Et c’est justement pour promouvoir cette innovation et éviter que BANQUE SUISSE Comprendrela Suisse ne perde en compétitivité que le monde économiquehelvète est en ordre de bataille derrière la loi sur la réforme de « NOUS TOURNONS LA PAGEl’imposition des entreprises (RIE III), qui proposera notamment DE LA CRISE. LES BANQUESdes mesures d’allègement et des taux d’imposition attractifs. CHANGENT DE BUSINESS MODEL.Sorte de cadeau aux entreprises, cette évolution (soumise au réfé- LA SUISSE SE RÉVEILLE »rendum populaire le 12 février) pourrait avoir un impact fort.« En Suisse, nous possédons l’innovation et la dynamique. Le futur est du Liechtenstein en la matière lui a permis de gagner 20 rangsdans cette direction, c’est ce qui nous portera », conclut David Ardia. au classement international en seulement une année. Si la voiePourtant, le numérique, voie d’innovation, est encore mal jugé : du futur se dessine (lire Acteurs de l’économie-La Tribune, numéroplus de 60 % des instituts financiers suisses continuent de pen- 132), une réelle prise de conscience au sein du secteur financierser qu’il n’est qu’un canal de distribution supplémentaire, même est encore nécessaire pour que la Suisse conserve son historiquesi la fondation Genève Place financière appelle à « prendre le savoir-faire bancaire.taureau par les cornes et choisir l’action et l’innovation comme prio-rités ». Pendant ce temps, à San Francisco, toute l’activité finan-cière est maintenant tournée vers la fintech et le dynamismeParadoxalement, alors que plus de 3 000 postesont été supprimés dans les banques suisses entre fin2014 et mi-2015, plus de 6 700 postes étaient créésdans des filiales étrangères et d’autres étaienttransférés vers des assurances ou des fiduciaires. © iStock by Getty ImagesN°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 101
Comprendre RUBRIQUE DE NOM102 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
CCI ComprendreCCIQUI VEUTLEUR PEAU ?Les chambres de commerce et d’industrie vivent-elles leurs dernières heures ? L’avenir de cesétablissements publics, confrontés à un « détricotage » par l’État, est brouillé. Ils sou rent d’uneimage fortement contrastée - la faute, en grande part, leur incombe - auprès d’une frangede dirigeants qui ne leur accordent que très peu d’intérêt et semblent ne pas s’attrister de leur sort.Pour comprendre les raisons de cette distance qui s’est installée, chercheurs et enseignantsanalysent un monde consulaire en pleine crise et en quête de (re)légitimité.DOSSIER, ROMAIN CHARBONNIER Acteurs de l’économie - La Tribune 103PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINON°134 Février 2017
Comprendre CCI104 Acteurs de l’économie - La Tribune ésintérêt. Est-ce le mot qui pourrait expliquer l’échec cuisant des élections aux chambres de commerce et d’indus- trie, qui se tenaient du 20 octobre au 2 novembre 2016 ? Lors de ce dernier scru- tin en date, seuls 12,4 % des 2,9 millions d’entrepreneurs inscrits ont voté pour élire leurs représentants (4 837 dirigeants d’entreprises désignés pour cinq ans), soit la participation la plus faible depuis 1974, année où elle atteignit 40,7 %. Une fois encore, ce scrutin s’est déroulé dans l’in- différence patronale. Dès lors, le résultat pose question à l’heure où les chambres subissent la pire crise de leur histoire, avec des restructurations majeures, et dans le même temps ne rencontrent plus l’adhésion d’une grande partie de leurs ressortissants. Ce désintérêt carac- térise-t-il, plus largement, le sentiment des chefs d’entreprises à l’égard des CCI, reflétant l’image qu’elles endossent depuis des années auprès d’eux ? « Il ne faut pas connecter niveau de participation électorale et objet des chambres de commerce, tempère Dominique Andolfatto, professeur de N°134 Février 2017
science politique à l’université de Bour- « Les CCI n’ont pas CCI Comprendregogne-Franche-Comté, auteur en 2011 su saisir le poids des un souci de responsabilité », ajoute l’ensei-d’un article intitulé Représenter les intérêts enjeux et en ont oublié gnante. Ce sens de la responsabilité relèveéconomiques : les élections des membres des leurs fondements » de la culture propre au monde consulaire,chambres de commerce et d’industrie, paru ce que les CCI entendent promouvoir.dans la Revue d’histoire consulaire. Leurs avec une connaissance globale du tissu « Lors de la réforme de 2010, beaucoup derôles ne sont pas forcément bien connus et local », souligne Clotilde Druelle-Korn, petits et de grands combats locaux ont étéles chambres de commerce ne savent pas maître de conférences en histoire contem- menés, avec l’interférence d’élus locaux, carnécessairement bien communiquer. En outre, poraine à l’université de Limoges. Au fil dans les grandes villes (où elles sont par-ces rôles peuvent être concurrencés par celui du temps, le réseau consulaire s’est étoffé fois sous-dimensionnées) et dans les petitesd’autres institutions. Dès lors, les chefs d’en- avec un maillage territorial dense (90 (où elles sont surdimensionnées), l’existencetreprises ne s’y reconnaissent pas et peuvent chambres aujourd’hui, 24 000 emplois) même et la force d’une CCI constitue un enjeules trouver trop élitistes. » L’intérêt pour et des prérogatives devenues importantes. à la fois économique et politique, pour ne pasles CCI ne doit donc pas être envisagé Les chambres, gouvernées par les syn- dire social, puisqu’elles comptent plusieursau regard du seul et faible taux de par- dicats patronaux qui y ont rapidement dizaines de milliers de collaborateurs dansticipation aux élections, car « l’humeur vu un intérêt, participent ainsi au déve- toute la France », souligne Michel Offerlé.électorale corporative des chefs d’entreprise loppement économique d’un territoireen général est faible. Aussi le Medef et la et à son aménagement avec la gestion de DÉLITEMENTCPME (anciennement CGPME, NDLR) structures comme des aéroports, ports Néanmoins, avec les réformes conduisantont-ils préféré que la représentativité patro- maritimes et écoles, mais également à la à la restructuration et à la modernisationnale soit certifiée sur la base des adhésions et vie des entreprises, de la transmission à du réseau (notamment celles du débutnon sur la base d’élections », observe Michel la création, puisque les activités commer- des années 2000 portant sur leurs élec-Offerlé, professeur de science politique à ciales peuvent être enregistrées auprès tions, sur leurs financements ou encorel’ENS. Le problème serait plus global et d’elles. « Leur palette de missions est très leurs missions, jusqu’aux plus drastiquesrésulterait de nombreux facteurs. Dans large et diversifiée, également dans la forma- de 2010 et 2015) et face