Architecture in Belgium 02670 90 79717317357 50570071021 ISSN 1375-5072 (NFERDAENRSL)ANDS)A+269 Décembre 2017/Janvier 2018 BEL €12,50 – INT €19,50Dis-count
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Architecture in BelgiumA+269 Décembre 2017/Janvier 2018 58 Escapade d’un jour Joep Gosen 59 Inaccessible et pourtant si proche5 Édito Pieter T’jonck 61 Les villes doivent puiser dans leurs propres In the picture forces Laurent Vermeersch8 Too big to fail ? Sven Sterken 64 Le magasin est mort, vive le magasin13 Ecoshopping dans le désert Dieter Van Den Storm Jean-Marie Binst Guest16 Sensations et commerce de détail 68 Prix de la Maîtrise d’ouvrage publique – Aslı Çiçek 4e édition Charlotte Lheureux21 Hommage au carré 74 Product News Gerlinde Verhaeghe Zoom out25 #petitsujet Mathias Bouet 82 L’art du dessin Gitte Van den Bergh 84 Les utopies de Jean Englebert Zoom in Pierre Lemaire28 Interview Bart Lens: 86 Gilles Perraudin, bâtisseur «Le minimalisme est la nouvelle fermette» Charlotte Lheureux Lisa de Visscher 88 Arpentage en Wallonie picarde Anne-Laure Iger Fondements Student35 Shopping Towns Belgium 90 Gautier Rey Janina Gosseye & Tom Avermaete 92 Aaron Swartjes39 L’espace public pris en otage ? 94 Sylvie Cosyns Gérald Ledent45 L’architecture du magasin en ligne Gitte Van den Bergh51 Cry me a river Michael Bianchi 55 Uplace ou Shopping K ? Non merci Gideon Boie
Architecture in Belgium Revue bimestrielle bilingue ISSN1375-5072 Année de publication 44 (2017) N6 ANNONCEURS CONSEIL D’ADMINISTRATION BASF RÉDACTION DU CIAUD BATIBOUWRédactrice en chef BEGA Lisa De Visscher Commission de rédaction Président BIM IBGERédacteur en chef adjoint Arlette Baumans, Olivier Bastin, Philémon Wachtelaer BOZAR Pierre Lemaire Francis Catteeuw, Agnieszka Zajac Vice-présidente CARRIÈRES DU HAINAUTCoordinateur de Production Président Chantal Vincent ETERNIT Grégoire Maus Ward Verbakel Secrétaire EUROPEAN COPPER INSTITUTEAssistante de rédaction Adresse de la rédaction Geert De Groote FEBELCEM Gitte Van den Bergh 21/3 rue Ernest Allard Administrateurs GROHERédaction finale en français 1000 Bruxelles Olivier Bastin, Dag Boutsen, KINNARPS Benoît Francès [email protected] Sylvie Bruyninckx, Maarten Delbeke, LIGHT+ BUILDINGRédaction finale en néerlandais www.a-plus.be Paul Dujardin, PIERRES ET MARBRES DE WALLONIE www.controltaaldelete.be A+ est une publication de Brigitte Gouder de Beauregard, RENSONTraduction CIAUD ASBL Benoît Moritz, SAINT GOBAIN GLASS Nathalie Callens, Alain Kinsella, Centre d’Informations de Piet Van Cauwenberghe, STÛV Wouter Meeus, Ann Michiels, l’Architecture, de l’Urbanisme et Eddy Vanzieleghem, VANDERSANDEN Antoon Wouters du Design Ward Verbakel VELUXGraphisme Éditeur responsable WIENERBERGER Joris Kritis Philémon Wachtelaer PROGRAMMATIONFont 21/3 rue Ernest Allard Coordination AEG Renner & Starling 1000 Bruxelles Marie-Cécile Guyaux Imprimerie Copyright CIAUD Coordinatrice de projet Die Keure, Brugge Les articles n’engagent que Roxane Le GrelleImage de couverture la responsabilité de leurs auteurs. DHL Zaventem Tous droits de reproduction, RÉGIE PUBLICITAIRE A+ MEDIA Photo de Maxime Delvaux de traduction et d’adaptation (même Rita Minissi, [email protected] partielle) réservés pour tous pays. Tel +32 (0)2 332 37 82 21/3 rue Ernest Allard 1000 BruxellesBiographies Joep Gosen Dieter Van Den Storm Tom Avermaete est ingénieur-architecte, photographe et écrivain. il a fait est critique freelance et journaliste en Belgique et à l’étran-Tom Avermaete est professeur ainsi que président du départe- ses études à Eindhoven et travaille en Belgique depuis ger. On peut lire ses contributions sur le design, l’archi-ment d’architecture et du laboratoire de recherche Méthode et 2007 où il a fondé sa propre pratique d’architecte et tecture et le l’architecture d’intérieur dans De StandaardAnalyse à la TUDelft (Pays-Bas). Sa recherche porte sur le dé- collabore avec d’autres bureaux. Il écrit pour Ar-Tur, Magazine, The Word en Living et dans les supplémentsveloppement de l’espace public dans un contexte occidental Architectuurwijzer et Archined. du journal italien Corriere della Sera.et non occidental. Il a publié plusieurs livres sur ce sujet dontShopping Towns Europe 1945–75 avec Janina Gosseye. Janina Gosseye Gerlinde Verhaeghe Michael Bianchi Janina Gosseye est historienne d’architecture à l’université est architecte et chercheuse à la KU Leuven, dans la facul- de Queensland (Australie). Sa recherche porte sur le té d’architecture. Sa recherche se concentre sur les thèmesest architecte, associé de la coopérative l’Escaut architectu- développement des espaces collectifs d’après-guerre. Elle de la pédagogie, de la matérialité et du surréalisme enres et enseignant à la faculté d’architecture de l’ULg. Il est a récemment publié un livre avec Tom Avermaete sur le architecture. Avec Johannes Müntinga, elle développe deségalement chroniqueur dans l’émission radiophonique Les développement des centres de shopping en Europe intitulé projets pour Camera Architecture.glaneurs de Fabrice Kada sur Musiq3. Shopping Towns Europe 1945–75. Laurent Vermeersch Jean-Marie Binst Anne-Laure Iger est journaliste et historien. Il écrit régulièrement sur l’ur-est rédacteur à BRUZZ, Vlaams-BrusselseMedia. Journaliste est architecte, diplômée de l’École nationale supérieure banisme et des sujets apparentés pour brusselnieuws.depuis près de vingt-cinq ans, il couvre l’actualité culturelle de Bretagne. Depuis 2016, elle effectue une recherche be et BRUZZ.de la Région bruxelloise. doctorale au sujet des expositions d’architecture présen- tées à Bruxelles entre 1969 et 2018, à l’ULB. Gideon Boie Charlotte Lheureuxest membre de BAVO, un groupe d’activistes et de cher-cheurs et enseigne à la faculté d’architecture de la KU est architecte praticienne. Elle fait une thèse de doctoratLeuven. Ses recherches s’orientent sur la dimension politi- à l’UCL et, parmi ses activités de critique, coordonneque de l’art, de l’architecture et de l’urbanisme. notamment la collection “Guide d’architecture moderne et contemporaine en Wallonie picarde” (FWB & Mardaga). Mathias Bouet Sven Sterkenest architecte, diplômé en 2016 de la faculté d’architectureLa Cambre Horta de l’ULB. Amateur de littérature et de ingénieur architecte et professeur d’histoire de l’archi-ronds-points, sujet de son TFE à la croisée des hypermarchés tecture à la faculté d’architecture de la KU Leuven. Seset du génie du lieu, il collabore depuis le mois de septembre recherches portent sur la culture architecturale des gran-avec le bureau V+, basé à Bruxelles. des organisations religieuses, commerciales et politiques. Aslı Çiçek Pieter T’Jonckcontribue régulièrement à des revues d’architecture belges Pieter T’Jonck est architecte et écrit pour plusieurs jour-et turques et a été co-éditrice du 11th Flemish Architectural naux, revues et livres belges et étrangers sur l’architecture,Review. Elle est professeure invitée au département d’archi- les arts plastiques et les arts de la scène. Il travaille pourtecture intérieure de la KU Leuven. Au sein de sa pratique, Klara Radio et était rédacteur en chef d’A+.elle conçoit des expositions d’architecture.
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A+269 5ÉditoDans les sombres journées qui séparent la Saint-Nicolas de la Le fait est que la rue commerçante est aujourd’hui face à deuxSaint-Valentin, certaines illuminations ne s’éteignent jamais : défis importants : elle doit se battre contre le pouvoir d’attrac-celles du centre commercial. Pendant le mois des fêtes – qui tion physique du shopping center ainsi que contre la séductions’étale en réalité sur dix semaines –, chacun s’évertue à trans- virtuelle du cybercommerce. L’architecture et l’utilisation desformer l’amour, la paix et la solidarité en autant d’achats. Le matériaux, la création d’une ambiance particulière et spécifiquesuccès de cette période assure le chiffre d’affaires de la plupart ainsi que l’usage intelligent de l’espace sont à cet égard desdes commerces qui, derrière les jolies illuminations de Noël, se atouts de choix. Pour sa part, la ville ne baisse pas les bras. Delivrent une impitoyable concurrence pour gagner des clients. nombreuses villes commerçantes développent des stratégiesDans cette lutte, le cadre spatial – ou plus précisément la shopping pour préserver la vie de leur centre. C’est la mission, depuisexperience – est une arme importante, avec pour corollaire un quelques années, d’organisations telles que l’agence régionaleimpact direct sur la ville et l’espace public. du commerce Atrium à Bruxelles. Comme à Ostende, les villes Les premières galeries marchandes couvertes et, plus tard, les misent sur un plan de qualité paysagère des quartiers commer-grands magasins ont vu le jour au 19e siècle, lorsque la bourgeoi- çants, sur de jeunes entrepreneurs ou des professions créatives,sie a gagné du pouvoir et de la visibilité, ce qui s’est par ailleurs avec des initiatives telles que Creashop à Liège, Pop & C àtraduit dans ses modes de consommation. Le flâneur ayant Charleroi ou mest à Malines. Le concours lancé voici quelquestroqué la foule chaotique des grands boulevards contre le luxe et années par la Ville de Bruxelles pour le recouvrement de la ruele confort du centre commercial, il s’est mué en consommateur. Neuve a démontré que la revalorisation d’une rue commerçanteL’espace semi-public est devenu un fait. Après la Seconde Guerre menace parfois de dérailler. Ou comment la rue commerçantemondiale, les shopping centers inspirés du modèle américain ont l’emporte sur le centre commercial en s’agrandissant encore toutégalement surgi du sol en Europe. Mais le consommateur est simplement – un shopping mall.aussi lunatique que la concurrence est impitoyable. Du coup, la Mais la véritable rupture d’échelle, quant à elle, s’accomplittypologie du shopping center a une durée de conservation parti- de manière inaperçue. La superficie d’un shopping mall de tailleculièrement limitée. Un centre commercial tel que Gent Zuid, moyenne ne fait pas le poids face aux entrepôts d’achat en lignevingt-cinq ans après son inauguration, ressemble à un dinosaure où l’on prépare les colis commandés sur Internet. Pour l’instant,pataud, une ineptie urbanistique dépassée. Et on s’applique à la législation sur le travail en Belgique est telle que les géants deconstruire toujours plus. l’e-commerce n’envisagent pas encore de s’implanter physique- Dans toute ville qui se respecte, un shopping center s’est ment dans notre pays. Mais dès que la législation sur le travail deouvert ces dernières années : Médiacité à Liège, Rive Gauche à nuit sera assouplie, des centaines de milliers de mètres carrés seCharleroi, Docks et Neo à Bruxelles. Quant aux galeries com- libéreront pour accueillir des mastodontes pesant lourdement surmerçantes existantes (The Mint, City 2, Gent Zuid), l’heure est l’espace public et la mobilité. Le photographe Maxime Delvauxau relooking. La dimension « luna-park » de leur architecture s’est aventuré dans cet univers parallèle qui n’a plus rien d’humainsoulève parfois des questions, mais la véritable problématique pour fixer en images la poésie de l’hyperactivité et de l’aliénation.se situe dans la relation entre le shopping center et l’espace pu- Ou comment Noël est d’ores et déjà surtout fêté en ligne.blic, tant au niveau du lien physique que de l’espace mental, thecommon ou encore l’espace partagé du citoyen libre. Shopping K Bonnes fêtes !à Courtrai semble être un exemple de réussite de l’intégrationqualitative d’un centre commercial dans le tissu urbain. Une Lisa De Visscheralternative de qualité au monolithe introverti ou à son pendant Rédactrice en chefen périphérie des villes. À moins que le centre commercial nesoit un cheval de Troie qu’il vaut mieux garder extra muros ? Unennemi de la rue commerçante, et de la ville elle-même.
