Université-Côte-d’Azur - Ecole universitaire de recherches CREATES Master 1 en sciences de l’information et communication ICCD : Innovation, Création et Communication Digitale Mémoire de Master 1 présenté et soutenu publiquement par Marie Dubois Directrice de recherche : Professeure Marie-Joseph Bertini Session juin 2022
Je tiens à exprimer toute ma reconnaissance à ma directrice de mémoire, Madame Marie-Joseph Bertini professeure d’Information et Communication à l’Université Côte-d’Azur de Nice. Je la remercie pour son encadrement, sa disponibilité et ses nombreux conseils qui ont permis d’aboutir à ce document. Je remercie tous les représentants des Associations qui m’ont accordé de leur temps, ils enrichissent mon contenu pour ma partie empirique ; ainsi qu’aux 180 personnes qui ont répondu à mon questionnaire, leurs remarques ont été un véritable plus dans mon travail. J’exprime également ma reconnaissance au chercheur Gilles-Éric Seralini biologiste français et professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen pour avoir échangé avec moi. Il m’apporta l’approche scientifique de mon mémoire. Merci à Vincent Betis et Paule Vincensini qui ont relu et corrigé mon mémoire. Ainsi qu’à ma famille, pour leur soutien constant et encouragements. A tous, je présente mes remerciements, mon respect et ma gratitude.
« Vivre c’est très mauvais pour la santé. Il n’y a rien qui use plus un homme que vivre » Jacques Brel - 1971
Remerciements ...................................................................................................................... 1 Exergue ..................................................................................................................................2 Introduction............................................................................................................................ 6 PARTIE 1 : L’EVOLUTION DE LA PRATIQUE MEDICALE DANS UNE SOCIETE TECHNOLOGIQUE CHANGEANTE .................................................................................8 CHAPITRE 1 : CONVERGENCE DE LA MEDECINE ET DE LA TECHNOLOGIE DANS UNE SOCIETE BIO-CONSERVATRICE ............................................................... 9 CHAPITRE 2 : MEDECINE PREDICTIVE ET PROCREATIVE QUAND GUERISON RIME AVEC OPTIMISATION ..........................................................................................26 CHAPITRE 3 : LA QUESTION DU GENOME DANS LA PENSEE FRANCAISE ....... 43 PARTIE 2 : LA MANIPULATION GENETIQUE, NOUVELLE ETUDE DE L’HOMME OU ESPOIR DE GUERISON ?........................................................................................... 62 Préambule............................................................................................................................. 63 CHAPITRE 1 : MECONNAISSANCE DU GENOME OU FANTASME DE NOS INQUIETUDES ? ................................................................................................................71 CHAPITRE 2 : LA MEDECINE PREDICTIVE/PERSONNALISEE : NOUVELLES MEDECINES DE L’INDIVIDU .........................................................................................88 Conclusion..........................................................................................................................104 Annexes.............................................................................................................................. 107 Bibliographie...................................................................................................................... 142
Table des matières.............................................................................................................. 148
Au XXIème siècle la médecine est un des domaines scientifiques le plus développé du fait d’une évolution croissante constante de plus en plus révolutionnaire, de par son étude des pathologies et de ses innovations technologiques pour soigner, accompagner et guérir. Ayant panser certains maux de l’homme, son espérance de vie fût allongée mais la crise du COVID-19 montra que nous sommes encore impuissants face aux nombreuses pathologies, actuellement 6 millions de morts causés par ce virus dans le monde. Par cet évènement, les chercheurs doivent renouveler d’ingéniosité pour obtenir le soin absolu et peut-être prétendre un jour de vaincre la mort. Pour ce faire, l’état français poussé par plusieurs motifs a choisi d’élargir son champ de recherches en étudiant le cas du génome humain, dans l’optique de soigner des maladies incurables comme le cancer et également stopper le rejet des greffes. Le 10 janvier 2022 pour la première fois de l’histoire, en Amérique nous assistons à la première greffe d’un cœur de cochon génétiquement modifié, cette affaire lança définitivement le débat sur cette thématique en questionnant d’autres perspectives telles que, la régénération des organes en manipulant le génome ou par la compréhension de ce dernier, afin de pouvoir avoir la possibilité d’anticiper les pathologies. Le génome humain est propre à chaque individu, par conséquent certains chercheurs voient ceci comme une perspective en réalisant des traitements dits personnalisés. Nous sommes au commencement de la médecine génomique dite régénératrice mais pouvons-nous prétendre que nous en maîtrisons suffisamment les codes pour parler d’une révolution médicale, ne risquerions-nous pas de perdre notre identité et la connexion intime qui résulte entre le patient et le médecin ? C’est dans cette optique que nous avons établi cette problématique : En quoi le transhumanisme permet-il une révolution de la médecine dans le secteur de régénération des organes et de la cartographie du génome ? Par conséquent nous supposons que la médecine régénératrice est l’un des piliers du transhumanisme. A ce titre, elle constitue un dépassement des limites connues de l’être humain, notamment dans le domaine de la régénération des organes et de la connaissance du génome de chaque individu. Afin de traiter notre sujet et de répondre aux questionnements émis, une démarche scientifique a été effectuée. Tout d’abord un questionnaire fut réalisé pour connaître la relation entre la médecine et le citoyen français, pour déterminer également s’il a connaissance des mutations en cours. Page 6 sur 150
Traitant de la génétique, nous avons établi des entretiens semi-directifs avec des associations accompagnant des parents et enfants souffrant de maladie génétique. Etant au cœur du problème nous avons voulu savoir s’ils avaient connaissance de ces mutations, et s’ils les voient comme une perspective d’avenir pour stopper les maladies génétiques. La recherche empirique fut complétée par de nombreuses lectures sur le sujet. Nous verrons dans un premier temps qu’il est nécessaire d’établir un état des lieux de l’évolution de la pratique médicinale afin de savoir si l’état français est prêt à évoluer dans cette direction. De plus en plus le monde est connecté et notre rapport à l’information d’ordre médical est totalement bouleversé. Nous tâcherons de saisir l’ampleur de ces nouvelles informations qui permettront de connaître les différentes médecines qui découlent de la médecine génomique, en essayant de comprendre et de déterminer les causes de ce potentiel avenir ou rejet. Page 7 sur 150
PARTIE 1 : L’EVOLUTION DE LA PRATIQUE MEDICALE DANS UNE SOCIETE TECHNOLOGIQUE CHANGEANTE Page 8 sur 150
Chapitre 1 : Convergence de la médecine et de la technologie dans une société bio-conservatrice La France, terre de sciences et d’innovations biologiques au XXème siècle, territoire de Pasteur et Marie Curie, foyer des prix Nobel, fut un creuset parfait pour la convergence de la médecine et de la technologie dans une nouvelle conception du soin, fruit d’une longue recherche médicinale entraînée par l’idée d’un progrès inéluctable. Cette conception fût celle de la médecine génomique et du transhumanisme. Cependant, la France est également devenue vers la fin du siècle un état précautionneux, la patrie des droits de l’Homme et des Lumières portant sa Législation au cœur de la dignité humaine. Considérée par certains comme un frein au développement de l’épanouissement de l’Homme, la législation française mais aussi l’esprit bio-conservateur des Français, touchés par les nombreuses crises sanitaires de la fin du siècle, faisant de moins en moins confiance aux laboratoires pharmaceutiques. Ce fût à l’Art de prendre le relais et de montrer l’importance de la technologie dans une nouvelle conception de la biologie humaine. L’art performatif intrigue, passionne, choque ou dégoûte, mais dans tous les cas interpelle. Ce chapitre s’appuiera sur différents arguments et exemples afin de présenter l’évolution de la pensée française sur les enjeux de telles médecines. Entre Humanisme, Transhumanisme et Post-Humanisme, les rêves, les craintes, ou l’indifférence des individus, médecine et technologie convergent pour le meilleur et pour le pire. Page 9 sur 150
Les soins modernes : fruit d’une longue recherche médicale et médicinale Pour comprendre la complexité du sujet, il est essentiel d’expliquer les rapports entre la population française et les agents de la santé. Leur relation est-elle propice à des évolutions de la médecine ? Les moyens médicinaux que nous connaissons aujourd’hui sont le fruit de plusieurs cycles historiques de recherches, dont la première approche fut la punition divine d’un créateur. Les médecins étaient généralement instruits et respectés mais leur manque de connaissances anatomiques et leurs croyances empêchaient tout type d’évolution et de progrès. « Pour assurer leur diagnostic et leur pronostic, les Mésopotamiens faisaient appel à la divination, par exemple à l'hépatoscopie. Pour eux, le foie était l'organe central de notre organisme et l'examen du foie d'un animal récemment sacrifié fournissait, indirectement, des indices sur la nature et la gravité de la maladie. »1 De plus la dissection du corps humain était interdite. Ne possédant pas les bagages de nos contemporains, plusieurs médecins privilégiaient ce que l’on nomme la variolisation, précurseur voire ancêtre de la vaccination moderne : « Les Chinois [fin XVIIème] utilisaient la variolisation, consistant à infecter délibérément de jeunes enfants avec des croûtes de varioleux, afin de leur éviter à l'avenir les effets désastreux de la variole. »2 En France, l’enseignement médical fut longtemps inexistant, la première faculté de médecine fut ouverte à Montpellier en 1220. Considérée comme la plus ancienne université de médecine à ce jour, en 2020 elle fêta ses 800 ans et connut de véritables piliers de la recherche tel Rabelais et Arnaud de Villeneuve : « Tout au long de son histoire, la Faculté de Médecine de Montpellier s'est développée grâce au partage des cultures médicales arabes, juives et chrétiennes, dans un esprit humaniste et scientifique relayé au travers des siècles ».3 Pourtant, le siècle de la Renaissance constitue un retour impressionnant des pratiques ancestrales (Antiquité) à la fois philosophiques et artistiques. Les pratiques et les connaissances de Léonard de Vinci sur la dissection des corps humains, restent superficielles pour la réalisation de ses œuvres mais constituent, une véritable première 1 Claude Chastel, Une brève histoire de la médecine, dans : Catherine Halpern éd., 2010, pp.11-21. 2 Ibid. 3 Umonpellier.fr Page 10 sur 150
approche de l’étude du corps anatomique. Cette période vit exercer les plus grands médecins, chirurgiens et anatomistes1. Par exemple Jérôme Fracastor (1483-1553) dans son ouvrage De Contagione (1546) exprime pour la première fois que la cause de la diffusion des maladies infectieuses est le résultat de « petits êtres vivants invisibles ». Nous pouvons également citer André Vésale [Andreas Vesalius] (1514-1564) considéré par les historiens des sciences comme le plus grand anatomiste de la Renaissance voire le plus grand de l’histoire de la médecine. Fils de plusieurs générations de médecins, il ne faiblit pas sur les nombreuses observations de cadavres qu’il analysa depuis son enfance. Admiratif des théories de Galien2, il devient professeur en 1537 et enseigne l’anatomie du corps humain. Il souhaita et réussit à actualiser les travaux de Galien, véritables références irréfutables, cela entraîna une rupture considérable avec les pratiques médiévales. En effet, la dissection étant interdite, il constata rapidement que les descriptions de Galien correspondaient au singe magot et non à l’homme : « Il disséquait le corps humain et enseignait à ses étudiants la réalité anatomique, relevant chez Galien plus de 200 erreurs ! »3. Malgré une certaine évolution des connaissances, la médecine n’évolue pas encore car les méthodes médicinales ne sont pas véritablement impactées. La guérison des patients résulte par des pratiques anciennes telles que la saignée et les lavements à répétition. De plus nous évoluions encore à l’époque dans un contexte épidémique : de peste, de variole, de syphilis renforcée par la mondialisation, les explorateurs ont apporté d’autres pathologies sur le continent européen. C’est le siècle des Lumières qui apportera une légère évolution de la pratique par certains esprits tel que William Hunter qui vulgarisa la pratique du forceps4. Pourtant, les pathologies ne sont pas uniquement de l’ordre de la contagion, plus haut nous parlions du fait que la possession par une divinité pouvait justifier les troubles pathologiques. Ne possédant pas de recul ni de méthode pour « guérir » les patients, certains aliénés étaient à l’abandon sans possibilité de guérison : « À Paris, Philippe Pinel (1745-1826) s'intéressa au sort des aliénés. Ces malheureux étaient enchaînés comme des bêtes et laissés sans soins. À Bicêtre, il les fit désenchaîner (1793) et 1 Ibid. 2 Dernier des grands médecins de l’Antiquité. 3 Ibid, pp.11 – 21. 4 Outil permettant d’assurer une meilleure extraction du fœtus. Page 11 sur 150
