Important Announcement
PubHTML5 Scheduled Server Maintenance on (GMT) Sunday, June 26th, 2:00 am - 8:00 am.
PubHTML5 site will be inoperative during the times indicated!

Home Explore 201406_work_04

201406_work_04

Published by AGEFI, 2015-07-28 04:25:03

Description: 201406_work_04

Search

Read the Text Version

AbraMmaorivnic´aLa guerrière de l’art contemporain ANNETTE SCHÖNHOLZER Art Basel, l’évènement SONAL SINGH Enchères du bout du monde LATIFA ECHAKHCH Prix Marcel Duchamp BEDIN & PERRET Week-End à Rome JUIN 2014 NUMÉRO 4

BOUTIQUE GENEVE 78 rue du Rhône / 3 rue Céard

EDITOLa redéfinitiondes limites PAR NICOLETTE DE JONCAIRE record de 7,13 milliards, en hausse de 14%. RÉDACTRICE EN CHEF Pour la quatrième année consécutive, la Chine arrivait en tête des ventes publiques, avec uneS yndrome et vecteur du rééquilibrage part de marché égale au tiers. Les professionnels des puissances, l’art contemporain et vendent la moitié des œuvres à travers les gale- le modèle économique qui l’accom- ries et un tiers au travers des foires d’art. Mais pagne, véhiculent-t-ils les racines des la croissance repose sur un nombre restreint decultures ou, au contraire, une fusion multilingue signatures – une grande partie des recettes re-qui emprunte des signes à toutes et s’en affran- pose sur une centaine d’artistes – d’après-chit. guerre et contemporaines dont les prix neLe marché de l’art prend aujourd’hui une place cessent d’augmenter. Dont une œuvre de Francisconsidérable. Evalué à 66 milliards de dollars en Bacon adjugée en novembre dernier pour 1422013 1, en croissance de 8%, avec en tête les millions de dollars à Sheikha Mayassa, prési-Etats-Unis (38% du marché) suivis par la Chine dente du conseil d’administration du Qatar Mu-(24%) et la Grande-Bretagne (20%). En 2013, seums Authority. Pour la première fois, le marchéle produit des ventes aux enchères augmentait de l’art contemporain dépassait le milliard dede plus de 13%, à 12,05 milliards de dollars. dollars de chiffre d’affaires. Les ventes en ligne,Christie’s à lui seul en représentait 60% avec un une part encore faible du marché, généraient plus de 2,5 milliards de dollars, soit 5% des ventes. Leur croissance pourrait atteindre 25% sur les prochaines années. Encore largement dominé par les acteurs occiden- taux – comme le constate Nathalie Herschdorfer, directrice du Musée des beaux-arts du Locle –, le marché de l’art se globalise progressivement. L’avènement d’Art Basel Hong Kong, la croissance de l’India Art Fair, l’ouverture des ports-francs de Singapour, Beijing ou Shanghai, les ventes aux en- chères en Chine et en Inde. la construction du Louvre d’Abu Dhabi marquent l’intérêt croissant des pays émergents pour l’art et, plus encore pour l’art moderne et contemporain. Plus embléma- tique peut-être, les Modernités plurielles (1905 à 1970) du Centre Pompidou exposaient 1000 œu- vres en provenance de 47 pays. Ce numéro écoute celles qui redéfinissent les limites de la création et du commerce de l’art aujourd’hui. — 1. Arts Economics, mars 2014— WORK #04 — 3

SOMMAIRE 04 NUMÉRO Sommaire 12 03 Edito IMPACT 08 Contributeurs4 Courtoisie du Centre d’art contemporain de Genève BUSINESS 10 Un art global? Par Nathalie Herschdorfer, directrice du Musée des beaux-arts du Locle 12 Marina Abramovic´ La redéfinition des limites Conversation avec Andrea Bellini 16 Art Basel, l’évènement Annette Schönholzer 18 Collectionneuse de toujours Viviane Jutheau de Witt 20 Regard de mécène Loa Haagen Pictet 22 A la défense des artistes Alice Pauli et sa galerie 24 Enchères du bout du monde Sonal Singh, Christie’s en Inde 26 Ports-francs: en transit Christine Sayegh, Ports-Francs de Genève 28 Expositions sans frontières Sylvie Gleises, AXA ART 31 Le marché dématérialisé de l’art PHOTO DE COUVERTURE Marina Abramović — WORK #04 —

BANQUIERS PRIVÉS DEPUIS 1886 KAUFHAUSGASSE 7, BÂLEegwuMEMBRE DE L’ASSOCIATION DES BANQUIERS PRIVÉS SUISSESBÂLE – GENÈVE – ZURICHWWW.GUTZWILLER.CH +41 61 205 21 00

SOMMAIRE 32 Par action et par omission… SOCIÉTÉ 16 Latifa Echakhch, Prix Marcel Duchamp TENDANCES 26 © Courtoisie Art Basel 34 Les œuvres passées au crible Jilleen Nadolny, Art Access & Research 37 L’art à l’école L’ECAL à Lausanne 38 Les amis d’artgenève Anne-Shelton Aaron 40 Partenariats et agenda 42 Art & Design Martine Bedin et Mai-Thu Perret, le temps d’un week-end à Rome 45 Livres Art as an investment, Melanie Gerlis Top 3 de WORK 47 Design Porte des savoirs 48 Mode Art: quand la mode s’en mêle 32 © O.Koeb © Latifa Echakhch. Photo. Fabrice Seixas. Courtoisie de l’artiste et Kamel Mennour, Paris6 — WORK #04 —



CONTRIBUTEURS Avec nous Nathalie Herschdorfer est Catherine Chavassieu est Anne-Hélène Decaux estdirectrice du Musée des beaux-arts du Locle journaliste et spécialiste de l’art historienne et historienne de l’art. Après avoir étudié à la Sorbonne et à UNSW à (NE). Entre 2010 et 2013, elle a dirigé le contemporain. Depuis son arrivée à Genève, Sydney, elle rejoint l’agence culturelle du festival de photographie Alt. +1000 à elle a géré une galerie d’art moderne et réseau Aga Khan de Développement. En 2007, elle se spécialise en art moderne et Rossinière (VD). Elle a été pendant douze contribué à Private Banking sur le thème de contemporain et intègre le post-graduate ans conservatrice au Musée de l’Elysée à l’art contemporain. Parallèlement à ses program de Christie’s New York. Trois ans Lausanne. Parmi ses expositions figurent reGeneration: photographes de demain, études de lettres, Catherine a suivi les cours après, elle crée Anne-Hélène Decaux de l’école du Louvre et travaillé chez Conseils, agence de conseil en collection et consacré à la scène émergente de la photographie mondiale, et Papier glacé: un Artcurial. Critique d’art chez Galerie et Jardin événements culturels. Elle dirige lasiècle de photographie de mode chez Condé des Arts, elle s’est vu confier la rubrique communication d’ArtViatic, est rédactrice en Nast, une production de la Foundation forthe Exhibition of Photography, qui fera escale l’Art au quotidien puis, très vite, en crée une chef du blog News of the Art World et seconde consacrée à l’Avenir du portrait. Ce contribue à plusieurs magazines. au Musée Bellerive de Zurich cet été. qui lui a valu d’interviewer les plus grands maîtres français actuels. Helena Monoson est passionnée Laura Spinney est une journaliste d’Art Contemporain depuis de nombreuses scientifique d’origine britannique, établie en Suisse depuis 2009. Elle collabore à des années. Elle s’applique à promouvoir le travail de jeunes artistes en soutenant leur nombreuses revues (Nature, National carrière internationale. Journaliste en Italie Geographic, The Economist et The Guardian, et en Allemagne, elle contribue par des parmi d’autres). Elle est l’auteur de deux reportages «Maisons d’Artistes» à romans en anglais, The Doctor (Methuen, 2001) et The Quick (Fourth Estate, 2007). «Elle Decor». La rubrique «Ritratti del design» Son troisième livre, Rue Centrale, qui est un (portraits de designers) porte régulièrement portrait humain d’une ville européenne, écrit sa signature dans le magazine bimestriel en français, a été publié par les Editions d’architecture et de design «Terrazzo». L’Age d’Homme en 2013. Helena est titulaire d’un diplôme en Sciences Economiques de la London School of Economics. Editeur AGEFI SA rue de Genève 17, CH-1002 Lausanne, tél. 021 331 41 41, fax 021 331 41 10 / www.agefi.com, [email protected] • Direction: Olivier Bloch – [email protected] • Rédactrice en Chef: Nicolette de Joncaire - [email protected] • Rédactrice Beauté & Mode: Lucie Notari - [email protected] • Réalisation Maquette: Dominique Berthet - [email protected] • Publicité: Bastian Roncalli - [email protected] • Finance: Rolande Voisard - [email protected] • Marketing: Khadija Hemma - [email protected] • Backoffice & Abonnement: [email protected] • Impression: IRL+ SA - www.irl.ch • Parutions: 2 fois/an • Copyright © La rédaction décline toute responsabilité pour les manuscrits et photos qui lui sont envoyés directement. Les textes des journalistes hors de la rédaction ne peuvent engager la responsabilité du magazine. Toute reproduction, même partielle, des articles et illustrations publiés est interdite, sauf autorisation écrite de la rédaction. 021 331 41 108 — WORK #04 —



IMPACTUn artglobal?PAR NATHALIE HERSCHDORFER, DIRECTRICE DU MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU LOCLEA peine quatre semaines après la foire de Hong Kong et six mois après celle de Miami, Art Basel – grand-messe du marché de l’art – s’apprêteà accueillir en Suisse quelques 300 galeries et 80 000visiteurs venus du monde entier. Collectionneurs, gale-ristes, conservateurs de musée, curateurs, critiques, jour-nalistes, amateurs d’art ou simples visiteurs, chacun sepressera devant les œuvres de 4000 artistes, réunies pourune petite semaine au sein de la plus prestigieuse desfoires d’art. DOMINÉ PAR L’OCCIDENT Penelope Umbrico, «Nathalie Herschdorfer_IMG_4080.JPG»,En mai, la presse spécialisée publiait le palmarès 2014 des En 2017, le musée M+ ouvrira ses portes à Hong Kong. Lesartistes contemporains – classant les «stars» du monde de architectes sont les suisses Herzog & de Meuron, le patronl’art international selon leur rayonnement: influence, nom- est Lars Nittve, premier directeur de la Tate Modern à Lon-bre d’expositions, visibilité. Un classement qui révèle que dres et ancien directeur du Moderna Museet à Stockholm.le monde de l’art est moins mondialisé qu’on ne le croit. Même tendance dans les galeries: l’américain LarryParmi les dix artistes au sommet se trouvent cinq améri- Gagosian possède aujourd’hui quinze galeries dans septcains (Bruce Nauman, Lawrence Weiner, John Baldessari, pays et la galerie londonienne White Cube a récemment ou-Cindy Sherman, Ed Rusha), quatre allemands (Gerhard vert à Sao Paulo et Hong Kong.Richter, Thomas Ruff, Rosemarie Trockel, Georg Baselitz) etun belge (Francis Alÿs). Puis viennent les suisses (Fischli L’ART ÉMERGENT& Weiss 13e place), les autrichiens (Erwin Wurm 14e place)et de nombreux britanniques (dont Douglas Gordon 15e, Alors que le discours dominant prétend qu’en cette ère deDamien Hirst 16e). L’artiste occidental est omniprésent, à mondialisation les nationalités ne comptent plus, les artistespeu d’exceptions près. Le sud-africain William Kentridge et les puissants du «monde de l’art» représentent en force lese faufile à la 11e place, le chinois Ai Weiwei arrive à la monde occidental. Ce même monde que nous trouvons à la26e et le mexicain Gabriel Orozco à la 51e. table des débats d’Art Basel. La Suisse a une place de choixGrands musées et puissantes galeries s’inspirent depuis au palmarès de l’art contemporain. Ses artistes, ses galeriesquelques années des multinationales. La FondationGuggenheim de New York ouvrait la voie en 1997 avec lemusée de Bilbao dont le succès vint de la marque«Guggenheim» mais aussi de l’architecture spectaculairede Frank Gehry. Aujourd’hui, 3000 ouvriers s’affairent jouret nuit sur le chantier du Louvre d’Abu Dhabi de l’archi-tecte Jean Nouvel dont l’inauguration est prévue fin 2015.10 — W O R K # 0 4 —

IMPACT PLAFOND DE VERRE Les différents classements des artistes vivants bouscu- lent quelques idées reçues: à parcourir les noms des quinze premières places, les «plus grands artistes» sont nés entre 1932 et 1959. Quant à la prise de pou- voir des femmes artistes, il semble qu’elle a rencontré son plafond de verre: six femmes seulement sont citées dans les 30 premières places (Cindy Sherman n°5, Rosemarie Trockel n°8, Marina Abramovic n°21, Valie Export n°24, Mona Hatoum n°27, Tacita Dean n°28). La voie s’ouvre aussi du côté des talents émergents, ceux qui créeront l’art de demain, les artistes nés dans ce monde glo- balisé. Cette nouvelle génération émerge dans un univers bien différent de celui des générations précédentes qui doi- vent leur succès aux puissantes galeries et institutions occi- dentales. Regardons dès lors du côté de ces «nomades», qui ancrent leur travail dans le métissage des cultures, nourris de voyages tant physiques que virtuels.© Penelope Umbrico et Nathalie Herschdorfer DANS L’UNIVERS VIR TUELfrom \"Mountains, Moving: A Proposal and Two Trades for Alt+1000\", 2013-14 Nombre d’artistes se font connaître aujourd’hui sans passer par le circuit de l’art. Prenons l’exemple de la photographie et ses architectes sont célébrés dans le monde entier. Sans contemporaine. La multiplication des images que nous pro- oublier ses curateurs, tels Hans Ulrich Obrist, co-directeur de duisons et l’enthousiasme avec lequel nous les partageons la Serpentine Gallery de Londres, Beatrix Ruf, récemment sur l’Internet, prouvent que nous forgeons une nouvelle rela- nommée directrice du Stedelijk Museum d’Amsterdam, ou tion à la photographie. 99% des images d’aujourd’hui sont Bice Curiger, à la tête de la toute nouvelle fondation Van Gogh conservées sous forme de fichiers informatiques et non sur d’Arles. papier. Plus de photographies ont été produites en 2013 Le défi reste grand pour toute personne curieuse de découvrir qu’en 175 ans d’histoire de la photographie. Environ 200 mil- des artistes hors des territoires balisés. Le premier conseil lions d’images sont téléchargées chaque jour. Certes, la ma- serait de dépasser les frontières de notre culture pour s’im- jorité est destinée à être oubliée quasi instantanément mais merger dans d’autres références artistiques et visuelles. Ce il y a surement quelques «chefs-d’œuvres» parmi ces millions qu’a fait le collectionneur suisse Uli Sigg. Sur vingt ans, il a d’images flottant chaque jour dans le monde virtuel. Tumblr, réuni une collection d’art chinois contemporain qui a fait Flickr, Instagram seraient-ils les futurs «musées» de celui qui grand bruit lorsqu’elle fut révélée à la Biennale de Venise de cherche à dénicher de nouveaux talents? Les conservateurs 1999. Uli Sigg a simplement voyagé. Il a été à la rencontre de musée pourraient être intéressés. En un clic, l’image se des artistes et a su oublier le filtre des institutions, des gale- rend de New Dehli à Rio, sans coûteuses compagnies d’as- ries et des critiques occidentaux. surance et de transport. Avec Internet, la manière dont nous produisons, partageons et consommons les images a radica- lement changé notre manière de vivre l’art. Chacun y a po- tentiellement accès gratuitement – ou en tous cas à moindre frais. Il n’est plus indispensable aux artistes de passer par les murs d’une galerie pour diffuser leur travail. Cinq millions de personnes ont vu la série du jeune artiste Noah Kalina sur YouTube. Qui, à part Picasso, peut espérer attirer autant de spectateurs? De nouveaux réseaux se développent grâce au web. La sélection reste à faire et l’écran de nos tablettes ne remplacera jamais l’émotion ressentie devant une œuvre phy- siquement présente. Mais les artistes ne manqueront pas de proposer de nouvelles formes d’art. Le marché de l’art risque de devoir se réinventer. —— WORK #04 — 11

