Architecture in Belgium 02670A+271 Avril/Mai 2018 9 771375 507012 ISSN 1375-5072 (NEDERLANDS) BEL €12,50 – INT €19,50Resistance &Negotiation
Wall Cladding & Vanity Top: IRON CORTEN I Flooring: ARENA I Residentieel project (SPAIN) I Designed by Architectengroep A4 www.neolith.comNEOLITH®, Design, Pérennité, Versatilité, Durabilité.Applications Intérieures et Extérieures: Plans de travail, Revêtements, Éviers, Sols, Meubles et Façades. Résistant aux taches, aux rayures, aux produitschimiques, aux températures extrêmes et aux rayons UV, 100% naturel. Format maximal, épaisseur minimale, différentes finitions. Plus de 50 décors disponibles. Belgische Marmer & Granietbedrijven NV: [email protected] I Michel Oprey & Beisterveld Natuursteen BV: www.mo-b.nl 2017 2016 2015
Architecture in BelgiumA+271 Avril/Mai 2018 57 Les soubresauts d’un nouveau quartier en 61 développement Laurent Vermeersch5 Édito 64 L’ art de la transgression Pierre Lemaire In the picture 70 Rapport du programme8 Le village dans le village « Scholen van Morgen » Anne Malliet 76 Véronique Patteeuw 84 Guests13 Fenêtres sur le passé Louis De Mey 85 Forme et fonction, une synthèse nécessaire18 L’équilibre habile Aslı Çiçek 86 Daniel Linze en collaboration avec la Cellule23 Something old, something new 86 architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles 90 Nina Closson 92 Product news26 Bus manqué ? Prenez le suivant ! 93 94 Zoom Out Pieter T’Jonck La ville liquide Shendy Gardin Réemploi, entrée en matière Philippe Declerck Zoom In La ville, surface habitable Nina Closson30 Interview de V+ : « Repenser le projet » Au combat pour 2020 Gitte Van den Bergh Se perdre à Charleroi Anne-Laure Iger Lisa De Visscher Student Fondements À cœur ouvert37 Dialogues & détours Bart Decroos Faton Duraj, Laure Gombert et Tom Paturel41 L’ art du conflit Benoit Moritz Un héritage sans testament Tristan Narcy44 Renversement salvateur Cécile Vandernoot Vide existentiel Lisa De Visscher48 Un entretien dans cinq chambres Lisa De Visscher50 Portrait de l’architecte en acrobate Michael Bianchi52 Une belle rencontre Équipe BMA et Marie Coûteaux
Architecture in Belgium Revue bimestrielle bilingue ISSN1375-5072 Année de publication 45 (2018) N2 ANNONCEURS CONSEIL D’ADMINISTRATION ALBINTRA RÉDACTION DU CIAUD BEGARédactrice en chef BOZAR Lisa De Visscher Commission de rédaction Président CARIMARRédacteur en chef adjoint Olivier Bastin, Francis Catteeuw, Philémon Wachtelaer EMCO Pierre Lemaire Agnieszka Zajac Vice-présidente FLORENCoordinateur de Production Président Chantal Vincent GEBERIT Grégoire Maus Ward Verbakel Secrétaire GRAND HORNUAssistante de rédaction Adresse de la rédaction Geert De Groote GYPROC Gitte Van den Bergh 21/3 rue Ernest Allard Administrateurs HEWIStagiaire de rédaction 1000 Bruxelles Olivier Bastin, Dag Boutsen, IBGE/BIM Nina Closson [email protected] Sylvie Bruyninckx, Maarten Delbeke, KINNARPSRédaction finale en français www.a-plus.be Paul Dujardin, KORATON Benoît Francès A+ est une publication de Brigitte Gouder de Beauregard, NEOLITHRédaction finale en néerlandais CIAUD ASBL Benoît Moritz, PFLEIDERER www.controltaaldelete.be Centre d’Informations de Piet Van Cauwenberghe, REALTYTraduction l’Architecture, de l’Urbanisme et Eddy Vanzieleghem, SCHUCO Marina Festré, Alain Kinsella, du Design Ward Verbakel ODS Wouter Meeus, Ann Michiels, Éditeur responsable THYSSENKRUPP Antoon Wouters Philémon Wachtelaer PROGRAMMATION VELUXGraphisme 21/3 rue Ernest Allard Coordination VOLA Joris & Terry Kritis 1000 Bruxelles Roxane Le GrellePolice de caractère Copyright CIAUD AEG Renner & Starling Les articles n’engagent que COMMUNICATION & MARKETINGImprimerie la responsabilité de leurs auteurs. Responsable Die Keure, Bruges Tous droits de reproduction, Louise Van LaethemImage de couverture de traduction et d’adaptation (même Station de bus, Bruges, partielle) réservés pour tous pays. RÉGIE PUBLICITAIRE A+ MEDIA URA Yves Malysse et Kiki Verbeeck Rita Minissi, [email protected] de couverture fondements Tel +32 (0)2 332 37 82 AgwA – Projet de rénovation du 21/3 rue Ernest Allard Palais des expositions de Charleroi. 1000 Bruxelles Copyright: Filip DujardinBiographies Michael Bianchi Shendy Gardin Pieter T’Jonckest architecte, associé de la coopérative l’Escaut archi- est architecte d’intérieur et journaliste. Elle a fait ses études est architecte et écrit pour plusieurs journaux, revues ettectures et enseignant à la faculté d’architecture de l’Ulg. à la KU Leuven, faculté d’architecture et de littérature et livres belges et étrangers sur l’architecture, les arts plas-Il est également chroniqueur dans l’émission radiopho- coordonne le programme public de la triennale de Bruges. tiques et les arts de la scène. Il travaille pour Klara Radionique « Les glaneurs » de Fabrice Kada sur Musiq3. et était rédacteur en chef d’A+. Anne-Laure Iger Aslı Çiçek Cécile Vandernoot est architecte, diplômée de l’École nationale supérieurecontribue régulièrement à des revues d’architecture belges de Bretagne. Depuis 2016, elle effectue une recherche est architecte, plasticienne et journaliste freelance. Elleet turques et a été co-éditrice du 11th Flemish Architec- doctorale au sujet des expositions d’architecture présen- est doctorante et enseigne le projet d’architecture ainsitural Review. Elle est professeure invitée au département tées à Bruxelles entre 1969 et 2018, à l’ULB. que la question art et architecture contemporains à l’UCLd’architecture intérieure de la KU Leuven. Au sein de sa – LOCI sur les sites de Bruxelles et Tournai.pratique, elle conçoit des expositions d’architecture. Anne Malliet Laurent Vermeersch Bart Decroos est architecte et diplômée en 1981 à Anvers. Depuis 2001, elle est employée dans l’équipe du maître-ar- est journaliste et historien. Il écrit régulièrement sur l’ur-est architecte, universitaire et éditeur basé à Bruxelles. chitecte du gouvernement flamand après avoir travaillé banisme et des sujets apparentés pour brusselnieuws.beIl est chercheur à l’université d’Anvers. Son projet de re- comme consultant pour le patrimoine immobilier pour le et Brussel Deze Week.cherche « The Fourth Wall of Architecture » a été publié gouvernement flamand. Au cours du mandat du Vlaamsdans le Journal for Artistic Research et se concentre sur Bouwmeester, Marcel Smets, elle est responsable desle rôle matériel de l’architecture dans les récits sociaux. Il initiatives sur la construction d’écoles.est éditeur du OASE Journal for Architecture et écrit pourdifférents magazines d’architecture. Benoit Moritz Philippe De Clerck est architecte diplômé ISACF La Cambre (1995), urba- niste UPC-Barcelone (1996), fondateur du bureau MSAest le co-fondateur du bureau d’architecture DEV-space. et enseignant à la faculté d’architecture de l’ULB LaIl est à présent chercheur à la faculté d’architecture de Cambre-Horta dont il est également le vice-doyen auxl’ULB où il travaille autour de la participation et l’utilisa- relations extérieures. Il est également membre de l’Aca-tion commune dans l’architecture et l’urbanisme. démie royale de Belgique, et a reçu en 2017 le MIES AWARD dans la catégorie « Emerging Architect ». Louis De Mey Véronique Patteeuwa suivi un cursus d’ingénieur-architecte à l’université deGand. Il travaille actuellement comme architecte, et pu- est architecte, chercheur et critique basée à Bruxelles.blie en tant que critique freelance dans De Witte Raaf, H Elle est enseignante à l’ENSAP Lille et rédactrice en chefART et Rekto:Verso. Il est aussi occasionnellement scéno- d’OASE, Journal for Architecture. Sa récente thèse degraphe pour le CCStrombeek. doctorat intitulée « Architectes sans architecture » a été l’occasion de l’ouvrage Mediated Messages. Periodicals, Exhibitions and the Shaping of Postmodern Architecture, édité en collaboration avec Léa-Catherine Szacka.