il montra que l'on pouvait les écouter et même les traiter. »1. Malgré un développement des connaissances médicinales, ces recherches n’aboutirent pas à d’autres perspectives de soin. Les médecins sont réticents et possèdent une véritable crainte d’endommager davantage l’organisme, la question concernant le renforcement des défenses naturelles est alors soulevée : « Faute de savoir en quoi ces maladies consistaient, les médecins considéraient qu'il valait mieux s'abstenir de prétendre les soigner, au risque, sinon, que le remède fût pire que le mal, et plutôt tenter de les prévenir en renforçant les défenses naturelles du sujet et en assainissant son milieu. »2 Pour pouvoir optimiser ses défenses, il faut définir toutes les pratiques d’hygiène longtemps mises à l’écart d’un développement propice à l’humain. Il existe deux types d’hygiène : celle relevant de l’ordre privé concernant les individus et l’hygiène publique découlant des populations3, autrement dit des règles que l’on s’applique à soi et celles de la communauté. La loi de Villermé est considérée comme étant la première loi hygiéniste, elle prône l’opposition, l’interdiction de l’utilisation de mineurs en dessous de l’âge de 8 ans dans les manufactures, usines et ateliers : « L'article 2 énonce : Les enfants devront, pour être admis, avoir au moins huit ans. De huit à douze ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de huit heures sur vingt-quatre, divisées par un repos. De douze à seize ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de douze heures sur vingt-quatre, divisées par des repos. Ce travail ne pourra avoir lieu que de cinq heures du matin à neuf heures du soir ».4 En quoi une loi sur la politique de travail liée aux mineurs est considérée comme étant la première loi hygiénique ? Tous pays confondus ont compris qu’un citoyen malade est un coût et crée de nombreuses dépenses. Dans cette politique de productivité, il est important d’être soit dans une politique de conservation des populations soit favoriser les naissances afin d’avoir toujours des ouvriers, l’Etat français n’a pas voulu prendre parti. En France la natalité est très élevée _ jusqu’à 5 naissances dans une famille _ les enfants devaient et doivent être une ressource de revenus. Or il n’y a pas d’accès au travail pour tous ces êtres, la loi interdit par conséquent le travail des jeunes enfants : « promouvoir la limitation du travail des enfants par voie législative afin de réduire l'offre de bras et donc la 1 Ibid. pp.11 – 21. 2 Gérard Jorland, L’hygiène publique, fille des Lumières, Les Tribunes de la santé, 2013, pp. 23-27. 3 Ibid. 4 Travail-emploi.gouv.fr Page 12 sur 150
concurrence entre ouvriers dans l'espoir de voir les salaires augmenter. »1 Malheureusement cette loi concerne l’hygiène publique, par conséquent la sphère familiale possède ses propres règles de conduite et doit chercher des moyens pour ne pas être en perte économique : « En conséquence, la mortalité infantile était elle aussi considérable, ces nourrissons étant abandonnés à des nourrices qui les laissaient mourir. »2 Par conséquent possédant des revenus moindres, l’accès au soin était plus difficile. La question que nous devons nous poser est la suivante : Qui doit avoir la charge du patient ? Possédons-nous tous les mêmes responsabilités face au traitement de la maladie ? Nous y répondrons plus loin dans notre composition. L’homme s’est questionné davantage sur l’importance de l’hygiène grâce, malheureusement à l’une des maladies mortelles et considérée comme la plus effrayante de l’histoire de l’homme, il s’agit du choléra. Maladie transmise d’homme à homme, elle se manifeste par de nombreuses diarrhées entraînant une déshydratation rapide du malade, sans traitement, elle peut causer la mort. La France fût touchée 2 fois par cette pandémie (1832 et 1854) qui entraîna 143 000 morts sur l’ensemble du territoire. La contamination découle de la voie orale suite à la consommation d’excréments ou de boissons et d’aliments périmés. Par conséquent la deuxième loi hygiéniste stipule qu’il est interdit de consommer ses propres excréments. Or l’homme n’a jamais consommé volontairement ses selles, c’est le fait de se débarrasser de ses selles, ou de l’eau sale dans la nature et de la consommer à la suite d’un non-traitement des eaux. La création des canalisations et le début du développement du traitement des eaux usées ont permis l’ouverture au monde moderne. Aujourd’hui il reste quelques traces du cholera en Afrique, car étant un continent sous développé, les maitrises de l’assainissement et les coûts qui en résultent sont trop élevés pour permettre cette transformation. Or à la suite de la crise du COVID-19 et des mesures de prévention qui en découlent comme le lavage des mains et la distanciation physique ont réduit également la contamination du choléra. Espérons que ces pratiques seront maintenus à l’avenir pour une éradication totale des maladies. Pourtant cette 1 Ibid. 2 Ibid. Page 13 sur 150
pratique qui découle de l’asepsie1, n’est qu’une pratique très récente du monde moderne. Dans les années 2000, le gel hydroalcoolique rentre dans les hôpitaux ainsi que la lampe UV pour déterminer si les mains sont sales ou non.2 Le médecin obstétricien Ignace Phillipe Semmelweis œuvra pour l’importance de cette hygiène au XIXème siècle. Or ses pairs voient cette pratique comme de l’infantilisation. Pourtant Semmelweis, bien avant Pasteur, démontra que la dissection d’un cadavre avant d’effectuer un accouchement favorisait la prolifération des miasmes en transmettant involontairement des maladies. « Le destin de Semmelweis fut d'être un Galilée du savon, je veux dire qu'il fut persécuté pour ce conseil étrange, il mourut à l'asile pour avoir suggéré à ses contemporains de se laver les mains... ».3 Il chercha à comprendre la prolifération de la fièvre péridurale fléau des premières maternités, grâce, malheureusement, au décès de son ami Jakob Kolletschka causé par une coupure au scalpel lors d’une dissection de cadavre. L’autopsie révèle une pathologie identique aux femmes mortes de la fièvre péridurale. « Cette observation amène Semmelweis à l'évidence des « particules invisibles mais très odorantes, présentes sur les cadavres sont à l'origine de ces morts. Semmelweis a découvert sans le savoir les microbes (le mot lui-même ne sera inventé qu'en 1878 !). »4 C’est l’amélioration de l’hygiène bien avant la création du vaccin qui chutera le taux de mortalité infantile et l’allongement de l’espérance de vie. Il faudra attendre le XIXème et le XXème siècles pour avoir les bases de la vaccination et les débuts des antibiotiques entraînant une véritable évolution de la médecine et permettant une éradication de certaines maladies. On pense que la variole est apparue en 1769 et a été supprimé en 1980 [estimation]. Le XXIème siècle apporte une approche approfondie de ces nombreux siècles de recherche par les greffes d’organes et l’utilisation des robots et potentiellement la maîtrise de la segmentation du génome humain. Certaines maladies disparaissent d’autres naissent comme le Sida ou le COVID-19 et cela montre, malgré une avancée majeure que nous sommes loin de la maîtrise totale de la guérison. Pouvoir être soigné aujourd’hui est un coût et un luxe dans notre société 1 Méthode préventive, s’opposant aux maladies infectieuses en empêchant l’introduction de microbes dans l’organisme (dictionnaire Le Robert). 2 En 1995 seulement 1 médecin sur 5 se lave les mains (FranceInfo.com). 3 France culture : Semmelweis le médecin qui tenta d’imposer le lavage de mains, Hélène Combis, 16/03/20 (radiofrance.fr). 4 Ignace Semmelweis (1818 - 1865) Le pionnier du lavage des mains, Charlotte Chaulin (herodite.net). Page 14 sur 150
moderne, le vieillissement de la population en est l’une des principales causes. Nous pouvons donc conclure que le fruit de notre augmentation de vie en bonne santé est le résultat de 3 dispositifs : les médicaments, les antibiotiques et la vaccination. « Selon le dernier Observatoire sociétal du Leem, 77% des Français font confiance aux médicaments, et 83 % d'entre eux font confiance aux médicaments qu'ils prennent. En effet, 44 % des Français prennent tous les jours au moins un médicament, un taux relativement stable dans le temps. 49% des Français font confiance aux entreprises du médicament mais seulement 16 % d'entre eux les trouvent transparentes. »1 Le médicament est l’élément par prédilection le plus familier à notre consommation de soins, il est perçu comme le principal véhicule de la guérison. De plus l’importance du libre arbitre du patient découle de la relation avec le médecin par un climat de confiance et les connaissances acquises permettent un stress moins dense que les décennies précédentes. Pourtant la France est le pays possédant le plus de scandales pharmaceutiques liés aux médicaments soit par des traitements longs et inutiles comme les somnifères par exemple soit par la création de nombreux effets secondaires. Les Français ne l’ignorent plus, la santé est devenue au fil des années un monde d’affaire, pouvoir être soigné est un coût qu’il faut rentabiliser. Néanmoins, il ne semble pas, lors de la construction d’hôpitaux, que l’on demande à ces derniers de faire un quelconque bénéfice avant même leur premier patient. Nous pouvons dire qu’à la suite des nombreux coûts il y a une volonté d’un changement de perspective sur la fonction elle-même or elle ne se modifiera guère car notre politique de soins est et doit être accessible à tous. « L'auteur évalue à 10 milliards d'euros le gaspillage annuel ainsi provoqué. Mais lorsqu'il a suggéré au ministère de la Santé d'introduire dans l'enseignement une formation à la prescription, il s'est vu reprocher son manque de réalisme : sa proposition supposait de prendre une décision en commun avec le ministère de l'Enseignement supérieur ! C'est que l'administration française raisonne « en silo » : les services n'ont pas de vision globale. Chacun n'a d'yeux que pour son propre budget. L'éparpillement des responsabilités complique les prises de décision, et le lobbying des 1 8 Français sur 10 ont confiance dans les médicaments, leem les entreprises du médicament – Communiqué de presse, 2018. Page 15 sur 150
laboratoires se déploie sans obstacles sérieux. »1 Face à cela arrive une nouvelle source de défiance. Selon Philippe Pignarre dans son ouvrage L'Invention de la Dépression, les laboratoires pharmaceutiques n’ayant pas la possibilité de soigner des maladies existantes, créent des maladies de toute pièce pour y répondre avec de nouvelles molécules. De ce fait, on ne fait plus la différence entre petite déprime passagère et véritable dépression. La dépression, elle, est due à la biochimie du cerveau et est bien souvent héréditaire. Dans les années 50, aux États-Unis, ce type de « maladie » était souvent « soigné » par une lobotomie2. Selon Pignarre, les laboratoires vont donc admettre des maladies qui n’existent pas en tant que telles dans les populations. Il évoque la dépression, mais aussi le cholestérol. En effet, nous nous sommes aperçus il y a une dizaine d’années que le corps produit du bon et du mauvais cholestérol. Cependant, ces deux cholestérols ont longtemps été traités comme étant mauvais. Nous pouvons également prendre l’exemple de l’ostéoporose. Cette perte de densité osseuse peut apparaître dès 20 ans. Pourtant, notre corps possède des agents qui produisent perpétuellement de l’os. Néanmoins pour éviter de créer trop d’os, il possède aussi des agents qui les éliminent. L’ostéoporose, en plus d’avoir une portée génétique, est fortement liée à l’activité physique. Moins nous avons d’activité physique, plus nos molécules de destruction osseuse sont actives. Ce processus de création osseuse se ralentit avec l’âge. Par conséquent ce n'est donc pas une maladie. Pourtant, les laboratoires ont créé des appareils permettant de mesurer la densité osseuse et ont fixé le seuil de densité « normale » arbitrairement. Par ce seuil, les laboratoires ont donc proposé des molécules qui semblent régler ces problèmes (mais les effets secondaires peuvent être pires). Face à ce genre de situations, il est normal d’être méfiant face aux sciences. Tous les scientifiques ne sont pas honnêtes et l’exploitation commerciale prime parfois sur le soin et la santé. 1 Didier Nordon. « La France malade du médicament ». Bernard Bégaud, L'Observatoire, 2020, 192 pages, Pour la Science, 2020, pp. 15a-15a. 2 Acte chirurgical sur le cerveau qui annihile tout esprit de décision, transformant les patients dans un état totalement végétatif (dictionnaire Le Robert). Page 16 sur 150