Dans le showroom BMW à Courtrai, © 2017 VELUX GROUP ® VELUX ET LE LOGO VELUX SONT DES MARQUES DÉPOSÉES ET UTILISÉES SOUS LICENCE PAR LE GROUPE VELUX.la lumière naturelle magnifie les véhiculesL’objectif principal d’un showroomautomobile : montrer les véhiculesexposés sous leur meilleur jour.Palette de couleurs, finitions etincidence de la lumière jouent un rôleprépondérant en la matière. Pour AAVO Architects, c’est déjà le deuxième projet réalisé pour la famille Monserez, propriétaire de trois concessions en Flandre occidentale. Après l’implantation à Aalbeke, l’équipe de l’architecte Nicolas Karadjian, responsable de projet et co- gérant, applique cette fois les directives de BMW à Courtrai. « BMW impose en e et une série d’exigences pour la conception des nouvelles salles d’exposition de la future concession. Sur le plan de la fonctionnalité et du délai évidemment, mais surtout quant à l’aura du bâtiment et de la marque BMW. Esthétique, distribution des espaces, finition : les directives viennent tout droit d’Allemagne. » « Notre tâche est d’intégrer ces multiples exigences à la configuration existante, en tenant compte des limites et possibilités du site. Nous avions ainsi deux grands défis techniques : une nappe aquifère sous le bâtiment qui nous a obligés à abaisser le niveau de la nappe et à prévoir six drains, ainsi que la proximité de voies de chemin de fer. Le bâtiment étant enterré, nous avons utilisé la technique du mur de soutènement de type ‘soilmix’. Lors du processus, nous avons également dû adapter la constellation des façades. Grâce à la très agréable collaboration avec les entrepreneurs et le maître d’ouvrage, tout s’est cependant très bien passé. »
Une plus grande visibilité pour la marque Des verrières pour faire rentrer la lumière du jourL’enveloppe extérieure illustre bien les directives esthétiques de BMW :l’auvent bien présent et les vastes vitrages avec parois libres le long La beauté des voitures ne s’exprime pas uniquement grâce à l’éclairagedesquelles les vendeurs peuvent facilement sortir les voitures. Lavisibilité de la marque est ainsi augmentée. Une autre caractéristique artificiel, la lumière naturelle joue également un grand rôle. C’est la rai-typique : les panneaux blancs horizontaux et les proportions fixes entrehauteur et largeur. À l’intérieur, les architectes ont intégré les directives son pour laquelle l’architecte, en concertation avec le maître d’ouvrage,en matière de revêtement de sol, transparence des bureaux de venteet aspect de l’accueil. Même le nombre de véhicules à présenter était a équipé le plafond de verrières VELUX. Celles-ci apportent une abon-déterminé à l’avance, avec leur position et leur orientation dans l’espaced’exposition. dance de lumière tout en brillant par leur élégance. Sans limitation de longueur ou de largeur, elles donnent au bâtiment une touche supplé- mentaire. « Trois ouvrants invisibles ont été intégrés dans la verrière longue de 34 mètres pour assurer une ventilation de confort. L’expé- rience montre que la possibilité d’ouvrir une fenêtre crée encore de nos jours un e et psychologique positif », commente Toon Pottie, project manager chez VELUX MODULAR SKYLIGHTS. « Et ces ouvrants aident à refroidir le bâtiment pendant la nuit. Les avantages d’une intégration invisible sont évidents sur un plan esthétique, et ces parties mobiles sont techniquement aussi performantes que les parties fixes. La verrière a par ailleurs été installée et rendue étanche à l’eau en une seule journée, ce qui a permis aux autres en- trepreneurs de commencer « Les verrières permettent les finitions intérieures plus d’inonder le showroom de rapidement. » lumière du jour. C’est idéal pour les immeubles de bureaux et La transmission lumineuse les concessions automobiles. » élevée de la verrière éclaire remarquablement les véhi- cules, ce qui les rend plus visibles depuis la rue. Ce fut l’un des arguments déterminants dans le choix de VELUX. « Les verrières permettent d’inonder le showroom de lumière du jour. C’est idéal pour les immeubles de bureaux et les conces- sions automobiles. Les utilisateurs en sont d’ailleurs très satisfaits », conclut Nicolas Karadjian. Palettes de couleurs Construction: Showroom garage Monserez « L’expérience à vivre par les futurs clients est ici le point de départ », explique Lieu: Karadjian. « L’image de la marque se Meenensesteenweg 86, retrouve expressément dans toutes les B-8500 KORTRIJK facettes du bâtiment, ainsi que dans les couleurs typiques : blanc et gris clair Architecte: pour BMW, noir avec quelques nuances AAVO bvba pour MINI. L’éclairage des véhicules doit être d’au moins 800 lux, afin de restituer Installateur: fidèlement les couleurs des véhicules et D-LUX Daylight d’accentuer franchement les formes de la carrosserie. » Entreprise générale: DE DEYNE CONSTRUCT NV Photographe: VELUX Belgium / Jasper LeonardPlus d’informations surpro.velux.be
8 A+269In the picture
A+269 9© SOM+ASSARIn the picture Vue aérienne du nouveau site de l‘Otan à Bruxelles.
10 A+269 Too big to fail? Dans son essai Bigness1, Rem Koolhaas émet l’idée Fort de ses 250.000 m² au sol, le nouveau siège de l’Organisationqu’à partir d’une certaine taille, les bâtiments semblent du traité Atlantique Nord (Otan) à Evere, qui sera bientôt mis en service, est le plus grand bâtiment (de bureaux) de Belgique échapper aux règles de l’architecture. Autrement – il a même son propre code postal ! Inutile de préciser qu’il fait dit : quel est le maximum que l’architecture puisse l’objet d’attentes extrêmement élevées. atteindre ? Un bâtiment tel que le nouveau siège social La demande de construction d’un nouveau siège remonte au de l’Otan à Evere peut-il encore être jugé d’après sommet de l’Otan de Washington en 1999. Après dix années de crise identitaire (la chute du Rideau de Fer ayant mis l’organisa- des normes et valeurs connues ? tion au chômage), l’alliance s’était trouvée une nouvelle mission, et s’était en outre enrichie de membres de l’ancien bloc de l’Est. 1.Publié dans S, M, L, XL en 1995. Quoi de mieux, du coup, qu’un concours d’architecture pour unSven SterkenIn the picture © NATO © NATO L’idée de transparence est présente dans l’ensemble du bâtiment.
Too big to fail? A+269 11tout nouveau siège prestigieux pour symboliser cette victoire sur ration, la protection et l’unité. Entre les doigts se trouvent del’histoire ? Mais comment concevoir, sans interrompre le travail plus petits volumes abritant des salles de réunion, des espacesdes quatre mille membres du personnel, un bâtiment extensible de presse, des cantines et une bibliothèque. Tous ces élémentscensé être plus sécurisé que la Maison-Blanche mais devant ac- donnent sur un immense atrium (appelé agora en langage Otan)cueillir quotidiennement cinq cents visiteurs en provenance du de 250 m de long et 32 m de haut, que le personnel et les visi-monde entier, vitrine d’une des organisations supranationales teurs doivent parcourir pour accéder aux bureaux, aux salles deles plus puissantes de la planète, dans le no-man’s-land entre la réunion ou au restaurant. Paradoxalement, cette interventionville et l’aéroport ? poussée à l’extrême a pour but de stimuler les rencontres et les discussions informelles. Ouverture et transparence ? Chez les Grecs, l’agora n’était pas un espace de passage,À première vue, le projet gagnant – une collaboration entre la mais un lieu. Les discussions n’avaient pas tant lieu sur la placebranche londonienne de som et le bureau belge assar – semble elle-même qu’à l’abri des galeries à colonnades qui la bordaient.contredire l’idée que l’architecture ne serait pas à la hauteur En l’occurrence, il n’est ici pas vraiment question d’espaces in-d’autant d’ambitions et d’attentes. Pour Rem Koolhaas, un termédiaires ; Otan 2.0 se veut en effet une organisation ouverte.bâtiment d’une telle ampleur ne peut plus être dominé par un Avec pour corollaire l’autre métaphore dominante, à savoirgeste architectural, de sorte que les règles classiques d’échelle, celle de la transparence : tout, jusqu’aux ascenseurs, doit êtrede composition, de proportions et de détails ne sont plus de visible. Mais quelle est encore la force d’une telle métaphoremise. Rien de tout cela n’a effrayé som et assar. Dans la plus lorsque quasi toutes les entreprises de taille moyenne, danspure tradition des beaux-arts, ils ont aligné les trois principaux leurs relations publiques, utilisent ce concept à tire-larigot ?éléments du programme sur un axe central unique au beau milieu Par ailleurs, l’ouverture n’est-elle pas en contradiction avecdu terrain : un entrepôt, un centre de sport et de détente pour le l’indispensable confidentialité requise au sein d’une alliancepersonnel, et le bâtiment principal. L’organisation de l’ensemble, militaire ? Et enfin, est-il bien sensé de traduire cette trans-en termes de forme et d’espace, repose sur une seule image : des parence par du verre, alors que le bâtiment est une cible rêvéemains jointes. Les huit doigts (extensibles à dix), qui accueillent pour les attentats terroristes ?les bureaux des délégations nationales, symbolisent la collabo- In the picture © SOM+ASSAREntrée principale du nouveau siège de l’Otan. © SOM+ASSAREntrée du bâtiment et piscine.