A+271 5ÉditoEn ce moment même, des milliers de parents s’inquiètent de ne Cela devient intéressant lorsqu’une de ces résistances génèrepas encore avoir trouvé pour l’année prochaine de place pour un moment de basculement qui donne naissance à un nouveau etleur enfant dans une école primaire ou secondaire. Les grandes meilleur projet. Comme dans le cas de la Maison de la Naturevilles belges souffrent d’une pénurie aiguë dans ce domaine. Le (Natuurhuis) d’Alain Richard au Scheutbos à Bruxelles, qui agouvernement investit trop peu, et surtout trop lentement dans été conçue selon un principe de composition entièrement diffé-l’infrastructure scolaire. Libérer le financement d’une nouvelle rent après que les limites des parcelles aient été drastiquementécole est un processus qui peut prendre des dizaines d’années. et brusquement modifiées. Ou de la station de bus de Bruges,Et après, lorsque le projet d’une nouvelle école aboutit chez réalisée par ura, qui a été complètement redessinée suite à unl’architecte sous la forme d’une commande, ça doit souvent non catégorique de la commission Stedeschoon et a ainsi gagnéaller très vite. en qualité fonctionnelle et formelle. Le rez-de-chaussée du nou- Imaginer un projet requiert du temps. Non seulement parce veau bâtiment de la rtbf de v+ et mdw architecten a traverséqu’il s’agit d’un processus créatif qui se nourrit d’hésitations et cinq phases successives après des discussions intensives avecd’interrogations et que ce processus doit mûrir. Mais surtout les usagers, ce qui lui a également donné plus de profondeurparce qu’un projet ne gagne en qualité que lorsqu’il est le résultat architectonique. Les matériaux livrent eux aussi une résistanced’un dialogue continu. Avec les commanditaires, les usagers, les et engendrent des innovations, comme le vitrage de façade dupartenaires, les bureaux d’étude, bref, avec les différentes parties théâtre de Liège de Pierre Hebbelinck & Pierre de Wit ou unconcernées qui se font toutes leur propre image du projet à venir. simple carrelage de l’université d’Hasselt par NoAarchitecten,À cela vient souvent s’ajouter un financement instable, des prio- qui ont suscité une intégration d’art.rités politiques mouvantes ou de nouvelles réglementations qui Le projet physique n’est pas le seul élément qui soit réfractaire, lafont en sorte que la définition initiale du projet diffère fortement procédure l’est également. Pour ce faire, les Bouwmeesters de villedes exigences et attentes finales, ainsi que du résultat. et régionaux développent des instruments pour générer la qualité La trajectoire de réalisation complète d’un projet est une suc- architecturale, même dans le cadre de procédures complexes.cession de petites et grandes résistances qui ramènent sans cesse Une chambre de qualité est l’un de ces instruments qui offrentl’architecte à la table des négociations. Cela fait partie intégrante un cadre pour des conversations, discussions et négociations. Ici,de l’architecture. Ou, comme l’énoncent Jörn Bihain et Thierry la résistance joue souvent un rôle constructif. Georgios Maïllis,Decuypere de v+ : « Il n’y a pas de projet avant le projet (final). » Bouwmeester de Charleroi : « Les conflits peuvent être présentsBart Decroos le confirme : « Le bâtiment est la photographie aussi bien dans des projets privés que dans des projets portés pard’un moment, un instantané, qui a été précédé de variations et de un partenaire du service public. Je trouve que les conflits sont unpropositions alternatives infinies, et qui est suivi d’un processus instrument très utile pour aboutir à une négociation. » Mais pourd’utilisation, de transformation et de démolition. » En bref, un une bonne négociation, il faut prévoir du temps.(avant-)projet n’est pas un produit fini qui doit ensuite être défendu Le projet « Scholen van Morgen » (Écoles de demain) de laà tout prix contre toutes les circonstances changeantes qui croisent Team Vlaams Bouwmeester est un de ces exercices d’équilibreson chemin jusqu’à la réception des travaux. L’inévitable série de temporel où une procédure dbfm très rigoureuse a dû êtrerésistances ne fait que montrer une fois de plus la nécessité et la combinée avec le programme extrêmement délicat et évolutifplus-value de l’architecte dans l’ensemble du processus. d’une école. Le choix des autorités de traiter « rapidement et efficacement » par le biais d’une dbfm la pénurie aiguë d’écoles n’avait pour tout fondement que son aspect financier. Car il est vite devenu évident que la structure rigide de la procédure nuisait surtout au processus de concertation et de maturation de l’architecture. Que de nouvelles écoles intéressantes en soient le surprenant résultat est principalement à porter au crédit de l’inventivité des architectes et de la Team Vlaams Bouwmeester dans sa manière de traiter cette résistance déterminante. Lisa De Visscher Rédactrice en chef
6 A+271In the picture
A+271 7In the picture© Filip Dujardin
8 A+271 Un village dans le village Le bureau architecten de vylder vinck taillieu a À Sint-Katherina-Lombeek, entité de la commune de Ternat, entre construit à Sint-Katherina-Lombeek un centre de soins le centre du village et la chaussée d’Asse, se trouve une étendue où résidentiel pour une centaine de personnes. Le projet, fleurissent les fermettes à la flamande. Dans cet amalgame plutôt banal, on distingue çà et là des particularités : une avancée, un au-delà de sa sensibilité pour le lieu, témoigne bâtiment arrière, un escalier extérieur, quelques arbres, un chemin. surtout de l’ambition de redéfinir de l’intérieur l’archi- C’est là que les architectes de vylder vinck taillieu (a dvvt) ont construit le centre de soins résidentiel Kapelleveld. Pour insérer ce tecture des établissements de soins traditionnels, programme sur le terrain relativement petit tout en donnant une et ce, jusque dans les moindres détails. nouvelle impulsion à la typologie de la maison de repos classique, a dvvt a introduit dans le paysage un bâtiment s’ouvrant en éventail.Véronique Patteeuw – Photos Filip Dujardin Six ailes y accueillent un programme double : quarante et une ha- bitations avec assistance et cinquante-sept chambres de soins. Les petits ressauts des ailes donnent de l’ampleur au bâtiment mais lui permettent de conserver une échelle limitée. Cette décision dans la conception met l’individu au cœur de l’habitat tout en permettant à l’ensemble d’être un tout. Le modernisme scandinave de Jorn Utzon ou Arne Jacobsen ne semble pas très loin.In the picture Axonométrie d’une aile du bâtiment Vue d’un des couloirs donnant accès aux chambres de repos et de soin Intérieur d’une chambre
Un village dans le village A+271 9 Grâce aux décrochements qu’on remarque dans l’unité, les Dans les détails, on constate qu’a dvvt a conçu le bâtiment dechambres du centre de soins bénéficient d’un espace sans pareil, l’intérieur vers l’extérieur : de la chambre vers l’environnement,grâce à une fenêtre d’angle qui donne une nouvelle signification à de l’individu vers la collectivité. Presque tous les sols, y comprisla relation entre l’intérieur et l’extérieur. Une très grande fenêtre les plinthes, sont réalisés en carrelages verts avec un joint clair.fixe fait pénétrer la lumière du jour en profondeur dans la chambre ; Il se dégage de l’ensemble une fraîcheur inhabituelle. L’éclairagesur le côté frontal, une fenêtre plus étroite offre de l’aération et de artificiel rythme les vagues des toitures, sans se laisser troublerl’ombre. Le débordement de la fenêtre, qui augmente le sentiment par la pente des plafonds. Les miroirs sont très présents. À lad’espace, fait également tampon entre l’intérieur et l’extérieur, entre transition entre le bord du toit et les façades, ils semblent si-l’individu et la collectivité. Ce même principe est appliqué aux ailes lencieusement faire flotter la toiture. Le porte-à-faux est rendudes habitations avec assistance. Le séjour et la chambre à coucher possible par des poutres en bois d’une section identique. Leursdonnent sur une large terrasse abritée par un toit en dépassement. extrémités couvertes d’une plaquette en inox rythment le projet. Les ressauts du plan offrent par ailleurs une alternative aux Kapelleveld n’était pas un coup d’essai pour le bureau a dvvt.longs couloirs d’hôpitaux, typiques de ce genre de programme. Les architectes et le maître de l’ouvrage, qui avaient déjà réaliséLa séquence d’espaces en escalier crée de petites places donnant ensemble le projet de résidence et de soins Wivina à Dilbeek,accès à deux habitations. Elle se termine par une grande fenêtre travaillent actuellement sur un ensemble de résidences assistéesqui inonde de lumière le couloir « à redans ». Les ailes en éventail à Meise. Si la relation à long terme avec le commanditaire créese rejoignent dans une rue intérieure qui prolonge avec fermeté le la confiance requise pour travailler de manière ciblée, cettechemin de promenade et croise le bâtiment avant de rejoindre à confiance crée à son tour de la place pour les indispensablesnouveau le chemin menant à l’église. Le salon et la salle à manger échanges. « L’échange permet d’aboutir à la précision », déclaredonnent également sur cette rue intérieure, de sorte que le va-et- à ce sujet Jo Taillieu. Et on peut dire que l’échange était présentvient des visiteurs rompt la monotonie des journées. Les mêmes dès le début du projet Kapelleveld. Initialement, le terrain pré-ressauts, qui se retrouvent au niveau de la cafétéria et des locaux vu pour le projet avait une superficie limitée, (trop) petite pardu personnel, donnent aux fenêtres une double perspective, et aux rapport à l’ampleur relative du programme d’habitations et deangles et petites niches, une échelle humaine. locaux de soins. À chaque extension du terrain, a dvvt a fait le Cette configuration a permis à a dvvt de réaliser un pro- choix de ne pas adapter, extrapoler ou étendre le projet existant,gramme relativement ample sur un site aux dimensions limitées, mais de proposer à chaque fois un nouveau projet, résultantdans un immeuble bas. Celui-ci, en harmonie avec le minus- en pas moins de huit projets. « Le processus fut relativementcule centre du village, exploite intelligemment la topographie intensif, mais a permis, chemin faisant, d’en savoir plus sur leexistante. En effet, d’un côté, le terrain est surélevé de 50 cm. contexte et de mieux comprendre l’échelle », explique Jo Taillieu.Par l’intégration de la topographie au lieu de son nivellement, Actuellement, une nouvelle phase se profile. Des habitationsl’avant des habitations se trouve au niveau de la rue, tandis que supplémentaires vont être achetées pour améliorer le rapportl’arrière est enterré. Les longues toitures en surplomb, minces à la rue, pour l’instant limité. La nouvelle configuration va enet élégantes, manifestent ce principe : elles intègrent le bâtiment outre être mise à profit par les architectes pour continuer à or-dans le paysage et lui procurent une atmosphère spatiale unique. ganiser, structurer et optimiser l’espace extérieur. « Au début,En outre, comme le parallélisme entre les lignes faîtières et quand on travaille avec un nouvel entrepreneur, il faut établirles plateaux disposés en éventail est parfois rompu, un jeu de la confiance et repérer les forces et les faiblesses, pour pouvoirlignes se crée à l’intérieur, renforcé par l’éclairage rythmé sur ensuite travailler efficacement. Il en va de même avec le maîtreles plafonds. Cet ensemble donne du dynamisme à un lieu qui, de l’ouvrage. » Le maître de l’ouvrage a également remis dessouvent, n’échappe pas aux stigmates du dernier âge de la vie. éléments en question pendant la phase de la matérialisation du In the pictureVue sur un des patios depuis un espace commun
10 A+271 Un village dans le villagebâtiment. Le bureau a dvvt voulait initialement un joint ombré du projet réside également dans la mise en œuvre d’une sériepour conférer un aspect brut au bâtiment. Le client n’a toutefois de principes qui sont ensuite reproduits en miroir, décalés oupas validé ce choix. Mais il était disposé à réfléchir ensemble à appliqués de manière légèrement différente. Sur l’ensemble duun joint non classique... avec pour résultat des joints verts. projet, cela se traduit par de belles nuances. La concertation La qualité de Kapelleveld se ressent à différents niveaux avec un maître de l’ouvrage qui apporte une nécessaire contra-d’échelle. Avec ses six ailes, le bâtiment s’étale en méandres diction tout en étant ouvert aux particularités de création dudans les champs. Au-delà d’offrir un environnement protec- bureau a dvvt aboutit à un projet qui, au-delà de fournir uneteur à ses habitants, il crée un mode d’habitat le plus normal architecture particulièrement intelligente et adaptée au site,possible qui s’intègre au tissu urbain existant. Les embranche- parvient à largement dépasser cette qualité, tant sur les plansments du plan révèlent l’habitat individuel. Une grande toiture que dans les détails.en vague transforme l’individuel en collectif. Mais la subtilitéIn the picture Coupe Aa Aa Niveau 0 architecten de vylder vinck taillieu www.architectendvvt.com 0 2 10mNom officiel du projet Maître d’ouvrage Matériaux et produits spécifiques Kapelleveld Teck & Partners Briques de terre-cuite : Weinerberger Châssis aluminium : SchücoLieu Entrepreneur général Livraison Ternat Jan De Nul 2018Programme Stabilité Surface Nouvelle construction de 41 logements- Pascal de Munck services et d’un centre de repos et de soins de 8.300 m2 59 chambres PEB BudgetProcédure Studiebureel Boucherie cvba et Maes Projects bvba Privé Privé
Le nouveau système coulissant panoramique Schüco ASE 67 PD une transparence totale, une accessibilité maximale Des systèmes de fenêtres, portes et façades innovants en aluminium www.schueco.be/systemescoulissants Fenêtres. Portes. Façades.
