QUAND L’ENTREPRISE PREND SES QUARTIERS Entreprendre Le programme © Catherine Cabrol création, mais dont les entreprises accusent « Il faut transformer Entrepreneurs dans la un taux de mortalité très élevé en raison du ville permet de ne plus © Laurent Cerino / Acteurs de l’économie manque d'accompagnement », pointe-t-il. le pâtir en agir » considérer la banlieue Durant quatre mois, les candidats suivent comme un territoire deux jours de cours par semaine sur le avant tout parce qu’il y a très peu de partage extra-terrestre. campus d’EMLYON. En mars, le pro- des richesses. » Désormais, elle encourage Tom Thiellet, fondateur gramme accueillera sa dixième promo- les chefs d'entreprise à délocaliser hors de du Moulin à Salade tion soit, depuis 2006, 195 porteurs de Paris, en régions et en particulier dans les en a bénéficié. projet, une centaine d'entreprises, « dont quartiers sensibles. Ce qui ne l'empêche« Démarrez votre carrière » : un événement 80 à 85 tiennent la route », détaille Olivier pas d'être « radicale sur la qualité des CVde la Préfecture à destination des jeunes Mathurin. Le parrainage, réalisé par des et des candidatures » qu'elle reçoit, afin deissus des quartiers populaires. entrepreneurs chevronnés, permet ainsi sortir de la logique des « postes sous-qua- de « réviser ses canons culturels, de s'ouvrir à lifiés » traditionnellement réservés à cesces « entrepreneurs qui s'ignorent », ce n'est l'autre, pour ne plus avoir peur d'échouer ou de bassins d’emplois, estime-t-elle.pas seulement leur offrir des solutions de s'adosser à quelqu'un », dit Olivier Mathurin. Christophe Labare est le fondateur d'Obizfinancement, c'est surtout forcer la ren- « À l’origine, puisqu'ils ne viennent pas à nous, Concept, une start-up de marketing rela-contre – réelle – avec un monde où l'on il faut aller sur leur terrain. Mais il n'y a pas tionnel créée il y a quatre ans, qui a reçu leparle business plan, capital-risque, vision, de profil-type « banlieue ». C'est la nature du premier prix Rhône-Alpes Deloitte 2015. Ilessaimage et incubateurs. Et quoi de plus projet qui commande l'impulsion, pas l'origine a répondu à l'invitation lancée par la préfec-opportun pour appréhender cet état d'es- sociale », souligne Michel Coster, profes- ture le 16 décembre pour participer à l'évé-prit que les bancs d'une grande école de seur en entrepreneuriat et directeur de nement « Démarrez votre carrière ». « Je necommerce. l'incubateur EMLYON. L'enseignant pointe suis pas venu chercher des banlieusards, je suisLes initiateurs du programme Entre- l'écueil de la ghettoïsation : « Il ne s'agit pas venu chercher des collaborateurs, assène-t-il.prendre dans la ville, mis en place par de stigmatiser davantage la différence, mais Il faut ouvrir les portes à parts égales : nousSport dans la ville, en association avec d'établir des ponts entre les réseaux, l'ensei- sommes d'abord tous des citoyens. »EMLYON, l'ont bien compris. Fondée en gnement, les institutions, les acteurs publics,1998, Sport dans ville est la principale de multiplier ce type de programmes d'entraide ÉMANCIPATIONassociation d'insertion sociale et profes- et de solidarité, pour in fine les intégrer. » C'est aussi ce que souligne Sandrine Bar-sionnelle par le sport en France. En 2006, Et cette intégration doit d'abord être éco- rière, gérante d'Appuy Créateurs, une coo-en partenariat avec l’école de commerce nomique, rappelle Olivier Mathurin : pérative d'activités et d'emplois basée àde Lyon, elle a décidé de mettre son expé- « Nous assistons aujourd'hui à la montée en Clermont-Ferrand, qui se confronte auxrience au service de l'entrepreneuriat. La puissance de l'auto-entrepreneuriat. Notre but dynamiques géo-économiques propres àméthode de recrutement reste identique : est, au-delà, de s'inscrire dans une forme juri- l'Auvergne. « La situation est difficile pouraborder les jeunes de 20 à 35 ans sur les dique plus classique, type SARL ou SAS, afin tous les jeunes, rappelle-t-elle. Par exemple,terrains de sport des ZUS et leur proposer de créer de l'emploi. » L'école de commerce en milieu rural, un entrepreneur produit troisune formation pour « travailler aux modèles de Lyon est pour le moment la seule école fois moins de chiffre d'affaires que son alter egoéconomiques qu'ils ont envie de porter », de toute la région Auvergne Rhône-Alpes en milieu urbain. Il est important de garderexplique Olivier Mathurin, responsable du à se pencher spécifiquement sur les terri- nos jeunes sur nos territoires. Mais pour cela,pôle entrepreneuriat à Sport dans la ville : toires en difficulté. il faut avoir des choses à leur proposer. »« Il s’agit d’un public très moteur en termes de À Grenoble, l'association Cap Berriat s'y « FUIR N'EST PAS UNE SOLUTION » attelle en prenant le problème à la racine : L'une des clés de la réussite du pro- la question de l'émancipation des jeunes. gramme Entrepreneurs dans la ville Loin des grandes incantations politiques, consiste à ne plus considérer la banlieue Mohamed Habbouche, chargé de projet comme un territoire extra-terrestre. À au sein de la structure, fait chaque jour faire preuve de bienveillance, en des lieux de « l'aller vers », sur le terrain, à la ren- où la précarité ne cesse de renforcer les contre des jeunes du quartier populaire antagonismes (en 2012, 38,4 % des per- de Saint-Bruno, pour « transformer le pâtir sonnes vivaient sous le seuil de pauvreté en agir », dit-il. Pour passer « de rien, d'une au sein des ZUS, contre 12,2 % en France). envie, d'une colère » à une prise d'initiative, Pour Cécile Galoselva, cela passe par la voire une activité économique soutenue nécessité de réinvestir ces territoires. La par la couveuse Paprica (Plateforme pour fondatrice et PDG d'Etic, lauréate du prix l'aide aux projets et initiatives de création Talents des cités et du trophée Femmes en d'activités) ou par le programme Piments, or, a d'abord quitté Vaulx-en-Velin, jeune dédié à l'entrepreneuriat solidaire et colla- diplômée, avant d'y revenir et d'y instal- boratif. À l'origine, piloté par Cap Berriat, ler le siège de son entreprise spécialisée en charge de 112 créateurs de projets en dans la gestion éthique et responsable de 2014, ce dispositif sera bientôt déployé bâtiments. dans 12 régions de France. Afin que l’en- « J'avais un peu honte d'avoir quitté mon trepreneuriat puisse établir ses quartiers quartier. Fuir n'est pas une solution. Ces dans les banlieues. quartiers ne sont pas agréables, d’abord et« C'est la nature du projet qui commande l'impulsion, pas l'origine sociale »N°129 Février 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 51
Entreprendre QUAND L’ENTREPRISE PREND SES QUARTIERS© Laurent Cerino / Acteurs de l’économie ABDEL BELMOKADEM « SANS DISCRIMINATION POSITIVE, LA DIVERSITÉ EN ENTREPRISE N’AURAIT JAMAIS PU AVANCER » ENTRETIEN, MATHIEU MARTINIÈRE/WE REPORT Ancien boxeur professionnel, Quinze ans après avoir fondé Comment allez-vous à leur rencontre ? médiateur en banlieue et Nes Cités, qui emploie une Comment éveillez-vous, chez eux, l’es- ancien adjoint au maire de quinzaine de personnes, quel prit d’entreprendre ? Vaulx-en-Velin, Abdel regard portez-vous sur la Il existe un problème majeur en France. De Belmokadem a créé Nes création d’entreprise en 2016, nombreux dispositifs d’accompagnement Cité en 2001. Une entreprise pour un jeune de banlieue ? existent. La difficulté réside dans l’accès à d’insertion professionnelle Il est plus facile de créer son entreprise de l’information. Ces jeunes-là en sont privés. qui intervient en France nos jours, puisqu’il existe davantage de dis- Ils sont en rupture avec le monde institu- à la rencontre des jeunes positifs et d’acteurs engagés. Il y a 15 ans, tionnel et les acteurs classiques. Si vous de banlieue. En 15 ans, j’étais incapable d’en identifier ne serait-ce n’allez pas vers eux, ils ne viennent pas à elle a permis l’embauche que trois. Aujourd’hui, je peux en citer dix. vous. Dès lors, j’ai adapté ce que pratiquent de 6 000 personnes. Une Sans ces dispositifs, les profils « quartiers » les grands cabinets américains ou français réussite ? Abdel Belmokadem ne pourraient pas créer leurs entreprises. de chasse de tête. Ceux-ci se donnent les est nuancé. Il critique l’inertie J’ai été élu adjoint au maire de la Ville de moyens. Ils rencontrent des cadres sur leur des pouvoirs publics, salue Vaulx-en-Velin deux mois après avoir conçu lieu de travail, leur donnent rendez-vous au tout de même le réveil de Nes & Cités. Mon parcours est très suivi restaurant ou même à leur domicile. Nous l’Éducation nationale, et dans les quartiers où j’ai grandi et celui où reproduisons ce modèle. Nous allons sur confie sa rage d’éveiller j’habite. En quelque sorte, j’ai provoqué un le terrain, dans les cages d’escalier, dans la l’envie d’entreprendre appel d’air. Au début, j’accompagnais, seul, rue, dans les appartements. Nous dévelop- en banlieue. 20 jeunes autour de la création d’entre- pons un ensemble de concepts pour amener prise. Au bout de 15 ans, cette expérience l’information au plus près des candidats. 52 Acteurs de l’économie - La Tribune en a inspiré d’autres. Avec Nes & Cité, nous essayons d’encourager et d’être aux côtés Diriez-vous que vous agissez là où les de tous les jeunes, mais aussi moins jeunes, pouvoirs publics ont échoué ? qui veulent entreprendre. Oui, c’est certain. Ce constat est amer. Je n’ai aucune gêne à affirmer que nous ne Des dispositifs existent donc. Cepen- devrions pas exister. Tant sur le plan de dant, le taux de chômage chez les la médiation pure dans les quartiers que jeunes atteint 40 % dans les banlieues. sur les questions de retour à l’emploi. Ce N°129 Février 2016
QUAND L’ENTREPRISE PREND SES QUARTIERS Entreprendren’est pas à nous d’entreprendre cela, mais J’étais contre au départ, mais j’ai depuis quartiers. Beaucoup de moyens ont certesaux pouvoirs publics. Aujourd’hui, c’est changé d’avis. Il m’a été très difficile d’ad- été investis dans la politique de la Ville,le monde de l’entreprise qui donne l’envie mettre qu’il pouvait exister des inégalités, mais son efficience en termes d’emploi estd’entreprendre. J’ai pris un peu de recul que dans le pays des droits de l’homme, proche de zéro. Les jeunes bénéficiant deface à la politique. Avec Nes & Cité, je mène nous soyons obligés de légiférer pour impo- contrats aidés n’ont généralement aucuneune politique comme je l’entends : elle est ser quelqu’un à un poste. Mais sans ces lois, expérience. Ils se retrouvent à devoir aiderguidée par l’action. la diversité en entreprise n’aurait jamais pu des gens en grande difficulté alors qu’ils avancer. le sont eux-mêmes. Forcément, cela neCertaines écoles mettent en place des peut être que compliqué. Dans nos projets,dispositifs d’aide à la création d’entre- Actuellement, un jeune de banlieue nous développons la médiation en nousprise pour des jeunes issus de banlieues. a-t-il à sa disposition tous les bons adaptant au découpage des métropoles etL’Éducation nationale a-t-elle tout de leviers pour entreprendre ? travaillons de concert avec l’Anru (Agencemême compris la nécessité de s’ouvrir Oui, selon moi. Je peux citer de bons nationale pour la rénovation urbaine) enplus largement à ce public ? exemples, tel Malamine Koné, originaire Rhône-Alpes. Les questions urbaines etJ’ai, depuis quelques années, adouci mon des quartiers d’Île-de-France, à la tête sociales sont indissociables. Nous vou-propos sur ce point. L’Éducation nationale, d’Airness, une grande marque sportive. lons ramener l’emploi au plus près desen effet, s’engage davantage qu’auparavant Néanmoins, demeure un problème d’image territoires, dans le monde rural comme endans la voie de l’entrepreneuriat. Celle-ci à assumer. Personnellement, j’ai souhaité banlieue. Car les quartiers n’ont pas été lesétait jusqu’alors quelque peu sanctuari- rester à Vaulx-en-Velin, y installer mes seuls abandonnés. Les zones rurales ontsée. Les initiatives se sont démultipliées bureaux, y résider. Je ne veux pas fuir également été désertées.et offrent une plus large ouverture. Ainsi, mon pays et ma ville. Je veux dire et prou-le dispositif de la fondation Entreprendre ver que l’on peut réussir en venant de la De quelle manière, voyez-vous l’avenirdans la ville, développé avec EMLYON, banlieue. Les consciences évoluent, certes. de Nes Cité ? Vous dîtes « être prêt àpermet, chaque année, à une vingtaine Mais, souvent, les gens qui réussissent ne se partir au combat ».de jeunes, en majorité originaires de ban- retournent pas. J’aurais, de mon côté, mille Nous privilégions la médiation après l’an-lieue, de bénéficier d’une formation au raisons de partir. Ce qui me fait rester : c’est nus horribilis que nous venons de vivre. Jesein de l’école de commerce. Ils peuvent l’avancée considérable que nous observons veux imposer en France notre conception.ainsi valider leur business plan et créer leur sur ces 20 dernières années. Nous avons commencé, il s’agit à présentstructure. Lorsque j’étais élu à la Ville de d’enfoncer le clou. Peu importe le prix àVaulx-en-Velin, nous avions également mis Depuis les années 1990, vous avez été payer, je suis prêt, idéologiquement, àen place un dispositif de formation avec médiateur, et ce après les émeutes à partir au combat. Pour les politiques, lal’université Lumière Lyon 2. Ce dispositif Vaulx-en-Velin. En tant qu’élu à la médiation, ce sont les « grands frères ».visait des jeunes des quartiers peu ou pas Ville, vous avez pu observer l’évolu- Ce sont les Noirs et les Arabes. Pour nous,diplômés, afin de leur permettre de vali- tion des politiques publiques dans les c’est une compétence, un savoir-faire, desder un diplôme bac+1 relatif à la création banlieues. Les quartiers ont-ils, selon outils, des professionnels. La paix socialed’entreprise et d’activité. En dix ans, nous vous, été abandonnés sur le terrain de ne s’achète pas, elle se construit, sur le ter-avons accompagné quelque 200 porteurs de l’emploi ? rain. Nous allons également développerprojets. Tout le dispositif était abrité au sein Je me place à l’échelle nationale, car la davantage les petits formats. À terme, monde la pépinière de Vaulx-en-Velin. situation est la même. Nous avons récem- projet personnel est de créer une fonda- ment connu une vague d’attentats. Elle tion qui interviendrait dans les domainesÊtes-vous favorable à la discrimination impose de se poser les bonnes ques- de l’éducation, de l’emploi et peut-être depositive dans la formation ? tions. L’action publique a reculé dans les l’entrepreneuriat.Le talent sur mesure www.algoe-executive.fr www.stantonchase.com Votre solution depuis 40 ans dans 46 pays pour le recrutement de profils rares et de haut niveau Recrutements Executive Searchet le développement de vos Équipes Assessments Top Managers Experts Coaching Lyon :Carole de Chilly - 04 72 18 13 70 - 9 bis, rte de Champagne 69130 Ecully Une entreprise, deux marques Paris :Philippe Palacin - 01 53 02 26 86 - 23, rue Louis-le-Grand 75002 Paris Acteurs de l’économie - La Tribune 53N°129 Février 2016
Entreprendre RUBRIQUE DE NOM54 Acteurs de l’économie - La Tribune N°128 Décembre 2015
