Qu’est-ce que le droit public ? N ous ne sommes pas dans un monde de béni- oui-oui où «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil» ; ni dans un monde peuplé de personnes bien sages, toujours dans les clous. Et heureusement. En conséquence, à part pour ceux qui réclament un «chacun sa gueule» généralisé où slaeunlosteioxinstde’raauietonrtidtée«s raauppdoesrstussdd’ienldaimviêdluéeà»i1n0d,idviodnuc, des arbitrages, des garde-fous, des pouvoirs (parfois coercitifs), paraissent indispensables. Ainsi, quelle que soit notre opinion là-dessus, revendiquer son statut de citoyen, c’est admettre une autorité po- litique et administrative disposant de la force pu- blique, à condition évidemment qu’elle respecte emllies-smioênmde’ilnatléoriê, tetgqéuneércael.t1t1e autorité remplisse une Néanmoins, vivre en démocratie, c’est aussi admettre que l’individu (ou le groupe d’individus) est pleinement légitime à exprimer, faire reconnaitre et défendre ses droits et intérêts particuliers. Alors que les règles de droit privé sont censées S.B ne protéger «que des intérêts privés, […] les règles de droit public seraient destinées à la sauvegarde de 10- Le lecteur aura évidemment l’intelligence de ne pas amal- l’intérêt général. […] [Cela dit] il y a une différence gamer autorité et autoritarisme. Je vous renvoie à un essai de de degré plus que de nature entre droit privé et public. Charlotte Herfray, Les figures d’autorité (Ed. Erès-Arcanes, […] Car au sens strict, le droit privé n’existe pas et 2005) ; ainsi qu’au Respect sous la direction de Catherine Au- tout droit est nécessairement public, dans la mesure où dard (Ed. Autrement, 1993 et « Des livres et les idées ! » n°41). ltaionnodteioln’Emtaêtm»e12d.e règle juridique suppose l’interven- 11- D’un autre côté « Une démocratie doit savoir supporter en son sein, ou plutôt sur ses marges, des communautés excen- Pour essayer d’organiser cette articulation par- triques, mêmes si elles méprisent l’Etat et se moquent ouver- fois conflictuelle, le droit public vise donc à gérer tement de ses lois. […] Evidemment, cette tolérance ne peut et arbitrer les rapports sociaux entre intérêts géné- s’exercer qu’à deux conditions. D’abord que les excentriques raux et intérêts individuels. Il veille par exemple à ne soient pas trop nombreux. […] Ensuite et surtout, il importe défendre le bien public des appétits particuliers, et qu’ils ne s’adonnent pas à la violence », rappelle Elie Barnavi à protéger le citoyen des abus de pouvoirs de l’Etat, dans Les religions meurtrières (Ed. Flammarion, 2006). de l’administration et de ses représentants. Le 12-Le droit public, André Demichel et Pierre Lalumière (Ed. PUF, droit public vise également à faire pression sur les 1996 et « Des livres et les idées ! » n°90). instances politiques pour qu’elles respectent leurs 13- Loi « Besson », loi DALO etc. engagements, en l’occurrence assurer un logement 14- Didier Vanoni et Christophe Robert, Logement et cohésion digne avec obligation de constructions, de réqui- sociale. Le mal-logement au cœur des inégalités (Ed. La décou- sitions des logements vacants, d’aménagement verte, 2007). hduesmtaenrriatéin, lseps omuorbaiclecsueeitllaiur tcroens v«einnatberlmemitetenntt,s»av.e13c 15- Le droit public (op. cit). Malheureusement «l ’action publique dans le do- 16- L’idéal serait que, progressivement, l’Etat et son pouvoir maine du logement a depuis plusieurs années réduit soient réduits à leur plus juste expression, à leur portion la considérablement ses eallme b‘aicticoonmsp:aegllneenseocpiarélteemnednpt’l1u4s plus congrue. Comme un éducateur, les pouvoirs publics régler et administrer, et l’Etat devraient travailler à leur disparition, donc faire en quand elle ne se contente pas de faciliter le fonc- sorte que les citoyens puissent prendre leur vie en main et tionnement du marché et assurer les intérêts d’une assumer leur liberté. Progressivement car l’autonomie et la poignée d’oligarques. Et on notera que «sur le plan liberté qu’elle implique n’est pas une donnée, c’est une fa- des actes, le droit public utilise non le contrat (qui est culté qui se travaille et s’acquiert. un accord de volontés égales), mais l’acte unilatéral, manifestation àd’uaunteoraiutétrep.e»rm15etDta’notù à une volonté de s’imposer l’importance ldaeiretos.u16s les contre-pouvoirs et expressions popu-100
Une construction Un pouvoirL ’élaboration du droit public fut lente, étroi- L ’administration et l’Etat sont donc censés tement liée aux réalités sociologiques, aux défendre l’intérêt général dans le cadre de lacoutumes, à la jurisprudence, et à diverses idéo- loi. Les biens publics sont par exemple protégéslogies. Pour simplifier, outre les événements contre les malversations, l’utilisation frauduleuse,contingents, le droit public fut le fruit de deux la négligence, la spoliation etc. (notamment par levisions à la fois antagonistes et complémentaires, contrôle judiciaire de la Cour des comptes). D’unl’une autoritaire, l’autre libérale, qui toutes deux autre côté, les individus comme leurs biens sontjalonnent l’histoire de France. également protégés lceoCnotrnesel’ialdCmoinnsitsittruattiioonnneelll1e8- même, par la loi, et En premier lieu, la monarchie, progressive- en particulier (mais aussi par le droit d’expres-ment, a réussi à faire émerger un pouvoir central sion, de revendication, de manifestation etc.).en dessaisissant celui des seigneurs, ce qui renditnécessaire la continuité de l’Etat (la Couronne), Lorsque l’intérêt ou le bien commun estdistinct du roi (la personne physique). Puis, avec menacé, l’intervention publique devient inévi-la Révolution jacobine, l’Etat devint (du moins table pour exiger l’exécution du droit. Qu’on leen principe) l’expression de la volonté générale. veuille ou non, l’admette ou le déplore, l’Etat etAucun groupe d’individus (communautés, cor- ses représentants en ont l’autorité et le pouvoirporations ou ordres), aucune institution, ne pou- (mais attention, uniquement s’il y a infraction).vait désormais s’opposer à son action. Mais c’est La contrainte paraît inéluctable, seules les mo-l’Empire napoléonien qui fut la période la plus tivations et les modalités de son exécution sontdécisive, celle qui marque encore aujourd’hui le objets de débat. «On doit d’ailleurs noter queplus nettement notre administration. Cela s’est l’exécution forcée irrégulière constitue de la parttraduit par la mise en place du «Code civil», avec dgerneacvla’ead»drém.1e9inpLias’itrnrautetnirov«nebnultonicoendielpléluégbgaalliilqtiétuée»pad2r0otiiptcuodluoièrnreécmvêietternertune grande concentration des pouvoirs et une tout arbitraire (la loi en général, la Constitutionhiérarchie aux accents militaires. en particulier, certaines Conventions interna- tionales et tout autre contre-pouvoir avec les ci-Heureusement, il a toujours existé parallèlement toyens eux-mêmes évidemment).des courants politiques (libéraux et libertaires) vi-sant à imposer des limitations aux manifestations del’Etat. La liberté a toujours besoin d’air et l’individune se laisse pas faire. En effet, s’il n’est dp’ausntrEètsatr,a1i7- bienNeetddisepsoslieeupxaspquubilivcse.u2t1 et comme il veut dusonnable de nier la présente nécessité Ce qui appartient àil est tout aussi impératif de lui imposer des limites tous n’appartient pas à chacun. Néanmoins nouspour protéger le citoyen et la démocratie d’une en avons la responsabilité collective, et il est utileéventuelle tyrannie. Et à ce titre, le renouvellement je crois de rappeler que l’Etat qui en est le garantdes mandats de représentants, la composition de institutionnel, n’en est pas pour autant le proprié-l’Etat en pouvoirs séparés rivaux, la Déclaration des taire. N’oublions pas que lorsqu’un Etat (la com-Droits de l’Homme et du citoyen, la reconnaissance de mune, la région…) privatise (ou laisse quelqu’uncontre-pouvoirs comme les syndicats, les médias, s’approprier de façon unilatérale) une parcelle deles associations, les réunions et espaces publics etc., terrain, un bord de côte, une forêt, une voie fer-sont emblématiques. rée, un immeuble, un hôpital, des infrastructures et autres services publics, des monuments ou des17-Même s’il faut bien reconnaître que « le pouvoir étatique œuvres d’art, il exproprie ainsi la communauté,moderne n’est qu’un comité chargé de gérer les affaires com- le «Nous tous», d’une partie de ses biens, de sonmunes de la classe bourgeoise tout entière » (1848. Manifeste héritage collectif, sans négociation ni consultation.du Parti Communiste, Karl Marx & Friedrich Engels). «Il est donc important de développer une élaboration18-C’est d’ailleurs lui qui s’est opposé le 10 mars 2011 à cer- théorique, accompagnée d’une défense militante, trai-tains articles de la loi LOPPSI 2, estimant qu’ils allaient à l’en- tant les biens communs comme une catégorie dotéecontre des « exigences constitutionnelles liées à la dignité d’une autonomie juridique constituant une solution dehumaine, à la garantie des droits, à la liberté d’aller et venir, rechange aussi bien à la propriété privée qu’à la pro-au respect de la vie privée, à l’inviolabilité du domicile et à la priété publique. [Mais] la conscience des biens com-présomption d’innocence ». muns, c’est-à-dire le fait de voir en eux des outils de19-Le droit public (op. cit). satisfaction des besoins et dpeassdsuroriptsafpoinedr»am.2e2ntaux de20- Socles de légalité auxquels il faut ajouter divers décrets, la collectivité, ne se décideordonnances, arrêtés ministériels, ainsi que les traités, rè-glements et directives émanant de la Commission du Conseil Qui condamnerait quelqu’un qui vole pour nourrir sa famille ?Européen, et enfin, les résolutions de l’ONU. Mais on ne justifiera pas pour autant le vol en général.21-Evidemment, n’entrent pas ici dans la discussion les ins-tallations « hors la loi » résultat de la nécessité, quand on 22- Ugo Mattéi, professeur de droit comparé, Le Monde Di-n’a pas d’autre choix que d’enfreindre la loi pour survivre... plomatique de décembre 2011. 101
Un droit en évolution L a diffusion d’idées sociales, voire socialistes, ont modifié les croyances et idées collec- tives de notre société. La notion de droits éco- nomiques et sociaux a fait son apparition (ins- truction, santé, logement, protections sociales, environnementales etc.). Ces nouveaux droits impliquent nécessairement l’intervention d’un Etat, plus ou moins centralisé, incontournable pour faire exister le droit sur l’ensemble du ter- ritoire et assurer les prestations nécessaires pour une meilleure justice sociale et une gestion équi- table de l’économie et des ressources au profit de ltéosu.sY, eandpuabrtoicuulolite,rmdaeisspl’luidséfeaiebsltelsàe.2t3des plus iso- Présentement, notamment grâce à la généralisa- tion de l’instruction et au développement de l’in- formation, nombre de citoyens entendent de plus en plus prendre part aux affaires de la cité. Faire entendre leur voix autrement que ponctuellement lors d’élections. Alors que certains restent dans la contestation permanente de l’autorité et de la vie politique, d’autres expriment au contraire leur vo- lonté de participation à celle-ci et d’assumer leurs responsabilités de citoyens. Commencent alors à émerger différentes formules de participations des individus, collectifs et associations, formelles ou non, plus ou moins militantes, afin de réfléchir à d’autres modes de représentation et d’implication citoyennes plaecrmhoestetapnutbaluiqupelu.2s4grand nombre de participer à 23- Si l’on veut éviter par exemple que les municipalités re- Le droit public subit (et doit engager) de jettent les populations pauvres, l’Etat doit les obliger à une profondes mutations. Il faut se rendre compte solidarité intercommunale réciproque, bref à renoncer aux lo- qu’une certaine idéologie de la modernité à base giques égoïstes qui font que les maires se renvoient la « patate de réussites technologiques et d’efficacité, d’in- chaude», celle des publics qu’ils jugent «indésirables»sur leur dividualisme, d’«autonomie», d’esprit d’entre- commune. On remarquera à cet égard qu’« aucune des collec- prise et de course généralisée aux profits, a non tivités n’ayant fait preuve d’ambition en matière de maîtrise et seulement tdreanvsifeo2r5m, mé anisotareauesnsvi ifrionni npearmiemnpt reét- de développement de l’offre immobilière ne plaident pour un re- nos modes trait de l’Etat. Au contraire, elles souhaitent toutes que ce der- gner l’esprit de l’administration publique. Ainsi, nier redéfinisse ses objectifs et ses modes d’intervention pour le droit privé et l(’qesuparnitddo’nennterelpesripsreivpaétnisèetrpeanst).l2e6s continuer à assurer une fonction régulatrice indispensable, à services publics favoriser les péréquations nécessaires pour préserver l’équité Et on notera que des particuliers, des associations territoriale, à garantir la mise en œuvre du droit au logement… », et des entreprises se voient fréquemment confier rappellent Didier Vanoni et Christophe Robert (op. cit.). des missions «d’intérêt général» ou de «services 24- A cet égard, je vous renvoie encore une fois à l’ouvrage de publics». Ainsi, une masse d’organismes privés se Majo Hansotte (op. cit.). Et Pierre Bourdieu de préciser dans trouvent dans une situation hybride où droit pu- son article « comment se fabriquent les débats publics » paru blic et droit privé se mélangent étroitement. Bref, dans Le Monde Diplomatique de janvier 2012 : « Quand on parle les lignes bougent. d’opinion publique, on joue toujours un double jeu entre la dé- finition avouable (l’opinion de tous) et l’opinion autorisée et «Il est évident que la mise en cause des théo- efficiente qui est obtenue comme sous-ensemble restreint de ries classiques fait [du droit public] une discipline l’opinion publique démocratiquement définie. […] La vérité des rjeeuchneerlcahregsemoreignitnoaulevserettensouurvdeellsess»pé.c2u7lQatiuoinss’iomu pdoes- dominants devient celle de tous ». sera, logique d’argent ou logique citoyenne ? 25- Sur cette idéologie de la modernité, je vous renvoie à La démocratie post-totalitaire de Jean-Pierre Le Goff (Ed. La dé-102 couverte, 2002 et « Des livres et les idées ! » n°32). 26- Sur le démantèlement programmé des services pu- blics et ses conséquences, je vous renvoie à Les fossoyeurs des Services publics de Thierry Gadault & Olivier Nicolas (Ed. Cherche midi, 2003 et « Des livres et les idées ! » n°33). 27- Le droit public (op. cit).
Un droit aussi à défendreS ur les espaces publics, c’est à la communauté dans son ensemble (dans les faits leurs repré-sentants et diverses institutions) de décider si ouioetuànqounelillesspceounvdeinttioêntsr.e28pEritvastuirsétser(roauinopcrciuvépéosu)non, l’installation d’un pavillon, un chalet, uneyourte ou un mobilehome etc., doit répondre àune ribambelle de lois qui l’encadrent. Visible-ment certaines réglementations posent problèmeet gagneraient à être modifiées, allégées (et par-fois abrogées) en fonction de nouveaux cas defigures, de nouveaux contextes.Nous avons envie de dire oui à tout le mondeet nous fustigeons facilement l’Etat et les pou-voirs publics. Mais gardons à l’esprit que le bienet l’espace commun, la loi, le droit et la fonc-tion publique, forment ensemble le patrimoinede ceux qui n’en ont pas, l’héritage de ceux quin’en auront jamais. Alors quand des contrainteslégales nous énervent et nous révoltent (souventà juste titre), ne nous trompons pas de cible. Nejetons pas le bébé avec l’eau du bain. L’Etat etl’ensemble de ses délégations (en tant qu’outil etnon ce qu’en font les gouvernements, hauts fonc- S.Btionnaires etc.) est la seule garantie collective sur 28-Sachant que la « privatisation » concerne les individus etlaquelle les personnes seules, faibles, handicapées les entreprises, mais aussi les fondations, collectifs et asso-etc., ou tout cela à la fois, peuvent réellement ciations qui ne représentent qu’eux-mêmes et leurs adhé-compter. Une cage, certes, mais qui nous protège rents et n’ont donc aucune légitimité démocratique.encore (malheureusement de moins en moins)des fauves, des grands prédateurs, et assure une 29-On remarquera au niveau national que le budget des com-solidarité qui doit servir d’abord aux plus faibles. munes par habitant varie de 1 à 8 500 euros ! Et on ne sauraitNous avons besoin d’organisations capables de nier une certaine interdépendance entre différents territoires.combattre les «forces de l’argent» et de pallier Enfin, il faut être conscient que les « particularismes locauxles lacunes de l’initiative individuelle (ou des réclament une intervention publique très ciblée qui mobilisegroupes restreints), en corrigeant leurs insuffi- des moyens et des acteurs particuliers appartenant à des au-sances, et en partageant plus collectivement les torités relevant du tourisme, du commerce et de l’industrie, descuorûetrsuent elerseleaftfiovretss.oClid’easrtitaéuesnsitrl’eElteasttqeruriitpoeiruetsa.2s9- l’environnement ou de l’agriculture, de la formation et de l’em-Supprimons le droit public, les normes et les ploi, de l’immigration et des affaires étrangères etc. Ils néces-réglementations, le système de santé, d’hygiène sitent ainsi de faire jouer des solidarités entre territoires… »et de sécurité, l’éducation nationale, les services (Cf. Logement et cohésion sociale, op. cit.).publics, les impôts, les subventions et allocationsetc., et nous ne manquerons pas de mesurer ce 30-En économie, cela suppose de trouver les moyens d’im-qu’étaient leurs contributions à la formation des poser l’intérêt général, arbitrer entre des intérêts financiers,citoyens, à la dreicvhievsrsee.3n0aPtiroennaolnesegta, rsdaenasudxosulote- commerciaux et sociaux, faire en sorte qu’il y ait une réparti-aussi à la joie tion équitable de la richesse nationale. Sans cette volonté, celagans simplificateurs et en particulier au «moins se traduit par : à la puissance publique les tâches les moinsd’Etat, moins de réglementation, plus de liberté ! ». rentables et s’adressant aux usagers les moins « solvables»,La dérégulation, la privatisation de l’espace, des ainsi que les investissements les plus importants et à longservices et des biens publics, l’engouement pour terme ; et au privé, les activités lucratives et les meilleursla propriété privée en général, illustrent à cet clients. Quant au droit, tout sera de l’ordre du contrat et ilégard l’érosion du souci ceittosyoenngdréopuapsesadn’at msaisp.3e1- sera bientôt synonyme d’avoir les moyens. Si l’on n’y prendtite personne, sa famille pas grade le syllogisme suivant risque de devenir valide : La loi,Les rapports sociaux mutent en relations interin- c’est le Marché : le service public est hors du Marché : donc, ledividuelles, dominées par l’intérêt, les affects et service public est hors la loi.les pulsions. Réclamer moins de lois, moins deréglementations, certes, tout est à repenser, rien 31-Le « nous » ne s’aventurant que très rarement plus loinne doit être figé. Mais attention à ne pas trop que sa famille et sa petite tribu, son petit réseau. Et en mêmefaire baisser certaines normes (psaosusbepsoréinte3x2t)e, temps, paradoxalement, on se dira d’autant plus facilementque, personnellement, on n’en a citoyen du monde que ce concept est lointain, impalpable et le plus souvent vide de sens. 32-On peut à titre individuel accepter (volontairement ou contraint) de travailler pour moins que le SMIC, faire 70 h par semaine, ne pas prendre de congés, mais d’un point de vue collectif ? 103
à ne pas tomber dans le «je fais c’que j’veux», et Nous devons, en face, faire de même, etsurtout à ne pas trop exposer l’individu. C’est déjà nous réapproprier les leviers politiques (es-sur lui que s’abattent ceux qui luttent contre les paces publics de parole, médias, syndicats, par-pauvres à défaut de lutter contre la pauvreté. Alors tis, collectivités locales, Parlement, Etat…),veillons à ne pas, en plus, le sommer de répondre redonner sens à la lutte, à l’Education popu-seul à ses besoins et ses difficultés en lui propo- laire et au vivre ensemble. «Aucune sociétésant, non l’ambition d’une politique nationale du avant la nôtre n’avait tenté de faire vivre ensemblelogement, mais uniquement des alternatives indi- des individualités que n’assujettirait plus aucunviduelles à la précarité : «Démerde-toi ! T’as qu’à absolu contraignant, nul dogme (qu’il soit d’es-vivre en yourte dans les bois avec tes potes ! ». Non, sence mythologique, philosophique ou religieuse)rcéoclllaemctiovnesdleasojulisdtiacreitép.3o3ur tous et une assurance sur la nature du Bien commun. Aucun groupe humain n’était parvenu à cette cohabitation de li- Les plus puissants montrent l’exemple, ils bertés différentes, de croyances disparates qui sonts’organisent, s’unissent, demandent des plans autant de micro-souverainetés. Pas un homme ned’ajustements structurels, pas des pansements put jouir, individuellement, de cette marge provi-sur des jambes de bois. Ils renforcent leurs dentielle, de ce jeu, au sens mécanique du terme,armes, aux sens propres, mais aussi intellec- où la fantaisie de chacun n’est bornée qu’à la fan-tuels, idéologiques, juridiques et médiatiques. itmaipsireesdseioln’anuatnrtee.»O.3u4i, l’ampleur du triomphe est Loin de renoncer à notre héritage politique et culturel inestimable, il est temps de rappeler que l’utopie humaniste et démocratique est toujours une idée neuve aux potentialités émancipatrices incomparables pour laquelle il faut continuer à se battre. Gio 33- « A l’inverse du totalitarisme, le pouvoir de la moderni- sation a tendance à s’effacer, renvoyant aux échelons in- férieurs et finalement à la société et aux individus le poids d’une responsabilité difficilement supportable », dénonçait Jean-Pierre Le Goff dans La démocratie post-totalitaire (Ed. La découverte, 2002 et « Des livres et les idées ! » n°32). 34- Jean-Claude Guillebaud, La refondation du monde (1999).104