L’union inévitable de deux domaines poussés par le progrès humain La médecine et la technologie ont toujours eu le même objectif lors de leur conception : soulager les maux de l’homme et permettre un développement plus propice lors du développement de son existence. Cependant la médecine a toujours agi dans le cadre d’une réparation des individus, en effet nous parlons de médecine réparatrice. Or la technologie est utilisée dans le cadre de la réparation d’un manque. Certains individus sont bloqués dans une situation inconfortable et notre monde étant constamment en évolution, la marche du progrès ne peut se permettre de ralentir pour ces derniers. Il faut donc créer pour avancer ensemble et être au même rythme. La rencontre se fit naturellement, en effet le monde est entré dans une ère où la numérisation a permis un gain d’espace suite à la création de dossiers de patients permettant de gagner en une gestion plus optimale et moins chronophage. Ensuite, nous sommes arrivés à un stade supérieur qui est celui de pouvoir analyser et voir l’organisme des patients afin de détecter des maladies non visibles en surface grâce à l’IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique). Enfin nous pouvons parler de l’ère robotique qui a permis une véritable nouvelle approche de la médecine avec Arthrobot considéré comme le premier robot chirurgical au monde en 1984 dont la mission principale était de donner les outils au chirurgien lors d’une opération médicale. En 1998 nous pouvons parler du premier robot chirurgien directement lié avec le médecin : Da Vinci. En effet son mécanisme ne pouvait fonctionner que par les mouvements et les directives du chirurgien. Très optimisé pour la sécurité du patient, il était incapable de réaliser des mouvements si la tête du médecin n’était pas en contact avec la zone traitée. La machine n’étant pas le seul acteur de la guérison, les patients font naturellement confiance à leur médecin. David Gruson parle de « Garantie Humaine », il s’agit de faire preuve de logique de transparence face au patient, l’avertir d’une utilisation technologique lors de son traitement, de plus il y a une garantie humaine par la présence de professionnels de la santé et de fabricants de technologies avancées. Par cette garantie de l’homme, l’utilisation en France a permis une Page 17 sur 150
ouverture plus large à l’innovation technologique. « Nous sommes dans la supervision et non plus dans la surrèglementation » (CF David Gruson).1 Le domaine de l’ingénierie est un facteur de développement pour le domaine médical, en effet la technologie moderne permet de franchir des moyens de guérison nouveaux offrant une multitude de possibilités. L’exemple le plus notable est la fabrication de prothèses grâce aux imprimantes 3D donnant à des patients la possibilité de garder une apparence conformiste soutenue par la société. Les prothèses bioniques, dont le coût est relativement plus élevé qu’une prothèse réalisée sur une imprimante, permettent une connexion au système nerveux créant de nouveau le lien entre le membre et le cerveau, l’interaction avec l’environnement est possible après plusieurs mois de rééducation. De plus, nous pouvons également souligner les interventions possibles directement dans l’organisme en intégrant des dispositifs, forçant une réaction en chaîne dans le corps donnant une aide pour permettre au mieux son fonctionnement. L’exemple le plus notable est le pacemaker, outil soutenant le cœur et pouvant augmenter son rythme pour les patients dont il était trop faible, l’utilisation des ondes ont permis une grande augmentation de l’espérance de vie de ces individus. Le pacemaker est la preuve que nous avons réussi à intégrer l’utilisation de la machine sans le rejet du corps, il est donc possible que l’homme et la machine peuvent cohabiter afin d’optimiser les conditions et l’espérance de vie. Pourtant, avant de pouvoir utiliser ces outils de manière optimale, il faut plusieurs années de recherches et de tests. Pour ce faire il est important d’obtenir des connaissances auprès de patients atteints d’handicap sévère comme la paralysie pour les aider. Le groupement de recherche BrainGate2 a développé un réseau d’électrodes en 2015 implantées dans le cortex moteur contrôlant les mouvements. Les patients ont imaginé un mouvement de souris d’ordinateur et ont pu l’exécuter sur l’écran, offrant une véritable prouesse des techniques dans le secteur du handicap. Cependant l’ensemble des recherches sur la convergence entre humain et machine n’a pas uniquement pour but de réparer les défauts de la nature. Les transhumanistes voient cette fusion comme une future évolution 1 David Gruson , « Vers la régulation de l’intelligence artificielle par la garantie humaine » Revue Générale Droit Médicinal , 75 , LEH édition,, Juin 2020, p.315. Page 18 sur 150
de l’homme. « Le transhumanisme est un mouvement philosophique et culturel soucieux de promouvoir des modalités responsables d’utilisation des technologies en vue d’améliorer les capacités humaines et d’accroître l’étendue de l’épanouissement humain »1 Néanmoins cet épanouissement ne peut être réalisé que par la volonté de l’individu qui le souhaite mais il doit également se confronter à une société conformiste dont la définition du respect du corps humain est encadrée par les dispositions de la loi. La Législation au cœur de la dignité humaine : frein au développement de l’épanouissement de l’homme « La conception que la France se fait de l'être humain repose ainsi sur une inspiration kantienne et judéo-chrétienne. Tributaire de son histoire, la France s'attache à un passé revendiquant l'attachement à la philosophie humaniste des Lumières et influencé par une tradition imprégnée de culture judéo-chrétienne où toute tentative de manipulation de l'essence humaine serait une atteinte à la dignité de l'homme.»2 La notion de dignité humaine est une définition très difficile à mettre en place relevant de plusieurs aspects disciplinaires à la fois philosophique et sociologique. Néanmoins si nous nous référons à l’entretien de Nick Bostrom considéré comme un père fondateur du mouvement transhumaniste, il exprime que la définition restera certes toujours floue selon les chercheurs néanmoins il souligne que la première définition de la dignité humaine est donnée par un philosophe humaniste (Jean Pic de la Mirandole) : « L’être qui ne se satisfait jamais de la place qu’il occupe. Et qui toujours avance sur le chemin de la connaissance et de l’ingéniosité »3 Si la dignité humaine se reflète dans cette définition, les transhumanistes possèdent alors une référence importante de l’humanisme et elle peut être considérée comme un texte fondateur du mouvement moderne. 1 Hottois, Gilbert. Le transhumanisme est-il un humanisme ? (L'Académie en poche) (French Edition) Académie royale de Belgique. Édition du Kindle. 2Deboise Manon, Le Transhumanisme en France, mémoire de recherches, Université Paul Cezanne, Aix Marseille III, 2011 - 2012 p.95. 3 Entretien avec un transhumaniste : Jean Paul Baquiast et Nick Bostrom, (iatranshumanisme) consulté le 30 janvier 2022. Page 19 sur 150
Cependant dans le cadre de la législation selon la forme du Conseil constitutionnel français: « le principe de dignité exige de sauvegarder la personne humaine contre toute forme d’asservissement ou de dégradation »1. De plus Macklin souligne l’importance du respect des personnes mais Roberto Adorno développe que le respect n’est que le résultat/conséquence de la dignité et met en garde de l’importance des notions si variables selon les croyances et les individus.2 « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial »3 Néanmoins si la définition de la dignité humaine est source de questionnements et de divergences pour tous, elle reste un élément primordial dans notre société. On ne se transcende pas sous prétexte d’une envie d’évolution poussée par la culture du transhumanisme. Roberto Adorno rajoute qu’il s’agit de la dignité inhérente et non de la dignité éthique même si ces deux notions sont sur une frontière proche, la première est une notion statique, elle revient à tout être humain, c’est-à-dire son existence contrairement à la dignité éthique qui ne s’applique pas sur l’homme mais sur sa façon d’agir. Mais c’est la première notion qui nous intéresse ici. Également la dignité humaine a été un facteur d’amélioration dans le cadre médicinal, en changeant la vision des patients, on parlait de « cas » maintenant nous parlons de « personnes » « c’est-à-dire un être unique et ineffable qui a besoin d’être aidé et accompagné dans sa souffrance »4 Gilbert Hottois exprime5 que l’homme s’autocensure, s’impose des limites afin de faire respecter une certaine normalité et qu’il n’est pas naturel de se transformer si cela n’a pas pour but de guérir un défaut de la nature. Pourtant la notion de normalité est tout aussi variable que celle de la dignité humaine, elle se définit par des codes sociétaux très différents selon les époques et espaces. Toutefois l’homme, par une volonté de concordance, a besoin de se référer à des normes afin de trouver des semblables et former des groupes d’appartenance, si nous mutons 1 La dignité humaine définition et contenu, Cabinet ACI spécialistes du droit pénal – Communiqué de Presse consulté le 30 janvier 2022. 2 Roberto Adorno, « La Notion de la dignité humaine est-elle superflue en bioéthique ? » Revue Générale de Droit médicinal n°16, 2005 pp.95-102. 3 Legifrance.gouv.fr 4 Ibid. 5 Ibid. Page 20 sur 150
existera-il une multitude de groupes encore plus vaste ou serions-nous dans une discorde permanente ? Cette question sera développée plus loin dans l’argumentation. Le principal argument des bio-conservateurs est de souligner l’importance de la nature et qu’il faut se plier à elle, pourtant l’homme l’a déjà contrée nous l’avons vu plusieurs fois par l’utilisation de ressources mécaniques. De plus l’utilisation de la chirurgie nommée « réparatrice » apporte une véritable mutation pour des hommes et femmes souffrant d’un refus de reconnaissance d’identité par le genre : les transsexuels. Par ces pratiques, l’homme a aboli la nature, il l’a modifiée constamment soit en transformant son environnement, soit lui-même. La notion de naturel ne peut être un argument dans une société en constante évolution surtout aux niveaux technologiques. Enfin afin de comprendre l’ampleur de la philosophie du transhumanisme, il est important de cerner les termes qui lui sont associés : l’augmentation et l’amélioration. En effet un certain amalgame est présent lorsque l’on parle de ces deux notions pourtant bien différentes. L’utilisation des ressources médicinales permet une amélioration de l’état, l’individu est fragilisé par une maladie ; la médecine, par la guérison, va le remettre à son niveau initial afin qu’il ne soit plus dans la souffrance. Or si l’amélioration de son état doit s’effectuer dans le cadre d’une acceptation de soi poussé par un mal être, la population parlera d’augmentation, en effet nous parlons de TRANsexuel, c’est-à-dire au-delà du sexe pourtant l’homme n’en est point augmenté. Toutefois les adeptes du transhumanisme ne parlent pas d’augmentation pour se définir mais bien d’amélioration, l’homme n’est pas à sa forme optimale il est donc nécessaire de le remettre à niveau, c’est-à-dire dans l’ère du temps : être fusionné avec la machine. Dans les années 1950, pour réparer ce que les psychiatres nomment aujourd’hui la dystopie de genre, on utilisait uniquement des traitements à base d’hormones et la chirurgie pour pouvoir permettre la transformation transsexuelle. Néanmoins un homme souhaitant devenir femme ou prétendant l’être1 était considéré par les psychiatres : « comme une forme d’aliénation mentale ». C’est Richard Stoller qui a vu la détresse de 1 Jean-Pierre Béland et Charles-Etienne Daniel, La personne transformée les nouveaux enjeux éthiques et juridique, Collection enjeux éthiques et contemporain, 2019, p.58. Page 21 sur 150
certains patients et reconnu que le transsexualisme est véritable, en parlant : « d’identité de genre ». En France la première opération de résignation à Paris en 19791, apporta plusieurs questionnements, en effet le patient une fois transformé physiquement, doit se modifier juridiquement afin d’être en concordance avec ce qu’il est, or ce fût un parcours fastidieux, aujourd’hui, les documents peuvent être modifiés dans les 6 mois. C’est ici que nous pouvons faire des similitudes avec les adeptes du transhumanisme, deux éléments poussent l’Etat à un rejet de ce mouvement. Le premier est l’absence de connaissances sur la véritable motivation de ces transformations, à ce jour il existe 10 croyances et pratiques du transhumanisme, ainsi, par manque de connaissances et par crainte, les médecins optent pour une potentielle pathologie comme ce fut le cas pour les transsexuels. Le deuxième est le manque de contenu juridique, si une personne devient augmentée il est indispensable de préparer une juridiction complète afin de déterminer ses droits et devoirs. Nous pouvons retrouver cette problématique pour la puce TESLA Neurolink, source de discussion et de divergence sur l’augmentation transhumaniste. Corps et machine : quand l’art de la performance abolit les règles Nous l’avons vu la question sur la dignité du corps est une notion importante dans la législation française mais également dans le cœur de la société. C’est écrit, c’est une conduite, il est déconseillé de se métamorphoser poussé par une quelconque envie de surévolution. Cependant certains individus dans l’optique d’un fantasme voient une véritable approche permettant une critique choquante aux yeux de la société. Le domaine artistique a toujours joui d’une réputation burlesque lorsqu’il s’agit de se mettre volontairement en spectacle pour mettre en scène des critiques sociétales toujours plus philosophiques. Au XXème siècle deux figures importantes du mouvement de la performance ont été sujets de controverse concernant les thématiques de la robotique et le changement organique : il s’agit des artistes Orlan et Stelarc. Ces deux individus ont abordé le thème du transhumanisme dans le cadre d’obtenir des retours et apporter un 1 Ibid. Page 22 sur 150