IMPACT © Courtoisie du Centre d’art contemporain de GenèveMarina Abramovic´Elle redéfinit les limites de l’art et repousse les frontières entreartiste et audience depuis 40 ansMarina Abr amovic’ fi gure au cl assem ent 2014 de personnes de tous âges et horizons se sontdes 100 personnalités les plus influentes du relayés pendant les huit jours de la performance.monde établi par Time Magazine. Au même Ceux qui ont tenu jusqu’au bout rapportenttitre qu’Angela Merkel, Barack Obama ou n’avoir pas vu le temps passer. Ils auraient con-Edward Snowdon… En adoptant la perfor- tinué bien au delà de la durée fixée. «Avec lamance comme mode d’expression, elle a choisi durée, le temps disparait» explique Abramović.une voie ardue. Cette forme artistique reste Née en Yougoslavie de parents militaires, hérosconsidérée comme radicale, voire marginale. de la 2e guerre mondiale, elle reçoit une éduca- tion très stricte qu’elle qualifie volontiers de PAR HELENA MONOSON «communiste». Ce n’est pas d’amour parental qu’elle est nourrie mais de discipline et d’en- M arina Abramović était de retour au durance. Elle fréquente ensuite l’Académie des Centre d’Art Contemporain de Beaux Arts de Belgrade qui dispense un en- Genève en mai. Avec Counting the seignement tout à fait classique. Sa première performance en 1973 est une rébel- Rice. Chaque jour une trentaine de lion contre son éducation et la culture répressive de la Yougoslavie de Tito et de l’après-guerre. volontaires s’est prêtée à un exercice a priori Selon un rite, un rythme et une gestuelle qu’elle invente, elle s’inflige des coupures aux doigts sans utilité. Pendant six heures, ils s’engageaient avec une série de couteaux. Ce rituel cru est à séparer des grains noirs de grains blancs et à les compter, dans un décor spartiate conçu pour l’occasion par l’architecte Daniel Libeskind. L’artiste ne donnait que quelques conseils de respiration pour aider les participants à résister à la tentation d’abandonner. Plusieurs centaines12 — W O R K # 0 4 —

IMPACTfilmé et enregistré. Une première transgression qui marque © Courtoisie du Centre d’art contemporain de Genève Leur dernière œuvre commune, The Lovers: The Greatle début d’une exploration des limites mentales et Wall Walk, exige que chacun marche 2000 kilomètres lephysiques qu’elle ne quittera plus. long de la Grande Muraille de Chine, partant d’extrémitésSes œuvres-performances des 40 dernières années ont opposées pour se rejoindre au milieu. Ce projet devaitété souvent brutales et toujours perturbantes. Elle se met symboliser les retrouvailles d’un couple. Ironie du sort,en danger. Atteignant des paroxysmes que seuls inter- c’était sans compter sur les lenteurs de l’administrationrompront des membres d’un public à la merci duquel elle chinoise qui mit huit ans à accorder les permis néces-s’expose totalement. Elle en meurt presque un jour, as- saires. Le temps aidant, ces retrouvailles ont scellé leurphyxiée au sein d’un rideau de flammes. Toutefois, son ob- rupture.jectif n’est pas le sensationnel. En cherchant la limite derésistance à la douleur, ou plus exactement au témoignage Marina Abramović continue seule à explorer les limitesde la douleur par le public, l’artiste crée une rupture. Ce mentales et physiques en augmentant la durée à chaquequi l’intéresse c’est l’art qui dérange et qui implique le nouvelle performance car, à ses yeux, seule la durée estspectateur dans le processus, ici et maintenant. Pour elle, susceptible de transformer artiste et public. Le temps estl’art doit d’être un révélateur de la nature humaine. au centre de ses préoccupations. Il s’évalue au passé ouC’est la performance proprement-dite qui représente au futur, pas au présent.l’œuvre originale. Les enregistrements sonores, pho- En 2010, le MOMA de New York lui offre une rétrospectivetographiques ou filmographiques n’en sont qu’une trace. qui recevra 750.000 visiteurs. Une première pour uneDe chaque performance, Marina Abramović choisit et con- artiste de ce type! Outre les performances historiques,serve une empreinte documentaire qui servira par la suite remises en scène par de jeunes artistes qu’Abramović acomme outil commercial aux galeristes qui la défendent. formés elle-même, l’artiste présente une nouvelle œuvre,En 1975 Marina rencontre Ulay, un artiste allemand qui The Artist is Present.partagera sa vie personnelle et artistique pendant douze Pendant trois mois, six jours par semaine, huit heures parans. Nés le même jour, ils se veulent le double, le miroir jour, elle partage des temps de silence individuels et suc-l’un de l’autre. Pendant les années de vie commune, ils ne cessifs avec des visiteurs installés face à elle sur unetravailleront qu’en duo, produisant des œuvres qui ex- chaise de bois, séparés par une simple table. Au cœur d’un carré de lumière dans l’atrium du musée, sous les,,plorent les rapports de pouvoir et de dépendance dans une yeux de la foule. Au bout de deux mois, même la table dis- paraît. Toute frontière est abolie. L’immatérialité de l’œuvrerelation triangulaire avec le public. atteint la perfection. De jour en jour, l’engouement gagne. La queue s’allonge L’art doit d’être un quotidiennement. On attribue des numéros aux visiteurs qui en viennent à se présenter au musée dès 5 heures du ,,révélateur de la nature matin. Et même à passer la nuit sur le trottoir. Dans le humaine public, on lit l’attente sur les visages. Ils seront 1700 à partager une expérience unique à chacun. «Faire quelqueDans une collaboration emblématique de 1977, au Musée chose avec rien» explique Abramović. —Communal d’art moderne de Bologne, dans une Italie en-core très catholique, ils sont nus, debout et face à face.Un espace étroit entre leurs corps sert de passage oblig-atoire à l’entrée du musée. Contraint à passer de biais,chaque visiteur doit choisir celui auquel il devra faire face.Dans une autre performance, les deux artistes connectentleur bouches et respirent l’air de l’autre jusqu’à épuise-ment total de l’oxygène. Au bout d’un quart d’heure, ilss’effondrent, inconscients, les poumons remplis d’oxydede carbone. L’œuvre explorait l’idée d’absorption de la vied’un autre être, de son appropriation et de sa destruction.Ces années sont aussi celles de la pauvreté. Abramović etUlay sillonnent l’Europe pour y présenter leurs performances,à bord d’une camionnette qui est leur unique demeure.— WORK #04 — 13

IMPACT © Courtoisie du Centre d’art contemporain de GenèveFigure emblématiqueConversation avec Andrea Bellini et un public de jeunes artistes de laHaute Ecole d’Art et de Design de Genève (HEAD)L e Centre d’art contemporain de Genève célèbre cette assoir tranquillement face à face et de regarder en nous-mêmes. année ses quarante ans d’existence. Une occasion pour Tout se passe ici et maintenant dans le moment partagé avec le son directeur, Andrea Bellini, d’y faire revenir certains visiteur. Malgré le silence et l’absence de mouvement, l’activité cérébrale est intense de part et d’autre. Tout se joue dans la artistes dont le premier passage date de leurs débuts. durée.En 1987, le Centre accueillait die Mond, der Sonne, collaboration Des 1700 personnes qui se sont assises face à vous, de qui vous rappelez-vous?entre Marina Abramović et Ulay. A l’occasion du retour de Marina Un homme est venu s’assoir pendant 7 heures. Il est revenu 24Abramović pour la performance Counting the Rice et dans le cadre fois. Nous sommes devenus amis. Je me souviens aussi des gar- diens du musée qui venaient participer à la performance pendantdes rencontres Talking Heads, la Haute Ecole d’Art et de Design leurs jours de congé.projetait le film The Artist is Present de Matthew Akers et Jeff Pourquoi Counting the Rice? Séparer des grains noirs des grains blancs et les compter mèneDupre qui retrace la vie de l’artiste et la suit au cours de la perfor- à un point au-delà duquel la répétitivité efface la perception du temps et où le sujet se retrouve ailleurs. C’est le même principemance de 2010 au Moma, préparation comprise. L’artiste était en- qu’ouvrir ou fermer une porte indéfiniment. La porte s’efface. C’est une manière de se réapproprier le temps. Un voyage. Danssuite invitée à un entretien public avec Andrea Bellini. Cernée d’un notre société toujours plus rapide, trois actes sont dévalorisés: l’inactivité, le silence, le jeûne. Ralentir et s’effacer portent à unepublic fervent, Marina Abramović répondait aux questions des meilleure connaissance de soi.jeunes artistes. Sur quelle base se place la performance à la Serpentine Gallery à Londres?Qui a écrit le film? Comment s’est passé le tournage? Sur un vide total, sans décor. Je pousse la porte le matin. Je laTout s’est passé de manière totalement improvisée. Sans scé- referme le soir. L’échec peut être complet mais si je réussis, j’au-nario. Je portais un micro 24 heures sur 24 et l’équipe pouvait rai encore progressé vers l’immatérialité de l’art. Un art qui nepénétrer mon intimité et filmer à tout moment. Pendant un an. coûte rien, offert à tous.C’était encore plus épuisant que la performance elle-même.Pourquoi vous être exposée à ce point?Le metteur en scène ne croyait pas à la performance. Je voulaisexpliquer que c’était une affaire sérieuse. Et démontrer son effettransformateur sur le public. La performance est une actiontransformative, une immense toile de projection des émotions.Qu’avez-vous reçu du public au Moma?J’ai reçu et donné de l’énergie. Nous avons pris le temps de nous14 — W O R K # 0 4 —

IMPACT Quand vous vous préparez, en discutez-vous? Pas au début et jamais avec d’autres artistes. Mes interlocuteurs privilégiés seraient plutôt des scientifiques. Et des jeunes car leur intérêt me confirme que mon art est encore vivant.© Courtoisie du CACG Vos performances ont-elles changées avec l’arrivée du succès? Le succès a mis si longtemps à arriver que j’ai tout le temps d’évoluer sans lui. Une artiste de performance n’est-elle pas une actrice? Pourquoi avoir travaillé avec Lady Gaga? Un acteur joue le rôle de quelqu’un d’autre. Je ne joue pas. Ce Lady Gaga a 43 millions d’admirateurs. Aucun artiste visuel ou sont mes émotions, mes souffrances et mes blessures que je plasticien n’a une telle audience. C’est une autre manière de partage. diffuser l’art. Quelle est la différence entre underground et grand Mais qu’est l’art? public? Le désir brulant de créer. Et les sacrifices que l’on est prêt à L’art underground devient grand public quand le public l’accepte. consentir. Mais le contexte fait aussi la différence. Méditer dans un musée n’est pas de même nature que méditer dans un mo- Comment réconciliez-vous art et capitalisme? nastère. Il y a tant de tabous à propos des artistes. L’un d’eux est le mythe de la pauvreté. J’ai attendu 40 ans et j’en ai aujourd’hui 68. J’ai Que doit faire un artiste lorsqu’il se sent confus? de l’argent et j’adore ça. Ça paye les factures. Quand vous vous levez le matin et que vous bouillonnez d’éner- gie, prenez une chaise et asseyez-vous. Votre énergie se focali- Etes-vous une artiste, une œuvre ou un prophète? sera. Les réponses sont en vous. — Je suis une guerrière. Un artiste qui prépare ou exécute une per- formance est comme un soldat. Il doit tout discipliner et modifier tous ses rythmes, ceux du sommeil comme ses habitudes ali- mentaires. Et puis l’art n’est pas seulement création. Dans une journée, il y a beaucoup de logistique et d’organisation. Où trouvez-vous de nouvelles idées? © Courtoisie du CACG Pas dans les studios. J’aime la nature, les lieux de pouvoir, les montagnes, les volcans, les cataractes, les minéraux qui sont © Courtoisie du CACG L E PAR CO UR S DE M AR I NA AB R AM O V I C´ vecteurs de la transmission d’énergie. Les idées arrivent par sur- prise. Et ce sont celles qui font le plus peur qui sont les bonnes. Née à Belgrade, Serbie en 1946, fille de militaires, sa Le marché de l’art demande de reproduire les œuvres qui ont formation artistique débute de manière classique, à fait leurs preuves. Il ne faut pas l’écouter mais toujours explorer l’Académie des Beaux Arts de Belgrade. Figure ma- des terres inconnues. jeure de l’Art Contemporain, elle utilise son propre corps comme sujet, objet et medium de son travail, en MAI Rice Counting Exercise (2013) Arianna Vairo explorant les notions de limite physique et psychique, ainsi que la relation entre artiste et public. Son travail a été montré dès le début des années 70 dans les ins- titutions les plus importantes d’Europe et des Etats- Unis. Elle est invitée à participer à La Biennale de Venise à deux reprises, en 1976 et 1997 et y obtient le Lion d’Or de la Meilleure Artiste. Elle est présente à La Documenta de Kassel en 1977, 1982 et 1992. Elle est l’objet du documentaire de Matthew Akers et Jeff Dupré The Artist Is Present, sorti en 2012. Marina Abramović vit et travaille à New York. — WORK #04 — 15

IMPACT © Courtoisie Art BaselAnnette SchönholzerArt Basel, l’évènementArt Basel est probablement la plus importante travaille dur afin de perpétuellement optimiser les ser-des foires annuelles d’art contemporain. vices offerts aux participants, de renforcer ses parte-Chaque édition attire des dizaines de milliers de nariats et d’en créer de nouveaux. Il est important devisiteurs et la foire a essaimé avec Art Basel se projeter au-delà des évidences, de se remettre sansMiami Beach et plus récemment Art Basel cesse en cause et d’innover.Hong Kong. Le processus de sélection y estexigeant et à peine le tiers des galeries candi- Les foires satellites se multiplient. Quelles sontdates sont retenues. Véritable pionnière d’Art les synergies?Basel, Annette Schönholzer définit les initiatives La prolifération des foires satellites s’est accélérée du-du groupe et coordonne leur développement. rant la dernière décennie, que ce soit à Bâle ou à Miami. La présence de ces foires crée une forte pres- PAR ANNE-HÉLÈNE DECAUX sion sur toutes les infrastructures locales – hôtels, res- taurants, etc. Mais toutes ces foires jouent également L a concurrence est féroce. Comment un rôle d’incubateur pour les galeries et artistes émer- rester la première foire au monde? gents. Elles sont devenues un lieu intéressant de dé- En établissant trois foires sur trois conti- couverte pour les jeunes collectionneurs. nents en 2013, Art Basel est devenu un La crise économique ne parait pas avoir atteint Art Basel. Est-ce vrai? acteur majeur du marché de l’art. Notre équipe – qui La crise a touché le monde de l’art dans son intégra- a une entité ici à Bâle et une seconde à Hong Kong –16 — W O R K # 0 4 —