KMMA Tervuren - Stéphane Beel Architects | Photo © Luca Beel ARCHITECTS KNOW WHYL’ACIER, LA FONDATIONESTHÉTIQUE SUR LAQUELLE VOUSPOUVEZ VOUS APPUYER.Depuis près de 50 ans, Jansen VISS est un conceptreconnu dans l’architecture. Grâce à l’attrait despropriétés mécaniques exceptionnelles qui peuventpermettre une charge élevée et une plus grandecapacité portante, nous avons pu participer à denombreux projets de renom. Des recherches récentesont démontré que le caractère durable des murs-rideaux en acier est bénéfique à l’économie circulaire.Jansen VISS a obtenu le meilleur score LCA dumarché et par conséquent aussi la certification deconstruction durable (DUBO). Ainsi, l’architecte ou leclient peut réunir plusieurs exigences dans une seuleet même façade. Les exigences sévères d’isolationthermique, acoustiques et de résistance au feupeuvent être intégrées sans problème et cela sanscompromettre l’esthétique. Rechercher et repousserles limites avec l’architecte et le client, telle est etreste notre passion. by ods www.ods-jansen.com
A+271 13Fenêtres sur le passé Par une intervention visuelle précise, le bureau Le jardin à la française fut aménagé en 1897, en même temps que Stéphane Beel Architects modifie radicalement l’aspect le Palais des Colonies, pour l’exposition coloniale de Léopold II, qui allait ensuite servir de cadre à l’Exposition universelle. À de la Cité coloniale, le terrain du musée royal de une centaine de mètres du musée conçu treize ans plus tard par l’Afrique centrale à Tervueren. Le nouveau pavillon Charles Girault pour l’Exposition universelle de 1910, un volume en forme de poutre, perpendiculaire à la chaussée de Louvain d’entrée s’élève désormais fièrement à distance et parallèle au musée, abritera désormais la nouvelle entrée du raisonnable de l’ancien bâtiment, à la lisière du jardin. musée. L’accès à l’ensemble du site – et donc au musée – a étéLouis De Mey – Photos Luca Beel rétabli un peu plus loin, à son emplacement d’origine. Le visiteur passera donc le long du Palais des Colonies – jadis complètement vitré –, par la partie boisée du site, pour accéder au nouveau pavillon d’entrée. Il renoue ainsi avec ce qu’ont pu vivre en ces lieux chargés d’histoire les visiteurs de l’Exposition universelle au début du 20e siècle. In the pictureRestauration des pièces réalisées par Charles Girault en 1910
14 A+271 Fenêtres sur le passéLe pavillon d’entrée respecte totalement l’emplacement histo- iconique – en reflétant l’atmosphère, le parc et surtout la pom-rique et ses objets architecturaux, et est donc sans modestie. peuse architecture muséale de Girault. Dans les trois façadesComme Monumentenzorg a mis son véto à la construction d’un donnant sur la partie boisée, le jardin à la française et le musée,second étage pouvant accueillir un auditoire, la hauteur du un grand encadrement de fenêtre a été intégré dans chaquepavillon a été limitée à celle de la corniche du musée existant. baie vitrée. Ces encadrements, qui s’ouvrent sur les élémentsPourtant, le volume, avec son mur-rideau vitré de tous les côtés, qui façonnent le terrain, servent d’ornement intérieur à desest fermement campé sur ce site qui a connu différentes strates façades par ailleurs plutôt sobres.historiques. Parallèlement, le vitrage transparent confère de Le volume en verre (ainsi qu’un petit gradin et une sortie dela légèreté à l’imposant volume – telle une présence presque secours) est le seul élément neuf visible sur le site. L’essentielIn the picture Articulation de l’ancien et du nouveau par le biais de jeux de niveaux Vue d’ensemble du musée avec sa nouvelle aile contemporaine
Fenêtres sur le passé A+271 15du programme a été réalisé sous le niveau du sol pour relier le Distance critiquepavillon d’entrée au bâtiment du musée existant. Les locauxtechniques et la circulation du pavillon ont été aménagés dans Au-delà du large couloir souterrain qui couvre toute la distanceun noyau en béton noir profond, teinté à la cendre et protégé entre l’accueil et le musée, trois salles en enfilade sont destinéesd’un revêtement mat. Sous le volume visible, les différents à des expositions temporaires. Sept grandes portes donnentespaces – salle de congrès, ateliers, casiers, etc. – reçoivent la accès au couloir à partir des salles. Chaque porte est habilléelumière du jour via une profonde cour à l’anglaise située sur d’un robuste portique dont l’intérieur est tendu de feutre, créantun des côtés. un seuil formel qui, d’emblée, fait prendre conscience au visi- teur de l’architecture qui l’entoure. Les passages d’une salle à l’autre sont réalisés de deux manières précises très différentes. In the picture Mise en scène de l’ensemble de 1910 depuis le nouveau hall d’accueilLe nouveau bâtiment d’accueil du musée s’inscrit dans le parcours d’accès original du site en longeant le Palais des Colonies
16 A+271 Fenêtres sur le passéLa première salle qui, grâce à un gradin extensible, se transforme d’accueil, le musée lui-même a été débarrassé des fonctions se-en auditoire, est équipée d’un petit podium amovible servant condaires pour retrouver son fonctionnement de musée à partd’avant-scène, puis d’une scène donnant accès à la seconde entière. Les vitrines d’origine ont été relookées avec élégance,salle. La deuxième et la troisième salle peuvent être réunies en et une scénographie modulaire abrite l’ensemble des besoinsun seul espace tout en longueur grâce à un gigantesque mur qui techniques d’un musée moderne.pivote en son centre. Le contraste entre la sobriété de l’espace d’accueil et les salles Cela procure ainsi un caractère très différent aux trois white de musée surchargées de fresques et de marbres chatoyants estcubes qui s’articulent vers le sous-sol du musée, où aboutit le renforcé par la zone souterraine intermédiaire qui, en outre,couloir souterrain. Ici, les fondations en pierre du musée ont renforce l’impression de générosité et de légèreté des deux ex-été chaulées en blanc, ce qui donne entre autres visuellement trémités. Le terrain est ainsi réhabilité tandis que le musée estl’impression que la pièce se trouve au-dessus, quelque part entre démonumentalisé, avec toute la distance critique que mérite celes white cubes et le musée historique. Grâce au nouveau pavillon lieu d’histoire.In the picture Coupe AaAa Niveau 0 Stéphane Beel Architects www.stephanebeel.be 0 5 10 20mNom officiel du projet Procédure Matériaux et produits spécifiques Musée royal d’Afrique centrale Appel d’offre général Châssis de façade : ODS /Jansen Quincaillerie : Assa AbloyLieu Maître d’ouvrage Revêtement en zinc : Vmzinc Châssis neufs et rénovés et menuiserie Tervuren (BE) Régie des bâtiments d’intérieur : ODS/JansenProgramme Stabilité Livraison Développement d’un plan d’ensemble du site du Paridaens Ingenieurs 2018 musée de l’Afrique + restauration, rénovation et extension d’un monument protégé. Techniques spéciales Surface Espaces d’exposition permanents et temporaires, installations pour les visiteurs, RCR Studiebureau Extension: 7.125 m2 restaurant, foyer, auditorium, studios pour Restauration: 9.000 m2 enfants, salles de réunion, bureaux, studios PEB Rénovation: 11.000 m2 muséographiques et espaces logistiques Infinum Budget Acoustique 49.500.000 € (hors TVA et honoraires) Daidalos Peutz
18 A+271 L’équilibre habileIl n’est pas aisé d’ajouter des éléments à un bâtiment ou Par son look très affirmé, le Concertgebouw, situé à la périphérie de le modifier, surtout lorsqu’il est représentatif de intérieure du vieux Bruges, est devenu un des points de repère de la ville. Sous le volume massif, les espaces principaux sont la l’œuvre d’autres architectes. Des interventions strictes grande salle de concert, située au centre, et la salle de musique peuvent en effet changer l’esprit du projet. Parvenir à de chambre, dans ce qui ressemble à une tour. Avant et aprèsune collaboration équilibrée est tout sauf une évidence. les concerts, le public passe par l’entrée, les foyers et les rampes Dans le cas du Concertgebouw de Bruges, cet équilibre d’accès. Au niveau de la rue, le café est accessible tous les jours. Au-delà de la partie visible – concerts, visiteurs ou événements –, a été trouvé. En 2015, l’atelier d’architecture le bâtiment abrite bien des secrets. L’atelier d’architecture nu,NU a remporté un concours sur invitation pour réorgani- en collaboration avec kab. Mathilde Geens, a révélé cette vie secrète au visiteur. ser toute la vie du bâtiment réalisé en 2002 par Robbrecht en Daem architects.Aslı Çiçek – Photos Stijn BollaertIn the picture Jeu complet des pièces de mobilier introduites dans le hall d’entrée Des sphères de différentes natures jalonnent le parcours du public à travers le bâtiment Axonométrie du parcours au sein du bâtiment et des interventions ludiques
L’équilibre habile A+271 19 Pour les commanditaires, la tâche décrite dans le concours nu a également ajouté quelques objets au parcours. L’un d’euxdu Concertgebouw était relativement simple mais éminemment est une maquette sonore, le bâtiment à l’échelle 1/40, recouvrantnécessaire : transformer ce bâtiment massif en maison ouverte. les mécanismes d’un piano et d’une harpe, qui diffuse les sonsComme la plupart des institutions culturelles, la salle de concert du grand hall et de la salle de musique de chambre. Par desgrouille également de vie en dehors des événements. Si les répéti- haut-parleurs intégrés diffusant des enregistrements de bruits entions, l’administration, le café sont les agents fonctionnels de cette provenance de diverses parties du bâtiment, la maquette émetvie, parallèlement, le Concertgebouw accueille de nombreuses également les sons des différents espaces. La qualité sculpturaleœuvres d’art qui ont été installées depuis la mise en service du de cette pièce est un hommage au bâtiment et stimule l’ima-bâtiment. Elles ont pour la plupart été intégrées en concertation gination quant à sa vie intérieure. Sur une note différente, etavec Robbrecht en Daem architects. L’atelier d’architecture nu peut-être issu d’un autre type d’idée fonctionnelle, un rideau aa conçu un parcours permettant de découvrir toutes ces œuvres. été ajouté dans le hall d’entrée pour séparer le flux des visiteursEnthousiasmés par ce que le bâtiment complexe proposait déjà et des clients du café lors des moments d’affluence.en termes de spatialité et d’activités, les architectes ont augmenté Pour ce projet, nu a collaboré avec succès avec le personnelles voies permettant aux visiteurs d’accéder aux back-offices, aux du Concertgebouw ainsi qu’avec les artistes et les techniciens.espaces techniques et à la terrasse. Le rideau en laine de mouton, magnifiquement conçu et tissé par Si ce parcours avait été partiellement souhaité par le client, Esther Goris, en est également un des résultats. Sa texture à lala manière dont ce bâtiment a été repensé est le résultat de fois rustique, douce et abstraite contraste positivement avec lesquelques interventions précises et subtiles définies par nu. D’un murs en béton voisins. Noir du côté de la zone d’entrée, le rideaugeste simple, ils créent un sentier invisible à travers le bâtiment, crée un écrin de calme pour trois meubles, qui sont devenus laoptimisant de nombreux éléments qui, par ailleurs, lui donnent billetterie du bâtiment. Dans le cadre de la rénovation, nu a re-vie. Au lieu d’installer des flèches et des panneaux, les archi- pensé le comptoir d’origine parallèle à la longue façade d’entrée.tectes ont placé des sphères en différents matériaux, simplement Les architectes ont dégagé la zone du comptoir en créant unesuspendues devant ce qu’elles ont à montrer : le bourdonnement billetterie plus compacte, réduite à la table en aluminium placéed’abeilles est signalé par une sphère en quartz couleur miel, plus près de la façade et entourée de deux autres meubles bas detandis qu’un texte sur l’architecture du bâtiment figure sur une rangement et de présentation. L’ancienne zone de billetterie, quisphère en béton. Chercher ces sphères et les trouver, c’est un peu peut être séparée par des étagères pivotantes utilisables des deuxcomme une chasse aux œufs de Pâques. Cette recherche ludique côtés, est désormais accessible et flexible pour accueillir desdans l’espace et le plaisir de trouver ce qu’on cherche rendent le réunions, de petits événements, etc. Une table en croix installéeparcours dans le Concertgebouw d’autant plus naturel. sur le côté du café forme une zone d’attente. Deux luminaires en In the pictureEspace d’attente avec sa table cruciforme et ses luminaires en feuilles d’acier déployé