04Partieterritoireimplantation Les habitats légers et mobiles, la règle et le territoire d’implantation 105
4/1 Le diagnostic : statuts des habitants, droit au logement et réglementation106
Art 01 / Du droit Detiamgnoobsilteic de l’habitat léger dérogatoire à l’habitat « adapté » • Modification des types d’autorisations d’im- au droit commun plantation des HLL et RML et montée en puis- d’habitats légers, sance du contentieux sur des terrains privés pour mobiles et infraction au code de l’urbanisme, en dépit d’auto- éphémères risations (tacites et orales) antérieures délivrées par les communes : PV d’infraction, arrêté d’interrup- Béatrice Mésini tion des travaux, injonctions de remise en état des (CNRS-Telemme) 1 terrains, amendes, saisie des matériaux, astreintes. L a réforme du permis de construire et des au- • Le rapport d’information déposé par M. Léo- torisations d’urbanisme est entrée en appli- nhaabrditeattsMlémgeerGs odtesulorilseirsstaetnut2e0t1la0r2égrleecmenesneta2ti5o0n0d0e0s cation le 1er octobre 2007, apportant des modifi- parcelles privées accueillant des habitats légers et mo- cations notables sur les conditions d’implantation biles. Les auteurs relèvent que jusque là, le dispositif des résidences mobiles de loisir RML (mobile- restait dans un cadre «relativement légal» grâce au homes et caravanes) et des habitations légères seuil de 6 installations ou 20 personnes et la règle du de loisirs HLL. Trois textes juridiques récents stationnement maximum, mais que «la tendance à la concernent l’habitat léger : l’Ordonnance 2005 sophistication des habitats légers et la force du fait accom- de réforme du permis de construire, le décret d’ac- pli ont contribué à la pérennisation d’une pratique qui compagnement du 6 janvier 2007, l’arrêté du 28 prête fortement à caution». Ils rappellent que ce mode septembre 2007. d’habitat est exclu de la domiciliation : «le droit à l’ex- ploitation permanente des campings n’entraîne aucune- En dehors des terrains dédiés que sont les ment le droit à une occupation permanente, encore moins Parcs résidentiels de loisirs, les villages et cam- à une domiciliation». pings classés au sens du tourisme (visés à l’art R. 111-32 du code de l’urbanisme), l’implantation • Flou juridique du droit positif concernant les de constructions démontables ou transportables, HLL et RML, conflits d’interprétation des règles et destinées à une occupation temporaire, saison- normes appliquées par les opérateurs et médiateurs nière ou à usage de loisir (trois mois discontinus de droit (élus, techniciens et tribunaux) et multiplica- ou non par an), est soumise au droit commun des tion des questions devant l’Assemblée nationale et le constructions : déclaration préalable, si leur sur- Sénat entre 2006 et 2011. Mme Geneviève Gaillard face est comprise entre 2 et 20 m², et permis de demande au ministre des transports, de l’équipement, construire si elle est supérieure à 20 m². En re- du tourisme et de la mer s’il lui paraît envisageable d’ac- vanche, les HLL de moins de 35 m² implantées c1o1r1d-e1r6udnuecdoédroegdaetiolancsounrslterufoctniodnemetendtedl’ehla’abrittiactlieonR3. sur un terrain de camping ou un PRL autorisé ne «pour l’implantation d’une yourte à usage d’habitation sont plus soumises à autorisation d’urbanisme permanente», compte tenu des spécificités fortes que préalable, alors qu’auparavant leur implantation présente ce type d’habitation permanente sous nos devait faire l’objet d’une déclaration de travaux latitudes. La réponse ministérielle est pour le moins (art. R.421-2-b du CU). Au-delà de 35 m², elles alambiquée : « la yourte en tant qu’habitat traditionnel relèvent de la déclaration préalable. des nomades d’Asie centrale présente bien évidemment une originalité lorsqu’elle est implantée en France et peut pré- Cantonnés au registre du loisir ou de l’urgence senter un caractère innovant. Toutefois, différentes yourtes, (relogement), les droits d’occupation des sols avec provisoires ou permanentes, dites yourtes contemporaines des habitations légères et mobiles sont aujourd’hui ont déjà été réalisées en France. De telles opérations de réali- triplement contraints : par les outils d’urbanisme sation de nouvelles yourtes ne sont plus expérimentales par (déclaration préalable, permis d’aménager et permis nature. Ce n’est que dans le cas où ces nouvelles yourtes pré- de construire), par les règles de protection de l’envi- senteraient un caractère innovant que des dérogations aux ronnement (veille foncière sur les espaces agricoles dispositions générales pourront donc être accordées». et naturels) et par la vocation des territoires (espaces naturels, littoraux, agricoles, montagnards…) qui 1- Cf Mésini, Béatrice (2011), « Quelle reconnaissance de l’habi- conditionne la délivrance des autorisations, en rai- tat léger, mobile et éphémère », Revue Techniques & Culture, Habi- son de la destination et/ou vocation des terres. ter le temporaire, (dir.) Agnès Jeanjean et Ingrid Sénépart, n° 56. 2- Rapport d’information déposé par Léonard et Got sur Le statut et la réglementation des habitats légers de loisirs, enre- gistré à l’Assemblée nationale le 29 septembre 2010. 3- En vertu desquelles des dérogations aux dispositions géné- rales concernant la construction peuvent être accordées pour la réalisation d’habitations ayant un caractère expérimental. 107
• Point de blocage : nommer et qualifier la • Politique de guichet sur fond de flou du droit«décence» de l’habitat dépend de règles incitatives positif, de «doctrine» des DDT, d’une inégalitéet prescriptives, de normes encadrées et dérégu- de traitement des utilisateurs et du pouvoir dis-lées ainsi que de profonds systèmes de valeurs (so- crétionnaire des élus.ciales, culturelles, morales et éthiques). Ainsi, la loide mobilisation pour le logement et la lutte contre • Processus accéléré de judiciarisation par le-dl’eexcl’lhuasbioitnatduin2d5igmnea4rs, 2009 a précisé la définition quel le traitement judiciaire se substitue à d’autres dans laquelle peuvent être modes de régulation sociale, le cas échéant àinclus les habitats légers et mobiles : «Constituent l’élasticité réglementaire qui a longtemps prévaluun habitat indigne les locaux et installations utilisés dans les territoires concernant l’implantationaux fins d’habitation et impropres par nature à cet d’habitats mobiles et légers. Les terrains privésusage ainsi que les logements dont l’état, ou celui du aménagés ont essaimé depuis les années 70 grâcebâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occu- à des autorisations orales ou tacites délivrées parpants à des risques manifestes pouvant porter atteinte les élus, alors que depuis la loi du 31 décembreà leur sécurité physique ou à leur santé». 1976 de réforme de l’urbanisme, la lciéoem6.pétence du maire en matière d’infraction est • Conflits de temporalités : usage saisonnierpour les «unités d’hébergement touristique» (alors • Inéquité territoriale et exclusion sociale (pa-que dans les Parcs Résidentiels de Loisirs, les cam- nier de droits civils, politiques, sociaux, écono-pings et villages classés tourisme, la propriété de miques, attachés à la domiciliation).l’habitat mais aussi du terrain peut être collectiveou privative avec un usage parfois permanent), • Dissensus et arbitrage asymétrique entre po-usage temporaire pour les «unités d’hébergement litique sécuritaire et cohésion sociale : prolifé-d’urgence», usage permanent pour l’habitat mobile ration de l’habitat adapté sur terrains aménagés«constituant la résidence principale de leurs utilisa- publics et privés, versus évacuation de «toute im-teurs» (nomades et gens du voyage). plantation illégale, quels qu’en soient les occupants». Illégalité des habitants «en infraction» avec les • Régime dérogatoire de «l’habitat adapté» codes, et stigmatisation des habitats légers etsur populations-cibles de l’action publique. Caté- mobiles en termes d’indignité, d’indécence, d’in-gorisation de populations éligibles à l’implanta- salubrité, ou de trouble à la sécurité et à l’ordretion d’HLL et RML sur des terrains aménagés : public. La victoire juridique contre la premièreGens du voyage, nomades, précaires, saisonniers, circulaire Hortefeux visant spécifiquement l’éva-migrants, SDF, «jeunes errants», vulnérables... cuation des campements de Roms sonne le glas pour tous les occupants en infraction, élargissant • Segmentation des statuts de terrains publics le cercle des «déguerpis». La circulaire rectifiéeet privés : «aires d’accueil», «terrains familiaux», du 13 septembre 2010, reparue sans la mention«terrains réservés» pour les agriculteurs, terrains dé- d’origine ethnique, mentionne 441 évacuationsdiés aux touristes (PRL, campings, villages classés)… de campements illicites depuis le 28 juillet. • Fragmentation des types d’autorisations d’oc-cupation des sols suivant les lieux d’implantationet les statuts des ayant-droits : HLL et RML rele-vant soit de la déclaration préalable, soit du permisde construire, soit du permis d’aménager. • Dévoiement d’outils d’urbanisme renfor- 5- Agence nationale pour l’information sur le logement, « Lesçant la vulnérabilité des habitants : permis de conventions d’occupation précaire », n° 2010-23, 10 sep-construire «à titre précaire» ou convention d’oc- tembre 2010.cupation précaire. La jurisprudence a admis la va- 6- Le maire, en sa qualité d’agent de l’état, ne dispose paslidité de la convention d’occupation précaire, issue de l’opportunité des poursuites mais se doit d’établir un pro-de la pratique, si celle-ci n’a pas pour but d’éluder cès-verbal, transmis au procureur de la Républiquela législation spécifique contraignante applicableaux baux d’habitation, et si la précarité est justifiéepar un motif d’intérêt légitime indépendant de lavolonté des parties. Par ex. situation géographiqueet caractère transitoire de l’immeuble, caractèredmisecnotndteinfuamoiulletesmsapnosr-aabirrei…de5l.’occupation, reloge- 4- Dont il ne s’agit pas de remettre en cause la vocation, ni l’ef- fectivité dans la lutte contre les marchands de sommeil et les propriétaires abusifs.108
pePtrooluelriflloé’hgraaetbmiioteanntdt«edad’udrroagiptetsnédc»éerogatoires subvention de l’Etat, qui s’élève à hauteur de 70% de la dépense totale hors taxe, dans la limite d’unC atégorisation de «populations-cibles» éli- plafond de dépense subventionnable fixé par le gibles à l’habitat adapté : Gens du voyage, décret n°2001-541 du 25 juin 2001, soit 15 245 €nomades, précaires, saisonniers, migrants, SDF, par place de caravane.«jeunes errants», vulnérables... 357 terrains familiaux ont été aménagés entre • Loi de Programmation pour la Cohésion 2004 et 2008 (quelques 600 places actuellement)sociale 2005 qui prévoit la création de 100 000 sous différentes formes : terrains familiaux lo-places dans le dispositif d’accueil et d’héberge- catifs, maisons individuelles en location (avecment d’urgence et mise en œuvre de Chartes ter- maintien ou nauotnocdoenssctrauracvtiaonne7s.),«aIcl creessssoiortn à laritoriales de cohésion sociale. propriété en d’un certain nombre d’expérimentations que la réussite • Le DALO : droit au logement opposable 2007 des projets repose sur l’implication des familles dans • La mobilisation pour les sans-abri décrétée la définition du projet habitat : le terrain familial est«grand chantier prioritaire 2008-2012». Selon un mode d’habitat choisi».une circulaire du Premier ministre du 22 février2008, l’action dans ce domaine s’organise autour Par ailleurs, des Maîtrises d’Œuvres Urbainesde plusieurs objectifs : un diagnostic partagé, un et Sociales (MOUS) peuvent être financées parplan d’humanisation et de rénovation des centres l’État pour la recherche des solutions de «loge-d’hébergement (d’urgence, de stabilisation ou ment durable» ; il est possible de mobiliser desd’insertion), la création de nouvelles places, mais dispositifs de droit commun dont l’outil privilégiéaussi celle d’un fonds de 5 millions d’euros sur est le prêt locatif aidé d’intégration (PLA-I) mais2008 pour financer des expérimentations ou des aussi d’aménager des terrains de type village d’in-opérations atypiques. sertion. En outre, le Fonds social européen (FSE) • Le DAHO : Droit à l’hébergement oppo- et le Fonds européen de développement régionalsable. Dans une décision rendue le 10 février (FEDER) sont utilisables y compris dans une2012, le Conseil d’État, saisi par l’association approche intégrée (l’axe 3 du programme opéra-Droit au Logement, reconnaît le droit à l’hé- tionnel FSE susceptible de s’adresser aux «com-bergement comme une liberté fondamentale : munautés marginalisées» est destiné à «renforcer«Toute personne accueillie dans une structure d’hé- la cohésion sociale, favoriser l’inclusion et lutter contrebergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un les discriminations»). Enfin, les conseils générauxaccompagnement personnalisé et y demeurer, dès peuvent financer des dispositifs dans le cadre delors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lceeusroPurtoiegnradmumFSeED.8épartemental d’Insertion aveclui soit proposée.» Art. L 345-2-3 Code de l’ActionSociale et des Familles. 2. L’habitat de stabilisation 1. L’habitat adapté pour les sans-logis des Gens du voyage L e premier «Village de l’espoir», composé deL a résolution du Conseil de l’Europe, adoptée 29 chalets de type Mobile-homes, a ouvert par le Comité des Ministres le 30 juin 2010, ses portes à Ivry-sur-Seine (94) en mars 2007 ;souligne que les Gens du voyage «font l’objet de un deuxième «Hameau de l’espoir» s’est mis endiscrimination dans la mise en œuvre du droit au lo- place à Serris en Seine-et-Marne en septembregement», que «la simple garantie d’un traitement 2008, comprenant 17 chalets préfabriqués enidentique ne suffit pas à les protéger» et qu’«il faut bois ; un troisième à Caen comprend 28 placestenir compte de la différence de situation dans la- dans 14 chalets mitoyens en bois et un bâtimentquelle ils sont placés». collectif de 22 places. A noter que ces villages sont implantés sur des délaissés d’opérations d’urba- La mise en œuvre d’une politique favorisant nisme, sur des terrains en zone à urbaniser, ou en-l’habitat des gens du voyage relève en France core en attente de réalisations de projets futurs. Ad’un motif d’intérêt général. La circulaire relative l’initiative de l’Armée du Salut et de l’associationà la mise en œuvre de la politique du logement Biohome, un village de maisons bioclimatiqueset à la programmation des financements aidés par en bois de 18 à 24 m², a été réalisé à Marseille enl’Etat du 21 mars 2003 permet de financer la réa- mars 2008 (ossature de bois, murs isolés par dulisation de terrains familiaux locatifs par les col- chanvre, bardage en pin et équipements de pan-lectivités locales. Comme les aires d’accueil, les neaux solaires pour la production d’eau chaude).terrains familiaux locatifs doivent être réalisés parles collectivités locales, seules bénéficiaires de la 7- Annexe à la Résolution du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, ResChS(2010)5, Réclamation collective n° 51/2008 portée par le Centre européen des droits des Roms contre la France, adoptée le 30 juin 2010. 8- Stratégie du gouvernement français pour l’inclusion des Roms dans le cadre de la communication de la Commission du 5 avril 2011 et des conclusions du conseil du 19 mai 2011 109
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3. Les résidences d’accueil, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitimedestinées aux personnes «en situation de pré- toiuonsn’iallnit’éyeantpraesledsem«oyreanpspeomrtprlaoyiséosnentalebbleudtevipsréo.1p1o»r-carité, de vulnérabilité et d’exclusion», s’offrentcomme des logements adaptés aux besoins de La première loi d’Orientation et de Programma-personnes ayant un handicap psychique. tion pour la Performance de la Sécurité Intérieure LOPPSI 1 du 29 août 2002 renforçait les moyens 4. Des Programmes d’intérêt général d’expulsion des campements illégaux sur les terrains régionaux ou départementaux publics, la LOPPSI 2 (2010) l’étendait aux terrainssur le logement des saisonniers agricoles et du privés. Son article 90 prévoyait que «lorsqu’une ins-tourisme. tallation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d’y établir 5. Relogement d’urgence des bénéfi- des habitations comporte de graves risques pour la sa-ciaires des RMI, RSA, AAH, chômeurs lubrité, la sécurité ou la tranquillité publique, le repré-par les centres sociaux et versement des allo- sentant de l’État dans le département, ou le préfet decations afférentes sur des terrains de camping, police à Paris, peut mettre les occupants en demeureaccueillant mobile-homes, caravanes et habita- de quitter les lieux, [mise en demeure] assortie d’untions légères de loisirs. délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante- huit heures. […] Lorsque la mise en demeure n’a pas6. Le camping à l’année été suivie d’effet et n’a pas fait l’objet d’un recours[...],Pour remédier à la «dérive» des HLL et RML le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des lieux,constituant l’habitat Mpe.rmLéaonneanrtdd9eelnevuirssaguetailiiesnat- sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droitteurs, Mme Got et d’usage du terrain dans le délai fixé. Le cas échéant, illa fermeture des campings un mois ou deux par saisit le président du tribunal de grande instance d’unean à la convenance de l’exploitant, mais les pro- demande d’autorisation de procéder à la destructionfessionnels les ont convaincus que cela poserait des constructions illicites [...] ; [le président] statue dansplus de problèmes que cela n’en résoudrait. En un délai de 48 heures. Si le propriétaire ou le titulairecontrepoint, les auteurs soulignent d’ailleurs que du droit d’usage du terrain fait obstacle à l’exécution, le«dans de nombreux cas, [...] il est préférable que les préfet peut lui demander de prendre toutes les mesurescampings ne ferment pas car ils peuvent servir à des nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à larelogements d’urgence ou au logement temporaire sécurité et à la tranquillité publique, dans un délai qu’ildes personnels de grands chantiers. Il est aussi des fixe. Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté […] estendroits où ils participent toute l’année à la vie éco- puni de 3 750 euros d’amende».nomique des villages.» Le Conseil Constitutionnel, par une décision Ingérence disproportionnée rendue le 10 mars 2011, a censuré cet article, esti- de l’autorité publique mant que les dispositions «méconnaissent les exigences constitutionnelles liées à la dignité humaine, à la garantie P aradoxalement, au moment où se déploient des droits, à la liberté d’aller et venir, au respect de la vie légalement diverses formes d’habitats adap- privée, à l’inviolabilité du domicile et à la présomption tés ou expérimentaux de logements d’urgence, se d’innocence ». Selon les juges, la faculté donnée à l’ha- multiplient les décisions et dispositifs d’expulsion bitant et/ou au propriétaire de saisir le tribunal admi- des habitants résidant sur des terrains aménagés, nistratif d’un recours suspensif « ne saurait constituer ml’aauntoifreisttéanptubdl’iuqnuee.i1n0géOrernlc’iengdéisrpenrocpeodretiol’nauntéoeridtée une garantie suffisante pour assurer une conciliation entre publique, en ce qui concerne la réglementation de la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les droits et li- l’usage des biens, n’est possible que si elle ménage bertés constitutionnellement garantis». un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fonda- 9-Les auteurs proposaient d’exiger des personnes qui louent mentaux de l’individu, cet équilibre impliquant un mobile-home pour une durée supérieure à trois mois qu’elles qu’il existe un rapport raisonnable de proportion- produisent un justificatif de domicile de leur résidence principale. nalité entre les moyens employés et le but visé. 10-Selon l’opinion dissidente du juge Pettiti dans l’affaire Buckley c. Royaume-Uni (1996), « l’administration en ses di- En outre, l’article E de la Charte sociale euro- verses composantes pratique un amalgame entre des mesures péenne interdit «toutes les formes de discrimina- d’urbanisme, de protection de la nature, de viabilité des voies tion, soit de traitements inappropriés de certaines d’accès, de modalités de permis d’aménagement foncier, de situations, soit de l’inégal accès des personnes placées sécurité routière et de santé publique qui entraîne en l’espèce dans ces situations et des autres citoyens aux divers cette famille dans un cycle infernal : l’argument administratif avantages collectifs». La différence de traitement d’atteinte au caractère rural et vierge de la zone, de la protec- entre des personnes ou des groupes se trouvant tion de la nature, opposé aux seules familles tsiganes constitue dans la même situation est discriminatoire si elle une ingérence disproportionnée, car dans la hiérarchie des «manque de justification objective et raisonnable», obligations positives de l’État, la survie des familles doit passer avant les préoccupations bucoliques ou esthétiques ».112 11-CFDT contre France, réclamation n° 50/2008, décision sur le bien-fondé du 9 septembre 2009, voir aussi CEDR contre Bulgarie, réclamation n° 31/2005, décision sur le bien-fondé du 18 octobre 2006, in Résolution CM/ResChS(2010)5, ré- clamation collective n° 51/2008 par le Centre Européen des Droits des Roms (CEDR), contre la France.