DAVID KIMELFELD Entreprendre Premier vice-président à Les vies la métropole de Lyon, maire du parallèles 4e arrondissement et secrétaire de fédéral du PS du Rhône, David AVID Kimelfeld, 54 ans, continue à KIMELFELD s’occuper de quelques clients chez Tepmare, l’entreprise qu’il PORTRAIT, MARIE-ANNICK DEPAGNEUX a créée avec son associé Gilles PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE Faveyrial. Infatigable et bon vivant, il est apprécié pour sa avid Kimelfeld a donné rendez-vous à de jeunes entrepreneurs loyauté, son e cacité et son évoluant dans l’univers des industries créatives, ce matin du jeudi pragmatisme. Apparaissant 10 décembre au Voxx, bar branché des pentes du quartier de la comme le successeur légitime Croix-Rousse. Le premier vice-président de la Métropole en charge de Gérard Collomb, pense-t-il de l’économie souhaite connaître leurs attentes. « C’est important de lui-même à la suite ? Refusant vous écouter. Sans ce type d’échanges, on se déconnecte de la réalité et on catégoriquement de se se regarde le nombril », explique-t-il d’une voix chaude et détendue. présenter comme dauphin, il est Autour des tables basses et d’un café, chacun s’exprime librement en revanche sans ambiguïté sur après s’être présenté. L’élu qui les a réunis prend des notes, relève ses engagements d’homme de au passage quelques contradictions, mais avec bienveillance. Et gauche, comme l’attestent ses lève la séance une heure plus tard : « J’aurai l’occasion de vous faire proches collaborateurs. des propositions très concrètes », assure-t-il. « Ils ont un bon état d’es- prit. Ils ne demandent pas de financements. Ils veulent de la souplesse,N°129 Février 2016 de l’adaptabilité. Je comprends qu’Emmanuel Macron soit compris par eux », confie-t-il en aparté. Acteurs de l’économie - La Tribune 55
Entreprendre DAVID KIMELFELD Guillaume Abou, président de 656, groupe de médias et évène- © Laurent Cerino / Réa « J’aimais l’urgence mentiel, attend de connaître la suite qui sera donnée : « Sur le moment, cela a bien marché. D’entrée de jeu, il a posé le mode de fonc- et j’aurais adoré travailler au Samu » tionnement. Il est à l’aise et il y a de l’humain chez lui. Une réunion dans un lieu comme cela, c’est bien. » David Kimelfeld est ainsi : « Attentif TOUJOURS UN PIED DANS L’ENTREPRISE aux autres, il regarde les gens dans les yeux », remarque Nathalie L’élu lyonnais a toujours gardé un pied chez Tepmare. Il a conservé Pradines, élue à la chambre de commerce et d’industrie de Lyon. quelques clients importants, qu’il suit depuis longtemps : le groupe « Il est cash », lance Maud, sa collaboratrice depuis huit ans à la Plastic Omnium (division environnement) ou encore Arjowiggins mairie du 4e arrondissement de Lyon, également présente ce jour (papiers de haute sécurité). « Il a le meilleur dans l’entreprise et ce qui de décembre. convient à son timing », s’amuse Gilles Faveyrial. « Je lui ai toujours dit COPAINS DE LYCÉE qu’il ne fallait pas considérer Tepmare comme un carcan, car je sentais Celui qui en parle le mieux, dans la sphère professionnelle, c’est qu’il voulait s’engager en politique. Son rôle public n’a pas de résonance Gilles Faveyrial. Ensemble, ils ont créé, en décembre 1989, la dans l’entreprise. En revanche, celle-ci lui a permis de se former à la société Tepmare, commissionnaire en transport maritime pour le gestion du groupe, à la communication… Tout a été fait afin qu’il puisse fret, et aujourd’hui basée cours Suchet, dans le 2e arrondissement. dégager du temps pour ses fonctions d’élu sans que Tepmare en souffre, ni Ils se connaissent depuis la seconde, au lycée du Parc Chabrières, moi non plus. Et dès qu’il est entré au Grand Lyon, il venait de moins en à Oullins (Rhône). « Nous étions de la même trempe, un peu organisa- moins. » La décision est alors prise d’un commun accord, « comme teurs déjà. Et, on montait facilement au créneau lorsqu’il fallait reven- toujours », de transférer une partie de sa clientèle au directeur com- diquer. Scolairement, nous étions plutôt moyens », se remémore son mercial en lui déléguant des responsabilités ainsi qu’au directeur camarade de classe. administratif et financier. Thomas Desglis et Willy Martinez, les Dans un premier temps, ils se sont orientés vers des professions deux cadres concernés, plus jeunes, sont peu à peu montés en sociales. Éducateur de jeunes enfants pour Gilles Faveyrial, infir- grade et contrôlent désormais la majorité du capital aux côtés des mier pour David Kimelfeld, né le 17 juin 1961, dans le 3e arron- deux fondateurs qui, comme au premier jour, partagent le même dissement : « J’ai pris cette décision en terminale car, à l’époque, nous bureau. n’avions pas besoin du baccalauréat. De plus, je pensais que j’allais le « J’y passe une fois par semaine. C’est important pour moi de garder ce rater. » Il garde un très bon souvenir de ses trois années en service contact. Ce sont des instants de respiration », indique David Kimelfeld. de cardiologie, aux Hospices Civils de Lyon : « J’aimais l’urgence et Un autre de ses amis, Jean-Michel Daclin, actuel président j’aurais adoré travailler au Samu. » Mais il abandonne l’hôpital en d’OnlyLyon Tourisme et Congrès, confirme : « Un jour, au téléphone, 1986, non par dépit − « Je pensais que j’y reviendrais un jour » −, mais il me dit : « Je suis au boulot et tu ne peux pas savoir le bien que cela me par un concours de circonstances. Le jeune David, qui préside alors fait ». » Ils se sont connus lorsqu’il était adjoint à la mairie du 4e la MJC de Brignais, dans la banlieue lyonnaise, avait organisé une arrondissement : « Dans cet arrondissement, il a rapidement compris exposition d’objets d’art africains et était en quête d’un sponsor ce qu’il fallait faire dans la filière de la soie », qui fut le fief des canuts pour les acheminer du Burkina Faso. Tout trouvé auprès du père et le siège de nombreux soyeux, poursuit l’ex-vice-président au de Gilles Faveyrial, à la tête de Tepmare, organisateur de transport Grand Lyon délégué aux Relations internationales. David Kimelfeld maritime. Séduit par la fibre commerciale de l'ami de son fils, il a d’ailleurs un peu baigné dans la nippe : il évoque son grand-père l’embauche. David Kimelfeld raconte : « Je suis parti avec ma petite maternel, tailleur, lorsqu’il lui faut couper le ruban inaugural d’une mallette. Il m’a coaché. Il était exigeant et poussait parfois de grands opération immobilière, près du Gros Caillou de la Croix-Rousse, ce coups de gueule. J’ai adoré apprendre ce métier. » même 10 décembre. Dans la grande rue voisine, Jacques Descours, fleuriste, et élu à la CCI de Lyon, se souvient : « J’ai participé à de« Jamais, David Kimelfeld ne se présente comme le dauphin de nombreuses réunions avec lui lorsque j’étais président de l’association desGérard Collomb, même en privé », certifie Gilles Faveyrial, son associé. commerçants. Nous nous voyions de 15 à 30 minutes et nous résolvions les problèmes. Il sait aller jusqu’au bout, en expliquant et en faisant en 56 Acteurs de l’économie - La Tribune sorte que cela fonctionne. » N°129 Février 2016
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Entreprendre DAVID KIMELFELD« POLITIQUEMENT TRÈS BON » « L’opposition n’est pas mon mode de fonctionnement. »Efficacité et pragmatisme, ces qualités lui sont également recon-nues par Philippe Guérand, premier vice-président de la CCI et pratiquante « qui peut quitter la table au milieu d’un repas pour allervice-président du Medef Lyon-Rhône. « Il est important d’avoir des prier dans la pièce d’à côté, en se tournant vers la Mecque ». L’humourélus politiques professionnels, mais il faut également des élus comme affleure toujours chez celui qui vit depuis longtemps la diversité auDavid Kimelfeld, qui sont aussi des chefs d’entreprise », glisse ce patron, quotidien : sa mère est catholique, son père, juif. Et pour incarnerà la tête de la Sier, société immobilière. « Il est politiquement très bon, cette multiplicité d’origines, il a prénommé sa fille aînée de 28 ans,mais il ne se résume pas à cela », renchérit Jean-Michel Daclin. née de son premier mariage : Sarah, Djamila, Hélène, confie sonUn entrepreneur en charge de l’économie à la Métropole, c’est un ami Gilles Faveyrial.vrai plus. « Il est sans ambiguïté quant à ses engagements politiques de LE DAUPHIN ?gauche. Il a une certaine facilité d’échange avec les chefs d’entreprise. C’est parce qu’il n’a pas envie de passer une partie de la semaineNégocier des contrats, connaître l’angoisse des fins de mois et des salaires à Paris, loin des siens et de ses amis, qu’il dit ne pas être intéresséà payer, il sait ce que c’est », acquiesce Jacques de Chilly, à la direc- par un mandat parlementaire. Mais, au fait, rêve-t-il de remplacer,tion des affaires économiques et internationales de la Métropole, un jour, Gérard Collomb ? « L’objectif d’aujourd’hui, c’est de réussir ceson collaborateur de référence. « Il est apprécié des équipes, car il est que l’on est en train de bâtir. 2020, c’est loin. Le président de la Métro-très ouvert. Souvent il fonctionne en direct avec les personnes de mon pole ne pourra pas être maire. Et Gérard Collomb n’a pas fait connaîtreservice. C’est sa façon de travailler », admet-il. son choix. L’opposition n’est pas mon mode de fonctionnement. C’estL’insertion (compétence dont la Métropole a hérité du Départe- lui que les Lyonnais ont élu », balaye l’intéressé en homme loyal.ment) est un sujet qu’il a tout particulièrement souhaité prendre à « Jamais, il ne se présente comme le dauphin du maire de Lyon, mêmebras le corps. Par conviction. « J’ai demandé à présider une commis- en privé », certifie Gilles Faveyrial. « Gérard Collomb ne veut passion locale de l’emploi. Je l’ai fait pendant six mois pour toucher du doigt de dauphin », appuie Jean-Michel Daclin. Aux yeux de Jacques dela complexité du dispositif. On ne pouvait pas se lancer, tête baissée, sans Chilly, pourtant, « de tous les gens autour de lui, c’est celui qui est lelancer une grande concertation que Gérard Collomb a acceptée. Il faut plus à même de lui succéder ». David Kimelfeld devra alors accep-maintenant passer à l’opérationnel. L’enjeu de l’insertion, c’est l’emploi. ter d’entrer dans la lumière pour se faire connaître sur la placeNous avons une marge de manœuvre dans l’agglomération. Toutefois, lyonnaise.nous ne ferons pas des miracles », souligne David Kimelfeld. « Tra-vailler avec lui a été un vrai bonheur. Derrière les grands chefs à plumes N°129 Février 2016et leur entourage, nous avons réussi à fluidifier les relations entre nosdeux collectivités », atteste Jean-Louis Gagnaire, ex-vice-présidentdu conseil régional de Rhône-Alpes, en charge de l’économie, etdéputé PS de la Loire.Sa mission de premier vice-président à la Métropole et celle demaire d’arrondissement, il les remplit avec un égal plaisir. « J’yconsacre à peu près le même temps. L’une m’aide pour l’autre. La mairiem’amène à être au plus proche, mais il y aurait une petite frustrationà demeurer uniquement dans la proximité », souffle-t-il. Quant à saresponsabilité de premier secrétaire fédéral du PS, dans le Rhône,« c’est une activité militante » comme une autre. Aux dires de cer-tains, Gérard Collomb aurait très mal accueilli son élection ausein de cette instance. Mais, n’en déplaise à l’édile lyonnais, DavidKimelfeld est « moins aux ordres qu’on veut bien le dire », lâche unobservateur.ÉPICURIENLa gestion de l’agenda de David Kimelfled est quelque peu compli-quée. « Néanmoins, ce n’est pas gênant : on est là pour faire le job », lâcheJacques de Chilly. D’aucuns reprochent à l’élu de ne pas entrer dansles détails des dossiers contrairement à Gérard Collomb, réputé per-fectionniste. Là encore les collaborateurs sont là. « À le voir tapoter surses deux téléphones, je lui demande parfois : « Comment fais-tu ? Tu n’espas fatigué ? Tu n’en as pas marre ? ». Il me répond qu’il y arrive toujours.Il possède ses propres soupapes, glisse Gilles Faveyrial. C’est un épicu-rien. Il aime la vie, les bons vins et la bonne chère. »Sa famille n’est jamais loin de ses pensées. Et il parle volontiers desa vie privée. De ses deux jeunes enfants (7 ans et demi et 4 anset demi) qu’il dépose le matin à l’école. De son épouse Leila, aveclaquelle il déjeune le vendredi : « Fixer un jour était la seule façon des’y tenir », confie David Kimelfeld. De sa belle-mère, musulmane« Il est sans ambiguïtéquant à ses engagementspolitiques de gauche »58 Acteurs de l’économie - La Tribune
UN DANDY CHEZ BIBENDUM Entreprendre StartUps + Mazars,imaginons l’avenir ensemble ETI ANGELS ACCELERATION INCUBATION StartUp#OPENINNOVATION +2700 38 EXPERTS BUREAUXN°129 Février 2016 Audit I Expertise Comptable | Conseil I Opérations Financières I Fiscalité I Actuariat Acteurs de l’économie - La Tribune 59
Entreprendre RUBRIQUE DE NOM© Mailfor, iStock by Getty Images 60 Acteurs de l’économie - La Tribune N°129 Février 2016
RUBRIQUE DE NOM Entreprendre Depuis sa création en février 2011, la société grenobloise Delta Drone se rêvait en leader français du drone civil, se posant à la fois en fabricant, institut de formation pour les télépilotes et prestataire de services. Seulement, quelques mois après son entrée en Bourse, l’alliance des quatre fondateurs explose en plein vol, laissant la moitié des e ectifs sur le carreau. Radiographie d'une histoire mouvementée et mystérieuse.DELTA DRONELE CRASH ENQUÊTE, MARIE LYAN Acteurs de l’économie - La Tribune 61N°129 Février 2016
Entreprendre DELTA DRONE e devait être l’une des réussites à la greno- bloise. Depuis sa création en 2011, Delta62 Acteurs de l’économie - La Tribune Drone avait conquis les journaux télévi- sés des chaînes nationales et su attirer des personnalités telles que les ex-ministres Geneviève Fioraso et Marylise Lebranchu, ou encore le député Olivier Véran, dans ses locaux basés dans l’ancienne usine Cémoi. « Partout, on connaît le nom de l’entreprise Delta Drone », reconnaît un télépilote du nord de la France. Affichant clairement son ambition de devenir l’un des leaders de la filière, la société iséroise a démarré fort, menant de front trois pro- jets : celui de lancer une industrialisa- tion en série à travers le drone H puis le drone Y, complété par la création de la première école française du drone en janvier 2013, tout en offrant des services de prise d’images et de traitement de données pour des marchés divers (mon- tagne, agriculture, industrie, réseaux, etc.). Autant dire que la société co-fondée par Frédéric Serre, Christian Viguié, Guillaume Pollin et Fabien Blanc-Pâques détonne dans le milieu du drone civil à usage professionnel, « encore composé encore à 80 % d’auto-entrepreneurs et où l’on compte 2 400 opérateurs en France dont 300 en Rhône-Alpes », rappelle Philippe Gour- dain, délégué de la Fédération profession- nelle du drone civil (FPDC). Pour avoir les moyens de ses ambitions, Delta Drone procède à trois augmenta- tions de capital avant de choisir d’entrer en Bourse en juin 2013, soit moins de deux ans après sa création, surfant sur les prévisions optimistes du marché des drones. « D’après les derniers chiffres, le marché du drone civil représente 2,5 mil- liards de dollars au niveau mondial, et devrait plus que doubler d’ici 2020. Mais si on le compare au marché des smartphones représentant 272 milliards en 2015, ce n’est même pas 1 % », relativise Mark Thomas, professeur de management stratégique à Grenoble École de management. N°129 Février 2016