20 A+271 L’équilibre habiletôles d’acier plié disposées de manière répétitive pour former un À une époque où on a tendance à décliner tous les bâtimentscercle sont suspendus au plafond au-dessus de la billetterie et de culturels à la mode Disney pour attirer toujours plus de visiteurs,la table en croix, ce qui ajoute une note festive au hall d’entrée. le projet du Concertgebouw et son circuit démontre avec beautéLe plaisir que nu a eu en travaillant sur ce projet se ressent dans et dignité comment une culture subtile peut être communiquéeces objets et se retrouve humblement dans l’ensemble du circuit. au public.In the picture Maquette sonore 1/40 Vue du hall d’entrée avec ses éléments de mobilier nouveauxNom officiel du projet NU Architectuuratelier www.nu-web.be Ameublement Concertgebouw Circuit Entrepreneur général Atento bvbaLieu NU architectuuratelier en collaboration avec Parcours pour enfants Kab. Mathilde Geens Bruges Kab. Mathilde Geens Rideau géantProgramme Conception graphique Conception : Studio Ester Goris Réorganisation des espaces d’entrée et Réalisation : Studio Ester Goris en collaboration Kab. Mathilde Geens conception d’un circuit visiteurs à travers avec Clara Froger le bâtiment Livraison Maquette sonoreProcédure Septembre 2017 Realisation : ROO SE Concours Design sonore : Ruben Nachtergaele Surface Composition : Heleen van HaegenborghMaître d’ouvrage / Concertgebouw Brugge Budget 512.000 € (hors TVA et honoraires)
A+271 23Something old, something new Palace est un complexe cinématographique établi Dans ce projet, trois contraintes majeures émergent du rapport à Bruxelles, dont la rénovation et la restauration ont à l’existant, selon l’architecte en charge de cette rénovation qui été confiées à l’atelier d’architecture Alain Richard. a duré douze ans (>a+202). L’entrée principale, située sur leLe lieu doit son plan aux différentes interventions qui le boulevard Anspach, découle logiquement de la parcelle en Y composent. Ouvert sur trois entrées reliant le quartier inscrite par le bâtiment d’origine. Elle s’ouvre dans l’axe de la Grand-Place et de la Bourse dans l’hypercentre. Rue Borgval, des Halles Saint-Géry au boulevard Anspach, la place Saint-Géry agit comme tampon offrant de l’intimité àle bâtiment décline en façade trois époques et davanta- une façade massive, percée de quelques ouvertures signalant les bureaux. La rue Van Praet, ponctuée de restaurants, accueille ge de vies encore. L’enveloppe héberge aujourd’hui la brasserie. quatre salles de cinéma et des zones Horeca.Nina Closson – Photos Bernard Boccara In the picture Partie ancienne datant de la première moitié du 20e siècle, rénovée Atrium principal et guichetFaçade principale sur le Boulevard Anspach
24 A+271 Something old, something new La configuration de la parcelle et le leitmotiv d’inscrire le Le bâtiment prend naissance avant le Pathé Palace ; c’estbâtiment dans la continuité du quartier ont représenté une pre- d’abord le grand magasin du centre, œuvre d’Albert Dumont, etmière source de complexité. Ses trois façades, bien qu’étant dans puis Charles Pathé en fait un grand palais d’attraction pour le-un seul et même quartier, arborent des discours différents. La quel Paul Hamesse et ses frères réalisent un temple Art Déco. Lavolonté de l’architecte est de relier ces trois accès par l’intérieur société Pathé transforme l’édifice en cinéma en 1950. Conscientet de permettre la traversée en intérieur d’îlot, à l’image d’une de ne pas être le dernier à intervenir sur le lieu, l’architecte ac-rue. Le projet se base sur le vide par le déblai des éléments qui tuel anticipe la mutation du bâtiment. En se questionnant surencombraient le lieu. La hiérarchisation des espaces se fonde sur le passé, le présent et l’avenir, c’est en valeur de témoin que lecet atrium inscrit en négatif, rempli par les quelques éléments qui patrimoine est pris en compte, pour se projeter dans l’avenir.permettent son fonctionnement, sa distribution et son occupation. Nous pouvons, toujours dans l’optique d’une intervention surL’entrée se fait par le foyer qui se veut un lieu d’échange ouvert l’existant, observer une troisième contrainte. D’un point de vuepar lequel se fait chaque sortie de salle pour le réalimenter. sécuritaire, l’efficacité normative se doit d’être efficiente et non Le deuxième champ de complexité est engendré par le ca- seulement conforme. Sur mesure, la sécurité se fait oublier àractère patrimonial du bâtiment, partiellement classé, et doté travers les marques du passé. Véritable vitrine de l’innovation, led’une forte charge historique. Pour Alain Richard, l’attitude de Palace a été transformé par des artisans dont le vocabulaire a sula Ville quant aux monuments classés est trop protectionniste. épouser celui du passé tout en s’ouvrant à celui d’un lendemain« Pour moi la culture est une notion d’échange, l’érudition est encore incertain.une question de spécialisation et une manière d’isoler certains « C’est à la fois le projet, sur ma modeste petite carrière, quichamps de pensée dans un faisceau très étroit. » Ce qui a inter- m’a donné le plus de fil à retordre, qui était le plus compliqué.pellé le bureau et nourri sa conviction afin de porter le projet En même temps, c’est celui, je pense, où il y a eu le moins dejusqu’au bout, c’est que ce lieu raconte à lui seul toute l’histoire changement, de rebondissements ; on va dire que ce projet, c’estdu cinéma depuis sa naissance et accompagne celle des grands un long fleuve pas tranquille. Le programme, à part s’être affinéboulevards de la percée du nord au midi sur le modèle hauss- un peu, n’a pas bougé », conclut l’architecte.mannien par Jules Anspach autour de 1860.In the picturerouge : salle de projection Schéma de repartition du Schéma de la circulationorange : restaurant programme (projet)jaune : événementielbleu : boutiqued’audio-visuel Les voies d’évacuation des salles prennent la forme de tunnels étanches pour répondre aux normes pompier Atelier d’Architecture Alain Richard www.aa-ar.beNom officiel du projet Magasin culturel Stabilité Bureaux et salle de réunion Palace Logement de fonction Ney & Partners saLieu Procédure Livraison boulevard Anspach, 85, Bruxelles Marché public 2018Programme Maître d’ouvrage Surface Complexe cinématographique d’art et essai : ASBL Le Palace 4.500 m2 quatre salles de projection Fédération Wallonie-Bruxelles Café/bar–restaurant Budget Espace de réception 9.000.000 € y compris fournitures Horeca et équipement cinéma
26 A+271 Bus manqué ? Prenez le suivant !Mésaventure d’architectes... On remporte une procédure Qui dit gare proche d’un site historique, dit situation problé-de sélection pour le réaménagement d’une place de gare matique. Ces gares, bien plus qu’une autoroute, constituent une connexion plus durable entre les réseaux de la société moderne et d’une gare des bus. Commanditaires : la Ville et De et le centre historique de la ville. Historiquement, elles furent Lijn. Vu l’« extrême urgence », on se plie en quatre pour toutefois le premier signe funeste que la Ville déclarait forfait introduire une demande de permis et remporter dans face à ce réseau. Le chemin de fer a fait de la vieille ville un parc la foulée une adjudication. Alors que vous attendez les thématique hors du temps. Pour résoudre cette inconfortable opposition, Bruges a offres... vous apprenez qu’un organe consultatif de construit entre la gare et son centre historique une grande placela Ville a flingué la demande de permis de bâtir. Du coup, ainsi qu’une impressionnante ceinture verte (et un ring). L’idée était que le visiteur ne remarquerait la ville qu’après un temps De Lijn se met également à rechigner. C’est ce qui est d’acclimatation adéquat. D’où la gigantesque place devant la gare. arrivé à URA Yves Malysse et Kiki Verbeeck à Bruges. Une gigantesque place qui allait toutefois s’avérer trop grande. L’imposante gare style Art Déco elle-même ne parvient pas à Le bureau d’architectes ne s’est pas déclaré vaincu. dominer cet espace. Par ses dimensions, cet endroit n’est pas unPieter T’Jonck – Photos Filip Dujardin espace de transition mais un lieu en soi, fût-il indéfini et impré- cis. La place fuit de tous côtés vers de vagues abords végétalisés, de banales constructions périphériques récentes, le ring...In the picture Schéma conceptuel du projet au stade du concours
Bus manqué ? Prenez le suivant ! A+271 27 Le trafic des bus a toujours été présent à cet endroit. Contrai- ura démontrait par ailleurs une amélioration considérable desrement à ce qui s’est fait pour le trafic ferroviaire, cela ne s’est flux d’usagers et de la perception globale de la place.pas traduit par des bâtiments, mais uniquement par quelques L’organe consultatif Brugs Stedenschoon, en charge de l’as-bordures, piquets et panneaux manquant de clarté. La beauté pect de la ville, n’était cependant pas du même avis, estimantdu projet d’ura résidait dans le fait d’avoir su transposer en un la structure « trop présente » et « trop particulière ». Ou encoregeste simple et unique tout ce qu’il fallait : des abris, un trafic « pas assez ancrée »... Des arguments qui semblent bizarres pourdes bus mieux défini, une boutique De Lijn et des espaces pour un lieu aussi à l’écart de la vieille ville. Ils semblent encore plusle personnel. Autour du cercle extérieur de la ronde des bus, les étranges quand on constate que cette même commission ne s’estarchitectes avaient imaginé un abri circulaire. pas opposée à une récente non-architecture de part et d’autre L’auvent, haut d’environ cinq mètres, consistait en une simple de la gare (classée).tôle d’acier mince de largeur variable, soutenue par des colonnes Si naïfs et absurdes soient-ils, ces arguments ne sont pas to-en T et des poutres. L’indication quasi graphique de la gare des talement incompréhensibles. Le projet d’ura orchestrait mieuxbus circulaire améliorait aussi visuellement le reste de la place. qu’auparavant la perception globale de la place, mais, concrè- In the pictureVue partielle du projet réalisé avec les deux familles de mobilier urbainVue des quais et auvents de la station de bus Vue partielle du projet de concours avec sa canopée continue Vue d’ensemble du projet réalisé
28 A+271 Bus manqué ? Prenez le suivant !tement, il est probable que l’auvent culminant à cinq mètres une série de petites toitures servant réellement d’abris. Ils ont également réduit considérablement la hauteur du toit. Disposésn’aurait pas été une grande réussite. Il n’avait pas grand-chose en série, les abribus actuels suggèrent toujours un mouvement continu autour de la gare des bus. Ils continuent dès lors égale-d’un abri face aux rudesses de notre climat. ment à structurer la place devant la gare. Par leur aspect légèrement irrégulier, les bâtiments quant Pour la Ville qui, pas plus que la compagnie De Lijn, ne voulait à eux s’apparentent davantage à la hutte primitive de l’abbé Laugier ou à la forme originelle de Quatremère de Quincy qu’àde la solution proposée, cet avis non contraignant fut le prétexte l’abstraction du cercle qui englobe tout. La référence au projet initial reste toutefois très visible : les bâtiments ne sont toujourstout trouvé. Mais comme la gare des bus et la place sont d’une pas plus que des tôles d’acier massives soudées entre elles et – ... c’est vrai ! – peintes en bleu terne. Les petits édifices sontimportance supra-locale, l’avis du Vlaams Bouwmeester (et de du coup à la fois de vrais abris et la représentation abstraite de l’« idée » d’un abri. Une tension remarquable non dénuée d’in-l’Unesco) était quant à lui contraignant. La compagnie De Lijn, térêt... !qui possède ses propres manuels des abribus, quais, etc., étaitparticulièrement contrariée. Elle n’a que faire des architectesdonneurs de leçons qui tentent de penser hors des sentiers battus. ura a toutefois pris très au sérieux – et c’est tout à son hon-neur ! – le malaise né de l’aYUVtERStAitude réfractaire de la Ville, de la BrugsMALYSSEcompagnie De Lijn et de KIKI Stedenschoon. Les architectes VERBEECKont découpé leur grand auvent autour de la gare des bus enIn the picture Coupe Aa BLB elevation / scale 1:250 A a Niveau 0 URA Yves Malysse Kiki Verbeeck ism Tractebel Engineering www.ura.be 0 2 10mNom officiel du projet Procédure Matériaux et produits spécifiques Réaménagement des quais d’autobus, abri et Appel d’offres public Auvents sur mesure : Verhofste NV magasin de ligne + salle du personnel Maître d’ouvrage LivraisonLieu De Lijn Avril 2017 Stationsplein, 8000 Bruges Entrepreneur général SurfaceProgramme Stadsbader NV 7.800 m2 Réaménagement des quais d’autobus, abri et magasin de ligne + salle du personnel Stabilité & techniques spéciales Budget Tractebel engineering 4.000.000 €