Analyse de la jurisprudence : État de nécessité mobile versus immobile home L e tribunal de Mende qui s’est prononcé le 29E n raison des imprécisions du droit positif, les mai 2008 dans un dossier de construction juges se prévalent d’une source de droit auto- présumée illégale d’une yourte familiale a débouténome, l’équité, qui permet d’actualiser les règles de la DDE, estimant que le procès-verbal dressé étaitdroit en remplissant trois fonctions : interpréter les entaché de nullité. Éric Barret a construit sa yourterègles obscures (infra legem), suppléer aux lacunes à Vébron, sur un terrain de sept hectares lui appar-du droit positif (praeter legem) ou remplacer une tenant, pour exploiter les terres sur lesquelles ilrègle normalement applicable (contra legem). cultive des légumes. L’endroit est accessible, des toilettes sèches ont été installées et l’éclairage fonc- Droit à l’emplacement tionne à l’énergie solaire. L’avocat a demandé la relaxe de son client, insistant sur le fait que le pré-D ans une ordonnance de référé datée du 26 venu n’avait pas d’autre moyen pour se loger : «Si septembre 2007, le Tribunal de Grande la DDE n’est pas là aujourd’hui, c’est parce qu’elleInstance de Laval a tranché en faveur du «droit ignore la législation et le maire n’a pris aucun arrêtéà l’emplacement» pour 16 personnes installées d’interdiction contre ce propriétaire, qui entretient sondans une zone industrielle, sur une propriété ap- bien en y travaillant. L’état de nécessité est là, il a lepartenant à la Communauté d’agglomération de droit fondamental de se loger et on le livrerait à la dé-Laval. Les familles exposent qu’elles n’ont pas pendance en interdisant sa yourte.»d’autres choix que d’occuper le terrain vague oùelles se trouvent, tant que les autorités locales Selon un principe d’interprétation in favorem,les empêchent de rejoindre les aires d’accueil, l’état de nécessité invoqué renvoie à la situation«où elles ont leurs habitudes». Les juges recon- dans laquelle se trouve une personne qui n’a d’autrenaissent que «les gens du voyage n’ont d’autre ressource, pour sauvegarder un intérêt supérieur,choix que d’occuper un terrain vague, leurs enfants que d’accomplir un acte défendu par la loi pénaleétant scolarisés à Laval et certains soignés réguliè- (Ghica-Lemarchand 2006). Un jugement du tri-rement à l’hôpital» et qu’ils peuvent «se préva- bunal correctionnel de Colmar a admis en 1956 cetloir d’un droit à l’emplacement, au même titre que état de nécessité pour un père ayant construit uneles citoyens sléodgeenmtaenirte.»s p1e2uvent désormais invoquer cabane pour protéger sa famille du froid, estimantun droit au que la construction réalisée représentait le seul moyen dont il disposait pour procurer aux siens un Au terme des deux alinéas de l’article 8 de la logement confortable et salubre. L’exigence résideconvention européenne des droits de l’homme, dans la manifestation d’un danger grave et l’exis-«toute personne a droit au respect de sa vie privée et tence de faits menaçant une personne dans sa vie oufamiliale, de son domicile et de sa correspondance» son intégrité physique (Hesse 2002).et « il ne peut y avoir ingérence d’une autorité pu-blique dans l’exercice de ce droit que pour autant Erreur de droit en raisonqu’elle est prévue par la loi et qu’elle constitue une de l’imprécision des textesmesure nécessaire à la sécurité nationale, à la sûretépublique, au bien-être économique du pays, à la dé- T om et Léa, installés en yourte, habitent le pe-fense de l’ordre et à la prévention des infractions pé- tit village d’Arrout depuis 2007, sur un terrainnales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à prêté au milieu des bois en échange du défrichagela protection des droits et libertés d’autrui». et de l’entretien de la parcelle. En première instance, devant le Tribunal correctionnel de Foix, ils ont été Plusieurs décisions de la Cour européenne des reconnus coupables d’exécution de travaux sansdroits de l’homme ont utilisé cet article 8 pour permis de construire et condamnés le 2 mars 2010 àconsidérer qu’un terrain acheté pour y élire sa ré- démonter leur habitat Yourte, ainsi qu’à une amendesidence «doit passer pour un domicile aux fins de de 600€ et 10€ par jour de pénalités de retard. Dansl’article 8» (Charlemagne 2000), ou encore qu’un son jugement rendu le 20 mai 2011, la Cour d’appelgroupe minoritaire est théoriquement fondé à re- de Toulouse a exonéré les contrevenants de toutevendiquer «le droit au respect de son mode de vie responsabilité pénale et prononcé la relaxe des finspetrodpered,opmuiicsiqleu»’il13s’a«gLiteds eprvéietexptreivséde,’udrebavnieisfmame eiltiadlee de la poursuite. Le jugement reconnaît l’erreur desécurité routière apparaissent dénués de fondement ou droit que les prévenus « n’étaient pas en mesure d’évi-dérisoires au regard du problème majeur de la préser- ter », prévue à l’article 122-3 du code pénal, en sevation de la vie familiale» (Farget 2008). fondant sur les réponses ministérielles des 8 février 2007 et du 13 avril 2010 qui assimilent les yourtes12-Communauté d’agglomération de Laval c/Melle Isabelle aux tentes lorsqu’elles ne sont pas équipées. «LesDelorme et autres. réponses de l’administration centrale sont en contra-13-C.E.D.H., 03 octobre 1983, G. et E. c. Norvège. diction avec l’interprétation faite par les services de la DDE d’Ariège ; en l’espèce, il est établi que la yourte ne comporte aucun aménagement ni équipement puisqu’il n’y a qu’une pièce circulaire, sans sanitaire, ni cuisine.» 113
Statut des habitants et nature lutte contre les incendies, se prévalant d’une circu- de l’habitat (meuble ou immeuble) laire de 2007 du Ministère de l’agriculture, relative à la protection et à la mise en valeur des espaces pas- A midou et Stéphanie Chateau ont installé une toraux, qui stipule que ces espaces «jouent un rôle à ferme éco-nomade, baptisée Chante-Per- la fois économique, environnemental et social, maintien- drix, sur la commune de Lagnes en mai 2010, sur nent la qualité des paysages et la diversité biologique, un terrain privé de 4 hectares mis à leur disposi- préservent les grands équilibres et contribuent à la pré- tion, dans le cadre d’un bail à usage (commodat). vention des risques.» Après délibéré, le Président du Ils ont installé deux yourtes mongole et kirghize tribunal déclare les contrevenants non coupables en autosuffisance énergétique avec des panneaux et prononce leur relaxe. En l’absence «d’éléments solaires et réalisé un assainissement indépendant fixes», pas de fondations ni équipements attachés à des réseaux (phyto-épuration, toilettes sèches). l’ouvrage (non définis dans le code civil), la yourte Dans cette zone classée rouge en raison du risque n’est pas soumise à permis de construire et l’activité incendie, ils pratiquent le sylvo-pastoralisme avec pastorale exercée par la famille Chateau relève bien leur troupeau d’une douzaine de chèvres, sur cet de la gestion des espaces naturels. ancien terrain en friche reconquis par les rési- neux. Inscrits à la MSA depuis janvier 2011, ils Éco-Habiter dans ont également réalisé un potager, ont construit des territoires agrinaturels un poulailler et remis le puits en fonctionnement. S ituées dans les espace péri-urbains et ruraux, Convoqué devant le TGI d’Avignon réuni en les implantations d’habitat léger, mobile et formation collégiale, le 19 août 2011, pour défaut réversible, mises en pratique par les associations de permis de construire, Amidou a argumenté et collectifs offrent un mode d’habitat alternatif à sur le caractère nécessaire de l’implantation des la maison pavillonnaire en propriété, à la précari- yourtes à proximité de son élevage, sur le caractère sation économique et l’endettement bancaire, au minimaliste des équipements relevant du cam- manque de logement social mais aussi à l’inadap- ping mais également sur le caractère mobile des tation et au coût (humain et financier) de l’ha- yourtes, prochainement déplacées sur le terrain bitat d’urgence, comme les résidences sociales, pour profiter des conditions optimales de l’enso- maison-relais, centres d’hébergement et de réin- leillement en hiver. Le procureur de la république sertion sociale, résidences hôtelières, foyers... a étayé son réquisitoire sur trois points : inten- tionnalité de l’acte (les plaignants ayant demandé Les initiatives sont mises en œuvre par de nom- l’autorisation puis la régularisation de l’habitat breuses associations et collectifs variés : Halem n’étaient donc pas complètement ignorants de (Essonne 2005), Abri pour les sans-abri (Vaucluse la réglementation), la matérialité de l’infraction 2005), Le Pré aux Yourtes (Ardèche 2005), Li- (en raisonnant par analogie avec les caravanes, il bertente (Bouches-du-Rhône 2006), Ma Cabane a rappelé que la jurisprudence constante des tri- Mouvement Autogéré des Chercheurs(euses) en bunaux les considère comme des constructions Habitats Autonomes (Ariège 2007), Novateurs lorsqu’elles ont perdu leur mobilité) et enfin le et Ecologiques (Ariège), Permis de vivre (Drôme non-respect des dispositions du POS concernant 2007), Habitat Racine (Cévennes 2008), Collec- les zones ND 1 et ND 2. Il demande le prononcé tif Poitevin pour l’habitat libre (Marais Poitevin d’une peine de 1000 € d’amende avec sursis et la 2009), Vie et Habitats choisis (Dordogne 2010), remise en l’état du terrain. Cheyenne Coordination des habitants/usagers en yourtes sur espaces naturels (Cévennes 2010)… L’avocate invoque la dbeonrensepfoonisdabeislietsé1c4lieanintssi, demande l’exonération Différents traits caractérisent ces modes «d’ha- que la relaxe de ses clients. En vertu de l’art bitats et d’habités» : une approche économique 123-1 du CU, elle rappelle que les constructions (logement adapté aux besoins et aux ressources, et installations nécessaires à des équipements mobile, évolutif et réversible, autonome), une di- collectifs «peuvent être autorisées dans les zones mension spatiale (espaces privés et communs), naturelles, agricoles ou forestières dès lors qu’elles des savoir-faire diversifiés (écoconstruction, agri- ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une acti- culture, artisanat), des dynamiques sociales et vité agricole, pastorale ou forestière du terrain». Par culturelles (espaces partagés de vie et d’activités ailleurs, elle argumente sur la nature de la yourte, économiques, artistiques, agriculturelles), un as- considérée comme une tente lorsqu’elle n’est pas pect volontariste (vivre en lien, définition d’un équipée (sanitaires et cuisine) par les services projet collectif et plan d’aménagement d’ensemble ministériels dans leur réponse de 2010 et contex- sur les terrains), des alternatives au modèle du tualise le choix du mode de vie minimaliste atta- «tous propriétaires» (conventions d’occupation, ché à la yourte : pas de réseaux, ni équipements, commodats, baux à usages...). ni éléments de fixité (fondations) mais usage de toilettes sèches, eau puisée à la source… Concer- 14- N’est pas pénalement responsable la personne qui justi- nant le zonage de la parcelle en risque incendie, fie avoir cru, par une erreur sur le droit, qu’elle n’était pas en elle valorise l’activité pastorale comme moyen de mesure d’éviter pouvoir légitimement accomplir l’acte.114
Par ailleurs, les expériences montrent que cesmodes d’implantation se nourrissent et s’autoali-mentent de devoirs quotidiens envers les terres etterrains habités (nettoyer, défricher, réhabiliter,cultiver, ré-empierrer les sources…), en parfaiteadéquation avec les préceptes de développementet/ou d’urbanisme durable. Les habitats sontconçus dans leur environnement de proximité,prenant en compte les ressources territoriales etle système anthropique de leur implantation (re-latif à l’homme et aux activités qu’il génère). S.B A cet égard, la loi portant Engagement national pour l’environnement, relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, énonce les instru- ments permettant de lutter contre le changement climatique, préserver la biodiversité, contribuer à un environnement respectueux de la santé, préserver et mettre en valeur les paysages, diminuer les consom- mations en énergie, en eau et autres ressources natu- relles. Le dispositif transpose de nouveaux objectifs relatifs au développement durable dans les secteurs de l’habitat, de l’énergie, de la biodiversité et de la santé, par la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie du bâtiment (intégrant ses besoins en énergie, en eau, ses émissions de CO2, de polluants, la qualité de l’air intérieur et la quantité de déchets produits). Dans ce contexte, il serait opportun de me- surer l’empreinte écologique (faible surface hors œuvre nette SHON, habitats nomades et éphé- mères, non-artificialisation des sols, réversibi- lité des aménagements, autonomie énergétique, biodiversité agricole, stockage de carbone réalisé par la plantation d’arbres et végétaux pérennes, réduction des gaz à effet de serre, réduction des déchets à la source, phyto-épuration, intrants biologiques). Il conviendrait aussi d’envisager les impacts économiques, sociaux et culturels de ces implantations d’habitats légers, mis en œuvre en termes de réduction de la précarité, d’autonomie énergétique et alimentaire, assurant l’autoréa- lisation des nécessités vitales dans un contexte saillant de chômage, de précarité, de pénurie de logements sociaux, de surinflation des loyers, deS.B bulle immobilière et de spéculation foncière. 115
Conclusion : Qu’elle soit de nature législative ou réglemen-Droit à l’expérimentation taire, l’expérimentation doit dans tous les casd’habitat légers, mobiles être précédée soit d’une loi soit d’un décret enet réversibles Conseil d’État autorisant des collectivités territo- riales à se porter candidates pour déroger, à titreE n raison d’une interprétation et application expérimental, aux dispositions législatives ou ré- à géométrie variable dans les territoires, glementaires régissant l’exercice de leurs compé-des élus locaux s’engagent sur le combat de la tences. Le soin d’autoriser cette dérogation, qui aréalisation du droit au logement et des libertés un objet et une durée limités, est confié au législa-fondamentales. Ainsi, le conseil municipal de la teur ou au pouvoir réglementaire.commune d’Arrout a pris le parti des nouveauxhabitants en yourte. «Quand les jeunes se sont ins- Trois garanties ont été apportées :tallés, ils m’ont posé la question des autorisations. • Il s’agit donc d’une démarche volontaireJe n’ai pas pu y répondre. Lors d’une réunion pu- puisqu’il appartient aux collectivités territorialesblique avec les maires du secteur, j’ai posé la ques- de se porter candidates. Les collectivités territo-tion à la Direction départementale de l’équipement riales doivent matérialiser leur intention de par-et de l’agriculture (DDEA) et j’attends toujours la ticiper à l’expérimentation par une délibérationréponse», a expliqué son maire. Le conseil muni- motivée de leur assemblée délibérante, transmisecipal a donc décidé de voter une motion pour le au représentant de l’État. Le Gouvernement fixedroit au logement, invoquant divers motifs : «Les alors, par décret, la liste des collectivités habilitéespersonnes résidant dans cette yourte ne gênent en à participer à l’expérimentation (LO. 1113-2).rien la commune et ses habitants. Ce type d’habitat • Les expérimentations ne peuvent être enga-n’altère en rien le paysage, n’est pas générateur d’ex- gées lorsque sont en cause les conditions essen-clusion (les occupants ayant une activité rémunérée), tielles d’exercice d’une liberté publique ou d’unne présente pas de risque sécuritaire. Les occupants droit constitutionnellement garanti.sont tout à fait disposés à acquitter les taxes relatives • Pour garantir une procédure identique àà l’habitation. Ce type d’habitat par sa conception toutes les expérimentations, le texte constitution-présente un bilan environnemental intéressant. Le nel renvoie à une loi organique le soin de définirmanque criant de location et les prix prohibitifs des les modalités d’expérimentation par les collecti-logements actuels pénalisent l’installation de popu- vités territoriales.lations en quête d’un domicile. Le droit au choix La loi ou le décret autorisant l’expérimen-d’une habitation modeste n’est rien d’autre qu’une tation doit fixer sa durée, qui ne peut dépasserexpression des libertés fondamentales». cinq ans, ainsi que les dispositions auxquelles il pourra être dérogé. Il leur appartient de préciser La Mairie de Cubières-sur-Cinoble (Aude) également le délai dans lequel les collectivitésco-pilote, avec l’ensemble des services centraux, territoriales concernées pourront demander àdéconcentrés et décentralisés du territoire, un participer à l’expérimentation. Avant la fin deprojet collectif de construction d’habitats légers, l’expérimentation, le Gouvernement transmet unporté par l’association Terre de vie du Cinoble et rapport d’évaluation au Parlement, accompagnéla foncière Terre de liens. des observations des collectivités participantes. Au terme du délai, l’expérimentation peut êtreDans la lignée des lois de décentralisation, un soit prolongée ou modifiée pour trois ans au plus,«droit à l’expérimentation» a été reconnu aux di- soit généralisée à l’ensemble des collectivitésverses collectivités territoriales par la loi consti- concernées, soit abandonnée.tutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003, quileur permet de déroger, «à titre expérimental et S.Bpour un objet et une durée limités, aux dispositionslégislatives ou réglementaires qui régissent leurs com-pétences». Elle cl’oanrtsiacclere37le-1p1r5ientcdipaensdle’arl’teixclpeé7ri2-mentation dansrenvoyant à une modalité particulière d’expéri-mentation locale. 15-Cet article autorise « la loi ou le règlement à comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à carac- tère expérimental ». Sur la base de cet article, la loi n°2004- 809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu des expérimentations dans huit domaines : les interventions économiques, le transfert des aéroports, l’expérimentation en matière de gestion des fonds structu- rels européens, les mesures d’assistance éducative confiées aux départements par l’autorité, le financement d’équipe- ment, la résorption de l’insalubrité, l’organisation des écoles primaires, l’entretien du patrimoine.116
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Art 02 /Le droit «Quand je vous dis qu’il y a de la poésie au Logement pour dans le droit, vous ne me croyez pas. Mais les usagers peut-être ne regardez vous pas dans la bonne d’habitations direction. Cessez d’être fascinés par les codes, légères ou mobiles ? les tribunaux et les hommes de loi et faites justice buissonnière. Allez par les rues et par Droits et Devoirs. les champs ; et observez tous ceux qui luttent pour la reconnaissance des droits de l’homme, Clément David, pour la défense des opprimés, pour la sauve- regard d’un militant garde de la planète, pour le développement de (avril 2012) la culture, la reconstruction des lieux sociaux. Tous ces ouvriers du vivre ensemble font A. Quelques définitions du droit et ils font aussi de la poésie, car ils pour un état des lieux croient qu’on peut changer, un peu, le monde et qu’on peut changer, un peu, les hommes.» I. La notion de domicile et de résidence est différente Jacques Faget selon le code civil et le code pénal (Sociologue, chercheur au CNRS BORDEAUX) • a. Le Code civil • b. La résidence «Le but de l’instruction n’est pas de faire • c. Le Code pénal admirer aux hommes une législation toute • d. Le Code de l’action sociale faite, mais de les rendre capables de l’ap- II. Le livret de circulation précier et de la corriger. Il ne s’agit pas de soumettre chaque génération aux opinions B. Multiplication comme à la volonté de celle qui la précède, des statuts d’habitants : mais de les éclairer de plus en plus, afin que vers des inégalités à la carte chacun devienne de plus en plus digne de se gouverner par sa propre raison.» I. Le « Sans Domicile Fixe » II. Le « Gens du Voyage » Sur l’instruction publique III. Le « sans-abri » (1791-1792), dans Œuvres, Condorcet, IV. L’habitat choisi éd. Firmin-Didot, 1847 C. Le bric et broc d’installations possibles pour des habitats légers ou mobiles, une législation inadaptée I. L’« occupant sans droit ni titre » II. L‘« habitant permanent de terrains de camping » III. Les terrains familiaux IV. Installations illicites D. Des conclusions : un chantier en cours118
