logement s’accompagne de celle des en souffrance sociale ou de personnes qui, avec la retraite - relations et, plus grave encore, du déficit de l’estime notamment de réversion - ne peuvent conserver leur logement. de soi : Qui suis-je pour ne point parvenir à loger les Ce placement éligible aux dispositifs TEPA et Madelin le rend miens, à permettre à mes enfants une stabilité déjà très attractif pour bâtir des biens au service des liens. précaire. * Offrir une libéralité au fonds de dotation «Acteurs d’Humanité» Gardons en mémoire que la très grande majorité des qui aide des familles à se maintenir dans leur logement le temps expulsions est consécutive à une rupture entre les nécessaire à retrouver un équilibre financier, parfois psychique, ressources et le coût de l’habitat : pour ces mamans qui, confrontées aux ruptures affectives, se trouvent seules avec leurs enfants. * plus d’un million de personnes qui travaillent ont un salaire mensuel égal ou inférieur à 800 euros, Trois dispositions concrètes qui changent la donne pour notamment en raison du temps partiel concernant s’inscrire dans le refus de fermer les yeux et le cœur devant les plus particulièrement les familles monoparentales, inégalités créatrices de fractures mettant à mal la fraternité, l’un des socles de notre Nation. * 13 % de la population française est touchée par la pauvreté. Certes, la trêve légale s’achève mais qui n’éprouve pas une nécessaire mobilisation pour que la trêve des iniquités offre le Comment s’en étonner dans un moment où avec temps de les réduire pour un monde plus humain. le chômage massif, nombre de foyers se trouvent confrontés à la fin de l’indemnisation. Ensemble mobilisons-nous. Bernard Devert mars 2016L’hospitalité est une responsabilité que nous nepouvons pas déserter si nous ne voulons pas ajouter àla pauvreté l’indifférence qui assigne à l’errance.N°130 AvDril 2e0p16uis 30 ans, Habitat et Humanisme agit en faveur du logement et de l’inseArctteiourns ddeel’éscopneomrsieo-nLanTersibuenne 8d5ifficulté.
Comprendre INGÉNIEURS LE DOUBLE DIPLÔME, peuvent être amenées à intervenir. « Une partie de nos enseigne- un gage de légitimité ments est dispensée par des acteurs du monde économique », confirme Pascal Ray. Les entreprises sont également consultées lors de Entreprise recherche jeune diplômé sachant conjuguer l’ouverture de nouvelles filières, afin d’en évaluer les besoins et les expertises et les cultures. C’est pour répondre à cette d’en comprendre les spécificités. Particularité française, les élèves fictive annonce d’emploi qu’écoles d’ingénieurs et ingénieurs français sont tous dans l’obligation de réaliser un stage écoles de commerce et de management se sont enga- de longue durée en entreprise. « Cette dimension est inconnue chez gées dans la définition de programmes et de cursus nos partenaires étrangers », souligne Brigitte Plateau, administra- communs, permettant l’obtention d’un double diplôme. trice générale de Grenoble INP, qui propose une offre de forma- En quinze ans, les jeunes ingénieurs ont presque tri- tion d’ingénieurs centrée sur 22 filières métiers. plé leur taux de formation en management-gestion, passant de 3,7 % à 9,8 %, révèle l’enquête annuelle PAS DE DÉSAFFECTION IESF (Ingénieurs et Scientifiques de France) 2014. Le Les effectifs des écoles d’ingénieurs augmentent continument double diplôme le plus courant ? Ingénieur-manager. depuis le début des années 2010. Preuve que la figure française « Il est la garantie pour les titulaires de pouvoir parler le de l’ingénieur n’est pas surannée. Même tendance du côté des même langage une fois intégrés à l’entreprise », explique classes préparatoires aux grandes écoles (CPEG). Le lycée lyon- Dominique Le Meur, directrice du Programme Grande nais du Parc enregistre toujours autant de candidats à l’entrée en École d’emlyon business school. 34 % des ingénieurs première année du cycle préparatoire. « Les effectifs sont stables possèdent au moins un second diplôme de niveau égal et même en légère augmentation », se réjouit-on à la direction du ou supérieur au master (8 % en possèdent un troisième, lycée. Néanmoins, il apparaît que les « prépas » ne constituent voire plus). plus le modèle unique ni la voie royale. « En tant qu’école post-bac, Pour exemples, Grenoble Ecole de Management nous enregistrons toujours plus d’inscriptions de candidats bacheliers (GEM) et l’École internationale des sciences du trai- en première année. L’attractivité des formations Insa ne fait qu’aug- tement de l'information (EISTI) sont ainsi partenaires menter, notamment en raison du modèle de formation que l’on propose depuis 2004. De même, l’IAE Lyon et VetAgro Sup- de type universitaire avec un premier cycle intégré dans le cursus de ENSV ont créé un parcours de Master 2. Emlyon s’est cinq ans qui permet d’assurer des taux de réussite de quelque 85 % », quant à elle associée à des écoles d’ingénieurs dans se satisfait Éric Maurincomme, directeur de l’Insa de