IMPACTlité. Fin 2008 et début 2009, Art Basel s’est efforcé de maintenir et 2008. Pourtant, d’autres œuvres très intéressantes sont au-une certaine stabilité, malgré une situation fragile. Durant les an- jourd’hui réalisées en Chine. Des œuvres qui témoignent de lanées qui ont suivi la crise, nous nous sommes vraiment attachés vie quotidienne dans le pays et des grands changements qui seà comprendre les besoins des galeries. Cela a d’ailleurs conduit dessinent à l’horizon. Cependant, il est important de rappelerau lancement d’Art Basel Hong Kong. qu’Art Basel n’a pas pour ambition de s’engager uniquement dans le marché chinois. Nous voulons créer une foire majeure,Les galeries dépensent sans compter. La hausse signifi- dédiée à l’Asie entière, qui intègre galeries et artistes asiatiquescative des candidatures à Art Unlimited – l’espace dédié au marché global.aux projets qui transcendent les limites classiques – l’at-teste. Pourquoi? Quels sont les principaux obstacles rencontrés en Chine?Unlimited est totalement unique dans ce qu’il offre aux galeries En avez-vous affronté de similaires aux Etats-Unis?et aux artistes. Qualitativement, il a souvent été comparé aux Lancer une foire dans un pays étranger est toujours un immensemeilleures biennales. C’est une occasion unique de présenter de défi. Notre expérience à Miami Beach nous a permis d’êtretrès grands formats dans un contexte idéal et dans le cadre conscients des particularismes régionaux, des barrières linguis- tiques, et de l’influence des politiques régionales. Nous avons,,d’une foire. Pour beaucoup, c’est un moyen supplémentaire de été très bien accueillis en Chine et à Hong Kong quand nous avons lancé la foire. Le processus a bien sûr été facilité par lasouligner leurs efforts. présence d’un évènement existant puisque nous avons construit à partir d’Art HK, fondé en 2008 et déjà perçu comme la foire la Nous voulons plus prometteuse d’Asie du Sud-est. Néanmoins, nous avons en- créer une foire majeure core beaucoup à apprendre sur les relations interpersonnelles, les pratiques artistiques et la conduite adéquate des affaires ,,dédiée à l’Asie entière en Asie. —Art Basel Miami Beach est devenue la première foire auxEtats-Unis. Certains collectionneurs ne se rendent mêmeplus à l’Armory Show. Comment?Ce qui fait le succès de notre foire à Miami Beach, c’est sa qua-lité. La qualité des galeries et des artistes présents, celle desœuvres exposées et des collectionneurs qui les achètent, celledes conférences et du programme cinématographique.Pourquoi Miami Beach plutôt qu’une autre ville? © Courtoisie Art BaselEn 2002, quand nous avons lancé la foire à Miami Beach, lescollectionneurs, galeries et artistes sud-américains voyaient leur LE PARCOURS DE ANNETTE SCHÖNHOLZERimportance croître sur la scène internationale. Miami n’est passeulement une excellente porte d’entrée vers l’Amérique Latine, Après avoir codirigé Art Basel Miami Beach pendant cinqil y a aussi des vols directs depuis l’Europe. Le climat tropical ans, Annette Schönholzer a été nommée directrice adjointeest aussi favorable à une période de l’année où New York et d’Art Basel en 2007. C’est elle qui a réellement transformél’Europe grelottent. la foire en plateforme internationale regroupant les plus grandes galeries d’art du monde entier. Avant de rejoindreArt Basel a acheté Art HK, il y a trois ans. Et en a fait Art Art Basel en 2002, Annette Schönholzer a travaillé pour dif-Basel Hong Kong. A terme, le marché chinois peut-il férentes institutions publiques et privées de promotion desdevenir le premier marché de l’art? arts et de la culture et a été membre du comité de pro-Le débat est très animé quant à l’avenir du marché chinois. Nous grammation et responsable du festival international VIPERsuivons également de près – au travers de discussions et d’ob- de 1994 à 1998. Elle a étudié l’anglais, le cinéma et l’alle-servations – la manière dont le marché global et les marchés mand à l’Université de Zürich et a obtenu un master en Ma-locaux évoluent et se métamorphosent. Actuellement, le marché nagement de l’art de l’ICCM à Salzburg.chinois peut être considéré comme l’un des plus dynamiques dela région. Et trop souvent, les occidentaux associent l’art contem-porain chinois aux larges formats qui ont été produits entre 2006— WORK #04 — 17

IMPACT © Courtoisie Viviane de Witt La Maison Dorée, Martine Bedin, 1966. Atrium de la société horlogère deWittViviane Jutheau de WittCollectionneuse de toujoursLa haute horlogerie a deux particularités. L’excep- suis rentrée comme stagiaire chez maître Champetiertionnel dans la mécanique de haute précision et de Ribes. La loi a changé, ouvrant la profession auxl’exceptionnel dans l’esthétique. La seconde s’ap- femmes. Mon diplôme de commissaire-priseur enparente pour beaucoup aux objets d’art. Viviane poche, j’ai racheté la moitié de l’étude, associéeJutheau de Witt est aujourd’hui directrice générale avec Joël Millon et l’étude est devenue Millon-des montres de haute horlogerie DeWitt. Et collec- Jutheau. Nous nous sommes séparés onze ans plustionneuse de toujours. tard car je voulais aussi faire des ventes judiciaires. En 1998, j’ai vendu mon étude à Maître Marielle PAR ANNE-HÉLÈNE DECAUX Digard, actuel président des commissaires-priseurs judiciaires. PREMIÈRE FEMME COMMISSAIRE- PRISEUR DE PARIS LE PLUS BEAU SOUVENIR DE CETTE ÉPOQUE Enfant, j’accompagnais mon père aux ventes d’or- fèvrerie de Galliera. Je rêvais de faire ce métier. Il Des amis ont des fresques à vendre. Peintes par Miro, me disait: «Ce n’est pas ouvert aux femmes, au réfugié de la guerre d’Espagne en 1938, dans une mieux, tu pourras être clerc de commissaire-pri- maison de Varengeville, en Normandie. Un animal my- seur, jamais commissaire-priseur». Après une li- thique dans le salon, un personnage entre les deux fe- cence en droit, j’ai suivi les cours de l’école du Louvre et de l’Institut de gemmologie de Paris puis18 — W O R K # 0 4 —

IMPACTnêtres et une étoile au dessus de la cheminée. Je fais venir mon REPARTIR À ZÉROspécialiste en dépose. Si l’on touche au mur, fait de sable marin,tout s’effritera. Je décide alors de faire étayer la maison et d’en Dans les années 1990, le prix des tableaux chute brutalementdécouper les murs, qui faisaient plus de 8 mètres de long, pour de 80%. Dubuffet, Hartung, Bacon, Magritte, Delvaux, Basquiat,les vendre à Drouot Montaigne. de Kooning, j’achète. Vingt ans plus tard, les prix ont tellement grimpé que l’envie de faire de la place, de faire quelque chose LA COLLECTION, C’EST UNE CHASSE d’autre avec cet argent, me reprend. Je vends. A chaque fois que je vends, je suis aussi heureuse que quandToute petite, je collectionnais les buvards. Les commerçants en j’achète. Je me sens plus légère, suis heureuse de voir que lesdistribuaient. J’en avais 2500. Vers 10 ans, j’ai eu le sentiment choix que j’ai faits en d’autre temps sont corroborés par d’autres.d’avoir fait le tour de la question et m’en suis séparée. La col- Plaisir de repartir à zéro.lection, c’est une chasse. Quand il a fait le tour de toutes lesproies, le chasseur s’ennuie. AUJOURD’HUI: TROIS DIRECTIONSJ’ai ensuite découvert les tabatières chinoises et constitué l’unedes deux plus belles collections au monde. Mes connaissances Les souvenirs familiaux (mon mari étant un descendant des’étoffant, j’ai fini par écrire le livre de référence en français 1, Jérôme Bonaparte, frère cadet de l’empereur Napoléon).donnant des conférences, ouvrant ma collection aux étrangers. Les objets de la «vie d’autrefois» entre 1800 et 1950, de la boiteC’était un mode de vie. Pendant ce temps, ces petits objets ont d’allumette à la calèche, avec le projet de faire un musée sur cepris de la valeur. Je me suis retrouvée à gérer une collection qui thème.valait de plus en plus cher et le temps que je devais y consacrer L’art très contemporain chinois. A Pékin pour les montres DeWitt,commençait à me peser. Un jour, j’ai pris la décision de tout ven- je ne peux m’empêcher d’aller visiter les ateliers d’artistes.dre à Hong Kong, à l’exception d’une tabatière, «témoin» de cette J’aime ce côté très coloré, cette critique implicite du présent sous des dehors parfois joyeux ou anodins, faussement premier,,aventure. degré. C’est un art très vivant, très fort, qui pour moi dégage des émotions alors que l’art conceptuel en vogue aujourd’hui et qui exige 10 minutes d’explications pour comprendre l’œuvre m’en- nuie profondément. —Quand je vends, jesuis aussi heureuse,,que quand j’achète C’EST AUSSI UNE PATHOLOGIE © Courtoisie Viviane de WittJ’ai immédiatement replongé, dans les flacons à sel et à parfum LE PARCOURS DE VIVIANNE JUTHEAU DE WITTcette fois. La collection est aujourd’hui au Musée du parfum deGrasse. Puis, je me suis tournée vers l’art Déco et ai écrit Jules Viviane Jutheau de Witt est directrice générale deset André Leleu, décorateurs des années 30 et 50. Pour la pre- montres de haute horlogerie DeWitt. Dans une autremière fois de ma vie, je n’ai pas revendu ces pièces dont j’estime vie, elle fut la première femme commissaire-priseur dela qualité inégalée. Paris, à Drouot. Et parallèlement, de 1986 à 1992,Simultanément, j’ai commencé à collectionner les bijoux … et commissaire-priseur du Crédit municipal de Paris, éta-écrit mon troisième livre, sur Sterlé, et mon quatrième, sur blissement bancaire et financier pratiquant le prêt surMarina B., deux fabuleux créateurs. Et toujours à cette même gage. En 2000, Viviane de Witt crée le Salon de Marsépoque, j’ai découvert l’Art africain. à Genève, premier salon d’art de la République, quiUne fois de plus, je suis tombée éperdument amoureuse. Le pre- connaîtra une vie éphémère malgré deux saisons demier objet? Un Grebo, masque avec des cornes et des yeux pro- grand succès. Elle est aussi l’auteur de nombreuxéminents. Je me lance dans cette collection avec le même ouvrages sur l’art, ses créateurs et ses objets.enthousiasme. A la recherche du plus bel objet, pas forcémentle plus cher, celui qui me parle.1. Guide du collectionneur de Tabatières Chinoises, Viviane Jutheau, Editions Denoël, 1980— WORK #04 — 19

IMPACT © David Gill, Courtoisie de l’artiste Sylvie Fleury, To Be Titled, 2005-2008, fibre de verre, peinture métalliqueLoa Haagen PictetDe la connaissanceau regard portéLa collection Pictet est une collection résidant en Suisse, ont acquis une reconnaissance mondiale.d’art suisse. Un panorama subjectif Grâce a un niveau de qualité très haut la Suisse est un vivier pourréunissant des œuvres d’une grande ses artistes soutenus par les musées, les centres d’art et stimulésdiversité dont Loa Haagen Pictet assume par les prix au niveau fédéral. L’idée de notre collection est d’êtrela responsabilité. un sismographe de notre société, de rester en éveil, et de nous laisser stimuler par les regards sur le monde. Pour les 25 bureauxPAR CATHERINE CHAZELLE CHAVASSIEU de la Banque, cela représente un patrimoine culturel qui reflète nos valeurs, un symbole de pérennité. En aucun cas la démarcheE n 2004, Loa est contactée par la Banque Pictet pour n’est spéculative. Nous soutenons les artistes, achetons un corpus mettre en place une stratégie afin de développer une d’œuvres de chacun et les accompagnons. Ensuite nous complé- collection d’art suisse, panorama subjectif réunissant tons nos choix. Je développe aussi des projets in situ dans nos lo- caux. Leur intérêt rend nos collaborateurs et clients participatifs à des œuvres très diverses: peinture, dessin, vidéo, pho- cette démarche, réceptifs et impliqués. John Armleder, Renate Buser, Shirana Shahbazi furent certains des artistes élus.tographie, installation, sculpture. Autant de moyens réunis pour En dehors de ses propres locaux, la Banque Pictetune collection d’une grande diversité. Jusqu’alors la banque Pictet, a-t-elle un politique de mécénat? Oui. La fondation de bienfaisance Pictet s’engage autant auriche de tableaux suisses des XVIIIe et XIXe siècles, les entrepo- niveau caritatif que culturel. La Banque vient aussi de soutenir un projet in situ à Onex pour l’installation d’une sculpture d’Ugosaient sur les murs de ses locaux à des fins purement décoratives. Rondinone.Loa avec l’assentiment du collège des associés a pour mission Quelle est votre analyse du marché de l’art? Les foires d’art contemporains se multiplient dans tant de villesde créer une collection qui reflète un patrimoine culturel suissede la naissance de la banque en 1805 à nos jours.Loa, que pensez-vous de l’art suisse, vous qui êtesSuisse d’adoption?Le dynamisme de l’art Suisse ne le confine pas à l’intérieur de nosfrontières. De nombreux artistes suisses d’origine, ou étrangers20 — W O R K # 0 4 —

IMPACTde par le monde – quasiment une par semaine – qu’elles gé-nèrent un marché, et la prolifération des acheteurs d’artcontemporain créent une demande. Aux Etats Unis déjà lors duNew Deal, le New Art Program payait des artistes pour produiredes œuvres. A tout moment le danger vient du fait que les ar-tistes s’adaptent à la demande et créent des œuvres pour lemarché et les institutions politiques. On a vu dans les années1980/1990 une quantité d’artistes japonais arriver sur le mar-ché et dans les musées. Aujourd’hui seule une dizaine resteprésente sur la scène internationale. De même pour les chinois:une cinquantaine tiennent actuellement le haut du pavé. Citonsà ce propos Uli Sigg, l’ex-ambassadeur de Suisse en Chine dontla collection personnelle à contribué à faire connaitre beaucoupd’artistes chinois de renom. Plus récemment après les chinois,il y a eu le boum des artistes indiens, puis ceux d’Amérique la-tine avec des foires d’art à Bogota et à Mexico et Sao Paulo. Jerecherche des artistes qui résistent à la superficialité du marchécar l’art contemporain est devenu un statut social, une valeur«financière». Les marchands achètent, vendent et rachètent lemême artiste pour lui créer une cote.Justement. Comment «opérez-vous» pour ne pas résister aux © Thomas Hensingertentations et adopter le choix le plus raisonné possible?Je prends le temps de prendre du temps, de comprendre, de Alexandre Calame, Cascade de la Handeck, 1839, huile sur toilem’instruire, et m’entoure aussi de personnes compétentes. Il fautréfléchir, prendre du recul et décanter. Nous n’achetons pas tou- LE PARCOURS DE LOA PICTETjours dans l’immédiat. Le marché de l’art est superficiel: danscette effervescente il y a autant de pièges que de trésors. Autant Loa Haagen Pictet est danoise, historienne de l’art et conser-connaître toutes les ficelles! Certains très bons artistes disparais- vateur. Elle est diplômée avec médaille d’or de l’Université desent de la scène et subissent un passage à vide. Entre 50 et 60 Copenhague et a travaillé pour le Musée royal des Beaux-ans, ils ne sont plus des jeunes premiers et n’ont pas encore le Arts à Copenhague avant d’être nommée conservateur austatut de grands artistes internationaux. Il faut savoir attendre et Kunstmuseet Køge Skitsesamling. Elle a été commissaireleur donner du temps. J’aime les soutenir lorsque beaucoup de d’expositions sur l’architecture contemporaine ainsi que demarchands les oublient, avec pour eux le risque de laisser passer la première exposition de Ferdinand Hodler jamais organiséele train. Il est aussi important de savoir dénicher des artistes qui en Scandinavie. Venue en Suisse en 1997, elle y travaillen’ont pas toujours leur place sur le marché actuel, mais sont comme conservateur freelance, conférencière et auteurnéanmoins excellents. Parfois «être à la mode» est un fléau pour d’articles scientifiques ainsi que comme directrice de galerie.un artiste et je ne cherche pas à alimenter ces effets de mode. Elle est nommée conservatrice du Musée de la Croix-RougeUn artiste comme Urs Fischer a vu sa cote grimper tellement, et du Croissant-Rouge en 2003 et y organise plusieurs ex-qu’aussi talentueux soit-il, je préfère maintenant attendre. Nous positions sur la photographie. En 2006, elle rejoint le Mamcotravaillons dans un cadre budgétaire précis et décidons des prio- à Genève à la tête des programmes éducatifs. Depuis 2004,rités à établir. elle est responsable de la Pictet & Cie Art Collection.Que pensez-vous de la place toujours croissante queprend l’art contemporain dans les pays émergents?C’est très positif. Les pays reflètent leur société à travers lesœuvres d’art qu’ils promeuvent. Cette légitimité culturelle traduitleur désir de s’ouvrir vers le monde. L’art est un vecteur de to-lérance, d’ouverture; et permet de mieux comprendre les civili-sations, d’acquérir une connaissance plus approfondie desautres. Cette ouverture intellectuelle des pays émergents estune démarche enrichissante pour chacun. Cela stimule notreregard sur le monde. —— WORK #04 — 21