LE QUATUOR SE DÉSINTÈGRE « La naïveté DELTA DRONE EntreprendreMais après avoir annoncé un prévisionnel des premiersde deux millions d’euros de chiffre d’af- instants a été mise À 54 ans, ce diplômé de l’IEP de Paris afaires pour la fin 2014, le rêve s’effondre… à mal par une occupé des fonctions d’analyste financierÀ l’été de la même année, la société, dont industrialisation avant de créer plusieurs entreprises dansles comptes sont grevés par des pertes compliquée. Nous le domaine de l’information financière. Ilde plusieurs millions d’euros (pour un repartons dans est également professeur au Centre de for-chiffre d’affaires de 696 000 euros en une configuration mation à l’analyse financière et membre2013), entame une descente abrupte. Pas- plus réaliste. » de la SFAF (Société française des analystessée, en août, du statut de société anonyme Plus réaliste financiers). Dans une interview accordée(SA) avec directoire et conseil de surveil- peut-être, mais pas en septembre 2015 au magazine L’Usinelance à celui d’une SA dotée d’un conseil plus transparente Nouvelle, le nouveau président affirmaitd’administration, le quatuor à la tête de que « la naïveté des premiers instants a étéDelta Drone vole en éclats, avec le pas- mise à mal par une industrialisation compli-sage aux manettes de Christian Viguié, quée (…) Nous sommes revenus à la réalité,jusqu’ici actionnaire. La société n’a d’autre nous avons atterri. Et nous repartons danschoix que de se lancer dans une troisième une configuration plus réaliste forts de cesaugmentation de capital de 2,35 millions trois années d’expérience ».d’euros qui se clôture fin septembre 2014. UN MODÈLE EN QUESTION ?Dans l’historique publié sur le site inter- Une configuration plus réaliste, maisnet de l’entreprise (retiré depuis nos pas plus transparente. Malgré plusieursdemandes d’interview), aucune mention requêtes, le Pdg de Delta Drone n’a pasne fait état du départ de trois des quatre accepté les demandes d’interview d’Acteursco-fondateurs, ni du plan de licencie- de l’économie-La Tribune. Même réactionment économique divisant par deux les de la part de ses principaux actionnaires,effectifs. Comme si le temps s’était arrêté dont le fonds LFK (12,61 % du capital) ouau printemps 2014. Une ère succédant à le fonds NextStage (11,58 % du capital).une autre, à la présidence, Fréderic Serre, Tous ont décliné les propositions d’en-omniprésent dans les médias, laisse place tretien, après que la direction a été miseà Christian Viguié, l’homme de l’ombre. au courant. Avec un chiffre d’affaires de 939 000 euros et une perte provisionnée deForum entreprise_Mise en page 1 28/01/16 11:01 Page1La Ville de Lyon organise une rencontre avec les fournisseursafin d’échanger sur la commande publique.Venez participer au FORUM ENTREPRISESjeudi 7 avril de 8h30 à 12h30, Palais des Sports de Gerland (Lyon 7ème).Une occasion d’échanger autour de tables rondes et stands dédiés au secteur économique(transport, déplacement, alimentation, mobilier, maintenance, propreté, assurance,communication, conseil et expertise, documentation, sanitaire et social, construction,télécommunication…) avec les acheteurs, les représentants des services opérationnelset élus de la Ville de Lyon.Inscription gratuite sur lyon.fr, dans la limite des places disponibles.N°129 Février 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 63
Entreprendre DELTA DRONE Au printemps 2014, le Pdg, Fréderic Serre (photo), omniprésent dans les médias, © Marc Bertrand - Challenges -Réa laisse place à Christian Viguié, l’homme de l’ombre afin de remettre Delta Drone d’aplomb. N°129 Février 201664 Acteurs de l’économie - La Tribune
DELTA DRONE Entreprendre12,2 millions d’euros (!) en 2014, « Christian du marché qui a pénalisé l’entreprise : affirme une source, estimant que « lesViguié a fait à son arrivée un état des lieux « Nous ne sommes qu’au début du marché, les erreurs de départ étaient d’être partout etassez poussé. Normalement, une entreprise chiffres continuent à évoluer... Mais lorsque nulle part à la fois ». La nouvelle recette ?dans cet état n’est ni en Bourse ni ailleurs, l’on s’appelle Delta Drone et qu’on a trois à Miser désormais sur le développement demais au tribunal de commerce », décrypte un cinq millions d’euros de charges par an, il ne solutions à plus forte valeur ajoutée, per-acteur clé du dossier, qui a souhaité rester suffit pas de réaliser quelques millions d’eu- mettant l’acquisition et le traitement deanonyme. Et rappelle que le nouveau Pdg ros de chiffre d’affaires. » Il reconnaît néan- données par les drones, tout en se recen-a tout de même réussi à lever 30 millions moins que l’analyse a posteriori est facile, trant sur deux marchés particulièrementd’euros de ressources notamment au tra- face à ceux qui ont su prendre des risques porteurs : celui des mines et carrières,vers d’Ocabsa (obligation convertible). « Il et se lancer les premiers : « Ils auraient et celui de l’agriculture. « Pour parvenir àexiste beaucoup de fantasmes autour de l’in- aussi pu devenir les leaders. » Mark Tho- durer, les sociétés doivent faire des choix stra-dustrie du drone », ajoute-t-il. mas rappelle également que « la tendance tégiques en sortant, par exemple, des aspectsChristophe Baillon, co-fondateur du fabri- d’un futur leader, premier sur son marché, généralistes pour aller vers des marchés spé-cant Squadrone Systems nuance : « Nous connaît des pertes à son départ. Amazon s’est cialisés. C’est ce qu’a fait Delta Drone, qui ane nous réjouissons pas de ce qui est arrivé, d’ailleurs toujours vantée de ses pertes, et n’a quasiment arrêté la fabrication pour rache-mais je ne pense pas qu’il s’agisse d’un pro- commencé à être profitable qu’au bout de sept ter des entreprises dans les mines et investirblème d’industrialisation. Ils se sont certaine- ans. Mais il faut un investissement important dans la cartographie », décrypte Philippement lancés un peu trop tôt, avec une entrée dès le départ ». Gourdain.en Bourse intervenue trop vite. » S’il prépare Pour Mark Thomas, nul doute que « leslui-même sa seconde levée de fonds, il est UN VIRAGE À 180 DEGRÉS entreprises qui tentent de tout faire en mêmeloin de miser sur une entrée sur les mar- Alors que la stratégie initiale du quatuor temps rencontrent souvent un problème ».chés : « Nous n’en sommes pas là, car cela prévoyait la fabrication de 500 drones « Amazon a commencé aux États-Unis etamène des contraintes différentes et moins d’ici à fin 2014, la vision de Christian sur le marché des livres, puis s’est élargie pro-d’agilité. » Mark Thomas ajoute : « En Viguié ne met plus l’emphase sur la fabri- gressivement à des marchés voisins, commeBourse, les gens s’orientent sur le court terme : cation et réalise un virage à 180 degrés. le Canada, puis le Royaume-Uni, avant deon peut générer un capital très élevé dès le De fabricant de drones, il passe à assem- conquérir l’international. C’est ensuite qu’elledépart, mais encore faut-il avoir un plan stra- bleur, une activité moins soumise à la est sortie des seuls livres », rappelle-t-il.tégique solide. » Pour Philippe Gourdain, pression des coûts. « Notre travail n’est pas Ces derniers mois, Delta Drone a conso-délégué FPDC et gérant du lyonnais Stu- de vendre des drones mais de proposer les lidé ses positions, notamment dans ledioFly, c’est aussi le manque de maturité drones dont on a besoin à un instant précis », marché du traitement des données, à Avec Rhônexpress, efficacité, simplicité, économies : (1)Valable sur souscription d'un Smart Business Pack. Adhésion gratuite et sans minimum d’achat *le lien malindes déplacements Lyon–Aéroport vraiment gagnants ! Pour l’entreprise et le collaborateurRéduction e-billetjusqu’à Reporting +-15% (1) total TTC + Pour en savoir plus sur l'offre business : rhonexpress.fr rubrique « espace pro » Acteurs de l’économie - La Tribune 65N°129 Février 2016
Entreprendre DELTA DRONE UNE FIN AU GOÛT AMER Moins d'un Chez les anciens de Delta Drone, l’aventure million d'eurostravers quelques acquisitions comme semble néanmoins laisser un goût amer. de chiffre d'affairesla société de drones civils Fly-n-Sense L’ex-président de l’entreprise Frédéric pour 12,2 millions(Bordeaux) dont il détient désormais Serre n’a finalement pas donné suite de pertes :90 % du capital. Ou avec le rachat de la aux sollicitations d’Acteurs de l’économie- « quand on asociété Cap Minerals, à hauteur de 50,1 %, La Tribune. À l’instar des cofondateurs, jusqu'à cinqpour sa connaissance du secteur minier Fabien Blanc-Pâques, qui occupe depuis millions d’eurosen Afrique du Sud. « C’est un secteur très juin 2015, le poste de vice-président des de charges par an,important où nous constatons une forte solutions d’ingénierie d’Airware, un par- réaliser quelquesdemande », affirme une source proche de tenaire de Delta Drone, basé en Califor- millions d'eurosla direction, qui précise que la société sur- nie. Et Guillaume Pollin, associé avec le de recette n'estveille également d’autres marchés comme fondateur de Delta Drone pour créer un pas suffisantles installations industrielles et les télé- spin off du CEA spécialisé dans la réalité pour s'en sortir »communications. La société a annoncé fin virtuelle, Motion Recall. Partenaire desjanvier avoir réussi ses 100 premières mis- débuts, président de Maya Technologies, Quelques jours après notre interview avecsions d’inspection d’antennes télécom de Philippe Mattia, qui a hébergé quelque un acteur clé du dossier, l'onglet historiqueréseau mobile pour le compte du groupe temps l’entreprise lors de ses débuts, de la société disparaissait de la pageOrange, ce qui devrait lui permettre de se collaborant avec elle sur la partie hard- d'accueil du site internet de Delta Drone. positionner sur un marché potentiel de ware et software et participant mêmeplusieurs milliers d’antennes à inspecter. à sa première augmentation de capi- N°129 Février 2016« Le modèle économique de Delta Drone est tal en 2011, commente : « Nous n’avonsdésormais mondial, puisque la société est pré- plus de contacts depuis environ deux ans.sente en Floride, aux États-Unis, en Afrique Et l’évolution du marché m’inspire peu pourdu Sud, en Europe. La question est désormais l'heure. » D’autres sont restés sur le bas-que chacune des entités avec lesquelles un sin grenoblois pour intégrer le fabricantpartenariat ou un joint-venture ont été établis Squadrone Systems, ou HP… Quand cer-puisse contribuer au business », avance la tains ont quitté la région et sont partis àmême source. Lyon, ou encore à Paris, dans de grandsDÉMÉNAGEMENT ET EFFECTIFS groupes comme Thalès, ou sont toujoursCONSTANTS en recherche d’emploi. Un ancien salariéAprès s’être rapprochée du milieu uni- ayant fait partie du plan de licenciements,versitaire, avec la création d’un master garde un souvenir douloureux de cettedestiné aux chargés d’affaires de l’exploi- période. Il confie avoir eu cette « impres-tation des drones, lancé en partenariat sion de tomber de sa chaise » lorsque desavec l’Insavalor, émanation de l’Insa de départements tels que la R&D, le traite-Lyon, l’École française du drone consti- ment de données et le développement onttuerait toujours, selon une source interne, été touchés. « Nous avions vécu l’entrée enun outil pour continuer à former le per- Bourse comme une bouffée d’air. Je sais quesonnel, les sociétés qui entrent dans le l’on démarchait de nouveaux marchés commegroupe, ou des prestataires. Mais loin du les carrières, l’agriculture... Il nous a surtoutmodèle qui visait à former des centaines manqué du temps. » Et de conclure, en lede télépilotes chaque année, conformé- regrettant : « Nous ne faisions pas les chosesment aux annonces réalisées lors du lan- de manière aussi efficace que nous aurionscement de l’école. pu le faire. » Une « drone » d’histoire auSans bruit, le siège de Delta Drone, final, qu’il aurait sans doute fallu écrirejusqu’ici à Grenoble, a déménagé fin autrement.novembre dans la banlieue lyonnaise, àDardilly, « en partie pour se rapprocher deChristian Viguié, habitant à Lyon et voya-geant beaucoup », nous glisse une sourceautorisée. Il reste cependant une dizainede salariés à Grenoble, tout comme dansla région de Toulouse et Bordeaux, avecun effectif global de 54 salariés. Lespilotes sont peu nombreux : « Les typo-logies de postes sont surtout composéesd’ingénieurs logiciels, mécaniques, R&D ouélectrique, directeurs techniques, respon-sables RH ou marketing, etc… », révèle-t-il. Interrogée, la direction ne souhaitepas livrer de prévisions pour 2016 : « Legroupe enfin réorganisé va commencer àengranger des contrats mais la mise en œuvredes chantiers est souvent longue », précise leservice communication.66 Acteurs de l’économie - La Tribune
TRIBUNE EntreprendreENTREPRENDRE, Que veux-tu veux faire comme métier ? Voilà une question qui hante chaqueC'EST POUVOIR génération d’élèves de terminale. Les adultes et les enseignants nousTOUT FAÇONNER pressent de répondre à cette fatidique interrogation : « Il faut trouverÀ SON IMAGE. sa voix et s'y tenir ! » Pourtant, à 17 ans, il est difficile de se projeterMA COMPAGNIE, et angoissant de s’imaginer dans une case. Pour ma part, au lycée, je vou-C'EST lais travailler dans le web. Il m’apparaissait comme un terrain de jeu sansL’AUBERGE frontières où chacun choisit son identité, parfois anonyme, parfois inven-ESPAGNOLE tée, parfois réelle, mais toujours libre. Faire le choix d'études techniquesQUE J'AI en 2001 n’était pas si commun. Encore aujourd’hui, les études scientifiquesCONSTRUITE ! sont trop peu fréquentées par les filles. Or la technologie n'est pas une fin en soi, c’est un outil. Par exemple, chez leetchi.com, notre objectif n'est absolument pas technologique, mais plutôt la façon de répondre au besoin du consommateur. Nous permettons ainsi à nos clients de créer une cagnotte afin de collecter de l'argent pour un événement. Mon avenir, j'ai décidé qu'il n'arrive pas sur moi comme une sentence : je l’ai inventé en créant mon entreprise.MON AVENIR, JE L’AI INVENTÉEN CRÉANT MON ENTREPRISECéline Lazorthes, L’AUBERGE ESPAGNOLE © DRfondatrice et dirigeantede Leetchi.com Entreprendre permet d’avoir le choix de son activité, de son emploi du temps, de ses collaborateurs. Personne n'est là pour vous imposer un mode de vie ouLire le dossier sur les des projets. Les collaborateurs que je recrute ont souvent des profils aty-Baby entrepreneurs, page 42. piques, mais ils ont un esprit, une culture, une personnalité qui me semblent intéressants. À l’inverse, trop souvent, les grandes entreprises font duN°129 Février 2016 copié-collé en termes de ressources humaines, créent des profils auxquels il faut s'identifier, se formater. Je peux faire des erreurs dans nos recrute- ments, mais j'ai tout de même le luxe de prendre des risques et d'apprendre de mes erreurs. Entreprendre, c'est pouvoir tout façonner à son image. Ma compagnie, c'est l’auberge espagnole que j'ai construite ! Être entrepreneur est possible pour tous. De nombreuses structures accom- pagnent et aident à la création au développement. La France regorge d'incu- bateurs, généralistes ou spécifiques, ils accueillent à tous les niveaux de maturités d'un projet. Enfin, ne croyez pas que j'avais le profil de la première de la classe. Loin des critères de sélection scolaires, les qualités d'un entrepreneur relèvent d’abord de l'imagination, de l'ouverture d'esprit, de la capacité à saisir les occasions, à s'entourer, à rêver... Acteurs de l’économie - La Tribune 67