Lyon. Réus- plusieurs programmes délivrant un double diplôme. site quasi assurée une fois le cursus intégré et situation de plein Avec l’École nationale supérieure des Mines de Saint- emploi. Le métier d’ingénieur a encore de beaux jours devant lui. Étienne (EMSE), elle a conclu un accord permettant « La formation d’ingénieur est profondément rassurante », juge Frank aux étudiants sélectionnés d’obtenir, à l’issue de leur Debouck. D’autant plus que les ingénieurs occupent des fonctions cursus, le diplôme d’ingénieur de l’EMSE et celui du très variées, de la recherche fondamentale à la direction générale, programme « Grande École » d’emlyon. Avec l’École et ce dans tous les secteurs d’activité, en France comme à l’étran- Centrale de Lyon, elle a mis en œuvre un accord de ger, note encore l’enquête IESF 2015. « L’ingénierie est un type de double diplôme du même type. Les deux établisse- métier qui recouvre des réalités et des spécialités très diverses. Depuis ments sont par ailleurs engagés dans le programme de nombreuses années et en dépit des crises sectorielles, l’attractivité Idea qui vise à former les entrepreneurs de l’innova- de Grenoble INP se maintient. Nous n’observons aucun fléchissement tion. « C’est parfois à la demande des entreprises, qui majeur depuis une vingtaine d’années. Au vu de nos capacités actuelles recherchent ce type de compétences croisées, mais le de formation, le vivier est toujours aussi important, riche et varié », plus souvent pour répondre aux souhaits des étudiants confirme Brigitte Plateau. « Une formation généraliste de type arts et eux-mêmes qu’ont été conçus ces partenariats », ajoute métiers offre des possibilités d’embauche qui n’étaient pas planifiées au Dominique Le Meur. 79 % des doubles-diplômés esti- début du cursus », tient à préciser Didier Desplanche. L’ingénieur ment que c’est un plus pour leur carrière, selon l’en- se révèle, par nature, polysémique. « Un ingénieur micro-électro- quête IESF. « Le double-diplôme confère davantage de nicien ou énergéticien, par exemple, peut tout à la fois exercer dans légitimité dans certains secteurs d’activités, juge-t-elle. l’aéronautique, l’automobile, la banque ou encore la santé. Nous ten- Ces programmes permettent d’optimiser le placement tons de les ouvrir à toutes les filières industrielles qui font appel à leurs du futur diplômé sur le marché de l’emploi, d’atteindre compétences et à leur expertise. En termes de secteur d’application et plus rapidement les postes souhaités, même si l’étu- de typologie des métiers, les ingénieurs formés en France sont particu- diant est souvent embauché avant même la fin de son lièrement flexibles », assure Brigitte Plateau. cursus. » Un sésame supplémentaire en somme, si tant est qu’il soit nécessaire. N°130 Avril 201686 Acteurs de l’économie - La Tribune
RUBRIQUE DE NOM Comprendre WINE CHARITY EVENTWINE TSHEADVATEE L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. 5e éditionCHARITY EVENT LYONJEUDI 2 JUIN 2016 de 18h à 22h1 avenue Barthélémy Thimonnier à Caluire et Cuire (Parking assuré)Soirée caritative de dégustation et vente de vins au serviced’un projet pour le bien-être des enfants hospitalisés.N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 87 Plus d’informations sur winecharityevent.fr
Comprendre INGÉNIEURS« Un ingénieur micro-électronicien ou énergéticien peut exerceraussi bien dans l’aéronautique, l’automobile, la banqueque la santé » © FotoliaFORCES DU MODÈLE FRANÇAIS Cette pluridisciplinarité offre à, l’ingénieur « un éventail de compé-La flexibilité est donc une des forces de l’ingénieur formé tences plus larges », selon Pascal Ray. Par ailleurs, « l’ingénieur à laet diplômé en France. Les écoles d’ingénieurs françaises se française, très apprécié par les Américains et les Chinois notamment,démarquent de leurs homologues étrangères par leur modèle est également caractérisé par son adaptabilité. Il a la faculté d’appré-d’enseignement et de formation. « Elles laissent une grande part hender et de comprendre des enjeux complexes dans différents champsà l’enseignement pratique à la fois sous forme de TP et de projets. et de piloter des projets de grande envergure ».Cette spécificité est une charge éducative puisqu’elle nécessite un ensei- Autre force du système français, son efficacité, exposée par Frankgnement quasi individualisé. Mais elle permet de former des profes- Debouck : « Le modèle français est terriblement efficace : il permetsionnels capables d’assimiler des théories et de les appliquer dans des de diplômer des jeunes dès l’âge de 22 ans, beaucoup plus tôt que dansréalisations concrètes », estime Brigitte Plateau. La formation de de nombreux autres pays. À cet âge, nos ingénieurs sont capables del’ingénieur « à la française » repose avant tout sur la pluridisci- rejoindre le monde de l’entreprise et d’assurer leurs fonctions. » Auplinarité scientifique. « Notre recrutement n’est pas seulement basé cœur des grandes mutations sociétales