12 A+269 Too big to fail? Grand écart l’organisation qu’est l’Otan : alliance militaire, il y a un intérêt évident à une certaine confidentialité; en tant que plateformeComme Rem Koolhaas l’avance, à cette échelle, l’intérieur et l’en- politique, un visage sur le domaine public s’impose. Commentveloppe extérieure deviennent souvent deux projets distincts : l’un l’architecture peut-elle pallier ce grand écart ? Ces schémas deaxé sur le fait de contenir l’instabilité intrinsèque du programme, pensée binaires sont-ils trop simples pour cette stratosphère del’autre sur la création d’un bâtiment d’apparence apaisante dans la politique internationale, qui génère et entretient sa propre réa-le domaine public. C’est également le cas ici : le foisonnement et lité ? Rem Koolhaas aurait-il finalement raison : ces programmesl’intensité des activités au sein du bâtiment de l’Otan (qui, outre dépassent-ils l’architecture ?des bureaux et des salles de réunion, compte également quelques À cet égard, un petit coup d’œil sur le coût astronomique dumagasins et même une filiale Starbucks) ne se retrouvent pas bâtiment (1,1 milliard d’euros au total) est révélateur : le montantdans l’architecture du bâtiment. Au-delà de la toiture cintrée, des honoraires du poste architecture, développement et gestionl’immeuble est principalement dominé par le rythme des in- de la qualité est déjà plus petit que le le budget prévu pour l’ICTnombrables fenêtres de bureaux ; l’association courante entre et l’électronique ensemble. Cette situation n’est pas exception-démocratie internationale et bureaucratie en est confortée. nelle dans de tels bâtiments complexes et soulève le paradoxe La grande batterie de salles high-tech où se dérouleront près dans lequel se retrouve l’architecte : il ou elle est bel et bien lede cinq mille réunions par an, et qui constituent en réalité le metteur en scène de la forme générale, tandis que son contenucœur du bâtiment (ainsi que de l’Otan en tant qu’organisation), est défini par une armée d’experts, d’ingénieurs et de techniciens.sont dissimulées dans un volume compact entre deux doigts. Ils Le nouveau bâtiment de l’Otan illustre à merveille que dans unne se distinguent que peu des centres de congrès habituels et contexte de bigness, le concepteur n’est plus ce héros modernisteexpriment un certain conformisme au marché et une ambiance qui impose sa vision au monde, mais un storyteller qui, par songénérique correcte qui contraste avec l’esthétique de l’archi- bâtiment, raconte une histoire utile. Les concepteurs l’ont icitecture à l’extérieur. Cette opposition illustre à quel point ce parfaitement compris : par la métaphore des doigts joints, ils ontbâtiment semble être en permanence dans l’ambivalence : il donné de la crédibilité architecturale à cette machine à réunionsprétend être une maison de verre alors qu’il est en réalité un ultraperformante et hyper-sécurisée, et procuré à l’Otan un pitchbunker fortifié ; il se doit d’être une icône architecturale, mais parfait pour ses futures campagnes de relations publiques.en dehors de la ville ; il se veut un monument, mais à l’abri descurieux. Tout cela reflète également l’ambiguïté intrinsèque deIn the picture CoupeNom officiel du projet SOM & ASSAR Architects www.assar.com Livraison New NATO Headquarters Procédure 2017 Marché publicLieu Maître d’ouvrage Surface Otan Boulevard Léopold III, 1110 Brussel 251.980 m2 StabilitéProgramme Budget VK Engineering & SOM Chicago Construction des nouveaux bureaux bruxellois 457.614.765 € (hors TVA et honoraires) de l’Otan Architecte paysagiste ASSAR Architects
A+269 13Ecoshopping dans le désert Voici déjà un siècle, le baron Empain, qui vivait Jusqu’à récemment, les plans et projets verts du bureau Vincent à Bruxelles, rêvait d’une ville moderne, véritable oasis Callebaut Architects étaient qualifiés de fantasques, imaginaires et utopiques par les promoteurs immobiliers et investisseurs en plein désert : Héliopolis, à côté du Caire. effarouchés. Mais à présent que les bandes dessinées futuristes de Aujourd’hui, l’architecte belge Vincent Callebaut, Callebaut ont le vent en poupe, les opinions se nuancent, même depuis son bureau parisien, réalise dans le même si un regard critique reste de mise. Loin d’ici, il y a l’Agoraquartier un projet de construction tout aussi visionnaire Garden de Taipei (à Taiwan), une tour constituée de villas avec et mégalomane : The Gate Residence – Héliopolis. jardins privatifs, qui sera achevée en début d’année prochaine. Ou comment les mirages deviennent réalité, cette fois Plus près de nous, au cœur de Luxembourg-ville, sa mission de densification écologique lorgne sur l’historique Hôtel des Postes avec un centre commercial. (de la société des postes et télécoms Poste Luxembourg). VincentJean-Marie Binst Callebaut, qui a remporté ce concours en 2016, vient ainsi greffer un concept de végétalisation et d’écosystème hyperconnecté sur la vieille dame luxembourgeoise. In the picture © Vincent Callebaut ArchitectsVue du niveau shopping center au pied du complexe avec logements et bureaux aux étages.
14 A+269 Ecoshopping dans le désert Après des projets pour le secteur résidentiel et tertiaire, l’équipe Oasis futuristecréative de Callebaut projette également les principes d’une archi-tecture durable avec « une combinaison d’innovations high-tech Un siècle plus tard, l’urbaniste et investisseur égyptien Abrajet low-tech » à un centre commercial au cœur d’un complexe de Misr est venu chercher Callebaut pour Héliopolis (sansbureaux et d’habitations. C’est l’essence même de The Gate Resi- concours), le but étant de construire un complexe-oasis fermédence – Héliopolis au Caire, dont une première moitié sera livrée avec des bureaux, un espace commercial et 1.200 appartementsen 2019–2020, et l’autre en 2022. Le complexe totalise 450.000 m2, en tous genres. L’architecte a alors constitué une équipe pluri-c’est-à-dire dix fois plus que Docks Bruxsel, ouvert depuis un an. disciplinaire d’ingénieurs – dont la moitié de Los Angeles, et les Les fondations de ce smart multi-use complex ont été posées en autres de Séoul et Abu Dhabi. Objectif : construire un complexeoctobre 2016. Sous une forêt ondulante de panneaux solaires, vertical richement végétalisé, avec une vision écologique duce complexe regroupe un méga-supermarché, trois étages de quartier pour les générations à venir. Coût de construction demagasins, des bureaux, des habitations, un centre médical, un cet édifice durable : environ 1.250 euros/m².service hôtelier, des installations sportives, une piscine, une Voici comment Vincent Callebaut résume les choses : « Hé-garderie, des services résidentiels et des jardins collectifs sous liopolis intègre d’une part des énergies renouvelables, et d’autreun même toit. Une ville dans la ville, donc. La tente de Bédouins part des règles bioclimatiques ancestrales. La nouveauté, c’estse dresse sur une parcelle le long de la prestigieuse avenue El la couverture en panneaux solaires (comparable au toit des HallesNosha, dans le mythique quartier d’Héliopolis. Mythique non à Paris, telle une immense canopée solaire, ndr), qui contient desseulement par son triple héritage archéologique égyptien, grec cellules de silicium de 25 mm2 semblables à des écailles bleuet romain, mais aussi par son développement urbanistique de nacré. Le photovoltaïque va produire 70 % de l’énergie requisecité-jardin au début du siècle dernier. par les habitations. La toiture accueille en outre un circuit de Le banquier bruxellois et industriel visionnaire baron Edouard tuyaux en verre qui fournira l’eau chaude sanitaire. Le soleil etEmpain (1852–1929), fondateur de la première ligne de chemin de l’air chauffent naturellement l’eau, qui est ensuite distribuée dansfer le long du Nil, rêvait de végétaliser et de viabiliser le désert. Sur les appartements. On dénombre en outre neuf éoliennes et desune bande de sable de 2.500 hectares, il allait imaginer une ville puits canadiens, s’inspirant des traditionnelles cheminées à ventmoderne, avec l’architecte bruxellois Ernest Jaspar (1876–1930). En égyptiennes appelées malqaf, déjà construites il y a 3.000 ans1908, le baron Empain relie grâce à un tram rapide (métro) la ville dans l’ancien Louxor – du low-tech, donc. Ce système de ven-du Caire et la nouvelle cité-oasis d’Héliopolis, seize kilomètres plus tilation naturelle amène l’air chaud de l’extérieur (45 °C en été)loin dans le désert. Ernest Jaspar, quant à lui, dessine pour le site à 15 mètres sous les fondations, où le sol est en permanenceun nouveau style réinterprétant de manière équilibrée l’architec- à 18 °C. L’air se rafraîchit alors jusqu’à une température deture islamique, l’Art nouveau et l’Art déco, avec des éléments de 30–32 °C avant d’être réinjecté dans les appartements via uneconstruction très modernes pour le début des années 1900, comme ventilation naturelle. Ce dispositif permet d’économiser plusle béton armé et les blocs d’aggloméré écologiques. L’investissement de 70 % d’électricité pour rafraîchir l’air à 26 °C. De plus, laprivé avait à l’époque convaincu les dirigeants égyptiens. respiration de la forêt verticale réduit également de 3 à 5 degrés la température dans les espaces semi-intérieurs. »In the picture © Vincent Callebaut Architects
Ecoshopping dans le désert A+269 15 Et les souks ? contemporain – dont les résultats en termes de durabilité sont heureusement supérieurs à ce qu’on a l’habitude de voir (surtout)Un centre commercial en plein désert, fût-il durable, fait inévita- au Moyen-Orient – persistera-t-elle ?blement froncer les sourcils. D’abord, il y a la forme architecto- Et puis, il y a cette question-clé : pourquoi un projet visionnairenique qui, au vu de l’empilement des installations techniques, ne de ce type séduit-il les investisseurs et promoteurs hors d’Europe,plaît pas à tout le monde. Même si le concept, vu de l’intérieur, et rarement sur le Vieux Continent ? Pour Vincent Callebaut,est en rupture avec le modèle américain désormais dépassé il s’agit d’un fossé lié à l’âge et aux mentalités. « En Europe, lesqu’on peut caricaturer comme étant une poutre pleine de maga- patrons des grands groupes d’investissement et promoteurs im-sins, Vincent Callebaut a aligné les unes à la suite des autres six mobiliers sont grisonnants, et plus vieux d’une génération. Engaleries commerçantes différentes. Point positif : l’intégration dehors de l’Europe, ce sont de jeunes quadragénaires. » Maisde la zone de magasins dans un environnement d’habitat et de en Europe, il y a un autre intervenant qui réfléchit à l’avenirtravail facilite le shopping local. Mais le fait que Le Caire, par ses – ou est censé y réfléchir : les pouvoirs publics. En effet, leurcentres commerciaux dernier cri, relègue ses marchés et souks rôle est de veiller à ce que les valeurs sociales, architectoniquestraditionnels à une anecdote couleur locale mérite débat. Il est et fonctionnelles soient respectées par les chimères qui veulenttoutefois difficile de s’opposer à un concept de bâtiment durable devenir réalité.faisant figure d’icône, même si l’intégration des dernières nou-veautés high-tech a un prix. La valeur historique de ce concept In the picture © Vincent Callebaut Architects Structure tridimensionnelle de Héliopolis. © Vincent Callebaut Architects Vincent Callebaut Architects vincent.callebaut.orgNom officiel du projet sportives, piscine, crèche, services Livraison à domicile et jardins communautaires The Gate Residence – Héliopolis Procédure Phase I : 2020 / Phase II : 2022 PrivéLieu Maître d’ouvrage Surface n/c Le Caire, Égypte 450.000 m2 surface bruteProgramme Budget Centre commercial, bureaux, logements, n/c centre médical, services hôteliers, installations
16 A+269 Sensations et commerce de détail Dans son relooking d’une enseigne de chaussures Hans Hollein aurait-il pu imaginer qu’un minuscule magasin de luxe à Anvers, Glenn Sestig Architects met qu’il avait réaménagé dans le centre de Vienne en 1966, alors qu’il commençait sa carrière d’architecte, finirait par figurer en valeur l’architecture. Le bureau parvient à ne pas au patrimoine architectural de la ville ? Il avait été chargé de négliger le client, sans pour autant céder à une penser jusque dans les moindres détails une façade exubérante d’à peine quatre mètres de large et d’une surface de 13 m² pourapproche du shopping misant sur l’émotion à outrance. un magasin de bougies. Le bâtiment, qui affiche des élémentsAslı Çiçek – Photographies : Jean-Pierre Gabriel postmodernistes tout en évoquant des associations futuristes, est devenu une icône de l’œuvre de l’architecte. C’est devenu unIn the picture
Sensations et commerce de détail A+269 17incontournable dans le contexte historique de la rue commer- un de ces exemples. Basé depuis vingt ans à Anvers, Coccodrilloçante la plus select de la ville. Sans doute ce magasin n’a-t-il pas vend des chaussures de grandes marques. Malgré une grandecontribué à modifier les comportements de shopping mais il a, vitrine parmi d’autres au milieu des bâtiments avoisinants, lepar contre, incontestablement posé un jalon quant à la capacité premier magasin était un espace modeste et intime. En achetantdes petits commerces à être vecteurs d’architecture. un immeuble à quelques rues de là, la société voulait créer une Aujourd’hui, l’architecture du commerce de détail tend à expérience de shopping différente, dans une rue plus calme etsuivre les tendances, les études de marché et à créer des intérieurs avec davantage de sensations architecturales.de plus en plus temporaires pour s’adapter aux changements ra- L’immeuble est une maison de ville classique dont les archi-pides du shopping sur Internet. Les schémas d’ambiance relatifs tectes ont conservé la façade et complètement démoli l’intérieur.à la marque, les relations publiques et le nombre de visiteurs dé- Glenn Sestig insiste sur le fait que sa pratique se concentre surterminent l’essentiel du concept que l’on attend d’un concepteur. l’architecture fonctionnelle et non sur l’esthétisme du décor,Plus que l’espace lui-même, on s’attache à créer chez le consom- quelles que soient les échelles auxquelles il travaille. En installantmateur une sensation qui le pousse à acheter. Pour les architectes, une toute nouvelle construction en béton qui respecte la struc-ces contraintes ne laissent que peu de liberté d’action. Générale- ture portante d’origine et en intégrant tous les éléments tech-ment, les marques de luxe s’adressent à des professionnels pour niques dans l’épaisseur du plateau, ils défamiliarisent l’intérieur.leur demander un espace commercial avec du caractère, laissant Une nouvelle cage d’escalier bien proportionnée mène à l’étage.davantage les coudées franches aux ambitions architecturales. La À première vue, les matériaux ont l’air très sobres, mais, dès lecollaboration entre Glenn Sestig Architects et Coccodrillo est second regard, on perçoit plusieurs textures : béton poli du sol In the picture