BUSINESSAlice Pauli © Courtoise Galerie Alice PauliA ladéfensedesartistes Pierre Soulages, Peinture, 324 x 362 cm, polyptyque J, 1987, don de l’artiste en souvenir d’Olivier PauliUn marchand d’art est souvent un collectionneur. Il trouve là le moyen de nourrir sapassion. Certains – comme Durand-Ruel, Vollard, Maeght ou Rosenberg – sont en-trés dans la légende aux côtés des artistes qu’ils soutenaient. Alice Pauli en faitpartie. Au terme d’un demi-siècle d’activité. PAR LAURA SPINNEY Chez Alice Pauli, cette époque n’est pas révolue. «Je n’ai jamais quitté un artiste. Sauf quelques tous jeunes proches de mon filsF in mai, elle accompagnait Pierre Soulages à Rodez pour Olivier, lors de sa disparition». l’inauguration du Musée Soulages auquel elle prête Son arrivée au Flon en 1990, dans un quartier encore en déshé- deux œuvres dont l’une de 4x3m. Giuseppe Penone est rence, ne cherchait pas à répondre à une mode. Là encore il de retour dans sa galerie de Lausanne depuis un mois. s’agissait d’une affaire de famille. Une idée de son fils OlivierJusqu’à fin juin, les immenses sculptures de bois calciné de que Pierre Soulages l’a convaincue d’adopter pour disposer d’unChristian Lapie se détachent, grâce à elle, sur le paysage gran- bel espace correspondant aux grands formats de l’art d’au-diose du Château de Vullierens. Et comme chaque année, la ga- jourd’hui. Soulages était d’ailleurs le cœur de l’exposition inau-lerie Alice Pauli sera fermée une semaine en juin pour cause gurale. Même s’il est vrai que ses clients ne se sont guèred’Art Basel où elle représentera Pierre Soulages, Giuseppe offusqués du cadre: «ils s’y étaient habitués dans les lofts dePenone, Rebecca Horn, Jaume Plensa, Anne Et Patrick Poirier, Londres et de New York».Philippe Cognée, Nunzio, Christian Lapie et Stéphane Guiran. Le contact avec ses artistes est constant. Au fil des conversationsOn parle parfois de la nostalgie d’une époque où une relation téléphoniques presque quotidiennes, et des visites réciproquespresque familiale unissait artistes, galeristes et collectionneurs. renouvelées, c’est l’amitié qui lie Alice Pauli à ses artistes. «Nous discutons l’évolution de leur démarche. Et ils ont toujours été ex- traordinairement présents dans les moments difficiles». Comment sait-on qu’un artiste est de classe internationale? «C’est affaire de sensibilité propre. Je choisis ceux avec lesquels22 — W O R K # 0 4 —

BUSINESS Alice Pauli avec M. et Mme Soulages «Les collectionneurs ont changé. Ils ont entre 40 et 50 ans, se tournent davantage vers l’art contemporain et appartiennent lar- j’ai le plus d’affinités» répond Alice Pauli. Et elle les défend en gement aux professions libérales», nous explique Alice Pauli. les exposant bien sur, mais aussi en prêtant les œuvres aux mu- Sans oublier la présence toujours plus forte des investisseurs. «A sées et aux expositions car tout est affaire de visibilité. Bâle, leur présence est devenue très sensible. Le premier jour Dès la première année en 1963, Pierre Pauli se joint au salon (ndlr: réservé aux collectionneurs), ayant ouvert à 11:00, nous international des Galeries Pilotes, précurseur des grandes foires avions vendu deux Soulages à 11:30» continue-t-elle. Les ache- internationales d’art contemporain. Pierre Pauli était d’ailleurs le teurs de toutes origines, du Qatar à la Chine, se multiplient et les commissaire de la manifestation fondée par René Berger, alors œuvres s’accumulent dans les ports-francs, à Genève, à Zurich, directeur-conservateur du Musée cantonal des Beaux-arts de à Singapour, au Luxembourg ou à Shanghai. En attente d’être re- Lausanne, qui la définissait comme «… une étape, une confron- vendues à des institutions ou à des musées. Les artistes n’ap- tation des artistes et des découvreurs de notre temps, de ma- précient pas que leurs meilleurs travaux disparaissent au fond nière à éclaircir les conditions dans lesquelles se fait l’art des coffres-forts. C’est au galeriste de savoir flairer les investis- d’aujourd’hui et de tous les continents» 1. En tout une cinquan- seurs. Et de ne pas les laisser s’emparer des pièces maitresses. taine de galeries participèrent aux trois éditions du salon en Mais le développement des foires est très important pour les col- 1963, 1966 et 1970. En provenance du monde entier de la lectionneurs. Car elles contribuent énormément à l’internationa- France aux Etats-Unis, de l’Italie à la Pologne et du Brésil au lisation de l’art, tant sur le plan des artistes que sur celui des collectionneurs. Après tout, le plus grand collectionneur de sculp-,,Japon. Si la plupart d’entre elles ont aujourd’hui une réputation tures du monde n’est-il pas l’homme d’affaire brésilien Bernardo internationale, elles ne s’adressaient alors qu’à une audience Paz? très avertie. L’art s’est globalisé chez les artistes, dans les galeries et dans les collections. «Mais chez un artiste quel que soit le degré d’in- Deux œuvres majeures ternationalisation, on sent toujours d’où ça vient». Avec les collectionneurs aussi, Alice Pauli développe des relations pour l’inauguration du de longue durée. Même lorsqu’il s’agit de nouveaux venus ou d’héritiers peu avertis rencontrés lors d’une succession. «Il faut ,,musée Soulages leur apprendre à prendre le temps de regarder». — © Jacques Bétant, LausanneC’est la Foire de Bâle qui sonnera le glas du Salon bien que ce LE PARCOURS D’ALICE PAULIdernier s’en soit clairement démarqué dans son communiqué depresse de 1970: «Contrairement aux marchés ou foires d’art Elle achète sa première œuvre en 1954, une tapisserie decontemporain qui se multiplient actuellement en Suisse et dans Jean Lurçat. Ses expositions réhabiliteront un art soupçonnéle monde, le Salon de galeries-pilotes ne poursuit aucun but alors d’être décoratif. En 1962, son mari Pierre Pauli seracommercial … Cette manifestation internationale a donc essen- commissaire de la première Biennale de la tapisserie autiellement un caractère prospectif et scientifique» 1. Musée cantonal des Beaux-arts et elle ouvre sa galerie, ave-Alice Pauli n’ira pas à Bâle en 1970 car Pierre Pauli vient de dis- nue de Rumine à Lausanne. De 1963 à 1970, Pierre Pauli estparaitre. Elle s’y rendra toutefois chaque année à partir de 1971 commissaire du salon international des Galeries Pilotes,avec pour seule exception 1994, année du décès d’Olivier. Sa jusqu’à sa disparition fin 1970. Olivier Pauli rejoint sa mère engalerie a toujours été sélectionnée. 1990 et décide d’offrir au public des espaces plus vastes en ouvrant la galerie dans le Flon, avec une sublime exposition1. Cité par Sarah Lombardi, historienne de l’art, dans son mémoire de Pierre Soulages. La galerie participe aux grandes foires in- de licence «Historique du Musée cantonal des Beaux-arts de Lau- ternationales (Bâle, Paris, Chicago, Bruxelles) et y représente sanne, de 1962 à 1981», octobre 1999, Université de Lausanne. des dizaines d’artistes, de Vieira da Silva à Mark Tobey et de Pierre Soulages à Giuseppe Penone ainsi que de jeunes ar- tistes défendus par la galerie et aujourd’hui reconnus.— WORK #04 — 23

BUSINESS © Courtoisie Christie’sSonal SinghEnchères dubout du mondeLa scène artistique indienne progresse rapide- qui tient régulièrement des ventes dans cette catégo-ment. Avec deux grandes expositions à Lon- rie. Christie’s a des bureaux à Mumbai depuis 20 ans.dres et à New York et la première vente de Aujourd’hui, nous souhaitons nous implanter ici deChristie’s à Mumbai en fin d’année dernière. façon durable. Nous jouons le long terme en faisantL’India Art Fair attire chaque année les visiteurs venir des groupes de collectionneurs étrangers à l’In-par centaines de milliers. L’art indien se dia Art Fair et à la Kochi-Muziris Biennale; ainsi qu’englobalise nous dit Sonal Singh, directrice des jouant le rôle de mécène pour des expositions tellesventes d’art moderne et contemporain chez que celle qu’organise le Victoria & Albert Museum surChristie’s à Mumbai. MF Husain en mai, ou la rétrospective de VS Gaitonde prévue en octobre, au Guggenheim de New York. PAR ANNE-HÉLÈNE DECAUX L’avenir est prometteur. Pouvez-vous nous dresser un rapide état des Christie’s a tenu sa première vente à Mumbai le 19 lieux du marché de l’art indien? décembre 2013. Quel succès a-t-elle rencontré? La scène artistique indienne progresse dans le bon Nous avons été stupéfaits par le nombre de personnes sens mais il reste encore beaucoup à faire. Nous qui sont venues voir les œuvres exposées à New Delhi avons déjà une foire d’art reconnue à l’international, et à Mumbai. Tous voulaient participer à la vente. Pour de superbes fondations, des galeries très actives, des vous donner une idée de l’engouement qu’elle a sus- maisons de ventes aux enchères établies et, depuis cité, nous avons dû ajouter une salle supplémentaire décembre 2013, une maison de vente internationale pour les enchérisseurs à la dernière minute. Ceux qui24 — W O R K # 0 4 —

BUSINESSne pouvaient assister à la vente en personne ont été très nom- faut voir autant d’œuvres que possible, aller dans les musées,breux à enchérir par téléphone et sur notre site Internet. Nous visiter les galeries, assister aux conférences, s’exercer l’œil etavons reçu des enchères de 20 pays, y compris de Chine, apprendre autant que faire se peut. Vous verrez quels artistesd’Australie, de Suisse, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et des vous plaisent. L’art est une découverte personnelle. Il faut seEmirats Arabes Unis. poser les bonnes questions et comprendre pourquoi tel ou tel ar- tiste vous interpelle et quelles sont ses œuvres qui vous attirentLes artistes indiens modernes battent de nombreux re- le plus. Le meilleur investissement que vous puissiez faire estcords. L’art moderne est-il plus populaire que l’art d’acheter ce qui vous plait.contemporain en Inde?Ce soir-là, nous avons réalisé le prix le plus élevé jamais obtenu Quels sont vos projets pour l’avenir?pour une œuvre d’art moderne indienne en Inde et, par la même Christie’s ouvrira bientôt une deuxième antenne en Inde. La pro-occasion, le nouveau record pour une œuvre de V. S. Gaitonde, chaine vente se tiendra en décembre, de nouveau à Mumbai.ainsi que pour neuf autres artistes indiens. Si vous feuilletez le Dans l’intervalle, nous allons nous concentrer sur nos ventes d’artcatalogue, vous noterez que nous n’avons offert à la vente d’Asie du Sud-est à New York et à Londres. Nous continueronspresque aucune œuvre contemporaine, contrairement à ce que aussi à organiser des conférences et à soutenir différentes initia-nous faisons d’habitude à New York et à Londres. Pour cette tives, telles que la Biennale de Cochin. L’Inde reste un marchévente inaugurale en Inde, nous avons pris la décision stratégique porteur. Notre expérience dans d’autres régions où le marché de l’art est encore relativement peu développé, comme le Moyen-,,de ne proposer que des œuvres de très grande qualité, et nous Orient, nous a montré que le marché doit travailler de manière collaborative pour offrir le meilleur environnement aux artistes etavions tout simplement plus d’œuvres modernes de qualité à aux collectionneurs. Les initiatives offrant ces opportunités, queproposer que d’œuvres contemporaines. ce soit des vernissages de galeries, des expositions, des foires artistiques ou des ventes aux enchères, contribuent à créer une Christie’s ouvrira atmosphère durable et favorable dont le commerce de l’art ne peut que bénéficier pour continuer à s’épanouir. Nous avons la bientôt une deuxième ferme intention de tenir des ventes ici sur le long terme. — ,,antenne en IndeLes ventes d’art indien se tenaient usuellement à Londres LE PARCOURS DE SONAL SINGHet à New York où se trouvaient les acheteurs importants.Sont-ils de retour en Inde ou une nouvelle population de Sonal Singh a rejoint le département d’art moderne etcollectionneurs indiens est-elle née? contemporain indien de Christie’s en 2007. Installée àDans le monde d’aujourd’hui, les acheteurs sont là où se trouve Mumbai, elle travaille en étroite collaboration avec lesl’art. Le marché de l’art est devenu une entité mondiale au cours départements d’Art d’Asie du Sud-est de la maison àdes dix dernières années. Pour attirer de nouveaux clients, il est Hong-Kong, New York et Londres. Avant de rejoindreindispensable de faire des ventes dans le monde entier. Christie’s, Sonal Singh était directrice de la galerie Bodhi Art. C’est là qu’elle a connu certains des plusPeu d’œuvres indiennes figurent dans les collections des grands artistes indiens contemporains, comme Atulgrands musées étrangers. Combien de temps avant que Dodiya, Anju Dodiya, Subodh Gupta et N.S. Harsha.leurs œuvres soient exposées au MoMA ou à la Tate? Elle a d’autre part étudié le Design au Central SaintDe nombreuses institutions étrangères importantes ainsi Martin’s College of Art & Design de Londres et l’his-que des collections privées suivent de près l’art indien. Les toire de l’art chez Christie’s Education.deux lots les plus importants de notre première vente àMumbai ont tous deux été achetés par des collectionneurs © Courtoisie Christie’sprivés américains. Un signe très encourageant. L’expositiondes œuvres de MF Husain au Victoria & Albert Museum etla rétrospective Gaitonde au Guggenheim sont aussi debonnes nouvelles. Elles contribueront à promouvoir les ar-tistes indiens et à élargir la base du public s’intéressant àleurs œuvres.Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite Vente d’une œuvre de V. Gaitonde pour 3,8 millions de dollars parcollectionner l’art indien? Hugo Weihe, directeur international du département de l’art indien.Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de collectionner. Il— WORK #04 — 25