et économiques, de lasur les matières scientifiques (mathématiques, physique, chimie, etc.), révolution numérique à la transformation énergétique, les ingé-mais aussi sur les disciplines littéraires (français, langues étrangères, nieurs doivent se montrer à l’écoute. « La formation est toujourssciences sociales et humaines), explique Éric Maurincomme. Nous orientée autour des sciences et techniques au service de la société, aux-tentons de conserver cette ouverture tout au long du cursus de forma- quelles doivent s’adjoindre des compétences à écouter et à comprendretion, afin d’amener l’étudiant à s’interroger sur son rôle social en tant le monde. Tout bon technicien, expose Frank Debouck, ne peut sequ’ingénieur. » départir d’une réflexion sur le monde qui l’entoure. » 88 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
RUBRIQUE DE NOM ComprendreN°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 89
Comprendre RUBRIQUE DE NOMAuvergne-SavoiesTOUT UN FROMAGE90 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
RUBRIQUE DE NOM ComprendreBeaufort et abondance à l’est, cantal et bleu d’Auvergne à l’ouest, pour ne citer qu’eux :l’Auvergne et les Savoies sont depuis toujours des terres fromagères aux caractères bien identifiés.Une douzaine d’appellations d’origine et d’indications géographiques protégées (AOP/IGP)leur assure une place de leader sur le plateau national français, avec un chi re d'a airesconsolidé de 600 millions d'euros. Néanmoins, producteurs et organismesinterprofessionnels sont confrontés au plafonnement de leurs ventes et à l'émergenced'une nouvelle concurrence. Leur riposte ? Communiquer.ENQUÊTE, GENEVIÈVE COLONNA D’ISTRIA ET MARIE LYANN°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 91 © Pierre Soissons
Comprendre AUVERGNE-SAVOIES : TOUT UN FROMAGE© Gilles Lansard Ouest en Est, la région Auvergne Rhône- Alpes est riche d’appellations fromagères92 Acteurs de l’économie - La Tribune d’origine protégée (AOP). Avec sept fro- mages placés parmi les 51 appellations AOP/IGP (Indication géographique protégée) nationales, les deux Savoies occupent une place de choix, en tota- lisant 15 % de la production fromagère AOP/IGP française avec 33 100 tonnes de fromage produites (dont 4 500 tonnes de fromage fermier) pour un chiffre d’af- faires de 305 millions d’euros en 2014. Au total, la filière AOP et IGP savoyarde comprend 2 000 producteurs, 60 ateliers de transformation collectifs et plus de 340 ateliers de transformation à la ferme ou en alpage, pour 4 600 emplois. « Envi- ron 90 % de la production du beaufort est réalisée par des groupements pastoraux ou des producteurs fermiers », estime Yvon Bochet, président de l’UPB (Union des producteurs du beaufort) et du Syndicat de défense du beaufort. Forte de 9 000 exploitations laitières et de 235 000 vaches (5e rang français), le « grand plateau de fromages » qu’est l’Au- vergne, selon le slogan publicitaire lancé dans les années 1980 est, de son côté, devenu leader national pour le fromage de vache à pâte persillée et la deuxième région productrice de fromages à pâte pressée. En tête des régions productrices de fromages AOP, elle représente, avec 300 millions d'euros de chiffre d'affaires, 22 % de la production nationale. Son territoire, au total, compte cinq AOP : cantal, fourme d’Ambert, saint-nectaire, salers et bleu d’Auvergne. N°130 Avril 2016
AUVERGNE-SAVOIES : TOUT UN FROMAGE ComprendreLA FORCE DE L’AOP « Personne n’a de CANAUX DE DISTRIBUTION ET« L’AOP est le signe officiel de notre origine, marque en dehorsreconnaît Philippe Lorrain, président de des appellations. NICHES DE DÉVELOPPEMENTl’Association des fromages d’Auvergne Ainsi nous avançons Chaque année, les fromages de Savoie(AFA). C’est une garantie pour les consom- tous dans la même grignotent quelques parts de marché.mateurs qui sont de plus en plus regardants direction plutôt « Les évolutions surviennent surtout dans lessur la qualité. Cette production présente que de favoriser pâtes pressées cuites, comme le beaufort oul’immense avantage de ne pas être délocali- l'individualité de l’abondance, qui enregistrent chacune + 0,7 %sable. Enfin, c’est une vraie richesse pour les chaque marque » et +3 % à la coupe en grandes et moyennesproducteurs installés en AOP. Par exemple, surfaces (GMS) », estime Sébastien Breton.nous produisions 1 300 tonnes de fourme Si certains fromages traditionnels (per- Bien que la grande distribution repré-d’Ambert en 1972. Aujourd’hui, cela repré- sillé, bleu ou même fromage de Tamié) sente encore une part importante de lasente 5 200 tonnes. Cette AOP pèse, à elle n’ont pas demandé leur reconnaissance commercialisation, c’est surtout au rayonseule, 300 emplois directs, dans un secteur en raison d’un faible volume de produc- de la coupe que les ventes se jouent.géographique qui souffre économiquement. tion et d’une maîtrise de leur réseau de « Dans l’abondance, environ deux tiersElle permet de maintenir une activité éco- distribution, la