véritable questionnement sur le sujet. Stelarc voit une véritable opportunité de développement des compétences, la majorité de ses œuvres consistent à avoir des extensions mécaniques directement liées à son corps pour permettre une démonstration de son attirail. « L’idée du corps comme l’architecture évolutive et l’exploration d’une structure anatomique alternative »1. Lors d’un festival, [2015] il présenta un exosquelette à six pattes fonctionnelle manipulé par l’artiste, assez conséquent, nous pouvons le voir comme un hybride homme-machine. Voyant son corps comme un lieu de construction, il n’hésite pas à se faire greffer sur le bras, par des médecins, une oreille supplémentaire tout d’abord fonctionnelle par l’utilisation d’enceinte et micro Bluetooth mais le corps rejeta cette anomalie elle fut donc retirée. Il est donc important de souligner que si nous nous transformons avec des outils mécaniques, il ne faut pas oublier que le facteur essentiel à la transformation reste le corps. Malgré l’envie des êtres humains souhaitant se transformer, ils ne sont pas les seuls à être maîtres de cette décision. Le cas de Orlan est très complexe, artiste de référence dans le mouvement de la performance, elle a abordé la notion du corps de la femme. En effet nous sommes dans les années 1960, les codes de beauté standardisaient un idéal de femme. Par conséquent, Orlan souhaita se soumettre à une analyse dont elle est le sujet. S’implanter des implants destinés pour raffermir les pommettes au-dessus du front créant une prolongation de son crâne. Dans les années 1980, le corps de l’artiste devient un lieu de débat public sur les questions suivantes : est-ce vraiment de l’art ? Peut-on modifier son corps à des fins artistiques ? N’est-ce pas une ouverture à la philosophie du transhumanisme ? « Les corps sont surexposés, mais notre époque déteste la chair »2. Briser, voire supprimer les stéréotypes fut, et est encore l’objectif de cette artiste qui apporte une ouverture sur la différence en effaçant les codes de certains modèles : les mannequins. Pourtant dans l’interview l’artiste distingue bien deux notions celle du corps et de la chair. Dans le dictionnaire de la langue française3, le corps est synonyme de chair or les multiples synonymes de cette dernière ont un aspect péjoratif comme avec le mot la charogne. On peut également souligner que la chair est une partie d’un être vivant (humain ou animaux) considérée comme un aliment, assimilé à la 1 Marie Lechner, « Le corps amplifié de Stelarc » [archive], Liberation.fr, 12 octobre 2007, consulté le 02 février 2022. 2 Interview de l’artiste Orlan : « Je suis un corps, rien qu’un corps » par Alexandre Millet, 2014. 3 www.Larousse.fr Page 23 sur 150
viande. Par conséquent Orlan souligne que l’aspect charnel d’un organisme est source de rejet et de vices. Cette pensée fut le résultat, tout d’abord d’une déformation d’une notion puis d’une évolution des pensées sociétales poussées par la croyance. Pour la comprendre, il est important de remonter jusqu’à leur étymologie, nous nous baserons tout d’abord sur l’Ancien Testament. L’origine du mot chair vient de « basar », pourtant il ne signifie pas uniquement ce mot. Dans le langage hébraïque, le corps et l’âme religieuse sont indissociables par conséquent : « basar » est la représentation de cet ensemble. Pourtant le dialecte grec apporta cette désunion avec « sarx » qui signifie littéralement chair : « Notre chair n'est rien d'autre que cela qui, s'éprouvant, se souffrant, se subissant et se supportant soi-même et ainsi jouissant de soi selon des impressions toujours renaissantes, se trouve, pour cette raison, susceptible de sentir le corps qui lui est extérieur, de le toucher aussi bien que d'être touché par lui. »1. En conséquence la chair est l’usure du corps vécu, elle permet à l’homme de se sentir soi-même en tant qu’être, de plus elle permet de percevoir d’autres éléments comme les corps : « Chair et corps s'opposent comme le sentir et le non-sentir ».2 Or Saint Paul dans le nouveau Testament Lettre aux Romains VII, verset 14-20 exprime qu’il « est un être de chair vendu au pouvoir du péché », et que c’est uniquement par la parole de dieu qu’il peut s’en libérer. L’homme par sa chair est un réceptacle des passions qui opèrent malgré nous, il est conscient qu’il est un être de désir. Par cette divergence le corps sera vu comme lieu de vices et à un frein à l’épanouissement de l’homme car celui-ci entraîne inévitablement la mort. « C'est l'esprit qui donne vie - la chair, « elle-même en tant que telle », ne peut rien ».3 Donc l’âme doit se détacher du corps pour s’épanouir afin de ne pas être freinée, soit par les pulsions de l’organisme ou par le manque de besoins alimentaires elle est, et reste prisonnière de son réceptacle (Le corps étant une prison selon la philosophie de Platon). Cette Prison est surexposée dans la société qui standardise les pensées, pourtant il reste un thème de débat public important sur l’accoutrement de certains individus. Pourquoi, cela semble si difficile d’appliquer la philosophie du transhumanisme qui se détache naturellement de son 1 Jean-François Lavigne, « Chair, corps, esprit », Noesis [En ligne], 12 | 2007, mis en ligne le 28 décembre 2008, consulté le 19 février 2022. URL: http://journals.openedition.org/noesis/1293 2 Ibid. 3 Ibid. Page 24 sur 150
fardeau : le corps, souhaitant un épanouissement total de l’âme par la machine ? Est-ce que la technologie nous permettra une hybridation nouvelle (basar) entre notre âme et l’ordinateur ? Pourtant l’homme moderne, selon certains chercheurs, se trouve déjà dans une augmentation de son statut grâce au développement du numérique dans la société et aux multiples moyens médicaux comme la médecine prédictive, procréative, voire régénératrice. Par conséquent, serions déjà en marche vers une transformation complète ? Page 25 sur 150
Chapitre 2 : Médecine prédictive et procréative quand guérison rime avec optimisation Pour une meilleure compréhension et lecture des idées de ce chapitre, il est essentiel de comprendre l’homme moderne et son rapport à la technologie et à sa santé avant de parler des 2 médecines principales de ce chapitre. Médecines prédictives et procréatives sont nées de la convergence précédemment vue de la médecine et de la technologie, dans un contexte de législation hérité de l’importance de la dignité humaine dans les idéaux français. L’Homme moderne est relié quotidiennement à la technologie, il est ainsi logique de comprendre que la technologie peut ainsi devenir un vecteur de ses données médicales. A l’heure du Big Data et du Web 2.0, la santé a changé de paradigme. La guérison rime désormais avec optimisation, dans un monde où la médecine réparatrice devient de plus en plus obsolète. Pourquoi réparer quand on peut prévenir toute maladie ? C’est le rêve derrière la prédiction génétique, la connaissance complète de l’humain et de ses gènes et la mise en place de thérapies spécialisées. L’Humain a changé son rapport à l’information, également dans le domaine de la santé, on n’attend plus la maladie, on la recherche de manière proactive et on l’empêche de survenir. L’apogée de cette médecine serait la création d’un individu dénué de tout risque génétique, l’enfant parfait, fantasme que la médecine procréative tente de réaliser. Jusqu’où peut aller la médecine moderne et quelles limites morales cela implique-t-il ? Page 26 sur 150
L’homme producteur, quand la santé devient une donnée L’homme est un être de raison, possédant une grande intelligence permettant de créer et de se développer de manière le plus optimal, nous l’avons vu l’être humain a aboli la nature par ses capacités afin de vivre et de procréer, permettant de réduire fortement certaines difficultés et contraintes, tel que le déplacement et les maladies. Il est, et reste un être doté d’imagination et d’une envie constante d’optimiser son espace et lui-même. Pour ce faire il doit analyser, rechercher et découvrir son environnement, c’est dans l’observation que nait la création. Léonard de Vinci fût un des premiers piliers savants à concevoir l’idée de la machine volante en analysant le fonctionnement des vols d’oiseaux en 1505. Idée très présente dans la pensée du chercheur, il réalisa plus de 500 croquis sur ce qu’il nomme « le vol mécanique humain »1, par cette recherche il a dominé un présent et a modifié l’avenir. Aujourd’hui l’avion est pris par 8 091 191 personnes par jour dans le monde2. La création des transports a totalement modifié le fonctionnement de l’homme nous pouvons également prendre l’exemple de la lumière produite par l’électricité, permettant une augmentation des activités. Cela permit d’optimiser et d’user l’organisme humain dans ses obligations quotidiennes. Etant dans une société, où la consommation est l’origine du fonctionnement de cette dernière l’homme se doit d’être un outil rentable dans ses actions et son pouvoir d’achat. Il faut donc lui faciliter la tâche avec des appareils qui lui font gagner du temps, c’est le rôle des nouvelles technologies comme le téléphone ou l’ordinateur. « Depuis au moins la cybernétique des années 1950, on s'attache à développer des machines capables de s'auto-réguler et de fonctionner comme des systèmes ouverts, appartenables à de véritables organismes. »3, un ordinateur est un homme plus développé, sans contraintes, par conséquent si nous suivons une logique capitaliste, l’humain sera remplacé par la machine. Or si nous vivions dans un monde entièrement numérique ce type de productions ne sera-t-il pas devenu obsolète ? En conséquence nous 1 Jean Philippe Passaqui, Léonard de Vinci, les ingénieurs français et « l’apothéose mécanique », Revue e-Phaistos [en ligne] 2021, OpenEditionJournals consulté le 20 février 2022. 2 Transport Aérien Mondial : Des faits et des chiffres. [en ligne] 3 Jean-Michel Besnier, « Les nouvelles technologies vont-elles réinventer l’homme ? » Cairn, Etudes, 2011, Tome 414, pp.763-772. Page 27 sur 150
vivions dans une société où le corps est constamment sollicité, il est donc primordial de l’entretenir au mieux pour pouvoir exécuter toutes les tâches. Pourtant les actions de l’homme pour se définir entièrement ne sont pas l’unique facteur identitaire, l’être humain a besoin de référence qu’il peut manipuler, cette référence sont les nombres. En fonction d’un certain barème comme IMC (Indice de Masse Corporelle) il peut se comprendre dans sa totalité et influencer son organisme : une balance pour le poids, un mètre pour la taille, une montre connectée pour connaitre le nombre de pas ainsi que sa fréquence cardiaque etc. Les données scientifiques objectives permettent de définir notre identité, elles sont sources de valeurs pour optimiser notre santé et donc augmenter notre espérance de vie. Cependant quand les chiffres ne suffisent plus, on se « mesure » aux autres. Cette mesure de soi est un concept développé en Californie par des journalistes du magazine Wired : Quantified Self (mesure de soi) en 2007. Au-delà d’une mode, cette pratique prit de plus en plus de place dans le quotidien de l’humain grâce à la facilité d’obtenir ses informations par le biais des montres connectés. On parle des IOT : l’internet des objets permettant de connecter et faire dialoguer plusieurs appareils entre eux par l’utilisation de l’internet, les entreprises sont avides de ces informations qu’elles récupèrent : « Des millions de données (big data) transitent déjà sur Internet via l'ensemble de ces connexions. Les analystes prévoient une amplification et chiffrent à 150 milliards le nombre d'appareils connectés d'ici à 2025 Mieux adresser les offres de produits et services par l'analyse des données recueillies qui permettent de mieux comprendre les usages et d'anticiper les besoins des clients. »1 Également se sont développées les applications « coaching », tel un coach la notification rappelle l’importance de l’hydratation ou le taux de sommeil recommandé. Par ces exemples nous pouvons voir que nous avons dépassé la notion de mesure et de la quantification de soi, notre vie est rythmée par notre référent numérique. Par ces reflexes de micro-santé la question des risques se doit d’être soulevée. En premier lieu l’hyperfocalisation des consommateurs prétendant être adapte de s’auto-diagnostiquer sans consultation ou réel protocole médical. « Cet « auto-centrage » permanent sur soi-même à l'échelle globale peut également éloigner les gens des véritables causes de différents problèmes sanitaires plus liés à l'environnement, à la pollution ou à l'industrie agro- 1 Stéphane Truphèm, Philippe Gastaud, Outil 15 : « les objets connectés/Interent Of Things », La Boite à outils du marketing digital (2020) pp.54-55. Page 28 sur 150