P endant de nombreuses années, j’ai interrogé b. De son côté, la résidence est conçue des juristes, des militants : «Quel droit au lo-gement pour les habitants de logements légers ou mo- comme une situation de fait : c’est le lieu où unebiles ? ». La notion juridique de logement reste pour personne habite lorsqu’elle se trouve hors de sonmoi sinon floue en tout cas sujette à interprétation. domicile, par exemple lorsque sa résidence prin-Est-ce le lieu où l’on dort, on a chaud l’hiver, on se cipale est mobile ou démontable ou qu’elle est enfait la cuisine, on fait sa toilette, on pose ses affaires villégiature, ou quand elle loge provisoirementpersonnelles, que l’on peut fermer de l’extérieur, dé- sur un chantier ou à l’hôtel.corer à sa guise... ? Dans ce cas, la résidence mobiledevrait être considérée comme un logement. c. Le droit pénal a une conception du «domicile» assez différente du droit civil. Il ne distingue pas très précisément les mots «domi-droLitaaduélfoingeitmioennnt’aesutnaepvraiolerui rpacos njusrtiidtuiqtiuoenmnealiles1le. cile» et « résidence » puisqu’au sens pénal, il est, acuhaxmtebrrme ecsridm’uinneellejudriesplaruCdeonucredceocnasstsaanttieond4e, la Malgré dl’arocciteaputaltoiogenmpeanr tleolpépgoisslaatbelue2r de rendre le 2007 le avec la loi «lieu où une personne, qu’elle y habite ou non, a leen droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juri-Molle (qui porte bien son nom), nous constatonsqu’il n’est pas encore aujourd’hui une priorité des dique de son occupation et l’affectation donnée aux locaux». Il ne peut s’agir d’un lieu public (restau-collectivités et des politiques publiques. rant, gare, hall d’immeuble, partie commune d’un Aujourd’hui en France, les Habitats Légers hôtel, etc.) mais peut tout à fait être une chambre(tiHonL)dseo«ntlosiosiirt»ra3c,cosorditéscojunrsiiddiéqruéesmcoenmtmà elarnésoi-- d’hôtel, un camping-car, voire une tente. Si la no-dence principale de leurs utilisateurs. tion de domicile recouvre l’habitation stricto sen- su et ses dépendances immédiates (cave, terrasse, balcon, mais aussi boîte aux lettres, niche, etc.), elle n’inclut pas un véhicule automobile (sauf s’il En aucun cas l’administration ne considère était spécialement aménagé), ni un terrain, uneces habitats comme des logements «ordinaires», cour ou une dépendance non close. Il n’est pasqu’ils soient subis ou choisis. C’est une conception nécessaire que le sujet de droit habite réellementséculaire de l’habitat que le législateur considère un lieu pour bénéficier, au sens de la définition decomme «immeuble ou partie d’immeuble». la Cour de cassation, de la protection du domicile. Il va sans dire que la question du statut des uti- Le titre d’occupation est tout aussi inopérant et lalisateurs de ces habitats est centrale. Car les droits protection du domicile bénéficie à tout occupant,ne sont pas les mêmes pour tous. quel que soit son droit ou la validité de celui-ci, et donc y compris en cas d’expiration du bail, voire de procédure d’expulsion. A. Quelques définitions d. Selon le Code de l action sociale et des pour un état des lieux familles, «l’absence d’une adresse stable ne peut Face à la forêt législative être opposée à une personne pour lui refuser l’exer- et réglementaire, quelques interprétations. cice d’un droit, d’une prestation sociale ou l’accès à un service essentiel garanti par la loi, notamment en I. La notion de domicile et de rési- matière bancaire et postale, dès lors qu’elle dispose dence est différente selon le Code d’une attestation en cours de validité.» (L264-3) civil et le Code pénal Pendant de nombreuses années, j’ai inter- Dans la pratique, nous avons tendance à rogé des juristes, des militants : «Quel droitconfondre les notions de domicile et de rési- au logement pour les habitants de logementsdence car, pour la plupart des sédentaires, les légers ou mobiles ? ».deux adresses sont identiques. 1-Le Conseil Constitutionnel l’a rappelé dans son avis du a. Le Code civil définit le domicile comme 19 janvier 1995 où il a souligné : « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectifétant le lieu dans lequel une personne possède son à valeur constitutionnelle », se référant au préambule de laprincipal établissement. Tout sujet de droit doit Constitution de 1946.élire un domicile, point fixe auquel se trouvent ses 2-Le droit au logement opposable (DALO) génère la possibi-intérêts. Il ne peut avoir qu’un seul domicile. Cette lité, pour toute personne sans domicile et résidant de façonlocalisation géographique permet de déterminer les régulière sur le territoire français, d’entamer un recoursautorités administratives ou judiciaires territoriale- contre les pouvoirs publics dans le cas où les démarches en-ment compétentes auxquelles il peut être confronté. treprises en vue de l’obtention d’un logement social connaî-Le lieu du domicile détermine par exemple l’adresse traient une stagnation anormale.où les personnes peuvent s’inscrire sur les listes élec- 3-Voir le texte de Béatrice Mésini dans ce même recueil :torales. Une personne sans adresse ou sans domicile \"De l’habitat adapté sur populations-cibles au droit communfixe a néanmoins le droit et l’obligation d’en élire un d’habitats légers, mobiles et éphémères.\"ou de se rattacher à une commune. 4-Audience publique du 23 mai 1995 Rejet N° de pourvoi : 94-81141 119
L e droit positif5 considère également que toute C’est une sorte de succédané de domicile, per- personne dispose de la liberté de choisir son do- mettant à son détenteur d’exercer ses droits civils.micile, et que nul ne peut apporter aux droits des per- Le titulaire du livret doit par exemple attendre troissonnes et aux libertés individuelles et collectives des ans pour avoir le droit de voter sur une communerestrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de et une commune spoenutterrerfiutosierre.dLeadHoAmLicDilEie7rapdlués-la tâche à accomplir et proportionnées au but recher- de 3% de SDF surché. Pourtant, nous verrons plus bas que les obligations claré que ce dispositif instaure manifestement unedes personnes appelées «du voyage» par l’administra- différence de traitement au sens de l’article 14 de lation sur des considérations ethniques sont tout autres. Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), qui interdit toute discrimination dans la D’un côté, nous avons le droit fondamental au jouissance du droit de chacun à circuler librement,logement et le principe constitutionnel selon lequel lequel est prévu par l’article 2 de son protocole«la Loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à n°4 qui dispose que «quiconque se trouve régulière-la Société. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut ment sur le territoire d’un État a le droit d’y circulerêtre empêché». D’un autre côté, nous avons l’article librement et d’y choisir librement sa résidence». Pa-10 du préambule de la constitution du 27 octobre rallèlement, le Code électoral prévoit que «les ci-1946 qui garantit à l’individu et à la famille les condi- toyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domiciletions nécessaires à leur développement. Pourtant les ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé unecontentieux sont de plus plus nombreux et, dans la commune de rattachement sont inscrits sur la liste élec-crise du logement majeure que nous vivons actuelle- torale de la commune où est situé l’organisme d’accueilment, il est difficile d’accepter une administration qui dont l’adresse figure depuis au moins six mois sur leurs’acharne à attaquer, pour des raisons d’infraction au carte nationale d’identité.» (art. L15-1)code de l’urbanisme, des habitants d’HL pour qui cethabitat reste souvent la meilleure solution. De plus, Il y a plusieurs types de livrets de circulation :les nuisances liées à leur installation sont mineures etces habitats ont souvent une empreinte écologique · le «livret spécial de circulation» (art. 2), délivréinférieure au logement en dur qui leur est dû selon les aux voyageurs inscrits au registre du commerce outermes de la loi DALO. au répertoire des métiers. Selon la loi de 1969, il s’applique aux «personnes n’ayant ni domicile ni rési- L’utilisation de choses légales pour faire des dence fixes de plus de six mois dans un État membre dechoses illégales est la définition même de l’es- l’Union européenne» et voulant exercer une activitécroquerie. C’est la raison pour laquelle nous in- ambulante ; cela comprend notamment les forains.voquons la «proportionnalité du droit» et que Le contrôle de l’État est partiellement relayé par lesla justice est symbolisée par une balance. C’est employeurs, qui sont tenus de vérifier que leurs em-grâce à nos actions, notre travail de réflexion et ployés détiennent ces documents.de militant que l’interprétation du droit évoluera. · le « livret de circulation » (art. 3 et 4), délivré Toute forme d’expulsion au nom du respect aux personnes de plus de 16 ans logeant «de fa-d’un code de l’urbanisme inadapté à la situation çon permanente dans un véhicule, une remorque ousociale d’aujourd’hui devrait être impossible. tout autre abri mobile» qui «justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normalesII. Le livret de circulation d’existence notamment par l’exercice d’une activité salariée» ; cela peut inclure, par exemple, des tra-L e livret de circulation est un document requis et vailleurs saisonniers vivant dans leur véhicule. obligatoire en France pour toutes les personnesâgées de plus de 16 ans, enfants compris, françaises 6-Le carnet anthropométrique d’identité pour nomadesou étrangères, n’ayant pas de domicile fixe ni de ré- était obligatoire dès l’âge de 13 ans. Tous les déplacementssidence fixe depuis plus de six mois. Il a été instauré devaient y être déclarés, rendant possible une étroite sur-par la loi du 3 janvier 1969 et abroge la loi de 1912 sur veillance de ces populations. « Il doit, en outre, recevoir le si-les nomades (en dp’ruatniqcuaern, eletsatnstihgaronpeso)mqéutirioqbuleig.6eait gnalement anthropométrique qui indique notamment la hau-ceux-ci à se doter teur de la taille, celle du buste, l’envergure, la longueur et la5-L’expression «droit positif» désigne l’ensemble des règles largeur de la tête, le diamètre bizygomatique, la longueur dede droit effectivement en vigueur dans un État ou un ensemble l’oreille droite, la longueur des doigts médius et auriculairesd’États. Cette notion, qui sous-entend généralement que les gauches, celle de la coudée gauche, celle du pied gauche, larègles de droit sont issues des hommes eux-mêmes et non pas couleur des yeux : des cases sont réservées pour les em-de la nature ou d’une divinité, s’oppose à celle de «droit naturel». preintes digitales et pour les deux photographies (profil etLe droit positif est écrit et publié. Son respect est sanctionné par face) du porteur du carnet. ». Il a facilité la mise en œuvre dule recours aux juridictions chargées de l’appliquer. Il est constitué décret du 6 avril 1940, issu des instructions allemandes d’in-de l’ensemble des documents juridiques officiels : lois, décrets, terdiction de la circulation puis d’internement des nomadesrèglements administratifs, règles de procédure et jugements. dans des camps français, décret qui fut suivi de déportationsSes sources peuvent également être la coutume et la jurispru- massives. Malgré la reconnaissance du génocide tsigane pardence. Le droit positif est un droit vivant qui évolue en fonction l’Europe en 2011, la France refuse encore d’aborder le sujet.des époques et des sociétés. Le positivisme légaliste considère 7-La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pourque le droit positif émane des autorités politiques et se suffit à l’égalité, également connue sous son acronyme Halde, était lui-même. Pour le positivisme sociologique, le droit positif est une «autorité administrative indépendante» française créée en 2005 et dissoute en 2011. Elle était compétente pour se saisir120 l’expression de la société. Il se comprend en observant la société. «de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international»
Notons qu’en raison du justificatif de ressources ractère sacré du logement, «d’une exigence d’inté-régulières requis, tous les «traveller’s» ne peuvent rêt national». Également, l’occupation sans droitpas obtenir un tel livret. La loi pour la sécurité in- ni titre de terrains nus est considérée comme untérieure du 18 mars 2003 (art. 11) a aussi introduit délit pénal a contrario de l’occupation de bâti-la possibilité de fouiller les véhicules, suscitant un ment qui se réfère au Code civil.problème pour les personnes dont le véhicule estle domicile par le viol de l’intimité et de la vie pri- I. Le « Sans Domicile Fixe »10vée (art. 78-2 du Code de procédure pénale régis-sant les contrôles d’identité). D epuis 1983, en France, le sigle «SDF» rem- place la notion de vagabond, ou chemineau · le « carnet de circulation » (art. 5), délivré (celui qui «fait le chemin»), si présent dans la vieaux personnes qui sont dans le même cas que du XIXème siècle. Le sigle vient de la terminologiecelles ayant un livret de circulation, mais qui ne policière : c’était une mention notée dans les for-peuvent justifier de ressources régulières. Celles- mulaires en lieu et place de l’adresse de la personneci sont particulièrement contrôlées, puisqu’elles contrôlée. À l’origine il pouvait aussi s’agir d’unesont passibles d’une peine d’emprisonnement de personne habitant «chez des amis» ou en transit.trois mois à un an si elles circulent sans ce carnet. Les étrangers, qui sont aussi soumis à ces obli- Le décret de 1970 précise que sont considé-gations, doivent justifier «de façon certaine» de rées comme Sans Résidence Fixe les personnesleur identité afin d’obtenir l’un de ces livrets (art. qui ne sont ni propriétaires ni locataires d’un6). Les bateliers sont exemptés de l’obligation logement garni de meubles leur appartenant. Ju-d’obtenir un tel livret (art. 12). ridiquement, une personne n’ayant pas de domi- cile fixe n’est pas forcément un «sans-abri», maisBien que théoriquement obligatoire pour quelqu’un qui doit se doter d’un livret ou carnettoute personne sans domicile fixe, dans la pra- de circulation.tique, il vise une population pour qui l’habitatmobile est culturel. Il Vesotyraéggeu8l,ièarloemrs eqnuteals’osinmpileéuàt Selon l’INSEE, «une personne est dite sans-do-la notion de Gens du micile un jour donné si la nuit précédente elle a ététout à fait, par exemple, être habitant de caravane dans l’une ou l’autre des deux situations suivantes :et être domicilié chez un parent ou un ami. Il est soit elle a eu recours à un service d’hébergement, soitparfois demandé abusivement pour accéder à elle a dormi dans un lieu non prévu pour l’habita-une aire d’accueil et certains voyageurs le consi- tion (rue, abri de fortune)». Cette situation auraitdèrent comme lié à leur identité culturelle. Il ne concerné une personne sur vingt au cours de sadonne aucun avantage particulier si on a la possi- vie, soit environ 2 500 000 personnes (5 % debilité d’être domicilié ailleurs. la population). Les situations sont très variables quant à la durée (moins de 3 mois pour 24 % B. Multiplication des personnes jusqu’à plus de 3 ans pour 18 %) des statuts d’habitants : et quant aux solutions mises en place (héberge- vers des inégalités à la carte ment chez un proche pour 78 %, service d’héber- gement pour 14 %, lieux non prévus pour l’habi-C onformément aux principes constitutionnels, tation pour 11 %). On compte également 38 000 la loi française ne comporte aucune connota- pcheerszodnensepsaàrtl’ichuôltieelrse1t1a.u moins 79 000 hébergéestion ethnique ou communautariste. Par contre, lapratique et la forêt législative sont tout autres. Les personnes Sans Domicile Fixe doivent suivre la procédure de l’élection de domicile, re- Bien que la caravane ou autre type d’habitat léger cevant une attestation auprès des Centres Com-loeudmoombiicleilesoditeinsteesrporécctéuppaarnltes9C, ojanmseaiilsd’lÉetalétgcioslmatemuer munaux (ou intercommunaux) d’Action Socialen’a voulu employer le terme logement, excluant ainsi (CCAS). Elles doivent se doter d’un livret deses occupants du cadre du droit au logement. Est-il circulation qui leur sert de justificatif de domicileutile de rappeler la requête de plusieurs associations (par exemple pour obtenir un passeport). Dans laà l’automne dernier pour le droit à la trêve hivernale, pratique, ce n’est que rarement qu’il est délivré àles innombrables contentieux autour de la question des personnes non-tsiganes. La confusion entre ladu raccordement aux réseaux, les expulsions sous as- définition employée par L’INSEE et la définitiontreintes ?Ehoui,ontedemandededémolirtonunique juridique de «SDF» épargne à de nombreusestoit ou bien tu payes. Difficile de parler ensuite du ca- personnes de prendre ce livret. L’administration considère que la situation de SDF n’est qu’un8- Voir plus bas dans le texte accident social passager et pratique de ce fait la9-CE, 2 déc.1983, Ville de Lille c/Ackermann, Dalloz, 1985, discrimination ethnique sans vergogne.p.388, note R.Romi : illégalité d’un arrêté de police pris par lemaire de Lille autorisant les forces de l’ordre à procéder à la 10-SDF : également appelé à juste titre par des militants :visite des voitures des nomades. «Social Dénominateur Facile ». 11-INSEE , janvier 2011. 121
Le carnet anthropométrique d’iden- tité pour nomades était obligatoire dès l’âge de 13 ans. Tous les dépla- cements devaient y être déclarés, rendant possible une étroite sur- veillance de ces populations. « Il doit, en outre, recevoir le signalement anthropométrique qui indique no- tamment la hauteur de la taille, celle du buste, l’envergure, la longueur et la largeur de la tête, le diamètre bi- zygomatique, la longueur de l’oreille droite, la longueur des doigts médius et auriculaires gauches, celle de la coudée gauche, celle du pied gauche, la couleur des yeux : des cases sont réservées pour les empreintes digi- tales et pour les deux photographies (profil et face) du porteur du carnet. »122
123
II. Le « Gens du Voyage »12 sertion sociale et économique. Il est également possible d’y prévoir des programmes d’habitatL e terme générique «Gens du Voyage» est une adapté pour des familles sédentaires ou semi-sé- dénomination administrative désignant une dentaires. Hélas, les collectivités ne jouent pas lepopulation hétérogène qui réside habituellement jeu et détournent l’intention de la loi en créanten abri mobile terrestre. Cette dénomination est des aires d’accueil non-adaptées aux besoins desapparue dans les années 70. populations. Nombreuses sont indignes. Les rè- glements intérieurs discriminants et illégaux obli- gent les «Gens du Voyage» à se déplacer à des Présentés par les textes nationaux comme une rythmes imposés et permettent surtout aux com-catégorie administrative définie par son mode de munes d’expulser les campements sauvages maisvie, les «Gens du Voyage» apparaissent en pratique nécessaires aux besoins des familles (scolarisation,comme un groupe identifié ayant en commun d’être hospitalisation, besoins économiques, lien social,victimes des mêmes différences de traitement, du etc.). Dans ces conditions, évidemment, ces airesfait de leur appartenance, réelle ou supposée, à la d’accueil sont fraemfuisliéael»s p14a,rplelussinadtéarpetséseé,seestt la for-communauté tsigane. Cette appellation incite à mule «terrain la plu-penser que la personne désignée n’a pas d’attache part du temps rejetée par les collectivités et ne faitterritoriale. Situation en réalité très exceptionnelle. pas partie de ces schémas départementaux. Le dénombrement des «Gens du Voyage» Avant janvier 2004, toutes les communes ins-constitue une entreprise difficile : d’une part, la crites à ce schéma auraient dû avoir réalisé leurstrès grande diversité de cette population rend dé- aires, faute de quoi le préfet pouvait se substi-licate toute classification qui par ailleurs n’est pas tuer à la collectivité défaillante. Premier bilansouhaitable ; d’autre part, il n’existe pas de terme en 2008 : selon un rapport ministériel, 42 % despermettant de définir de manière indiscutable des 42 000 places nécessaires ont été aménagées etcatégories de personnes pouvant être regardées certains préfets se contentent de mettre en placecomme des itinérants. Les enquêtes réalisées par des médiations, les autres ne font rien. Pire en-le ministère de l’intérieur en 1989 ont permis de core, la législation permettant les expulsions ar-recenser le nombre de possesseurs d’un livret de bitraires s’est renforcée avec les lois de préven-circulation. Dans ce rapport nous lisons : «Si les tion de la délinquance et de sécurité intérieurepersonnes recensées comme étant titulaires de l’un de qui ont suivi. La loi Besson prévoit égalementces documents administratifs ne sont pas toutes des des pouvoirs pour les communes ayant réaliségens du voyage, néanmoins, par extrapolation, le ou financé des aires d’accueil. Elles peuventnombre de ces derniers a pu être évalué à 140 000 prendre un arrêté qui interdit aux nomades depersonnes». Il convient, en outre, de prendre en stationner en dehors des zones prévues à cet ef-compte les personnes qui ne sont pas titulaires fet, et qui permet aux maires de saisir la justice,d’un titre de circulation. Au total, le nombre de même lorsqu’il s’agit d’un campement sauvage450 000 personnes est retenu par les associations sur un terrain privé. La loi contient par ailleurset paraît rendre compte de la situation actuelle. des dispositions pour raccourcir les délais d’ins-Soit trois fois plus que la population de l’Ariège, truction de la procédure d’expulsion. A se de-et pas un seul élu pour les représenter. mander si la loi ne sert pas plus à cantonner les voyageurs dans des espaces définis et à donnerLa loi du 5 juillet 2000, dite «loi Louis Besson le pouvoir de les expulser partout ailleurs.sur l’accueil et l’habitat des gens du voyage», étaitcensée offrir un véritable cadre juridique volon-tariste pour l’accueil des habitants de résidences L’article 8 de la nouvelle loi qui modifie lemobiles, et mobiliser des moyens financiers sans code de l’urbanisme vient confirmer l’obligationprécédent, tant en investissement qu’en fonction- pour toutes les communes disposant d’un Plannement, sptaotuior nanideemr elenst1c3o. mElmleuanedseuàxréoablijseecrtidfses: d’Occupation du Sol (POS) de prévoir la «satis-aires de faction des besoins présents et futurs en matière d’ha-permettre aux nomades d’aller et venir librement bitat […], y compris ceux des Gens du Voyage».sur le territoire et de s’installer dans des condi-tions décentes, et éviter les campements illicites, 12-Le terme «Gens du Voyage» ne souffre pas le singulier etqui exaspèrent élus locaux et riverains. nous oblige, pour désigner une personne, à utiliser une phrase ambiguë faisant référence à une communauté. C’est pour- Dans tous les départements, le préfet et le tant d’un mode d’habiter dont il est question, qui concerne président du Conseil général devaient élaborer une population très hétérogène. Le «du voyage» implique avant le 6 janvier 2002, après une évaluation des que les habitants de résidences mobiles n’ont pas besoin besoins et des réalités, un «schéma départemen- d’attache territoriale alors que la réalité est tout autre. tal d’accueil des gens du voyage». Des commis- 13-L’État finance 70 % des dépenses engagées pour réaliser sions départementales censées réunir l’ensemble ou réhabiliter des aires. Il accorde aussi une «aide forfaitaire des acteurs concernés ont élaboré ces schémas. à la gestion des aires d’accueil», d’environ 10 000 francs ( en Ceux-ci doivent traiter l’ensemble des questions l’an 2000) par an et par place. posées, particulièrement la scolarisation et l’in- 14-Voir plus bas dans le texte.124