“ L’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE EN DIRECT ” www.agefi.com/abo 10 parutions 6 parutions 6 parutions 11 parutions 2 parutionsEncarté dans L’Agefi Kiosque / Abonnement Kiosque / Abonnement Kiosque / Abonnement AbonnementOffre découverte 1 mois au prix de CHF 29.-Accès numérique à L’Agefi quotidien (parution du lundi au vendredi)+ Inclus Indices, Agefi Magazine, Agefi Life, Agefi Immo et Work+ Inclus l’ensemble de nos publications sur App IpadRecherchez: agefi-geneveIndiquez code promo: AQ_TribuneCette offre est valable toute l’année et non renouvelable. TVA et frais de port inclus. Conditions sur www.agefi.com/abo SOCIÉTÉ DE L'AGENCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE À GENÈVE agefi.com
LE RÊVE Inventer LE RÊVE, PHILIPPE CIAISa génération des baby-boomers dont le travail et la créativité ont apporté une croissance mondiale et des innovations technologiques sans précédent depuis 50 ans atteint désormais sa maturité, avec un vieillissement de la population dans la plupart des continents. Cette croissance s’est accompagnée d’une augmentation des émissions de gaz à e et de serre,‘‘ dont les e ets sur le climat sont désormais clairement perceptibles et préoccupants. En 2016, plus de la moitié de la génération des baby-boomers vit dans des zones urbaines. En 2070, les projections des Nations Unies suggèrent que ce pourcentage augmentera à 70 % tandis que la population mondiale se stabilisera lentement autour de neuf milliards d’habitants. L’urbanisation facilite le développement économique en apportant des emplois et la promesse d’un futur meilleur pour les migrants ruraux. Elle s’accompagne aussi d’une forte augmentation de la consommation énergétique et des émissions de gaz à e et de serre. L’accord de la COP21 à Paris engage les nations à réduire leurs émissions de gaz à e et de serre pour que le réchau ement global ne dépasse pas 2°C. Un pas significatif vers un ralentissement etLune stabilisation de ces émissions devra être accompli dans les deux prochaines décennies, pour respecter cet objectif. Dans un monde aujourd’hui plus globalisé mais aussi de plus en plus polarisé, où émergent de fortes tensions régionales, une répartition coordonnée et équitable des e orts de réduction des émissions entre nations est peut-être l’un des plus grands défis posés à l’humanité. Convergence Les villes participent aujourd’hui aux e orts des réductions d’émissions, et nombres d’entre elles ont annoncé, dans des plans climat, des intentions de réductions volontaires dont l’ambition dépasse souvent celles des États. Réduire les émissions et la consommation énergétique dans la ville du futur a aussi d’importants bénéfices économiques et sociaux. La convergence de deux technologies, celles de la communication et des réseaux, et celle des capteurs intelligents capables de mesurer les émissions de gaz à e et de serre, ou les variables qui les contrôlent, o re une nouvelle perspective pour améliorer les e orts des villes engagées dans la lutte contre le changement climatique, et aider leur action en identifiant les secteurs, les quartiers, et les changements de comportements sociaux qui permettront de réaliser le plus de réductions d’émissions. Hier, on chassait le gaspi, demain imaginons dans la ville du futur des réseaux de capteurs intelligents sur les véhicules, les bâtiments et pourquoi pas sur nos outils de communication mobile, qui aideront à réduire nos émissions de gaz à e et de serre, afin que l’esprit de la COP21 entre durablement dans la ville. ’’Philippe Ciais, Directeur de recherche au CEA et chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE)N°129 Février 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 69
Inventer TRIBUNE Aux yeux d’un économiste, 2030, c’est demain. Et demain s’écrit aujourd’hui. S’il est di cile de prédire avec certitude ce que sera l’entreprise dans 15 ans, l’irruption du numérique à tous les étages, l’accélération du changement, les problématiques énergétiques et écologiques, et les mutations des modèles organisationnels esquissent déjà ses contours. Le digital forge des structures agiles, ouvertes et coopératives. La transformation numérique est impérieuse : elle s’impose à des organisations traditionnelles déjà vouées à disparaître.© Raw PixeL Ltd - iStock by Getty Images 70 Acteurs de l’économie - La Tribune N°129 Février 2016
MARRUQBUREIQDEUFEADBERNIQOUME InventerENTREPRISERETOUR VERS LE FUTURFEUILLETON, STÉPHANIE BORGN°129 Février 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 71
Inventer ENTREPRISE, RETOUR VERS LE FUTUR« Le nouveau modèle à venir réinventedes poches de créativité et restaurele principe de la passion au travail » L’e-Bulle, un nouvel espace individuel pour bureaux paysagers© Leet DesignNovembre 2015. et lieux de transit, a été développé à Vichy. À Rodez, l’usine de Bosh Rexroth de72 Acteurs de l’économie - La Tribune Vénissieux présente, devant 150 indus- triels français réunis par le groupe autour de l’usine connectée, les résultats de sa dernière expérimentation : l’utilisation de deux paires de Google Glass pour tester et évaluer des mesures et ainsi simplifier les processus de qualité. Si le retour d’ex- périence est validé, l’usage des lunettes sera étendu aux sites qui auront la même problématique que Vénissieux, et, dans un troisième temps, commercialisé aux clients. Comme Bosh, de nombreux industriels se sont lancés dans l’usine 4.0. Un pro- cessus qui s’inscrit d’ailleurs dans le Plan Usine du futur, une initiative de l’État qui vise à accompagner les PME et les ETI de la région Auvergne Rhône-Alpes « pour robotiser et moderniser leurs appareils pro- ductifs ». Pareillement, dans l’agriculture et les services, le numérique transforme le modèle des affaires, ouvre de nouveaux marchés, affecte les modes de travail, pré- figurant les (r)évolutions à venir. Nombre d’entreprises sont conscientes de cette opportunité. Certaines se dotent même d’une direction spécifique, chargée du processus. « Notre rôle est d’accompa- gner le groupe dans la digitalisation de l’ac- tivité et de l’environnement, de proposer les bons outils de gestion et de favoriser la cir- culation de l’information. Nous étudions éga- lement les bonnes pratiques pour les adapter à notre propre système comme, par exemple, les réseaux sociaux professionnels qui peuvent augmenter nos capacités commerciales », explique Marie Content, directrice du digital et de l’expérience utilisateur pour le groupe Alptis et, par ailleurs, directrice générale de Cmonassurance.fr. N°129 Février 2016
ENTREPRISE, RETOUR VERS LE FUTUR InventerLOGIQUE DE RÉSEAU ÊTRE SEUL, ENSEMBLE APLATISSEMENT DE LA HIÉRARCHIECe développement numérique va conduire En conséquence, cette mise en réseau, Cette quête de sens au travail se confir-à « l’éclatement de l’entreprise, avec une accé- ce cerveau doté de milliers de ramifica- mera en 2030. Dans les années 1980, leslération de la mise en réseau à l’image de ce tions, entraîne une dilution des notions principes du management post-taylorienqui se passe déjà dans l’industrie automobile et d’espaces et de temps. Il ne sera plus étaient légion et ont fabriqué des salariésl’aéronautique », souligne Bernard Baudry, nécessaire de travailler toujours depuis le responsables, mais devant endosser uneprofesseur de sciences économiques à même lieu physique ni d’ailleurs au même responsabilité individuelle – et donc unel’Université Lumière Lyon 2, membre moment. 2030 confirmera l’émergence pression – très forte. Ils sont responsablesdu laboratoire Triangle (CNRS/Lyon 2/ d’un nouveau type de collaborateurs : les de leurs réussites, mais aussi, et surtout, deENS de Lyon/Sciences Po Lyon/UJM). Ce travailleurs indépendants. leurs échecs. Le nouveau modèle à venirréseau se construit grâce aux outils numé- Si d’aucuns dénoncent un risque social « réinvente des poches de créativité et restaureriques et permet un reporting en temps et une mutation dangereuse du profil le principe de la passion au travail », poursuitréel, même lorsque l’intervenant se trouve des salariés, d’autres saluent une réelle le sociologue.hors de l’entreprise. Ce réseau évolutif se opportunité pour ces derniers, « de plus Cette passion entraîne aussi un change-fait et se défait au gré des projets et des en plus porteurs d’autonomisation, de pou- ment de paradigme et d’évolution dans laopportunités. voir s’épanouir et de s’accomplir dans leur structure même de l’entreprise. La colla-Philippe Durance, professeur au Centre travail. Par ailleurs, en multipliant les sta- boration écrase la hiérarchie managériale.national des arts et métiers (Cnam), direc- tuts, ils peuvent mesurer le potentiel de cha- La coopération instaure l’horizontalité desteur de la chaire Prospective et développe- cune de leurs activités et éventuellement pratiques. « Nous assistons à une évolutionment durable, va plus loin : « Nous avons arrêter les moins rentables », souligne de la structure, avec un net aplatissement descréé des monstres ingérables, emplis de procé- Philippe Durance. organigrammes. L’entreprise se structure, endure et résistants au changement. L’entreprise Dans L’Âge du faire (éditions du Seuil), le interne, comme un réseau. Le système s’avèretraditionnelle est sortie de son modèle : elle sociologue Michel Lallemant, relate, au moins hiérarchique et coercitif », soulignetend à disparaître au profit de la coopérative, travers d’une enquête ethnographique, sa Philippe Durance.une structure qui gagne en souplesse, en agilité vie quotidienne avec les hackers en Cali- À l’image de l’holacratie, un systèmeet en réactivité. » Pour autant, l’entreprise fornie. « Ils inventent ensemble, utilisent des d’organisation inspiré des startups infor-de 2030 sera-t-elle forcément de petite outils de fabrication communs, tels que des matiques américaines, dans lesquelles letaille ? « Pas obligatoirement petite, mais de machines numériques, et expérimentent une salarié endosse des rôles, évoluant danstaille légèrement inférieure. Prenons l’exemple autre manière de travailler, en misant sur la une structure de gouvernance évolutivedu groupe basque Mondragon : ses dirigeants coopération, sans objectif ni délai. Dans ces selon les besoins. Chez monassurance.ont réussi à adapter la logique de coopérative laboratoires d’expérimentation, ces « makers» com, pas d’holacratie, mais une libre ins-à une multinationale, soit 300 petites entre- sont les pionniers du mouvement « faire ». Ils piration du modèle adopté par Zappos, unprises de production reliées entre elles par un veulent donner du sens à leur travail. Avec le géant américain de la vente en ligne, filialecœur administratif constitué de 1 000 per- plaisir comme moteur du quotidien », explique d’Amazon, où la satisfaction des clients etsonnes », répond le projectiviste. le titulaire de la chaire d’Analyse sociolo- la progression des ventes constituent les gique du travail, de l’emploi et des organi- seuls critères de contrôle. « Nous avonsN°129 Février 2016 sations du Cnam et membre du Laboratoire mis en place un système progressif basé sur la interdisciplinaire pour la sociologie éco- responsabilité. Sur notre plateforme de vente nomique (LISE, CNRS). Ce mouvement par téléphone, nous ne contrôlons ni les temps s’est traduit en France par des fab labs et d’appel ni les scripts. Chacun est autonome autres plateformes collaboratives, à l’instar dans son argumentaire de vente », détaille de la Fabrique d’objets libre à Bron, près Marie Content. Lancé en test au démarrage de Lyon, ou de La Casemate, à Grenoble. de l’activité, ce système, économiquement En ces lieux se mêlent indépendants et plus rentable, a été définitivement adopté, particuliers venus y développer leurs pro- compte tenu par ailleurs des difficultés de jets en collaborant parfois avec d’autres recrutement sur ce type de métiers, com- membres du groupe. Ces mouvements sus- plexes et difficiles. « En misant sur un groupe citent aujourd’hui l’intérêt des entreprises, qui évolue dans la durée, nous avons créé une qui viennent y chercher conseils, vitalité, source de valeur inestimable. Une équipe com- logique de coopération et surtout l’innova- merciale, soumise aux aléas du marché, peut tion. « Des savoir-faire que l’entreprise a per- être source de tension. Mais notre noyau d’an- dus : comme l’autonomie et la réappropriation ciens sait désormais apaiser le groupe dans des outils », poursuit Michel Lallemant. ces périodes tendues », souligne la directrice Cette jeune génération portée par l’épa- générale. nouissement individuel cultive ainsi un paradoxe. Elle veut rester indépendante, Acteurs de l’économie - La Tribune 73 tout en étant adossée à une communauté. En aucun cas, ce vivier de cadres et de managers pour 2030 n’envisage de travail- ler dans l’isolement. « Ils exigent d’être seuls ensemble », résume Michel Lallemant.
Inventer ENTREPRISE, RETOUR VERS LE FUTURRENOUVEAU DU MODÈLE INNOVATION INTENSIVE Cette génération Toutes ces démarches relèvent d’un cultive un paradoxe :MANAGÉRIAL comportement innovant. « Désormais, elle veut resterCette prise de pouvoir du groupe a un nous nous trouvons engagés dans un pro- indépendante toutimpact sur le management de proximité. cessus d’innovation et non plus seulement en étant adossée àL’autorité s’affaiblit, la collaboration rac- de reproduction des modèles. Nous sommes une communauté.courcissant les lignes hiérarchiques. Poussé entrés dans une compétition mondiale parpar le collectif, le manager intermédiaire l’innovation. La R&D, le marketing, tous « Ces jeunesdoit trouver sa place dans un système en ces métiers nés des fonctions supports, sont veulent êtremutation, touché de plein fouet par l’inno- devenus des fonctions vitales », estime seuls ensemble »vation participative. « Nous sommes rentrés Armand Hatchuel, professeur à l’écoledans une logique de co-construction, capables Mines Paris Tech, coresponsable de lade prendre en compte les besoins des différents chaire Théorie et méthode de la concep-utilisateurs et de les aligner avec les besoins de tion innovante.l’entreprise », confirme Marie Content. Il n’est pas nécessaire d’attendre 2030 :Même si, et c’est là tout le paradoxe du l’innovation intensive – une théorie quemanager de 2030, « on lui demandera tou- le chercheur a codeveloppée avec Pascaljours d’exercer un rôle de surveillance. C’est un Lemasson – est déjà en marche. « Lesmanagement ambigu : autonome, mais devant entreprises de 2030 seront construites surrendre compte de son autonomie en exerçant cette méthode, basée sur une gouvernanceune activité de contrôle et de reporting. Et de l’innovation, soumise en permanence aulà encore le numérique permet de mettre en bombardement de l’innovation de son envi-place ces mécanismes de contrôle », analyse ronnement », résume-t-il.Bernard Baudry. Certes, l’entreprise de 2030 ne présen- tera pas un visage unique. En réseau, elle sera profondément humaine, définitive- ment numérique et irrémédiablement innovante. Sous peine de disparaître.© Julien Trapeau 2016 - Visiativ Le 14 janvier dernier, se tenait à Lyon le premier congrès national sur74 Acteurs de l’économie - La Tribune l’Entreprise du futur, organisé par le réseau Up Numérique. Il a réuni 1 500 décideurs autour de la transformation numérique. Le prospectiviste Joël de Rosnay intervenait. N°129 Février 2016
Inventer AUVERGNE : L’EMPREINTE DIGITALEAUVERGNEL’EMPREINTE DIGITALEDOSSIER, GENEVIÈVE COLONNA D’ISTRIALoin des clichés d’une zonerurale et enclavée, l’Auvergnea largement investi en faveurdu numérique. Territoire pilote,elle se targue même d’êtrela première en Europe à êtreconnectée au 100 % haut-débit.Mais de la volonté politiqueaux réalités du terrain,il y a parfois un fossé di cileà combler. Plongée au cœurdes technologies digitalesau pays des volcans.