alimentaire qu'aux mauvais comportement des individus. »1 Cette volonté d’être un être perfectionniste entraîne inévitablement le second risque, notion développée par Yves Buin : la « normopathie ». Désignant la tendance et la volonté à se conformer aux exigences des normes sociales entraînant un comportement robotique sans parvenir à exprimer sa subjectivité2. Néanmoins nous l’avons vu la notion de normalité n’existe pas, le psychiatre Buin opte plus pour le terme adaptation. Cette adaptation crée de nouveaux types de personnalités, le chercheur les nomme : les normopathes. A la fois suivistes et êtres de mal être, l’individu atteint de cette pathologie se prive de ses moyens d’expressions et ils sont voués à un univers conformiste. Le normopathe est par conséquent un être artificiel, sans le savoir, il a imbibé méticuleusement le discours sociétal dans son esprit critique tel un slogan redondant. Etant dans une société de plus en plus individualiste et poussée par la philosophie américaine telle que la volonté d’être le meilleur, l’utilisation des technologies comme les IOT ou wearables (technologie portable) risque d’augmenter cet écart de discorde entre individus. « Être ensemble » est un mythe commode pour désigner l'unité factice d'une société clivée où le réel n'est jamais dit.3 Partant de ce postulat, le Quantified Self réduit nos petits défauts et habitudes au détriment de nos propres sentiments pourtant ce ne sont pas les outils que nous devons blâmer mais bien l’utilisation que l’homme souhaite lui donner. Or grâce à l’ouverture de cette perspective, l’analyse entière de l’organisme ainsi que de l’ADN qui le compose se développe de plus en plus. Après l’analyse externe de l’être, il y a une véritable volonté de se connaître génétiquement. « Plus la technique est incorporée dans l’humain plus on se questionne sur son identité »4. En 2019, 150 000 français ont effectué un test généalogie génétique, à l’échelle du monde selon l’article du MIT Technology Review nous serions sur plus de 26 millions de personnes ayant acheté un test ADN5. Pourtant depuis leurs créations et leurs mises en vente, ils sont sources de débats concernant tout d’abord leur fiabilité et, leur 1 Jean Pouly, « Le quantified self : La mesure numérique de soi » 20 juin 2015, Internet et société. 2 Yves Buin, « Normopathie : un monde d’existence ? », Raison présente 2019, pp.103-108. 3 Ibid. 4 Jean-Pierre Béland et Charles -Etienne Daniel, La personne transformée les nouveaux enjeux éthiques et juridique, op.cit.p.10. 5 MIT Technology Review, More than 26 million people have taken an at-home ancestry test, Antonio Régalado, 2019. Page 29 sur 150
manque de confidentialité étant créé et développé par des entreprises étrangères pour des fins commerciales. Cette question est au centre de la réflexion, les tests étant interdits en France et passible de 3750 euros.1 Depuis 2 superpuissances ont réussi à s’implanter dans ce marché : Anceesty de Lehi, Utah, et 23andMe de Moutain View, en Californie possédant désormais certaines des plus grandes collections d’ADN humain dans le monde. Pourtant 23andMe est la seule société à proposer et a obtenu l’autorisation de pratiquer ces services dans le cadre de la santé : analyser les gènes pour déterminer les cancers du sein ou de la prostate à ce jour. Pouvoir anticiper les anomalies de l’organisme afin d’obtenir une guérison est une véritable évolution de la médecine, mais malheureusement les analyses ne sont pas aussi précises que nous le voudrions. En effet, la recherche de ces pathologies n’est que l’étude de quelques mutations de cancers sur des centaines, il faut donc les traiter avec une certaine prudence et éviter des opérations inutiles, c’est le commencement de la médecine prédictive. En conclusion la volonté de rechercher notre identité a été dépassée, les révélations de notre organisme vont au-delà du ludique et peuvent pour certains être bouleversantes. De la prévention médicinale à la prédiction génétique Malheureusement, la notion d’égalité est un concept humain et nous ne sommes pas tous égaux lors de la composition de notre organisme, certains auront des handicaps, ou développerons des cancers d’autres auront des atouts sociétaux des compétences intellectuelles ou physiques, Gilbert Hottois parle de la « loterie génétique naturelle »2. N’étant pas sur un pied d’égalité à l’origine et tout au long de notre vie, la médecine a développé 3 types de préventions à avoir face aux maladies3 : primaire, secondaire et tertiaire. La première fait écho à l’ensemble de mesures à éviter ou réduire la survenue des maladies comme le handicap ou les accidents, par la prise de certains médicaments comme 1 Le Parisien, loi biothique : cinq questions sur les tests ADN généalogique, société, 2020. 2 Hottois, Gilbert. Le transhumanisme est-il un humanisme ? (L'Académie en poche) (French Edition) Académie royale de Belgique. Édition du Kindle. 3 Selon l’organisation mondiale de la santé : Les 3 niveaux de prévention. Page 30 sur 150
le vaccin. Néanmoins cet exemple divise la pensée et le positionnement ferme de Hottois face aux agents médicaux et d’autres penseurs, considérant le vaccin comme la première étape vers le transhumanisme. Or étant dans le cadre de la prévention, il ne découle pas d’une amélioration. Pourtant si nous observons les faits le vaccin dépasse notre condition de l’homme car celui-ci n’est pas apte à traiter une pathologie s’il ne prend pas connaissance de cette dernière. La deuxième découle de l’action de l’individu à la suite de symptôme, par un dépistage par exemple. Enfin la dernière découle d’un accompagnement dû aux conséquences des préventions précédentes, il s’agit d’amoindrir les séquelles soit de la pathologie ou du traitement (cancer ou chimiothérapie) pour permettre une réintégration optimale dans la société. Le fruit de nos connaissances au fil des siècle a permis aujourd’hui de savoir et d’avoir la possibilité d’interférer avec notre santé et ainsi augmenter notre espérance de vie. « La génomique est une science nouvelle et complexe. Les résultats d'une analyse de l'ADN contiennent encore beaucoup d'erreurs, d'inconnues et d'incertitudes. Pour en tirer autre chose que quelques vagues probabilités, il est indispensable de travailler avec les médecins. »1 Si la médecine préventive est encore floue dans sa pratique et sa recherche, pourquoi essayions-nous d’être soignée par elle ? Certes nous l’avons vu, la médecine agit dans le cadre de la prévention avant le développement d’un facteur de risque, malheureusement la découverte de ce dernier peut, dans le cadre de la temporalité peut être intraitable. Par cette approche la médecine prédictive se développe pour intervenir sur ce facteur de temps afin d’optimiser la guérison, en analysant le problème directement à la source nous avons un changement de perspective total du soin en France. Au Royaume-Uni dans la ville de Manschester plusieurs clients d’un supermarché ont pu passer gratuitement un scanner pour dépister de potentiel cancer des poumons2, la médecine étant relativement chère dans ce pays, l’objectif était de toucher les individus des milieux défavorisés. Michael Brady fut l’un des patients à se prêter à l’exercice et il découvrit qu’il était malade : « C’était un mal pour un bien ». Sur 2500 clients, 75 avaient un cancer et l’ignoraient. Par cette pratique, détecter le plus tôt les cancers a permis à la NHS (sécurité sociale britannique) de réduire les nombreux coûts 1 Marc Abramowicz professeur du centre génomique médicale en France, « mieux vaut prévenir que guérir, le point sur la médecine prédictive », 2020. 2 FranceInfo, Santé : des dépistages du cancer proposés aux clients d’un supermarché britanique, 2018. Page 31 sur 150
concernant les traitements lourds de ces derniers. Etant un véritable succès, le gouvernement britannique souhaite étendre la production de ces camions sur l’ensemble du pays et d’installer également des testeurs de pression sanguine à la sortie des caisses de supermarchés. Nous voyons par cet exemple que l’analyse de l’organisme a sauvé, c’est dans cette optique de guérison que la France doit se tourner afin que sa population puisse vivre le plus longtemps possible. Néanmoins la médecine prédictive a pour objectif d’anticiper ces cancers en analysant les gènes de l’individu et ainsi essayer de les modifier afin de ne plus être malade. Malgré le rejet assez présent la concernant à la suite de la pensée fataliste des Français1 : ses pratiques et études du corps encore inexplorées et vastes freine son développement. La méfiance de cette dernière est le fruit d’une divergence sur la conception d’un enfant in vitro, si nous connaissons les gènes, certains possèderont la volonté de créer un enfant parfait ou similaire à eux, c’est-à-dire les parents. Nous développerons ce point plus loin dans le commentaire. Pourtant elle est un véritable pilier de connaissances pour comprendre et guérir les nombreux cancers, entre 5% et 10% ils sont d’origine génétique. Marion Vandrome est une jeune femme, mère de deux enfants, à 36 ans elle prend connaissance du développement d’un cancer du sein2, à cet âge souhaite savoir la cause en réalisant un test génétique. Selon les médecins à la suite des résultats de son test, elle apprend que le gène responsable vient de son père, mais le test génétique révèle également « le risque de développer » un cancer des ovaires. Le résultat de ces découvertes a découlé d’une ablation de ces derniers : « ce test m’a sauvé la vie à mes yeux ». En France, les conditions pour réaliser ces tests sont très strictes, il faut que 3 membres de la famille doivent être atteints de cette pathologie ou l’avoir développée jeune.3 Selon le professeur Pascal Pujol médecin généticien spécialiste en cancérologie, ces critères sont trop stricts et doivent être plus ouverts aux femmes car ils permettraient d’éviter un grand nombre de cancers qu’on ne devrait plus voir, 1 femme sur 300 peut développer un cancer des ovaires. Dans ce cadre la médecine prédictive est un plus mais nous ne pouvons pas encore affirmer son efficacité, cette pratique est encore trop nouvelle et l’analyse des gènes découlent également d’une multitude de combinaisons possibles de 1 FranceInfo, Médecine prédictive, transhumanisme jusqu’où peut-on allonger la vie ? Les réponses du Dr Christophe de Jaeger, 2018. 2 INA, Médecine prédictive : Lire l’avenir dans les gènes, France2, 2018. 3 Ibid. Page 32 sur 150
ces derniers et enfin la notion de « le risque de développer » risque d’entraîner une crainte de fausse pathologie, et surtout quel est l’intérêt de savoir si je possède un gène entraînant une maladie si la société ne peut la guérir à ce jour. « Pour beaucoup de situations, aucune action n'est possible à ce jour. Et le risque est d'engendrer une paranoïa qui peut amener à parasiter le système de soin, pour ceux dont les suspicions sont fortes. Certains gènes ont une véritable utilité, d'autres sont marginaux. J'encourage la recherche à se poursuivre, mais rappelle que les systèmes de codages sont plus complexes que l'image dorée qu'on leur prête. »1 Notre rapport à l’information : tout savoir, est-ce vraiment important ? Nous l’avons vu, plus notre rapport à la technique s’intensifie, plus nous souhaitons nous connaitre entièrement par cette dernière mais est-ce que nous ne risquons pas de se heurter à des suppositions sociétales ? L’homme est un animal imparfait et politique2, vivre en société selon Aristote est une condition fondamentale pour qu’il puisse totalement s’épanouir. Une société est un ensemble de règles et de conduite que chaque individu doit appliquer, pourtant certaines personnes pratiquent les interdits ce sont : les criminels. Une étude Finlandaise [2014] évoque deux gènes associés aux comportements : MAOA et CDH13, les gènes de la violence.3 Sur 800 individus, 1 sur 5 est porteur des deux gènes avec ou sans antécédents de violence, les autres possèdent ces gènes à des degrés différents. MAOA réduit le taux de dopamine dans l’organisme quant au CDH13, il serait la source des troubles de l’impulsivité « Nous avons trouvé deux gènes qui ont l'effet le plus important sur le comportement agressif, et il y a probablement des dizaines ou des centaines d'autres gènes qui ont un effet moindre »4. Pourtant certains individus de l’étude n'ont aucune poursuite pénale concernant la violence, par conséquent la théorie du criminel est exprimée la première fois par Cesare Lombroso médecin en criminologie. Elle reste 1 Vidéo : Le débat et vice-versa, Ségolène Aymé directrice de l’INSERM – Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale généticienne et épidémiologiste. 2 Aristote, Les Politiques, Ive siècle av. J-C. 3 Sciences et Avenir, le gène de la criminalité existe-il ? consulté 12 février 2022. 4 Jari Tiihonen, co auteur de l'étude (département de neuroscience au Karolinska Institutet, Stockholm). Page 33 sur 150