BUSINESS © O.KoebChristine SayeghPorts francs au cœurdu marché de l’artLes ports francs sont le pivot du marché de UN NOUVEAU BÂTIMENT POUR LAl’art. Ils assurent l’entreposage, la conservation CONSERVATION DES ŒUVRESet le transport des œuvres dans les meilleuresconditions. Entretien avec Christine Sayegh. «Depuis dix ans, le marché de l’art s’épanouit. Les expositions attirent le public et les œuvres PAR NICOLETTE DE JONCAIRE bougent» Aux 140 000 m2 de dépôts déjà existants, dont 50% L a multiplication des foires, des ventes aux seulement sont en régime «sous douane», sur les sites enchères et l’entrée de collectionneurs de la Praille et de l’Aéroport, les Ports Francs viennent institutionnels ou privés venus de nou- d’ajouter 10 400 m2 destinés à la conservation des veaux horizons contribuent à une crois- œuvres d’art. Réparties sur sept niveaux comprenant sance de plus en plus rapide du marché de l’art. un sous-sol, les nouvelles surfaces à haute sécurité Musées et collections manquent de place. Entre sé- seront exploitées en régime «sous douane» et auront curité et assurances, conserver des œuvres est oné- coûté 38 millions de francs. Leur construction répond reux. Et les œuvres voyagent au gré des expositions à une demande. L’application des accords avec l’Or- et prêts entre musées, galeries et collectionneurs. ganisation Mondiale du Commerce (OMC) ont égale- Les ports francs sont parfaitement adaptés à la ment contribué à inciter les Ports Francs à se conservation d’œuvres amenées à être exposées à spécialiser dans l’accueil d’objets de valeur et à aban- l’international, comme nous l’explique Christine donner progressivement le tout-venant aux entrepôts Sayegh, présidente des Ports Francs et Entrepôts de douaniers ouverts (EDO) dont les modalités d’exploi- Genève SA 1. tation sont mieux adaptées au commerce de marchan- 1. Toutes les citations sont de Christine Sayegh26 — W O R K # 0 4 —

BUSINESSdises principalement destinées à la vente. A fin 2013, entre tran- Vinci (elle-même en dépôt aux Ports Francs). Sans compter lessitaires et autres dépositaires, 41% des locaux pour partie en ateliers des Ports Francs eux-mêmes au service des clients,hors douane des Ports Francs de Genève étaient occupés par pour assurer l’adaptation des surfaces en fonction des besoinsdes œuvres d’art. de l’entreposage ainsi que la maintenance d’appareillages hau- tement techniques. — LA LÉGENDE DES ŒUVRES CACHÉES PORTS FRANCS«Ce n’est pas parce qu’une œuvre est entreposée dans unport-franc qu’on ne la voit jamais» Les ports francs proposent la location d’entrepôts, deLes œuvres entreposées, même longtemps, sortent régulièrement chambres fortes ou de caves. Les objets de collection peu-à destination de musées prestigieux pour des expositions tempo- vent y bénéficier de conditions de haute sécurité et de lo-raires, des hommages rendus à des artistes célèbres et des évè- caux sous contrôles thermique et hygrométrique ainsi quenements culturels de toutes natures. Un nombre très important de salles d’exposition. Ils offrent des services de dédoua-d’œuvres déposées à Genève vient régulièrement enrichir les sa- nement, de transport spécialisé, d’emballage, d’échan-lons et foires les plus célèbres du monde. Et parfois même des tillonnage ainsi que des couvertures d’assurance. Lesexpositions plus simples, d’intérêt local. Les œuvres d’art ne sont marchandises peuvent y être stockées sous différents ré-plus confinées dans des espaces restreints mais de plus en plus gimes selon les pays, en attendant de parvenir à leur des-visibles et les moyens de communications actuels favorisent l’élar- tination finale. Genève est considéré comme le plus grandgissement du public. En outre, au sein même des Ports Francs et port franc d’art du monde suivi de Zurich, Singapour, PékinEntrepôts de Genève, des salles d’exposition conçues à cet effet et bientôt Luxembourg qui ouvrira fin septembre ou Shan-permettent aux propriétaires de faire examiner leurs œuvres par ghai encore en construction.d’éventuels acheteurs ou de les soumettre à expertise. FIN DU MYTHE DU REPAIRE«Notre taux d’occupation est proche de 100%. Nous pou-vons nous permettre d’être très regardants sur la qualitéde nos clients»Les ports francs ne sont pas des paradis fiscaux. S’il est exactque le régime sous-douane suspend le paiement d’impôts indi-rects à savoir les droits de douane et la TVA, il n’affranchit d’au-cune autre imposition fiscale définie en fonction de la résidencedu propriétaire: impôts sur les revenus, sur le capital, la fortuneou les successions. Toute œuvre entrant ou sortant d’un dépôtsous douane fait l’objet d’une déclaration et est soumise à in-ventaire portant son historique, son détenteur, sa valeur et saprovenance. Les inventaires peuvent être vérifiés par la douaneen tout temps. Les ports francs suisses sont également soumisà la Loi sur le transfert international des biens culturels (LTBC)et à la Loi sur le blanchiment d’argent (LBA). UNE FOURMILIÈRE DE MÉTIERS UNIQUES LE PARCOURS DE CHRISTINE SAYEGH«La présence de multiples spécialistes évite le recours à Ancienne députée, première vice-présidente et présidentedes externes. Ce qui facilite le contrôle des antécédents» du Grand Conseil de la République de Genève, ChristineTransporteurs, transitaires, négociants, manutentionnaires, res- Sayegh a été juge suppléant au Tribunal des mineurs. Elletaurateurs d’œuvres, bureaux d’experts, encadreurs, assureurs, a également siégé en qualité de membre dans les commis-galeristes, plusieurs centaines d’entreprise déploient leur ac- sions fédérales de recours en matière de contributions ettivité sur place. Chaque œuvre d’art possède son emballage de droit de douane ainsi que membre puis présidente de lapropre qui conçu entièrement sur mesure – et fabriqué sur commission cantonale de recours en matière d’impôts. Elleplace –, reste indissociablement lié à l’œuvre sa vie durant et a aussi été vice-présidente de la Fondation Start PME puispermet l’identification immédiate de son contenu. Les Ports- de la Fondation d’Aide aux entreprises (FAE) de 2001 àFrancs abritent aussi des laboratoires équipés des dernières 2012. En parallèle, elle est associée de l'étude d'avocattechnologies dans l’étude scientifique des œuvres d’art, y com- CSP-Law et, outre la présidence des Ports Francs etpris le Lumiere Technology Multispectral Institute (LTMI), célè- Entrepôts de Genève SA, assure aussi celle du Conseil desbre pour l’identification de La Belle Princesse de Leonard de Fonds de compensation des Allocations familiales et de l’Assurance maternité. Son engagement bénévole dans les activités sociales et culturelles est tout aussi foisonnant.— WORK #04 — 27

BUSINESSSylvie Gleises © Peter Williams. Art direction/Rhodes & Proctor. Courtoisie AXA ARTExpositionssansfrontièresAutrefois enfermées à l’intérieur d’un microcosme, les œuvres d’art se déplacent.D’un pays à l’autre mais aussi d’une main à l’autre. L’avènement des grandes foireset expositions itinérantes, la multiplication des évènements culturels et la diversifica-tion des collectionneurs posent de nouveaux défis aux assureurs. L’assurance d’uneœuvre d’art est différente de celle des autres biens nous explique Sylvie Gleises,Directrice Générale d’AXA ART pour la France, le Bénélux et le Moyen-Orient. PAR NICOLETTE DE JONCAIRE très sensible à la lumière, au degré d’hygrométrie et à la température. Ou à un coup de balai maladroit. Comment la protection des œuvres d’art se dif- Quels types d’expertises exige-t-elle? férencie-t-elle de celles d’autres couvertures? La protection des œuvres d’art demande à la fois des Appréciation du risque et prévention restent bien évi- compétences classiques d’assureur – évaluation des demment les principes de base. Toutefois, les œuvres risques, souscription, gestion des sinistres – mais d’art offrent des particularités uniques: leur valeur éco- aussi d’histoire de l’art, notamment pour nos délégués nomique et émotionnelle ainsi que leur extrême diver- artistiques qui sont le regard de l’assureur. sité. Le spectre est beaucoup plus vaste que celui des autres biens et requiert une approche en «tous Pourquoi et comment AXA s’est-il spécialisé risques» et une tarification complexe souvent sur me- dans ce domaine? sure. C’est un marché de spécialistes. AXA ART est issu de la fusion en 1996 entre AXA et l’UAP dont la filiale allemande Nordstern était spécia- Quels sont les éléments qui entrent en jeu dans lisée dans l’assurance d’œuvres d’art. AXA ART est la tarification? aujourd’hui un leader mondial dans son domaine. Sur la base de la valeur des œuvres, ces éléments sont multiples et dépendent: de la nature des œuvres, des Quels types de clientèle couvrez-vous? garanties souhaitées, du transport, et des taxes et ga- Notre clientèle est segmentée entre institutions (mu- ranties légales locales... Nous proposons à nos clients sées, expositions temporaires, collectivités locales, des visites de risques par nos délégués artistiques ou collections d’entreprises), clientèle professionnelle (ga- experts. N’oubliez pas qu’une œuvre d’art peut être leries, antiquaires, sociétés de ventes aux enchères, restaurateurs) et clientèle privée.28 — W O R K # 0 4 —

BUSINESSLa clientèle privée est-elle toujours bien informée en Quels problèmes particuliers pose la montée des prix dematière de couverture de son patrimoine artistique ? certaines œuvres en particulier contemporaines ?La clientèle privée est très diverse. Comme le montre notre ré- La hausse des prix exige une revalorisation constante des col-cente étude mondiale sur les collectionneurs, on y distingue ceux lections ce qui nécessite des expertises toujours plus fréquentes.qui collectionnent par tradition familiale, les passionnés et lesinvestisseurs. De manière générale, les particuliers sont sous- Quelles sont les difficultés que créent les grandes expo-assurés. Notre valeur ajoutée réside dans le service et l’accom- sitions?pagnement dans l’évaluation de leurs biens et la prévention des Ce à quoi nous devons être attentifs est le cumul des valeursrisques. Notez que l’attitude envers les assurances est très cul- assurées lors des grandes foires ou expositions.turelle et que l’on observe d’importants écarts d’un pays à l’au-tre. En France par exemple, les collectionneurs sont souvent Assurez-vous la couverture des artistes de performance?persuadés que l’assurance-art est chère alors qu’elle est en fait Nous pouvons assurer les produits dérivés des performances:très raisonnable. Notre produit d’entrée de gamme ArtOne pro- les films, les photos, les enregistrements, dessins prépara-pose une prime de 500 euros par an pour des collections jusqu’à toires… Rarement la performance en elle-même.,,200 000 euros. La vraie concurrence de l’assurance d’œuvres AXA sponsorise plusieurs évènements artistiques dont Art Basel. Pourquoi?d’art est la non-assurance. Nous sponsorisons les grandes foires internationales comme Art Basel, Art Basel Miami, Art Basel Hong Kong et Maastricht mais La vraie concurrence aussi des évènements dont la portée est plus locale. En France, par exemple, nous sommes partenaires d’AD Intérieurs et du ,,de l’assurance est la Musée des arts décoratifs de Paris lors de leur exposition de ren- non-assurance trée et nous soutenons Choices Collectors week end dont la pre- mière édition a eu lieu récemment. Nous sommes aussi, à traversPourquoi si peu onéreuse? le Groupe AXA, mécènes de Trésors nationaux français. C’est uneC’est une autre particularité de ce marché. Les propriétaires ont façon d’accompagner nos clients lors de moments privilégiés etdes comportements précautionneux. Ils sont très attentifs car ce d’être un acteur à part entière de la scène artistique internatio-sont des professionnels et/ou des passionnés, ce qui permet de nale et locale. —maintenir un niveau tarifaire compétitif.Comment la mondialisation a-t-elle modifié le paysage de © Franck Dunouaula couverture des œuvres?La clientèle est beaucoup plus internationale et le comportement LE PARCOURS DE SYLVIE GLEISESdes clients très différent de ce qu’il était il y a encore dix ans,chez les professionnels comme chez les privés. Entre foires, sa- Après un parcours de consultante en stratégie à Londreslons et expositions itinérantes, les œuvres bougent beaucoup et à Paris, Sylvie Gleises a rejoint le Groupe AXA en 2006,plus. Il y a des collections de plus en plus importantes. Je pense où elle était dernièrement l’assistante exécutive d’Henri departiculièrement à certaines collections du Moyen-Orient ou du Castries, Président du Conseil d’administration et CEO duSud-est asiatique. Et les œuvres changent davantage de mains. Groupe AXA, et la secrétaire du Conseil d’administration.Le transport des œuvres implique une multitude de manipula- Diplômée de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris,tions et une multiplication des intervenants. Notre métier s’est Sylvie Gleises a également obtenu un Master de la Londoncomplexifié: il nous faut continuellement étoffer les contrats, School of Economics.ajouter des garanties, enrichir notre réseau d’experts et de dé-légués artistiques.Les agressions liées aux œuvres d’art (vandalisme, volsetc.) augmentent-elles?En France, les vols de bijoux augmentent mais nous n’avonsconstaté aucune tendance à la hausse de la criminalité portantsur les œuvres d’art.— WORK #04 — 29