raclette de Savoie serait, des ventes se réalisent en grande surface »,nomique et contribue à l’aménagement des à son tour, en cours de reconnaissance estime Joël Vindret, du SIF. Mais, rap-territoires ruraux ». auprès de la Commission européenne, pelle Pierre Laurent, si, dans les annéesPour Sébastien Gardette, président de la après avoir déjà passé le protocole de 1990, le beaufort s’est développé grâce àchambre d’agriculture du Puy-de-Dôme, l’Institut national de l’origine et de la la grande distribution, la généralisation« l’AOP est un outil de différenciation qui qualité (Inao). « Cela confirme la stratégie du libre-service et le nombre de réfé-permet aux producteurs de contourner les des fromages de Savoie de vouloir garantir rences ne lui donnent plus, aujourd’hui,problèmes liés à la zone de montagne (cli- la provenance et une base de valeurs parta- de visibilité.mat, altitude, cahier des charges, etc.). En gées », estime Sébastien Breton, directeur En parallèle à ces réseaux GMS, certainséchange, l’AOP est une vraie valeur ajoutée de l’AFTAlp (association des fromages producteurs, comme ceux du beaufort,qui tire les prix vers le haut et permet d’éviter traditionnels des Alpes savoyardes). Pour n’ont donc pas hésité à développer desles écueils que peuvent rencontrer certains l’abondance, l’obtention de l’AOP en boutiques à l’échelle locale et urbaine,producteurs de lait dans d’autres régions ». 1990 a permis un renouveau : « C’était comme à Chambéry, Annecy, Grenoble,À l’est du territoire régional, de la créa- un fromage qui était en perte de vitesse et Lyon ou même Paris, atteignant ainsition des premiers syndicats d’expéditeurs qui risquait de disparaître, avec très peu de jusqu’à 30 % des ventes réalisées. « Lesde reblochon, en 1935, à la délivrance producteurs. En dix ans, nous avons doublé coopératives de beaufort comptent une cin-des premières appellations reconnues, notre tonnage, avec 2 800 tonnes fabriquées quantaine de magasins. C’est là où nousen 1958, au reblochon puis au beaufort, en 2015 », explique Joël Vindret, respon- sommes les plus performants pour parlerles producteurs ont gardé un lien fort sable administratif du Syndicat interpro- de nos produits et où nous les valorisons leavec le territoire et certaines pratiques, fessionnel du fromage abondance (SIF). mieux, même si les habitudes de consom-comme l’utilisation des pâturages, d’ani- mation en ville sont différentes de celles desmaux adaptés au climat, du lait cru pour vacanciers à la montagne », glisse Yvonsa diversité aromatique et d’un affinage Bochet. « Nous n’en sommes pas là pourlong et artisanal. Le beaufort reste l’une l’abondance », nuance Joël Vindret.des appellations possédant le cahier des « Le marché de l’AOP est arrivé à maturité,charges le plus strict. « C’était un vrai confirme Jean-Luc Dischamps, patron duchoix de conserver les vaches de la région, groupe éponyme. Il a connu une très fortepas forcément les plus productives : cela peut croissance au cours des 20 dernières années,être vu comme une contrainte ou comme mais aujourd’hui, il stagne. Certaines AOPun atout pour se différencier des autres », se vendent également mieux que d’autres,explique Pierre Laurent, dont la coopé- comme le saint-nectaire qui peut s’exporterrative laitière du Beaufortain représente plus facilement que le bleu d’Auvergne ou23 % du tonnage produit sur la zone, avec encore le cantal. » « Aujourd’hui, les niveaux132 exploitations. Une recette qui fait des de vente plafonnent, reconnaît Philippeenvieux. Pour Yvon Bochet, la principale Lorrain. On ne fera pas manger deux foisconcurrence se joue au niveau régional, plus de fromages à ceux qui en achètent déjà !« avec des ateliers qui utilisent leur surpro- Il faut trouver des niches de développementduction pour faire des produits hors appel- potentiel, aller voir à l’extérieur, développerlation et hors cahier des charges (beaumont, l’export et se faire mieux connaître, y com-saint-mont ou cœur de Savoie) en essayant pris dans les autres régions de France ». Unede surfer sur l’image du beaufort. L’AOP peut analyse que partage Jean-Luc Dischamps.nous aider à nous prémunir, mais n’empêche Face aux grands comme Sodiaal et Lacta-pas les tentatives de copie avec un autre lis (*), sa laiterie familiale, basée à Sayatnom», nuance-t-il. (Puy-de-Dôme), réalise 80 millions d’eu- ros de chiffre d’affaires et produit 3 300N°130 Avril 2016 tonnes de saint-nectaire laitier ou fermier AOP. Au total, 7 000 tonnes de fromages sortent de cette usine, revendues à 85 % à la grande distribution. Acteurs de l’économie - La Tribune 93