18 A+269 Sensations et commerce de détailressemblant à du terrazzo, plaques en fibrociment sur les murs, confortablement pour l’essayage. Aux deux étages, les caisseshautes plinthes en contreplaqué, panneaux en travertin posés sont de simples blocs en contreplaqué teint en mauve, révélantsur le dessus des marches, miroirs noirs de la cage d’escalier... le motif flammé du bois. Une fois les ordinateurs et terminaux Les deux niveaux du magasin respirent le luxe que les clients de paiement retirés, ces éléments restent dans leurs niches res-viennent chercher. La demande de Coccodrillo n’était toutefois pectives, sans plus aucune connotation.pas seulement de créer un magasin de chaussures où les anciens Coccodrillo suit la tendance des espaces polyvalents en archi-clients et les nouveaux se sentiraient accueillis et à l’aise, mais tecture. L’atmosphère générale n’est toutefois pas très différente deaussi un espace pouvant servir de galerie selon les besoins. Pour celle qu’on retrouve dans les autres magasins vendant des produitsréaliser cela, les architectes ont conçu le nouveau mobilier mo- de qualité. Les ambitions architecturales du projet sont ciblées etdulaire sous forme de structures légères. Comme les présentoirs ne sont détectables que par le groupe exclusif de clients visés parne sont pas fixés au sol, ils se démontent facilement pour céder le magasin. À ce titre, il serait trop audacieux de prétendre que cela place à un espace vide. De plus, du mobilier récupéré de projet va amener un changement dans les comportements d’achat.l’ancien magasin a été légèrement adapté pour l’intégrer dans Les architectes ont toutefois apporté une réponse cohérente à lales nouveaux espaces. Des chaises et des poufs légèrement plus demande de leur client, en harmonie avec l’identité du magasinhauts que d’habitude, fabriqués sur mesure, sont disséminés et l’œuvre confirmée de Glenn Sestig.dans les deux espaces pour permettre aux clients de s’installerIn the picture Glen Sestig Architects www.glennsestigarchitects.comNom officiel du projet Procédure Livraison Privé Coccodrillo Maître d’ouvrage Mars 2017 Coccodrillo bvbaLieu Surface Anvers 250 m2Programme Budget Magasin de chaussures, espace multifonctionnel n/c
Brique: Wapper White, Architecte: Anja Vissers, Herentals construire avec brillance. brique par brique. nous recherchons les limites de la brique. vous aussi? Jour après jour, nous recherchons chez Vandersanden Group les limites de la brique. Le résultat: une nouvelle gamme étendue de couleurs, de formes et de structures inspirantes. Exactement ce que vous recherchez!En savoir plus?www.vandersandengroup.be
A+269 21Hommage au carré Comment aménager un intérieur public qui mise Le lobby du Museum M, conçu par Stéphane Beel architecten, sur le vide ? Le hall d’entrée du Museum M est libre d’accès, sobre et spacieux. Il permet au visiteur d’ac- à Louvain a procuré un terrain de jeu au duo céder à la cafétéria, aux sanitaires et aux étages d’exposition, d’architectes et designers Felt. en passant par la billetterie. Depuis l’ouverture du musée en 2009, le lobby lui-même n’est pas resté vide : au-delà des nom-Gerlinde Verhaeghe – Photographies : Frederik Vercruysse breux visiteurs, il a également accueilli de multiples meubles de rangement, supports pour dépliants et présentoirs pour livres. Museum M a lancé un concours pour une intervention struc- turée dans cet espace libre. C’est Felt architecture & design, c’est-à-dire le jeune duo composé par Karel Verstraeten et Jasper Stevens, qui a remporté le concours. Pour la matérialisation et la structure, ils se sont fait conseiller par l’expert en mobilier Nick Top et le bureau d’architecture et design bas. In the picture
22 A+269 Hommage au carré Felt a réparti le programme de la boutique du musée, du coin lorsqu’on s’approche de la fine tranche des panneaux en alu-des enfants et du stand multimédias en trois éléments cubiques minium, la surface-miroir reflète l’espace environnant et faitpeints dans les couleurs primaires : jaune, bleu et rouge. Le disparaître optiquement l’enveloppe extérieure. La monotoniepurisme des formes révèle sans l’ombre d’un doute les affinités du blanc et du gris des murs et du sol trouve un écho dans ladu duo Verstraeten-Stevens avec le design et les jeux de formes. froideur de panneaux en aluminium.Chaque cube est coupé diagonalement ou transversalement enformes géométriquement pures. Les trois cubes sur roulettes, Rougepar leur échelle et leur exécution, sont à l’intersection entre À l’extrémité de la pièce, derrière une exposition temporaire, il yobjet (d’art), meuble et architecture miniature – « presque trop a le coin des enfants, rouge ! Ici, la géométrie se complexifie. Ungrands pour être des meubles, mais trop petits pour être de mini-podium est découpé dans les deux armoires rectangulaires.l’architecture ». Un peu puériles dans leur simplicité, ces formes Les enfants peuvent s’installer dans l’armoire, qui devient pourprimaires peintes dans des couleurs tout aussi primaires sont eux un « mini-intérieur ». Des mots et pièces de puzzle magné-réparties dans l’espace, tels de grands blocs de jeu colorés. tiques leur permettent de plonger dans leur monde imaginaire. Devant l’armoire se trouve une table ronde sur pied cylindrique. Une fois le cube reconstitué, les deux diamètres sont parfaitement Jaune jointifs. Felt est également l’auteur des chaises pour enfants – uneJuste après la billetterie, on passe entre quatre armoires trian- assise circulaire posée sur deux doubles arcs. Les dessins de pré-gulaires – aluminium poli rutilant à l’extérieur, thermolaquage sentation de Stool donnent une indication quant à l’esprit de Felt parjaune à l’intérieur. Le langage des formes et le code couleur font rapport aux formes géométriques pures. En effet, Stool est tout sim-rapidement comprendre le concept : les armoires sur roulettes plement un changement d’échelle : du siège pour enfant à la table,peuvent être déplacées pour reconstituer un cube parfait. du petit pavillon à la sculpture monumentale. Le message semble Tout comme les Floor Pieces de Donald Judd, les éléments sont être que les formes géométriques pures parviennent à franchir lesdisposés dans un rapport spatial mutuel. Les armoires jaunes sont frontières entre objet, meuble et architecture. Le changement entreidentiques par paires : deux armoires avec étagères horizontales intérieur et extérieur est donc une question d’échelle.pour des livres, et deux armoires à fond vertical incliné pour les Dans le lobby tout en longueur, Felt a réalisé une échelledépliants et cartes postales. Forme et contenu semblent s’épou- intermédiaire, entre élément de mobilier et architecture minia-ser à merveille : parmi les livres d’art, on repère notamment Sol ture. Les éléments de mobilier sont au service du programmeLeWitt, et, dans l’armoire de livres pour enfants, un petit livre et invitent le visiteur à faire des pauses dans son parcours. Lesjaune intitulé Je joue avec les formes (ndlt : Ik speel met vormen en formes géométriques colorées, quant à elles, sont disposéesnéérlandais, la version française se nomme Prendre et donner). librement dans l’espace, comme dans une peinture abstraite. Les meubles sur roulettes peuvent être déplacés pour retour- Bleu ner à une situation de départ hermétique, le cube, où la couleurÀ côté de l’escalier menant aux espaces d’exposition, les bro- et la vie disparaissent. L’usage est temporaire, tandis que l’espacechures et audioguides sont rangés dans deux armoires bleues. est permanent.L’élément convexe et l’élément concave peuvent s’assembler enun cube. Le jeu géométrique se poursuit jusque dans les détails :In the pictureNom officiel du projet Felt architectuur & design www.felt.works Livraison Mai 2017 Lobby Museum M Procédure Surface Concours 700 m2Lieu Maître d’ouvrage Budget Museum M 90.000 € (hors TVA et honoraires) Louvain Stabilité BAS (Dirk Jaspaert)Programme Ameublement
Le feu essentiel Résultat de la recherche technologique Stûv, le poêle à pellets Stûv P-10 relève le défi de la combustion du bois sans émissions de polluants. Avec des émissions de CO et de particules fines s’approchant de zéro*, il devance et surpasse les attentes de la norme ECODesign 2022. Ergonomique et esthétique, il annonce une génération ultra-performante de chauffage au bois.* Poêle à pellets Stûv P-10 : Plage de puissance : 2,4-8 kW - Rendement : 90,5 % - Émissions de CO : 0,001 % - Émissions de particules fines : 5 mg/Nm3 (IMQ Primacontrol - Juillet 2015) Retrouvez-nous sur www.stuv.com
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A+269 25#petitsujet Situé en contrebas de la rue du Lombard, artère Sur la page d’un réseau social, le projet de Joshua Florquin historique du business à Bruxelles, le Lockerroom Architecture (jfa) pour le Lockerroom se synthétise en un nouveau langage : le hashtag #texture, #homestyle, #inspiration, est une petite échoppe de prêt-à-porter US et #retaildesign. Tout est dit en quelques signes. C’est terriblement de chaussures de sport, un fonds de commerce appar efficace quoique minimal pour un jeune bureau qui annonce adopter un « langage profond et subtil ». Qui sait, ici réside peut- tenant à la franchise Panthers pour laquelle être le secret d’une communication soignée et sans ambiguïté. Joshua Florquin a déjà réalisé un premier comptoir Dans ses grandes lignes, le réaménagement de la boutique est à à succès, non loin de là, sur les rives du piétonnier. l’image de son autopromotion : minimal, soigné et sans ambiguïté ;Mathias Bouet – Photographies : Matteo Rossi il manifeste une totale fidélité à l’esthétique du vestiaire. En cela, In the picture
26 A+269 #petitsujetle projet tient à peu de choses, si ce n’est le calepinage d’une céra- aise. Supplément chantilly sur le café : de la grille orthogonalemique blanche 10x10. Nous sommes loin de Superstudio ou d’une dessinée par la céramique s’extrude cette fois un parallélépipèdefaçade lisboète, mais les joints sont impeccables. C’est déjà ça de rectangle en porte-à-faux, une prouesse d’ingénierie carrelée surgagné, d’autant qu’au fond du magasin, la magie du joint semble laquelle repose l’iMac et le terminal Bancontact. Là où basketsopérer : habilement dissimulée, une porte sans chambranle nous et sweatshirts se tenaient en retrait vis-à-vis du plan des murs,mène vers une terra incognita – une toilette ou un local de stockage, la fonction « acheter » se détache ostensiblement de l’ensemble ;voire les deux à la fois, le mystère demeure ici entier. en un acte d’accomplissement de soi, passer à la caisse du Loc- Rien ne bouge, pas une seule rature sur la partition. L’ordre est kerroom devient alors un doux moment privilégié, doux maisle maître mot. Dans la grille dessinée par la céramique se glissent fermement mis en scène par l’architecture de Joshua Florquin.des meubles ou plutôt des niches délicatement habillées de bois « Il n’y a pas de grands ou de petits sujets, parce que plus le(#wood – plaqué chêne). Les dernières icônes de chez Nike, des sujet est petit, plus on peut le traiter avec grandeur », a une foiséditions limitées qui font la renommée de la boutique (#leather), dit le regretté cinéaste Claude Chabrol, « en vérité, il n’y a ques’exposent ainsi dans l’épaisseur du mur, sur des plateaux de la vérité ». S’il existe dans l’histoire de l’architecture nombreverre illuminés par la grâce des led, et toujours à bonne hauteur d’exemples intéressants en matière de magasin, force est dede portefeuille. Pour faciliter la lecture de l’espace de vente, constater que Panthers n’est certainement pas Olivetti et jfa pasd’autres niches sont quant à elles revêtues d’un acier laqué teinte encore Scarpa. Navrés pour la grandeur, mais nous auronsgold ; elles abritent un autre produit : des vêtements de marques fait au mieux. Pour la vérité cependant, rendons à César ceen vogue dans les années 90 et réhabilitées à prix fort par la qui appartient à César. Le Lockerroom est une jolie échoppe,mode. La belle affaire. C’est finement joué (#inspiration). bien réalisée. Nous ne doutons pas de son succès ; les paires de Par souci d’homogénéité, l’acier se retrouve au plafond, dans Nike s’y vendront par centaines, sur un air de hip-hop sympa.un simili bas-relief au motif plus curieux que baroque. Plutôt Toujours est-il que nous envisageons l’architecture comme unebas de plafond, celui-ci ressemble à des ardoises de façade. Si production culturelle, une discipline au service de la collectivitéle motif laisse pantois, il a tout de même le mérite de filtrer la qui crée situation et atmosphère. Dans le cas présent, nous res-lumière crue des néons. Le résultat du dispositif n’est pas désa- tons plutôt dans celle du libre-service. En termes de puissancegréable ; il confère une atmosphère douce et onctueuse au lieu de narration, le hashtag a vraisemblablement montré ses limites.de chalandise ; un café viennois qui met le consommateur à son Cet article n’était qu’un petit sujet.In the picture Joshua Florquin Architecture www.joshuaflorquin.comNom officiel du projet Procédure Surface Lockerroom Brussels Privé 41 m2Lieu Maître d’ouvrage Budget Rue du Lombard 11, Bruxelles Pieter Pauwels 70.000 € (hors TVA et honoraires)Programme Livraison Magasin de chaussures Octobre 2017
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28 A+269 © Giorgio Possenti Zoom in Le minimalisme est la nouvelle fermette Interview Bart Lens Donum, Hasselt.