Zoom in © V+ Repenser le projetInterview de V+ Vers plus de bien-être
A+271 31 Depuis leurs bureaux bruxellois, Thierry Decuypere et Jorn Aram Bihain collaborent sur des projets au cœur desquels ladiscussion entretient une place centrale. Attachés à la démonstration par la visualisation, les deux architectes répondent à la question de savoir quels sont leurs moyens de conception dans un entretien accordé à Lisa De Visscher.Lisa De Visscher Quelle particularité pourrait-on identifier dans le fonctionnement de votre bureau ? Selon le Bouwmeester de Gand, « l’instrument le plus puissant d’un Bouwmeester est sa force de conviction, ce qui compte également pour l’architecte » ; quels moyens sont les vôtres ?Thierry Decuypere et Jorn Aram Bihain Nous essayons surtout de ne pas réduire notre capacité à convaincre à une forme d’autorité par l’expertise ou de séduction par la communication. Notre volonté est plutôt de partager le caractère non linéaire du processus de conception architectural, de donner une place aux hésitations comme valeur spécifique à notre discipline. De donner goût aux joies d’une pratique incertaine et complexe. La structure du bureau et son mode de fonctionnement reflète cet état d’esprit. Les hiérarchies sont mouvantes entre partenaires et collaborateurs. Nous multiplions les collaborations avec des associés variés aptes à nous faire hésiter. Nos projets sont le reflet littéral de rencontres avec des circonstances plus que celui d’une vision prééta- blie. Nous sommes en ce sens plus pragmatiques que programmatiques. Le caractère éclectique de notre production est une conséquence de ce rapport particulier au métier. Ce mode de travail nous semble tout à fait apte à défendre la place de l’architecte et de l’architecture et son éventuelle nécessité. La linéarité, la vitesse, la communication sont des emprunts aux techniques de management de bas étage qui n’ont que peu à voir avec notre discipline et qui sont surtout de plus en plus difficiles à accepter au regard du monde qu’elles nous ont légué. Nous sommes ceux qui faisons bégayer les feuilles Excel avec des dessins. C’est nous qui au moyen de nos maquettes mettons en scène la capacité d’un mur, d’une fenêtre à faire vibrer d’un ton différent le monde et ses usages. Vous collaborez actuellement sur le projet de la rtbf avec mdw mais vous n’en êtes pas à votre coup d’essai, vous avez notamment travaillé avec Central, msa ou encore Trans. En quoi cette méthode est-elle constructive ? Nous sommes encore timides. Nous devrions faire beaucoup plus de collaborations même si parfois nous n’osons pas appeler certains partenaires désirés parce que nous ne nous en sentons pas toujours la légitimité ou par simple paresse. Si un projet est vu comme la source qui produit des interactions avec la maîtrise d’ouvrage et les usagers, la première chose est peut-être de s’y frotter entre architectes. Avec mdw nous nous sommes donné une règle simple qui nous sert de contrat : main- tenir un équilibre 50/50 de nos prestations. Chacun compose à chaque phase du projet selon ses compétences du moment avec comme finalité que ce pacte soit respecté. La question des conflits potentiels dans une collaboration est fortement réduite si le projet est considéré comme un interlocuteur en soi. Une entité qui a sa propre voix et qui ne peut être mise de côté dans les discussions. L’architecture n’est pas une simple discussion entre humains qui pourrait tourner en guerre d’égos. L’architecture c’est un exercice de gel des égos afin de permettre à des entités matérielles, des espaces, des sites, des matières, d’exister dans le débat. Démontrer qu’entre architectes, dans la joie des querelles passagères, on peut se mettre d’accord sur les effets du projet, reste tout de même la meilleure preuve que ces effets ne sont pas des chimères et qu’ils sont suffisamment explicites et appréciables pour être partagés avec le plus grand nombre. Zoom in © Maxime Delvaux MAD Brussels Fashion and Design Platform
32 A+271 Repenser le projet Dans le processus de la réalisation d’un projet, avant la commande jusqu’à la livraison, l’usage, il y a plusieurs moments de résistance, de blocage, de conflit et, parfois, ces moments charnières amènent à une opportunité de repenser le projet. Quels exemples peut-on tirer de votre production ? Nous sommes plus intéressés à comprendre comment un projet se montre apte à accueillir ces moments charnières que de voir comment il aurait pu résister à tout évènement impromptu. Nous avons donc évacué l’idée que le projet serait à défendre coûte que coûte contre ces interventions non planifiées. Il n’y a pas pour nous de projet avant le projet. Le projet est le fruit de ces négociations. Ces négociations peuvent devenir des opportunités d’améliorations. Il faut donc aller les chercher. C’est une partie de notre mission d’architecte. Il n’y a donc pas d’héroïsme à saisir un évènement pour en faire profiter le projet. Cela fait partie du job. Faire la liste de ces moments magiques où le projet se serait bonifié par un accident nous semble en ce sens moins intéressant que de comprendre pourquoi certains projets sont affaiblis par le processus et les échanges entre les multiples acteurs du projet. Qu’est-ce qui dans le processus crée de la fatigue ? Qu’est ce qui détourne des ambi- tions positives que se doit de porter une construction ? Qu’est-ce qui n’a pas été mis en place afin que ces ambitions soient perceptibles et partagées ? Il s’agit souvent d’un relâchement tacite entre architectes et maîtrise d’ouvrage : arrêtons-nous là parce que cela nous arrange bien. Arrêtons-nous là car les moyens financiers et humains ne sont pas disponibles. Arrêtons-nous car on pourrait être accusé d’inefficacité. L’inefficacité en architecture, elle se paie toujours à la fin et par d’autres. Les pseudo-efficacités en amont du projet ne sont jamais évaluées à la dette de malheurs qu’elles génèrent pour minimum trente ans. Nous avons actuellement un projet de musée bloqué à Verviers. Cette situation de blocage, on la vit comme un délai nécessaire. Le projet nous semblait construit sur une ambition vague et peu articulé à un projet de ville plus ample. Il était simplement trop tôt. Nos hésitations architecturales ont peut-être généré une lenteur nécessaire à ce que les autorités s’approprient d’une manière plus spécifique l’idée d’un musée pour leur ville. Voilà un bon exemple d’une opportunité pas du tout héroïque mais dont il faut pouvoir apprécier la qualité et qui, on l’espère, permettra de repenser fondamentalement le projet. Au sein de votre production, pouvez-vous identifier des projets qui ont été affaiblis durant cette période de négociation ? Le projet de Divercity en est un exemple. C’est un projet qui cumule des ambitions nobles et multiples à la fois sociales, urbanistiques, environnementales et de partici- pation, le tout dans les délais contraints des Contrats de quartier à Bruxelles. C’est un projet louable mais la dimension spécifiquement architecturale, la matérialité, ce soin du détail n’a pas pu résister à la multitude des paramètres à traiter dans un temps contraint. La question énergétique, en ce moment en plein essor et abordée sous l’angle essentiellement performanciel de la norme passive, a selon nous couvert beaucoup de voix qui auraient pu parler de l’environnement différemment. Le processus partici- patif également aurait mérité plus d’attention, mais ses incertitudes contredisaient le planning d’opération. Le projet finalisé nous semble en ce sens un peu la caricature de la somme des bonnes intentions qui l’ont vu naître. Il manque ce recul nécessaire qui peut apporter un peu plus d’hésitation. Mais peut-être que cette subtilité viendra épaissir le projet réalisé après-coup, petit à petit. Projet Divercity à Forest © Maxime Delvaux © V+Zoom in Vue sur les patios résidentiel et productif du projet Dockside, Anderlecht en collaboration avec MSA et Trans architecten
Repenser le projet A+271 33 La procédure Design-Build est connue pour le fait qu’elle supprime la période de négociation. Une collaboration avec un promoteur implique une réduction de celle-ci. Quelle est votre posture à ce propos ? COUPE AA' Le système Design-Build n’est qu’une opération de maquillage visant à étaler dans le temps les investissements publics nécessaires à la production des équipements collectifs. Cette astuce comptable, au contraire de ce que l’on peut penser, exige des pouvoirs publics une vigilance accrue et une grande fermeté pour que soient maintenus les intérêts communs portés par un bâtiment. On ne se lance donc pas, selon nous, dans ce type de dispositif dans un moment de faiblesse de l’appareil public ou pire, avec l’espoir de le dégraisser au risque d’un déplacement radical des ambitions des projets au profit d’une rentabilité à court terme. Lorsque l’on travaille, comme nous le faisons, essentiellement sur des équipements portés par le secteur public, les acteurs autour de la table ont comme intérêt que le bâtiment soit représentatif d’une ambition collective. Tout le monde est redevable devant la communauté. Exiger ce type de préoccupations d’un opérateur privé qu’on choisit pour sa performance et qui est lui-même tenu par l’agenda d’actionnaires off- shore est légèrement inconscient. Le projet de logement Dockside que nous réalisons en association avec Trans ar- chitecten et msa est notre première collaboration avec un opérateur privé. C’est un projet important d’une centaine de logements dont on peut imaginer la nécessité d’un retour sur investissement satisfaisant. À ce jour, tout cela tient parce que chacun s’est accordé sur la place à donner à la Cellule du Bouwmeester bruxellois. Les investisseurs acceptent cet artifice qui ramène à chaque discussion une voie externe défendant la notion de qualité architecturale. Les architectes rappellent, en intégrant les attentions de la cellule, qu’ils ne sont pas que les bras armés de la promotion mais que leur pro- duction doit s’apprécier au regard d’une instance qui défend le bien commun. Zoom in A'A a PLAN REZ AProjet initial 0 5m Projet réalisé © Maxime DelvauxLe projet de musée du Folklore à Mouscron propose initialement des excroissances en plan pour aboutir au même principe en élévation