à la montée ence contexte, mais avec un retard certain, tion des chefs d’entreprise, le développement puissance des régions, intercommunali-les chambres tentent de riposter, en com- du tourisme et le commerce international, ce tés et métropoles, la légitimité des CCImuniquant davantage sur leurs missions que les dirigeants méconnaissent », ajoute la s’est retrouvée fortement remise en causeet les services qu’elles offrent, de s’ou- chercheure. partout où elles sont installées. « Dès lesvrir et de défendre leur utilité pour les SYMBOLE années 1980, les collectivités territorialespatrons et les territoires. Elles se savent Contrairement à l’établissement national ont pris un réel pouvoir, notamment enobservées. Revient alors la sempiternelle fédérateur des chambres, CCI France, matière économique et sociale et d’offre deinterrogation de leur évolution voire, plus qui souffre d’une relative indifférence services. Jusqu’alors, les CCI jouissaient d’undéterminant, de leur maintien, une épée des pouvoirs politiques, économiques et rôle prépondérant, agissant comme moteur.de Damoclès planant au-dessus de leur médiatiques, sur le plan local, c’est tout Aujourd’hui, elles occupent davantage untête après les réformes successives. Et si l’inverse. Les CCI jouissent toujours d’un rôle de partenaire », analyse Aisling Healy.les CCI étaient amenées à disparaître ? statut privilégié, considérées indispen- C’est le cas à Lyon, par exemple, où la sable à la vie économique d’un territoire, Métropole communique activement surINTÉRÊTS notamment en dehors des grandes villes l’entrepreneuriat. Cet affaiblissement desMalgré ce qu’elles ont dû (et devraient et dans les zones rurales. « C’est la rai- chambres prendrait racine bien plus tôt,à nouveau) subir, les chambres de com- son pour laquelle, lorsqu’elles sont menacées, selon Pierre Lacombrade : « À partir demerce et d’industrie occupent une place c’est un symbole du dynamisme local que les 1919, lorsque l’État crée des régions écono-prépondérante dans le paysage écono- élus politiques défendent », explique Aisling miques, une tension est apparue entre les ser-mique du pays, depuis la création de la Healy, maître de conférences en science vices régionaux et ceux des CCI. » De quoipremière CCI à Marseille en 1559. De politique à l’université Jean-Monnet perturber le message consulaire. Toute-par leur statut d’établissements publics Saint-Étienne. Ils sont ainsi nombreux à fois, « elles restent encore, dans une certaineà caractère administratif de l’État, elles exprimer leurs craintes de voir les CCI mesure, un canal d’accès pour atteindre lereprésentent les intérêts de l’industrie, du ne plus pouvoir assurer leurs missions pouvoir politique », précise Pierre Ver-commerce et des services auprès des pou- localement en faveur de la formation, du nus, enseignant-chercheur en histoirevoirs publics. Un aspect politique parti- développement et du soutien aux entre- contemporaine à l’université Lyon 2. Àculier – parfois mal compris par les chefs prises. « L’idée de voir mourir économique- cela s’ajoutent les syndicats patronaux,d’entreprise – qu’elles complètent par un ment un territoire les oblige à réagir dans branches professionnelles et clubs d’af-rôle d’intermédiaire auprès des collectivi- faires, qui occupent dorénavant un rôletés. « Longtemps, les CCI ont exercé un rôle majeur dans la vie économique et pro-dans la relation entre le milieu des affaires posent aussi des services se rapprochantet l’État, car le pouvoir avait besoin de relais de ceux offerts par les chambres. De quoilocaux. Désormais, c’est moins le cas », sensibiliser plus directement le dirigeant.remarque Philippe Lacombrade, docteur « Il préférera sans hésiter son syndicat qui leagrégé d’histoire et chercheur au Centre conseillera ou l’épaulera quand la chambrede recherches interdisciplinaires en de commerce est sans doute davantage per-sciences humaines et sociales de Mont- çue comme une administration lointaine »,pellier. « Ce sont les seules à pouvoir ras- annonce Dominique Andolfatto. Peu àsembler les forces économiques d’un territoire peu, les chambres ont donc perdu de leur lisibilité.N°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 105
Comprendre CCI « Effet révélateur ou simple coïncidence, les chambres de commerceet d’industrie n’intéressent pas le milieu de la recherche académique actuelle »À QUI LA FAUTE ? AUX PATRONS 2015), se plaçant dans une logique d’éco-Au premier rang des responsables de cette Les CCI sont également mises à mal, car nomies, en réduisant la taxe qui leur estsituation figurent les CCI elles-mêmes. les chefs d’entreprise se font une image allouée. Pour 2017, celle-ci doit être deReconnaissant avoir manqué de réactivité parfois erronée de la réalité, au-delà des 60 millions d’euros après avoir subi deuxface aux évolutions, elles ne parviennent critiques qu’ils formulent et qui, elles, prélèvements sur leurs fonds de roule-plus, aujourd’hui, à convaincre de leur peuvent apparaître légitimes. « Les CCI ments en 2014 (170 millions d’euros) etpertinence et de leur légitimité, malgré les pâtissent du manque de connaissance qu’ont 2015 (500 millions d’euros). « Nous leefforts entrepris ces dernières années en les dirigeants de leurs missions. Pour eux, il condamnons et le déplorons même si celamatière de communication, entre autres. s’agit d’établissements publics, donc politiques, oblige les CCI à se recentrer sur leur corps deL’autre raison réside probablement dans et qui renvoient aux taxes. En revanche, ceux métier. Elles devront faire preuve d’agilité »,l’opacité qui les entoure et cette image qui sont un peu plus impliqués dans les milieux avoue Frédéric Motte, favorable à déve-qu’elles portent d’institutions politiques, patronaux savent à quoi elles servent », sou- lopper les liens entre les CCI régionales etde représentativité plutôt que d’efficacité, ligne Aisling Healy. Le manque de temps les conseils régionaux. Si l’État continuede jeux de stratège entre organisations est un autre argument mis en avant. « Un à les soutenir, ces derniers événementspatronales pour les gérer et de « clienté- patron s’occupe avant tout de son entreprise et interrogent et montrent qu’elles sont unelisme ». « Malgré les discours d’ouverture et lorsqu’il a besoin d’aide, il va au plus efficace. variable d’ajustement budgétaire. Certes,de modernité, les CCI perpétuent une cer- S’il ne sollicite pas la CCI, alors il n’y accorde elles se sont engraissées durant destaine idéologie de l’entreprise en France, un pas d’intérêt, remarque Danièle Fraboulet, années, mais leur détricotage progressifentre-soi flagrant », signale Dominique historienne spécialiste d’histoire