Les personnes exerçant une activité commer-ciale non sédentaire ainsi que les personnes dites«Gens du Voyage» sans domicile fixe ont obliga-tion de se déclarer aux services de la communeà laquelle elles souhaitent être rattachées, et deprendre un livret de circulation. Cette démarches’inscrit dans une tendance ancienne de l’État enFrance, remontant à l’Ancien Régime, qui vise àcontrôler le nomadisme et le vagabondage. III. Le « sans-abri »S elon l’INSEE en 2011, il y a environ 90 000 sans-abri en France ; 17 % d’entre eux sont desfemmes, et 20 % ont moins de 25 ans. Parmi les SDFâgés de 16 à 18 ans, la proportion de femmes atteint70%... Ils sont difficiles à dénombrer, car les sans-pa-piers et les invisibles sont compliqués à répertorier.Souvent obligés par leur situation à se cacher, car les«forces de l’ordre» et les services sociaux sont la plu-part du temps considérés comme des personnes àéviter de rencontrer pour ne pas être délogés voirereconduits à la frontière. Curieusement, la police neles protège jamais du bourgeois qui râle... (gardiensde la paix qui ne la leur f... pas assez)Dans une étude pour l’Observatoire nationalde la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES),Michel Autès note que dans la presse écrite, «lesigle «SDF» est le plus souvent associé à des conno-tations en termes de criminalité» alors que «l’usagedu terme sans-abri va davantage apparaître dans uncontexte de compassion pour les victimes de la pauvre-té» et que «les termes sans-logis et sans domicilevont être mobilisés dans des contextes argumentatifs,au sein d’un débat sur lloesgecmauesnets»d1e5l.’errance ou l’effi-cacité des politiques de Les sans-abri sont souvent dits «en situationd’exclusion sociale», bien que ce terme prête à dé-bat : beaucoup de sans-abri travaillent (CDD ouintérim) et peuvent donc difficilement être quali-fiés de «marginaux», comme si cette situation deprécarité était de leur fait. En France, selon le Code pénal de 1810 (art.269 à 273), le vagabondage était un délit répri-mé de 3 à 6 mois d’emprisonnement. L’art. 270donnait la définition juridique suivante: «Lesvagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n’ont nidomicile certain, ni moyens de subsistance, et quin’exercent habituellement ni métier, ni profession.»Ces trois conditions devaient être réunies pourqualifier le délit de vagabondage, excluant dèslors les nomades, qui ont fait l’objet d’une loi spé-cifique en 1912. Ce n’est qu’en 1992 que le légis-lateur a abrogé le délit de vagabondage de 1810.15-Autès M., « Les représentations de la pauvreté dans lapresse écrite », Les travaux de l’ONPES 2001-2002, La Docu-mentation Française, p. 113. 125
IV. L’Habitat Choisi Le terme «habitat choisi» est délicat à em- ployer. Par exemple, j’ai choisi de vivre en P lusieurs associations insistent pour que le Ariège avec un jardin mais je n’ai certainement logement en résidence mobile ou légère pas choisi d’accepter la pression foncière, le ne devienne pas un prétexte pour éviter la taux de résidences secondaires, la spéculation, construction de logements sociaux. Il est im- la production d’habitats polluants, la propriété portant que le développement de l’utilisation des outils de production et de subsistance dans de l’habitat léger ne se fasse pas faute de mieux. quelques mains, les élus corrompus ou racistes Ses utilisateurs doivent pouvoir accéder à un du coin... Pour répondre à mon premier choix, logement «classique» s’ils le désirent. Les as- la caravane, la yourte, la cabane sur un terrain sociations insistent sur la volonté des habitants non constructible est pour moi une solution ac- de ces résidences pour déterminer le statut de ceptable. Finalement, les termes «choisi/subi» ce logement. Elles précisent également que peuvent servir à nous distinguer socialement les l’habitation itinérante ne perd pas cette qualité uns les autres, à nous désolidariser face à la ma- par son stationnement en un même lieu durant chine àetspééccounloemr, iàqsueervqiur il’einxctélurêt1t6d.’uDne système une partie de l’année. social plus en plus de personnes se retrouveront à «choisir» Il serait bien sûr réducteur de systématique- d’habiter en Habitat Léger dans ce contexte. Le ment stigmatiser un habitat léger comme étant rouleau compresseur de la consommation, de un habitat précaire. Il est essentiel de tenir la croissance économique, amène évidement compte du fait que le choix de l’habitat d’une beaucoup d’entre nous à penser qu’une forme personne peut être, sinon le résultat d’un choix de décroissance et de réduction des besoins fa- relatif à sa condition économique et à ses liens briqués par la société de consommation est une sociaux, lié à des choix politiques et/ou cultu- solution. Par contre, il est impossible de nier rels ou tout simplement lié à l’idée que chacun les 3 millions de mal logés, le taux d’effort pour se fait du confort. En bref, certaines personnes avoir un logement en inadéquation avec les sa- refusent un logement conventionnel et il leur laires et la précarisation du marché de l’emploi. est interdit de vivre leur choix. La grande majorité des dossiers sur lesquels on m’interpelle (une ou deux dizaines par mois de- puis plusieurs années) me font relativiser le mot «choisi» qui ne peut exister que dans un contexte. Ce critère est subjectif car il concerne des sujets et l’utiliser comme une analyse objective risque de déshumaniser et marginaliser le débat.126 Gio 16- Karl Marx, Manifeste du parti communiste, 1848 : « Dans la société bourgeoise, le capital est indépendant et personnel, tandis que l’individu qui travaille n’a ni indépendance, ni per- sonnalité ! »
C. Le bric et broc d’installations On peut considérer que le squat participe à la possibles pour des habitats construction d’un modèle d’économie alternative. Et légers ou mobiles, de fait, l’occupation a souvent pour première cause une législation inadaptée des raisons pécuniaires : des individus, familles ou groupes de personnes cherchent un endroit où vivre,L es habitats légers et mobiles ont toujours alors qu’ils ne peuvent pas payer de loyer. existé et répondent à certains besoins denotre société. Que ce soient des cabanes ou des Par exemple, en France, les premiers squatteursrdoeuploasttteosr,aillissmone,tdteoucojomurmserrécpeo, nddeucuàltduerse.b..1e7soPianrs- sont apparus après la Seconde Guerre mondiale.fois également la nécessité pousse des personnes Pour protester contre les obstacles administratifs quià choisir ce «mode d’habiter». freinaient la mise en œuvre de la loi de réquisition, ils procédèrent à l’occupation de logements vides. Au nom d’une volonté de protection, de ne Issu du Mouvement populaire des familles, lui-vouloir laisser personne sur le bord de la route, même proche de la Jeunesse ouvrière chrétienne,au nom d’une conception d’un urbanisme le mouvement est né à Marseille avant de gagnerdurable, plus sédentaire que nomade, le légis- d’autres villes de province. En cinq ans, quelquelateur a soit discriminé leurs usagers, soit les 5 000 familles ont ainsi été relogées. Ces occupa-a ignorés, les laissant sans droits, en proie au tions s’accompagnèrent de campagnes de presse etpouvoir discrétionnaire. d’actions militantes qui sensibilisèrent l’opinion pu- blique à la question de la crise du logement. I. L’« occupant sans droit ni titre » Cet exemple montre clairement que les pro-U n squat peut héberger une personne seule blématiques économiques deitspsoocliitaibqluees.s20neAsloonrst,, comme plusieurs dizaines, dans un appar- en dernière analyse, pastement de centre-ville, une friche industrielle du caritatif au militant, nombreux sont ceux quide banlieue ou un site rural. Les conditions de définissent le fait de squatter comme l’expressionvie peuvent y varier en fonction de l’état initial d’un mouvement social revendiquant le droit àdu site, des moyens et des motivations des oc- une vie avec un toit sur la tête.cupants : jeunes fugueurs refusant d’intégrerun foyer, migrants, artistes sans atelier, travel- 17-Voir Arnaud Le Marchand, Enclaves nomades.lers, nomades, habitants de résidence mobile ne 18-« La nouvelle infraction d’installation illicite en réunion surtrouvant pas ou refusant une aire d’accueil, sans un terrain appartenant à autrui en vue d’y établir une habita-domicile fixe, militants de la cause libertaire, per- tion est passible d’une peine de six mois d’emprisonnementsonnes recherchant un espace de vie sociale, un et de 3.750 ¤ d’amende. Deux peines complémentaires sontlieu collectif et/ou communautaire. prévues : la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus et, le cas échéant, la confiscation du vé- Depuis 2001, des projets de criminalisation de hicule ayant servi à commettre l’infraction, à l’exception desl’occupation sans droit ni titre sont apparus à di- véhicules destinés à l’habitation. La saisie du véhicule ayantverses reprises et ont généralement été retirés ou servi à commettre l’infraction peut intervenir immédiate-vidés de leur substance suite aux controverses et ment. Seul le tracteur de la caravane peut faire l’objet d’uneprotestations, notamment d’associations pour le saisie et d’une confiscation. »droit au logement. Les lois sur la “sécurité inté- 19-Dans ses articles 27 et 28, le préfet peut faire évacuer lerieure” votées en 2001 prévoyaient de transformer campement dans un délai de 24h à la demande de la mairie,l’occupation de bâtiments vides en délit. Finale- du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage en cas d’at-ment seul le délit d’occupation de terrain nu, vi- teinte à la salubrité ou la sécurité ou la tranquillité publique.sant les nomades, a été retenu. Rien de surprenant Sans jugement et sans que la loi n’ait clairement défini lalorsque l’on voit les propos que ces mêmes législa- tranquillité publique.teurs ont tenu par la suite. Plusieurs organisations 20-«Derrière les problèmes économiques, se profile la ques-critiquent les mesures prises contre les gens du tion du partage. Toujours ! […] Bref, plus un économiste dittvdéoéryliieanugqeruedadnaence2s 0lde0e3c2a10d80ree7t 1dla9e.loDlaiapLnoosuilreplomaupêrrmléaveSeenésctpiuorrintitldéaeIlnola-i qu’il ne parle pas de politique, plus il en parle, et plus le PrinceLOPPSI2 prévoyait d’étendre la question aux ca- dit qu’il ne fait qu’appliquer des lois économiques, plusbanes. Pour celle-ci, la mobilisation a été gagnante il fait de la politique. C’est toujours bon à savoir avant deet l’article scélérat n’a pas passé la dernière barrière mourir à la guerre économique » (2003. Antimanuel d’écono-du Conseil Constitutionnel. D’une manière plus mie, Bernard Maris).générale, beaucoup dénoncent l’amalgame entre«Gens du Voyage» et «délinquance» que ces nou- 127velles lois alimentent.
II. L’ «habitant permanent Grâce aux petites explications suscitées nous de terrains de camping» comprenons qu’il est autorisé de vivre à l’année sur un terrain de camping mais pas d’y établir domicile.D ès les années 50, le camping est considéré par Il faut donc théoriquement être domicilié ailleurs décret comme «une activité d’intérêt général (CCAS, association, famille, ami). Par contre, il n’estlibrement pratiquée». Il se développe et permet ainsi pas possible de réclamer les droits attachés au loge-à de nombreuses personnes de partir en vacances ment. À tout moment le campeur peut être expulséavec des revenus modestes. Peu à peu des terrains sans préavis, les tarifs augmentent au bon plaisir dusont aménagés et nous voyons apparaître de plus en gérant, l’accès à l’eau et à l’électricité est souvent pro-plus d’interdictions de camper en dehors de ceux-ci. hibitif et, cerise sur le gâteau, le terrain étant privé, ilPpeorusrodninveesrsveisveranitsoànl’sa,nanuéjoeusurdr’cheusit,eernraviinros2n11. S0e0s0o0c0- est possible de se voir interdire les visites.cupants sont, pour la plupart, victimes du taux d’ef-fort demandé aux familles pour avoir un toit sur la Les problèmes se compliquent soégnaHleLmLe2n2t.tête et de la précarité du marché de l’emploi. lorsque l’occupant est propriétaire de Nombreux se sont vus devoir laisser leurs mo- Il y a des jeunes qui s’installent sur certains ter- bile-homes avec ses extensions malgré des ins-rains en relation avec leur période d’études ou de tallations datant de plusieurs décennies avec destravail estival, des couples avec ou sans enfants qui accords oraux des gérants. À ce sujet, HALEM etvoient dans le camping un endroit permettant de le DAL ont attaqué le propriétaire du campingmettre de l’argent de côté pour regagner le logement d’Alincourt dans l’Oise (une des plus grosses for-classique. Nous y trouvons aussi des personnes tunes de France) et ont obtenu des indemnitésseules suite à une rupture (chômage, divorce, dé- pour les personnes évincées.cès…), également des retraités qui sont de plus enplus nombreux à faire le choix d’habiter à l’année La Caisse d’allocations familiales accorde desdans ce qui fut leur résidence secondaire... Nous y allocations de logement à la condition que la per-rencontrons également certaines personnes qui ont sonne ne soit pas propriétaire de son habitationpleinement choisi ce type d’occupation du territoire et que celle-ci n’ait plus ses moyens de mobilitéet l’assument complètement. (en retirant les roues par exemple). Selon la dé- finition juridique cet habitant est un «Gens du Selon le Code du tourisme : «Les terrains aména- Voyage» sans carnet de circulation. Il touche desgés de camping et de caravanage sont destinés à l’accueil allocations de logement mais est sans domicile.de tentes, de caravanes, de résidences mobiles de loisirs et Il est expulsable à tout moment et ne peut pasd’habitations légères de loisirs. Ils sont constitués d’em- prétendre aux protections attachées au logement.placements nus ou équipés de l’une de ces installations Nous sommes bien en face d’incohérences, deainsi que d’équipements communs. dérogations et d’inégalités face aux droits, liées à des règlements inadaptés... Ils font l’objet d’une exploitation permanente ousaisonnière et accueillent une clientèle qui n’y élit pas 21-Dans son rapport « Le camping aujourd’hui en France entredomicile. loisir et précarité », France Poulain 22-Habitation Légère de Loisir Ils doivent disposer d’un règlement intérieurconforme à un modèle arrêté par le ministre chargé dutourisme.» (Article D331-1-1) Gio128
E n janvier 2012, une proposition de loi a Les données statistiques retenues par le légis- été retoquée grâce à llaomi doibteilis«aLtiéoonnadreds»a2s3- llaetsesuurivaaunmtesom24e:nt de la loi Besson de 2000 sontsociations militantes. Laprévoyait : «En cas de location dans un terrain de · les itinérants, catégorie correspondant à ceuxcamping et caravanage ou un autre terrain aménagé qui se déplacent de façon permanente, sont éva-à cet effet d’un emplacement, équipé ou non d’un hé- lués à 70 000 personnes ;bergement, pour une durée supérieure à trois mois, lelocataire fournit au loueur un justificatif de domicile · les semi-sédentaires, constitués de ceux quide sa résidence principale datant de moins de trois se déplacent une partie de l’année et sont stabili-mois. Le premier alinéa n’est pas applicable en cas de sés le reste de l’année sur un même site, estimés àrelogement provisoire effectué à la demande ou avec 70 000 personnes ;l’accord du maire de la commune d’implantation duterrain.» (Art. L. 335-1 (nouveau)). · les sédentaires, fixés localement et ayant en principe cessé de voyager, au nombre de 110 000 Le projet de loi ne prévoyait aucune disposition personnes.pour reloger l’équivalent du département de la Lo-zère ainsi expulsé. Elle donnait également un pou- Ces chiffres sont quasi unanimement contes-voir discrétionnaire aux maires pouvant choisir de tés par les associations.garder ou non les pauvres sur sa commune. La circulaire n° 2003-76 du 17 décembre III. Les terrains familiaux 2003, relative aux terrains familiaux, crée la no- tion de terrains familiaux publics à objet locatifL a demande de terrain familial est une réalité pour permettre l’installation de caravanes consti- à prendre en compte dans l’aménagement de tuant l’habitat permanent de leurs utilisateurs.structures adaptées aux habitants de résidences Ce type d’installation peut se situer en zone d’ur-mobiles. Cette forme d’habitat adapté représente banisation future, ainsi que sur des zones natu-en effet une typologie intermédiaire entre l’habi- relles dites «banales».tat traditionnel et le strict nomadisme qui permetaux habitants d’HL un ancrage territorial qu’ils Le financement s’inscrit dans les mêmesrevendiquent fortement. conditions que les aires d’accueil, soit 70 % de la dépense totale hors taxes calculée suivant les Bien avant l’arrivée de la loi Besson, plusieurs mêmes normes techniques que celles retenuesassociations solidaires des «Gens du Voyage» de- pour les aires d’accueil. Cela se traduit aussi parmandaient plus de cohérence au législateur afin l’instauration pour ces projets d’un plafond dequ’il prenne en compte la réalité quotidienne des dépense subventionnable de 15 245 € par placehabitants de résidences mobiles. Ces terrains peu- de caravane. Les terrains familiaux doivent êtrevent être publics ou privés. C’est également sous le réalisés par les collectivités locales.terme «terrain familial» que nous sommes nom-breux à nommer les installations sans autorisation Grâce à cette circulaire, nous avons pu voirsur des terrains non constructibles. nfisaaîtnrtesd25e.sEtternroaiunsscfoamnsitlaiatounxs, hqéuleasntoomujboruersd’iennsutrfe- eux sont indignes (proches d’une déchetterie, Rares sont les voyageurs sans attaches territo- d’une voie rapide...) et que leur aménagementriales, et la solution des aires d’accueil, incluant laisse à désirer (goudronné, sans arbre...). L’éloi-l’obligation de mobilité imposée par des règlements gnement des services urbains (écoles, hôpitaux,intérieurs, n’est que rarement adaptée. Les déplace- épiceries...) rendent compliquée la vie des fa-ments se font au rythme de l’économie de la famille, 2m0i1ll0esdi’nHstoarlltéeefesucxa2r6, malaolrgsrémliensisdtirsecoduerls’ienntéjruiielulert,de la scolarité des enfants, des liens sociaux, etc. celles-ci n’ont que très rarement deux véhicules pour aller travailler souvent très tôt le matin et Hélas, la tendance générale des collectivités ter- s’occuper de la vie de famille.ritoriales (mairies, communautés de communes,Conseils Généraux) est d’éloigner le plus possible 25-357 terrains familiaux ont été aménagés entre 2004 etles habitants de caravanes de leur territoire, et nous 2008, sous différentes formes : terrains familiaux locatifs,voyons fleurir des communes qui se réfugient der- maisons individuelles en location (avec maintien ou non desrière leur aire d’accueil pour ne pas prendre en caravanes), accession à la propriété en autoconstruction.compte la réalité du phénomène de l’HL. 26-« L’exécutif va en outre affecter 10 inspecteurs du fisc afin de contrôler la situation des occupants de ces camps il-23-Député UMP maire de la commune de Châtelaillon- licites et illégaux, car en effet beaucoup de nos compatriotesPlage en Charente-Maritime. La commune a à peine 5% de sont à juste titre surpris en observant la cylindrée de certainslogements sociaux au lieu de 20% et son économie tourne au- véhicules qui traînent les caravanes ». Une partie du discourstour du tourisme. d’Hortefeux le 27 juillet 2010.24-Commission des Lois constitutionnelles, de législation,du Suffrage universel et d’administration générale - Rapport 129n°283 – 1996/1997 M. Jean-Paul DELEVOYE, Sénateur.
I l va sans dire que leurs utilisateurs payent une - Un terrain familial fait partie des possibi- location mais ne touchent des allocations que lités offertes au préfet pour répondre aux be- lorsque qu’ils ne sont pas propriétaires de la ca- soins de logements. ravane (ce qui est plutôt exceptionnel). Ils ne peuvent pas prétendre à un bail locatif car leur Le sénateur Hérisson (président de la commis- contrat d’usage est une convention particulière sion consultative des «Gens du voyage») a promis et interne à un règlement intérieur. Il est souvent récemment qu’il allait proposer dans quelques confié à un gérant privé qui a plutôt une approche mois d’intégrer dans les schémas départementaux sécuritaire de la question que sociale. des «Gens du Voyage» les demandes de terrains familiaux. Ces schémas doivent être révisés tous Malgré ces mauvais exemples, nous sommes les six ans et, pour la très grande majorité d’entre nombreux à penser que cette formule est une so- eux, cette révision vient de se faire. La question est lution qui pourrait devenir acceptable si elle était donc reportée aux calendes grecques et, vu les dif- pensée autrement. En réalité, rien n’interdit des ficultés qu’ont ensuite les communes à se mettre yourtes, des tipis, des autoconstructions légères ; en conformité, il est difficile de compter sur le pro- rien n’empêche l’installation d’espaces communs, cessus qu’il propose pour faire avancer la question de terrains de jeu, de jardins etc. . Aucune loi ne avant une bonne dizaine d’années sans une bonne peut être destinée à une population cible et au pression des associations. nom du droit commun, une population non-tsi- HgaAneLEpMeu2t7us’teilsitsesariscieesddeicseptotesiqtiuoensst.ioLn’aestsopcroiaptoiosne Le schéma départemental de l’Ariège est pré- depuis 2007 de les appeler « Terrains de Vie ». vu pour 2014 et nous sommes déjà en discussion pour y intégrer tous les HL sans discrimination L e 15 octobre 2010, le tribunal administratif afin d’arriver à obliger les communes à tenir de Clermont-Ferrand a enjoint le préfet de compte des besoins. la Haute-Loire d’attribuer, dans le cadre du Droit au logement opposable (DALO), soit un habi- Des discussions sont également en cours pour tat adapté, soit un terrain familial à une mère de créer une structure de financement solidaire afin deux enfants coincée sur une aire d’accueil des d’acquérir des parcelles destinées à cet habitat. gens du voyage. Ce jugement précise trois points jusqu’alors assez flous : IV. Installations illicites - Les aires d’accueil sont des lieux d’habitats L ’utilisation du mot «illicite» n’est bien enten- temporaires uniquement destinés à faciliter le du pas joyeux. Il incite à baisser les bras, à ne stationnement des itinérants. pas creuser plus loin. Ce n’est pas parce que nous sommes en infraction au code de l’urbanisme - Un bénéficiaire du DALO peut légitimement que nous ne pouvons discuter de l’application à la refuser des propositions de logements sociaux lettre des textes définissant l’infraction. ne correspondant pas à sa situation. En l’occur- rence, un propriétaire de caravane n’est pas obligé 27-Association pour les HAbitants de Logements Éphémères d’abandonner sa résidence mobile pour entrer ou Mobiles : « Parmi les personnes qui habitent en habitat léger, dans un HLM classique. que nous appelons des “Halémois” (néologisme, car il n’existait130 pas de mot spécifique en français) il y a ceux qui veulent vivre dans un habitat “conventionnel” en dur et ceux qui désirent garder ce mode de vie. L’association HALEM se propose de représenter et de défendre tous les Halémois. Outre la néces- saire reconnaissance de l’habitat éphémère ou mobile en tant que logement avec les mêmes droits et les mêmes protec- tions que n’importe quelle autre forme de logement, mais aussi avec les mêmes devoirs, nous réfléchissons sur deux pistes convergentes : la possibilité de s’installer sur des terrains non constructibles, et faire évoluer les textes sur les terrains fami- liaux » un des textes fondateurs de HALEM (2006).