34 A+271 Repenser le projet Dans votre travail, existe-t-il des projets qui ont évolué positivement suite à cette période de négociation ? © Maxime Delvaux La majorité il nous semble. Même si l’investissement que cela a nécessité ne fut sans doute pas valorisé à sa juste hauteur (rires). Le plan du rez-de-chaussée de la rtbf a radicalement Projet de rénovation de la Cité Paroisse à muté depuis le concours. Ce ne fut pas magique ni héroïque, chacun s’est simplement auto-Haren: la signature de l’architecte doit-elle risé à énoncer ses remarques et priorités. La rtbf en termes de qualité de fonctionnement pour ses équipes qui préféraient des studios contigus disposant d’un accès lisible d’un côté être explicite ? pour le public, de l’autre pour les techniciens, et nous qui dans cette modification affinons le plan à la fois en termes de lisibilité spatiale mais également de pure composition. Certaines améliorations sont de vraies rencontres entre une demande pragmatique et une opération architecturale. Ainsi, pour le musée de Mouscron, le projet proposait un plan avec des volumes en extension vers le jardin. Pour limiter l’impact financier et l’emprise sur le futur parc, ces déformations du plan ont été réduites et reportées en coupe. Le projet s’est simplifié en plan mais enrichi en volume en présentant une coupe qui intensifie le contraste entre les enfilades de pièces proposées au concours. Le projet de rénovation de la Cité Paroisse à Haren présentait lors du concours des interventions contemporaines volontaires sous la forme d’annexes en porte-à-faux sur le jardin. La maîtrise budgétaire nous a conduits à supprimer toutes les extensions et par là même à regarder avec plus d’attention la valeur sentimentale de l’architecture existante. Cette modification nous a forcés à nous interroger sur la nécessité absolue d’une signature architecturale explicite, actuelle et communicable comme leitmotiv pour surnager dans le petit combat de coqs de la notoriété entre architectes.Zoom in Projet de nouveau siège social de la RTBF. Évolutions du rez-de-chaussée entre l’esquisse concours et l’avant-projet définitif. L’analyse fine des besoins a conduit à ajuster l’équilibre entre partie accessible au grand public et celle davantage reservée au personnel, mais aussi à mieux intégrer les fonctions logistiques dans le volume bâti ainsi qu’à une nouvelle distribution des accès au bâtiment
A+271Fondements Resistance & Negotiation
A+271Dialogues & détours Comme l’ont un jour écrit Bruno Latour et Albena les parties concernées, la façon d’aborder les Yaneva, le problème avec les bâtiments, c’est qu’ils revers et contretemps, de saisir des opportunités semblent désespérément immobiles. Même si tout le – bref, dans la progression imprévisible du pro- monde sait – et les architectes mieux que quiconque – jet, qui amène avec lui une production presque qu’un bâtiment n’est pas un objet statique mais un infinie d’images. Au cours de ce processus, l’en- jeu, ce n’est pas le bâtiment mais sa représenta- projet en mouvement. Un bâtiment, c’est un tion. Celle-ci doit rassembler les intérêts contra-instantané, qui a été précédé d’infinies variations et de dictoires de toutes les parties et se trouve au cœur des discussions et autres réunions. Il n’en propositions alternatives et qui, une fois édifié, va pas autrement lors de notre conversation avectraverse un processus d’utilisation, de transformations noAarchitecten, à la table de la cuisine d’un gros œuvre industriel en périphérie de Bruxelles, où et de démolition. Deux projets récents de Philippe Viérin parle longuement des revire- noAarchitecten – le musée Gruuthuse à Bruges et le ments inattendus de deux projets récents, avec campus urbain de l’université d’Hasselt – donnent An Fonteyne qui passe par là, le complète ouun aperçu de la complexité du processus de conception le contredit, et quelques maquettes, dessins et images de présentation digitales comme parte- et du rôle qu’y jouent les architectes. naires de conversation complémentaires.Bart Decroos Lorsque nous découvrons des bâtiments sur les Imagerie analogique pages des revues d’architecture ou sur un écran Le projet de noAarchitecten pour le musée Projet de musée Gruuthuse à aux pixels lumineux, nous voyons généralement Gruuthuse dans le centre de Bruges a démarré Bruges : scénographie muséale l’image d’une forme fixée. Le travail de l’archi- en 2015 avec l’énoncé d’un concours pour une tecte est ainsi évalué presqu’exclusivement sur la nouvelle scénographie, où la collection patri- base de ce qui est bâti, en oubliant habilement moniale de la ville serait présentée. À la base que de multiples parties – commanditaires, en- de leur projet gagnant, on trouve une constel- trepreneurs, habitants, politiciens – ont participé lation de documents clés. D’une part, la carte aux décisions. Le rôle que joue effectivement l’architecte se révèle plutôt au cours du complexe processus de conception lui-même, dans les discussions avec 38Resistance & Negotiation Projet de musée Gruuthuse à Bruges : recherche, variations et version finale du dispositif architectural restituant le caractère fermé de la cour de la Maison des Seigneurs de Gruuthuse
Dialogues & détours A+271pictographique de Bruges par Marcus Gerards, est appelé le Steenmuseum. Un dernier élément Extrait de la carteau début du 16e siècle, et une image de Flandria – qui passe inaperçu sur le plan mais s’avère pictographique de MarcusIllustrata d’Anton Sanderus au 17e siècle : sur crucial pour la cohérence spatiale du projet : uneces deux illustrations on voit la Maison des simple clôture qui isole la cour de la petite place GerardsSeigneurs de Gruuthuse, représentée comme avoisinante de l’église Notre-Dame pour faire deune cour intérieure entièrement close, alors que la cour un véritable patio.ce n’est plus le cas aujourd’hui. D’autre part, Si en cours de projet des informations nou-une collection de photos d’intérieur en noir velles, des contraintes imprévues ou des exi-et blanc illustrant les travaux de restauration gences supplémentaires surgissent, de nouvellesnéo-gothiques effectués à la fin du 19e siècle par images sont réalisées pour pouvoir les saisirl’architecte brugeois Louis Delacenserie. et les adapter à ce qui les a précédées. Après Le projet du concours a pris forme dans le l’adjudication de la commande à Bruges, les ar-cadre de ces illustrations historiques, comme chitectes ont reçu une demande supplémentaireun espace d’exposition habité, avec pour point consistant à ouvrir la billetterie aux visiteursde départ l’intimité domestique du palais urbain de l’église voisine qui, suite à une organisationoriginel. Sur les dessins en perspective pour le modifiée, allait désormais être accessible par leconcours, on voit que les détails des tables et portail du Paradis sur la place de l’église. Vu levitrines renvoient aux tableaux domestiques des contexte changeant, la barrière perdrait sa si-tables dressées et des pièces habitées. Le plan gnification, supprimant également la connexiond’ensemble quant à lui montre que les sols or- entre le musée Gruuthuse et le Steenmuseum.nementaux de Delacenserie sont conservés et, En réponse à cela, une série de maquettes a étés’il y a lieu, restaurés selon une interprétation fabriquée, où la barrière est remplacée par uncontemporaine des motifs de dallage figurant sur pavillon à part entière, avec toiture en pente, enles photos. Le plan montre aussi la disposition analogie avec les annexes disparues qui figurentde la billetterie et des autres facilités, situées de sur l’image de Sanderus. Le pavillon accueillel’autre côté de la cour intérieure, dans ce qui la billetterie qui peut desservir à la fois les visi-39 Resistance & Negotiation© Benoît Van Innis © Kim ZwartsProjet de rénovation du campus de l’UHasselt et plan de calpinage
A+271 Dialogues & détours Gruuthusepaleis teurs du musée et de l’église, tout en clôturant hors discussion. Une rencontre de pure coïnci- toujours pleinement la cour intérieure. dence avec Benoît van Innis au bureau, qui a Museum café La construction d’un nouvel édifice au cœur vu sur la table à dessin les dessins du projet, a Sanitair de Bruges, implanté entre deux bâtiments his- amené celui-ci à endosser le projet, sous pré- toriques de très grande valeur, rigoureusement texte que des dessins de ce type s’inscrivaient Onthaal / shop protégés par l’administration du Patrimoine, parfaitement dans sa propre pratique. dans le cadre d’une réglementation urbanis- Si l’architecture devait tout de même encore Gruuthusemuseum tique stricte, avait tout d’une mission impos- posséder des points de jonction avec les arts sible. Mais avec la maquette posée devant lui sur plastiques, ils se situeraient peut-être davantageProjet du musée Gruuthuse à la table de la cuisine, Philippe Viérin raconte dans les dessins et images produits par la pra-Bruges : plan d’implantation qu’au cours d’une concertation, le conservateur tique architecturale, et qui rencontrent d’autres en chef Till-Holger Borchert a promptement acteurs d’un champ culturel large, par le biais expédié une photo de la maquette au bourg- d’expositions et de publications. Les influences mestre de Bruges. L’image digitale d’un modèle et enrichissements mutuels qui naissent ainsi à l’échelle, qui évoque une imagerie identique semblent souvent fort éloignés de la servitude de à celle évoquée par les illustrations historiques l’architecture mais s’invitent tout de même dans de Sanderus, est apparue comme suffisamment un projet par le biais de son imagerie. La contri- authentique pour pouvoir défendre une telle bution de van Innis au projet du campus urbain proposition de manière convaincante. Sur les est restée entièrement intra-muros, comme une instructions du bourgmestre, la nouvelle propo- affaire entre un architecte et un artiste, dans sition a été développée, avec un langage formel laquelle le commanditaire n’a rien à voir. Le gothique pour renforcer l’imagerie historique, dessin originel a disparu dans les archives et et il s’en est suivi d’innombrables présentations ce n’est que sur le chantier que les architectes à la Protection du Patrimoine et à Toerisme ont débarqué avec un plan au sol, une version Vlaanderen – respectivement protecteur et in- digitalisée de l’œuvre d’art, comme un puzzle vestisseur complémentaire – posant côte à côte que les artisans ont solutionné avec plaisir. la maquette contemporaine et la documentation Les résistance et négociation dont il est ques- historique, comme si elles appartenaient au tion dans ce numéro – en d’autres termes l’au- même monde. tonomie à laquelle l’architecture prétend vo- lontiers – se traduisent ici, dans la complexité Interfaces disciplinaires du processus du projet, par des positions en Plusieurs projets de noAarchitecten se caracté- apparence contradictoires. D’une part les ar- risent par des motifs de carrelages abstraits et chitectes ont réussi à Bruges, par la juste com- colorés, comme sur le campus urbain de l’uni- binaison d’images, à s’adresser aux capacités versité d’Hasselt. Dans le guide du visiteur édité d’imagination de toutes les parties concernées pour leur exposition Ontmoetingen (2014) à de- et à initier ainsi un dialogue constructif. D’autre Singel, l’importance des sols est comparée à la part l’interface entre l’architecture et l’art a première phrase d’un roman ou aux premières déterminé le projet de sol dallé à Hasselt, où mesures d’une symphonie. Cette appréciation le détour par l’atelier adjacent de l’artiste est va de pair avec des dessins hauts en couleur : des resté strictement interne, et où, à l’exception plans colorés à la manière de toiles abstraites du coût, il n’y a pas eu la moindre négociation et géométriques. Ce n’est pas un hasard si dans avec le commanditaire ou l’entrepreneur sur le même gros œuvre du bureau d’architecture le projet en soi. Ces histoires illustrent le rôle est établi le studio de l’artiste Benoît van Innis, de l’architecte dans un projet où l’imagerie de dont les dessins abstraits et colorés présentent l’architecture – comme dialogue ou détour –a per- souvent des similitudes avec les plans de cale- mis d’aller plus loin que ce qui était strictement pinage des architectes. attendu en matière d’exigences, de budgets ou Le campus urbain de l’université d’Hasselt, de réglementation. réalisé en 2015, se situe dans une ancienne pri-© Kim Zwarts son, le long du ring. Le bâtiment initial, au plan étoilé, disposant les cellules dos à dos, a Projet de reaffectation, été transformé par noAarchitecten en autant UHasselt d’espaces d’étude de petite taille pour la faculté de droit. Les longs couloirs monotones ont été revêtus d’un motif de carrelages abstrait, pas- sant du vert au bleu puis au rouge. Alors que le sol n’était défini au cahier des charges que par quelques phrases stipulant un motif de dalles en ciment, une discussion avec le commanditaire et l’entrepreneur sur le coût a suscité une solu- tion plus économique en dalles de céramique. Le motif même n’a pas été abordé et est resté 40