écono- est lourd de conséquences sur l’emploi etAndolfatto. Ce que le dirigeant déteste mique et sociale, qui soutient que la com- le maintien des établissements d’appren-se confirme alors d’une certaine manière munication de la part de ces organisations tissage, entre autres. Dans ces conditions,dans les urnes, avec des élections consu- est primordiale. L’UIMM prouve de manière leur avenir est menacé.laires qui ne suscitent que très peu d’en- constante qu’elle est utile et montre son effica-gouement. « Une vieille question qui n’a cité. Ce que ne font pas assez les CCI. » DEMAINjamais été résolue », souligne Philippe Les syndicats patronaux ne sont pas À un tournant de leur histoire, et pourLacombrade, auteur d’une thèse en 2002 exempts de tout reproche. « Ils jouent un sauver une partie de leurs prérogatives,portant sur La chambre de commerce, Paris jeu dangereux à les critiquer, alors qu’ils ont les CCI ont entrepris une démarche deet le capitalisme français, 1890-1914. Les besoin d’elles et les utilisent. On se demande rationalisation et de modernisation dechercheurs trouvent une explication de ce si ce n’est pas une stratégie de déstabilisation leurs activités avec des regroupements,désaveu principalement par les critiques afin de faire parler de leur camp », remarque inscrite dans une logique de régionalisa-qui entourent les CCI mais aussi par le Aisling Healy. Et sont tiraillés entre le désir tion des chambres. L’institution va devoirmanque d’enjeu. « Nous observons que la de les maintenir, car ils y sont « attachés » continuer à adapter ses missions avec unparticipation décolle lorsque des listes d’oppo- et qu’elles « participent au dynamisme d’un budget en baisse (- 6,7 % en 2017). Cesition sont en lice, lorsqu’il y a une contesta- territoire, se faisant les interprètes du monde qui fait craindre aux élus consulaires detion sur le monopole des chambres. Dès lors, économique », déclare Philippe Guillaume, ne plus avoir les coudées franches pourles élections deviennent plus compétitives », et celui de les réorganiser. « Que veut-on investir (350 millions d’euros de pro-souligne Dominique Andolfatto. Ce dont en faire ? À un moment de leur histoire, elles grammes d’investissements ont été aban-les instances du Medef et de la CPME n’ont pas su saisir le poids des enjeux et en donnés) et remplir leur rôle auprès dessont conscientes. « Incontestablement, cela ont oublié leurs fondements », ajoute-t-il, entreprises. Se pose alors la question dune motive pas les chefs d’entreprise. Pour- regrettant « leur institutionnalisation dans transfert de certaines compétences destant, proposer des listes d’union part d’un bon la représentativité. » « La remise en cause de CCI vers d’autres organismes afin de fairesentiment, puisque nous avons tous la même leur mission est aussi l’occasion pour elles de des économies et de se recentrer sur lefinalité, celle d’aider les entrepreneurs et les rebondir », reconnaît Frédéric Motte, qui public des TPE et PME principalement.territoires », reconnaît Frédéric Motte, définit les CCI comme « le bras armés des « Fragilisées, elles n’échapperont pas égale-président du Medef Hauts-de-France et syndicats ». ment à une interrogation sur leurs missions,vice-président du pôle branches, terri- qu’il s’agisse aussi de la gestion d’équipementstoires et mandats, qui préfère évoquer le BUDGET SIPHONNÉ collectifs ou de certaines grandes écoles »,manque de lisibilité des chambres. Son Enfin l’État lui aussi porte sa part de res- ajoute Michel Offerlé. Revient égalementconfrère, Philippe Guillaume, vice-pré- ponsabilité, puisque les CCI sont placées sur la table un autre projet cristallisant lessident chargé des territoires à la CPME, sous sa tutelle depuis le texte fondateur tensions, celui de la création de grandesvoudrait ainsi « proposer des choses très des chambres en date du 9 avril 1898. À maisons consulaires, regroupant les CCIconcrètes pour faire évoluer le mode de scru- l’origine des réformes successives, il s’est avec les chambres de métiers et d’agri-tin ». Afin de rendre ces élections plus illustré ces quatre dernières années par culture. L’idée divise de part et d’autre,attractives pour attirer plus de votants. une baisse drastique de leur budget (35 % mais pourrait faire sens en cette périodeMais serait-ce suffisant ? Rien n’est moins de taxe affectée ponctionnée depuis 2013, où l’ensemble de ces corps intermédiairessûr. soit un budget de 3,4 milliards d’euros en connaît une crise de reconnaissance.106 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
CCI Comprendre « Face à la montée en puissance des régions, intercommunalités et métropoles, la légitimité des CCI est fortement remise en cause sur tous les territoires. » (Ici la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne).CCI ET DÉSINTÉRÊT SCIENTIFIQUEEffet révélateur ou simple coïncidence, les chambres de commerce et d’industrie n’intéressent pas le milieu de la recherche académique actuelle.Thèses, ouvrages et mémoires publiés portent principalement sur une période donnée - mais jamais sur celle contemporaine -, sur une chambreen particulier (Lyon, Marseille ou Paris) ou sur le milieu patronal avec un focus sur les CCI. « La situation des CCI sur les périodes des 18e et 19esiècles ont plus intéressé la recherche que celle contemporaine », remarque Clotilde Druelle-Korn, maître de conférences en histoire contemporaineà l’université de Limoges. « Dans les travaux de sciences politiques, nous remarquons une rupture sur cette thématique pour des travaux privilégiantl’État ou les services publics. Le sujet des CCI n’est pas tellement à la mode, car un peu poussiéreux, il est vrai », reconnaît Aisling Healy, maître deconférences en science politique à l’université de Saint-Étienne. Pour en connaître les raisons, certains chercheurs avancent un accès difficile auxarchives, « car ce n’est pas la priorité des CCI », souligne Pierre Vernus, enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université Lyon 2. « Dansles plus importants, comme celui de Lyon ou de Paris, les services d’archives sont structurés, mais dans les autres, le personnel est dans l’urgenceet préfère se projeter dans l’avenir plutôt que de faire ce travail d’archivage », précise Clotilde Druelle-Korn.Un milieu ferméL’image des CCI ne contribue pas non plus à susciter l’intérêt des chercheurs. « C’est un milieu très fermé, même pour moi ! Il m’a ainsi été difficiled’obtenir le budget d’une CCI », déplore Dominique Andolfatto, professeur en science politique à l’université de Bourgogne-Franche-Comté. Cequ’Acteurs de l’économie-La Tribune peut confirmer puisqu’il lui a été impossible et ce, malgré les nombreuses demandes faites depuis plusieursmois, d’obtenir des données chiffrées (et publiques) portant sur les montants des rémunérations des directeurs généraux. Selon nos informationsils seraient relativement importants, et pourraient s’ils étaient publiés, ternir un peu plus l’image des CCI auprès des dirigeants. « On observe unecertaine distance du milieu de la recherche sur le sujet avec l’idée qu’il s’agit d’un milieu fermé, inaccessible. Ce dont je n’ai personnellement passouffert pour autant », ajoute Aisling Healy. Mais pour Danièle Fraboulet, historienne spécialiste d’histoire économique et sociale, il faut voir la raisonde ce désintérêt de manière plus globale : « C’est le milieu de l’économie qui est sinistré. Les jeunes chercheurs préfèreront l’histoire culturelle. »N°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 107