BUSINESSCourtoisie de Christie's Le marché dématérialisé de l’art Le marché de l’art connaît une profonde mutation liée à la révolution numérique. Les chiffres sont éloquents: en 2012, le marché de l’art en ligne pesait 870 millions de dollars, en 2013, plus de 2,5 milliard. Et il pourrait atteindre 3,76 milliards e n 2 0 1 8 1. PAR RAPHAËLLE SCHIFFRIN veaux entrants ne lésinent pas sur les moyens. L’année dernière, une semaine après l’annonce de la levée de fonds spectaculaire G aleries virtuelles, sites de ventes aux enchères en d’Artspace.com, qui a convaincu le fonds de capital-risque Canaan ligne, de ventes privées dématérialisées... Une Partners de réinjecter 8,5 millions de dollars dans ses services in- chose est sûre: de plus en plus de transactions se teractifs, les propriétaires d’Artsy.com ont quant à eux réinvesti font à distance, en temps réel, directement depuis un ordinateur, une tablette ou un smartphone. ,,5,6 millions de dollars dans leur plate-forme multifonction – qui Et pour tordre le cou à une autre idée reçue, ce ne sont pas né- cessairement les œuvres les moins chères qui se vendent en permet, entre autres, de visiter à distance plusieurs foires interna- ligne. tionales telles que l’Armory Show, Art Brussels ou Art Rio. En novembre 2012, une des rares toiles d’Edward Hopper en- core en mains privées, October on Cape Cod, s’est vendue sur October on Cape Christie’s Live pour la somme de 9,6 millions de dollars. En février dernier, ArtViatic.com, la première plate-forme interna- Cod d’Edward Hopper tionale de ventes de gré à gré, battait un record pour une vente privée d’œuvres d’art en ligne, cédant un tableau de Marc s’est vendu pour Chagall pour 1,83 millions de dollars. En 2012, le directeur de Christie’s International, Steven 9,6 millions de dollars Murphy, déclarait publiquement vouloir concentrer tous ses efforts sur la stratégie digitale de la maison de ventes. On com- sur Christie’s Live prend pourquoi. Depuis quelques années, une nouvelle catégorie d’acheteurs ,,en 2012 émerge dans le sillage de la mondialisation de l’information et des échanges. Mais qui sont ces e-collectionneurs? Les maisons de vente permettent aujourd’hui d’enchérir en ligne Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les acheteurs ne sur l’ensemble de leurs vacations; certaines ont même lancé sont pas tous jeunes. Si un quart des 20-30 ans déclarent avoir des ventes 100 % dématérialisées, à l’instar de Christie’s avec acheté leur première œuvre sur un site web, plus de la moitié sa vente Warhol, le 5 février 2013, qui a rapporté des collectionneurs de plus de 65 ans ont déjà acheté une 2,3 millions de dollars. On peut désormais choisir de prendre œuvre en ligne, sans l’avoir physiquement vue. Aujourd’hui, les l’avion pour se rendre aux foires de Bâle, New York, Miami ou acheteurs d’art font de plus en plus confiance au marché virtuel, Londres, ou simplement se connecter à des sites comme Artsy acceptant Internet comme un canal de vente parmi d’autres. ou Paddle8 pour enchérir depuis son bureau. Les grands mu- Pour les séduire, acteurs traditionnels du marché de l’art et nou- sées ont eux aussi décidé d’investir la toile, en proposant tou- jours plus d’expositions en ligne et d’applications pour les visiteurs. — 1. Arts Economics, mars 2014 — WORK #04 — 31

SOCIÉTÉ © Latifa Echakhch. Photo. Fabrice Seixas. Courtoisie de l’artiste et Kamel Mennour, Paris Le Modèle, 2013, Bois de tilleul assemblé, peinture acrylique et couteaux de lancer. Prix Marcel Duchamp, FIAC 2013, Grand Palais, ParisLatifa EchakhchPar action et par omission…Latifa Echakhch remportait le Prix Marcel Tatiana Trouvé. Elle est aussi le premier artiste originaireDuchamp en 2013. Installée à Martigny, elle y du Maghreb à être récompensé. Installée à Martigny,prépare l’exposition du prix éponyme, prévue elle y prépare actuellement l’exposition du prix Marcelà l’automne prochain au Centre Pompidou Duchamp, prévue à l’automne prochain au Centre Pom-à Paris. pidou à Paris. PAR ANNE-HÉLÈNE DECAUX RÉFÉRENCES L e Prix Marcel Duchamp, c’est un peu le Latifa Echakhch n’était pourtant pas prédestinée à la cé- Turner Prize français. L’ADIAF 1 le décerne lébrité: rares sont ceux qui réussissent à prononcer son chaque année depuis l’an 2000 à un artiste nom sans l’écorcher. Le lieu même d’où elle est origi- français ou vivant en France, pour donner naire, El Khnansa, est un oasis du Sud-est marocain dont on trouve peu d’occurrences en dehors de la biographie une visibilité internationale à ce qui se fait dans l’hexa- de l’artiste. Et pourtant, la jeune femme qui fête cette année ses quarante ans n’en est pas à son coup d’essai. gone. En 2013, c’est la franco-marocaine Latifa 1. Association pour la Diffusion Internationale de l’Art Echakhch qui l’a remporté, devenant la quatrième Français femme à obtenir le prix depuis sa création. Après Dominique Gonzalez-Foerster, Carole Benzaken et32 — W O R K # 0 4 —

SOCIÉTÉEn 2011, son installation ILLUMInations à la Biennale de Veniseavait déjà marqué les esprits. Une forêt d’étendards sans drapeaux,dressés comme les fusils des cavaliers d’une fantasia marocaine,accueillait les visiteurs à l’entrée des Giardini. Sa façon à elle defaire référence à l’un des tableaux phares de la Renaissance ita-lienne, La Bataille de San Romano de Paolo Uccello, et donc à l’his-toire et ses guerres tout autant qu’à l’histoire de l’art et de laperspective.,, Son œuvre est un mélange subtil entre le ,,signifié et le signifiant UN MONDE DE FAUX-SEMBLANTS © Photo Annik Wetter, Courtoisie de l’artiste et Kamel Mennour, ParisPorte-drapeaux sans drapeaux; murs de papier carbone aspergésd’alcool à bruler pour que l’encre s’écoule jusqu’à la déliquescence;arabesques brisées; chapeaux melons remplis d’encre et de ré-sine, métaphore de la figure du poète… Il ne faut pas s’y tromper.Si les installations-sculptures de Latifa Echakhch peuvent parfoisparaître minimalistes ou esthétiques, son œuvre est un mélangesubtil entre le signifié et le signifiant. En vidant les objets de leursens premier, en détournant leur fonction, elle donne à réfléchirsur des sujets aussi importants que le transfert culturel, idéolo-gique ou identitaire. En passant par l’absence plus que par la pré-sence, la poétesse fait écho aux tensions culturelles de notretemps. SANS ORNEMENT LE PARCOURS DE LATIFA ECHAKHCHAvec une économie de moyens trop rare à notre époque (combien Latifa Echakhch, née à El Khnansa au Maroc en 1974,se lèvent contre la débauche ornementale des Jeff Koons et autre est une artiste plasticienne contemporaine française,Damien Hirst?), Latifa Echakhch nous délivre un message à la por- créatrice d’installations. Sa participation à la Biennaletée universelle. Pour l’exposition des nommés au prix Marcel de Venise en 2011, le support de trois galeriesDuchamp, l’artiste avait déposé contre le mur une roue de cirque, connues implantées à Zurich, à Paris, et à Tel-Aviv, et,vestige d’une performance de lancer de couteaux, sans le lanceur en 2013, l’obtention du Prix Marcel-Duchamp, lui per-ni sa partenaire. Hors scène, hors spectacle, cette roue colorée n’af- mettent d’être présente et de disposer d’une noto-fichait plus que des entailles, et quelques lames figées qui retracent riété naissante dans le circuit artistique international.en négatif le corps manquant du modèle. «Son œuvre entre sur- Elle est actuellement installée à Martigny en Suisse.réalisme et conceptualisme questionne avec économie et précisionl’importance des symboles et traduit la fragilité du modernisme»,avait insisté à juste titre Alfred Pacquement, président du jury etancien directeur du Musée national d’art moderne à Paris. —— WORK #04 — 33

SOCIÉTÉJilleen NadolnyLesœuvres © Peter Williams. Art direction/Rhodes & Proctor. Courtoisie AXA ARTpasséesaucribleL’expertise et l’authentification jouent un rôle croissant sur le marché de l’art.Fondées sur les caractéristiques picturales propres à chaque artiste, elles permet-tent de déterminer l’authenticité d’une œuvre et donc sa valeur. PAR NICOLETTE DE JONCAIRE ce domaine. Ce auquel s’attache l’un des groupes de travail de l’ICOM-CC, comité du Conseil international des musées.A la croisée de l’histoire, de la sociologie et de tech- Quelles sont les techniques scientifiques les plus fiables niques de plus en plus sophistiquées, l’expertise est et les plus utilisées? devenue une activité multidisciplinaire. Elle reste Les technologies dépendent du laboratoire et de son équipement. Il existe toutefois une suite de techniques complémentaires ty- aussi un domaine dont la controverse n’est pas ex- piques qui étaye la recherche historique. Mais il n’y pas de so- lution miracle. Dans chaque cas, l’enquête se construit autourclue comme nous le rappelle Jilleen Nadolny, expert chez Art de l’œuvre examinée. La datation du support peut se faire au Carbone 14 ou par dendrochronologie. Si un faussaire a utiliséAccess & Research. un panneau ou une toile ancienne, la datation se déterminera grâce à la structure physique, au tracé et à l’analyse des pig-La connaissance historique, sociale et économique contri- ments. Aujourd’hui la boîte à outils d’un expert doit comprendrebue-t-elle à authentifier une œuvre? la microscopie pour l’analyse inorganique (étude des matériauxElle est essentielle. L’approche scientifique n’apporte rien hors et pigments), l’analyse élémentaire (étude des éléments présentsd’un contexte plus large. Il y a une histoire des matériaux, de leur dans les matériaux) et la spectroscopie Raman pour identifier lainvention, de leur production, de leur usage et de leur commerce. structure moléculaire des pigments organiques et inorganiquesCette connaissance fait l’objet d’un enseignement spécifique sousle nom d’histoire technique de l’art, dispensé par exemple à l’Uni- 1. Ce sujet est également enseigné ailleurs. A l’Université deversité de Glasgow 1. La qualité de l’enseignement dépend du New York ou à Paris (Diplôme d’université droit et techniquescontexte, c’est pourquoi il est important d’établir des normes dans de l’expertise des œuvres d’art).34 — W O R K # 0 4 —

SOCIÉTÉ(car une vaste gamme de pigments organiques synthétiques qui GLOSSAIREne peut être identifiée autrement, a été développée aux XIXe etXXe siècles). L’étude des liants est indispensable par FTIR, GC- Dendrochronologie: datation du bois par l’analyse de laMS ou d’autres méthodes. L’imagerie – rayons X, infrarouge ou morphologie des anneaux de croissance des arbres.autres – est très utile car elle étend la base de comparaison. Laqualité du résultat dépend de l’expertise et de l’expérience du FTIR ou Spectroscopie infrarouge à transformée despécialiste et du nombre de points de comparaison. Le Musée Fourrier: méthode utilisée pour caractériser les matériaux organiques (liants, vernis, colles, fibres) et inorganiques,,Van Gogh est un excellent exemple des résultats que peut obtenir (pigments, produits de corrosion, sels).la recherche historique et technique rigoureuse sur le long terme. GC-MS ou chromatographie en phase gazeuse cou- plée à la spectrométrie de masse: méthode qui com- Un grand faussaire bine les performances de la chromatographie en phase gazeuse et de la spectrométrie de masse afin d’identifier maitrise la technologie et/ou de quantifier précisément de nombreuses subs- tances. ,,de l’art Spectroscopie Raman: méthode non destructive d’ob-Comment détecte-t-on un faux? servation et de caractérisation de la composition molécu-Souvent par de petites erreurs qui ne sont pas toujours associées laire et de la structure externe d’un matériau qui exploite leà l’usage de matériaux anachroniques. Mieux l’on maitrise le tra- phénomène physique selon lequel un milieu modifie légè-vail d’un peintre plus il devient aisé d’identifier un faux. On dit rement la fréquence de la lumière y circulant.souvent que l’étude technique ne peut authentifier une œuvremais seulement la réfuter. Cette assertion est trop simpliste. Lesartistes ont souvent des préférences très caractérisées pour cer-tains matériaux et techniques. Leur inventaire est un aspect cri-tique de l’authentification. Aujourd’hui, aucune œuvre deRembrandt ne sera acceptée sans étude technique de fond. Pourles œuvres dont on ignore la provenance, cette étude peut jouerun rôle clef. Notez qu’il arrive parfois qu’une œuvre atypiquepuisse paraitre suspecte alors qu’elle est tout à fait authentique.Peut-on identifier l’œuvre d’un grand faussaire? LE PARCOURS DE JILLEEN NADOLNYUn grand faussaire maitrise la technologie de l’art. Vers la finde sa carrière, Wolfgang Beltracchi s’est appliqué à fabriquer Jilleen Nadolny est titulaire d’une maîtrise en histoire dedes faux en usant d’une palette de pigments historiquement l’art, spécialisée dans la conservation des peintures, depresque juste. Meilleur est le faussaire, meilleur doit être l’ex- l’Institut des Beaux-arts et Centre de conservation de l’Uni-pert. Une enquête sommaire ne révélera pas les erreurs et ana- versité de New York. Ses recherches doctorales sur leschronismes subtils d’un faux de bonne qualité. La tâche est plus techniques de peinture et de dorure médiévales ont étéaisée si les méthodes du faussaire sont déjà connues. Là encore menées au Courtauld Institute à Londres. Elle a ensuite tra-la comparaison est un outil précieux. vaillé comme que chercheur indépendant et occupé le poste de professeur associé au Département de Conser-Les méthodes d’authentification sont-elles objet de vation de l’Université d’Oslo, où elle a enseigné et publiécontroverse? dans les domaines de l’histoire des techniques de l’art,Les méthodes ne sont pas en cause. C’est la compétence avec l’analyse scientifique des matériaux culturels et historiqueslaquelle on en use qui peut l’être. Et il y a peu de sources vraiment et l’histoire et l’éthique de la conservation. Elle est active auqualifiées dans ce domaine. Je citerai ici le cas Kustodiev 2. Le sein de l’ICOM-CC, en particulier dans les groupes de tra-juge a d’abord estimé que notre analyse était correcte (contre vail consacrés aux Peintures et à la Recherche des sourcesl’avis du laboratoire russe) mais s’est finalement rendu au juge- de l’art technique. Elle est aujourd’hui expert chez Artment des historiens russes concernant l’attribution. Pour le juge Access & Research à Londres.il s’agissait d’une question historique plutôt que scientifique. —2. En 2013, un tribunal britannique jugeait qu’une Odalisque de Boris Kustodiev vendue à Viktor Vekselberg par Christie’s n’était pas authentique.— WORK #04 — 35



SOCIÉTÉL’artà © ECAL/Axel Crettenandl’école Delirious Home – Vue d’expositionLe génie ne s’apprend pas. Mais les techniques si. La formation académiques’est aujourd’hui substituée à l’apprentissage auprès des maîtres d’autrefois.La professionnalisation des métiers de l’art confère une importance croissanteà la qualité des écoles qui l’enseignent. L’ECAL en exemple. PAR LISE MEDIONI arts de la table ou encore l’utilisation de matériaux nobles à travers © ECAL/Crettenand & AebischerS i parmi les grands artistes suisses actuels, Peter Fischli ,,des techniques spécifiques. L’Unité de Théorie permet aux étu- a étudié à Bologne, David Weiss à Zurich, Pipilotti Rist à Vienne et Mai-Thu Perret à Cambridge et à New York, diants de construire un discours critique et personnel qui accom- la réputation de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne pagne, renforce et stimule leur pratique artistique.(ECAL) dépasse depuis longtemps les frontières. Au même titre queles Arts Déco ou les Beaux-Arts de Paris, la Musashino Art University L’école fait appel auxde Tokyo, l’Académie des Arts d’Oslo, le Saint Martins Collège ou professionnels dule Royal College of Art de Londres, la Rhode Island School of Designà Providence ou encore Parsons à New York. ,,monde de l’artL’ECAL recevait en avril, au Salon international du meuble de Milan,le Milano Design Award qui récompense la meilleure exposition de L’école fait appel à nombre de professionnels du monde de l’artla manifestation. Un prix attribué pour «Delirious Home», une mise pour enrichir le contenu de l’enseignement. Nathalie Herschdor-en scène d’objets proposant une interprétation ludique du concept fer, directrice du Musée des beaux-arts du Locle, y intervientde «maison intelligente», réalisée par les étudiants en Bachelor dans le cadre du cours théorique Photographie contemporaine,Design Industriel et en Media & Interaction Design. Au Festival in- expositions et publications.ternational de mode & de photographie de la Villa Noailles à «A l’ère de l’image immatérielle, il est utile de réfléchir à l’impactHyères, Orianne Lopes obtenait la «Dotation School of Visual Arts», que peut encore avoir la photographie lorsqu’elle est un objet phy-avec à la clef une place dans la promotion Photo Global 2014- sique, sur un mur ou dans un livre. L’idée du cours est d’aborder2015 de la prestigieuse école new-yorkaise, et Marie Rime était les grands genres de la photographie à travers des œuvres desaluée par le «Prix public photographie/Ville d’Hyères» photographes contemporains qui ont eu des expositions person-Y sont enseignés, au niveau du bachelor, les arts visuels, le design nelles et/ou publié des livres. La démarche de ces artistes est ana-graphique, la photographie, l’interaction entre medias et design, lysée tant au niveau conceptuel que pratique» explique-t-elle. —le cinéma et le design industriel. Les programmes de masters com-prennent les arts visuels, les concepts éditoriaux (MAAD), le design «Ostinati» by ECAL/Iris Andreadis, Nicolas Nahornyj, Jérôme Rütschede produit et le cinéma, en partenariat avec la Haute école d’art etde design à Genève (HEAD). Un Master of Advanced Studies, tournévers le design des produits et de l’artisanat de luxe et soutenu parla marque horlogère Vacheron Constantin, propose aussi d’aborderdes secteurs d’excellence aussi variés que la haute horlogerie, les — WORK #04 — 37