A+271L’art du conflit Après quatre ans d’existence en tant que Bouw- Après quatre années passées dans la m eester de la Ville de Charleroi – et au moment où fonction de Bouwmeester, quels ensei- gnements tirez-vous du rapport au pou- de nombreux projets sont entrés en phase de voir et aux conflits qui peuvent émerger concrétisation –, Georgios Maïllis revient sur les dans des projets ? premiers enseignements qui peuvent être tirés du rôle du Bouwmeester dans son rapport au(x) Tout d’abord je voudrais rappeler que le rôlepouvoir(s) et au monde de la promotion immobilière du Bouwmeester est celui d’un conseil, et que son autorité vient d’un pouvoir d’influence et auquel il est confronté au quotidien. pas d’un pouvoir formel. Sa légitimité résulte du marché remporté et s’affirme au cours de Benoit Moritz Avant de rentrer dans la thé- la fonction via la confiance accordée par les matique de ce numéro, pouvez-vous interlocuteurs publics et privés. nous rappeler les missions assumées La légitimité s’est également construite dans par la cellule Charleroi Bouwmeester le temps, à travers la réussite de projets tels que vous dirigez ? que la nouvelle identité de la ville, les chartes graphiques, la restructuration événementielle, Georgios Maïllis Notre site Internet (www.charle- la conception du portefeuille des projets Feder roi-bouwmeester.be) propose une définition ex- Charleroi District Créatif, la participation en haustive des missions que nous réalisons, mais tant que site au projet Europan 13, etc. j’aime à dire que les fonctions que nous assurons Enfin, on peut mentionner les résultats tan- sont loin de ne concerner que l’architecture et gibles de projets sur lesquels j’ai été amené à l’urbanisme ; elles traversent différentes disci- intervenir dès le début de mon mandat tels que plines liées à la fabrication de la ville. Il s’agit l’aménagement de la place Verte et le nouveau globalement de la mise en place de politiques de centre commercial Rive Gauche, tous deux développement urbain. À ce titre nous sommes inaugurés en mars 2017. Leur réussite est une amenés à travailler avec l’ensemble des acteurs démonstration que les réunions parfois tendues qui font la ville : les acteurs publics tels que les que nous avons eues avec le développeur du services de la Ville de Charleroi et les sociétés centre commercial (qui a également financé publiques liées à la Ville, ainsi que de très nom- breux acteurs privés.41 Resistance & Negotiation © Jérôme Considérant
A+271 L’art du conflit l’aménagement de la place Verte et accepté Pourriez-vous illustrer cette idée par l’organisation d’un concours pour le dessin de quelques cas concrets ? Comment le cet espace public), ont permis d’aboutir à un conflit peut-il amener à faire une meil- bâtiment ambitieux répondant à la logique mé- leure architecture, une architecture qui tropolitaine de la ville. résonne avec le projet de ville ? Comment considérez-vous les rapports Deux exemples : l’aménagement des deux lignes au pouvoir et aux conflits ? de bhns (bus à haut niveau de service) vers les quartiers Sud de Charleroi (mise en service Les conflits apparaissent tant sur des projets prévue en 2020) et le projet d’implantation d’un privés que sur des projets portés par un acteur nouveau Decathlon à la chaussée de Bruxelles. public. Je considère le conflit comme un outil Aux prémices, le projet devenu aujourd’hui intéressant pour négocier. celui du bhns concernait le réaménagement Lorsque l’idée d’un porteur de projet ne global de deux pénétrantes routières au sud de correspond pas à la vision développée pour la ville, porté par les autorités régionales en la ville, la situation peut glisser vers le conflit charge de la mobilité, le spw (Service public si le dialogue devient impossible. Si le désac- de Wallonie) et la srwt (Société régionale wal- cord est insoluble, le projet a peu de chances de lonne des transports). Les premières esquisses convaincre les autorités. C’est un cas heureuse- du réaménagement ne donnaient pas la prio- ment extrêmement rare, les porteurs de projet rité aux transports publics et portaient sur de étant suffisamment intelligents et pragmatiques simples aménagements de voirie. J’ai été consulté pour ne pas en arriver à cette situation extrême. afin de donner un avis sur le projet, mais nous Si des solutions gagnantes sont trouvées, le avons décidé d’aller beaucoup plus loin en nous projet sera supporté par le bourgmestre et son appuyant sur la volonté du bourgmestre de ren- collège, l’administration et plus largement la forcer structurellement les transports publics au population de Charleroi. Il s’agit finalement sud du territoire (non desservi par le métro). Les d’établir un rapport de confiance entre les ac- équipes de la srwt ont saisi la balle au bond et teurs du projet, y compris et tout particulière- le projet a ambitieusement donné la priorité au ment avec les promoteurs privés. transport en commun, aux modes doux et à la L’intérêt de la Ville de Charleroi est qu’un qualité de l’espace public. Dans cette logique, projet privé s’ancre dans le territoire sur lequel des paysagistes (l’agence Du Paysage) ont été il se construit. Le privé doit quant à lui pouvoir associés au projet pour transformer les chaus- s’appuyer sur des pouvoirs publics pour mieux sées en boulevards urbains en créant une grande faire fonctionner son projet. Il y a un juste mi- continuité arborée entre le centre-ville et les lieu, un équilibre à trouver. communes plus rurales. 42Resistance & Negotiation © NP-Bridging Le Décathlon de Charleroi dispose d’une dizaine de terrains de sport en toiture
L’art du conflit A+271 Concernant le nouveau Decathlon qui s’im- concours d’architecture pour arriverplantera sur un site exceptionnel entre le Ring à un projet de qualité architecturaleet le terril des Piges, les premiers projets étaient intéressante.de simples boîtes commerciales, sans aucuneambition par rapport au potentiel du site et L’outil du concours est intéressant dans plusieursdu contexte, alors que la Ville investit à proxi- cas de figure. Soit le développeur ne sait pasmité près de 142 millions d’euros de budget exactement ce qu’il veut et la pluralité des pro-Feder dans la création d’un nouveau Centre de positions va l’aider à se positionner et jouer uncongrès, la rénovation du Palais des Beaux-Arts rôle de déclencheur. Soit le développeur arriveet de Charleroi Expo et un nouveau campus. avec un projet médiocre et nous lui conseillons C’est cet argument qui a convaincu la Ville de de lancer un concours.me suivre pour s’opposer au premier projet pro- Dans le cas où il arrive avec une propositionposé. Un bâtiment quelconque était inacceptable que nous estimons qualitative, le processus seà proximité de grands projets qualitatifs portés poursuit via une négociation classique où le pro-par des équipes de concepteurs soucieux d’appor- jet est encore en mesure d’évoluer.ter les meilleures réponses architecturales dans Le concours n’est néanmoins pas le seul outille contexte urbain que nous avons mis en place. qui permette d’atteindre un projet de qualité : Cette situation de blocage a amené Deca- pour Charleroi Bouwmeester, une implicationthlon à travailler avec nous afin de revoir en très soutenue à toutes les phases de suivi du projetprofondeur le projet pour aboutir à un résultat va permettre de l’inscrire dans la vision urbaineambitieux qui satisfait la Ville et qui apporte développée par la Ville.une nette plus-value à la marque elle-même. Parfois, le concours peut être un outil aussi excluant que l’absence de concours. Je remarque que dans les projets privés que vous évoquez, il est rarement ques- tion d’utiliser ou d’imposer l’outil du43 Resistance & Negotiation © GreischProjet de ligne de bus à haut niveau de service vers les quartiers sud de Charleroi
A+271Renversement salvateur Lorsqu’il y a résistance s’expriment des convictions tion méticuleuse de l’existant mène alors à de qui déterminent où l’enjeu du projet se situe. AgwA nombreux questionnements qui jalonnent l’es- soutient que tout peut être négocié, mais toujours quisse : quelle souplesse d’usage assurer pourau profit d’une spatialité géniale, d’une appropriation le futur ? Quelle voie emprunter pour réaliser des économies d’énergie dans l’équipement des certaine, d’une structure flexible dans le temps. halls d’exposition ? Quelle qualité exiger pour les espaces de circulation et de distribution ?Cécile Vandernoot – Au risque d’énoncer des évidences, la réflexion Comment gérer le parking ? Quelle approchePhotos Filip Dujardin critique des architectes débute à partir de l’ana- entretenir avec les abords ? Comment re-concen- lyse d’un programme en regard de son lieu d’im- trer les activités qui se perdent actuellement dans plantation. L’un des exemples repris ici illustre un océan de mètres carrés ? un type de négociation confrontant le rêve d’un Des propositions telles que la création de projet d’envergure à la réalité d’une enveloppe boîtes chauffées pour s’extraire des contingences budgétaire. Le cas n’est pas particulier. de la rénovation de l’enveloppe générale du bâti- ment ne présentent qu’une réponse allant à l’en- Programme vs Budget contre de cet outil dans le temps. « Il n’y avait Dans sa phase de grandes requalifications, la rien de rationnel ni de flexible à cela », reconnaît Ville de Charleroi, pour amplifier l’attractivité Benoît Vandenbulcke. L’idée de considérer les de son centre a lancé, grâce aux fonds Feder, espaces de parking comme extérieurs reste, la plusieurs concours pour des infrastructures façade pouvant s’ouvrir largement, mais les destinées à accueillir d’importants évènements : architectes s’éloignent progressivement de leur la version rénovée et modulable du Palais des première matérialisation. Expositions (architecte Joseph André, 1953), la construction du nouveau Centre de congrès Distanciation complétée par la rénovation du Palais des Leur intervention actuelle n’est stratégique- Beaux-Arts (toujours Joseph André, 1955). ment qu’épure et dépouillement : un « grand En association momentanée, architecten de nettoyage », écriront les équipes en AM dans vylder vinck taillieu et AgwA ont remporté en le document qui retrace l’épopée : Esquisse : épi- 2016 le concours pour la rénovation du Palais logue / Avant-projet : prologue. Les évolutions qu’a des Expositions alors qu’ils remettaient (déjà) connues le projet entre esquisses et avant-pro- en question la faisabilité du projet tel que décrit jets n’ont pas remis en cause les choix princi- dans les documents de concours. Le budget, en paux pris en amont mais ont représenté une considérant la surface globale du bâtiment, était transformation de leur mise en forme, grâce, extrêmement faible – moins de quatre cents eu- entre autres, aux discussions avec le facilitateur ros du mètre carré htva – et des inconnues peb et les remarques des potentiels exploitants. importantes persistaient à ce stade : zones à « La pratique exploratoire des lieux, pour ac- désamianter non inventoriées, exploitants fu- céder à une connaissance pertinente et agir turs non désignés, affectations et propriétés de localement de la manière la plus raisonnée qu’il parcelles voisines non spécifiées. soit, nous a également permis de faire d’impor- Dans les premières esquisses, répondre aux tants gains en gardant ce qui pouvait l’être et exigences du maître d’ouvrage (Ville de Char- en se concentrant sur quelques interventions leroi) et maître d’ouvrage délégué (Igretec) en ciblées et nécessaires à la restructuration des gardant en vue le peb mettait à mal la faisabilité espaces. » Le projet, pour lequel une maquette financière du projet. La rénovation (démolition à l’échelle 1/100 est réalisée afin de soutenir et désamiantage) du bâtiment, l’isolation des toi- les idées réadaptées qui le sauveront littérale- tures, le remplacement de l’ensemble des châssis ment, connaît un renversement salvateur à la formaient un poste « énergivore » qui ne pouvait troisième remise de l’avant-projet. La clé de ce se conjuguer, comme réclamé, à la transforma- basculement avant adjudication repose sur une tion du sous-sol du bâtiment en trois étages de répartition alternative des surfaces dédiées aux parking. Et d’architecture, on ne parle pas en- halls d’exposition par rapport aux parkings. core. Ce qu’il était demandé d’atteindre était tout « Cette opération, précise Harold Fallon, a simplement impossible. Benoît Vandenbulcke, consisté à ne plus faire un parking sur toute l’un des trois associés d’AgwA, précise : « La la longueur du bâtiment, mais à concentrer les combinaison entre désirs, besoins et budget est parkings dans un immeuble, une tranche propre, par définition difficile, d’autant plus lorsqu’est qui a permis de limiter drastiquement les sur- demandé inconsciemment – ou à demi-mot – de faces à isoler en concentrant les halls dans un parvenir à un bon outil au rabais. » La dissec- 44