Non, l’Auvergne n’est AUVERGNE : L’EMPREINTE DIGITALE Inventerpas seulement un grandplateau de fromages et en 1997, à l’âge de 23 ans, un site dédié aux amateurs de jeuxune fabrique mondiale vidéo en ligne. Son entreprise connaît une ascension fulgurantede pneus ! Loin des images (n°1 en Europe) jusqu’à son apogée en 2012, date du rachat parsurannées, cette zone un groupe webmedia extérieur à la région. Depuis, le nouveaururale et attachée à ses propriétaire a licencié la moitié des 45 salariés et délocalisé lestraditions a également autres à Paris et à Toulouse, signant la fin d’une belle aventure etappris à surfer sur sans doute d’une époque.la vague de la « Lorsque j’ai créé l’Odyssée Interactive, il y avait une véritablenet-économie. Et ce, émulation et une volonté politique, notamment à travers le villagedès les années 1990... numérique de Tronquières, à Aurillac, destiné à faciliter l’implan- tation de startups. Mais Jeuxvideo.com a longtemps été l’arbre quiPar nécessité d’abord, tant l’enclavement géographique a souvent cache la forêt, voire l’absence de forêt, déplore Sébastien Pissavy.laissé le territoire sur le bord de la route. Il fallait bien trouver la Aucune entreprise d’ampleur ne s’est installée depuis. Sur les cinqparade pour rester dans la course. Par volonté politique ensuite : plus grandes PME numériques du Cantal, quatre ont plus de 20certains élus − plus visionnaires que d’autres − ont très vite com- ans. J’ai l’impression que nous sommes passés à côté de la révolu-pris que l’avenir de l’Auvergne passerait par les nouvelles techno- tion numérique alors qu’on était précurseur. Le pouvoir d’attraction delogies, dans le domaine économique bien sûr, mais aussi éducatif Clermont-Ferrand est devenu trop fort. La région a favorisé le bassinet médical. clermontois. C’est dommage. »Aujourd’hui, la filière numérique auvergnate est portée par plus DOPER L’ÉCONOMIEde 900 entreprises (ou 1 200, selon le mode de recensement). Elle Si certains territoires ruraux se sentent délaissés, force est deemploie quelque 7 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 300 constater que la Région a tenté au cours de ces dernières annéesmillions d’euros en 2014. De plus, le territoire auvergnat est le seul de faire monter le plus grand nombre de passagers dans le trainà abriter six des plus grandes SSII nationales et internationales digital. « Le numérique est porteur de développement économique,(Accenture, Atos Origin, Capgemini, CGI, Sopra et IBM). Elle culturel, médical. Tous les secteurs de la vie sont concernés. L’Auvergnecompte, parmi ses startups, quelques pépites reconnues dans le l’a compris très tôt. Grâce au déploiement de la fibre, la région a déjàmonde entier. Un cluster numérique et 1 700 chercheurs sont éga- pris plusieurs années d’avance par rapport à d’autres territoires natio-lement rattachés à la filière. Sans oublier le label French Tech en naux. La troisième révolution industrielle est amorcée. Plus rien nepréparation, l’ouverture imminente du premier « Quartier numé- pourra l’arrêter ! », promet René Souchon, président socialiste derique » à Clermont-Ferrand et le développement de la spécialisa- la région Auvergne de 2006 à 2015 et particulièrement investi surtion de la région vers la S3 (Smart Strategy Specialization). Comme cette question.une évidence, la révolution digitale en Auvergne est en marche. Après avoir été, dès 2009, la première région française couverte à 100 % par le haut débit, l’Auvergne a été choisie, en 2011, par le« L’ARBRE QUI CACHE L’ABSENCE DE FORÊT » gouvernement pour devenir le laboratoire d’expérimentation duParadoxalement, c’est le Cantal, département du sud du terri- très haut débit (THD). L’objectif ambitieux et unique en Europetoire, qui fut l’un des précurseurs en France en matière de TIC. de ce nouveau contrat est d’apporter sur la première trancheLà où les têtes de bétail sont plus nombreuses que les habitants, (2013-2017) un débit minimum de 8 Mbit/s à tous les Auvergnatson a saisi très tôt l’intérêt des nouvelles technologies. Question d’ici à 2017.de survie ! « Nous avons eu raison avant tout le monde. Nous avons « Au total, plus de 6 000 sites seront reliés au très haut débit. Enouvert la voie en lançant des infrastructures, des expériences de déve- 2017, 100 % des lycées et 94 % des collèges seront raccordables à laloppement numérique avant-gardistes. Aujourd’hui, nous avons acquis fibre optique. 100 % des établissements de santé seront égalementla certitude que l’avenir de notre département se passe aussi par ledéveloppement numérique », analyse le président du conseil dépar- Acteurs de l’économie - La Tribune 77temental du Cantal, Vincent Descoeur, qui mise désormais surle concept de « smart villages », directement inspirés des « smartcities » ultra-connectées.Des plateformes de télémédecine pour lutter contre les désertsmédicaux, aux aides incitatives pour développer le télétravail,en passant par les collèges numériques, le plan CyberCantal misen œuvre par le Département dès les années 2000 a permis deprendre une longueur d’avance. Ce modèle cantalien a été long-temps incarné par Sébastien Pissavy, jeune fondateur, à Aurillac,du site Jeuxvideo.com. Amoureux de son département, il lanceN°129 Février 2016
Inventer AUVERGNE : L’EMPREINTE DIGITALE « Au total, plus de 6 000 sites seront reliés au très haut débit. En 2017, 100 % des lycées et 94 % des collèges seront raccordables à la fibre optique. » Perfect Memory, start-up originaire de Normandie, a élu domicile en Auvergne. En novembre dernier, Clermont-Ferrand organisa son premier Startup Week-end qui permet de créer des entreprises dans le secteur du numérique, en particulier, en 54 heures.© Jean-Michel Peyral © DR Sébastien Pissavy a fondé en 1997 le site à succès Jeuxvideo.com à Aurillac. Il l’a vendu en 2012.raccordés au réseau THD, ce qui contribuera au développement de MARIAGE RÉGIONAL À LAS VEGASla télémédecine, en particulier dans les zones de désertification médi-cale. Dans toutes les communes auvergnates, les entreprises de plus Pour la deuxième année consécutive, l’Agence régionalede cinq salariés bénéficieront du THD. Il y a de fortes chances que de développement économique (ARDE) accompagnaitcela dope l’économie ! », prédit Sophie Rognon, jusqu’alors direc- ses pépites numériques à Las Vegas. Union régionaletrice de la Mission développement numérique au conseil régional oblige, Auvergne et Rhône-Alpes faisaient cette annéed’Auvergne. pavillon commun dans la capitale du Nevada, ville célèbre pour les mariages express ! L’ARDE Auvergne,SPÉCIALISATION INTELLIGENTE ainsi que les pôles de compétitivité Minalogic, ImaginoveParallèlement, la Région Auvergne, le Département du Puy- et le Clust’R Numérique ont escorté, début janvier, 34de-Dôme et six communautés d’agglomération d’Auvergne ont entreprises jusqu’au Consumer Electronics Show (CES),ensemble élaboré un Schéma régional d’Aménagement et de le plus important salon mondial consacré à l’innovationDéveloppement durable des Territoires (SRADDT) qui décline technologique et l’électronique grand public. La délé-la feuille de route à horizon 2030. Le numérique constitue le fil gation Auvergne Rhône-Alpes, sous pavillon « Frenchrouge de cette politique, notamment à travers la spécialisation Tech », représentait 20 % des entreprises françaises.S3 (Smart Strategy Specialization). « Cette stratégie vise à mobiliser « Cette mission est la première de la nouvelle régionl’ensemble des fonds structurels européens pour assurer une crois- Auvergne Rhône-Alpes, admet Pascal Guittard, directeursance intelligente et durable, poursuit Sophie Rognon. L’Auvergne a de l’agence régionale. Elle constitue une très belle occa-déterminé cinq filières d’avenir, dont une spécifique à la « Traçabilité sion de promouvoir ensemble notre nouvel écosystèmephysique et numérique ». Toutefois, le numérique reste une thématique des acteurs régionaux du numérique. »transversale impliquée sur les quatre autres domaines : « Prévention Lors de l’édition 2015, huit startups auvergnates avaientsanté et confort de vie », « Systèmes agricoles durables », « Espaces de fait le voyage au CES. Au total, plus de 900 contactsvie durable », « Systèmes intelligents et performants ». Des secteurs avaient été générés, dont 150 ont abouti à des contratstous porteurs d’avenir. » Autant de signaux forts qui forment un ou des partenariats.terreau favorable à l’émergence de pépites numériques faisantaujourd’hui référence. Ainsi Logolexie, devenu leader mondial78 Acteurs de l’économie - La Tribune
© DR AUVERGNE : L’EMPREINTE DIGITALE Inventer La Délégation Auvergne au CES.ait© Justine Lhoste et Sébastien Godot © DR Bien choisir son avenir www.isima.fr recherche modélisation sécurité progrraésmeamuxaitniofnorrméaalittiéquviertuEmelblaerqué développement international systèmes d’information N°129 Février 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 79
Inventer AUVERGNE : L’EMPREINTE DIGITALE La filière numérique auvergnate est portée par« Le numérique est porteur plus de 900 entreprises quide développement économique, emploient 7 000 personnesculturel, médical. Tous pour un chiffre d’affaires deles secteurs de la vie sont 300 millions d’euros en 2014.concernés. L’Auvergnel’a compris très tôt » LE CANTAL, PREMIER FORMATEUR AU MÉTIER DU TRÈS HAUT DÉBITdes outils informatiques pour lutter contre la dyslexie. Ou Mas-kott, fondée il y a dix ans au Puy-en-Velay par des enseignants, Deux cent cinquante personnes formées en trois ansqui propose des outils numériques pédagogiques et éducatifs et pour 90 % de taux d’insertion professionnelle. La discrètedont le chiffre d’affaires vient de progresser de 20 % en un an. chambre de commerce et d’industrie d’Aurillac a cheOu encore Perfect Memory, start-up originaire de Normandie, des statistiques à faire pâlir de jalousie toutes les CCIqui a élu domicile en Auvergne. Entreprise innovante du web de France. En 2012, alors que le conseil régional d’Au-3.0, elle est devenue, en quelques années, le spécialiste mondial vergne annonce qu’il souhaite devenir précurseur dansde la gestion, de l’indexation et de la mémorisation de contenus le déploiement de la fibre, la CCI du Cantal a l’idée demultimédias en grands volumes. « Nous avons trouvé en Auvergne proposer des formations aux métiers techniques du trèsun écosystème très favorable à notre développement et des gens à haut débit, tels que les installateurs de réseaux câblés,l’écoute », affirme le Pdg, Steny Solitude. les chargés d’a aires fibre optique, ou les négociateurs télécoms. « Très rapidement, nous nous sommes rendus« ARRÊTER LES COMPLEXES D’INFÉRIORITÉ » compte qu’il y avait des besoins sur l’ensemble du terri-Quelques très belles réussites ont jalonné l’histoire du net en toire français, y compris dans les départements d’outre-Auvergne. Celle, par exemple, de Qualiac, à Aurillac (éditeur ERP mer. D’où notre vocation de centre de formation national– « entreprise resource planning ») : 140 salariés et 14,7 millions précise le directeur Sébastien Cheyvialle. Ce sont desd’euros de chiffre d’affaires. Celle encore d’Almerys (gestionnaire métiers techniques très recherchés. Aujourd’hui j’ai 300de données pour professionnels de santé), à Clermont-Ferrand : demandes de recrutement à pourvoir dans ce secteur,270 salariés et 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ou encore dans toute la France. »celle de Pecheurs.com, à Gannat (Allier), sans doute l’une des plus « NOUS AVONS EU L’IDÉE AVANT LES AUTRES »emblématiques. Créée dans l’amateurisme en 2000 par deux amis Pour dispenser cette formation - pouvant durer entrepassionnés de pêche, l’entreprise de e-commerce de produits et six mois et un an - le campus de la CCI a créé le centrematériels pour les loisirs nature est devenue leader sur son secteur. national de formation au très haut débit et s’est dotéUn chiffre d’affaires de 15 millions d’euros, 50 salariés, une crois- de trois plateaux pédagogiques, qui ne désemplissentsance annuelle à deux chiffres, des locaux flambant neufs de 3 000 plus. À tel point que d’ici deux mois, deux autres ver-m² et de grandes ambitions : « Nous espérons faire dix fois plus d’ici ront le jour. « Nous avons également un appartement2025 ! », lance Olivier Bernasson, cofondateur et président de la témoin pour apprendre à nos techniciens à entrer chez lessociété. « Créer une entreprise telle que la nôtre en milieu rural présente clients. Nos passeurs d’ordre sont très sensibles à l’imagede nombreux avantages : les collaborateurs sont davantage motivés et qu’ils renvoient », poursuit le directeur. Dans leur fichierfidèles, le foncier est moins cher que dans les grandes villes et les coûts clientèle, la CCI compte les grands noms des télécomsde fonctionnement, en général, sont moins élevés. Le seul vrai point noir, comme Orange ainsi que l’ensemble des sous-traitantsc’est le débit. Mais il y a, en Auvergne, tous les talents pour réussir. Il des opérateurs : Inéo, Sogetrel, Esco ou Scopelec, etc.faut arrêter les complexes d’infériorité. » Des entreprises qui recrutent en permanence. « Régu-Seule ombre au tableau, l’Auvergne ne jouit pas encore du fameux lièrement, on me demande pourquoi, ce centre nationallabel « French Tech », gage de visibilité pour ses startups, contrai- se situe ici, dans le Cantal, sourit Sébastien Cheyvialle. Jerement à Rhône-Alpes qui en présente déjà trois (à Lyon, Gre- réponds tout simplement que nous avons eu l’idée avantnoble et Saint-Étienne). « Nous y travaillons très sérieusement. Il faut les autres, portés par une politique régionale favorable auconstruire étape par étape », assure Jérémy Montagné, chargé de déploiement du numérique qui a souvent servi de levier. »mission pour la filière numérique à l’Agence régionale de dévelop-pement économique (ARDE) Auvergne. Première étape franchie N°129 Février 2016avec le lancement du « Quartier numérique ». Cofinancé par laRégion et Clermont Communauté, il a pour vocation de devenir« un lieu d’émulation, de convivialité, d’effervescence, en ébullition »,destiné à favoriser les échanges entre les startups, les PME et lesgrands groupes partenaires, tels Michelin, Limagrain, le CréditAgricole, Centre France (journal La Montagne), etc. Il sera dédiéà la création et à l’innovation, autour du numérique. De 20 à 40entreprises devraient ainsi être constamment accompagnées ouhébergées. « Le Quartier numérique est le chaînon manquant sur notreterritoire, assure Franck Raynaud, président du cluster AuvergneTIC. Il sera rapidement indispensable au développement économiquepar le numérique ». Une pierre de plus à l’édifice du net.80 Acteurs de l’économie - La Tribune
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Inventer AUVERGNE : L’EMPREINTE DIGITALEPrésident du cluster Auvergne TIC, Franck © DRRaynaud revient sur la place forte du territoire © DRdans le domaine du numérique et considèreque l’Auvergne ne doit cultiver aucuncomplexe vis-à-vis du territoire rhônalpin.« NOUS N’AVONSAUCUN COMPLEXEÀ AVOIR » Comment expliquez-vous le dyna- Dans l’Allier, Olivier Bernasson, cofondateur de Pecheurs.com, misme de l’Auvergne dans la filière entreprise de e-commerce de produits et matériels pour les des TIC ? loisirs nature qui génère 15 millions d’euros de chi re d’a aires. La région présente deux particularités. Tout d’abord, la présence de Michelin travaillons aussi beaucoup au lancement du quartier numérique à à Clermont-Ferrand qui a permis d’attirer ici les Clermont-Ferrand qui contribuera à favoriser l’écosystème avec six plus grandes SSII (Accenture, Atos Origin, l’ensemble de la grande région. Et puis, il faut attendre de savoirCapgemini, CGI, Sopra et IBM, NDLR). Cela a eu un impact fort ce que la grande région mettra en place vis-à-vis des acteurs de lasur la filière puisqu’aujourd’hui, Clermont-Ferrand et le Puy-de- filière numérique. Si Auvergne Rhône-Alpes décide de placer lesDôme représentent à eux deux 60 % de la filière numérique. D’autre priorités sur cette filière, de nouveaux projets communs émergerontpart, cela tient beaucoup à une histoire d’hommes qui partagent forcément. Et je ne doute pas un instant qu’elle le fera. Les enjeuxl’envie d’entreprendre et d’assumer leur identité. Il existe un fort en termes économiques sont trop importants.sentiment d’appartenance régionale et le tissu économique s’avère Le nouvel exécutif de la Région Auvergne Rhône-Alpes sou-propice. Des entrepreneurs comme Sébastien Pissavy, créateur de haite transformer l’ancien siège de la Région Rhône-Alpes,Jeuxvideo.com dans le Cantal, ou Olivier Bernasson, fondateur de situé à Charbonnière-les-Bains près de Lyon, en un campusPêcheur.com dans l’Allier, incarnent ce dynamisme. Par ailleurs, il numérique. Comment l’Auvergne peut-elle en bénéficier ?ne faut pas minimiser le rôle du conseil régional d’Auvergne, qui a J’ai toujours tendance à « voir le verre à moitié plein ». Si l’onmilité pour développer le haut débit partout dans la région. Cela a crée un grand campus pour former aux métiers du web à Lyon,permis au territoire de se démarquer. c’est mieux qu’à Paris, Berlin ou je ne sais où ! Cela aura forcé- ment un impact positif sur l’Auvergne. Mais cela ne résoudra pasDans cette grande région, comment l’Auvergne va-t-elle tirer le problème de pénurie de personnes qualifiées dans les métiersson épingle du jeu vis-à-vis du géant Rhône-Alpes, alors que du numérique. Tous les chefs d’entreprise que je rencontre font lele territoire ne jouit pas encore d’un label French Tech ? même constat : ils rencontrent d’importants problèmes pour recru-Ce n’est pas parce que nous n’avons pas encore le label French ter sur ces métiers qui restent en tension. Parallèlement à la créa-Tech que nous n’existons pas ! Nous n’avons pas encore candidaté, tion d’un campus numérique à Lyon, il faudra donc qu’on diversifiecar nous ne présentions pas tous les critères, mais cela ne nous les formations à Clermont-Ferrand pour créer des synergies avecempêche absolument pas de rayonner. D’ailleurs, la délégation Lyon et tisser des liens. La mutualisation paye toujours.Auvergne qui est partie au salon Consumer Electronics Show (CES)de Las Vegas, début janvier, l’a fait sous le label French Tech au sein N°129 Février 2016de la délégation commune avec Rhône-Alpes. Nous sommes dansla dynamique French Tech. Il n’y a aucun complexe à avoir.Des synergies sont-elles déjà engagées avec Rhône-Alpes ?Absolument. Notre cluster vient de fusionner avec le cluster ligérienNumelink. Cette fusion va permettre d’augmenter notre visibiliténationale et internationale à travers différentes actions. D’autreséchanges avec des clusters à Lyon, notamment, sont en cours. Nous82 Acteurs de l’économie - La Tribune