Comprendre AUVERGNE-SAVOIES : TOUT UN FROMAGE © Pierre Soissons Fabrication de Salers OPÉRATIONS SÉDUCTION © HosselPour mieux se faire connaître et trouverdes leviers de développement, l’AFA, AOP, Savoies versus Auvergneen charge de la promotion des AOP, asorti l’artillerie lourde pour faire parler © Pierre SoissonsN°130 Avril 2016d’elle. Avec un budget annuel de 600 000euros – financé par l’Europe à hauteurde 50 % –, elle organise des opérationsde promotion jusque-là jamais vues.Dégustations gratuites au pied des pistesde ski auvergnates pour toucher la clien-tèle exogène, opération séduction sur lesquais du métro parisien, affichage 4 x 3sur les murs de la capitale... les idées nemanquent pas pour dépoussiérer l’imageparfois vieillissante de la filière. Y com-pris à travers les réseaux sociaux commeFacebook, où la page de l’associationcompte désormais 22 000 fans.La concurrence est cependant rude à tra-vers l’Hexagone, premier pays consom-mateur de fromages au monde avec prèsde 1 000 fromages différents, dont 51AOP/IGP. « Comme notre tonnage aug-mente, nous prenons forcément de la place.Mais à qui ? », se demande Joël Vindret.« Nous sommes sur un marché où la valo-risation est assez haute, et où l’on retrouvesouvent des prix au-dessus de 20 euros lekilo pour le consommateur. Dans ce contexte,nous n’atteignons pas des croissances de 10 %ou 20 % », analyse Pierre Laurent.Pour se distinguer, la communication estégalement devenue un levier importantpour les fromages savoyards. Chacun y vade son enveloppe, et de manière mutua-lisée : à l’AFTAlp, trois millions d’eurossont investis chaque année à l’échellecollective pour développer la notoriété dechaque appellation, auxquels s’ajoutent400 000 euros de communication collec-tive en locale. Au Syndicat de défense dubeaufort, ce sont environ 700 000 eurosqui sont alloués chaque année, et environla même somme au niveau des coopéra-tives. « C’est une belle somme pour 5 000tonnes de fromage produite, glisse PierreLaurent. Personne n’a de marque en dehorsdes appellations, ce qui nous permet d’avan-cer tous dans la même direction plutôt que defavoriser l'individualité de chaque marque. »94 Acteurs de l’économie - La Tribune
AUVERGNE-SAVOIES : TOUT UN FROMAGE ComprendreLa filière fromagère savoyarde mise pour par le biais de l’affichage en ville, ou en mené des opérations de distribution desa part notamment sur les rencontres offrant des dégustations aux pots d’ac- fromage aux péages de Tarentaise et deavec les touristes à travers des opérations cueil des offices du tourisme. Maurienne, mais qui n’ont pas pu êtreciblées telles que la Fête des fromages reconduites.ou la Route des fromages où le public OFFRE CONCURRENTIELLE Autrefois hégémonique dans sa catégo-peut découvrir le fonctionnement d’une Pour autant, il existe une certaine chasse rie, le bleu d’Auvergne, qui jouit d’unesoixantaine de sites. « Nous nous appuyons gardée au sein des territoires : « Nous notoriété de 80% auprès du grand publicsur le pouvoir de communication des mon- n’irions pas en Franche-Comté pour faire selon une enquête réalisée par la filière,tagnes et de valeurs communes telles que la la publicité de nos fromages, afin de ne pas se trouve de plus en plus attaqué pargestion de la biodiversité, les races locales », brouiller le message », pense Joël Vindret. d’autres marques de fromage, souventprécise Sébastien Breton. Le Syndicat de La concurrence certes, mais dans un moins regardantes sur leur cahier desdéfense du beaufort développe depuis esprit de complémentarité : « Nous ne charges. La zone AOP va donc être revuetrois ans des opérations, sur les médias sommes pas forcément sur les mêmes cré- et corrigée pour lui rendre toute sa valeur.sociaux, couplés à de l’événementiel neaux et sur les mêmes prix. D’ailleurs, nous « L’AOP bleu d’Auvergne a été créée il y a 50auprès des skieurs en station, comme le mangeons aussi du comté ! », sourit Louis ans, rappelle Aurélien Vorger, directeurBeaufort Tour. « Nous en profitons pour Gachet, du Gaec de Presset, qui s’est joint du groupement des pâtes persillées d’Au-communiquer sur l’ensemble des fromages depuis trois ans à un autre Gaec pour vergne. À cette époque, on était moins regar-savoyards afin de nous relier à la région et créer le regroupement pastoral de Pre- dants. » La carte de la zone AOP devraitau tourisme. Car on n’est jamais aussi forts col (140 vaches sur 450 hectares). « Là ainsi être réduite de 50 %. Les discus-que lorsque nous communiquons chez nous », où nos collègues auvergnats sont très forts, sions avec les producteurs sont toujoursobserve Yvon Bochet. L’abondance, dont c’est qu’ils sont très présents sur les aires en cours, ainsi que l’enquête publique,le budget communication annuel atteint d’autoroute du Massif central. Nous avons mais elles devraient aboutir avant la finles 300 000 euros au SIF, a choisi de encore des choses à faire, notamment pour de l’année. Une manière d’assurer au bleucibler les périodes des vacances de ski proposer nos produits à la vente », concède une place de choix sur le large plateaupour communiquer de manière décalée Pierre Laurent, qui se souvient avoir déjà fromager régional.(*) En Auvergne, il existe plusieurs grands groupes et PME de transformation du lait : Sodiaal (Candia), Bongrain, Lactalis, 3A, Fromageries Occitanes, Dischamp, Walchli et Garmy. 