Renversement salvateur A+271 Resistance & NegotiationLes anciens halls d’honneur qui seront transformés en espaces extérieurs distribuant, d’une part, les halls d’exposition, et, de l’autre, les parkingsMaquette d’esquisse pour le Palais des Expositions avecle principe (finalement délaissé) des boîtes d’exposition indépendantes du bâtiment Maquette d’avant-projet pour le Palais des Expositions, vue vers la ville de Charleroi 45
A+271 Renversement salvateurResistance & Negotiation Hall 2 Hall d'honneur Hall 1 Hall 3 Hall 4 Coupe Aa Hall 5 Hall 6 Rue de l'Ancre Hall 50 5 10 20 50m Rue de l'Ancre Hall 5 Hall 6 Hall d'honneur Hall 6 Hall d'honneurPlan du niveau 0 dont le hall d’honneur est en connexion avec la rue de l’Ancre (hall d’exposition 5 et parking dans le hall 6) Hall 2 Hall d'honneur Hall 2 Hall d'honneur Hall 1 Hall 1 Fer a‘Cheval Fer a‘Cheval Avenue de l'Europe Palais des Avenue de l'Europe Beaux-Arts Palais des Beaux-Arts0 5 10 20 Plan du50Rm2 en lien avec la place du Manège (hall d’exposition 1 et parking dans le hall 2)0 5 10 20 50m 46
Renversement salvateur A+271des édifices. » La division du projet devient dès mieux placée ailleurs et qu’il serait bénéfique Maquette d’avant-projet pour lelors plus franche : trois « tranches » sur trois ni- de plutôt adapter les locaux pour se doter de la Palais des Expositions, vue depuis laveaux chacune : les halls d’exposition, le jardin plus grande crèche de Bruxelles (149 places). Lecentral de distribution, les parkings. Au centre, projet redémarre de zéro. ville de Charleroiles anciens halls d’honneur sont transformés enespaces distributifs extérieurs. Cette redistri- Cohérence projectuellebution en trois pans permet de concentrer les Ce qui en ressort, c’est non pas la grande flexi-espaces chauffés et de cibler les interventions bilité ou la résistance des architectes mais leurde façon stratégique pour plus de surfaces d’ex- mode opératoire. Depuis plusieurs projets quiposition et moins de parking (-14 %) mais avec le permettent, AgwA vise à mettre au point unla possibilité d’utiliser les niveaux de parking vocabulaire autonome. Tout particulièrementouverts pour des manifestations. « De cette important dans un imbroglio de bâtiments oùmanière nous avons pu rencontrer le budget. chacun fut construit à une époque différente.Nous avons craint que mo et mod ne suivent S’il s’agit de résister, c’est avant tout en préser-pas cette reconfiguration de la proposition en vant des règles qui énoncent des idées claires,cours de processus, alors que le projet était déjà identifient les espaces avec une économie debien avancé, mais ils ont fait preuve d’une vraie moyens, une récurrence de langage. « L’objectifouverture et de sens de la réalité. » Un travail est celui de la cohérence projectuelle. Nousconséquent sur la topographie fonde également sommes en faveur d’un dialogue, à l’articulationle projet : le jardin central et la large pente avec des conditions que le projet rencontre. Pas dela réouverture du « fer à cheval » permettent rigorisme maladif, pas de règles psychorigides,d’étendre l’accès de l’avenue de l’Europe à la pas de visée unique. » La résistance n’est pasrue de l’Ancre et de connecter les différents un affrontement, c’est plutôt une composition.niveaux du bâtiment. Pour reprendre certains termes familiers à Be- noît Vandenbulcke, le processus suit une ligne Planification indécise de visée que les données du projet font osciller,Il n’est pas toujours question de financement au fur et à mesure qu’elles l’alimentent, sansnon adapté. L’indécision dans la gestion d’un jamais qu’il ne lâche son objectif. Mais ces der-projet et la mauvaise planification peuvent par- niers projets qui ont connu des retournementsfois entraîner une lourde charge et menacer la décisifs laissent à penser que le projet n’est pasconcrétisation d’un projet. toujours là où on le pense et qu’en faveur d’une Avant d’être requalifié, l’ancien site de qualité spatiale de la proposition architecturale,l’Ecam (École centrale des arts et métiers – Ins- l’axe de visée peut être modifié. « L’objectif n’esttitut supérieur industriel), dans un intérieur pas la ligne de visée en soi mais bien la belle ex-d’îlot, en lien avec les rues du Tir, Fernand Ber- périence de ce qu’est l’architecture de qualité. »nier et Théodore Verhaegen à Saint-Gilles, fut À partir de cet état d’esprit, ce ne sont que desun temps inoccupé (sauf présence d’une petite projets sensés qui peuvent émerger.extension de la Sint-Gillis school). Au départdu Contrat de quartier durable Bosnie (2012-2016), la commune pense à y intégrer une écoleprimaire. Un choix intelligent vu la structuredes bâtiments existants parfaitement qualifiéepour s’adapter sans transformation majeure.D’autres services à la population complètentle programme : équipements pour la jeunesse– maison des jeunes, scholathèque (lieu de res-source et d’appui aux études pour les élèvesdu secondaire), ibo (Initiatief BuitenschoolseOpvang), Point Infos Jeunesse – ainsi qu’uncomplexe sportif et un parc urbain ouvert enjournée. Belle synergie entre fonctions maissérieux doute quant aux objectifs énergétiques :malgré la réalité construite, le tout se destine austandard passif. Le concours est lancé en 2014,qu’AgwA remporte avec une proposition quifait la part belle aux connections entre fonc-tions. Au vu de l’hétérogénéité du bâti dans cetîlot dense, l’équipe définit un système simpled’organisation de l’espace public pour unecirculation fluide entre les différentes entrées.Mais, en cours d’avant-projet, la commune re-formule ces attentes, estimant que l’école sera47
A+271 Un entretien dans cinq chambres En novembre de l’an dernier, la Ville de Gand a fondé sur une proposition de projet de l’archi- nommé son premier Stadsbouwmeester tecte. Il doit en outre avoir lieu dans les bonnes circonstances, avec les bons interlocuteurs. C’est(maître-architecte de la Ville). Ces six derniers mois, pourquoi j’ai créé cinq « chambres » où les dif- Peter Van den Abeele a déblayé la voie vers une férents types de discussions peuvent avoir lieu.nouvelle politique architecturale. Lors d’un entretien Quelles sont ces chambres et comment avec Lisa De Visscher, il a expliqué ses ambitions fonctionnent-elles ?et les instruments qu’il entend mettre en œuvre pour les six années à venir.1 Lisa De Visscher Après Anvers et Charle- La première chambre est la Chambre Qualité :Tanja Vandenbussche, Jan Mannaerts, roi, c’est au tour de Gand de se doter nous l’utilisons pour accompagner des projets,Jan Haemerlinck, Piet Minten, d’un Stadsbouwmeester. À qui cela qu’il s’agisse de bâtiments ou d’espace public.Sabine Okkerse, Lieven Nijs s’adresse-t-il plus précisément ? Cela se passe toujours en présence du maître de l’ouvrage et du concepteur, en concertation Peter Van den Abeele En tant que Stadsbouwmeester, avec les services de la Ville et dans le respect de je m’adresse en premier lieu aux concepteurs et l’autonomie des experts qui siègent dans cette maîtres d’ouvrage à Gand, au sens large. Outre chambre.1 Il est important que cette discussion Stad Gent qui intervient comme instance de intervienne au stade initial ou le plus adéquat la Ville et commanditaire public, il y a aussi possible, lorsque certaines grandes options Groep Gent, c’est-à-dire une vingtaine d’or- peuvent encore être influencées. ganisations urbaines telles que la police, les Nous procédons généralement en deux étapes : pompiers, le cpas, la société de développement nous abordons d’abord l’esquisse, qui comprend urbain, etc. Il s’agit d’organisations où la ville la volumétrie, la relation au contexte, l’implan- est actionnaire principal, qui accomplissent des tation, l’articulation du programme... bref, la tâches urbaines et ont donc un impact direct forme brute de l’architecture. Dans un second sur l’espace bâti. Un troisième groupe, encore temps, nous étudions l’aspect, les détails, les ma- plus large, est celui des « Gentmakers », litté- tériaux, la manière dont les intentions de la pre- ralement les « faiseurs de Gand », à savoir les mière étape se sont cristallisées dans une forme grands acteurs institutionnels qui participent à d’architecture plus tangible. Ces deux étapes font la vie de la ville, comme l’université de Gand parfois l’objet de plusieurs rencontres. et les écoles supérieures, l’évêché, les pouvoirs La Chambre Qualité, qui existait déjà en 2011, a organisateurs de l’enseignement secondaire ou été réformée début 2017. En tant que président de encore les hôpitaux, les établissements culturels cette Chambre Qualité, j’ai contribué à la rédac- tels que le Vooruit, et ainsi de suite. Et pour tion d’une note visant à en optimiser le fonction- finir, il y a évidemment les grands commandi- nement. Je suis en outre parti de cette note pour taires et promoteurs privés. rédiger ma note d’intention pour mon mandat de Bouwmeester. Dans le courant de 2017, la Comment faites-vous pour gérer autant Chambre a repris ses activités avec six nouveaux d’intervenants ? Et quels instruments membres1, sous la présidence du Bouwmeester. avez-vous développé pour cela ? Dans la précédente Chambre Qualité, on ne savait pas clairement quels projets devaient être En tant que Bouwmeester, je vise la plus grande mis en avant. Nous avons tenté d’y remédier en qualité pour l’environnement construit. On ne définissant une série de critères. génère pas de la qualité par un avis négatif ou en Chaque année, Gand reçoit près de trois mille refusant un projet, même si c’est parfois néces- demandes de permis d’urbanisme. Si, pour la saire. En soi, un permis d’urbanisme n’est pas un moitié, il s’agit de très petits projets, il reste tou- instrument suffisant pour produire de la qualité. jours mille cinq cents autres projets. Cela dépasse Il permet uniquement de bloquer les dossiers bien entendu largement ce que nous pouvons problématiques. Je ne veux donc pas faire du traiter. La Chambre Qualité dispose en effet contrôle de qualité, mais de l’accompagnement de d’une capacité d’une centaine d’entretiens par qualité. Cet accompagnement requiert une dis- an. Et comme certains projets requièrent parfois cussion et pour cela, mon principal instrument plusieurs rencontres, nous sommes limités à une est la force de conviction. C’est très fragile. Il petite centaine de dossiers par an. Du coup, il faut faut structurer l’entretien avec des arguments et opérer une sélection. Les principaux critères sont des idées pour convaincre, un entretien qui est l’échelle, le contexte, le cadre et le programme. 48
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