source d’interrogations et doit augmenter son champ de recherches comme sur plusieurs populations pour prétendre que la spécificité génétique soit la cause des défiances de l’homme : « Des individus non porteurs de ces versions des gènes sont présents dans le groupe ultraviolent de l'étude. Le débat reste donc ouvert. »1 Malgré cette étude une interrogation reste et demeure flou car il faut redéfinir qu’est-ce que la violence et qu’est-ce que le délinquant ? La confusion est le résultat des études de Lombroso dans son ouvrage : L’homme criminel. Etude anthropologique et psychiatrique en se basant uniquement sur les traits d’apparences en prétendant que certains délinquants possèdent des caractéristiques crâniennes différentes. De plus les sujets d’études du médecin sont des prostitués, des pédérastes etc. par conséquent l’analyse de Lombroso est biaisée car aujourd’hui encore nous ne nous interrogeons pas sur les mêmes types de profils en essayant de comprendre les déviances génétiques des criminels : l’étude finlandaise exprime ceci : « environ 20 % des prisonniers ont refusé de participer à l'étude et que les violeurs en auraient été écartés, ce qui pourrait biaiser les résultats. » Pourquoi les violeurs sont écartés de l’étude alors que Lombroso basait ses analyses sur ce type profil ? Seuls 4% des agresseurs sexuels sont des malades mentaux2 poussés par une pathologie comme la schizophrénie et n’ont pas conscience des actions et de leurs répercussions sur les victimes. Si nous suivons la démarche de la médecine prédictive, il est essentiel d’analyser tout profil. Il n’existe pas de gène de criminel, mais il est possible que certains gènes de comportements comme celui de la violence a pu créer chaque individu, mais nos gènes ne définissent pas l’homme que nous choisirons d’être. Par ces pratiques nous pouvons voir qu’il y a une véritable violence sociale, en effet, le potentiel criminel peut être n’importe où et nous l’avons vu à des degrés différents : « On ne s'est jamais intéressé à la violence génétique chez les criminels en col blanc, c'est une forme de violence sociale extrêmement importante. Est-ce qu'on s'interroge sur le patrimoine génétique de certains hommes politiques d'extrême droite, qui - en Belgique - ont récemment conseillé de laisser des réfugiés mourir en mer ? La question de la violence n'est pas interrogée. »3 le délinquant est une notion sociétale, il faut mesurer la criminalité sur des faits et non sur des minorités et intervenir pour accompagner à l’épanouissement de chacun. Nous pouvons 1 FranceInfo, Existe-t-il un gène du criminel ? Des chercheurs relancent le débat. 2 E-santé, qui sont les agresseurs sexuels ? 3 Radiofrance, France Culture, le retour de la théorie du « criminel-né ». Page 34 sur 150
également faire le même parallèle avec le handicap chez les enfants, notre société possède un rapport au handicap très maladroit, encore aujourd’hui, malgré de nombreuses améliorations, une personne valide sera toujours privilégiée sur plusieurs secteurs comme l’emploi : « on sait également que beaucoup d'entreprises préfèrent payer la contribution à l'AGEFIPH plutôt que d'atteindre l'objectif de 6 % fixé par la loi. »1 [Action insistant sur le recrutement des personnes possédant un handicap] ou encore l’aménagement de lieux. De plus la société est devenue plus bienveillante et compréhensive concernant les handicaps physiques mais aujourd’hui des personnes possédant un déficient pathologique empêchent une communication optimale, elles sont synonymes de peur et de folie. Par conséquent il y a un véritable questionnement sur l’identité génétique d’un enfant pendant la grossesse. Si un médecin indique que potentiellement, rappelons-le les gènes sont très variables, à de futurs parents que leur enfant dans son patrimoine génétique sera soit criminel soit handicapé ; ils réfléchiront s’ils arriveront à avoir suffisamment de courage pour élever un enfant dans une société qui n’est pas à ce jour faite pour lui. Peut-on reprocher aux parents l’utilisation de l’avortement par suite de la charge mentale et économique qui risque de les diviser ? Par conséquent la médecine prédictive joue fortement sur la médecine procréative et les dérives qui peuvent en découler. L’image utopique que nous accordons aux gènes est dangereux et modifie notre rapport avec les autres, nous ne sommes pas programmés à, mais nées pour être et devenir, il faut résoudre les problèmes sociétaux par la communication et l’accompagnement. « Ce contraste entre une efficacité réduite et une offre tapageuse rejoint les comportements sociaux toujours prompts à demander à la science une réponse plutôt qu'à s'interroger sur leur capacité à changer le monde ou leur mode de vie. »2 Si la médecine prédictive peut par les gènes supprimer (utilisation Crisper Cas93) les pathologies rares comme la maladie des os de verre elle guérit, si elle nous partage de nouvelles connaissances sur nos gènes ce n’est plus de la médecine mais de la science. 1 Roger Salbreux , La place de la personne handicapée dans la société moderne, VST – Vie Sociale et Traitement 2012 n°116 pp.112-116. 2 Didier Sicard, Les perspectives de la médecine préventive et prédictive, Revue Française d’Administration Publique n°113 pp.121-125. 3 Système permettant de couper l’ADN afin de modifier le patrimoine génétique aussi bien sur les hommes que animaux. Page 35 sur 150
La médecine procréative et le fantasme de l’enfant parfait La procréation médicalement assisté ou PMA est un ensemble de pratiques médicinales qui intervient lors de la procréation. Par exemple les couples ou femmes seules peuvent avoir recours à la FIV : Fécondation In Vitro par un contact entre le l’ovocyte et le spermatozoïde hors de l’utérus. Contrairement à l’IA, l’Insémination Artificielle qui consiste à injecter un échantillon de spermes directement dans l’utérus. Et la GPA, la gestation pour autrui est le recours d’une femme désignée comme mère porteuse afin de porter un enfant pour un couple de parents, il leur sera remis dès la naissance de ce dernier. C’est la dernière qui nous intéresse dans notre analyse. En France la naissance et l’enfant possède une place importante au cœur de la société, la notion de procréation est donc extrêmement contrôlée juridiquement. La GPA est interdite en France et punissable d’une peine de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende pour les parents et les intermédiaires et les mères sont quant à elles passibles de peine d’un an de prison et d’une amende de 15 000 € « le fait de provoquer soit dans un but lucratif, soit par don, promesse, menace ou abus d'autorité, les parents ou l'un d'entre eux à abandonner un enfant né ou à naître ».1 l’utilisation de la médecine dans le cadre de la création est source de débats et de questionnements et met le point sur les lois bioéthiques. Ces lois résultent dans l’étude des problèmes éthiques crées par les avancées biologique et médicinale existant depuis 19942. Permettant d’accorder les pratiques cliniques telles que la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle ainsi que toute technique créant une procréation en dehors du processus naturel.3 Or l’envie de l’utilisation de la GPA poussée par les couples homosexuels n’aboutit pas suite aux problèmes éthiques de deux ordres, du point de vue de la conception et du point de vue sociétal sur le développement d’un potentiel marché de l’enfant. Plus haut dans la composition nous avons abordé la volonté de certains parents à vouloir obtenir une conformité, en 2002 un couple de lesbiennes a franchi ce pas. En Californie, deux femmes sourdes souhaitaient obtenir un enfant également sourd, malheureusement les banques de spermes ne peuvent 1 Legifrance.com 2 Santé.fr 3 Ibid. Page 36 sur 150
aboutir à leur requête car tout donneur souffrant d’un handicap sont disqualifiés. Par conséquent elles se tournent vers un ami atteint de surdité et obtiennent un enfant sourd de l’oreille gauche et entendant très peu à l’oreille droite.1 La volonté de cette programmation fit débat entrainant des points de vue divergents, aujourd’hui nous l’avons vu par l’étude du génome les parents cherchent les maladies, ici nous assistons à l’inverse la recherche du handicap. L’association nationale des sourds en Californie ne sait pas sur quel point de vue se positionner certains appellent à l’égoïsme et à la cruauté d’avoir volontairement donné un handicap à l’enfant d’autres les plus radicaux ne voient pas la surdité comme un handicap mais comme « une identité culturelle », les deux femmes se rangent vers le deuxième avis étant fières de leur surdité. « Vous savez, les Noirs ont des vies plus dures (que les sourds, ndlr). Pourquoi des parents ne pourraient-ils pas choisir un donneur noir si c'est ce qu'ils désirent ? Ils doivent avoir ce choix. Ils peuvent se sentir liés à cette culture. C'est aussi simple que cela […] Lorsque des sourds de naissance se marient, n'est-ce pas neuf fois sur dix avec d'autres sourds, dans l'espoir d'avoir des enfants à leur image ? »2 Ces femmes ainsi que d’autres individus rejettent la notion de pathologie concernant la surdité et la voit comme un outil identitaire avec ses valeurs et ses règles. En soi la conception de cet enfant n'a rien d’illégal, s’il s’agissait d’un couple hétérosexuel sourd la conséquence aurait été la même. Néanmoins 2 problématiques ressortent aux yeux de l’Etat français : l’utilisation de la GPA comme moyen de procréation pouvant entrainer des désaccords entre les deux parties (parents et concepteurs) si l’enfant n’est pas conforme aux exigences demandées entraînant le questionnement de la deuxième problématique pouvoir choisir un enfant comme on choisit un produit. Sur cette question les points de vue américain et français sont opposés, une mère américaine par une fécondation in vitro a accouché d’un enfant métis or elle précisa aux banques de spermes que le donneur devait être blanc, blond aux yeux bleus.3 La mère et la compagne furent accusées de racisme, elles se défendirent en soulignant que leur quartier résidentiel n’est pas un lieu où la mixité est répandue, à ce jour l’enfant souffre de racisme au sein de son école et de sa propre famille : « Je suis heureuse d'avoir un enfant en bonne santé mais je 1 Libération, Un couple de sourdes fait naitre un enfant sourd, 2002. 2 Candace, mère de Gauvin. 3 RTL, Etat-Unis : elle porte plainte pour avoir donné naissance à un enfant métis, 2015. Page 37 sur 150
ne vais pas les [banques de spermes] laisser s'en tirer sans qu'ils soient tenus pour responsables. Ils ne peuvent pas s'en tirer en me disant : 'Vous avez un enfant donc vous devriez être contente, a déclaré Jennifer [mère de l’enfant] ». Par ces deux exemples il est difficile de justifier la « légitimité de choisir » les caractéristiques de son enfant or ces pensées américaines risquent de faire entrer des dérives comme celui de la conception d’un enfant parfait. L’étude des gènes pourrait accélérer ce processus. L’homme a donc modifié l’utilisation première de la PMA qui consistait à remédier à une situation d’infertilité, aujourd’hui l’action médicale est utilisée dans le cadre de l’idéalisation d’un type d’enfant avec le risque d’un eugénisme de nombreux futurs êtres. « Je ne veux pas vivre dans ce monde-là. Car si l'homme (et j'en suis convaincu) se caractérise par sa fragilité, sa précarité, sa vulnérabilité, si c'est tout cela qui nous rend « solidaires » les uns des autres, et qui nous empêche de nous suffire à nous-mêmes, je crains surtout que ce monde transhumain ne soit en réalité inhumain. Ce sera un monde froid, parfaitement prévisible, car tout sera programmé. Il n'y aura plus aucune place pour la moindre surprise ni pour le moindre enchantement ou émerveillement. Triste à en mourir... »1 La GPA est le fruit d’une société surconsommatrice poussée par l’hyper-capitalisme, c’est-à-dire prétendre que tout est achetable, or la nature humaine a une importance dans l’Etat Français et doit être en dehors de tout commerce : « Cette pratique est aussi le signe d'une société dominée par deux valeurs suprêmes : la science et l'argent. D'une part, on ne voit plus l'intérêt de mettre des freins à ce que la technique médicale permet. De l'autre, on fait commerce de tout. Or la France, pays des droits de l'homme, a toujours mis l'homme au-dessus de l'argent. »2 1 Aleteia, De la « PMA pour toutes » à la révolution transhumanisme, Charles- Eric de Saint-Germain, 2020. 2 La Croix, Eliette Abécassis : GPA « il s’agit bel et bien de vendre des enfants », 2018. Page 38 sur 150