Depuis quelques années, le législateur favo- uDn. Dcehsacnotniecrluesniocnosur:srise une exécution rapide des expulsions pardifférents textes de loi. Il est possible, urgent I l est temps d’abandonner l’idée qu’il n’existeet légitime de les contester. Par exemple, dans qu’un seul modèle d’habitat pour tous.le cadre d’un procès dans les Pyrénées-Orien-tales, nous contestons la constitutionnalité de Quand quelque chose ne fonctionne pas, il estl’article L160-1 al. 1 du code de l’urbanisme, plus productif de s’interroger sur les raisons duparticulièrement odieux. Il a en effet introduit problème afin de le résoudre plutôt que d’exclureen 2007, sans vergogne, qu’en méconnaissance et accuser les pauvres d’en être les facteurs. Lades prescriptions imposées par un permis de question du logement est systémique, et ce qui estconstruire, la personne accusée devra détruire arrivé n’est pas une fatalité climatique, mais est lié àelle-même son logement, payera une amende des choix politiques passés. Il semble aujourd’huiallant de 1200€ à 6000€ du m2, une astreinte impossible qu’un quelconque gouvernementpouvant aller jusqu’à 75€ par jour de retard trouve les moyens de produire suffisamment ded’exécution et, en cas de récidive, outre la logements accessibles dans des délais acceptablespeine d’amende ainsi définie, un emprisonne- au regard de la situation. Alors, de la petite fenêtrement de six mois pourra être prononcé. La cri- de ma caravane, lorsque je vois se profiler une ex-minalisation de la pauvreté, avec les gouverne- pulsion pour infraction au code de l’urbanisme, jements successifs depuis 2002, atteint un degré m’insurge et demande pourquoi on ne nous laissede cynisme qui ne peut plus permettre au juge pas tranquilles. Le «sans-abri» dans sa tente a àde peser les priorités. Quelques jugements ont peu près le même réflexe lorsqu’il voit «les bleus»séetémfbalveo,rca’besletsupnoruercudle.2s8yourtes mais dans l’en- débarquer pour le déloger alors que cela fait des années qu’il cherche un logement et qu’il s’est re- Ce sont des lois qui touchent tous les habi- trouvé licencié à cause d’une délocalisation, qu’iltants qui ne sont pas titulaires d’un permis de y a 4,2 millions de chômeurs, 2 millions d’alloca-construire, comme les habitants de bidonvilles, taires du RSA, 1,2 million de ménages inscrits surde campements, de cabanes, de toutes formes les listes d’attente du logement social.d’habitat choisi léger, ainsi que beaucoup depropriétaires de maisons dans les DOM-TOM, Et pourtant, la question de l’implantationmême lorsque les occupants sont propriétaires d’HL tend à devenir une forme de sortie politiquedu terrain. Rappelons qu’avec ces lois, c’est la de la crise. Un habitat amovible, léger, pas cher etpremière fois que les pouvoirs publics ont traité le plus confortable possible a moyen d’évoluer, etla question des bidonvilles par l’expulsion et non la précarisation ressentie par leurs utilisateurs estpar le relogement. C’est un virage important si surtout attachée à la peur de se voir expulser. Lal’on pense par exemple à la loi Vivien, qui, dans perspective autonomisante est intéressante dansles années 1970, organisait la résorption des bi- un contexte de pénurie de logements sociaux etdonvilles par le relogement, et à celle de 2000 où l’on dénonce en même temps «l’assistanat».qui organise le relogement des habitants de loge- La responsabilité de l’État avec ses politiques dements insalubres, en péril ou précaires. Ces textes logement successives est incontestable. Outredéplacent les problèmes. Que vont devenir celles la nécessité, pour la grande majorité de ses oc-et ceux qui seront expulsés dans le cadre de ces cupants, le choix de l’HL permet parfois de senouvelles lois parfois sans jugement, sans procé- réapproprier une certaine autonomie, un pouvoirdure contradictoire, en violation des principes d’achat supérieur, et parfois même une cohérencelégaux protégeant le domicile ? Ils s’installeront avec ses idéaux. Il peut permettre également de seun peu plus loin et seront de nouveau chassés, sortir d’une situation délicate provisoire voire depourchassés et endettés à vie ? s’installer progressivement sur un territoire où l’acquisition d’un logement aurait été impossible. Il n’est pas possible ni même souhaitable de Loin de constituer un modèle, c’est une solutionchiffrer les personnes en infraction au code de face à l’impossibilité structurelle de pouvoir choi-l’urbanisme. Chacun se cache en espérant ne pas sir. Faut-il l’accompagner plutôt que la punir ?recevoir un commandement de quitter les lieux. Par quoi commencer ? Je me garderai bien donc de donner deschiffres afin de ne pas participer à accélérer la ma- • Par faire sauter les blocageschine à punir à laquelle les gouvernements de ces administratifs qui empêchentdix dernières années nous ont habitués mais je l application des règlesconstate une forte augmentation des contentieux de droit communces derniers temps. à ce type de logements bien réels ?28-Voir dans ce recueil : Du droit dérogatoire à l’habitat « adap- • Par inscrire les règles d urbanismeté» au droit commun d’habitats légers, mobiles et éphémères en conformité avec les besoinsBéatrice Mésini prioritaires de notre société ? 131
4/2 Les interactions entre les habitants en mode léger / mobile et le territoire d’implantation132
Art 03 / Gentrification et Nous ne nous posons pas assez les questions qui immigration nous permettraient d’analyser la situation, d’éviter choisie dans nos la catastrophe sociale et de sortir de ce qui a l’air campagnes : d’être une impasse. Le point de vue de cette analyse la place de est plutôt de penser qu’aujourd’hui, les individus l’Habitat Léger qui ont convenu de former une société ne sont pas libres de choisir dans quelle société ils souhaitent Clément DAVID, vivre et que la problématique foncière est au cœur regard d’un acteur local, du débat. La question du patrimoine commun avril 2012 non privatisable qui permet de satisfaire aux be- soins humains tel que la terre, l’eau, l’air, les outils A ujourd’hui, certains villages, certains can- de production, la culture (la liste n’est pas exhaus- tons voire certains secteurs voient émerger tive) et la question de nécessité (logement, nour- de nouvelles populations, de nouvelles pratiques riture, cadre de vie, etc.) ont été abandonnées au culturelles et touristiques, des phénomènes de profit de la propriété lucrative grâce à un système mise en valeur du patrimoine, d’esthétisation... libéral sans limites. En fin de compte, nous vivons Ces éléments sont les premiers indices de la mon- avec une forme d’économie où l’argent est devenu tée d’un processus qu’il est facile de qualifier de plus libre que les individus et ce mécanisme nous «gentrification rurale». Ce terme désigne, dans un impose des fonctionnements que nous sommes espace donné, le remplacement d’une population beaucoup trop à accepter comme s’il s’agissait pauvre par une autre plus aisée (la gentry) ainsi que d’une fatalité climatique. Ces fonctionnements la modification de l’habitat et la forte hausse des sont profitables à certains mais, pour la très grande prix de l’immobilier. La gentrification constitue majorité, les conséquences sont désastreuses. Je ne à l’origine un objet typiquement urbain. Mais les peux m’empêcher de penser à ce bon vieux Marx nouveaux modes d’information, de communica- qui écrivait dans «l’idéologie allemande» en 1845 : tion, de transport et de consommation ont gommé «Toute classe qui aspire à la domination doit conqué- en grande partie la frontière entre urbain et rural. rir le pouvoir politique pour représenter à son tour son intérêt propre comme étant l’intérêt général». Et si on Lorsqu’il s’agit de poser sur la table la ques- se mettait un jour à aménager l’espace en pensant tion de l’urbanisme et du partage du territoire, il à tout le monde... semble impossible de faire l’impasse sur la ques- tion de l’intérêt général et des priorités collec- De plus, l’espace rural, s’il souhaite conser- tives. Pourtant, il devient très commun en France ver ses services (écoles, postes, administrations, de traiter de la question des pauvres et des étran- transports publics...), doit rapidement remettre les gers avec des propos du type «hors de chez nous» habitants au centre de ses priorités. Aujourd’hui, ou des faux débats tels que «la lutte contre la il tend à devenir de plus en plus partitionné entre fraude sociale». Les victimes d’un système inéga- le résidentiel de loisir, le rural-récréatif en quête de litaire finissent par être accusées d’être les fautifs niche environnementale préservée et le «rural- de la crise que nous traversons. dortoir» pour les travailleurs urbains. L’habitat léger, dans ce contexte, a une place qu’il n’est plus possible d’ignorer. Il concerne plu- sieurs centaines de milliers de personnes, toutes catégories sociales et juridiques confondues. Même s’il n’est pas totalement nouveau, cet en- gouement est un signe d’une société en mutation et n’est pas complètement indépendant de la crise. Il devient urgent de tenir compte de ce phéno- mène et de l’accompagner. 133
Contexte Différentes causes L es données INSEE indiquent, dans de nom- B eaucoup ont compris combien ils pouvaient breuses zones rurales, un solde migratoire à profiter de l’augmentation exponentielle nouveau positif dès les années 1980, et la repré- du cours de l’immobilier pour vendre un ar- sentation de la ruralité a changé, substituant à la pent de terre ou une ruine dans les collines dix «dure rusticité de la campagne» des valeurs posi- fois plus cher qu’ils ne l’auraient fait quinze ans tives de «bien-être authentique». auparavant. Ils sont par contre peu nombreux à «améliorer» leur bien, laissant aux acquéreurs le En dehors des propriétaires immobiliers qui soin de s’en occuper. Nous atteignons aussi un ont un intérêt direct à apporter une plus-value à fort taux de logements indignes en relation avec leur patrimoine, le phénomène de gentrification le fort taux de propriétaires occupant leur bien. n’est que très rarement l’œuvre consciente de chacun des particuliers qui l’alimente. · La loi de Solidarité et Renouvellement Urbain SRU 2000 a entériné le principe de mixité sociale. La population des gentrifieurs en milieu rural est Par contre, elle ignore les dynamiques sociales et très particulière. Ils sont souvent plus diplômés et culturelles des campagnes qui devraient accompa- globalement plus aisés que les populations préala- gner les débats sur l’«aménagement» des territoires. blement en place, sans pour autant être très “riches”. Béatrice Mesini (chercheuse au CNRS) écrit à ce sujet : «La diversité de l’habitat reste lettre morte, invi- · Le caractère préservé attire de nombreux touristes sibilisée au cas par cas dans du droit dérogatoire, forte- consommateurs de résidences secondaires. Le marché ment reléguée en termes de territoires et de populations du résidentiel secondaire est florissant (+45% en 15 «cibles» de l’action publique. En limitant l’objectif de ans) avec un investissement fortement spéculatif. 20% de logements sociaux aux communes de plus de 3500 habitants, la loi SRU a provoqué une rupture · Certains, la retraite venant, se sont installés à de l’équité territoriale et de la cohésion sociale entre les l’année pour devenir d’authentiques gentrifieurs. villes et les campagnes. Outre le renforcement du pro- cessus de ségrégation par polarisation de l’habitat so- · Les mutations semblent aussi, à de nom- cial en milieu urbain et péri-urbain, le dispositif laisse breux égards, relever plutôt d’une forte présence totalement en dehors de «l’effort national en faveur du de jeunes diplômés, d’artistes, d’employés du sec- ldoegse3m6en7t82soccoiaml»muqnueeslqfruaensç3a3ise9s14.3»communes rurales teur culturel, qui œuvrent entre autre à l’esthéti- sation et à la patrimonialisation. Nous sommes également bien obligés de constater que les principales ressources des collec- · Ces mutations mettent aussi parfois en jeu des tivités sont les «droits de mutation». Ils recouvrent «super gentrifieurs» appartenant à la grande bour- les impositions indirectes perçues à l’occasion de geoisie intellectuelle : familles héritières d’artistes la publication d’une opération au fichier immobi- de renommée mondiale, éditeurs parisiens, ou lier. Elles sont versées au département et à la com- producteurs dans l’audiovisuel par exemple. mune. Afin de compenser la suppression de la taxe professionnelle, la part qui précédemment reve- Nous assistons également à un autre phéno- nait à l’État a été transférée au département depuis mène : la crise de l’emploi et du logement, la peur le premier janvier 2011. En 2010, leur assiette s’est de la régression sociale et de l’exclusion poussent montée à 285 milliards d’euros et leur produit à 9,9 les individus à privilégier le mode d’habiter rural milliards d’euros (une paille !). La forte croissance qui représente, en tout cas dans l’imaginaire, un de cette ressource fiscale depuis 2000 a contri- territoire où l’on peut vivre modestement avec les bué au financement des dépenses sociales prises avantages de la nature et de la solidarité. La mobi- en charge par les collectivités locales (RSA, per- lité géographique est de plus en plus un moyen réel sonnes âgées, handicap) et transférées par l’État ou rêvé d’échapper à l’exclusion, les communes ru- dans le cadre de la décentralisation. Pour parler rales devenant terres d’accueil pour exclus citadins. simple, les collectivités sont dans l’obligation fi- nancière de favoriser la plus-value des biens immo- 1-Donnée agrégeant : 21 038 communes de moins de 500 biliers pour arriver à payer, entre autres, les aides habitants, 10 912 de 500 à 2000 habitants, 1 993 de 2000 sociales aux plus démunis. Tous les ingrédients à 3 500 habitants, chiffres cités in « Les finances des com- sont là pour avoir envie de chasser les pauvres, ré- munes de moins de 10 000 habitants », Ministère de l’inté- putés pour être les fautifs de la dévaluation immo- rieur et de l’aménagement des territoires, collection Statis- bilière. Eh oui, la présence de pauvres suffit à dimi- tiques et finances locales, 2003. nuer la pression foncière. Il est difficile de soutenir134 qu’il faille éliminer cette taxe au nom du principe de solidarité, si celle-ci n’est pas remplacée. C’est pourtant cela même que propose l’UMP lors de la campagne électorale de 2012.
· Là où les habitations ont toujours été faites françaises étaient constituées majoritairement deen fonction des moyens du moment, du climat et fermes éparpillées dans le paysage, qui entrete-des besoins, les aménageurs essayent d’inventer, naient une relation forte à l’échelle du territoire.même si elles n’ont jamais existé, des traditions Aujourd’hui, l’enjeu de nos campagnes est diffé-d’excellence dans les modes de construction. rent, car rares sont les personnes qui vivent, tra-Tout est fait pour attirer un public fortuné, sal- vaillent et gardent une activité en relation directevateur pour des pays de plus en plus paupérisés. avec le territoire qu’elles occupent ; par consé-Des Parcs Naturels, des Naturas 2000, des «Pays quent, le caractère rural d’une commune est ratta-Verts» et tutti quanti, avec leur charte de pay- ché à la notion de «villégiature» que des citadinssage, leurs interdictions, leurs recommandations, devenus majoritaires réduisent à un cadre pay-participent à figer les territoires, à créer un type sager. Cette logique tend à morceler le paysage, àd’habitant idéal à accueillir. Cela en faisant trop le décomposer en zones et à éliminer petit à petitsouvent fi des considérations sociales et de l’accès les liens jadis créés par l’homme vis-à-vis de sonau logement pour tous. Ce n’est que dans de très territoire. Cette tendance entraîne l’agrandisse-rares cas qu’ils tiennent compte d’une popula- ment des exploitations agricoles, tue le commercetion modeste ou faisant le choix de plus de sim- de proximité, désertifie les espaces négligés parplicité dans leur mode d’habiter. l’agriculture moderne et néglige l’entretien de ces mêmes paysages. Doit-on protéger la campagne de· Mesdames et messieurs les propriétaires toute activité humaine pour répondre au mythe deiRmumraolebi(lZieRrsR, 2d)a,ndseulexs Zones de Revitalisation la vie sauvage entretenu par le citadin ? Est-ce que dispositifs essentiels vous la campagne doit être aménagée pour l’urbain etconcernent : «les personnes physiques qui ont ac- avec des conceptions urbaines ? Depuis plusieursquis puis amélioré un logement à l’aide d’une sub- siècles déjà, le paysage français a été colonisé, utili-vention de l’Agence Nationale pour l’Amélioration sé, exploité par l’humain. L’abandonner à son sortde l’Habitat (ANAH) en vue de sa location peuvent du jour au lendemain serait catastrophique.être exonérées de taxe foncière et les revenus foncierstirés d’un logement construit ou acquis neuf, ou bien P oint d’angélisme ! La chasse aux pauvres estencore réhabilité ou transformé, font l’objet d’une dé- ouverte un peu partout. Les Directions Dé-duction forfaitaire de 40 %». Pas mal, diriez-vous, partementales du Territoire (DDT) et les mairiesmais cette loi est accompagnée d’alinéas pour afrtatacqtiuoennatudceodpeludseeln’uprbluasnilsems ein4,stsaolulavteionntsauennoinm-mesdames et messieurs les investisseurs du sec-teur du tourisme : «en cas de mise en location d’un dtaege«»ch5.aDrteesndoempabyrseaugxesd»ocouumdeen«tsluotntet contre le mi-logement situé dans une résidence de tourisme ou été rédigés,bien d’un meublé de tourisme, une réduction d’impôt à l’aide de financements publics, pour décrire etsur le revenu est accordée. Pour eux, les travaux de ré- enrayer le phénomène de ces habitations légères.habilitation, de reconstruction, d’agrandissement ou Par contre, aucun ne traite de la manière de régu-d’amélioration de logements anciens sont désormais lariser ces établissements spontanés qui pourtantpris en compte». sont la conséquence des politiques d’aménage- ment du territoire et des besoins d’aujourd’hui.· Depuis la création de son code, en 1967,un des axes principaux de l’urbanisme est lalutte contre l’étalement urbain et le «mitage».La tendance est grande de les confondre, maisl’un désigne le phénomène de développementdes surfaces urbanisées en périphérie des villes,tandis que l’autre est relatif à l’implantationd’édifices dispersés dans un paysage naturel detype rural. La logique reste toutefois la même :réfléchir à comment concentrer le plus possibleles constructions afin de protéger, entre autres, lepatrimoine agricole (160 ha de surface agricole 2-Créées par la Loi d’orientation pour l’aménagement et le dé-utile disparaissent chaque jour), d’économiser veloppement du territoire du 4 février 1995, les zones de revita-les infrastructures collectives (routes, fluides, as- lisation rurale (ZRR) regroupent des territoires ruraux qui rencon-sainissements…) et de elitmdi’tienrélgeaslidtéésp3l)a.ceSmurendtes trent des difficultés particulières : faible densité démographique,(facteurs de pollution handicap structurel sur le plan socio-économique.nombreux aspects, cette logique peut se défendre 3-Les déplacements sont aussi causes de renforcement desmais elle reste toutefois très urbaine et éloignée inégalités. Les moins riches vont là où c’est moins cher, loin dedes priorités rurales qui ont besoin de conserver tout, et dépensent plus en transport (l’accès à la propriété : rap-leur dynamisme. En effet, contrairement à l’éta- port de la Fondation Abbé Pierre 2011)lement urbain, on a tort de considérer que le mi- 4-Voir dans ce recueil : Le droit au Logement pour les usagers d’ha-tage est destructeur de paysage. Il est bon de rap- bitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs. Regard d’un militantpeler qu’historiquement, certaines campagnes (avril 2012) Clément DAVID 5-Le choix du mot n’est pas très joyeux lorsqu’on l’utilise pour empêcher un public à revenus modestes de s’installer sur un territoire à forte pression foncière. Faut-il protéger la jolie nature de la présence des plus démunis en les comparant à des mites ? 135
Il arrive même parfois d’entendre des arguments du Aucun effort de planificationtype : «De même, le fait que les Pyrénées-Orientalessoit l’un des départements des plus attractifs et des plus L e tourisme fait du contrôle de l’urbanisationtouchés par la précarité explique la spécificité locale du un enjeu majeur. De nombreux secteurs sontphénomène. Cette dérive est accentuée par la carence im- touchés par une véritable frénésie immobilièreportante de l’offre de logements sociaux dans le départe- aux conséquences graves pour la population lo-ment [...]. C’est pourquoi la lutte contre la cabanisation a cale. La flambée des prix du foncier local associéeété identifiée comme une priorité dans le projet d’action à une pénurie de logements locatifs marginalisentstratégique de d’État dans le département (2004- 2007). les ménages à revenus modestes. Les collectivitésPour être efficace, elle implique une action concertée et interviennent plus sur l’immobilier de loisir danscjeocntivfsergpeanrtteagdées.t»rè6s. nombreux partenaires, autour d’ob- l’espoir de favoriser le développement futur de C’est, entre autres, avec ce type leur commune. Certes, on tente d’intégrer lesde propos que l’on constate que l’État laisse de côté résidences de tourisme dans le tissu ancien desune de ses missions principales, celle de la solidarité. villages en respectant l’architecture locale, mais laIl s’attaque aux symptômes plutôt qu’aux causes du question du coût de ces constructions nouvellesproblème. Quoi qu’il en soit, qu’elles soient subies reste posée : coût des travaux d’aménagementou plus ou moins choisies, ces habitations correspon- des réseaux (assainissement, adduction d’eau,dent à ce que leurs occupants ont trouvé de mieux électricité…), coût environnemental (forte af-dans leur contexte et l’impact sur l’environnement et fluence de personnes sur une période courte etles paysages est négligeable voire bien inférieur à une des assainissements collectifs qui ne peuvent pasmaison ou un immeuble plus conventionnel. Il est suivre), coût social (concurrence pour l’accès àplus logique, vu le constat de carence de logements, l’habitat entre population locale et populationde contester le principe même de l’expulsion et de touristique)… Aucun des diagnostics de terri-chercher des solutions au phénomène en régularisant toire réalisés dans le cadre des contrats de pôleet accompagnant les établissements spontanés. touristique n’a envisagé ces questions essentielles en matière de développement durable et c’est Difficile, avec de tels constats et mesures, de à l’intervention isolée de quelques communesrééquilibrer, de limiter les effets d’une saisonna- que l’on doit l’inscription d’opérations de naturelité trop marquée sur le tissu économique local et sociale bénéficiant au «pays» dans son entierde préserver une vie sur le territoire toute l’année. (maisons des saisonniers, réserves foncières pour créer du logement à destination de la populationPourvues de trop peu d’instruments de maî- permanente, parfois du logement social).trise du marché foncier, les communes volon-taires qui essaient de créer du logement social, Par exemple, l’arrivée d’un nouveau label vantantdes espaces pour installer des résidences légères, les mérites esthétiques et patrimoniaux d’un terri-pour conserver une vie à l’année sur leur terri- toire laisse présager une augmentation de la pres-toire, baissent les bras, à dquuemlqaurecshée7x. ceptions sion foncière et du taux de résidences secondaires.près, devant la concurrence Les modifications liées aux pratiques résidentielles et touristiques d’une part, la concurrence foncière 6-“Charte de bonne conduite dans le cadre de la lutte contre et le développement du bâti qu’elles induisent la cabanisation dans les Pyrénées-Orientales”, rédigée et d’autre part (concurrence pour l’usage de l’espace signée par le Préfet des Pyrénées-Orientales le 31 octobre agricole mais également pour l’ensemble de la fonc- 2006. Les différents signataires régionaux sont : le président tion résidentielle), sont totalement sous-estimés du Conseil Général, le président de l’association des Maires actuellement par les collectivités territoriales tant et des adjoints, le président de la chambre des notaires, le au niveau régional ou inter-régional qu’à l’échelon directeur d’EDF, le président de la CAF (tout cela est très bon intercommunal. De mon point de vue, les aména- pour favoriser le logement indigne des personnes obligées de geurs des secteurs ruraux n’incluent que trop rare- se cacher), et, cerise sur gâteau, le président de la fédération ment ces problématiques, pourtant centrales, dans de l’hôtellerie en plein air (sûrement pas par philanthropie). les outils à leur disposition (Parcs Naturels, Natura http://www.macabane.info/spip.php?article6 2000, «Pays Verts», etc.). 7-Voir le paragraphe « Des collectivités locales engagées dans des politiques volontaristes » dans « Logement et cohé- Les lois Grenelle recentrent le débat sur les sion sociale, le mal logement au cœur des inégalités », Didier aspects quantitatifs (combien de logements, sur Vanoni et Christophe Robert combien d’hectares, sur quels emplacements).136 Les enjeux environnementaux mis en avant ser- vent d’alibi pour un nouveau business (la crois- sance verte) et créent une forme d’immigration choisie. Elles finissent par justifier des politiques anti-sociales surtout si on les associe aux «chartes de paysage» et aux droits de mutation comme principal financement des collectivités qui in- citent les communes et les Conseils Généraux à favoriser la spéculation immobilière.