Comprendre RUBRIQUE DE NOM108 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
RUBRIQUE DE NOM Comprendre APM L’EXCELLENCEDANS LA DISCRÉTION REPORTAGE, STÉPHANIE BORG PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE Sous l’impulsion de son président, le Lyonnais Christian Barqui, l’Association progrès du management (APM) aspire à sortir de l’ombre. Une vraie révolution pour ce mouvementinternational de 7 500 dirigeants qui s’est construit en marge de toutes interventions publiques. Ni lieu de pouvoir, ni club d’a aires, l’APM s’apparente davantage à un cercle de réflexion sur la condition des dirigeants tout en s’ouvrant au monde extérieur. Et prétend faire évoluer, sinon les pratiques, au moins l’état d’esprit de ses membres.N°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 109
Comprendre APM L’ambiance est bon enfant, presque fes- « Nul ne vient ici tive, malgré l’intensité des sujets abordés. pour faire desChâteau des Au menu : des interventions régulières affaires, ni pour tirer,Broyers, à de l’expert en neurosciences Pierre-Marie dans l’ombre, lesLa Chapelle- Lledo, grand spécialiste français du cer- ficelles du pouvoir »de-Guinchay. veau, qui distille, non sans humour, maisEn cette fin avec un certain sens de la vulgarisation, industriel alors que le nôtre est beaucoup plusnovembre, à ses dernières découvertes sur le cer- mixte », affirme-t-il, persuadé qu’il y ami-chemin entre veau, tout en dressant un parallèle entre encore des besoins du côté d’AnnemasseMâcon, Lyon architecture cérébrale et performances. et du Chablais. Un développement à l’op-et Bourg-en- « S’ouvrir au changement reste une attitude portunité qui explique la présence, plusBresse, 150 mentale », martèle le professeur à l’as- ou moins forte, de l’APM dans les régions.dirigeants sistance. D’autres ateliers, aussi divers C’est ainsi que Toulouse (6e aggloméra-et chefs qu’inédits, ponctuent la journée. Une tion française) abrite seulement trois clubsd’entreprise intervention « Impact du mental », ani- quand La-Roche-sur-Yon en compte six,membres de mée par Philippe Leclair, ancien sportif et que Lille et ses 24 clubs dépassent lar-l’Association international de cross, qui s’appuie sur gement les 15 de Lyon et de sa périphérieprogrès du les techniques d’entraînement des spor- (une quarantaine de clubs en Auvergne-management tifs de haut niveau. Ou un atelier animé Rhône-Alpes). Même démarche pour le(APM) sont par Hamou Bouakkaz, ancien adjoint au développement à l’international. « Notreréunis pour un maire de Paris, aveugle de naissance, et objectif reste d’ouvrir plusieurs clubs dans un« interclub ». qui propose aux auditeurs de s’installer, seul pays pour fonctionner comme un clusterUne journée les yeux bandés, autour d’une table. Après plutôt que de multiplier les implantations »,de rencontre deux minutes d’un silence total suivent explique Stéphane André, directeurrégionale entre cinq minutes d’échanges. « C’est une sacrée général de l’APM depuis 10 ans. Autrestous les clubs expérience ! Écouter les yeux bandés, c’est particularités à l’étranger : ouvert à tousAPM du secteur. bien mieux qu’entendre. Je vais tester le prin- les dirigeants francophones, la langue cipe lors de notre prochain comité de direc- officielle d’échange devient le français,110 Acteurs de l’économie - La Tribune tion, glisse Christian Barqui, président de quelle que soit la langue du pays, une fois l’APM depuis trois ans et directeur général la séance ouverte. Avant même de s’expa- de Florette France GMS. Si c’est bénéfique, trier en Suisse, Frank Blanpain, directeur je le soumettrai ensuite aux RH pour l’appli- général de SRS (Swiss Recycling Services), quer dans certaines réunions d’équipes. » membre APM à Bordeaux depuis sept ans, s’assure qu’il existe bien un club près MICRO-CLUB de son nouveau lieu de travail. À peine Cette journée marathon est le reflet du arrivé, il s’inscrit à Lausanne. « Ce type de fonctionnement des 370 clubs APM de club est peu développé en Suisse où la culture France. L’association est aujourd’hui de la confidentialité est très ancrée. À l’APM, implantée dans 27 pays. Le principe : nous parlons français, mais nous ne sommes réunir, une fois par mois, 25 dirigeants pas tous de nationalité française. Du coup, et chefs d’entreprise – maximum – autour les codes, comme la ponctualité ou les taux de d’une thématique pointue présentée par présence, et les approches sont différents : les l’un des 350 experts repérés et sélection- Suisses sont très pragmatiques et attendent nés par la « Maison APM », siège de l’as- des solutions en forme d’outils. Ils sont moins sociation, basé à Paris. Quand un club théoriques qu’en France », témoigne encore est complet, les potentiels adhérents sont Franck Blanpain, président du club APM mis sur liste d’attente jusqu’à obtenir Lausanne depuis septembre 2016. un nombre significatif pour démarrer. « À partir d’un petit noyau dur, nous avons N°134 Février 2017 procédé aux cooptations nécessaires pour former un groupe. Nous avons finalement ouvert avec 10 personnes. Aujourd’hui, nous sommes complets », souligne Jean-François Berthier, président du GIE Axite déve- loppement, gestionnaire de deux agences d’immobilier d’entreprise, et président du jeune club Annecy-Aravis. Avec ce 4e club, l’APM renforce son maillage savoyard (sept clubs sur les deux Savoie, entre 150 à 180 membres) sur un terri- toire qui compte l’un des tout premiers clubs APM de France. « Il est essentielle- ment composé de membres issus du secteur