A+269 29 Dans les centres commerciaux des villes belges l’architecture, l’utilisation des matériaux, mais également le contexte urbanistique jouent un rôle de premier plan. Les interventions à échelles diverses impactent l’appréciation d’un magasin, et dès lors des chiffresde vente. Avec le bureau d’architecture Lens˚ass, Bart Lens a remporté le concours pour la couverture de la rue Neuve. Il explique son approche de ce projet controversé et aussi la raison pour laquelle il n’a pas voulu transformer la rue en centre commercial.Lisa De Visscher En 1997 Kristiaan Borret avait écrit : « La rue Neuve à Bruxelles est un centre commercial, construit sur le mode classique de l’haltère : à chacune de ses extré- mités reliant le couloir se trouve un grand magasin connu, le pôle d’attraction. Le rêve ultime du développeur de centre commercial consiste à faire déambuler à l’infini les flâneurs entre les deux extrémités magnétiques en lui faisant décou- vrir au passage les boutiques plus petites. (…) Il ne lui manque plus qu’un toit en1 verre pour devenir un centre commercial à part entière. » (1) Depuis, ce rêve deBorret, Kristiaan,« De stad in de mall développeur est sur le point d’être réalisé. Vous avez remporté le concours pourin de stad », dans la couverture de la rue Neuve. Quel projet avez-vous proposé ?Dietsche Warande &Belfort, pp. 52–64, Bart Lens Il y a quelques années, la Ville de Bruxelles a lancé un concours pour la couvertureLeuven, février de la rue Neuve. Nous avions déjà réalisé quelques intérieurs de magasins dans des1997. bâtiments existants, tels que Donum et Opticien Tackoen à Hasselt, et je me suis tou- jours intéressé à la réflexion sur l’architecture et l’usage des matériaux dans un cadre commercial. À l’époque, nous avions encore un bureau à Bruxelles, et, en tant que tel, la participation à ce concours iconique s’est imposée comme une évidence. Surtout parce que j’étais loin d’être convaincu que la rue Neuve devait être recouverte, même si j’apprécie la typologie de la galerie en elle-même. La galerie Saint-Hubert et la galerie de la Reine sont toutes deux très belles, mais elles ont aussi été conçues dès le départ comme galeries. Elles ont une structure portante sur laquelle repose la coupole. On y trouve aussi une rotation angulaire. Non pas en raison d’une contrainte urbanistique (le projet a été conçu à partir de zéro) mais pour deux raisons architectoniques : d’abord parce que la rotation angulaire permet de couper le vent, de manière à éviter de faire de la rue un couloir à courant d’air, et ensuite parce qu’une rue courbée offre bien plus © Philippe van Gelooven d’attrait en vous permettant de découvrir la galerie pas à pas. La rue Neuve est une rue en ligne droite sans imagination. Mais sa composition séquentielle permet d’y tracer un trajet susceptible de se découvrir en flânant. Ces séquences sont entre autres générées par les différents volumes avec des immeubles de dimensions diverses, une église ou une petite place. C’est pourquoi une couverture en verre était inimaginable. À quelle hauteur aurait-il fallu la poser ? S’il fallait intégrerOpticien Tackoen, Hasselt. tous les bâtiments, la plupart d’entre eux donneraient dès le premier ou deuxième étage sur un toit en verre sale. Et si on pose la coupole plus haut comme dans la ga- lerie Saint-Hubert, on exclut les bâtiments moins hauts. Puis, comment apporter les raccords sur la façade et que faire de l’église ? Zoom in © Giorgio Possenti © Philippe van Gelooven Donum, Hasselt.
30 A+269 Le minimalisme est la nouvelle fermette 6 Axe vert – place Rogier. 5 Nouvel axe – accès aux logements. 4Extension Passage du Nord. Église Notre-Dame du Finistère – nouvel aménagement végétal. 3Place de la Monnaie. 2 1 1. Place de la Monnaie 2. Rue Neuve 3. Place des Martyrs 4. Église Notre-Dame du Finistère 5. Rue surélevée donnant accès aux logements 6. Place Rogier
Le minimalisme est la nouvelle fermette A+269 31Vous avez donc proposé un contre-projet. © XDGA; Ney & Partners En effet. La rue Neuve relie deux places intéressantes : la place Rogier avec le pavil- lon xdga (qui devait encore être construit, ldv) et la place de la Monnaie. Nous voulions tracer un parcours allant de la Grand-Place à la Petite Ceinture en accentuant les différentes séquences spatiales existantes, puis en les reliant afin d’en faire un ensemble clairement identifiable. Nous avons commencé avec le bâtiment Anspach, dont nous avons complètement démoli le rez-de-chaussée, ce qui s’est fait sans difficulté puisqu’il reposait sur pilotis. Ceci a permis de libérer un espace extérieur couvert qui peut être occupé par une espèce de hub de transport pour métros aériens et arrêts de bus. Il permet d’accéder à la place de la Monnaie et à la rue Neuve, qui seront entièrement repavées. Nous avons par ailleurs prolongé une galerie existante, en cul-de-sac, jusqu’à la place des Martyrs, une des plus belles places de Bruxelles, alors que 99 % des visiteurs des commerces de la rue Neuve n’y mettent jamais les pieds. Grâce à ce prolongement, la place est intégrée au parcours, sans nécessiter d’autres ajustements, ce qui serait regrettable. Ensuite, vous poursuivez votre route le long de l’église du Finistère : une troisième séquence sur le parcours, qui s’élargit ou se rétrécit à mesure qu’on y pénètre. Pour la fin, soit la partie la plus laide de la rue Neuve, nous avons prévu une perspective de deux rangées d’arbres afin de la rendre plus attractive et d’offrir une perspective intéressante sur la place Rogier.La mission du concours stipulait explicitement de donner une vision sur le lo-gement dans et autour de la rue Neuve. Comment avez-vous résolu le problèmeclassique du logement au-dessus des magasins ?En jaune : les ruelles parallèles à la rue Neuve. Quand on conçoit un magasin, on doit toujours prévoir un accès latéral pour desservir le logement au-dessus, ce qui revient à condamner une partie de l’étalage. Au vu des loyers à la rue Neuve, c’est un choix impossible. Nous savions qu’à l’arrière entre la rue Neuve, le boulevard Adolphe Max et la place de Brouckère, il y avait une série de ruelles. En y aménageant un accès, il est possible de desservir l’arrière des magasins de la rue Neuve. Nous avons conçu une nouvelle rue à hauteur des niveaux +1 et +2, avec ascenseurs et escaliers, donnant accès à tous les logements au-dessus des magasins de la rue Neuve, sans qu’ils soient gênés par la rue commerçante. Bref, ni perte en espace d’étalage ni travaux devant sa porte ! Ces ruelles sont également les accès officiels des logements, avec adresses et sonnettes de porte. Il est également possible de prévoir une grille afin d’assurer la sécurité dans les ruelles. Notons que le logement est un atout majeur, qui génère non seulement plus de vie et de contrôle social, mais également un grand nombre de clients potentiels pour les magasins situés au rez-de-chaussée. Nous avons dessiné tout ceci en détail, même les façades arrière qui donnent sur les ruelles. En outre, la nouvelle desserte apporte des milliers de mètres carrés en superficie habitable qui est aujourd’hui vide, et ceci à un excellent emplacement. En valorisant les étages supérieurs, on valorise tout l’immeuble, c’est la logique même. Un nouveau lotissement en plein cœur de Bruxelles, voilà un vrai projet d’envergure ! À Hasselt, j’avais participé à un concours et déjà été confronté au problème de logements au-dessus des magasins, mais le résultat ne m’avait pas satisfait. Or, ici, j’ai pu trouver une solution grâce à la situation urbanistique. Mais finalement, nous n’avons pas obtenu de permis et notre projet s’est arrêté là. Sans doute une question d’argent, mais pas seulement. La rue Neuve est une rue commerçante avec un des chiffres d’affaires les plus élevés de Belgique. On n’a probablement pas voulu prendre de risque dans une rue où le pouvoir commercial est d’une telle importance. Zoom in Façades arrière de la rue Neuve.
32 A+269 Le minimalisme est la nouvelle fermette Lens°ass a déjà conçu plusieurs magasins. Quel rôle jouent l’architecture et l’uti- lisation des matériaux dans ce secteur ? Opticien Tackoen à Hasselt – Dans un magasin, il est important de renoncer à une partie de l’espace extérieur et rez-de-chaussée. d’attirer de la lumière à l’intérieur. Dans le magasin Pal Zileri à Hasselt, nous avons entièrement vitré la façade arrière. À première vue étrange, car c’est l’endroit idéal pour des rayonnages, mais tout ce qu’on étale à la lumière du jour, allant de l’habillement au design en passant par le textile, se vend beaucoup mieux. C’est le même principe que nous avons appliqué pour l’opticien Tackoen à Hasselt. Le bâtiment renfermait une petite cour médiévale, cernée de bâti au fil des ans. Nous l’avons ouverte, de manière à pouvoir longer la façade latérale et y plonger le regard. Ainsi, nous avons montré l’arti- san à l’œuvre en train de polir le verre, intéressant, non ? Car en montrant comment on produit les choses, la façon de faire du commerce devient plus intelligente. Au début, on a buté contre une forte opposition parce qu’on avait sacrifié de précieux mètres carrés, mais, depuis, la cour a attiré un tel nombre de visiteurs que le propriétaire a considéré l’intervention comme le plus beau cadeau qui lui soit tombé dessus. Pour une petite boutique, il est important de réaliser une architecture ouverte et lisible car c’est ainsi que les gens franchissent le seuil sans se sentir poussés à l’achat. En outre, c’est une façon de se distinguer des chaînes qui proposent seulement une marque aux clients. Nous ne cherchons pas forcément de nouveaux matériaux. Nous faisons appel à des matériaux classiques, tels le béton, l’acier, le verre et le bois, ainsi que des matériaux liés au sol telle la brique. J’ai toujours eu un faible pour la brique parce que nos artisans savent bien la travailler et qu’elle permet de réaliser des détails complexes, contrairement au béton. Et comme nous n’atteignons pas la même perfection que les Suisses, nous fabriquons du béton avec du caractère. Nous montrons le coffrage, les joints, nous ne remplissons pas les trous de manière régulière afin d’obtenir un ensemble plastique. J’ai découvert il y a longtemps l’œuvre de John Pawson : minimale, stricte et pure. À travers les quelques matériaux qu’il utilisait, j’ai compris qu’il les utilisait de manière très tactile. Du plastique déchiré, un parquet gratté à vif, des plâtrages peints gardant l’empreinte de la brosse à peinture. Même de façon minimale, la texture était toujours très présente. C’est alors que j’ai compris que lorsqu’on travaille avec des matériaux, il faut en souligner la matérialité. Les nombreux nouveaux minimalistes qui ont suivi, avec leurs cuisines blanches et leurs sols noirs, ne m’intéressent pas. Leurs idées asep- tisées sont sans relief et ne font pour moi que remplacer l’esprit de la fermette avec son aménagement intérieur douillet tant prisé autrefois.Zoom in © Philippe van Gelooven Opticien Tackoen à Hasselt.