La notion de paysage Toutefois, fait-il remarquer, ‘‘la société est en mouve- ment. Il faut que le règlement s’adapte à nos vies. OnC ette notion subjective se passe de beau- en est aux balbutiements’’. Certes, peu de personnes coup de commentaires. La question cen- en font la demande. Mais il n’est pas improbable, se-trale semble plutôt sociale ou culturelle. Faut-il lon lui, qu’on ‘‘intègre un jour dans les PLU [Plangarder un espace figé au nom de critères subjec- Locaux d’Urbanisme] ces logements temporaires,tifs et qui ne correspondent pas nécessairement alternatifs’’. Des outils réglementaires pourraientà l’évolution de la société ? Quelle est le poids donc être envisagés afin de régler cette question. Etde cet argument face aux difficultés à se loger de résumer : ‘‘Les solutions, c’est les élus qui peuventet à la notion d’autonomie du territoire par le les avoir’’. Il existe des lieux propices à ce genre d’ha-maintien d’une population active ? Dans le jour- bitation. De plus, il en faut donc pour tous les goûts.nal La Dépêche Grand Sud / Hautes-Pyrénées ‘‘Heureusement que la population française n’est paspublié le 01/07/2011, «René Colonel, l’Archi- normée’’, termine-t-il.». Dans la réalité, la norma-tecte des Bâtiments de France (ABF), rappelle les lisation comme au Pays Basque avec ses joliesrègles dans les espaces protégés et constate que pour maisons traditionnelles est l’argument le plus fré-l’habitat alternatif, rien n’est simple, ni codifié. quent de refus de permis de s’installer dans desDans une société en mouvement, il pense que des habitats légers, considérés par l’administrationrèglements pourront apporter des solutions. [...] comme des «constructions inhabituelles dans leCependant, sur cette question, l’ABF avoue ne pas lp’eanyvsairgoen(nqeumi)ensteraaricehnittedcetunraaltu8r»e à porter atteinte àavoir ‘‘d’avis préfabriqué’’. Et d’annoncer qu’il di-rait clairement «non» si quelqu’un installait une 8-Opposition habituelle qui accompagne les refus d’instal-yourte à proximité de la cathédrale. Car dans sa ler une yourte. Une variante étant : « les yourtes sont desposition, deux règles du jeu doivent être respectées constructions d’origine mongole ; elles ne s’intègrent pasdès lors qu’il s’agit d’espaces protégés porteurs de dans le paysage et se voient donc opposer un refus à causel’image du terroir. [...] de leur architecture. » 137
Des leviers ? dgard Pisani9 a eu ces belles phrases très si- I l faut souligner que l’habitat ne doit pas être E gnificatives : compris comme la production de construc- tions, aussi «adaptées» fussent-elles, mais bien «J’ai longtemps cru que le problème foncier était comme une démarche complète, globale et trans- de nature juridique, technique, économique et qu’une versale : mode d’habiter, mobilité, intégration bonne dose d’ingéniosité suffirait à le résoudre. J’ai socio-culturelle et économique, activités et em- lentement découvert qu’il était le problème politique plois, école, citoyenneté... le plus significatif qui soit, parce que nos définitions et nos pratiques foncières fondent tout à la fois notre ci- Une circulaire du Ministère de l’Écologie et vilisation et notre système de pouvoir, façonnent nos du Développement Durable du 13 juillet 2006 comportements.» est venue préciser la définition de l’intérêt com- munautaire en matière «d’habitat» au profit des «Entre l’avoir, l’être, le savoir, le faire, le pa- communes et de leurs groupements. Les compé- raître et le pouvoir, qui absorbent toutes nos éner- tences «politiques du logement et du cadre de vie» gies, l’avoir l’emporte aujourd’hui car il donne le des communautés de communes et l’«équilibre pouvoir, permet le paraître, domine le faire et dis- social de l’habitat» des communautés urbaines et pense d’être et de savoir. » des communautés d’agglomération peuvent être regroupés sous le terme de «politique locale d’ha- L’appropriation du sol et des moyens de sub- bitat». Parmi les objectifs attendus, il s’agit de sistance ou de première nécessité, réglée par le «favoriser la satisfaction des besoins de logements, code Napoléon, n’est pas universelle ni intan- de promouvoir la qualité de l’habitat et l’habitat du- gible : un nouveau rapport au sol, aussi bien rural rable ou encore de favoriser une offre de logements qu’urbain, est possible. qui, par sa diversité de statuts d’occupation et de ré- partition spatiale, assure la liberté de choix pour tous Le droit humain, reconnu par les écoles de de son mode d’habitation». droit comme un droit subjectif, nous amène à faire peser dans la balance de la justice le droit De son côté, l’Organisation des Nations à la subsistance face au droit de propriété. En Unies (ONU) dit : effet, posséder du foncier ne peut être résumé - avoir retenu dans la deuxième Conférence par l’article 544 du code civil français spéci- des Nations Unies sur les Établissements fiant : «La propriété est le droit de jouir et dispo- Humains (Istanbul, 1996) deux thèmes de ser de biens de la manière la plus absolue, pourvu dimension mondiale, aussi importants l’un qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois que l’autre : «un logement convenable pour et les règlements.» tous» et «le développement durable des éta- blissements humains dans un monde de plus en Une circulaire du Ministère de l’Écologie plus urbanisé». et du Développement Durable du 13 juillet - dans son AGENDA 21 que «tous les pays de- 2006...les objectifs attendus, il s’agit de «fa- vraient aider les pauvres à se procurer un logement voriser la satisfaction des besoins de loge- en adoptant des codes et règlements et en s’em- ments, de promouvoir la qualité de l’habitat ployant activement à régulariser et à améliorer les et l’habitat durable ou encore de favoriser établissements spontanés.» (chapitre 7, 1998) une offre de logements qui, par sa diversité Dans son programme pour l’habitat, elle de statuts d’occupation et de répartition spa- s’engage «à institutionnaliser une approche tiale, assure la liberté de choix pour tous de participative de la gestion durable des établis- son mode d’habitation». sements humains, reposant sur un dialogue constant entre tous les protagonistes de l’amé- 9-Successivement ministre de l’Agriculture dans les cabi- nagement.» (chapitre III-C.45.§h, 1998) nets Michel Debré en 1961 et 1962, et de Georges Pompidou Cependant, je ne crois pas qu’il faille espérer de 1962 à 1966 (il joue un grand rôle dans la définition de la qu’une solution vienne d’en haut. J’ai plus politique agricole commune de la CEE) ; ministre de l’Équipe- d’espoir lorsque je vois un comité d’habitants ment dans le troisième cabinet Pompidou en 1966 et 1967 se constituer pour lutter contre une spécula- (il prépare notamment la loi d’orientation foncière — la LOF — tion immobilière tolérée voire encouragée par adoptée en 1967) ; ministre de l’Équipement et du Logement certains édiles. On voit aussi parfois surgir des dans le quatrième cabinet Georges Pompidou en avril 1967, mouvements sociaux inquiets de la dégrada- l’année où il donne sa démission de membre du gouvernement tion de l’espace rural. Mais les stigmates sont (le Conseil des ministres demande l’autorisation à l’Assemblée hélas très profonds. de gouverner par ordonnance et Edgard Pisani est contre) ; mi- nistre chargé de la Nouvelle-Calédonie du 21 mai 1985 au 15138 novembre 1985. Sa compréhension de la problématique fon- cière a évolué au fil de sa carrière. À lire : Utopie foncière.
Certes, la propriété, antérieure à l’État, est ab- Dans l’exercice du droit de propriété, la no-solue. Néanmoins, les individus ayant convenu tion d’intérêt général prime sur la notion de droitde former une société, toute loi est une émana- et d’intérêt personnel. Le droit «immuable ettion de leur consentement, une expression de sacré» devient un droit délégué par la société àleur volonté. Aussi la restriction est-elle légitime. l’individu capable de l’exercer dans l’intérêt de laBonaparte tenait à sauvegarder la surveillance gé- collectivité, droit qui peut lui être retiré s’il se ré-pnaérrtailceuqliueersd. ePvoarittaelixse10rc, efrorl’tÉrtéaatlissuter,lensebcireanigsndaeist vèle incapable d’un tel exercice. Seul l’intérêt depas de déclarer lors de la discussion du Conseil la collectivité étant «sacré», et non l’arbitraire ded’État et du Tribunal sur le Code Civil : «Il n’est l’individu devenu plus puissant qu’un monarquepas question d’examiner ce qui est le plus conforme sur sa propriété.au droit naturel, mais ce qui est le plus utile à la so-ciété.» Pour Robespierre, la propriété était «le 10-Avocat, homme d’État, jurisconsulte, philosophe du Droitdroit qu’a chaque individu de jouir et de disposer de français, membre de l’Académie française et Grand aigle de lala portion de biens qui lui est garantie par la loi», Légion d’honneur (1805). Il est connu pour avoir été le principalet non pas un « droit sacré ». Et voilà comment rédacteur du Code civil. On lui doit quelques citations célèbresfut établie, et adoptée, la distinction entre le droit comme : « Nous appelons esprit révolutionnaire, le désir exalté«le plus absolu», et l’usage de ce droit, limité, dès de sacrifier violemment tous les droits à un but politique. (Dis-sa reconnaissance, par l’utilité commune, dont cours préliminaire prononcé lors de la présentation du projet del’expression se trouve dans les lois et règlements. Code civil), « [Le code civil] est un corps de lois destinées à diri-On voit que l’expression restrictive de l’article ger et à fixer les relations de sociabilité, de famille et d’intérêt544 du Code civil, tout en reprenant, pour par- qu’ont entre eux les hommes qui appartiennent à la même cité »tie, une proposition romaine, n’a pu être forgée 11-« Vous êtes saisis d’horreur parce que nous voulonsque sur un contresens. Ce paradoxe est pourtant abolir la propriété privée. Mais, dans votre société actuelle,devenu la religion d’aujourd’hui. Limiter le droit la propriété privée est abolie pour les neuf dixièmes de sesde spéculer, remettre en cause le droit du sang membres ; si cette propriété existe, c’est précisément parce(l’héritage) est le blasphème de notre siècle mais qu’elle n’existe pas pour ces neuf dixièmes. Vous nous re-malgré etot uréti,nntoertrperéstoecriécetédnr’oéivto11lu. era pas sans re- prochez donc de vouloir abolir une forme de propriété qui apenser pour condition nécessaire que l’immense majorité de la so- ciété soit frustrée de toute propriété. En un mot, vous nous accusez de vouloir abolir votre propriété à vous. En vérité, c’est bien ce que nous voulons.» Encore ce bon vieux Marx (Manifeste du parti communiste 1848). S.B 139
De l’exclusion T outes les formes de précarité sont en pro- gression dans les espaces ruraux : précarité économique, avec des faibles revenus salariaux et des problèmes de logement ; précarité sociale, marquée par des phénomènes d’isolement, d’ex- clusion ou de relégation ; et enfin précarité éner- gétique lorsque les ménages consacrent une part trop importante de leur budget aux charges de chauffage en raison de la vétusté des logements. Nous y rencontrons aussi les «gars du coin», ces jeunes qui peuplent les villages dans un désœu- vrement et une «exclusion» comparables à ceux de la jeunesse des «cités», quoique selon des modalités très différentes. On sait que les événements et les situations à l’origine de l’exclusion engendrent des réactions diverses selon les individus : détresse et dépres- sion, auto-exclusion, résistance, recours à l’aide, délinquance, suicide, drogues, initiatives... Mais on sous-estime le fait que la spécificité de ces réac- tions individuelles va de pair avec les spécificités des milieux et espaces géographiques dans lesquels les individus vivent. Cette hypothèse s’appuie sur l’observation des différences dans le mode de ré- sistance des «exclus» selon les espaces. Dans les métropoles, avec l’aggravation de la pauvreté et de la misère, s’est développée la vente de la presse de rue, la mendicité, la mu- sique... dans les rues, les entrées de grands ma- gasins... pour permettre parfois de se payer une chambre d’hôtel, de se laver, pour trouver du travail, boire un coup, casser la croûte... Le phé- nomène des SDF est d’autant plus présent que la ville est de grande taille. En milieu rural au contraire, la résistance s’ef- fectue le plus souvent sur la base de la petite ex- ploitation de subsistance, l’autoconstruction, sur le jardin potager et l’autoconsommation, parfois sur le travail précaire et saisonnier (vendanges, bûcheronnage, travail dans le bâtiment) et l’éco- nomie informelle. Le RSA, lorsqu’il est demandé et accordé, permet dans ce contexte de subvenir plus facilement aux besoins essentiels. Là encore, à condition de ne pas poser le ter- ritoire comme un facteur a priori de l’exclusion, il peut être intéressant de tester la valeur de cette hypothèse. «Toutes les formes de précarité sont en progression dans les espaces ruraux : précarité économique, avec des faibles revenus salariaux et des problèmes de logement ; précarité sociale, marquée par des phénomènes d’isolement, d’exclusion ou de relégation...»140
La place de l’habitat Léger activités diverses menées par leurs occupants. De nombreuses personnes sont restées et la popu-P our ce chapitre, je ne rajoute aux autres lation a été multipliée par cinq depuis cette pé- contributions de ce recueil que quelques riode. Ne pouvant pas payer de taxe d’habitation,témoignages de maires de petites communes en chacun a fait le choix de faire des dons à la com-Ariège. Je ne reviens pas non plus sur les difficul- mune pour participer et ne pas être une chargetés que font certaines mairies aux habitants de (eau, ordures…). C’est la seule commune ducaravanes, déjà également largement évoquées secteur à avoir connu ce type de développementdans d’autres articles. Nous ne parlons peut- démographique et grâce à elle, l’école primaire deêtre pas suffisamment des campements dans les la commune voisine, un moment menacée de fer-interstices urbains et périurbains. Pourtant, la meture, a été maintenue. Un boulanger a pu s’ins-manière dont ils sont traités par les médias, le taller sur place, en tipi dans un premier temps, etgouvernement actuel, les mairies, les adminis- Dominique Masset a lui même habité de nom-trations, est caractéristique. Le terme «Rroms» breuses années en roulotte sur la commune toutest par exemple inadapté à la situation et chacun en exerçant sa fonction de maire.d’entre nous, en l’utilisant, déplace un problèmede réfugiés politiques et/ou économiques vers 12-Voir dans ce recueil : Le droit au Logement pour les usagersdes considérations ethniques et culturelles. C’est d’habitations légères ou mobiles ? Droits et Devoirs. Regard d’unle même phénomène qu’il faut redouter lorsque militant (avril 2012) Clément DAVID.l’administration utilise l’appellation «errants»pour désigner les personnes sans domicile et à 141qui il ne reste que des interstices pour se réfu-gier. Est-ce par leur manque de volonté qu’ils seretrouvent à la rue, ou à cause du fait que notresociété ne laisse pas de place pour tous ? Si nousne faisons pas assez attention à utiliser les bonsmots, nous réduisons notre capacité à com-prendre le phénomène. Avec Laure Maurel (militante du réseau HA-LEM Ariège) nous avons pris l’initiative de réunirdes maires dans le but de les fédérer et de créer unréseau d’entraide et d’information, pour s’organi-ser et trouver avec eux des solutions pertinentes etémancipatrices en opposition au système actuel.Durant le débat, l’accent a été mis sur le dé-veloppement touristique au détriment du loge-ment en milieu rural, sur le rôle des maires qui seretrouvent parfois seuls face à des mesures allantà l’encontre des habitants. Les Habitats Légerssont apparus comme pouvant être des solutionspertinentes tant sur le plan social qu’écologiqueet économique. La mise en place d’aménage-tmerernatisnsenfaumtiilliiasaunxt1,2peatreenxetmenpalnet, la circulaire des compte de l’ac-cès aux réseaux et de la sécurité incendie pourraitpermettre d’accueillir de nouvelles familles. Il aété souligné l’importance de veiller à ce que ceslieux constituent et restent le domicile des per-sonnes (résidence principale), en insistant sur laréversibilité des installations – le sol pouvant re-tourner à son usage initial puisque ce type d’ha-bitat est démontable ou transportable. Dominique Masset est maire de Monta-gagne (45 habitants) depuis 20 ans. Depuis ledébut de son mandat, il a toujours connu en-viron 7 à 8 habitats légers sur la commune. Ilssont souvent des solutions temporaires, per-mettent une installation progressive et accom-pagnent de vrais projets de vie. Ils ont finale-ment apporté de la vitalité au village grâce aux
M. Untel est adjoint au maire d’une com- des formes de vie collective, des techniques agri- mune de 460 habitants depuis environ 15 ans. Il coles, de bâtiment... Sa raison d’être est indéniable. a constaté le phénomène de désertification des Peu de lieux existent pour expérimenter la gratuité années 70, puis l’arrivée sur la commune de nou- et permettre une arrivée progressive dans la région. velles personnes. Beaucoup se sont installées sur des terrains agricoles avec des habitats légers. Ces Les anciens propriétaires et l’ancienne mairie installations n’ont causé aucun trouble, voire ont n’ont jamais vu d’objection à ce que ces maisons permis de répondre au manque de logements et et parcelles abandonnées soient occupées et re- à la pression foncière tout en revitalisant le pays. construites à ces usages. Les trois derniers arrivés L’arrivée d’un maire a bouleversé cet équilibre. élèvent des chèvres, font un excellent fromage, ont Ancien fonctionnaire de la DDE, il n’a pas suffi- des poules, ont entretenu bâtiments et terres pen- samment tenu compte des us et coutumes locaux, dant trois ans... Mais problème, la commune d’Es- et une chasse à ces habitats alternatifs a vu le jour. plas, avec son nouveau maire, a choisi de devenir Des hélicoptères ont tourné au-dessus du village propriétaire depuis un an et demi, avec comme et des expulsions ont commencé. C’est grâce à la argument un vague projet de développement tou- pression locale que quelques régularisations ont ristique. Rien de très précis, pas d’échéances, pas été obtenues (permis de construire ou prescrip- de prévisionnel. Malgré cela, le maire déclenche tion pénale de 3 ans). Encore aujourd’hui, les ha- une procédure en urgence et le tribunal de référé bitats légers répondent à la difficulté de se loger. de Saint-Girons ordonne l’expulsion le 25 mars Par exemple, des natifs de la commune n’ont eu devant les propos du requérant. que cette solution pour rester, l’offre de logement étant trop faible et les prix prohibitifs du foncier en Depuis cette date nos amis ont quitté les bâti- augmentation permanente. Un bémol a toutefois ments de la commune, condamnés à vivre dans été mis au sujet de l’usage de la construction une une tente sur des parcelles voisines pour conti- fois l’autorisation donnée (construction qui risque nuer leur exploitation agricole. de devenir une résidence secondaire ou une loca- tion précaire du type «marchand de sommeil»). La mairie de Arrout, avec le soutien de ses ha- Ce risque de dérive a interpellé tout le monde. bitants, a dû batailler pour défendre un couple ins- tallé avec son accord. Une solution technique au- M. Autre est maire d’une commune de 32 ha- rait pu être trouvée avec les services de l’État. Mais bitants depuis 3 ans. Sur sa commune, un proprié- le zèle particulier de la DDEA de St Girons nous taire de terrain agricole s’est installé en caravane a montré leur volonté farouche de ne pas voir ce afin de travailler sur son exploitation. Toutes ses type d’habitat sur le territoire. Pourtant, «En l’ab- demandes de permis de construire lui ont été refu- sence de plan local d’urbanisme ou de carte commu- sées. Encore une fois, c’est grâce à la pression de la nale opposable aux tiers, ou de tout document d’urba- mairie auprès de l’administration (DDEA) qu’une nisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors autorisation pour un abri de 18 m² a été accordée. des parties actuellement urbanisées de la commune : Il rappelle que le rôle du maire n’est pas de trier les [...] Les constructions ou installations, sur délibération personnes désirant s’installer en fonction de leur motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que projet. Sa fonction est d’agir démocratiquement l’intérêt de la commune, en particulier pour éviter une sans discrimination ni stigmatisation. diminution de la population communale, le justifie» (art. L111-1-2 du Code de l’urbanisme). La poli- M. Toutôtre est maire d’une commune de 75 tique de guichet est bien vivante et favorise l’eth- habitants depuis 3 ans. A l’instar de ses collègues nicisation d’une partie de la population ariégeoise. et pour les mêmes raisons, il insiste sur le fait qu’il faut laisser la liberté de choisir sa façon de porter Conclusions ? un projet et que l’habitat léger ne cause aucune gêne voire peut être porteur de solutions inno- O n est en droit de se demander quelle place vantes. Des problèmes sont survenus à la suite de a le «droit à vivre» et à résister face à un l’intervention d’un délateur zélé, à propos d’une système impersonnel qui exclut. mère de famille propriétaire de son terrain sur la commune. Elle s’était tout d’abord installée dans Nous avons des lois qui organisent sans les une caravane puis dans un mobile-home. La mai- nommer des expulsions sans relogement. Nous rie a soutenu cette famille déjà durement touchée avons des collectivités qui demandent aux nou- par un problème de handicap d’un des enfants. veaux arrivants de correspondre à un profil par- ticulier et des mairies qui, grâce à leur pouvoir Par contre, ces arguments ne sont pas partagés discrétionnaire et à l’ambiguïté de la législation, par le maire d’Esplas de Sérou (163 habitants) chassent les personnes qu’ils estiment inutiles au qui expulse sans scrupules les habitants de Les- développement économique de leur commune. piougue malgré nos tentatives de médiation. Elles ont pourtant le devoir de traiter sans dis- crimination l’ensemble de la population de leur Le lieu-dit Lespiougue est occupé depuis plus espace d’intervention. de 12 ans. Cet espace a permis à de nombreuses142 personnes d’avoir un pied-à-terre, d’expérimenter
Même si le mot «démocratie» a perdu pourbeaucoup son sens premier car il exprime tropsouvent la domination de la majorité sur la minori-té, je souhaite citer la définition de Paul Ricœur quidit : «Est démocratique, une société qui se reconnaîtdivisée, c’est-à-dire traversée par des contradictionsd’intérêts et qui se fixe comme modalité d’associer àparts égales chaque citoyen dans l’expression de cescontradictions, l’analyse de ces contradictions et lamise en délibération de ces contradictions, en vue d’ar-river à un arbitrage.» C’est sûrement en réfléchissant de cette ma-nière que l’on peut imaginer une occupation dusol raisonnable. En attendant, des politiques écono-miques défaillantes s’étant révéléesincapables de répondre aux besoinsprioritaires de se loger, on devrait per-mettre plus de souplesse et laisser lecitoyen trouver des solutions accep-tables. L’Habitat Léger, loin d’être unmodèle pour tous, répond aujourd’hui,pour beaucoup de personnes, à la né-cessité de se loger ; pour d’autres il estune réponse face à un système socialqui leur est imposé. 143