RUBRIQUE DE NOM Inventer ENVIE © Laurent Cerino D’ÉCLAIRCIR VOTRE HORIZON CONFIEZ-NOUS L’ÉLAGAGE DE VOS ARBRES Arrosage automatique I Espaces détente I Élagage I Clotûres I Contrats d’entretien I Création I FleurissementCHAVANAY LOZANNE ANDREZIEUX SAINT LAURENT VALENCE Consultez-nous :Siège Social ZI des Prés Secs BOUTHEON DE MURE 2 Place Edmond Tél. 04 74 87 09 00ZI de Verlieu Rue Louis Arnal ZI des Vollons ZI de Terre Valet RegnaultRN 86 69380 Lozanne Rue Valentin Mesmer Avenue des Catelines 26000 Valence Fax 04 74 87 09 10424N10°1C29haFvéavnriaeyr 2016 42160 Andrézieux 69720 Saint Laurent www.chieze.frActeurs de l’économie - La Tribune 83 Bouthéon de Mure
Inventer CHRONIQUES Par Olivier Morin, © DR ResponsableLe managementEN 2030 du service gestion privée, Banque Populaire des AlpesQue sera le management dans quinze ans ? Bien difficile de répondre à une telle question quand on connaît le peu de Assurance-vie : pertinence des prédictions en la matière. La question mérite ADAPTER LES CLAUSES pourtant d’être posée, car les modes de management ont pro- fondément évolué depuis trente ans. Nous sommes loin des BÉNÉFICIAIRESe contrat d’assurance-vie permet de placer des capitaux dans une optique quatorze pratiques de management d’Henri Fayol et de l’École des Relations humaines : pour faire face à des environnements de long terme, le contrat se dénouant soit par un rachat total du sous- incertains et mouvants, les managers ont eu recours à l’analyse cripteur, soit par le décès de ce dernier. Dans le cadre d’un décès, les systémique, à la contingence ou à l’approche par les proces- capitaux sont versés aux bénéficiaires désignés dans la « clause bénéfi- sus. Mais la mondialisation n’a pas abouti à l’émergence d’une ciaire ». Le code des assurances prévoit que les capitaux versés sont hors forme de management globale et homogène. Bien au contraire, elle en a souligné les succession, sauf exagération manifeste quant au montant des primes disparités culturelles. Dans un cadre professionnel de plus en plus numérisé, propice versées. L’assurance-vie permet donc de transmettre des capitaux en à l’éloignement des individus, il a fallu redonner sa place à l’humain et à la relation. De stratégique, le management est devenu plus opérationnel avec le développe- Ldehors des contraintes légales du droit des successions (par exemple, ment du management de proximité. Ces années de crise qui exacerbent les tensions les règles concernant la réserve successorale de certains héritiers). Sur le donnent, en revanche, du poids et de la valeur à un management plus solidaire et plan fiscal, les capitaux décès bénéficient également d’un régime déroga- porteur de sens. Les dirigeants ont dû faire preuve d’un sens aigu de la communication toire et presque toujours plus favorable que le droit des successions. pour entraîner et rassurer des salariés démotivés. La clause type de la plupart des contrats commercialisés actuellement prévoit la désigna- tion du conjoint survivant en premier rang, à défaut des enfants et à défaut des héritiers. Moins d’emplois salariés Cela correspond au souhait d’un grand nombre d’assurés qui souhaitent protéger en priorité Au dernier Forum de Davos, le gratin de l’élite mondiale dans les champs économique leur conjoint. La clause bénéficiaire peut cependant être rédigée sur mesure pour s’adapter et entrepreneurial a annoncé que la quatrième révolution industrielle, déjà commen- à la diversité des situations familiales et patrimoniales. Ainsi, il est possible de répartir le cée, va de nouveau profondément modifier la nature du travail et la relation à l’entre- bénéfice du contrat entre plusieurs bénéficiaires en pleine propriété, selon une répartition prise. Deux mécanismes particuliers vont se conjuguer et diminuer drastiquement le choisie par le souscripteur : un souscripteur pourra désigner son conjoint bénéficiaire de la nombre d’emplois salariés : moitié des capitaux décès, le solde étant réparti par parts égales entre ses enfants, vivants • La désintermédiation, d’une part, provoque une augmentation massive du nombre ou représentés. Cette solution pourra être pertinente lorsque le conjoint survivant n’a pas besoin de l’intégralité des capitaux décès et/ou lorsque les enfants ont besoin de liquidités de travailleurs indépendants (free-lances), libres de toute structure, dans des pour payer les droits de succession. Ce schéma pourra également être privilégié lorsque emplois précaires. Ce phénomène va modifier le rapport au travail dans bon nombre les enfants du successible ne sont pas communs aux deux époux. Autre exemple, dans le de secteurs, du fait de la transformation du modèle économique et social impliqué. cadre d’une clause bénéficiaire démembrée, le souscripteur peut désigner le conjoint pour Dans cette première tendance, perçue comme étant la plus immédiate et impac- l’usufruit et les enfants pour la nue-propriété. Sur le plan fiscal, cette solution pourra venir tante à court terme pour le marché de l’emploi, le travailleur indépendant subit, en augmenter légèrement la fiscalité applicable. La clause bénéficiaire devra être rédigée avec direct, le risque des fluctuations de l’activité économique. soin, car il est possible de prévoir un usufruit classique et un quasi-usufruit. • L’automatisation, d’autre part, va conduire à la destruction d’emplois par la montée de l’intelligence artificielle, de la robotique et de la numérisation. De nouveaux Souplesse emplois, en nombre plus réduit, géreront l’interface homme-machine. Dans le cadre d’un usufruit, il sera prévu que les capitaux seront réemployés sur des actifs Pour répondre à ce changement profond de la structure et de l’organisation des entre- démembrés entre le conjoint survivant (pour l’usufruit) et les enfants (pour la nue-propriété). prises, le management doit évoluer et s’adapter. Le management de 2030 devra ainsi Le conjoint survivant pourra disposer des revenus de l’actif démembré pendant sa vie. être en capacité de manager des ressources internes fortement déstabilisées, mais À son décès, l’usufruit s’éteindra et la pleine propriété sera reconstituée au niveau des aussi des prestataires externes à l’entreprise (travailleurs non-salariés) dont il faudra enfants, en franchise de droits. Dans le cadre d’un quasi-usufruit, le conjoint survivant peut s’assurer de la qualification, de la compétence et de la disponibilité. De plus, dans un disposer de l’ensemble des capitaux décès ; les nus-propriétaires bénéficient cependant fonctionnement en mode projet, il sera plus difficile de construire des relations dans d’une créance de restitution, qu’ils feront valoir au second décès. Le conjoint survivant dis- la durée. Ce sera la capacité à rassembler rapidement et de manière répétée qui sera posera d’une plus grande marge de manœuvre financière pendant sa vie ; à son décès, les la qualité première de ces managers, qui devront faire preuve d’un fort charisme pour nus-propriétaires feront valoir leur créance de restitution ; s’agissant d’un passif déductible donner du sens à cette fragmentation du travail. de la succession, les droits de succession ne seront pas exigibles. Dans les deux situations Repérer, former et accompagner ces nouveaux managers sera un challenge. Cultiver (usufruit, quasi-usufruit), la fiscalité est acquittée au premier décès, mais aucune fiscalité ne et préserver leur motivation sera essentiel, car qui voudra assumer de telles respon- sera due au second décès. L’assurance-vie est donc un outil d’une grande sou- sabilités dans un environnement aussi dur, contraint et risqué ? plesse, permettant de s’adapter aux souhaits du souscripteur en matière de transmission successorale. La clause bénéficiaire pourra être modifiée si la situation Lire le dossier sur patrimoniale et les objectifs du souscripteur changent et une vérification régulière de la l’entreprise en 2030, page 70. clause bénéficiaire des contrats est conseillée. Par Pascal Gustin, Président d’Algoé84 Acteurs de l’économie - La Tribune N°129 Février 2016
TRIBUNE InventerNOUS SOMMES Remontons mille ans en arrière : seul le roi avait la capacité de chan-CONDAMNÉS ger le cours des choses. Depuis un siècle et la Révolution industrielle,À CONSTRUIRE c’est le patron d’industrie qui accapare ce pouvoir. Dans la prochaineUNE NOUVELLE décennie, l’individu héritera de cette opportunité et de cette responsabilité.SOCIÉTÉ Ce qui semblait jadis être une utopie devient un principe de réalité. CarFONDÉE SUR aujourd’hui, chacun d’entre nous peut changer le monde par notre capacité àDES ÉNERGIES fédérer des individus, créer des communautés, influencer et toucher le plusINDIVIDUELLES, grand nombre. À l’ère digitale, le partage devient un pouvoir à prismes mul-DÉCUPLÉES tiples et la génération qui a grandi avec internet possède une formidablePAR LA opportunité pour résoudre les grands défis de notre temps comme l’éducation,PUISSANCE la santé, l’énergie ou les inégalités. Le partage favorise l’économie collabo-DU RÉSEAU rative, circulaire, inclusive, et booste l’ingéniosité collective. Les crisesPLANÉTAIRE économiques, écologiques et sociales qui se succèdent depuis des décennies aboutissent à une crise politique qui nous oblige à repenser notre engage- ment dans une société qui a de plus en plus soif de solidarité et de partage. La répartition des richesses n’a jamais été aussi inégale sur la planète. Simultanément, jamais les modèles économiques basés sur la contribution et le partage n’ont connu une telle croissance. A tel point que les experts, économistes et prospectivistes les plus reconnus s’accordent à dire que nous sommes condamnés à construire une « société du sens » : une nouvelle société fondée sur des énergies individuelles, décuplées par la puissance du réseau planétaire. A l’instar des géants de l’internet qui ont prouvé, en une décennie seu- lement, qu’ils avaient la capacité de transformer de nombreuses économies (infrastructures, culture, communication, marketing et, plus récemment, santé, transports, éducation), c’est l’ensemble du secteur privé qui s’empare du sujet du bien commun et tente de se substituer à des pouvoirs publics dont l’efficacité décline progressivement. Les entreprises ont un rôle majeur dans la transition que nous vivons. Le XIXe siècle a vu l’industrie supplanter le modèle agricole. Depuis les années 1970, la société de l’information a radi- calement transformé notre civilisation. La révolution numérique, internet, sa puissance de mise en réseau et de désintermédiation, révolutionnent des pans entiers de nos économies et de nos sociétés.UNE SOCIÉTÉ TOUTE ENTIÈREÀ RÉINVENTER Michel Lévy-Provençal, TRANSFORMER NOTRE RAPPORT À LA VIE DE LA CITÉ © Benjamin Boccas fondateur du do-tank L’Échappée volée, à la tête La dernière étape de cette révolution est celle qui va transformer notre des conférences TEDxParis rapport à la vie de la cité et notre responsabilité individuelle vis-à-vis et pilote du réseau TEDx du collectif. Au delà des clivages politiques archaïques, droite, gauche, en France anciens, modernes, libéraux et collectivistes, une nouvelle société est for- cée à se réinventer urgemment. Cette société, agile, pragmatique, résolumentN°129 Février 2016 inscrite dans l’action, en permanence dans l’expérimentation, intègre le risque d’échec dans son processus de réinvention. Elle sait que la somme des responsabilités individuelles est plus efficace que le poids de l’obligation collective. Dans ce sens, les entreprises doivent penser de nouveaux produits et services sans contradiction entre profit et intérêt général. Elles doivent réinventer un modèle collaboratif avec les services publics et les citoyens en combinant leurs forces. Elles doivent redonner un sens à l’action indivi- duelle, locale, simple, efficace, responsable, impactante et virale. C’est à chacun de nous d’y prendre part. Acteurs de l’économie - La Tribune 85
Comprendre RUBRIQUE DE NOMUne dynamiquepour la croissance• Un groupe indépendant avec plus de 35 ans d’expérience dans le nancement en fonds propres• 1,5 milliard d’euros de capitaux sous gestion• Un accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement en France et à l’international• Des implantations en France et en Europe servant une stratégie plurirégionale et internationale• Un investisseur en fonds propres socialement responsable• La force du réseau Club Siparex (actionnaires, investisseurs et entrepreneurs) qui offre appuis et conseils ACTIVITES MIDMARKET REGIONAL INNOVATION— — — Cryogen.fr - Photo : © Shutterstock139 rue Vendôme 27 rue Marbeuf siparex.com69477 Lyon cedex 06 75008 ParisT. + 33 (0)4 72 83 23 23 T. + 33 (0)1 53 93 02 2086LYAOcNte•urPsAdReIlS’é•coLnIoLmLEie•- LNaATNrTibEuSne• BESANÇON • STRASBOURG • LIMOGES • DIJON • MADRID • MILAN • MUNICH N°129 Février 2016
ISABELLE GUILLAUME, chef de cœur PORTRAIT Comprendre © Laurent Cerino / Acteurs de l’économieMOBILEN°129 Février 2016 Durant ses 30 années de carrière profession- nelle, Isabelle Guillaume aura été fidèle au groupe Schneider Electric. Rentrée en 1983, elle y occupera une quinzaine de postes jusqu’à prendre la vice-présidence marke- ting de l’activité entreprise power en 2008. « Travailler dans un grand groupe m’a permis de grandir rapidement, d’acquérir une expérience internationale très forte, et par ailleurs d’ap- prendre le management multiculturel. » Mais en 2013, elle fait le choix de quitter le confort que lui o rait le groupe industriel pour devenir déléguée générale du pôle de compétitivité Minalogic. « J’avais le souhait de plus m’investir pour l’écosystème local en donnant davantage de sens à mon action. » INTERNATIONAL Bilingue en anglais, Isabelle Guillaume parcourt le monde depuis des années. Une vraie école formatrice qui lui a apporté un autre regard, une ouverture aux autres et une grande curio- sité. « J’ai énormément appris, notamment d’être à l’écoute des di érences culturelles. » Son arrivée à Minalogic, c’est en partie grâce à son expérience à l’international qu’elle la doit. Depuis, elle transmet son expertise autour d’elle. « Le marché n’est plus seule- ment français. Il faut savoir connecter l’ éco- système régional à l’Europe, au monde, c’est un long processus mais fondamental. » Isabelle Guillaume l’affirme : « Ici à Grenoble, nous sommes parmi les seuls au monde à avoir un si riche écosystème. » MUSIQUE Isabelle Guillaume aurait pu créer sa start-up « si j’avais eu 20 ans de moins », elle aurait pu aussi envisager une carrière dans la musique. Violoncelliste passionnée de musique de chambre ayant suivi un cursus au conserva- toire, aujourd’hui elle en a fait une respiration essentielle dans sa vie. « Cela me donne une source d’ énergie incroyable », résume-t-elle. Pour autant, même lorsqu’elle dirige le chœur de sa chorale, son engagement intrapreneurial n’est pas bien loin. « Il y a toujours cette notion de diriger dans un esprit collaboratif, dans l’écoute et l’échange. » Acteurs de l’économie - La Tribune 87
Comprendre RUBRIQUE DE NOM HOSPICES CIVILS DE LYON LA PAIX SOCIALE AU PRIX DE L’IMMOBILIER DOSSIER, FRANÇOISE SIGOT PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE 88 Acteurs de l’économie - La Tribune N°129 Février 2016Immeuble des HCL au 17 place Bellecour, à Lyon.