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LES MATÉRIAUX ET LEURIMPACT ENVIRONNEMENTALEntretien avec Sébastien Breels,gestionnaire de projets chez MatricielSi des bases de données de produits de construction et des outils d’éva- Quels en sont les avantages ?luation à l’échelle des bâtiments existent dans plusieurs pays limitrophes,la Belgique travaille activement au développement d’un cadre pour ac- Ils seront propres à la Belgique, reconnus et validés. Ils permettront de posercompagner les concepteurs à opérer des choix architecturaux prenant en des choix éclairés dès la phase de conception d’un projet afin d’analyser etcompte l’impact environnemental des matériaux. d’optimiser l’impact environnemental d’un bâtiment. Aujourd’hui, quand onDepuis février 2017 la base de données B-epd, lancée par le Fédéral, ac- parle de performance énergétique et environnementale, il s’agit de mener unecueille les déclarations environnementales de produits de construction, et approche globale, équilibrée et de considérer tant l’impact lié à l’exploitation dudébut 2018 ce sont les 3 Régions qui inaugureront un outil de calcul des bâtiment que celui lié au cycle de vie complet des matériaux qui le composent.impacts environnementaux des matériaux dans les bâtiments. SébastienBreels a testé la version béta de cet outil. La prise en main de cet outil de calcul «matériaux» sera-t- elle à la portée de tous ?Pouvez-vous détailler ces deux outils ? C’est en effet l’objectif, qu’il soit utilisé dans tous types de projets.B-epd est une base de données créée à l’initiative du Fédéral et rassemblant En amont, il sera essentiel d’effectuer un travail de formation pour une partiedes informations précises et ciblées (EPD – Environmental Product Declara- du secteur professionnel non ou peu sensibilisé à la question de l’impacttion) sur les impacts environnementaux des matériaux de construction. Ces environnemental. Il faut éclaircir leur horizon, expliquer les enjeux, montrer lesdéclarations émanent des fabricants eux-mêmes. A partir de ces données possibilités d’action et enfin présenter les outils. Même si ceux-ci se veulentdétaillées, les trois Régions alimenteront prochainement un calculateur clairs, il faut les prendre en main et les utiliser à bon escient, connaître leurscapable d’évaluer l’impact des matériaux à l’échelle d’un bâtiment. Deux outils points forts et leurs limites, interpréter leurs données.qui seront à terme totalement adaptés au contexte du marché belge et quis’adressent directement aux concepteurs, bureaux d’études et constructeurs. Plus d’infos sur : www.guidebatimentdurable.brussels B-epd : www.health.belgium.beL’évaluation et l’optimisation de la performanceenvironnementale des matériaux dans le proces-sus de conception d’un projet de construction oude rénovation : une étape clé pour des bâtimentsdurables !© Yvan GlavieEN SAVOIR PLUS ?Découvrez plus dans le Guide Bâtiment Durable :www.guidebatimentdurable.brussels
A+269 A+267 35Fondements © BanksyDis-count
A+269Shopping Towns Belgium Les shopping centers se sont développés sur le dicales. À partir des années 1940, la construc-modèle américain, au cœur de tensions : entre centre tion de centaines de milliers de nouvelleset périphérie, entre objectifs économiques et politique maisons, parallèlement à la multiplication rapide des voitures privées et à la construc- urbaine. Or, depuis les années 60, peu a changé : tion d’autoroutes financées par l’État, allait se la faiblesse des pouvoirs publics laisse souvent libre traduire par une expansion explosive de zones cours à la logique de la terre brûlée des promoteurs. suburbaines quasi exclusivement résidentielles et dépourvues de toute commodité urbaine.Janina Gosseye & Le développement d’un nouveau centre de Comme antidote, Gruen inventa le shop-Tom Avermaete shopping déclenche souvent de vives réac- ping center. Il le définissait comme un remède tions. La saga Uplace, qui a défrayé l’actua- à la croissance tentaculaire des banlieues amé- Fig.1 lité belge pendant des années, n’en est qu’un ricaines par l’injection d’infrastructures et Plan de détail original de l’ensemble exemple. Cette méfiance envers les centres de d’espaces collectifs. Pour lui, le shopping cen- du projet Southdale, publié dans le shopping n’est toutefois pas récente. En 1963, ter était un « centre-ville satellite » qui – une par exemple, l’économiste néerlandais A.W. fois que plusieurs seraient construits – pourrait Minneapolis Star le 17 juin 1952. Luyckx écrivait dans le magazine Actuele On- se développer en un réseau nodal structurant Source : Edina Historical Society, derwerpen : « Entre Delft et La Haye, à Rijswijk, la décentralisation autour des grandes villes un centre commercial moderne est en cours et (très important !) garantissant la viabilité Southdale. de construction... La création de “shopping commerciale du centre-ville. centers” de ce genre est également envisagée Le célèbre shopping center Southdale inau- ailleurs dans notre pays. Dans les autres pays guré en 1956 à Edina (Minnesota) constitue la du Benelux, la situation est identique... à l’instar plus belle illustration de l’approche de Gruen. de ce qui se fait en Amérique. Les rues com- C’était le premier shopping center de périphérie merçantes du centre d’Amsterdam, Anvers, américain totalement clos et climatisé – un pro- Bruxelles, La Haye, Liège, Luxembourg ou totype qui, en à peine vingt ans, allait devenir Rotterdam vont-elles se dépeupler ? » le modèle américain dominant dans le secteur L’arrivée en Europe des premiers shop- du commerce. Dans ses premiers plans, Gruen ping centers de type américain à la moitié du avait installé le shopping center au cœur d’un 20e siècle a soulevé de nombreuses inquiétudes complexe plus important, avec des écoles, un quant à leur impact potentiel sur le centre his- centre médical, un parc, un lac, etc. Ces avan- torique des villes et les territoires urbains à tages bénéficiant à la collectivité n’intéressaient une échelle plus large. De nombreux pays ont toutefois pas le promoteur, Dayton’s. C’est ainsi alors envoyé des missions aux États-Unis pour que seul un conteneur commercial climatisé étudier de visu ce nouveau type de centre. De solitaire fut construit. Fig. 1 & 2 1953 à 1963, plusieurs délégations suisses, bri- En 1968, soit une petite décennie et tanniques, néerlandaises et allemandes ont tra- quelques déceptions plus tard, Gruen quitte versé l’Atlantique dans ce but, de même qu’une les USA et retourne à Vienne. La même année, délégation belge. Du 14 octobre au 6 novembre il est invité à intervenir lors d’une conférence à 1960, des représentants de l’Office belge pour Bruxelles, où il déclare : « Il me semble inutile, l’accroissement de la productivité se sont rendu illogique et tragique que l’Europe et d’autres aux USA pour y visiter une myriade de centres régions répètent les erreurs commises aux commerciaux. À leur retour, ils publièrent un États-Unis au lieu d’exploiter les nouveaux rapport de voyage qui déclarait crûment : « Il concepts qui se sont dégagés de nos propres est... malheureux d’assister à une lutte pour la lacunes et de notre recherche de meilleures survie, pour ne pas dire à la mort d’un centre- méthodes. » ville qui se désertifie à un rythme accéléré. » Et Le criticisme de Gruen fit écho auprès des selon la mission, l’assassin, c’était le shopping partisans du shopping center qui avaient été center américain des périphéries. nombreux à se rendre en voyage d’étude aux États-Unis. Ces experts européens revinrent Fig.2 Antidote de leurs visites avec deux leçons clés : le be- Southdale shopping center dans le Un des plus grands partisans du shopping soin d’inclure la ville dans leur réflexion, etMinnesota. Source : Gruen Associates center suburbain aux États-Unis était Victor l’importance pour les pouvoirs publics et les(http://gruenassociates.com/project/ Gruen, architecte autrichien qui avait fui en administrations de restreindre le pouvoir de Amérique en 1938, juste à temps pour y assis- ces poids lourds commerciaux. En Belgique, southdale-center/). ter au début de transformations urbaines ra- 36
Shopping Towns Belgium A+269ces leçons furent mises en œuvre avec des mercial », la Ville de Waregem se lança dans Fig. 3niveaux variables de réussite. le développement de ce shopping center au Projet initial du Shopping 1 à Genk. début des années 1960 et vit dans Het Pand Source : Archives de la Ville de Genk, Crise économique (nom du nouveau complexe) un moyen cléLe premier shopping center de Belgique fut le pour revitaliser le centre-ville et créer un pôle box 874.1.Shopping 1 à Genk. Comme dans les projets urbain moderne mixte.de Gruen, la motivation sous-jacente de sa Avec force détermination, la Ville voua à Fig. 4construction était de pallier l’urbanisation la démolition les maisons situées le long de Shopping 1 à Genk. Source : Archives detentaculaire de la ville. Lorsqu’il devint clair, la partie sud de la Marktplein. Au-delà deau début des années 1960, que les ressources cette rangée de maisons se trouvait un grand la Ville de Genk, photothèque.naturelles de la région étaient limitées, Genk site industriel pratiquement désaffecté, der-entreprit de se réinventer en pôle d’attraction rière lequel un nouveau centre sportif avait été Fig. 5commercial moderne et proposa le dévelop- construit. Eugeen Vanassche, jeune architecte Het Pand à Waregem. Source : Archivespement d’un centre de shopping. Longeant de Bruges, conçut un nouveau complexe dele centre-ville naissant de la ville le long de quatre étages sur le site industriel rasé. L’étage de la Ville de Waregem.l’Europalaan, le Shopping 1 devait contribuer inférieur, aménagé en parking, compensaità la formation d’un centre urbain à allure ré- efficacement la différence de hauteur de deuxgionale, offrant par ailleurs une centralité au mètres entre la Marktplein et le centre sportif.tissu urbain éclaté de Genk, qui avait gran- Cela permit la création d’un niveau supérieurdi autour de trois grands sites miniers. Si le sans voitures où fut érigé le nouveau shoppingshopping center a bénéficié d’un emplacement center, au même niveau que la Marktplein.stratégique, c’est parce que la Ville a joué un Articulé autour d’un piétonnier à ciel ou-rôle prépondérant dans son développement en vert, ce nouveau centre, au-delà de proposersélectionnant elle-même le site, en expropriant 12.000 m² d’espace commercial, accueillaitles terrains et en confiant le projet à un archi- aussi les services administratifs de la ville, untecte de son choix. cinéma, une bibliothèque et un centre culturel. En 1964, l’architecte J.M. Plumier présenta Il ne fut pas simple de financer la construc-ses premiers plans : un complexe de bâtiments tion de ce complexe mais la Ville persévéradétachés, rectilignes, tous interconnectés par et leva plusieurs fonds pour réaliser cet am-un système complexe de rues piétonnes en hau- bitieux projet en plusieurs étapes. Le centreteur et situé dans une zone sans voitures entou- culturel fut le premier bâtiment construit. Ilrée d’emplacements de parking. Outre les com- ouvrit ses portes en 1971 et fut pertinemmentmerces, ce complexe en plein air intégrait un baptisé De Schakel (le maillon), puisqu’ilgrand bloc d’habitation, des bureaux, un