APM Comprendre L’accès aux « Notre objectif experts APM reste d’ouvrir explique la plusieurs clubs longévité dans un seul pays de l’association, pour fonctionner malgré sa comme un cluster discrétion plutôt que de multiplier et celle de ses les implantations » membres.L’EXPERT de 3,8, il n’est plus sollicité. « On vise l’ex- de flottement, on sent un souffle nouveau,Tous travaillent sur les fondamentaux de cellence, justifie Christian Barqui. Mais les souligne Clémence Peix Lavallée, expertl’APM. « Nous sommes persuadés que le pro- notations sont bienveillantes. Nous comptons scientifique en gestion du stress et SQVT.grès de l’entreprise passe par son dirigeant sur les animateurs pour rester vigilants et La modélisation fixe de l’intervention n’existeen lui permettant de se poser des questions. recadrer l’expert si besoin. » Un système qui pas. On n’emprunte pas un dogme, mais unIl doit garder de grandes ambitions pour son semble convenir aux intervenants, davan- chemin vers la recherche. »entreprise tout en restant humble », rappelle tage présents par conviction – certains La posture intellectuelle reste l’autre inté-Stéphane André. Cette remise en ques- étant largement mieux rémunérés par les rêt constant pour l’APM. Ces personnali-tion passe par le suivi d’un programme de entreprises qu’ils accompagnent. « La note tés fortes et exigeantes, avides de savoir,formations à la carte imaginé par chaque me garde petit, en m’obligeant à donner le considèrent le club comme un « objet declub. Il est dispensé par 350 experts de meilleur. Aussi professionnel que l’on soit, ce ressourcement », formule qu’utilise Marc« haut niveau » lors de neuf séances. Seul n’est pas évident de garantir une qualité per- Philibert, président des Transports Phi-le programme de la première année de manente. La vigilance du réseau permet de libert, membre depuis le début de l’aven-création du club est imposé pour insuf- rester en alerte », indique Denis Cocquet, ture. Et d’ajouter : « Je repars toujours avecfler la bonne dynamique. « On pourrait fondateur d’Arkenaos. Basé dans les envi- quelque chose après chaque séance. Même s’ilassocier cette première période à un passage rons de Lyon, le conférencier, spécialiste n’est pas facile de s’extraire du quotidien, il estinitiatique », commente Jean-François de l’accompagnement individuel des diri- intéressant de revenir sur son travail. TouteBerthier. geants, est déjà intervenu dans près de cette culture générale acquise m’a donné duNeurobiologistes, anciens sportifs, phi- 200 clubs, de Lyon jusqu’au Vietnam, en relief. »losophes, consultants, chefs d’orchestre, passant par Bangkok ou Budapest. Ressources pédagogiques, travail sur soi etprofesseurs, prêtres… la liste des profils sur le management, mais aussi rencontres,est longue et éclectique. Principalement RÉFLEXION amitiés et entraide caractérisent l’associa-basés en région parisienne, quelques C’est incontestablement cet accès aux tion. « J’ai connu des clubs qui tenaient à boutexperts régionaux et internationaux experts pour un coût souvent jugé rai- de bras des dirigeants en situation extrême,figurent néanmoins au catalogue, à sonnable (adhésion annuelle de 3 500 se souvient Denis Cocquet, une situationcondition, pour ces derniers, de pouvoir euros et 4 500 euros à l’international, rendue possible par ce cadre particulier. C’ests’exprimer aisément en français. « Nous déductible du budget formation pour la un vrai espace de liberté d’être et d’expres-recevons au moins 20 candidatures spon- France) qui explique la longévité de l’as- sion doté d’un fort crédit confiance où le diri-tanées par semaine. Pour les repérer, nous sociation, malgré sa discrétion et celle de geant ose dire des choses. » Dans les clubs secomptons aussi sur la recommandation du ses membres. Et ce, nonobstant quelques côtoient entrepreneurs à succès et d’autresréseau. Tous sont passés au crible par notre voix qui s’élèvent contre une forme de plus modestes. « Cela a quelque chose decomité de sélection », poursuit le directeur « starification » de l’expert. « Il y a encore touchant et de bienveillant : la position n’entregénéral. une dizaine d’années, on venait surtout écou- pas en ligne de compte dans le rapport auxEt pour durer, l’expert est évalué à la ter. Aujourd’hui, la tendance est à l’échange autres », confirme Marie Content, direc-fin de chacune de ses interventions. Sa et nous restons vigilants dans les retours », trice générale de e-mutuelle.fr et prési-note compte dans sa moyenne qui doit se reconnaît Stéphane André. Même analyse dente du Club Lyon Nouveau.maintenir autour de 4,2 sur 5. En dessous du côté des experts. « Après une période « Nul ne vient ici pour faire des affaires, ni pour tirer, dans l’ombre, les ficelles du pou-N°134 Février 2017 voir. Mais l’ouverture reste parfois consen- suelle, voire superficielle, et n’introduit pas un vrai processus de changement », tempère un ancien expert, qui est longtemps inter- venu à l’APM. D’ailleurs, celui ou celle qui y viendrait avec ces idées « s’auto-exclurait d’office », prévient Christian Barqui. Acteurs de l’économie - La Tribune 111
Comprendre APMHABEMUS PRESIDENT Christian Barqui, président de l’APM depuis trois ans.Au quotidien, les clubs d’administration, élus après une présen- générale de e-mutuelle.fr et présidente du locaux sont animés par un tation par vidéos, par vote électronique Club Lyon Nouveau. Pour aider ses pré- duo président (élu, béné- par l’ensemble des 7 500 adhérents. sidents, la Maison a mis en place « une vole)/animateur (salarié journée pour être président », une for- de l’APM, deux jours par RAJEUNISSEMENT mation spécifiquement dédiée. « Ce n’est mois). Ce sont souvent des Élu une première fois en juillet 2014, puis pas simple de recruter en Suisse pour un club coachs ou des consultants, réélu pour un second mandat jusqu’au français. Mais grâce à la formation, très utile, recrutés pour leur capacité à fédérer et 30 juin 2018, Christian Barqui entend j’ai pris conscience de l’importance de mon à animer des équipes. « Le président est faire connaître l’APM, notamment à l’in- rôle », souligne Frank Blanpain, directeur le gardien des valeurs, tandis que l’anima- ternational – avec l’Afrique, longtemps général de SRS. teur est l’âme du club », analyse Clémence sous dotée, en ligne de mire. Dans les L’heure est aussi au rajeunissement et à Peix Lavallée, auteure du livre Bien dormir prochaines semaines, l’APM ouvrira des la féminisation des clubs. « En moyenne, sans médicament (éditions Odile Jacob) et clubs au Maroc, en Algérie, en Tunisie nous restons sept ans même si certains sont experte APM depuis sept ans en gestion puis poursuivra avec Abidjan et Dakar. là depuis l’origine ! Avec notre moyenne des énergies dans la performance. Car malgré un taux de croissance annuel d’âge à 50 ans, il nous faut absolument Originalité imposée par le fondateur en régulier, le recrutement de nouveaux introduire, dans chaque club, un jeune de 1987 de l’APM, Pierre Belon – le créateur adhérents, uniquement