Nous pouvons voir que les approches américaine et française concernant la thématique de l’enfant sont bien différentes, pourtant elles possèdent un point de convergence non pas sur la conception mais sur l’importance de la santé d’un futur être. Ne possédant pas encore les outils pour permettre une régénération des défauts causés par la maladie d’ordre génétique comme la mucoviscidose, il est donc primordial pour ces dernières de ne pas s’opposer aux potentielles des différentes techniques de guérison et ainsi chercher à connaitre la source de la pathologie afin de la supprimer. « Découverte en 2012, la technique CRISPR-Cas9 a reçu le prix 2015 de la meilleure avancée scientifique »1. Le CRISPR-Cas9 permet de modifier le génome, c’est à dire la sphère génétique d’un être vivant codé dans son ADN. Contrairement aux OGM (Organisme Génétiquement Modifié) où il y a prélèvement de l’ADN pour le redistribuer dans un autre organisme, le CRISPER-Cas9 peut modifier les bases de brins d’ADN directement sans intégration d’un organisme extérieur. « En somme, il est désormais possible de réparer un gène, de le modifier ou d'en moduler l'expression - en l'augmentant ou en le diminuant. La méthode s'avère efficace, simple et son coût ne cesse de baisser. CRISPR-Cas9 peut potentiellement s'appliquer à n'importe quelle espèce et à toute la biodiversité du vivant sur la planète et ouvre des champs d'application en matière, par exemple, de traitement de maladies génétiques héréditaires ou de lutte contre les insectes vecteurs de maladies. »2 La promesse du CRISPER-Cas9 est de supprimer les maladies d’ordre génétique, par son coût faible son utilisation est exploitable par tous. Pourtant l’homme est-il capable de mesurer tous les risques liés à une telle popularisation de la science, de nombreuses questions éthiques étant à l’ordre du jour ? L'éthique de la natalité concerne la question : puis-je réaliser un bébé sur mesure voire parfait ? Ce scénario est de plus en plus possible grâce au développement de la technique, l’utilisation du CRISPER-Cas9 entrainera des modifications embryonnaires qui seront irréversibles et affecterons toutes les descendances de ce dernier. Ce moyen en France permettrait de rajouter un complément analytique et utilitaire au test génétique pré-conceptionnel, qui permettrait de déceler la présence de gènes responsables de plus de 200 maladies3 car il pousserait à l’extinction de ces dernières 1 Sébastien Abis, Clémence Hollemart, CRISPR-Cas9 : « révolutions scientifiques enjeux stratégiques » revue internationale et stratégique 2018 n°109 pp.60- 69. 2 Ibid. 3 Jean Hugues déchaux, « L’hypothèse du bébé sur mesure », Revue Française des affaires sociales, 2017 pp.193 – 212. Page 39 sur 150
mais il faut également prendre en compte que les fondateurs de cette manipulation auront la possibilité de se « donner le droit de corriger le patrimoine génétique de l’humanité »1. Si nous revenons à l’échelle des parents, il semble évident que tous souhaitent une bonne santé et aucune complication lors de la période de grossesse et après celle-ci, la possibilité de modifier son génome peut permettre une augmentation des naissances mais également de la durée de vie du parent et de l’enfant « Les parents doivent être libres de leurs choix procréatifs et ils sont naturellement bienveillants à l’égard de leur enfant puisqu’ils veulent son bonheur ». John Arris prône selon lui un devoir parental, celui de prendre « les bonnes décisions afin de créer le meilleur enfant possible » 2 optimiser son génome relève d’un complément d’une éducation, un devoir moral vis-à-vis du nouvel être. Arris exprime également que si certains parents pourraient être poussés à modifier les traits phénotypiques (taille, sexe QI etc.), la question que nous pouvons nous poser est : un \"meilleur\" enfant aura-t-il par conséquent une meilleure vie ? Si nous nous basons uniquement sur les traits génétiques cela serait renier la philosophie de Bourdieu concernant les facteurs sociaux qui influencent grandement la pensée d’un homme. L’étude génétique pousse à la guérison et non à l’optimisation, il en vient à l’homme de prendre la direction qui lui semble la meilleure. La bonne question est de déterminer la frontière humaine alors qu'il est de plus en plus difficile de voir jusqu’où elle pourrait se déplacer. L’un des inventeurs et le détenteur du brevet du CRISPER-Cas9, Jennifer Doudna3 exprime : « il est impossible d'empêcher une manipulation dès lors que son faible coût et sa simplicité la mettent à la portée de n'importe qui. D'où le fantasme frankensteinien d'éditeurs clandestins à but inventif, lucratif, récréatif, voire criminel. »4 [2018] En Chine, le scientifique et biotechnologie He Jiankui a utilisé la technique du CRISPER-CAS9 sur deux embryons créant à l’échelle du monde un véritable scandale sur l’importance de nombreuses règles éthiques qui découlent de chaque pays. L’objectif de cette mutation selon les dires du chercheur serait de modifier la cartographique génomique des jumelles en reproduisant une mutation du gène CCR5 qui apporte une résistance voire une immunisation du SIDA car leur père serait porteur de cette pathologie [La grossesse fut réalisée par fécondation In vitro]. Malheureusement devenue une affaire publique, 1 Ibid. 2 Ibid. 3 Professeur biochimie et biologie moléculaire. Spécialiste de l’ARN 4 Excitation et crispations autour de CRISPR : lorsque la réalité dépasse la science-fiction, cahier yol, n°13, juin 2016. Page 40 sur 150
l’ouverture d’une enquête a démontré que les parents ignoraient qu’il s’agissait d’une manipulation, l’origine de cette pratique aurait été présentée comme un traitement contre le virus du SIDA. Le généticien Fyodor exprime : « C’est une falsification délibérée, la lutte contre le sida n’est qu’un prétexte pour faire naître des bébés génétiquement modifiés »1. De plus quelques heures après l’annonce du scientifique sur cette découverte son Université de recherches Shenzen, l'a résilié du cercle de ses chercheurs en exprimant qu’aucune autorisation de cette pratique a été donnée, laissant He Jiankui seul face aux tribunaux. Les académies nationales de médecines et de sciences estiment que : « Dans l'état actuel des connaissances, les conditions ne sont pas réunies pour ouvrir la voie à la naissance d'enfants dont le génome a été modifié à l'état embryonnaire […] Si cette démarche était entreprise dans l'avenir, ce ne devrait l'être qu'après approbation du projet par les instances académiques et éthiques concernées et un débat public approfondi ».2 A ce jour le chercheur s’est excusé, a été condamné, de plus nous ignorons ce qu’il est advenu des deux enfants Nana et Lulu (pseudonymes). Néanmoins, un journaliste de la MIT Technology Review a reçu le manuscrit de l’étude de He Jiankui qui prouve que la mutation a été une réussite, les enfants sont immunisés au virus du Sida, mais cette mutation accomplie n’est que similaire au gène CCR5 et non identique. N’ayant pas obtenu une conformité du gène les conséquences sont imprévisibles, comme une augmentation de la mortalité de 21% (décès possible entre 41 et 78 ans) : « Vous avez une survie minimale ou une mortalité supérieure si vous avez deux copies de la mutation »3 . En conséquence seul l’avenir nous permettra de savoir ce qu’il en est et il faut s’armer de patience pour pouvoir prétendre utiliser le CRISPER-Cas9 sans prise de risques pour le patient mais aussi pour sa descendance. Cependant il ne faut pas ignorer que le gène CCR5 joue sur l’intelligence de l’individu (étude 2016)4, selon les théories, les motivations de He Jiankui seraient de réaliser des bébés sur ordonnance, c’est-à-dire plus intelligents, relançant la question de la mutation du génome dans le cadre de la procréation. (Enquête 1 La Croix : Nouvelles révélations sur la naissance de bébés génétiquement modifiés en Chine, 2019. 2 La Croix : bébés génétiquement modifiés, les scientifiques français unis pour condamner les travaux de Hé Jiankui, 2018. 3 Rasmus Nielsen, professeur de biologie à l'université de Californie, à Berkeley. 4 FuturaSanté : les bébés OGM chinois seront-ils plus intelligents, 3 mars 2019. Page 41 sur 150
2018)1 : « auprès de plus de 4.000 Chinois 80% des personnes interrogées se disent favorables à la modification génétique d'un embryon pour corriger une maladie, mais moins de 25 % seraient d'accord pour utiliser cette technique afin d'augmenter l'intelligence ou d'améliorer les performances sportives. ». En conclusion Jennifer Doudna exprime : « Un jour, cela arrivera, je ne sais pas où ni quand, mais, un jour, je me réveillerai avec cette nouvelle. J'aimerais que nous ayons alors été aussi bien préparés que possible. »2. 1 Wei, X., Nielsen, R. CCR5-A32 is deleterious in the homozygous state in humans. Nat Med 25, 909-910 (2019). 2 La Monde entretien « bébé crispr », 2016. Page 42 sur 150
Chapitre 3 : La question du génome dans la pensée française Nous avons vu dans les deux précédents chapitres que la convergence de la médecine et de la technologie avait créé en France au cours du XXème siècle une médecine moderne fascinante pour certains et effrayante pour d’autres qui se subdivisera en différentes branches avec des enjeux différents : Médecine préventive dont l’objectif est d’empêcher du mieux possible la maladie de se déclarer chez l’individu, médecine procréative pour créer un « enfant parfait » ou encore l’utilisation du transhumanisme pour ne faire qu’un avec la technologie. Nous allons terminer notre première partie en évoquant la question du génome dans la pensée française. La médecine régénératrice s’oppose à la traditionnelle médecine réparatrice dans un véritable bras de fer socio-politique. La régénération permettrait en effet de donner à l’individu une vie plus longue et moins fragile. Cependant, la génomique étant encore à ce jour une science à ses balbutiements, la pensée française est plutôt timide quant à l’acceptation de sa mise en place généralisée. La cartographie du génome et la manipulation génétique sont-elles ainsi les fruits d’une nouvelle perspective de guérison ou un danger pour l’individu ? Enfin, l’Humain, pouvant grâce au développement de nouvelles connaissances scientifiques et technologiques innovantes, aller jusqu’à créer la vie et la modifier à sa guise, que penser de cela en terme éthique et moral ? L’Homme devient-il un Dieu vivant ? Page 43 sur 150
Régénération et réparation véritable bras de fer socio-politique En France notre rapport au soin consiste à apporter comme nous l’avons vu une amélioration de l’état. La politique médicinale résulte de la réparation de l’organisme c’est la médecine réparatrice. Pourtant grâce au développement des sciences dans le domaine de la guérison, cette politique de « réparation » prend une nouvelle direction pour optimiser l’augmentation de la vie de l’homme. Il s’agit de la médecine régénératrice. Pour pouvoir l’utiliser il est important de développer un domaine d’étude qui découle de cette pratique de soin : les NBIC (les nanotechnologies, biotechnologies, informatiques et sciences cognitives). Leur développement permet de comprendre et de rendre plus accessible le lien technologique avec l’être humain. Véritable progrès humain et immenses avancées dans le domaine de la science, elles ont permis d’aller au-delà de la réparation. En 2018 des chercheurs de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse ont réussi à développer 16 implants à placer au bas du dos (lombaires) afin d’envoyer des signaux aux nerfs pour permettre à des jambes immobiles de bouger. « L'équipe médicale espère \"en faire un traitement\", affirme Jocelyne Bloch, neurochirurgienne au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne. Le but serait ainsi de \"ne pas faire uniquement de la recherche\", mais de rendre cette technique normale ».1 Le corps humain est un outil fragile et facilement endommageable par son contact au monde mais aussi par l’avancement du temps. La médecine régénératrice a pour but de contrer les maladies d’ordre physique mais également psychique comme les maladies neuro-dégénératives tel qu'Alzheimer en étudiant la cartographie du génome de chaque patient. Par conséquent nous pouvons dire que la médecine régénératrice est un véritable atout dans le développement de la recherche et de la guérison. Or pourquoi existe-t-il une réticence face à elle ? Plusieurs problématiques sont ressorties telles que : combattre la vieillesse comme une maladie à soigner, éventuellement à éradiquer par une volonté de ralentir la destruction des cellules en rajeunissant ces dernières ou par un remplacement de celles-ci.2 1 Franceinfo, Suisse : des personnes paralysées parviennent à remarcher grâce à une technique révolutionnaire, 09/02/22. 2 Juan Carlos Izpisua Belmonte, de l'Institut Salk d'études biologiques de San Diego. Page 44 sur 150
Par nos outils actuels, notre société moderne a permis une conservation des êtres, on observe aujourd’hui par le vieillissement de la population française, une certaine harmonie entre les générations. Or le système organisationnel proposé par l’Etat français n’est plus d’actualité car il ne découlait que sur 3 générations (les parents, les enfants et les petits- enfants). Aujourd’hui sur notre terre française nous pouvons rencontrer des personnes issues du : Baby-boom (1946-1964), de la génération X (1965-1979), de la génération Y (1980 – 1994), Z (1995-2009) et enfin Alpha soit 5 générations : « Nous raisonnons toujours sur des modes d'organisation du passé, quand trois générations se côtoyaient, pour penser et résoudre les questions qui, de fait, en concernent quatre. »1 C’est ce rapport à la vie et l’importance de la gestion étatique qui créent cette discorde entre l’évolution de la médecine et l’Etat Français. Etant un pays certes laïque à ce jour, la France possède des bases judéo-chrétiennes, s’opposant encore à quelques améliorations et philosophies du transhumanisme : la question de l’immortalité. Les pratiquants et croyants de la philosophie chrétienne ne parlent pas d’immortalité de l’homme mais de vie éternelle, mais quelles sont les différences entre ces deux notions ? Un être immortel n’est pas naturellement programmé pour cesser de vivre, or il peut être victime d’accident créant ainsi sa perte. Cependant la vie éternelle selon Jean-Pierre Longeat ancien prieur de l’abbaye de Ligugé2 découle inévitablement par la mort, tel un tunnel à traverser permettant de rentrer dans une condition totalement infinie sans limites, être dans le Royaume de Dieu afin d’être près de lui dans l’immensité de l’univers et du temps. Cependant la médecine régénératrice se base sur la pensée transhumaniste : arrêter la mort ou faire en sorte qu’elle arrive le plus tardivement possible. Par cette divergence de pensée et par une volonté de suivre le mouvement Américain sur cette question du rapport de la vie et des potentielles améliorations qui en découlent, ces concepts transhumanistes sont problématiques aux yeux de la France. Ne possédant pas les outils pour arriver à cet élixir de jouvence, la question de la cryogénisation reste à ce jour sujet de débat. Cependant quel est l’intérêt d’une longévité infinie, si nous, êtres humains, nous n’avons pas la force de vivre. En effet, le corps à ce jour n’est pas fait pour vivre 1 000 ans, comme tout il se 1 Brodin Marc, « Les Français et la médecine. Attentes et représentations », Laennec, 2004/1 (Tome 52), pp. 26-37. 2 La Croix, la vie éternelle est-ce l’immortalité, 2021. Page 45 sur 150