Les conflits Particularités des grands passages d’usages autourArt 04 / des équipements À mon arrivée sur le poste de médiatrice dépar- d’accueil des gens tementale des rgeecnesnsdéupvaorylaageDeDnAmSSai4)2,0j0’a4i du voyage : (suite à un besoin l’exemple des immédiatement été accaparée par la «probléma- grands passages tique» des grands passages. Elus et représentants dans l’Hérault de l’Etat avaient besoin d’un acteur de terrain qui puisse les aider à anticiper, comprendre et entrer Gaëlla Loiseau en relation avec les représentants de ces groupes voyageant en grand nombre (50 à 200 caravanes en moyenne) et de façon périodique (séjours courts s’échelonnant entre mai et septembre). Il s’agit d’une forme d’itinérance relativement récente initiée par le mouvement évangélique tsigane et calquée sur son organisation (des res- ponsables identifiés, des «tournées» de plusieurs étapes réparties sur toute la France, des séjours courts et anticipés par voie de courriers, une visi- bilité assumée : les chapiteaux). Aujourd’hui, les grands passages couvrent – durant la saison esti- vale – une proportion non négligeable des besoins de séjours des gens du voyage, orchestrés par leurL ’Hérault est une terre de passage pour les vie économique (commerçants ambulants et ar- gens du voyage qui, comme d’autres po- tisans essentiellement) et familiale (problèmespulations aux activités itinérantes, saisissent de santé notamment). D’une certaine manière,chaque année l’opportunité économique of- les grands passages constituent une forme d’au-ferte par l’affluence des touristes sur le littoral to-gestion du nomadisme tsigane ; qui pour lesméditerranéen. Par ailleurs, la renommée des gens du voyage s’opère par adhésion à un groupeinfrastructures hospitalières et médicales de dnaeurteésp(AonGsPab5,leLsVaDssVo6c,iaFtLifVs i7s..s.u).s de leur commu-l’agglomération montpelliéraine en fait unezone très convoitée par ces voyageurs qui nerechignent pas à parcourir des centaines de Les gens du voyage qui suivent un (ou plu-lkeiulorms1è. tCreess pour faire hospitaliser l’un des sieurs) groupe(s) de grands passages sont dé- familles trouvent à leur arrivée lestés des tensions quotidiennes liées au fait dedans l’Hérault une dizaine d’équipements s’installer sans autorisation sur un territoire.destinés à les accueillir (6 aires d’accueil et 4 En effet, celles-ci sont complètement prises enaires de grands passages). Ce qui représente charge par le groupe de responsables (le plusmoins d’un tiers de l’ensemble des besoins souvent des pasteurs). Ceux-ci organisent leurmexepnrtimal éds’adcacnuseilledensoguevnesauduscvhoéymagae2d.éCpaerlutei-- vigilance sur le groupe en traitant les questionsci, adopté en décembre 2011, fait apparaître de logistique ou de comportements de façonun gain de plus de 500 places de caravanes en quotidienne (problèmes abordés lors des réu-nombre de places requises sur l’ensemble du nions de prières qui se déroulent le soir sousdépartement, par rapport à l’ancien schéma les chapiteaux des groupes évangéliques) etde 2003. Cette hausse impute au nombre concrète (les groupes non religieux qui n’ontprescrit d’aires de grands passages (passé de pas ces temps de rassemblement quotidiens9 à 12), alors que le contingent requis d’aires communiquent en installant des panneaux in-d’accueil a quant à lui diminué (passé de 32 terdisant par exemple de rouler trop vite ou deà 23). La baisse de l’écart entre le nombre souiller les abords du terrain).d’aires d’accueil et le nombre d’aires de grands 2-Ce chiffre représentait un quart des équipements requispassages prescrits dans ce nouveau schéma dans l’ancien schéma départemental de 2003.départemental traduit une tension qui existe 3-Cf. Gaëlla Loiseau, « Les grands passages, une forme d’iti-bel et bien dans le monde du voyage et qui nérance alternative à la spatialisation des gens du voyage »,se joue entre deux types de nomadisme, deux Le sociographe, 2009/1, n°28, pp. 13-26.types d’utilisation des équipements publics ; 4-Direction départementale des affaires sanitaires et so-les deux n’étant ni antinomiques ni incompa- ciales aujourd’hui suppléée par la DDCS (direction départe-tibles mais procédant de stratégies bien diffé- mentale de la cohésion sociale), représentant le volet socialraevnectelsesdapnosuvlaofirasçopnubdleicss’3a.fficher et de traiter des services de l’Etat. 1-Cf. Lamia Missaoui, Gitans et santé de Barcelone à Turin. 5-Association Action Grands Passages Llibres del trabucaire, Canet, 1999.144 6-Association La Vie Du Voyage 7-Association France Liberté Voyage
L’enjeu principal pour les responsables des Le premier conflit qu’il me semble importantgroupes de grands passages, qu’ils soient laïques d’évoquer avant d’entrer dans des considéra-ou évangéliques, est de donner une image res- tions plus «empiriques» est celui qui décline, surpectueuse de leur communauté, qui passe par le plan des textes réglementaires, trois niveauxdes garanties concernant l’état du terrain et le de responsabilité ou du moins de «compétence»respect des délais fixés pour la durée du séjour. concernant l’accueil de ce type de groupes :En contrepartie, ils exigent que les sites qui leur l’Etat, puis les collectivités et enfin les particu-sont proposés ne portent pas atteinte à leur liers. En effet, la circulaire n°2003-43/UHC/auto-estime, d’autant plus que leur demande, DU1/11 du 8 juillet 2003 «relative aux grandsunivoque, s’en tient au principe de dignité : ter- rassemblements des gens du voyage : terrains derains stabilisés et enherbés (pour éviter la pous- grands passages» précise que «les terrains missière) raccordés à l’eau et l’électricité (l’emploi à disposition des grands groupes sont à rechercherdes groupes électrogènes ayant considérable- prioritairement dans le patrimoine de l’Etat (…).ment diminué ces cinq dernières années avec la Lorsque l’Etat ne dispose pas de terrain répondanthausse du prix du carburant). aux conditions requises, peuvent être utilisés des terrains faisant partie du domaine public ou privéLes aires de grands passages sont destinées d’une collectivité territoriale ou encore des terrainsà couvrir les besoins d’accueil de ces grands appartenant à des particuliers. Dans ce dernier casgroupes organisés en associations et qui, gé- l’accord du propriétaire est obligatoire.» Autantncoéurarlreiemr8en. tD, aanntsicli’pHeénrtaulelut rcaormrimvéee par voie de dire que la question de l’accueil des grands pas- dans beau- sages est rendue entièrement «publique». Danscoup de départements qui ne disposent pas l’Hérault, les recherches de terrains dans le pa-d’un nombre suffisant d’aires d’accueil, les élus trimoine de l’Etat n’ont pas donné de résultatsestiment que les grands passages posent moins probants. Les collectivités, malgré le peu d’amé-de problèmes que les petits groupes locaux. Cer- nagement que représente une aire de grandstaines communes ont même exprimé, lors de la passages et le lt’aEutxatm11a, xsiomnatledn’caoidreesmfianjaonrictiaèirrees-révision du schéma départemental, leur souhait octroyées parde réaliser une aire de grands passages en lieu et ment défaillantes en la matière. Il va donc sansplace de l’aire d’accueil qui leur était demandée. dire que les pdaertli’cauccliueersilcdoeusvrgernatnudnseppaasrstaigeenso12n,La dimension financière constitue évidemment négligeableun élément à prendre en compte, le coût d’une moyennant parfois des compensations finan-aire d’accueil s’élevant à 1,4 millions d’euros cières de la part des voyageurs.tandis que celui d’une aire de grand passagechiffre plutôt à hauteur de 400 000 euros. Ainsi, Les collectivités, malgré le peu d’amé-alors qu’en 2003 le schéma héraultais stipulait la nagement que représente une aire deréalisation de 840 places de caravanes en aires grands passages et le taux maximald’accueil et 1150 places de caravanes en aires de d’aides financières octroyées par l’Etatgrands passages, ces obligations sont passées en sont encore majoritairement défaillantes2011 à 704 places de caravanes en aires d’accueil en la matière. Il va donc sans dire que leset 1830 places en aires de grands passages. En particuliers couvrent une partie non négli-terme de réalisations effectives, l’Hérault dis- geable de l’accueil des grands passages,pose de 190 places permanentes réparties en 6 moyennant parfois des compensationsaires d’accueil qui ne ferment qu’une quinzaine financières de la part des voyageurs.de jours dans l’année pour effectuer des tra-vaux. Les aires de grands passages réalisées of-frent quant à elles une capacité d’accueil de 500places mais leur ouverture est conditionnée par 8-Dans l’Hérault, 57% des groupes avaient annoncé leur arri-l’arrivée d’un groupe conséquent sur le dépar- vée par courrier en 2010 et 75% des groupes en 2011.tement. Ces places en aires de grands passages 9-L’une des aires de grands passages de l’Hérault est situéene sont donc pas comparables aux places pro- en zone inondable et ne peut en conséquence être ouverteposées en aires d’accueil du simple fait qu’elles entre le 30 septembre et le 1er mai.n’existent que de façon temporaire. Les collec- 10-Le raccordement électrique n’est pas obligatoire pourtivités prévoient une ouverture et une gestion l’aménagement d’une aire de grands passages (les groupesestivale de ces équipements, parfois même une électrogènes étaient très fréquemment utilisés au momentimplantation gcroamndpsatpibalsesagaevse9c. la saisonnalité du vote de la loi Besson ; ce qui n’est plus le cas aujourd’huisupposée des Enfin, ces aires avec la hausse du prix du carburant). Aujourd’hui, l’absencedites «de grands passages» n’offrent aucun élé- de possibilité de raccordement au réseau électrique est unment de confort : il s’agit en tout et pour tout de motif de refus d’installation de la part des responsables desterrains éelnechterribciétsé1a0li,mdeisnptoéssaennt eau, le plus sou- groupes qui considèrent qu’il s’agit d’une incitation à se rac-vent en d’une cuve pour corder illégalement sur le réseau public.l’évacuation des eaux usées et dans le meilleur 11-Dans la limite du seuil de 114 000 euros par opération.des cas d’un bloc sanitaire amovible. 12-À titre d’exemple, en 2011, sur 36 étapes de grands pas- sages répertoriées dans l’Hérault, seulement 7 ont eu lieu sur des aires aménagées et validées par l’Etat. 145
Aire d’accueil de grands passages de Mauguio. Languedoc-Roussillon, 2011 © Alexandra Frankewitz Photographe / Transit L’effet « culbuto » du dispositif terrains communaux qui pourraient être utilisés supplétif d’accueil par les grands passages, il doit composer chaque des grands passages année avec cette réalité qui se déroule parfois dans une atmosphère très tendue. Pour les voyageurs,L es grands passages relèvent du domaine de la le tout est de parvenir à faire entrer quelques ca- «sécurité publique». En l’absence de possibi- ravanes sur un terrain qu’ils ont repéré, avant quelité de les accueillir sur des équipements prévus à la police municipale ne vienne s’interposer et en-cet effet, ils constituent des menaces d’atteinte à traver l’accès des caravanes restées sur la chaus-la propriété privée. Si l’été certaines aires d’accueil sée. Celles-ci, généralement plus nombreuses,de la région sont délaissées car leur revêtement attendent la suite des négociations qui ont lieugoudronné ne permet pas aux familles d’y rester entre l’Etat représenté par sa médiatrice (moi-pendant les périodes les plus chaudes, les grands même), la collectivité et le propriétaire lorsqu’ilpassages fleurissent le long du littoral et s’intè- est joignable. La sécurité publique nécessite quoigrent dans le paysage estival. A tel point que ces qu’il en soit une évacuation de la voie publique.installations spontanées sont devenues un sujet Nous arrivons toujours à trouver une solution, lesde divertissement sur internet, alimenté de photos familles le savent et en général, dès lors que leset vidéos d’amateurs, toujours appréhendé sous pouvoirs publics prennent en charge la situation,son aspect spectaculaire, mais dont le ton mêle la les tensions s’apaisent. Les discussions se dérou-consternation à la fascination. Bien entendu, les lent dans l’optique de trouver un compromiscitoyens lambda n’imaginent pas l’ampleur du tra- entre la reconnaissance du préjudice subi et lavail réalisé par les groupes pour anticiper leur arri- nécessité qu’ont les gens du voyage de s’installer,vée et éviter d’être obligés de «prendre d’assaut» ces derniers invoquant de façon quasi-rituelle lesdes terrains, qu’ils soient publics ou privés. courriers envoyés à l’avance aux collectivités, les attestations de bonne conduite signées d’autres«Ça a été plus difficile l’an dernier puisque là en maires et enfin la compensation financière quil’occurrence les gens du voyage se sont installés sur est un principe auquel ne dérogent quasimentun terrain à nous alors que mon père était en train jamais les groupes de grands passages. Lorsqu’ilsde travailler sur cette parcelle à ce moment-là avec ne parviennent pas à indemniser directement lele tracteur. La question était simple : ou il partait, propriétaire, ils adressent un don au centre com-ou on lui renversait le tracteur dans le fossé» té-moigne un propriétaire agricole qui tolère depuis 13-Nous sommes dans une commune voisine de la ville depsalugesise1u3.rsAalonrnséqeus edleas minusntailcliaptaiolintés de grands pas- Sète, où une aire de grands passages est programmée de- dont il dépend puis 2003 à l’échelle intercommunale. À ce jour les proposi-146 a barricadé et rendu inaccessibles l’intégralité des tions de terrains faites aux services de l’Etat n’ont pas donné satisfaction...
munal d’action sociale de la commune où ils se sont Néanmoins, n’ayant pas pu terminer sa récolteinstallés. Voici comment l’agriculteur précédem- au moment de l’arrivée du groupe, une compen-ment cité est parvenu à rendre « publique » cette sation financière spécifique semblait légitime :compensation financière, refusant de passer pour «Ils nous ont versé la somme de 600 euros pour laun propriétaire qui tire profit de cette installation : perte de récolte, à la demande de la médiatrice. (...) Faut être intelligent dans la vie et se dire qu’on peut «Les gens du voyage voulaient à tout prix in- pas gagner sur tout rapport, on peut pas en espérantdemniser le propriétaire, et comme moi je n’ai jamais qu’ils vont partir rapidement essayer encore de récu-voulu toucher d’argent de façon à ce que les gens ne pérer quelque-chose sur la parcelle, tout en touchantfassent pas l’amalgame et disent ‘’M. X est d’accord aussi de l’argent... C’est pas le but recherché quoi, ilpour qu’ils soient là’’, j’ai toujours fait intervenir des faut essayer de convenir d’un arrangement. Et il vautassociations, et les sommes qui ont été données ont mieux toucher 600 euros et payer du gazoil et refaireété données à des associations du village. La dernière peut-être le travail 6 mois après plutôt que de ne rienen date est une somme qui a été donnée au club du toucher du tout quoi. Il faut essayer de s’arranger,3ème âge pour une valeur de 700 et quelques euros. alors on fait comme on peut.»C’est eux qui ont donc pris la somme qui a été don-née en liquide, devant témoin. Ce sont des tractations Pragmatiques, les gens du voyage le sont aussi,qui se sont faites dans le bar du village. Les gens du puisque pour obtenir l’autorisation de s’installervoyage sont montés, j’ai fait venir le club du 3ème âge, sur des aires de grands passages, la constitutionle président. Ils ont touché l’enveloppe. Heu... à titre d’un groupe d’une cinquantaine de caravanes estd’info, je crois qu’ils ont acheté avec cette somme un incontournable. Cela ne suffit pas toujours à contrerordinateur et une imprimante pour le club du 3ème la mauvaise foi de certains élus puisqu’il s’est déjàâge. Voilà, ça s’est fait comme ça tout naturellement produit qu’un maire refuse d’ouvrir son aire deet ça s’est très très bien passé.» grands passages au motif que le groupe comprenait «seulement» 48 caravanes, alors que le règlement intérieur de son équipement stipule une ouverture à partir de 50 caravanes. Cette fois-ci comme beau- coup d’autres, ce fut un particulier qui durant deux semaines pallia, bon gré mal gré, au défaut de possi- bilité d’accueil sur une aire appropriée. S.B 147
Les aires de grands passages En effet, cela revient pour ces responsables à s’en- au prisme des voyageurs gager ponctuellement pour des groupes qui ne localement implantés les suivront pas sur l’ensemble de leur tournée et qui ont pour seul intérêt le fait d’être «pris en S ur les missions évangéliques, il arrive que les charge» temporairement, sans offrir de garantie pasteurs tolèrent pendant leur séjour la pré- en terme de respect des règles établies. D’autres sence de petits groupes présents localement, qui les tolèrent par solidarité et au nom de l’église n’ont pas les moyens de voyager durant tout l’été évangélique pour laquelle ils œuvrent à l’occa- à travers toute la France. Pour les responsables sion de ces grands rassemblements. Mais si ces eux-mêmes, la présence de ces groupes est une petits groupes entrent après que les responsables problématique récurrente et contraignante. En ont signé une convention avec la collectivité, ces effet, ils occupent cette fonction hiérarchique derniers les tolèrent tout en se dédouanant de durant toute la durée de leur «tournée», soit en toute responsabilité vis-à-vis d’eux. général pas plus de 4 à 5 mois consécutifs par an. Ensuite, ils redeviennent des voyageurs lambda. Il arrive ainsi que des petits groupes – qui sont Il n’est pas toujours aisé pour eux de gérer les aussi les plus précarisés – entrent sur un terrain demandes des petits groupes locaux sans risquer ouvert par un groupe de grands passages et y res- de se mettre à dos certains de leurs pairs (famille tent au-delà de la date de départ de ce groupe. ou amis) qui les suivent pendant toute la durée Ces phénomènes prennent des proportions dif- de la saison des grands passages. D’autres les ficiles à gérer dès lors qu’il y a une pénurie d’aires refusent catégoriquement. J’ai pu assister à des permanentes d’accueil pour les familles implan- altercations assez virulentes entre petits groupes tées localement. Ce qui est le cas dans le dépar- et groupes de grands passages, les derniers refu- tement de l’Hérault. En effet, ces familles ne sant de voir s’installer les premiers, pour des rai- comprennent pas qu’on réalise des équipements sons qui incombent à des différences de classes pour accueillir des groupes, certes numérique- sociales, malgré la volonté des collectivités de ment importants, mais qui sont bien organisés et les voir cohabiter. Celles-ci ont du mal à com- ont les moyens de continuer à voyager. Ceux qui prendre que ces responsables puissent refuser de circulent et travaillent à l’échelle locale souffrent se mélanger à d’autres petits groupes. Il semble toute l’année d’être obligés de vivre dans une pré- en effet beaucoup plus pragmatique à leurs yeux carité en ce qui concerne l’accès aux fluides et par de les rassembler et de les orienter vers un même rapport au risque permanent d’expulsion. terrain. Mais la réalité est toute autre.148
L’intérêt pour les familles à entrer sur les aires Plus disséminés et souvent très stigmatisés, nede grands passages est qesuseenletsieallierems edn’atccéucoenil1o4- serait-ce que par leurs patronymes, ces famillesmique. Moins coûteuses cultivent des relations de proximité avec les habi-du fait qu’elles n’offrent pas d’élément de confort, tants et les élus des communes qu’elles ont l’ha-les aires de grands passages sont très attractives bitude de fréquenter. Certaines sont donc aussipour les groupes familiaux qui ont besoin de de véritables ressources pour les responsabless’implanter durant les quelques mois «creux» des groupes de grands passages qui ne connais-de l’hiver, avant de reprendre leurs pérégrina- sent pas les propriétaires locaux et les élus. De-tions vers des zones économiquement plus at- puis quelques années, des familles sédentaires detractives. L’agglomération montpelliéraine, la Montpellier et Béziers organisent des missionsplus sollicitée, dispose actuellement d’une aire évangéliques sur des terrains communaux et avecd’accueil de 40 places et de trois aires de grands l’accord de ces deux municipalités. Elles aboutis-passages d’une capacité totale de 400 places. Ces sent plus facilement à des autorisations de la partdernières sont régulièrement occupées l’hiver des élus, mais ne voyageant que très peu, elles per-malgré la fermeture de ces équipements à cette turbent les règles communément admises pourpériode de l’année (par des gens du cirque ou les grands passages, notamment sur le respect desdes groupes de 15-20 caravanes accompagnant durées de séjour. Là encore, des conflits sont pal-des malades). Les services de l’Etat participent pables et les responsables des groupes de grandsà ce phénomène en demandant aux collectivités passages, qui envoient des courriers plusieursd’ouvrir ces aires, n’ayant d’autres équipements mois à l’avance et ont des tournées bien organi-à proposer à ces voyageurs et préférant les voir sées sur plusieurs mois, demandent instamments’installer sur des sites prévus à cet effet plutôt à ce que les durées de séjour soient strictementque sur des zones d’activité ou des terrains pri- respectées. La flexibilité des possibilités d’accueilvés. La tendance actuelle, dans l’Hérault, consis- des groupes de grands passages constitue unetant à construire des aires de grands passages source de négociations entre les voyageurs et lesau détriment des aires d’accueil, au-delà du fait collectivités, mais également à l’intérieur de laqu’elle puisse être contestée juridiquement, n’est communauté. Les grands passages sont devenusdonc pas une réponse appropriée. Elle satisfait une période très riche et très vivante dans la vieà une réalité qui surgit chaque année à la saison des voyageurs qui se sentent périodiquementtouristique (fer de lance de l’économie locale) et pleinement exister en tant que communauté. Ilsqui, ayant plutôt tendance à s’amplifier, ne peut sont attendus par les élus et par certains habi-certainement pas être occultée. Mais une telle tants qui savent qu’ils « n’y échapperont pas », etpolitique d’accueil peut se révéler contre-pro- par les petits groupes qui savent qu’ils pourrontductive, les schémas départementaux n’ayant s’appuyer sur leur présence pour vivre eux aussipas vocation à pénaliser les familles locales aux ces moments privilégiés de rassemblements.revenus modestes et dont la présence sur le terri-toire ne s’exprime pas sur le même mode que lesgrands passages furtifs, massifs et médiatiques.14-Le seul droit de place sur une aire d’accueil dans l’Héraults’élève le plus souvent à 3 euros sans les consommationsd’eau et d’électricité. 149
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