1 an 40 €Je m'abonne pour TTC / 5 numéros + suppléments 2 ans 70 €Je m’abonne pour TTC / 10 numéros + supplémentsOFFRE Société : ......................................................................................................................................................................................... Nom / Prénom : .........................................................................................................................................................................SPÉCIALE Adresse : ........................................................................................................................................................................................ .............................................................................................................................................................................................................. Code postal : ................................................................ Ville : ................................................................................................ E-mail : ............................................................................................................................................................................................ Tél. : ................................................................................................................................................................................................... Date et signature MODE DE RÉGLEMENT Chèque libellé à l'ordre de RH ÉDITIONS à retourner à Acteurs de l'économie - Immeuble le Diplomate - 51 avenue Jean Jaurès - 69007 Lyon Je souhaite recevoir une facture acquittée Je souhaite m’inscrire à la newsletter RÉSERVÉ À ACTEURS DE L'ÉCONOMIE Réf. client :......................................................... Périodicité : du n°............................. au n°.......................... Banque : ....................................................................... N° chèque : ...................................................................N°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 95
Comprendre RUBRIQUE DE NOMARCHITECTURE URBAINELA PATTEDES GRANDSLe marketing territorial des villes multiplie ses sourcesd’inspiration, et celles qui contribuent à façonner uneidentité, une dynamique, un avenir di érenciants sont prisées.Parmi elles, l’architecture contemporaine, qui associe grandsnoms internationaux, jeunes talents locaux, et élus.Démonstration à Lyon et à Clermont-Ferrand.DOSSIER, FRANÇOISE SIGOTPHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE96 Acteurs de l’économie - La Tribune N°130 Avril 2016
Ils façonnent la urbaines RUBRIQUE DE NOM Comprendreville, lui donnent singulièresune identité et la qualité Désormais, à côté des monumentssingulière, architecturale anciens qui attirent une foule qui ignoreimaginent des pour revendiquer bien souvent l’identité de leur concepteur,espaces où il leur identité. les silhouettes architecturales contem-fait bon vivre, Villes et poraines sont, elles aussi, de véritableshabiter, architectes prétextes pour faire rayonner la ville.travailler, ont depuis À Firminy, plus de 15 000 visiteurs sese divertir et bien longtemps pressent chaque année pour admirer leconsommer. appris à avancer site Le Corbusier. À Lyon, le site inter-Les villes, de ensemble pour net d’OnlyLyon a désormais son ongletleur côté, aiment nourrir leurs « architecture ». Autant d’éléments quimettre en avant ambitions n’échappent pas aux concepteurs de lales formes communes. ville, soucieux d’attirer sur leurs terres les plus grands noms de l’architecture contemporaine, sans bouder les signa- tures moins emblématiques capables de signer des gestes qui marqueront le territoire. L’ARCHITECTURE AFFIRME SA PLACE DANS LA VILLE « Sur les territoires de grands projets, comme la Confluence ou la Part-Dieu, nous sommes très attentifs à l’innovation, notamment archi- tecturale. Ces gestes architecturaux forts sont un élément important du rayonnement de la ville », observe Michel Le Faou, adjoint à l’urbanisme à la Ville et à la métropole de Lyon. La Capitale des Gaules a ainsi fait le pari de faire cohabiter les traits archi- tecturaux les plus audacieux du quartierN°130 Avril 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 97