SOCIÉTÉ © artgenève Entrée d’artgenève et installation de l’artiste suédois, Henrik Håkansson, créée pour le salonAnne-Shelton AaronLes amis d’artgenèveAnne-Shelton Aaron joue un rôle particulier En reprenant le Cercle des Amis du Mamco, elledans le monde de l’art genevois. Toujours développe un concept encore inédit.bénévole, elle sait garder un recul complet «Lorsque la ville et le canton ont finalement ac-vis-à-vis des objectifs qui lui sont confiés. cepté d’appuyer le musée financièrement, nousUne liberté qui lui permet d’avancer sans les avons compris qu’il pourrait survivre. Et qu’ilcontraintes que peuvent imposer d’autres était temps de se concentrer sur la constructiontypes de statut. de la collection permanente» explique-t-elle. La souscription des membres du Cercle est la PAR LISE MÉDIONI plus élevée de celles des différentes catégories d’Amis du Mamco. Pour les attirer, Anne-Shelton A u cours des douze années où elle a l’anime de manière exceptionnelle. En faisant soutenu le Musée d’art moderne et ouvrir les collections privées habituellement contemporain de Genève (Mamco), fermées au public, en attribuant chaque année aux membres une photographie d’artiste inédite elle apporte un regard nouveau sur la et signée, en les invitant à titre de VIP aux contribution du public à la pérennité du musée.38 — W O R K # 0 4 —

SOCIÉTÉgrandes foires internationales de l’art et à un richeprogramme d’activités de premier niveau et en multipliantles diners en faveur de la collection. Elle invite aussi lesmembres potentiels à des visites pour éveiller leur intérêtet leur faire comprendre la différence entre le Mamcoet les autres musées. «C’est merveilleux d’assister à latransformation dans le regard des visiteurs quand on leurtransmet les clés de compréhension du musée».Mieux encore, elle créée le fonds d’acquisition du Cerclegrâce auquel les fonds levés permettent d’acheter chaqueannée une ou plusieurs œuvres destinée à enrichir la col-lection permanente du musée: «un formidable argumentpour encourager les gens à rejoindre le Cercle. Ils,,pouvaient réellement participer à la construction de la col-lection». Il est merveilleux de voir la transformation du regard ,,des visiteursEn deux ans, les adhésions s’envolent: de 30 à 115 mem- LE PARCOURS D’ANNE-SHELTON AARONbres. Elle crée alors deux autres catégories pour favoriserles donations plus généreuses. Les dîners du Cercle Née de parents aventureux, Anne-Shelton Aaron estincluent des ventes aux enchères et sont alternés à d’au- née à Gibraltar. Américaine de nationalité, elle habiteratres, plus simples, pour que tous les membres participent. l’Andalousie, Londres, East Hampton, Bogota, Bang-Une base forte pour le long terme. kok, Singapour et Téhéran. Elle suivra ses études àAujourd’hui Anne-Shelton Aaron rejoint l’équipe d’artge- Téhéran, en Virginie, puis à Paris où elle habite plus denève. Le salon dont la troisième édition a eu lieu en début 20 ans avec de longs séjours au Japon, à Hambourgd’année, veut établir en Suisse Romande une plateforme et à Zurich avant de s’installer à Genève. Voisine deartistique de premier plan pour l’art contemporain, l’art Fernando Botero et de Willem De Kooning pendant samoderne et le design, afin de faire honneur aux exigences jeunesse, le monde de l’art deviendra sa patrie. A lades nombreux collectionneurs et amateurs d’art de l’arc sortie de ses études de gestion, elle organisera unelémanique. exposition sur l’art contemporain figuratif américainEt Anne-Shelton, en s’occupant du parcours VIP, est réso- pour un grand client japonais à Tokyo puis elle reprendlue à y faire venir et revenir les visiteurs, et à assurer un une société d’édition de tapis d’artistes qu’elle gèrerayonnement qui attirera leurs amis. — en même temps qu’une collection privée japonaise. Elle ouvre une galerie à Paris pour exposer ses tapis et des séries d’objets «fonctionnels» qu’elle édite avec les artistes et organise une série d’expositions à thèmes. Depuis qu’elle vit à Genève, elle s’est consa- crée au rayonnement de l’art contemporain, dans le cadre du Mamco puis d’artgenève.— WORK #04 — 39

SOCIÉTÉCareer Women’s Forum Ladies’ Lunch de LausanneCréé à Genève en 1982, le Career Women’s Forum Le Ladies’ Lunch organise deux fois par an, au Lausanne(CWF) soutient le développement professionnel des Palace & Spa, un repas de soutien en faveur d’unefemmes actives à travers un réseau de relations. L’as- œuvre caritative dont l’action d’entraide menée ensociation organise des activités professionnelles et Suisse Romande, lui semble mériter un encouragementextra-professionnelles. Elle établit un dialogue perma- particulier. Chaque demande est étudiée par le comité.nent avec les organisations publiques, privées et d’au- L’aide financière a grandi au fil des années, permettanttres associations. Le 22 mai, le CWF recevait Albert au Ladies’ Lunch de soutenir des œuvres d’utilité pu-Gallegos de la BCGE sur le thème de l’optimisation du blique, dont la plupart ont démarré de façon modeste,patrimoine. Le 26 mai, Le succès d’une femme enga- grâce à l’initiative de personnes concernées par unegée s’incarnait grâce à Me Christine Sayegh, avocate épreuve de vie. Le déjeuner d’automne s’est tenu auet Présidente du conseil d’administration des Ports profit de l’association Relais Enfants Parents qui offreFrancs de Genève. Le 19 juin, Alison Rowles reviendra un accueil et un soutien aux proches des détenus. Lesur la transformation du Centre de découverte naturelle lunch de printemps, mi-mai, se tenait en faveur de l’As-du Domaine en Prael, situé entre le bourg médiéval de sociation 1,2,3… Soleil, contre la maltraitance des en-Romainmôtier et le village de Croy et le 23 juin, la doc- fants, un problème de santé publique grave dont les castoresse Ivana Balic, Directrice et Fondatrice de Sono- sont toujours plus nombreux malgré un coût social etView Acoustic Sensing Technologies, exposera le personnel élevé, et que l’association aborde par des ac-développement d’une nouvelle technologie acoustique. tions de communication préventives. Hélène Gache, présidente Dominique Brustlein, présidenteBusiness and Professional Women 100 Women in Hedge FundsLes Business and Professional Women (BPW) forment Fondé en 2001, 100 Women in Hedge Funds est unela principale organisation de femmes actives, en Suisse association globale réunissant plus de 12 000 profes-et dans le monde. Les BPW occupent des postes à res- sionnelles dont l’effort bénévole cible l’éducation, lesponsabilité ou sont en début de carrière (Young BPW). initiatives professionnelles et la philanthropie. L’asso-Le réseau suisse compte 2500 membres, issues de ciation soutient en particulier la formation des femmesprofessions très diverses et réparties dans 40 clubs qui dans le domaine de la finance alternative et attribue,organisent des manifestations régulières, et dispose chaque année, dix bourses au programme d’enseigne-d’une bourse à l’emploi. Les BPW entretiennent des ment du Chartered Alternative Investment Analystpartenariats dans les sphères économique, sociale et (CAIA). Les évènements destinés à lever des fonds in-politique et sont représentées dans les commissions cluent quatre galas (New York, Londres, Hong Kong eteuropéennes et internationales (ONU, OMS, LEF, OIT, Genève). Au cours des dix dernières années, l’associa-etc.) pour défendre les intérêts des femmes actives. Le tion a levé près de 30 millions de dollars au bénéfice7 février, les BPW organisaient à Genève une confé- de nombreuses associations caritatives et impacté derence intitulée Lorsque l’égalité salariale devient l’en- manière positive la vie de près de 400 000 personnes.jeu de l’attribution de 40 milliards de marchés publics La prochaine soirée de levée de fonds à Genève seen Suisse. Autour de l’annonce par l’Etat de Genève de tiendra le 6 novembre au profit de la Ligue Suissecontrôles d’égalité salariale entre femmes et hommes contre le Cancer, choisie comme bénéficiaire de toutesdes entreprises actives sur les marchés publics. les activités de collecte de fonds en Suisse pour 2014. Cathy Savioz, Board Member BPW Switzerland Claire Smith, fondatrice de l’association à Genève40 — W O R K # 0 4 —

SOCIÉTÉ WISTA AgendaWomen’s International Shipping & Trading Association Career Women’s Forum (CWF)(WISTA) est une organisation internationale qui regroupe 16/06/2014: Workshop Impro Théâtrale, Genèveles femmes occupant des postes de direction dans les 19/06/2014: Jeu de transformation, Alison Rowles, Domainesecteurs du négoce, du transport maritime et des mé-tiers connexes. L’association veut être un acteur majeur en Prael, Genèvepour attirer davantage de femmes dans ces industries 19/06/2014: Développement d’une nouvelle technologieet soutenir les femmes qu’y occupent des postes de res-ponsabilité. Les réseaux, l’éducation et l’encadrement acoustique, Dr Ivana Balic, Genèvesont au cœur de ses activités car WISTA cherche à amé- 25/09/2014: Les femmes dans le sport, Tatiana Obersonliorer la compétence de ses membres et à renforcerleurs succès. WISTA compte plus de 1800 membres Farrelly et Clara Pietri, Genèvedans 32 pays et soutient la création de relations entre 29/08/2014: Créer et faire valoir de la valeur: quelquesentreprises au niveau national et international par lebiais de ses membres. WISTA soutient activement la par- différences entre les femmes et les hommes,ticipation des entreprises aux propositions du Belmont Giuseppe Conti, GenèveForum sur la recherche dans l’Arctique et, le 28 mai, te- 27/10/2014: Au nom de l’enfant..., Anne Reiser, Genèvenait la conférence Women In Maritime: Oil And Gas – 5th 08/11/2014: Femmes et santé, Dr Marilyn Glenville, GenèveAfrican Women In Shipping, à Takoradi au Ghana. www.cwf.ch Yasmina Rauber, présidente de WISTA Switzerland Ladies’ Lunch de Lausanne www.ladieslunch-lausanne.chONU Femmes Business and Professional Women (BPW)ONU Femmes est l’organisation des Nations Unies pour 20/06/2014: Rencontre D A CH, Equal Pay is more thanl’autonomisation des femmes dans le monde entier.Elle est présente dans près de 80 pays en développe- Equal Salary, Lochau, Autrichement, par l’intermédiaire de bureaux locaux ou à tra- 27/06/2014: Les secrets de la vieille ville de Zoug et Equalvers des projets. Dans 18 autres pays, principalementen Europe, Amérique du Nord et en Australie, des Pay Day Happening, ChamComités nationaux ont été établis. Le Comité National 21/08/2014: «750 ans de droit de cité», ThouneSuisse d’ONU Femmes (www.unwomen.ch/f) est une 03/11/2014: Geneva NGO Forum – Beijing+20, Genèveorganisation indépendante d’utilité publique avec 19/11/2014: Finance Course for the very advanced, Bernesiège à Zurich. Il s’engage en faveur d’une sélection 03/04/2015: Carrière et famille: e-mail sur la table àde projets ONU Femmes. Les activités en Suisse sontfinancées par les membres de soutien, les donateurs langer?, Zurichet sponsors et réalisées grâce au travail d’un petit bu- 22/06/2015: Woman in Ethic Business, Milanreau et à l’engagement de bénévoles. Avec deux 23/09/2016: 15th BPW European Conference, Zurichthèmes principaux: l’égalité des sexes dans la vie pro- www.bpw-geneve.chfessionnelle basée sur les sept «Principes d’autonomi-sation des femmes» (WEP) et la lutte, sur le terrain et 100 Women in Hedge Fundsavec des partenaires locaux, contre la violence envers 17/06/2014: Investment Opportunities and Challenges forles femmes. the Secular Horizon, Londres 18/06/2014: How Technology Can Drive Your Performance Edge, Stamford, CT 25/06/2014: Here’s the (Networking) Pitch, Durham, NC 26/06/2014: Private Funding for SMEs as a New Force in the Real Economy, Paris www.100womeninhedgefunds.org WISTA 16/06/2014: WISTA UK One Day Forum, Liverpool 27/06/2014: WISTA Med 2014, Naples 05/07/2014: WISTA Nigeria 20th Anniversary Celebration, Lagos 30/07/2014: WISTA UK 40th Anniversary Gala Dinner, Londres 10/09/2014: ICS International Shipping Conference, Londres 17/09/2014: IMPA London 2014, Londres 08/10/2014: WISTA International Conference 2014, Limassol 21/04/2015: Sea Asia 2015, Singapour www.wista.net ONU Femmes www.unwomen.ch/fr/— WORK #04 — 41

TENDANCESMartine Bedin et Mai-Thu PerretCommunion du design et del’art contemporain«Week-End à Rome» à la Fondation Speerstrad’Apples bouleverse les rapports attendus entreArt et Design avec en complices Martine Bedinet Mai-Thu Perret© Annick Wetter. Courtoisie Fondation Speerstra © Annick Wetter. Courtoisie Fondation SpeerstraPAR HELENA MONOSONE lles se moquent joyeusement de la hiérar- L’accrochage des néons de Mai-Thu Perret et l’instal- chie attendue qui voudrait que l’une pense lation des meubles objets-sculptures de Martine Bedin des espaces appropriés pour l’autre. Ici l’ac- inversent les rôles des protagonistes et bouleversent crochage de l’artiste met en scène l’instal- les codes établis. L’artiste illumine avec ses créationslation de la designer. au néon les objets-sculptures de la designer. C’est leL’idée de les réunir dans un même lieu est née de monde à l’envers! Elles ne gardent ici que le plaisirl’imagination de Samuel Gross, dynamique directeur d’être ensemble, le temps d’un Week-End à Rome, clinartistique de la Fondation Speerstra1, dédiée à l’Art d’œil à la chanson pop d’Etienne Daho.Graffiti des années 70 et 80. Avec la collection per- Martine Bedin est l’une des rares femmes designermanente et les expositions temporaires qu’il organise qui fit partie des membres fondateurs du groupedepuis l’ouverture de la fondation en 2012, Samuel Memphis, mouvement de design radical né à Milan àGross a réussi le pari de faire d’Apples, petite com- la fin des années 70 et dont l’influence n’a jamaismune rurale vaudoise, une destination incontourna- cessé d’inspirer les nouvelles générations d’archi-ble, prisée des amateurs d’Art Contemporain. tectes et de designers. Mai-Thu Perret, jeune artiste suisse, détourne depuis toujours, les formes et les ré- ,,cits de la modernité. Si leur rencontre est inattendue, elle est pourtant presque naturelle. L’ a c c r o c h a g e bouleverse les ,,codes établis Si tous les objets de Martine Bedin ont été d’abord dessinés, beaucoup de ces dessins n’avaient jamais pris forme. Fidèle à son optimisme drôle et inné, ses dessins conservent toute la fraicheur impertinente et l’expression jouisseuse de ses premières années, et en maître de son destin, elle décide d’en tirer une im- portante série de pièces, détournant ainsi volontaire-42 — W O R K # 0 4 —