possible par coop- moins de 35 ans en visant les startups. Nous du groupe Sodexo –, toutes les élections tation avec l’interdiction d’introduire un sommes à 15 % de femmes en moyenne. Là se déroulent sur le principe de la désigna- membre concurrent d’un autre, reste un encore, nous pouvons mieux faire », indique tion par les pairs, à l’image d’une élection sujet sensible. « Il faut trouver l’harmonie en Christian Barqui. En commençant par papale. « Du président de club au président cultivant la différence et rester vigilant sur les donner l’exemple, en nommant un admi- de l’APM, nous sommes élus sur la base d’une profils », résume Marie Content, directrice nistrateur de 24 ans. élection qui ne comporte ni candidat ni pro- gramme. C’est la personne, estimée capable « Du président de club au président de l’APM, de mener une présidence, qui est élue. Elle nous sommes élus sur la base d’une élection doit juste afficher un taux de présence d’au qui ne comporte ni candidat ni programme » moins 80 % », explique Christian Barqui. À l’exception des 12 membres du conseil N°134 Février 2017 112 Acteurs de l’économie - La Tribune
RUBRIQUE DE NOM ComprendreCROIRE EN VOUS, C’EST CAPITAL. TheLINKS.fr - 170028 - Crédit photo : Gettyimages - 01/17. Explorer de nouveaux territoires, aller plus haut, aller plus loin... cmcic-investissement.com Chez CM-CIC Investissement, nous croyons aux chefs d’entreprise qui osent. Quels que soient leurs objectifs de développement, Acteurs de l’économie - La Tribune 113 nous accompagnons, sur fonds propres et dans la durée, les projets de plus de 400 sociétés, dans le cadre d’un véritable partenariat basé sur la confiance mutuelle. INNOVATION DÉVELOPPEMENT TRANSMISSIONN°134 Février 2017
La Compagnie nationale du Rhône engage trois millions d’eurosdqua’nesllel’aemxpélnoCaitgoeemsmuprelnreteRdnhedôpnraeerc: oGRuéUrnsiBsdseRiavItiQsditaUensEsslDu’ArEindN,eeuOtxBMdoelslèbnaerrdaagnessle Vaucluse (photo).&SENS DE LA VISITE114 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
RUBRIQUE DE NOM Comprendre& SENS DES AFFAIRES © Camille MoirencN°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 115
Comprendre TOURISME D’ENTREPRISE Les touristes sont de l fut un temps où seuls les lève-tôt piéti- CHIFFRE D’AFFAIRESplus en plus nombreux à naient de longues minutes en bleu de tra- Les touristes sont avant tout des clients vail devant le portail de « l’usine », avant potentiels. « Quelque 85 % des 2 500 entre- pousser les portes des de pénétrer dans les ateliers. Aujourd’hui, prises de notre réseau possèdent des points entreprises : de 2012 à aux abords des sites industriels, les files de vente et le panier moyen des visiteurs à 2014, leur nombre est d’attente se forment en journée et le bleu l’issue du parcours est deux fois supérieur à n’est plus la couleur dominante. Pour celui des clients qui ne visitent pas le site », passé de 12 millions cause, « l’usine » est devenue un haut lieu constate Cécile Pierre. Julien Taboury, à 14 millions. Un voyage du tourisme. En 2016, le célèbre Routard dirigeant de la confiserie Julien, implan- au cœur du patrimoine a même sorti une édition du guide de la tée à Bourg-Argental dans la Loire (cinq visite d’entreprise. « De 2012 à 2014, le collaborateurs, 350 000 euros de chiffre industriel, agricole nombre de visiteurs d’entreprises est passé de d’affaires), est de ceux que la visite d’en- et scientifique que 12 millions à 14 millions », calcule Cécile treprise permet de faire vivre. « Notre Pierre, déléguée générale de l’association production est vendue à 80 % en boutique. les entreprises de la visite d’entreprise (AVE) et directrice Pour nous qui avons peu de moyens de com- s’e orcent de mettre de l’Agence de développement de la visite muniquer, la « visite » constitue un pilier de habilement en scène. d’entreprise (Adeve). Tout ce qui jadis notre développement, car elle attire de nou- Avec ce tourisme d’un était l’antre des seuls salariés attire irré- veaux clients. Nous accueillions ainsi 70 000 autre genre, qui s’ancre médiablement : les sites industriels, mais visiteurs chaque année, dont 30 000 en aussi agricoles, les ateliers d’artisans ou été », reconnaît-il. Préférant miser sur les durablement, elles encore les laboratoires. Les touristes, en ventes directes, cette petite entreprise a assurent ainsi leur quelque sorte, deviennent « industriels. » opté pour des visites gratuites de ses ate- notoriété et même une Pourtant, le qualificatif ne fait pas l’una- liers. Tout comme la coutellerie Arbalète partie de leur chi re nimité. « La visite d’entreprises est déguisée Genès David, à Saint-Rémy-sur-Durolle d’a aires. Finalement en tourisme industriel. Ce concept est pour- (Puy-de-Dôme), qui ouvre ses portes sur tant vieux comme le monde. Depuis toujours, rendez-vous. « Nous réalisons entre 5 et à peu de frais. les entreprises sont nombreuses à ouvrir leurs 10 % de notre chiffre avec les particuliers. Ces portes. À la famille de leurs salariés d’abord, visites sont un moyen de nous faire connaîtreDOSSIER, FRANÇOISE SIGOT mais aussi à tout un chacun. Il ne faut pas et de réaliser quelques ventes puisque nous oublier que ce concept fait simplement écho à disposons d’un showroom. Néanmoins, cela116 Acteurs de l’économie - La Tribune la vente au comptoir qui, de tout temps, sur- constitue aussi une contrainte : n’étant pas un tout dans le secteur alimentaire, a permis aux musée, nous avons dû limiter le nombre de entreprises de réaliser du chiffre d’affaires, visiteurs pour ne pas gêner la production », analyse Érick Leroux, professeur d’éco- explique Pierre-Édouard Morin, gérant de nomie associé à l’université Paris 13, spé- la société. Tel est le revers de la médaille cialiste du tourisme durable. Aujourd’hui, dans les petites structures : ouvrir son les visiteurs affluent, car l’occasion leur est entreprise génère de l’activité, mais néces- donnée de découvrir un patrimoine local à site une organisation parfois difficile à vocation industrielle, agricole ou encore scien- mettre en place. Et rapportés à l’activité, tifique. Il ne s’agit pas vraiment de tourisme, les investissements peuvent être impor- car très rares sont ceux qui vont parcourir des tants et les faux pas, fatals. « Les visites centaines de kilomètres pour pousser la porte génèrent énormément de commentaires sur d’une usine ou d’un barrage, contrairement les réseaux sociaux. Si l’accueil ou la propreté aux touristes qui, eux, peuvent organiser leur ne sont pas parfaits, les conséquences peuvent temps libre pour découvrir un site ou une être désastreuses », estime Julien Taboury. exposition. » Au-delà des mots, le phéno- mène s’ancre dans les pratiques. Pour la plus grande satisfaction des entreprises. N°134 Février 2017