dégrade et n’est pas infini, les cellules cessent de se renouveler ou leur renouvellement devient anarchique, découlant sur un potentiel développement des cancers. Par conséquent en complément du développement de cette immortalité, les scientifiques adeptes du mouvement accentuent également les recherches sur ce qu’on nomme l’amortalité1 dont le chercheur anglais Aubrey de Grey, véritable spécialiste concernant cette question, développe les moyens de régénérer les tissus cellulaires afin de les faire rajeunir et d’étendre l’espérance de vie. Pourtant est-ce que la foi serait le seul et unique frein s’opposant à la médecine régénératrice ? Est-ce que la volonté étatique ainsi que les pensées citoyennes ne jouent pas un rôle tout aussi important sur la question ? Certes la médecine régénératrice apporte de véritables améliorations dans le cadre de la guérison (voir exemples ci-dessus) or elle est victime de plusieurs obstacles, quatre principaux, empêchant son développement de manière optimale2. Tout d’abord, un financement insuffisant et sélectif quant à la quantité entraînant de mauvais résultats voire de mauvaises interprétations la rendant trop hasardeuse dans les analyses. Ensuite elle ne s’exerce que dans la recherche de pathologies extrêmement rares rendant son champ d’étude beaucoup plus réduit et freinant ainsi le développement d'’autres perspectives. De plus il existe un flou important dans la réglementation de cette dernière et enfin, une réflexion insuffisante sur les modalités de prise en charge financière de ces traitements innovants. Par ces facteurs nous pouvons voir un certain écart entre l’utilisation de la médecine réparatrice et régénératrice, il est donc nécessaire de produire plusieurs recommandations.3 Tel « un registre international des essais en cours devrait être créé et suffisamment financé, avec contrôle des agences de régulation (FDA et EMA, Agence européenne du médicament) pour s'assurer de la validité scientifique des essais menés [...] aucun résultat d'étude clinique menée hors de ce registre ne devrait être publiée par les journaux scientifiques et médicaux […] des recommandations éthiques claires devraient être publiées dans tous les pays concernés par ce type de recherche (en particulier sur l'usage des cellules souches) ». Ces 1 La langue Française : (Néologisme) Prolongation de la durée de vie pour une période non définie sans être éternelle. 2 Lancet Commission: Stem Cells and regnerative medicine (19 auteurs) [2018]. 3 Ibid. Page 46 sur 150
recommandations permettront un meilleur contrôle de ces types de médecines (régénératrice et prédictive) et pourront à l’avenir se développer. L’importance éthique reste au cœur du sujet, la crainte de l’Etat Français se traduit par le manque de maîtrise et les dérives qui peuvent en découler, cette crainte se retrouve dans le cœur des citoyens qui composent le pays. Discours de Frédérique Vidal en clôture de la convention annuelle de l'Académie des technologies, Paris, 27 novembre 2017 : « L'Académie des technologies nous alerte sur le retard français en matière de technologies d'édition du génome et sur le fait que certains cadres réglementaires actuels sont des freins. À l'heure où les technologies évoluent de plus en plus vite, il convient comme l'a dit le Président de la République [Emmanuel Macron] d'en finir avec l'idée que le principe de précaution entrave l'innovation [...] Je m'attacherai à ce que la recherche, tout en évoluant dans un cadre éthique, conjugue principe de précaution et principe d'action. C'est précisément le rôle de la science de distinguer les fantasmes irrationnels des alarmes légitimes [...] La science est et doit continuer à être une boussole en pleine tempête intellectuelle et morale, c'est-à-dire lorsque le citoyen ne sait plus discerner les opinions, les croyances et les connaissances [...] Il est donc urgent de restaurer le pacte de confiance entre la science et la société en revivifiant notre vision du progrès »1. Ce changement de perspective rattrape et ouvre la voie au développement de ces études et il est souhaitable qu’elle apporte une amélioration de certains patients. Pour ce faire le gouvernement français lança le Plan France Médecine Génomique 20252. Ce projet voit le jour en 20153 sous la demande du premier ministre Manuel Valls adressé à l’Alliance Aviesan4 et a pour but de développer la médecine génomique ou dite « personnalisée » afin d’apporter un traitement propre pour chaque patient si les protocoles pharmaceutiques ne découlent pas d’une réussite de soin. Par conséquent les patients seront invités à passer un test génétique de manière anonyme pour obtenir des informations plus complémentaires, et ainsi avoir une chance d’être soigné mais également d’accorder un avancement sur les recherches et peut-être éradiquer ces pathologies pour n’importe quel cas. « Améliorer le diagnostic des quelque 7 000 1 Sébastien Abis, Clémence Hollemart, CRISPR-Cas9 : « révolutions scientifiques enjeux stratégiques » revue internationale et stratégique 2018 n°109 pp.60- 69. 2 Solidarites-sante.gouv.fr 3 Aviesan alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, France Médecine génomique 2025, rapport, 2022, p.1. 4 Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé créée en 2009. Page 47 sur 150
maladies rares recensées à ce jour et à éviter « l'errance diagnostique » de patients qui passent souvent d'établissement en établissement avant d'être dépistés. Ou encore, à prendre en charge les personnes atteintes de « maladies communes » regroupant les principales pathologies du métabolisme (diabète, obésité) ainsi que les maladies cardiovasculaires et neuro dégénératives (Alzheimer). »1. De plus l’apport du soin n’est pas le seul atout si ce développement prône et apporte la concrétisation de ses 3 principaux objectifs en 2025 : celui de placer la France dans le peloton de tête des grands pays engagés dans la concrétisation de cette nouvelle perspective de soin. Pour ensuite découler sur l’intégration de la médecine génomique dans le parcours de la santé pour les patients atteints de pathologies graves « Cela implique de prendre en charge, à l'horizon 2020, environ 235 000 séquences de génomes par an. Au-delà de 2020, une montée en puissance du dispositif est prévue avec la prise en considération de maladies communes. »2. Pour enfin arriver sur une approche innovatrice scientifique et technologique telle que la numérisation des informations (e-santé), futur levier valorisant l’industrie et la croissance économique. Pourtant ces objectifs aussi nobles ne montrent pas la totalité des enjeux qui sont beaucoup plus noirs contrairement aux dires étatiques et pharmaceutiques. Nous l’avons vu le rapport au soin en France est anxiogène et pose de véritables questions concernant la fidélité et l’honnêteté des analyses. N’ayant pas trouvé depuis plus de 50 ans une découverte majeure, il faut produire pour faire prospérer la recherche. Peut-on prétendre à une véritable transparence lorsque nous savons que l’Alliance Aviesan fut l’un des principaux laboratoires à concorder la recherche pour trouver un vaccin contre le virus H1-N1 véritable échec sur le plan à la fois médical et communicationnel ? Le projet étant en cours de finalisation nous ne pouvons pas prétendre connaître les conséquences qui risquent d’en découler, espérons seulement que comme toute discipline il apporte et améliore l’être humain que nous connaissons. 1 Ibid. 2 Ibid. p.2. Page 48 sur 150
La manipulation génétique fruit d’une nouvelle perspective de guérison Depuis le développement de la manipulation génétique de nouvelles pratiques médicinales voient le jour en utilisant nous l’avons vu, le CRISPER-Cas9, il s’agit de la thérapie génique qui consiste soit à ajouter une copie d’un gène correcte à des cellules spécifiques de l’organisme soit à réparer un gène défectueux. Afin d’éviter le développement et la propagation de la mucoviscidose, les généticiens adeptes de la médecine prédictive souhaitent que chaque futur parent réalise des tests préconventionnels avant la conception de l’enfant afin de savoir s’ils sont porteurs du gène car lors des diagnostics prénataux la femme est déjà enceinte. Or nous l’avons évoqué dans notre argumentation, l’utilisation de la médecine fait débat lors qu’elle touche à la conception d’un enfant. Les traitements de la mucoviscidose sont lourds, utilisant des bronchodilatateurs, à l’extrême une greffe pulmonaire peut être envisagée. C’est le gène CFTR qui est responsable de cette défaillance génétique, la thérapie génique, quant à elle, ne peut réparer les lésions déjà présentes mais elle peut en atténuer les symptômes. Or elle n’a pas encore été approuvée pour le traitement d’un patient atteint de cette pathologie.1 L’intégration de ce gène muté est tout à fait envisageable dans l’organisme car les poumons sont directement en contact avec l’extérieur or les scientifiques risquent de se heurter à plusieurs obstacles. Tout d’abord parce que le poumon est programmé pour rejeter tout corps étranger (microbes, poussières, saletés etc.), les voies respiratoires sont protégées par un mucus dans laquelle toutes les impuretés vont se coller, grâce à ce qu’on nomme les cils vibratiles, les poumons peuvent filtrer et ainsi protéger le corps humain. Les généticiens sont confrontés à ce mucus empêchant l’introduction du CRISPER-Cas9 nécessaire à la thérapie génique, de plus la mucoviscidose le rend plus épais. Intégrer ce corps étranger est difficile, par conséquent, les médecins essayent d’utiliser le deuxième moyen rendu possible par le CRISPER-Cas9, celui d’ajouter une copie correcte du gène afin de prendre la place de celui qui est défectueux. Or nous l’avons vu le fonctionnement 1 Association Muco, association Belge luttant contre a mucoviscidose : la thérapie génétique en guise de nouveau traitement pour la mucoviscidose : quoi, pour qui et comment ? - 17 mai 2019. Page 49 sur 150
du CRISPER-Cas9, n’a pas encore été totalement percé à jour pour une utilisation optimale il faudra attendre quelques années car la maladie ne touche pas uniquement les poumons. « Depuis 30 ans déjà, les chercheurs tentent de développer différentes méthodes de thérapie génique. Et ils trouvent des manières de plus en plus efficaces pour parvenir à introduire les molécules nécessaires dans les voies respiratoires. Cela a déjà mené à des résultats prometteurs dans le cadre de certaines études cliniques. C'est pourquoi la thérapie génique pourrait en théorie représenter 'Le' traitement universel pour la mucoviscidose ».1 Par cette analyse, nous pouvons voir que l’homme doit redoubler d’efforts pour que le corps accepte la guérison extérieure, or nous l’avons vu c’est un processus long et difficile à cause de plusieurs facteurs. Par conséquent l’homme se doit de contourner voire de « leurrer » l’organisme peu importe la pathologie du patient. « Plus de 500 patients meurent chaque année faute d'avoir pu bénéficier d'une greffe. »2 En France la thématique de la greffe est au cœur des questionnements hospitaliers car elle est pour certains le seul moyen de survie. Il existe 3 types de transplantation de greffe3 : l’autogreffe, l’allogreffe et la xénogreffe, dans notre composition nous parlerons tout d’abord des deux dernières pour conclure notre analyse sur l’autogreffe. L’allogreffe découle d’une greffe possible s’il existe un donneur exprimant son consentement ou non, en effet depuis la loi Caillavet – 22 décembre 1976 : « chacun est présumé donneur, sauf en cas de refus exprimé de son vivant »4, or malheureusement une dérive de cette loi empêche de réduire le taux de demande considérable le professeur Jean-Louis Touraine néphrologue et président de l’association : La France Transplant nous explique l’importance de la formulation de la demande : « Au lieu qu'on demande à la famille : est- ce que la personne était pour ou contre, on demande à la famille : est-ce que vous, vous êtes pour ou contre. Et parmi les 5 ou 6 membres de la famille qui sont ici, autour de la personne qui vient de décéder, il y en a toujours un qui a des états d'âme. Par conséquent, le prélèvement ne se fait pas et cela explique pourquoi, aujourd'hui, il y a 50% ou plus de taux de refus. » L’intervention de la famille semble être un obstacle pour permettre l’action 1 Ibid. 2 France Info : Don d’organes : pourquoi le nombre de greffes diminue en France 16/01/20. 3 France ADOT : Fédération des Associations pour le Don d’Organes et de Tissus humains. 4 Solidaires-sante.gouv.fr Page 50 sur 150
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