TENDANCESment les codes du vintage: le dessin et son objet réalisé seront © Annick Wetter. Courtoisie Fondation Speerstraà tous jamais en décalage chronologique. Ils sont présentéspour la première fois lors de cette exposition.Avec ses fonctionnalités multiples et associées de manière inat-tendue, sa «Table à tout faire» réalisée sur la base d’un dessinde jeunesse, alors qu’elle ne maitrisait pas encore la perspec-tive, a un côté à la fois gauche et surprenant. L’objet, une foisexécuté, a le rendu un peu saugrenu d’un produit imaginaire à,,usage métissé, dans la lignée de l’énergie fraiche et du regardnouveau du groupe Memphis. L’envie vient d’embarquer au des petites peintures sur bois, des tapisseries, les reproduisant moins une œuvre en pattern ou les soulignant au néon. Elle se joue autant de la notion de savoir-faire que de l’éthérée vision de l’avant-garde. ,,de chacune Des supposées formes de l’héroïsme radical deviennent alors éléments de décor d’une narration possible.Pour cette exposition, Mai-Thu Perret présente deux séries de Il n’y a rien de la froideur attendue dans ces néons. Ils dressentgrands néons. Dans une première salle, un système apparem- leurs formes pures et symboliques accolées aux murs commement rigoureux de grilles s’immisce dans les interstices du mur des arbres de lumière, modulant l’espace austère des murs dede briques, alors que dans la seconde un réseau de cercles se béton de la galerie. L’atmosphère est si gaie et ludique que l’en-décentre et se brouille. Elle a souvent reporté contre les murs vie vient d’embarquer au moins une œuvre de chacune pour endes séquences formelles de la modernité, sur des céramiques, profiter davantage que le temps d’un week-end à Rome. — 1. Fondation Speerstra, 42, route de Pampigny, 1143 Apples, jusqu’au 17 Août (Vendredi à Dimanche, 10:30 - 18:00) © Annick Wetter. Courtoisie Fondation Speerstra— WORK #04 — 43

PREMIÈRE PARTIE DE SAISON 14 –15 SEPT. 2014 –JAN. 2015 WEEK-END ALAIN PLATEL ROMEO CASTELLUCI ALEXIS FORESTIERD’OUVERTURE & ANDRÉ tauberbach Go down, Moses ROBILLARD AVEC LA BÂTIE-FESTIVAL DE GENÈVE ET IMAGES FESTIVAL PERRINE VALLI & MARTIN Changer la vie DES ARTS VISUELS DE VEVEY FRANCINE JACOB ZIMMERMANN GUILLAUME BÉGUIN du 10 au 14 septembre 2014 Les Renards des Hallo surfaces Le ThéâtreRIMINI PROTOKOLL MARIELLE PINSARD sauvage RODOLHE BURGERSituation Rooms En quoi faisons- GUILLAUME BÉGUIN Concert nous compagnieSHE SHE POP avec le Menhir La Baiser et Débat XXY dans les landes ? la morsureFRÜHLINGS-OPFER OEUVRE DE JOANA BORIS CHARMATZ MATTHIAS LANGHOFFaufgeführt von HADJITHOMAS &She She Pop und KHALIL JOREIGE manger Cinéma Apolloihren Müttern Le cercle de ARTHUR NAUZYCIEL FOOFWA D’IMOBILITÉLE SACRE DU PRINTEMPS confusioninterprété par She She Pop et Jan Karski Au contraireleurs mères SÉVERINE CHAVRIER (Mon nom estAdaptation du Sacre une fiction) DÉBATS ETdu printemps de Stravinski Les Palmiers RENCONTRE sauvages D’après le roman de YannickSHE SHE POP Haenel Genre XXY / D’après le roman éponyme L’utilité politiqueTestament de William Faulkner EUGÈNE LABICHE, du geste CHRISTOPH MAR- artistique /D’après le Roi Lear de William MASSIMO FURLAN THALER, ANNA Rencontrez Dieu-Shakespeare & CLAIRE DE VIEBROCK, MALTE donné Niangouna RIBAUPIERRE UBENAUF ET LES ACTEURSVINCENT MACAIGNE RÉSERVATIONS AU 021 619 45 45 Un jour Das Weisse OU SUR WWW.VIDY.CHIdiot ! vom Ei (Une île flottante)Parce que nous aurionsdû nous aimerD’après le roman de Dostoïevski

TENDANCESLivresL’important, c’est d’aimer Melanie Gerlis, Art as an invest-Une œuvre d’art est-elle un placement? Une diversification du patrimoine ? Comment saisir ment, A Survey of Comparativeles opportunités et créer une plus-value dans un univers semé d’embûches? Melanie Gerlis Assets, Lund Humphries, Ashagateconfronte le marché de l’art à ceux plus familiers des actions, de l’or, du vin ou de l’immo- publishing, Mars 2014, 192 pages.bilier. En moins de 200 pages, la rédactrice de la section «marché de l’art» de The ArtNewspaper, résume aux néophytes les points essentiels: £30.00• La valeur économique d’une œuvre est intangible. Sans utilité matérielle ni valeur in- trinsèque, elle repose uniquement sur la loi de l’offre et de la demande.• Chaque œuvre d’art étant unique, il est impossible d’en anticiper la hausse ou la baisse par des modèles financiers. Les analystes ont compris qu’ils perdaient leur temps: l’art n’est pas un objet comptable.• Le marché de l’art est excessivement opaque. Les prix sont rarement dévoilés et les commissions des intermédiaires tenues secrètes.• Le frein le plus important à l’investissement est le manque de liquidité. Risquer de ne pas pouvoir revendre au moment souhaité mais devoir attendre le «moment opportun».Acheter une œuvre est un pari. En 2012, Eric Clapton vendait 31,8 millions de francs unetoile de Gerhard Richter, acquise 10 ans plus tôt pour 3 millions. Un rendement annuel de23%. Pour combien de collectionneurs désabusés qui n’ont jamais récupéré leur mise? Iln’y a pas de recette. L’important, c’est d’aimer. (AHD) Les TOP de WORKUne œuvre d’art vaut-elle ce que celui qui Alors que son qualificatif même ne devrait La main et l’esprit s’activent de pair chezla convoite peut payer? En partie, bien que avoir de sens qu’en rapport avec son cette artiste et théoricienne de l’art! L’intérêt de cette double approche se retrouve dans cela soit beaucoup plus compliqué… temps, l’art contemporain, comme le dé- l’enquête qu’elle mène dans les coulisses Le grand public est souvent désarçonné, montre la sociologue Nathalie Heinich, est sinon scandalisé, par les prix atteints par d’un art contemporain qui a sacré certaines œuvres ou artistes, notamment devenu un genre autonome au sein de quelques-unes de ses formes «porte-parole en regard de la cote des maîtres anciens l’histoire de l’art et de la pratique culturelle, officiel», occultant multitude de variantes et(qui n’y sont plus pour défendre leurs inté- et comme tel s’est acquis le statut de mo- d’artistes restés hors-cadre (mais pas sur lerêts). Deux économistes français spéciali- dèle, avec les fonctionnements qui s’y rat- bord du chemin), et dont l’épuisement dusés dans le monde de la culture décryptent tachent. D’apparence ardue, l’étude qu’elle système devrait permettre la révélation. Cardans ce bref essai les mécanismes, les ob- consacre au phénomène est en réalité pro- controverses et stratégies, qu’elle dénonce,jets et les acteurs d’un marché déroutant: fondément sensible, humaine et même pro- ne sont-elles pas menacées par ce qu’elleune démonstration aiguisée mais non poin- appelle «La permanence de l’art» et «Les saïque, l’hermétisme supposé de cet tue, limpide et passionnante! univers étant démystifié par une approche perspectives du temps long»? extraordinairement matérielle et directe. Nathalie Moureaux, Dominique Nathalie Heinich, Le paradigme de Aude de Kerros, L’art caché: lesSagot-Duvauroux, Le marché de l’art l’art contemporain: Structures d’une dissidents de l’art contemporains», contemporain, La Découverte, 2010, révolution artistique, Gallimard, 2014, Eyrolles, 2013, 316 pages, Fr 39.20 125 pages, Fr 17.70 373 pages, Fr 34.90 Libraire conseil: Payot — WORK #04 — 45

J7J?7D7JHEKLx design : BaseGVA, www.basedesign.comJ>;BED=;IJ;9>EÆBÊx9>EB;FBKIBED=BÊEC8H;:K@7I;KH:Ê7FHÞI<;KNFÚB;IFHEBED=7J?ED9EBB;9J?EDI25 JUIN Musée d’art moderne21 SEPTEMBRE et contemporain, Genève2014 10, rue des Vieux-Grenadiers CH-1205 Genèvecycle www.mamco.chDES HISTOIRES SANS FINséquence – été 2014

TENDANCES © Joel Tettamanti - Courtoisie EPFL+ECAL LAB / ALICE studio EPFL Porte des savoirs © Joel Tettamanti - Courtoisie EPFL+ECAL LAB / ALICE studio EPFL Peut-on concevoir l’immersion corporelle dans la lecture, une expérience intellectuelle par nature? EPFL+ECAL LAB s’y essaie. PAR LISE MEDIONI ET KHADIJA HEMMA P orte des Savoirs consacre l’ensemble de l’es- pace à l’affichage du texte, générant un cadre spatial clair et puissant qui place le corps en re- lation totale avec l’information. Le projet joue avec l’échelle et le flux de la narration dans un rapport cri- tique, une symbiose entre perception corporelle et lecture. Le sujet se tient à la croisée de véritables rivières d’infor- mation. Les frontières physiques s’effacent, la verticalité se dissout, dans un kaléidoscope où seules les horizon- tales qui déclinent les mots, offrent soutien et stabilité, au cœur d’un espace sans fin qui se reflète d’une surface à l’autre, entre sol, murs et plafond. Lumière et contraste, émis par un sol de 25m2, suspen- dent le lecteur dans un vide. La stimulation visuelle, réglée à une vitesse précise, affecte le sens de la gravité. Le sujet perd le sens du temps et de la présence. L’un des flux de texte est optimisé pour la lecture tandis que les autres jouent avec l’échelle, les rythmes et les accélérations pour former un paysage sensoriel. Un jeu de dichotomie entre le contenu et sa dimension esthétique. L’expérience sera tentée, en grandeur réelle, par Vaudoise Assurances dans sa nouvelle agence expérimentale. —© Joel Tettamanti - Courtoisie EPFL+ECAL LAB / ALICE studio EPFL Projet: Vaudoise Assurances, Croisettes (Epalinges), Lausanne Architectes: Dieter Dietz, Rudi Nieveen, Guillaume Othenin-Girard, ALICE EPFL Design interactif: Nicolas Henchoz, Thibault Brevet, EPFL+ECAL LAB Construction: Stahl- & Traumfabrik AG Ecrans LED interactifs: UTRAM (intégrateur) et EKTA Company (fabricant) — WORK #04 — 47

TENDANCES Art: quand la mode s’en mêle PAR LUCIE NOTARI Que cela soit dans les collections printemps-été ou pour l’automne-hiver, les couturiers puisent sans cesse leur inspiration dans différents courants artistiques. Démonstration. Carré Géant par Kenny Scharf pour Louis Vuitton L’idée ne date pas d’aujourd’hui. D’ailleurs, l’une des piècesLouis Vuitton mythiques de l’histoire de la mode vit toujours dans la mémoireLa griffe française donne de la couleur à sa collection foulards d’artistes. Avec collective. Yves Saint Laurent. Collection Haute Couture automne-le graffeur français André, l’américain Kenny Scharf et INTI, artiste chilien ins- hiver 1965-1966. Après avoir acquis une toile d’exception, le sty-piré par la culture ancestrale andine. liste de génie décide de récupérer ses ciseaux et de créer une collection inspirée du peintre Piet Mondrian. Le succès est im- médiat. «Depuis les années 1960, moment où l’on s’est rendu compte que la mode était aussi un moyen d’exprimer des idées, l’art s’est glissé dans les collections», explique José Teunissen, curatrice de l’exposition Couture Graphique au MUDAC 1. Dans les années 1980, le lien s’est resserré entre les deux univers, principalement au travers des designers japonais. Aujourd’hui, source d’inspiration toujours aussi inépuisable, l’art donne des envies de couleurs aux couturiers. «Beaucoup de couturiers y ac- cordent une grande importance. Martin Margiela est certainement l’un des meilleurs exemples, notamment pour sa démarche ex- périmentale des choses. Viktor & Rolf travaillent également ré- gulièrement en collaboration avec des artistes et présentent souvent leurs collections dans des musées», conclut José Teunissen. Du cubisme au néo-réalisme, chaque période insuffle un vent d’air frais sur les lignes de prêt-à-porter. Que ce soit un artiste ayant laissé une trace indélébile dans l’histoire de l’art ou un peintre actuellement très en vogue. Petit florilège des pièces contemporaines les plus fortes. —Christian LouboutinBeaucoup d’univers différents dans la collection printemps-été. Les voyages,l’architecture mais aussi les fleurs inspirées du travail des grands impression-nistes tels que Monet et Van Gogh s’imposent.Moschino Cheap & ChicMoschino continue sur sa lancée avec une forte référence au mouvementartistique du pop art. Au fil des pièces, on déniche des clins d’œil amusant,notamment dans les sacs à main et colliers aux couleurs acidulées. Moschino CheapAndChic SS 141. L’exposition Couture Graphique du MUDAC a fait l’objet d’un livre: Christian Louboutin So Liz 120 Satin Bouquet Couture Graphique, auteurs: José Teunissen, Hanka van der Voet et Jan Brand aux éditions Terra Lannoo et MOTI 2013, 200 pages, en anglais48 — W O R K # 0 4 —

TENDANCESChanel DiorL’art contemporain est au rendez-vous de la collection Chanel De multiples inspirations teintent la collection du talentueuxprintemps-été. «Les imprimés sont comme des coups de pin- créateur Raf Simons. Sur ses robes, on retrouve jardins fleurisceaux» souligne Karl Lagerfeld. mais aussi thèmes issus du street art.Prada CélineMiuccia Prada surprend toujours par son avant-gardisme. Phoebe Philo aime l’art qui le lui rend bien. Pour le printemps,Avec des portraits signés Jeanne Detallante, mesa, El Mac, Céline apporte fantaisie et originalité avec d’éclatantesStinkfish, Pierre Mornet et Gabriel Specter. impressions inspirées des graffitis de Brassaï.— WORK #04 — 49


Like this book? You can publish your book online for free in a few minutes!
Create your own flipbook