TOURISME D’ENTREPRISE ComprendreIMAGE DE MARQUE RSE « La visiteMais, au-delà des ventes, l’enjeu de la Si pour les PME, s’ouvrir est gage de d’entreprisesvisite d’entreprise est d’abord, pour chiffre d’affaires, pour les grands groupes, est déguiséecelle-ci, la défense de son image. Les le business est certes en embuscade, mais en tourismemarques misent énormément sur cette la notoriété l’est davantage. Peu importe industriel.immersion au cœur de leur métier pour donc si les retours sont difficiles à évaluer, Ce concept estfaire valoir leurs atouts. À Tain-l’Her- car pour se mettre au diapason du déve- pourtant vieuxmitage (Drôme), l’an dernier, le fabri- loppement durable et de la RSE (Respon- comme le monde.cant de chocolat Valrhona n’a pas hésité sabilité sociétale des entreprises), la visite Depuis toujours,à investir deux millions d’euros dans sa d’entreprise est un outil presque parfait. les entreprisesCité du chocolat avec laquelle il vise les « Aujourd’hui, l’entreprise doit rendre des sont nombreuses200 000 visiteurs par an en 2020, contre comptes à ses parties prenantes. Ouvrir ses à ouvrir110 000 en 2015. En Auvergne, Volvic portes constitue donc avant tout un moyen leurs portes »a aménagé, depuis plus de 20 ans, un de satisfaire aux obligations en matière deespace d’information sur son ancien site RSE et, ainsi, de se montrer transparent »,d’embouteillage, tout en organisant des souligne Érick Leroux. C’est la raisonvisites de son actuel site de production. pour laquelle, ces dernières années, lesAnimations, films et expositions retraçant visites ne sont plus seulement l’apanagel’aventure de l’eau du cru et dégustations des grandes marques. Pour s’en persua-sans limite des spécialités concoctées à der, il suffit de se lever tôt et de rallier lapartir de l’eau filtrée par les volcans d’Au- zone industrielle de Corbas, aux portesvergne sont au programme de cet espace de Lyon, pour un petit tour au Marchéqui voit défiler chaque année 90 000 de gros. Dès potron-minet, une fois parpersonnes. Pour quels résultats ? Pas de mois, ils sont des dizaines de « touristes »chiffres, mais un constat. « L’espace d’in- à se frayer un chemin entre les caissesformation nous permet d’expliquer ce qu’est de fruits et légumes. « Nos aliments sontune eau minérale et de présenter notre métier. tous les jours décriés. Pendant ce temps, leSa vocation est pédagogique et très complé- Marché de gros multiplie les efforts et lesmentaire à la publicité qui, elle, ne nous démarches qualité pour proposer de bonspermet pas d’aller aussi loin dans les expli- produits. Je travaille avec des professionnelscations », commente Marion Cazenave, qui n’ont pas toujours le temps d’expliquer àresponsable de la communication de la leurs clients-consommateurs la provenanceSociété des Eaux de Volvic. Comme elle, de leurs produits. Nous avons donc choisila Chartreuse a de la bouteille en matière d’endosser ce rôle en organisant des visites dude visite d’entreprise, mais impossible site et en communiquant directement auprèsd’en évaluer un retour chiffré. « Les visites des consommateurs », argumente Christianconstituent un investissement sur le plan Berthe, président du Marché de gros dedes relations publiques. Avec elles, le nom Lyon-Corbas.de la Chartreuse est associé à une image, àun accueil, à un lieu. C’est très important »,assure Philip Boyer, responsable de lacommunication des caves de la GrandeChartreuse à Voiron (Isère).N°134 Février 2017 © Matthieu Cellard En 2016, le fabricant de chocolat Valrhona a investi deux millions d’euros dans sa Cité du chocolat avec laquelle il vise les 200 000 visiteurs par an en 2020, contre 110 000 en 2015. Acteurs de l’économie - La Tribune 117
Comprendre TOURISME D’ENTREPRISEEn ouvrant leurs « Notre activité n’est pas en lien direct avec les « Les visitesportes au public, clients, mais nous sommes dépositaires d’un constituentles entreprises patrimoine historique et industriel. Il nous a un investissementdeviennent des donc semblé naturel de permettre au public en matièreacteurs à part entière de découvrir ce patrimoine. Ce faisant, nous de relationsdu temps libre espérons également mieux faire connaître publiques » notre entreprise », explique Sylvain Colas,La transparence et la communication, directeur de la communication. Le pro-c’est aussi ce qui a décidé la Compagnie ducteur d’électricité a décidé d’engagernationale du Rhône à franchir le pas de trois millions d’euros dans l’aménage-la visite de barrage. Concessionnaire du ment de parcours de visites sur deux desRhône et premier producteur français barrages qu’il exploite sur le Rhône : celuid’énergie exclusivement renouvelable, la de Génissiat, dans l’Ain, et celui de Bol-CNR est un acteur énergétique incontour- lène, dans le Vaucluse. « Nous allons créernable pourtant méconnu du public. Dès de véritables parcours de visites et entendonsle mois de septembre prochain, ce constat ainsi nous adresser à trois types de popula-sera peut-être à conjuguer au passé. tion : les scolaires, les touristes et les rive- rains. L’objectif étant de présenter ces sites, nos métiers et, au-delà, les énergies renouve- lables », ajoute-t-il. Quel que soit leur métier, en ouvrant leurs portes au public, les entreprises deviennent des acteurs à part entière du temps libre. Un paradoxe considèrent cer- tains, mais surtout une opportunité pour elles car, au final, le volet promotionnel est le principal bénéfice des entreprises ancrées dans le tourisme industriel. Satis- faits de ce qu’ils ont vu et appris – et donc conquis –, les touristes se transforment alors en efficaces ambassadeurs de l’en- seigne. Et ce, à peu de frais pour elle.La visite de l’usine de production des eaux de Volvic De l’usine au muséeet de son espace d’information est avant tout un moyenpédagogique et promotionnel de la marque. Au sein du vaste et hétéroclite univers du tourisme d’entreprise, on n’en oublierait presque l’incarnation la plus fidèle au vocabulaire : le musée. Pour © Volvic certains, à l’image de Michelin, il porte l’empreinte indélébile de l’entreprise, pour d’autres, c’est le patrimoine local qui est mis en valeur. Pour tous, le succès est assuré par l’exposition du savoir-faire. « Nous avons opté pour une entité indépendante de la fonderie, en l’occurrence le musée, pour disposer d’un lieu dédié au public », retrace Anne Paccard, directrice du musée Paccard qui emploie quatre personnes à l’année. Créé en 1984, installé au sein de la fonderie, cet espace retrace l’histoire du fabricant savoyard de cloches. « Il nous sert à présenter notre entreprise et notre métier au public, mais aussi à nos clients. C’est une vitrine et un investissement pour l’avenir, puisqu’il nous permet de nous faire connaître », résume la directrice, qui a che des comptes équilibrés du musée, dont la vocation dépasse aujourd’hui largement l’his- toire. « C’est un véritable département de recherche pour la fonderie. Nous y organisons, par exemple, des concerts sur des carillons que nous fabriquons », fait-elle valoir. En marge du musée, la fonderie Paccard organise toujours des visites de ses ateliers avec, en point d’orgue, la coulée d’une cloche.118 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