Comprendre ARCHITECTURE URBAINE © Sequoia Franklin « Le dialogue avec les élusConfluence avec les immeubles anciens est un moment essentieldu Vieux-Lyon, classé au patrimoine du projet architectural.mondial de l’Unesco. Et à l’office du tou- Cet échange alimenterisme, on peine à départager, en termes notre créativité. »de fréquentation, les deux quartiers, très Manuelle Gautrandprisés des touristes.Avec moins d’audace, mais tout autant de N°130 Avril 2016détermination pour marquer son intérêten direction de l’architecture, la capitaleauvergnate Clermont-Ferrand vient designer une déclaration d’intention avecl’école d’architecture locale. « Grâce àla qualité des échanges entre la ville et leshommes de l’art, à la définition d’une cultureurbaine et architecturale partagée par le plusgrand nombre, nous voulons aller vers unClermont-Ferrand plus beau, plus pratiquedans les usages, plus fluide dans ses chemi-nements, davantage en symbiose avec sonenvironnement et sa périphérie », défendentde concert Olivier Bianchi, maire deClermont-Ferrand et président de Cler-mont Communauté, et Bruno Reyne, pré-sident du Conseil régional de l’ordre desarchitectes.« Durant de nombreuses années, la ques-tion de l’architecture a été un peu polémiquedans notre ville, qui a manqué d’une rela-tion partenariale suffisamment forte avecles architectes. Nous souhaitons que leschoses évoluent », ajoute le maire auver-gnat. La machine est en marche : l’ar-chitecte portugais Eduardo Souto deMoura, lauréat du prix Pritzker en 2011(considéré comme l’un des plus grandsprix d’architecture), en association avecle cabinet d'architectes clermontoisBruhat-Bouchaudy, a été choisi pourréaliser la nouvelle scène nationale deClermont-Ferrand, devant être livrée àl'automne 2019. Illustration parfaite desnouvelles tendances en matière d’archi-tecture urbaine.GRANDS NOMS ET JEUNES TALENTSCar si toutes les grandes villes se frottentles mains à l’idée d’accueillir de grandsnoms de l’architecture, elles n’en restentpas moins attentives à créer des condi-tions permettant aux jeunes de s’affir-mer. « Nous demandons systématiquementaux architectes de renom de travailler avecdes équipes locales dans le cadre des grandsprojets urbains et sur d’autres sites moinsemblématiques. Nous prenons soin de gar-der un accès à la commande pour les équipeslyonnaises », explique Michel Le Faou.Clément Vergely, architecte lyonnais quia pratiqué ce montage de projets avecChristian de Portzamparc ou le cabinetDiener und Diener, pose toutefois unecondition : « Associer un architecte interna-tional avec un Lyonnais n’a de sens que si les98 Acteurs de l’économie - La Tribune
ARCHITECTURE URBAINE Comprendre À Saint-Etienne, La Cité des A aires « Associer deux se connaissent et ont envie de travailler signée Manuelle Gautrand un architecte ensemble. Forcer une collaboration, simple- international ment pour pouvoir dire que l’on soutient desN°130 Avril 2016 avec un Lyonnais architectes qui n’ont jamais dépassé les fron- n’a de sens que tières lyonnaises, n’est pas souhaitable. » si les deux Pour autant, les élus sont convaincus ont envie que de telles pratiques mettent le pied de travailler à l’étrier des jeunes talents et qu’ils ensemble. défendent ainsi les savoir-faire locaux. « L’architecte d’envergure internationale Forcer une apporte bien sûr une caution, mais nous ne collaboration, souhaitons pas aller chercher la pointure simplement pour pour la pointure. Notre objectif est d’abord de pouvoir dire que travailler pour faire naître de beaux projets l’on soutient des et alors nous aurons des pointures interna- architectes qui tionales, mais aussi des projets portés par n’ont jamais dépassé des talents locaux », revendique Olivier les frontières Bianchi. Un moyen aussi, grâce à cette lyonnaises, n’est proximité, de conserver la main sur le pas souhaitable » visage et la qualité d’usage du bâti de la ville, l’autre enjeu de la collaboration entre l’architecte et la ville. « Notre choix est dicté par les courbes, mais nous rentrons dans les détails et sommes tout autant atten- tifs et exigeants quant à la façon dont sont fabriqués nos immeubles », assure Michel Le Faou. Sans concession sur leurs exigences, les équipes lyonnaises, quels que soient les quartiers, ont ainsi la réputation de suivre, pas à pas, les projets et de vérifier que les promesses sont tenues, en créant une véritable proximité avec les équipes d’architectes et techniques. Pas de quoi rebuter les grandes pointures, bien au contraire. Il faut dire que sans les pro- jets urbains, rares seraient les chantiers offerts à leur planche à dessin. Les appels à projets lancés par les collectivités sont donc très courus et il n’est plus rare que l’unité de compte des candidatures soit la centaine. Ainsi, à Annecy, 128 équipes ont répondu à l’appel lancé, en avril 2012, par la communauté de l’agglomé- ration d’Annecy pour imaginer le futur centre des congrès. AVANCER ENSEMBLE Mais que viennent chercher réellement ces architectes ? Si le site qui accueille leur projet et la liberté priment, ils sont nombreux à reconnaître avoir aussi besoin d’une relation forte avec la ville et son exécutif. Même s’ils sont sûrs de leur talent et revendiquent leur identité à travers les traits de leurs réalisations. « L’architecte arrive rarement par hasard. Je crois beaucoup à la vision d’un maire et de ses équipes. Le dialogue avec les élus est un moment essentiel du projet. Cet échange ali- mente notre créativité », affirme Manuelle Gautrand. Elle a fait partie du pool des cinq architectes du Monolithe à la Acteurs de l’économie - La Tribune 99