centre faisait le lien entre les terrains de sport etadministratif, un hôtel, un café, un restaurant le shopping center. Dans les six années quiet plusieurs infrastructures communales telles suivirent, la Ville poursuivit progressivementqu’un centre de soins et une piscine. ses chantiers vers le nord ; le complexe fut Sur base des plans de Plumier, qui furent finalement achevé et officiellement inaugurécomplétés l’année suivante, la Ville lança un le 23 septembre 1977. Fig. 5appel d’offre. En 1965, Constructions et en-treprises industrielles (cei) se vit attribuer Genk cèdela construction du complexe. Cependant, le Au-delà de ces shopping centers intra-ur-contrat envoyé par cei à la Ville suggérait que bains de la première heure, plusieurs autresle prix restait négociable si la Ville était prête furent construits en périphérie des villesà revoir l’obligation qu’avait l’entreprise de belges. C’est à Bruxelles qu’on retrouveconstruire les éléments du plan autres que ceux les premiers exemples, avec le Woluwe etliés au commerce. Genk céda à cette demande. le Westland, inaugurés respectivement enL’année suivante, les plans furent adaptés et, 1968 et 1972. Ces centres commerciaux – unlors de son inauguration en août 1968, le Shop- à l’est et l’autre à l’ouest de la capitale – ser-ping 1 ne ressemblait plus du tout au projet virent de catalyseurs au développement deinitial de Plumier. Au lieu de cela fut construit nouveaux nœuds multifonctionnels, assezun shopping center complètement fermé avec semblables à ce qu’avait imaginé Gruen etair climatisé, parking en toiture pour 1.000 visant à structurer le développement de lavoitures, et avec une relation étrange au centre- banlieue bruxelloise.ville qu’il jouxtait. Fig. 3 & 4 C’est le promoteur immobilier Devimo qui prit l’initiative de construire le Woluwe shop- Waregem tient bon ping center. Toutefois, lorsque Devimo présenta Moins de dix ans plus tard, un centre com- ses plans à l’administration, Woluwe détectamercial conforme aux premiers plans élabo- rapidement l’opportunité de créer un centrerés pour son prédécesseur limbourgeois fut urbain à part entière dans la commune. Uninauguré au cœur de Waregem. Fascinée par master plan fut préparé, proposant d’associerles possibilités offertes par l’« urbanisme com- le shopping center à des installations dédiées à37
A+269 Shopping Towns Belgium Fig. 6 la culture et aux loisirs dans un complexe plus le shopping center initialement imaginé pour Westland shopping center. vaste situé le long du boulevard de la Woluwe, Genk, Neo promet l’aménagement d’une série Source : Archives GIB, en dépôt aux de part et d’autre de l’avenue Paul Hymans, avec d’infrastructures publiques telles qu’un parc, Archives de l’ULB, boîte d’archive un passage piétonnier surélevé pour relier les un lac, une piscine, un centre sportif, etc. Seul deux parties. Ce master plan ne fut cependant le temps nous dira si ces plans ambitieux se 25Z-486. jamais adopté officiellement et resta dans les verront plus amplement concrétisés sur le pla- tiroirs. Du coup, les fonctions auxiliaires et le teau du Heysel que dans la plaine campinoise Bibliographie passage piétonnier disparurent, et le shopping près de Genk.Shopping Centres: Verslag van de center de Woluwe devint un centre comme les Lorsqu’on observe toutefois la dernière autres, complètement fermé et climatisé. Fig. 6 vague de construction de shopping centers en Belgische Zending naar de Verenigde Un scénario similaire se déroula à An- Belgique, majoritairement concentrée sur la Staten (Belgische Dienst Opvoering derlecht. Mais dans ce cas, c’est la commune région de Bruxelles-Capitale, une préoccu- Productiviteit, 1960). elle-même qui fut à l’initiative du dévelop- pation beaucoup plus large se dégage quant àMalcolm Gladwell, « The Terrazzo pement de son shopping center. Convaincue l’impact de ces réalisations sur le centre his- Jungle », New Yorker, 15 mars 2004, qu’Anderlecht avait le potentiel de devenir la torique de la ville et – plus largement – sur la http://www.newyorker.com/ sous-capitale de la périphérie ouest, la com- région. Totalisant 80.000 m2 de superficies magazine/2004/03/15/the-terrazzo- mune passa un accord de collaboration avec commerciales – soit plus que les shopping cen- jungle Devimo. Le résultat de ce partenariat pu- ters de Woluwe et du Westland combinés – NeoJanina Gosseye, « The Janus-faced blic-privé fut l’inclusion du Westland shopping entend devenir le plus grand shopping center Shopping Center: The Low Countries center dans un master plan plus vaste, relié par du pays. Qui plus est, il ne se trouvera qu’à in Search of a Fitting Shopping plusieurs voies piétonnes à un vaste réseau de 3 kilomètres du nouveau centre commercial Paradigm », Journal of Urban History parcs imbriqué dans différents quartiers, ainsi Docks, dont les 41.000 m2 de surfaces com- (publié en ligne avant impression que des infrastructures culturelles et publiques merciales ont été inaugurées l’an dernier, et à le 1er avril 2016). à Anderlecht. Une fois le plan final approuvé quelque 6 kilomètres d’Uplace, qui injecteraJanina Gosseye et Tom Avermaete en 1971, le shopping center fut rapidement environ 55.000 m² supplémentaires destinés (éds.), Shopping Towns Europe construit et ouvrit ses portes en 1972. Hélas, au commerce dans ce territoire du nord-est de 1945–1975: Commercial Collectivity and la crise économique de 1973 passa par là et le la région bruxelloise. Face au constat que de the Architecture of the Shopping Centre reste du master plan resta en suspens, faute de nombreux commerces et centres commerciaux (London, Bloomsbury, 2017). moyens financiers. du centre-ville luttent déjà pour leur survieM. Jeffrey Hardwick, Mall Maker: Quelques autres grands centres commer- – les galeries autour de l’avenue Louise en sont Victor Gruen, Architect of an American ciaux ouvrirent en périphérie de villes belges un exemple particulièrement criant –, on est Dream (Philadelphia: University of au début des années 1970, comme le Koopcen- en droit de se demander si l’impact potentiel Pennsylvania Press, 2004). ter Waasland à Sint-Niklaas (1972) et le Ring de ces nouveaux sites sur la ville historique etA.W. Luyckx, « Winkelcentrum: Shopping Centre à Courtrai (1973). À la suite les territoires urbains adjacents (y compris les Van Markt tot Shopping Center », de la crise économique, le développement de centres commerciaux existants) a fait l’objet Actuele Onderwerpen 953 grands shopping centers de ce genre dans les d’une étude sérieuse. Gruen imaginait le shop- (15 mars 1963). périphéries urbaines fut toutefois mis en berne ping center comme un élément intégré à unYannick Vanhaelen et Géry Leloutre, au milieu des années 1970. Il faudra attendre réseau de nœuds urbains, y compris le centre « Shopping Centers as Catalyst for le début des années 1990 pour assister à une historique de la ville – on semble aujourd’hui New Multifunctional Urban Cen- reprise des chantiers du genre, avec Wijnegem loin du compte ! Par ailleurs, les anciens mo- tralities: The Case of Two Shopping à Anvers (1993) et Belle-Île à Liège (1995). À dèles de mobilité sur lesquels repose la vague Centers around Brussels », in Janina l’époque de leur inauguration, tous ces shop- récente des nouveaux centres commerciaux Gosseye et Tom Avermaete (éds.), ping centers avaient une superficie d’environ posent, eux aussi, problème. Alors que dans Shopping Towns Europe 1945–1975: 35.000 m2 – sur base du modèle du Woluwe les années 1960, la voiture était proposée avec Commercial Collectivity and the Archi- et du Westland. Mais contrairement aux deux enthousiasme comme mode de transport pri- tecture of the Shopping Center (London, centres commerciaux bruxellois précités, Wi- vilégié pour se rendre au shopping center, le Bloomsbury, 2017), pp. 51–64. jnegem et Belle-Île ainsi que le Koopcenter maintien de ce choix dans une Belgique contem- Waasland et le Ring Shopping Centre étant poraine congestionnée est tout sauf évident. tous des initiatives exclusivement privées, rien À mesure que l’État-providence s’effrite, la ne les poussait à remplir des fonctions publiques Belgique marche donc de plus en plus – et visi- rayonnant au-delà de leur propre périmètre. blement à l’aveuglette – dans les pas de l’Amé- La recommandation faite aux pouvoirs pu- rique, s’engouffrant de manière irréfléchie dans blics de limiter les investissements privés dans tout ce que les promoteurs lui proposent au lieu le secteur du commerce, recommandation qui d’encadrer de manière proactive les investisse- date à l’origine des années 1960 à la suite de ments privés. Peut-être faudrait-il dépêcher une plusieurs missions aux usa, ne fut redécou- autre mission aux usa, pour que les respon- verte en Belgique que lors de la récente vague sables en charge de notre environnement bâti de nouveaux shopping centers. Shopping K puissent constater de visu ce qu’y a engendré à Courtrai (2010) est un exemple de réussite, l’absence de planification des investissements de même que Neo, dont la construction est commerciaux et l’absence de contrôle de ceux-ci prévue au nord-est de Bruxelles, avec une belle par les pouvoirs publics : un paysage constellé liste de bailleurs de fonds publics. Tout comme de shopping centers désertés et désaffectés. 38
A+269 A+267 39 L’espace public pris en otage ? La fonction commerciale a toujours produit des Les grands centres commerciaux qui s’ins- espaces publics dans nos villes. Un passage en revue tallent dans nos villes sont de tels lieux, des non-de l’histoire des typologies commerciales bruxelloises lieux diront certains. Ces espaces se fondent sur une caractéristique majeure : la réplicabilité. Ils du 19e siècle à nos jours, qu’il s’agisse de galeries se démarquent par une absence quasi complète commerçantes, de grands magasins ou de shopping de relation aux identités locales, qu’elles soient culturelles, historiques voire même météorolo- donne à voir l’évolution des rapports qu’elles giques (il y fait toujours beau) pour se répéter à entretiennent avec la ville. Et de noter une tendance l’identique aux quatre coins de la planète. Ils éloignent provisoirement le chaland de inexorable vers une posture introvertie. la complexité de son environnement social et domestique. À l’instar du livre facile que l’onGérald Ledent Non-lieux ? achète dans les gares, leur principal atout est Qui n’a jamais été tenté, lors d’un voyage au de ne réserver à l’usager aucune surprise, de bout du monde, de retrouver ne fût-ce qu’un n’offrir aucune rencontre imprévue. instant le confort rassurant d’un grand hôtel, Selon Antoine Picon, ces espaces génériques, l’anonymat d’une chaîne de restaurant inter- sortes d’immenses parenthèses dans notre national, le goût standardisé d’un soda ou monde, tendent à devenir les derniers espaces l’ambiance aseptisée des commerces toujours publics de nos sociétés. Par conséquent, la qua- identiques de l’aéroport international ? Dans lité publique de ces lieux doit être questionnée ces univers parallèles et curieusement familiers, l’étonnement et le rythme du cycle des saisons disparaissent. 39 Dis-count Façades et intérieurs de modèles commerciaux. De gauche à droite : la galerie commerçante ; le grand magasin et le shopping center.