RUBRIQUE DE NOM ComprendreAlors que le premier schéma directeur Acteurs de l’économie - La Tribune 89de l’immobilier touche à sa fin, auxHospices civils de Lyon, le patrimoineimmobilier – quelque 1 000 lotsd’habitation et 150 lots de commerceset bureaux, estimés à environ500 millions d’euros – est désormaisune variable d’ajustement mise à profitpour réduire tant bien que malles déficits. Il reste aussi un élémentcapital de la politique sociale sous l’œilvigilant des partenaires sociaux,à l’aube d’un nouveau schéma directeur,qui devrait être signé cette année.N°129 Février 2016
Comprendre LE PATRIMOINE DES HCL n 2012, la Cour des comptes épinglait les Hôpitaux de Lyon, mais aussi ceux de LE PATRIMOINE DES HCL Paris et de Marseille sur la gestion de leur patrimoine immobilier. Un enjeu consi- • 1 000 lots d’habitation dérable puisque ces structures sont à la • 150 lots de commerces et bureaux tête de millions de mètres carrés dans des • Une centaine de lots de copropriétés villes où l’immobilier s’échange aux plus • 67 hectares de terrains loués hauts prix. À Lyon, les HCL sont ainsi propriétaires d’un patrimoine immobilier sous forme de baux, estimé à quelque 500 millions d’euros. dont 46 sur la commune Des siècles durant - et aujourd’hui encore de Lyon, principalement - l’Hôtel-Dieu et l’hôpital de la charité ont dans les 6e et 3e arrondissement, en effet bénéficié des largesses de Lyon- et le solde sur les communes nais fortunés qui leur ont légué bijoux, de Villeurbanne et Vénissieux argent et terrains. Les HCL ont notam- • 1 000 hectares de forêts, ment hérité de 82 hectares en 1638, 42 principalement en Normandie en 1684 et 140 en 1725. Des tènements • 300 hectares de terrains agricoles, majoritairement situés sur la rive gauche principalement en Normandie du Rhône. À l’heure où les déficits affi- • 6 hectares de vignobles chés par ces établissements de soins se dans le Beaujolais creusent, le patrimoine immobilier fait donc figure de variable d’ajustement90 Acteurs de l’économie - La Tribune aisée à mettre en œuvre, pour faire entrer un peu d’argent dans les caisses. Aux HCL, le sujet n’est plus tabou. Un schéma directeur de l’immobilier a même vu le jour en 2010 à la demande du ministère afin de donner plus de transparence au sujet immobilier et de voir si la vente de quelques pierres pourrait partiellement combler les déficits. N°129 Février 2016
UN ÉLÉMENT DE POLITIQUE SOCIALE LE PATRIMOINE DES HCL ComprendreDepuis, à Lyon, les arbitrages s’orga-nisent, mais avec parcimonie. Ainsi, MAINMISE SUR L’HÔTEL-DIEUalors qu’en tête des récriminations por- Plus vaste chantier de réhabilitation privé d’un espace de cette taille (51 000 m2),tées à l’encontre des HCL figurait la ges- la refonte du site de l’Hôtel-Dieu se fait sous l’œil vigilant de son propriétaire, lestion des centaines de logements loués Hospices civils de Lyon en l’occurrence. En e et, si les HCL avaient fait le choix deaux personnels hospitaliers, force est de céder le site de l’Antiquaille pour 7,1 millions d’euros, là, il en va autrement. C’estconstater que, depuis près de cinq ans, donc un bail à construction de 94 ans qui lie Ei age, chargé de cette réhabilita-la situation n’a guère évolué. Et, pour tion, avec les HCL. Pourquoi ? « Nous avons fait le choix d’un bail afin de conser-une fois, elle fait consensus au sein de ver, dans la sphère publique, la propriété d’un bâtiment aussi emblématique dela direction et des organisations syndi- la ville », explique posément le directeur des a aires domaniales Luc Fabrès. Encales. Lorsque ce point est soulevé, la coulisses, d’aucuns n’hésitent pas à évoquer « les pressions du maire de Lyon,direction des HCL brandit immédiate- Gérard Collomb, également président du conseil de surveillance des HCL pour quement la bannière sociale. « Nous louons les la Ville puisse orienter ce dossier comme bon lui semble, sans pour autant avoirlogements de notre patrimoine à nos agents à débourser un centime ». Judicieux ou pas, le montage juridique garde sa partqui bénéficient depuis 1988 d’un abatte- de mystère, puisqu’il est impossible de connaître le montant du loyer. « C’est unement de 20 %. C’est un élément fort de notre ressource non négligeable pour les HCL, qui représente plusieurs millions d’eurospolitique sociale. Nous proposons ces loge- en cumulé jusqu’en 2113 », se borne à indiquer Luc Fabrès.ments aux agents dont les revenus sont lesplus modestes. Nous les proposons également Luc Fabres, directeur des a airesaux personnels qui arrivent de l’étranger », domaniales des HCL, avec dansexplique Luc Fabrès. Le directeur des les mains le plan de distributionaffaires domaniales des Hospices civils de des terrains des Brotteaux à vendre.Lyon assure que les HCL auraient eu biendu mal, ces dernières années, à recruter Acteurs de l’économie - La Tribune 91des kinésithérapeutes et des infirmièresvenus notamment d’Espagne sans avoirde logement à leur proposer. De fait, surles 1 000 appartements propriété desHCL, plus de 80 % sont loués au person-nel. Quant aux 20 % restants, certainssont occupés par les conjoints des agentsdécédés à qui le bail est transféré dedroit, d’autres issus de legs prévoyant desclauses qui imposent de maintenir l’oc-cupant. De fait, rares seraient les appar-tements loués à des personnes totalementétrangères à la sphère des HCL.OPACITÉ DES ATTRIBUTIONSPour autant, à ce jour et en dépit desmises en garde de la Cour des comptes,relevant l’absence de commission d’at-tribution de ces logements, la liste desoccupants et l’attribution des biens restela chasse gardée de la direction desaffaires domaniales. « Effectivement, mêmesi les annonces de location sont régulièrementportées à la connaissance des agents, nousne savons pas précisément qui occupe ceslogements. Nous sommes bien évidemmentfavorables à la mise en place d’une commis-sion d’attribution au sein de laquelle nouspourrions siéger », avance Olivier Brun,délégué syndical CFDT des HCL. BrahimGacem, son homologue de Force ouvrièrele rejoint, poussant le raisonnement plusloin. « Certains appartements situés dansdes rues très cotées ne sont probablement pasoccupés par des agents des HCL. Une fois quenous avons dit cela, il faut se demander si detels appartements, souvent très grands, sontaccessibles à nos agents même avec une décoteN°129 Février 2016
Comprendre LE PATRIMOINE DES HCL « Le montant des loyers que nous avons CESSION D’IMMEUBLESde loyer de 20 %. Donc, s’ils ne peuvent pas encaissé est resté le même depuis 2010, alors À moins qu’en diminuant la durée despayer des loyers aussi élevés, il faut conser- que nous avons vendu plus de 500 lots », se baux, il soit plus aisé en fin de bail dever ces logements, mais les louer au prix fort borne à indiquer le directeur des affaires vendre un terrain ? « Nous pensons queà des locataires qui n’ont pas de lien avec domaniales. Cette hausse des loyers est les terrains que nous possédons ont un fortles HCL », préconise-t-il, en appelant lui aussi de mise sur les baux. « Chaque fois potentiel, donc nous n’entendons pas lesaussi à davantage de transparence dans qu’un bail arrive à échéance, nous remettons céder », claque le directeur des affairesles attributions. Le parc de logements à niveau le montant du loyer », souligne Luc domaniales. Les 550 baux HCL, desdemeure également géré en interne, au Fabrès. Par ailleurs, alors que les baux contrats de louage régis uniquementsein du service des affaires domaniales. HCL étaient au départ signés en moyenne par les dispositions du Code civil, neL’externalisation pourrait-elle permettre sur 72 ans, les HCL s’engagent désormais feront donc l’objet d’aucun arbitrage àde réaliser des économies ? « Selon les sur 30 à 40 ans au plus, estimant que ces court terme. En revanche, sur les autresformules de gestion, les frais de gestion délais correspondent mieux au cycle de biens, les cessions s’organisent, sousreprésentent de 5 % à 8 % du montant des vie des immeubles. l’œil vigilant des partenaires sociaux.loyers », commente Pascal Pancrazio, « Si la vente de biens autres que des loge-administrateur à la chambre FNAIM du ments occupés par le personnel permet deRhône et gestionnaire de parcs immo- dégager des marges pour améliorer la situa-biliers. Un montant à évaluer en regard tion financière des HCL et spécialement lesavec les coûts de gestion internes, bien conditions de travail, nous y sommes favo-difficiles à chiffrer. Sans oublier le service rables. En revanche, s’il s’agit de vendre lesrendu. « La gestion interne donne satisfac- appartements du personnel, nous ne sommestion. Le montage des dossiers est simplifié et pas d’accord », fait valoir Olivier Brun quiles agents obtiennent en général un logement jusque là a été entendu. « Depuis 2010,très rapidement, ce qui est loin d’être le casdans le privé. Il faut conserver ce systèmeparce qu’il est très utile », assène BrahimGacem. Un agent en poste à l’hôpital dela Croix-Rousse témoigne ainsi avoir pus’installer « dans un T2 de 60 m², dans lemême quartier, contre un loyer mensuel de570 euros, en moins d’une semaine entre ledépôt de la demande et l’emménagement, etce, sans avoir à déposer de garantie ».AUGMENTATION DES LOYERS À Lyon, les HCL sont ainsi propriétaires d’un patrimoine immobilier estiméReste le montant des loyers, un autre à quelque 500 millions d’euros.point soulevé par le gendarme descomptes publics. « Ces dernières années,nous avons procédé à des réajustements deloyers qui étaient sous-évalués, aussi bienpour les biens d’habitation que pour leslocaux commerciaux ou les bureaux. Mais,compte tenu des lois régissant la hausse desloyers, notre action en la matière est trèsencadrée. Il faudra donc plusieurs annéespour revenir aux prix du marché », estimeLuc Fabrès. Impossible toutefois de savoirquelle est l’ampleur de cette progression.Depuis 2010, les HCL ont vendu pour « Si la vente de biens autres que des135 millions d’euros de biens immobiliers. logements occupés par le personnel permet de dégager des marges pour92 Acteurs de l’économie - La Tribune améliorer la situation financière des HCL et spécialement les conditions de travail, nous y sommes favorables. En revanche, s’il s’agit de vendre les appartements du personnel, nous ne sommes pas d’accord » N°129 Février 2016
nous avons vendu pour 135 millions d’euros « Nous travaillons sur la densification des LE PATRIMOINE DES HCL Comprendrede biens immobiliers. Il s’agit essentiellement sites hospitaliers. Ces actions nous ont 2016, les HCL multiplient les signes ded’immeubles nécessitant d’importants tra- notamment permis de transférer les activi- bonne gestion immobilière. « En 2014,vaux et de locaux commerciaux, ainsi que tés de l’Hôtel-Dieu vers différents sites des le patrimoine privé a rapporté six millionsquelques lots de copropriété qui se libèrent », HCL pour signer un bail avec Eiffage, dont le d’euros en gestion et 14 millions en ces-inventorie Luc Fabrès. En la matière, la montant des loyers va progressivement aug- sions », calcule Luc Fabrès. La loi Santétransparence est de mise. À celles de gré à menter. Nous avons également cédé le site actuellement devant le parlement devraitgré, les HCL privilégient les ventes nota- de l’Antiquaille pour 7,1 millions d’euros et par ailleurs sanctuariser la pratique duriales interactives, des enchères en ligne. nous engageons une réflexion avec les collec- logement au personnel. Elle autoriserait« C’est un choix de transparence et de tra- tivités sur la reconversion du site de l’hôpital les centres hospitaliers de Paris, Lyon etçabilité », affirme le directeur des affaires Charial, qui sera fermé et dont la date de Marseille à récupérer des logements dedomaniales. En marge des logements, fermeture reste à programmer. De même, la leur parc privé, occupés actuellement parle reste du patrimoine fait également vente du terrain sur lequel était implantée des personnes extérieures à leur établis-objet d’arbitrages, mais seulement « si les l’ancienne blanchisserie dans le 6e arron- sement, pour les attribuer à leurs agents.fenêtres de tirs sont idéales ». Ainsi, il y a dissement est en cours. Par ailleurs, si nous Restent les conditions d’attribution et letrois ans, huit hectares de forêts situées estimons qu’une partie du foncier hospitalier montant des loyers toujours opaque, etdans l’Ain ont été vendus « très significati- peut être valorisée, nous ne nous l’interdisons toujours en deçà des prix du marché,vement au-dessus de leur valeur, car l’ache- pas. Il y a quelques années, nous avons vendu assurément plus une variable d’ajuste-teur avait besoin de notre parcelle pour relier une villa située sur le terrain de l’hôpital ment pour maintenir un climat socialdeux des siennes », explique Luc Fabrès. Dugoujon, à Caluire. Enfin, nous signons déjà bien malade au sein d’un univers régulièrement des conventions d’occupation hospitalier tourmenté. « Il y a tellementVALORISATION DU PATRIMOINE du domaine public hospitalier avec des orga- d’incendies à éteindre aux HCL qu’il fautHOSPITALIER nismes tels que l’Inserm, BioMérieux ou les reconnaître que nous n’avons pas ouvert leRestent les murs des hôpitaux. Là encore universités », égraine le représentant de la dossier immobilier qui n’arrive pas en têtel’idée de valorisation n’est plus un tabou. direction des HCL. dans la hiérarchie des urgences », conclut Brahim Gacem, en assurant néanmoins HIÉRARCHIE DES URGENCES que si la direction prenait idée de suppri- À l’aube du prochain schéma directeur mer « ce dernier avantage » (les logements de l’immobilier, qui devrait être signé en à loyers décotés), la guerre serait inévita- blement déclarée.N°129 Février 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 93
Comprendre RUBRIQUE DE NOMENSEIGNEMENT SUPÉRIEURL'ELDORADOSUISSEDOSSIER, SAMUEL MAÏON-FONTANA La Suisse se classe N°129 Février 2016 dans le trio des nations accueillant la plus forte concentration d’étudiants étrangers et au sixième rang des États attirant le plus d’étudiants français. Certains - ils seraient environ 5 000 – ont fait le choix de passer la frontière pour étudier sur le territoire helvète. Pour sa proximité et son accessibilité d’une part. Pour la renommée et le coût des études d’autre part, en dépit du niveau de vie élevé.94 Acteurs de l’économie - La Tribune