Comprendre ARCHITECTURE URBAINEConfluence et a signé la cité des affaires des logements ont été commercialisés très très contemporaine, celle-ci doit s’inspirerde Saint-Étienne. vite, parce qu’il s’agit de Jean Nouvel, mais fortement de ce qui la précède », confesseAuteur, avec Dominique Jakob, des deux surtout parce que leur architecture exté- Manuelle Gautrand. Reste à trouver les« cubes », l’un vert, l’autre orange, de la rieure et intérieure en fait des produits vrai- formes qui sauront faire écho à ce passé,Confluence, Brendan MacFarlane confie ment singuliers. Ces grands architectes sont sans lui porter ombrage. « Nous recher-avoir moins besoin de ce que son homo- des artistes, mais ils sont aussi soucieux chons toujours des gestes contemporains enlogue qualifie de « connivence » avec les de la qualité d’usage et savent anticiper les dialogue avec le lieu. Cela ne signifie pasélus. « Nous sommes finalement peu atten- attentes. Les utilisateurs apprécient. S’ils pour autant que nous encourageons le pas-tifs à l’image que renvoie la ville et nous n’en- sont attentifs à l’architecture du bâtiment au tiche, la copie de bâtiments anciens. Notretrons pas dans des considérations politiques. sein duquel ils s’installent, cela participant à objectif est que l’architecture vive, mais qu’elleNous sommes dans un processus de création. leur image, ils sont intransigeants sur l’usage. s’insère dans le lieu et en respecte les carac-À Lyon, l’idée des deux cubes a uniquement En tertiaire, les utilisateurs sont vigilants et téristiques », tranche Pierre Franceschini,germé en relation avec le site, et non par les investisseurs, moins attentifs aux traits architecte des Bâtiments de France duréaction stratégique ou politique. Au final, extérieurs. En revanche, ils sont intraitables Rhône, à qui il revient d’émettre unnous n’avons jamais vécu une expérience sur la pérennité de l’immeuble », analyse le avis sur les projets architecturaux. Et deaussi forte que celle-ci avec les équipes de promoteur lyonnais. Sans interdire l’au- veiller à ce que le travail des architectesla ville et le promoteur », analyse-t-il. Une dace et l’innovation, le pragmatisme est présents dans la ville soit respecté et pré-sorte de liberté encadrée qui ne peut s’ex- donc de mise pour construire la ville de servé s’il y a lieu. « La notion de patrimoineprimer que dans un climat de confiance, demain, avec un enjeu majeur : être aussi architectural est en évolution perpétuelle »,y compris avec le promoteur, car si la ville agréable à voir qu’à vivre. explique l’ABF du Rhône. En général, leset l’architecte engagent leur image, le pro-moteur engage quant à lui des sommes « Les gestes architecturaux forts sontimportantes, ainsi que sa réputation surces projets souvent à haut risque. un élément important du rayonnement de la ville »L’objectif ultime est de parvenir à satis-faire, certes les amateurs de beaux gestes, EN ÉCHO AU PASSÉ grands projets urbains sont donc précé-mais surtout de trouver preneur pour En renouvelant la ville, les architectes dés d’une étude patrimoniale permettantces bâtiments singuliers. Stéphane Rubi, d’aujourd’hui sont inévitablement de repérer les bâtiments emblématiquesprésident du groupe Cardinal, ne doute confrontés à ceux d’hier. « Le contexte et qualitatifs du site et ce faisant, d’orien-pas de l’effet d’appel de ces noms presti- d’un projet influe grandement sur mes pro- ter le travail des architectes et urbanistesgieux, pour l’avoir notamment constaté jets : même si je revendique une architecture dans le dessin de la ville de demain.avec la tour de logements Ycone, signéeJean Nouvel et que son groupe construiradans le quartier de la Confluence. « 70 % L’architecte portugais Eduardo Souto de Moura, en association © Empreinte Virtuelle avec le cabinet clermontois Bruhat-Bouchaudy 0réalisera la nouvelle scène nationale de Clermont-Ferrand. N°130 Avril 2016 Annecy a tenté en solo en 2015 la labellisation French Tech, mais sans succès. Début 2016, la tendance est à un rapprochement avec la voisine Digital Grenoble, la seule association labellisée, dans le sillon alpin, sous la bannière French Tech in the Alps.100 Acteurs de l’économie - La Tribune
Search
Read the Text Version
- 1
- 2
- 3
- 4
- 5
- 6
- 7
- 8
- 9
- 10
- 11
- 12
- 13
- 14
- 15
- 16
- 17
- 18
- 19
- 20
- 21
- 22
- 23
- 24
- 25
- 26
- 27
- 28
- 29
- 30
- 31
- 32
- 33
- 34
- 35
- 36
- 37
- 38
- 39
- 40
- 41
- 42
- 43
- 44
- 45
- 46
- 47
- 48
- 49
- 50
- 51
- 52
- 53
- 54
- 55
- 56
- 57
- 58
- 59
- 60
- 61
- 62
- 63
- 64
- 65
- 66
- 67
- 68
- 69
- 70
- 71
- 72
- 73
- 74
- 75
- 76
- 77
- 78
- 79
- 80
- 81
- 82
- 83
- 84
- 85
- 86
- 87
- 88
- 89
- 90
- 91
- 92
- 93
- 94
- 95
- 96
- 97
- 98
- 99
- 100
- 101
- 102
- 103
- 104
- 105
- 106
- 107
- 108
- 109
- 110
- 111
- 112
- 113
- 114
- 115
- 116
- 117
- 118
- 119
- 120
- 121
- 122
- 123
- 124
- 125
- 126
- 127
- 128
- 129
- 130
- 131
- 132
- 133
- 134
- 135
- 136
- 137
- 138
- 139
- 140