A+269 L’espace public pris en otage ? pour comprendre dans quelle mesure ils sont Au 19e siècle, un nouveau type urbain appa- capables de constituer l’espace du lien social. raît avec la galerie commerçante. Ces passages, célébrés par Walter Benjamin à Paris, modifient Introversion progressive de le rapport au chalandage. La production est l’espace commercial souvent dissociée de la vente qui se produit dans des espaces couverts, piétons et unitaires La fonction commerciale a toujours produit architecturalement (façades symétriques, mar- des espaces publics dans nos agglomérations. quage des entrées, etc.). À Bruxelles, les galeries Pourtant, l’identité de ces derniers a évolué à Royales Saint-Hubert ou le Passage du Nord travers le temps sous la forme d’une introversion sont des témoins de cette période. Une muta- progressive. Bruxelles n’échappe pas à cette tion importante est engagée avec l’apparition règle et les espaces publics liés au commerce des passages urbains : flâner dans les magasins pourraient être résumés en quatre temps. devient une occupation à part entière plutôt Jusqu’au 19e siècle, les espaces commerciaux qu’une épreuve laborieuse à courir les com- sont disséminés à travers la ville, fréquemment merces de détail. Les espaces qui l’accueillent attachés à la fonction productive. On parle alors deviennent alors de nouveaux lieux de sociabili- de négoces spécialisés et l’espace commercial té. Si le caractère intérieur de ces lieux de vente n’est pas distingué de celui de la ville. La rue annonce une première introversion, l’activité et la place sont les vecteurs principaux du com- commerciale reste doublée d’une fonction de merce. 40Dis-count Europea (Neo) Docks GG Woluwe G G Westland G City 2 The Mint GGGGGGGGGG G GGGG G G G
L’espace public pris en otage ? A+269 A+267 41 Dis-countcirculation dans la ville qui permet à l’usager le prospect urbain, comme l’affirme sans équi-de se rendre d’un point à un autre. voque Victor Horta à propos de son bâtiment À partir du milieu du 19e siècle, cette mu- de l’Innovation, pour qui il faut « accrocher letation s’accélère et le secteur de la distribu- passant pour en faire un acheteur ». Le rap-tion connaît sa révolution industrielle avec la port à l’espace public évolue donc. Les grandscréation des grands magasins. Ces derniers magasins continuent à tisser un dialogue avecs’appuient sur l’accessibilité accrue de certaines l’espace de la ville, mais ils agissent contradic-zones urbaines grâce aux nouveaux moyens de toirement comme des systèmes fermés et privés.transport (train, tramway sur les boulevards), Le caractère déambulatoire du chalandage estdes techniques de production de masse et la conservé, mais l’espace fonctionne en cul-de-prospérité des nouvelles classes moyennes. Ces sac, séparé de la circulation urbaine proposéegrands magasins s’implantent généralement antérieurement par le passage.dans des centres urbains denses. À Bruxelles, Dans cette introversion progressive, le centrec’est la zone Nord-Est du Pentagone qui est commercial constitue une étape ultime. À l’ori-privilégiée pour sa facilité d’accès mais aussi gine de ces ensembles, un constat : la proximi-pour sa vitalité économique et culturelle. On té des magasins augmente leurs profits réci-voit alors apparaître le Bon Marché, les Grands proques. Ce principe d’épaulement présidera àMagasins de la Bourse, l’Innovation, le Grand la naissance des premiers centres commerciauxBazar du boulevard Anspach entre la Bourse aux États-Unis puis en Europe au sortir de la Se-et la gare du Nord, dans un quartier dédié à conde Guerre mondiale. Au même titre que lesl’époque (déjà) aux affaires et au spectacle. Ce grands ensembles de logement et les infrastruc-sont de véritables cathédrales vouées au culte tures largement financés par l’État-providence,de la consommation. Le programme s’installe les centres commerciaux sont, dans le domainedans des édifices monumentaux qui dominent privé, les enfants de la mise en pratique des prin-les constructions voisines. L’architecture même cipes modernistes. À Bruxelles, ce mouvementde ces bâtiments en fait un produit d’appel dans se déploie en deux temps. Des hypermarchés 41City 2 © AG Real Estate
A+269 L’espace public pris en otage ? sont créés dans les années 1960 à la périphérie ailleurs, à l’inverse des grands magasins, ces de la ville. Viennent ensuite des centres com- shopping centers se distinguent par une piètre merciaux régionaux dont les deux premiers (le qualité architecturale. L’essentiel de l’énergie est Woluwe et le Westland Shopping Center) sont concentré dans les espaces intérieurs dessinés implantés stratégiquement à l’est et à l’ouest du par des spécialistes d’une architecture commer- territoire. Ces complexes commerciaux sont ciale générique. L’extérieur n’est souvent qu’un érigés à l’initiative de groupes de distribution cache-misère autour d’une boîte qui n’est rien comme celui du Grand Bazar. À l’inverse des de plus qu’un hangar. hypermarchés qui s’adressent à des communau- L’inversion produite par ces centres commer- tés locales, ils ont une zone de chalandise régio- ciaux est complète. L’espace public qui devient nale. Le dernier shopping center à être installé entièrement intérieur n’entre plus en résonance à Bruxelles est le City 2 à la fin des années 1970, avec le contexte local. période qui marque l’arrêt de tous les investis- Ces différents archétypes de la distribution sements modernistes d’envergure en Belgique. proposent une introversion progressive de l’es- L’accessibilité automobile est la caractéristique pace public. La disposition des façades est symp- principale de ces nouveaux complexes. Ils se tomatique de ce phénomène. Dans un premier situent à proximité des infrastructures auto- temps, elles coïncident avec l’espace public. routières et proposent de vastes parkings. Par Dans les passages, les façades se régularisent 42Dis-count Docks © George De Kinder
L’espace public pris en otage ? A+269 A+267 43 Dis-countpour constituer des ensembles architecturaux de rénovations réalisées ou à venir des centrescohérents. L’aléatoire de la ville y est atténué. Les commerciaux existants (City 2, Anspach, Mon-grands magasins proposent, quant à eux, deux naie, Woluwe Shopping Center, etc.) mais aussiadresses opposées, l’une magistrale, tournée vers les créations de trois nouveaux centres commer-la ville et l’autre, introvertie, autour des produits ciaux au nord du territoire bruxellois, Docksen vente. Les centres commerciaux, enfin, ne Bruxsel, Uplace et Neo.voient en la façade extérieure qu’un arrière (cor- Dans cette résurgence, les centres commer-respondant souvent au stock des magasins), la ciaux sont présentés comme des pôles d’attrac-magie se produisant au-dedans. Cette introver- tivité. Cette attractivité est mise en œuvre desion graduelle conduit à la production d’espaces deux façons différentes. La première tente depublics décontextualisés et génériques qui offrent créer un produit novateur qui attire le chalandà leurs utilisateurs des expériences détachées de par son originalité, au risque de perdre toutla réalité qui les entoure. intérêt le jour où le concept s’épuise. Le projet de Docks s’appuie principalement sur cette lo- Contrepoint gique. La seconde envisage le centre commer-Aujourd’hui, deux mouvements modifient en cial comme une partie d’une nouvelle centralitéprofondeur le paysage commercial dans nos urbaine, loin de leur traditionnelle mono-fonc-villes. Aux États-Unis, patrie du concept, de tionnalité. Les premiers centres commerciauxgrands centres commerciaux font faillite, lais- européens, en Suède, avaient cette prétentionsant derrière eux de vastes chancres en périphé- dès l’origine. À Bruxelles, le Westland et le Wo-rie des grandes villes. Par ailleurs, l’avènement luwe shopping center proposaient initialementdu commerce en ligne transforme également les des ambitions similaires même si une grandemodalités du commerce dans nos villes. partie des programmes civiques ou culturels Malgré ces tendances de fond au niveau du n’y ont pas été construits d’emblée. Le projetcommerce, une nouvelle dynamique anime le Neo tente de s’inscrire dans cette logique ensecteur à Bruxelles, dont témoigne la vague offrant, malgré la prépondérance de la fonc- 43Neo I © ART & BUILD
A+269 L’espace public pris en otage ? tion commerciale, une variété programmatique vation de la rue Neuve et la redynamisation des qui polarise et s’articule directement à la ville centres Anspach, City 2 et aujourd’hui Monnaie constituée. doivent être entendus. Deux figures d’espaces Outre cette quête ponctuelle d’attractivi- publics sont conjuguées dans ce projet de ville té, les dynamiques commerciales à l’œuvre à multipolaire. La première est celle de l’espace Bruxelles proposent une lecture plus large de introverti et sans surprise du centre commer- la ville, associant un centre urbain énergique, cial alors que l’autre, extravertie, est celle de protéiforme en termes d’offre marchande et l’espace urbain traditionnel de la ville dense. une série de pôles périphériques formés par les Si l’espace public peut être considéré comme enseignes de grandes marques. Cette tendance le lieu par excellence où se tissent les liens so- rappelle le projet commercial moderniste des ciaux, la juxtaposition de deux types d’espaces, années 1960–1970 d’une implantation centrale l’un introverti et générique, l’autre extraverti et et sur les quatre points cardinaux moyennant ancré dans la culture locale, nous renseigne sans leur renforcement coordonné par des offres doute sur nos rapports sociaux actuels. N’oscil- complémentaires. Pour y parvenir, il s’agit lons-nous pas dans une douce schizophrénie qui d’investir massivement dans la rénovation des associe la recherche du rassurant, du convention- espaces publics du centre-ville en parallèle du nel et celle de la surprise et de l’authentique ? développement des pôles périphériques. Le Meir d’Anvers a expérimenté un tel renouveau en collaboration avec suite à l’implantation du centre commercial de Wijnegem. Une stratégie similaire est à l’œuvre à Bruxelles avec l’installation de nouveaux es- paces commerciaux dans le nord du territoire et la redynamisation du centre-ville. C’est dans cette logique régionale que la tentative de pié- tonnisation des boulevards du centre, la réno- 44Dis-count The Mint © Nathalie Van Eygen © Nathalie Van Eygen
A+269 L’architecturedu magasin en ligne Quel rôle l’architecture peut-elle jouer dans Les centres à l’étranger sont d’ores et déjà gigan- place qui lui revient en conséquence. Maxime Delvaux le shopping en ligne ? Face à la multiplication des tesques en termes de superficie. Du coup, ils ne sont est parti explorer pour nous le site de Torfs, mais aussi plus à échelle humaine. Pourtant, ce sont toujours des celui de dhl à Zaventem. Dans le photoreportage qui webshops, le vendeur, jadis attiré par un beau êtres humains qui font « tourner la boutique », malgré suit, il met en image les côtés invisibles des magasins en magasin stratégiquement bien situé, est de plus en la part gigantesque occupée par la technologie voire, ligne. dans certains cas, la présence de robots. Vu la taille plus à la recherche d’un site web séduisant des entrepôts, les travailleurs parcourent chaque jour Photographies:proposant d’abord un fonctionnement et des services des distances considérables, souvent sans jamais voir p. 46 centre de tri, dhl,efficaces. Comme autre possibilité, on voit apparaître la lumière du jour. Zalando, qui d’une part entend se Zaventem profiler comme fun office en encourageant les collabo- p. 47 hall de stockage, Torfs, – surtout à l’étranger – de gigantesques parcs rateurs à porter des sneakers et à emmener chiens et Temse de centres de distribution. enfants au boulot, était, il y a quelques années à peine, p. 48 hall de stockage, Torfs, la cible à abattre en raison des piètres conditions de TemseGitte Van den Bergh – En Allemagne, on peut compter actuellement quatre travail dans les entrepôts. p. 49 hall de distribution,Photographies Maxime Delvaux entrepôts de la chaine de vêtements Zalando. Ils tota- Contrairement aux magasins physiques qui privi- dhl, Zaventem lisent une superficie de 405.000 m². Le chausseur Torfs, légient une implantation dans les centres-villes, les p. 50 hall d’emballage, dhl, avec son entrepôt de 4.000 m² à Temse, sur le site De centres de distribution ont tendance à élire domicile Zaventem Zaat, semble être pour l’instant la seule marque de à des endroits fonctionnels : près d’un aéroport, d’une mode à avoir osé construire un centre de distribution en gare ou de grands axes routiers. Leur aspect exté- Belgique. Si c’est rare, c’est parce que les salaires sont rieur, souvent austère, se limite généralement à un moins avantageux chez nous que dans certains pays pas parallélépipède rectangle non dénué de répétitivité. très lointains, que les prestations en soirée sont majo- Les principales qualités sont la fonctionnalité, mais rées, et qu’une loi interdit d’embaucher du personnel aussi la vitesse de construction du bâtiment vu que les pour travailler la nuit dans le secteur du e-commerce. cybermagasins sont soumis à de grandes variations de Les livraisons depuis l’étranger offrent donc un double l’offre et de la demande. avantage : c’est moins cher et plus rapide. Si l’architecture se confine à réaliser des boîtes fonc- On parle déjà depuis longtemps de modifier la lé- tionnelles, on peut se demander si c’est toujours de gislation belge ; il ne serait donc pas impensable de l’architecture ou s’il convient plutôt de la considérer voir un jour de plus grands centres se développer chez comme un phénomène purement technique, avec la nous aussi. En termes de durabilité et d’emploi local, c’est évidemment un meilleur choix, mais quel serait l’impact sur le paysage belge ? 45
A+269 L’architecture du magasin en ligneFondements © Maxime Delvaux 46
A+269 Photographies : Maxime DelvauxFondements © Maxime Delvaux 47
A+269 L’architecture du magasin en ligneFondements © Maxime Delvaux 48
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