RUBRIQUE DE NOM Comprendre n dix ans, le nombre d’étudiants universités cantonales, deux hautes écoles polytechniques fédé- © Samuel Maion Fontana en formation à l’étranger a presque rales, neuf hautes écoles spécialisées, de plus en plus de cursus en doublé d’après les indicateurs de langue anglaise et plusieurs écoles hôtelières dont la renommée l’Organisation de coopération et de est mondiale. développement économique (OCDE). Car, en Suisse, l’international est un caractère historique : « Notre Sur le podium des pays où la part des politique est indéniablement de jouer dans une cour internationale étudiants étrangers est la plus forte et nous travaillons au quotidien pour garder cette ouverture et cette figurent la Nouvelle-Zélande, l’Austra- position », explique Yves Rey, vice-recteur Enseignement à la lie et… la Suisse, avec 20,3 %. Cette Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO). À titre dernière est en effet réputée pour d’exemple, ce sont 112 nationalités qui sont représentées à l’École ses formations de prestige, au point polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL, élue la plus interna- de devenir la 6e destination des étu- tionale au monde en 2013), et 80 pour l’homologue zurichoise diants français derrière la Belgique, (EPFZ), où plus de la moitié des 400 enseignants viennent de le Royaume-Uni, les États-Unis, le l’étranger. Parmi ces milliers d’étrangers qui font leurs études en Canada et l’Allemagne. Helvétie, 15,5 % venaient de France lors des derniers relevés sta- Le territoire helvétique, si proche, tistiques. Un chiffre qui aurait doublé entre 2008 et 2009 d’après présente bien des atouts avec dix l’OCDE.N°129 Février 2016 Acteurs de l’économie - La Tribune 95
Comprendre FORMATION, L'ELDORADO SUISSEPRESTIGE ET SÉDUCTION « UN ÉLÈVE SUR TROIS EST FRANÇAIS »Les jeunes Français étudiant en Suisse évoquent principalement Cet aspect professionnalisant est une recette sur laquelle œuvrentdeux critères : l’accessibilité et la proximité. En effet, près de 70 % activement les HES – des universités appliquées. Elles proposentdes Français qui choisissent des études à l’étranger optent pour un des formations axées sur l’économie et le tissu local, dans despays limitrophe. Deux autres raisons ont motivé le choix de Laura, domaines universels, des arts à la santé, en passant par l’économietout récemment diplômée de la Faculté de traduction et d’interpré- d’entreprise. Le tout avec une cinquantaine de semaines de stages.tation de l’Université de Genève (UniGE) : la renommée et le coût. « Nos institutions préparent à l’insertion socioprofessionnelle, et c’est« Je n’ai pas trouvé de master eurocompatible équivalent en France et une une formule à succès puisque notre taux d’employabilité est au-delà deécole privée aurait été bien plus onéreuse*, constate-t-elle. Genève est 90 % dans les six mois qui suivent l'obtention du diplôme », souligneune ville internationale, la Suisse ouvre davantage de perspectives, avec Denis Berthiaume, vice-recteur Qualité de la HES-SO. Résultat :notamment la présence des Nations Unies et de nombreuses ONG. » le nombre d’étudiants au sein des HES n’a cessé d’augmenter etSeule frein évoqué par l’étudiante : le coût de la vie en Suisse. Il faut cette année, sur les 18 000 inscrits, 3 500 viennent de l’Unioncompter entre 18 000 et 28 000 euros par an, logement compris. européenne.« Les petits prix ne sont pas les mêmes », citant pour exemple : « Je À la prestigieuse EPFL, c’est même la moitié des étudiants quipayais mon café 50 centimes d’euros durant ma licence à Grenoble, alors n’est pas suisse… Un élève sur trois est français. « La qualité dequ’à Genève, il en coûte trois euros. » l’enseignement, critère de classement, attire des étudiants étrangers quiÀ quelques lignes de tram de l’UniGE, le Centre européen pour deviennent des ambassadeurs », résume Philippe Gillet, vice-pré-la recherche nucléaire (Cern) est l’exemple même de l’institution sident aux affaires académiques. Un cercle vertueux. Le succèsqui peut faire rêver les étudiants. « Nous ne comptons en réalité que est tel que l’EPFL a durci ses conditions d’admission. « Depuis la3 % de physiciens et recrutons des profils très variés, des techniciens rentrée 2014, une mention très bien au bac S est nécessaire », annoncedans de nombreux domaines, des ingénieurs, mais aussi des juristes, des Philippe Gillet, par ailleurs ancien directeur de l'ENS Lyon, et quitraducteurs, des pompiers ou des experts en radioprotection, voire des ne cache pas « viser l’excellence. Lorsque nous acceptons des étudiantsphotographes », évoque Anna Cook, responsable du recrutement, européens, c’est toujours une opportunité de voir de très bons élémentsajoutant que sur 2 532 employés, environ 1 000 collaborateurs nous rejoindre » Dans les HES, la mention bien est obligatoire selonsont français et que des programmes d’échanges existent avec les les filières, pour des raisons d’équivalence de niveau. Laura a même21 états membres du Centre. « L’éducation et la formation figurent dû passer un examen d’admission.d’ailleurs dans nos lignes de mission. » Laura est optimiste : « J’espèretrouver du travail rapidement avec une formation qui possède une vraiecrédibilité et une valeur sur le marché de l’emploi. » Université de Lausanne (UNIL) © Stramatakis - Unil* Suivre un semestre à l’UniGE ou dans une HES coûte environ 450 euros, 530 euros à l’Université de Lausanne et 580 euros à l’EPFL. Un dégrèvement est parfois concerné. Mais ces tarifs sont actuellement débattus pour être revus à la hausse depuis l’annonce de l’intention de la Confédération d’investir un demi-milliard d la recherche et de l’éducation entre 2017 et 2019. Les écoles polytechniques sont les principales concernées et si ces économies se confirment, l’EPFL prévoit d96 Acteurs de l’économie - La Tribune N°129 Février 2016
MULTIPLICITÉ DES SYSTÈMES SCOLAIRES© Stramatakis - Unil FORMATION, L'ELDORADO SUISSE Comprendre Appréciée des étudiants français, la proximité de la Suisse est égale- ment mise en avant par Thierry Rolando, vice-président en charge PRÉROGATIVES CANTONALES des relations avec la Suisse à l’Université Savoie Mont-Blanc de Conséquence de cette souveraineté cantonale, l’absence d’un réel Chambéry. Pour lui, elle constitue depuis toujours une opportu- équivalent au ministère français de l’Éducation nationale. « Il est nité pour travailler sur les besoins d’un territoire commun et des inscrit dans la Constitution que le grand pouvoir pour la formation est thématiques partagées : « Nous avons développé des écoles d’été et des détenu par les cantons », explique Martin Fisher, porte-parole du formations continues en partenariat avec l’Université de Genève sur un secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation master d’administration des entreprises, ainsi qu’avec les HES et l’Uni- (Sefri). Le système est donc « très autonome » et la Confédération versité de Lausanne dans le domaine du tourisme. » De nombreux pro- n’a pas autorité de direction. jets sont dans les cartons, notamment sur de nouvelles pratiques « Jusqu’en 2013, deux des sept départements fédéraux s’occupaient de pédagogiques, le tout dans « un excellent état d’esprit ». Preuve d’une ces dossiers, celui de l’économie et de l’intérieur », poursuit Martin bonne entente entre voisins. Cependant les voisins ne parlent pas Fisher. Mais aujourd’hui, conséquence des votations de 2006 et tous la même langue. Côté Suisse, il existe en effet pas moins de 26 pour « plus de facilité et d’efficacité », le département de l’Écono- systèmes scolaires, qui tiennent compte de différences culturelles et mie englobe désormais la formation et la recherche. Celui-ci est, linguistiques. Dans la prolongation de l’école obligatoire et gratuite, depuis 2010, sous la responsabilité de Johann Schneider-Amman, le niveau secondaire se divise en deux groupes, académique ou l’actuel président de la Confédération en personne. professionnel, où sont inscrits près de 90 % des jeunes Suisses de 18-19 ans. Ceux-ci fréquentent une école de culture générale, une La dimension école de maturité (« gymnase » ou « lycée ») ou suivent, pour les professionnalisante est deux tiers, une formation professionnelle. une recette sur laquelle Au-delà, le degré tertiaire comprend les hautes écoles (universi- taires, spécialisées ou pédagogiques) ainsi que la formation pro- œuvrent activement fessionnelle supérieure, niveau pour lequel près de 31 000 francs les HES – des universités suisses (CHF) par an, soit 28 500 euros, sont dépensés en moyenne appliquées. Les formations par étudiant par les pouvoirs publics (contre 14 000 euros en sont axées sur l’économie France). Une diversité dans les systèmes scolaires qui découle de et le tissu local, dans des l’histoire de la Suisse, constituée de petits états souverains. Vingt- six cantons dont le processus d’union s’est poursuivi jusqu’au domaines universels, XIXe siècle, tout en leur préservant certaines prérogatives. Ce qui couvrant aussi bien explique qu’après avoir rejeté par deux fois toute loi fédérale sur les arts que la santé, une harmonisation, ce n’est qu’en 2006 que le peuple autorise la le tout agrémenté Confédération à veiller à rendre le système davantage cohérent. d'une cinquantaine de semaines de stagess possible pour les habitants du canton Cette stratégie d'insertionde francs de moins que prévu au budget de socioprofessionnellede doubler ses frais d’études dès l’an prochain. est un succès, puisque le taux d’employabilité N°129 Février 2016 dépasse les 90 % dans les six mois qui suivent l'obtention du diplôme Acteurs de l’économie - La Tribune 97
Comprendre FORMATION, L'ELDORADO SUISSE le secrétaire d’État à la formation Mauro Dell’Ambrogio. « Les Les compétences sont donc partagées : « La Confédération, diplômes sont égaux, ils permettent la même réussite et les passe- qui encourage avant tout la recherche et l’innovation par des fonds relles entre cursus académiques et professionnels sont nombreuses », et des bourses, peut avoir ses propres hautes écoles et subventionne renchérit Martin Fisher, précisant que cette voie s’adapte aux les universités cantonales, mais les cantons restent propriétaires et jeunes désireux d’être rapidement sur le marché de l’emploi et responsables », schématise le représentant du Sefri. Cantons et aux immigrants. communes sont donc gérants des établissements de formation, « sauf dans le cas des Écoles polytechniques fédérales, pour lesquelles SUS AUX ÉTRANGERS ? la Confédération s’occupe de tout ». Pourtant, alors que le pays multiplie les relations avec l’étranger, Cette dernière finance, dans cette répartition, environ 30 % des l’un de ses nombreux référendums change la donne. Le peuple coûts des HES et 25 % pour les universités, le reste étant à la suisse a adopté, en février 2014, une initiative de la droite popu- charge des cantons. En 2013, d’après les chiffres de l’Office fédé- liste visant à limiter le nombre de permis de séjour, pour mettre ral de la statistique (OFS), le Palais fédéral a ainsi déboursé envi- fin à « l’immigration de masse ». Un coup de théâtre qui pourrait ron un milliard de francs (920 millions d’euros) pour ses hautes bien freiner les partenariats économiques, même si, depuis, des écoles, tandis que le canton de Genève y investissait 790 millions, solutions – et notamment des crédits de substitution – ont dû le canton de Vaud, 600 millions, etc. Tous niveaux confondus, les être trouvées pour poursuivre les accords internationaux exis- dépenses publiques d’éducation s’élevaient à plus de 34 milliards tants. Yves Rey, vice-recteur Enseignement à HES-SO, reconnaît de francs, soit 5,5 % du PIB du pays (6,8 % en France). L’inves- d’ailleurs un « énorme travail pour rassurer les partenaires européens tissement devrait se conforter puisque selon l’OFS, le nombre et continuer à collaborer ». Les différentes administrations restent d’étudiants de l’ensemble des hautes écoles suisses, qui était dans l’attente du résultat des négociations politiques, qui visent de 233 000 en 2014, devrait atteindre 240 000 à la rentrée pro- à mettre en application le choix des urnes sans annihiler les rela- chaine, puis progresser jusqu’à 250 000 en 2024. tions avec l’UE. Et si aucun consensus n’est trouvé par le Conseil Côté formation professionnelle, alors qu’en France l’apprentissage fédéral avant 2017, l’initiative populaire deviendrait caduque, est parfois marginalisé, la Suisse en a fait une grande force depuis permettant aux français de pouvoir saisir sereinement les oppor- longtemps. « À démographie égale, on compte 40 % d’étudiants de tunités du marché helvétique. moins dans la filière universitaire par rapport à la France », constate© Pierre-Michel Delessert - Unil Les jeunes Français étudiant en Suisse évoquent principalement deux critères : l’accessibilité et la proximité. N°129 Février 2016 98 Acteurs de l’économie - La Tribune
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Comprendre FORMATION, L'ELDORADO SUISSELe Rolex Learning Center, conçu par le bureau d’architecture japonais SANAA sur le campus de l’EPFL, est à la fois un laboratoire d’apprentissage, © Epfl - Alain Herzogune bibliothèque de 500 000 ouvrages, un lieu d’échange et un centre culturel international.UNIVERSITÉ ET ENTREPRISE,Depuis plusieurs années, l’enseignement supérieur suisse tisse des liens étroits avec les entreprises,jusqu’à institutionnaliser ces partenariats, en s’alignant sur le modèle américain. éritable moteur dans techniques : « Nous sommes une université construite sur une recherche le domaine, l’Ecole d’excellente qualité, c’est une situation gagnant-gagnant qui nourrit les polytechnique fédé- tissus dans un équilibre subtil. » Un équilibre où les règles sont peu rale de Lausanne à peu bousculées et où les frontières se font plus minces : « Les (EPFL) a établi de nou- mathématiciens et les ingénieurs rencontrent les neuroscientifiques et les veaux standards de col- microtechniciens pour imaginer les technologies qui amélioreront notre laboration entre le monde quotidien », assure Patrick Aebischer, président de l’école polytech- académique et l’industrie. nique lausannoise. En 2010, l’établissement Pour preuve, le campus est un lieu d'interactions où des entreprises scelle cette démarche en comme Logitech, Siemens ou PSA Peugeot Citroën ont toute leur inaugurant son luxueux place. Au sein de cet “innovation park” se crée en moyenne plus Rolex Learning Center. Un d’une start-up par mois avec, en 2014, 129 annonces d’inventions investissement de plus de et 99 brevets prioritaires. 100 millions d’euros financé à moitié par des sponsors comme TRANSFERT DE TECHNOLOGIES ET CONNIVENCE Novartis ou Nestlé… et Rolex, le Parmi ses missions, l’EPFL mise ainsi sur le « transfert du savoir et de plus important mécène. la recherche au profit de la société ». Dans cette optique, les partenaires Son vice-président Philippe Gillet, économiques que sont les PME et les grandes entreprises ont un ancien directeur de cabinet de Valé- accès privilégié pour collaborer avec un laboratoire en particulier, rie Pécresse lorsqu’elle était ministre s’installer sur le campus, acheter des technologies, se rapprocher de l’Enseignement supérieur et de des start-up qui développent et commercialisent leur technolo- la Recherche, n’est pas étranger à ces gie, ou financer des projets. Piloté par la vice-présidence pour100 Acteurs de l’économie - La Tribune N°129 Février 2016
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