RUBRIQUE DE NOM Comprendre EDF 552 081 317 RCS PARIS, 75008 Paris – Crédit photo : Photothèque EDF/Pierre SOISSONS.TOUTE NOTRE ÉNERGIE,NOUS LA PARTAGEONS AVEC VOUSVenez découvrir les sites de production d’électricitéd’EDF : centrales hydrauliques, nucléaires et thermiques,ainsi que leur espace découverte. Faites partie des 430 000visiteurs que nous accueillons chaque année. Visitesguidées et animations gratuites.Plus d’informations sur edf.fr – « Visitez nos centrales ».L’énergie est notre avenir, économisons-la ! Acteurs de l’économie - La Tribune 119N°134 Février 2017
Comprendre CHRONIQUESLE CARACTÈRE ANIMATEUR de la holdingJohan Lacoeuille évoqué certaines conditions restrictives telles que l’impossibilité Bercy de préciser les critères d’appréciation du caractère anima-Ingénieur patrimonial, d’avoir deux holdings animatrices dans un groupe de sociétés, teur de la holding. L’animation effective se traduirait comme suit :Expert & finance l’impossibilité de détenir une filiale foncière ou encore l’obligation - « Un contrôle suffisant de la holding sur ses filiales » qui « s’ap- d’animer l’ensemble des filiales. Suite aux remous provoqués précie, d’une part, au regard du pourcentage du capital détenuAujourd’hui, une holding est considérée comme ani- chez les praticiens, l’administration fiscale a tenté de bâtir un pro- et des droits de vote, d’autre part, au regard de la structure de matrice lorsqu’elle respecte deux conditions. La jet d’instruction, qui a été abandonné en juin 2014 car finalement l’actionnariat » ; première est essentielle : c’est la conduite d’une estimé pénalisant pour le capital investissement. En septembre - « Assurer de façon concrète la conduite de la politique du politique de groupe vis-à-vis des filiales. La seconde, 2015, les députés Caresche et Carré ont invité l’administration groupe, c’est-à-dire son animation. Elle doit conduire la politique plus accessoire, avec la possibilité pour la holding à reprendre ses travaux sur l’instruction fiscale. De leur côté, la générale du groupe et s’assurer de sa mise en œuvre effective ».de facturer des prestations de services aux filiales. Pour rappel, Fédération nationale du droit du patrimoine (FNDP) et les trois Cette réponse ministérielle est loin de sécuriser les contribuableslors d’une conférence donnée par l’Institut des avocats conseils Ordres (avocats, notaires et experts-comptables) ont chacun dans leurs opérations, l’administration restant (volontairement ?)fiscaux (IACF) le 10 juin 2013, la direction de la législation fiscale proposé, en novembre 2015, leur définition de la holding ani- imprécise sur la notion de contrôle. En outre, le chef d’entreprisea, sans modifier pour autant sa doctrine administrative écrite, matrice, plus souple que la doctrine administrative et la jurispru- doit rester vigilant sur la construction d’un flux concret d’infor- dence actuelle. Parmi ces éléments, on relèvera que seules mations entre la holding et ses filiales, l’administration se basant les prestations de services suffiraient à caractériser toujours sur un faisceau d’indices en cas de contrôle. En ce l’animation, qu’une holding pourrait être animatrice début d’année et à la lecture de la loi de finances pour 2017, le dès sa constitution ou encore que le contrôle serait caractère animateur de la holding n’est ni abordé ni clarifié. Nous acquis lorsque la holding dispose d’une fraction de ne pouvons qu’appeler les praticiens à redoubler de vigilance droits de vote supérieure à celle détenue par chacun dans les conseils prodigués autour de la holding animatrice. des autres associés. 1 Rapport à la FNDP - JCPN du 12 nov. 2012 Vigilance 2 Communiqué de presse CSN, CNB et CSOEC du 3 nov. 2015 La réponse ministérielle Frassa du 5 décembre 2016 apporte-t- 3 Question écrite n°17351 de Christophe-André Frassa – JO elle de nouveaux éclairages ? Le sénateur a en effet demandé à Sénat du 16 juillet 2015TRANSMISSION DU PATRIMOINE PROFESSIONNELles bons réflexes sur le plan fiscalAvec une imposition des revenus jusqu’à 64,5%1 et des droits de donation dont le barème atteint Jérémy Duret des titres avant de les céder (« donation avant cession »), cette © DR 45 %, les contribuables ont le souci légitime de Avocat counsel en droit fiscal chronologie permettant de purger la plus-value les grevant. transmettre leur patrimoine professionnel dans les CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon meilleures conditions fiscales. Revue des princi- La donationpaux dispositifs à connaître et des réflexes à avoir. Le second réflexe est de recourir à des dispositifs spécifiques Pour en limiter le coût fiscal, il convient de chercher à appli- lorsque le cédant entend : quer l’incontournable « pacte Dutreil » pour :La cession - réinvestir une partie du produit de la cession dans un nouvel - bénéficier d’un abattement de 75 % sur la base ;Dès lors qu’une plus-value passible de l’impôt sur le revenu actif professionnel, auquel cas une opération d’« apport - bénéficier d’une réduction de droits de 50 % lorsque leest réalisée, le premier réflexe est de rechercher si un dispo- avant cession » des titres peut être envisagée, permettant donateur a moins de 70 ans.sitif de faveur est applicable, par exemple : au cédant de ne pas être imposé sur le produit de la cession Il est impératif qu’un engagement collectif de conservation- pour les titres de sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés : pour un montant pouvant aller jusqu’à deux fois celui du d’au moins deux ans soit en cours au jour de la donation. l’abattement pour durée de détention peut être renforcé, réinvestissement ; Les donataires doivent prendre un engagement individuel de notamment lorsque le contribuable qui cède les titres d’une - transmettre, par voie de donation, une partie du produit de la conservation de quatre ans, portant à six ans la durée mini- PME les avait souscrits ou acquis dans les 10 premières cession puisqu’en tel cas, il sera préférable d’abord de donner mum d’engagement global (quatre ans lorsque l’engagement années de la société ; l’abattement est porté à 85% au-delà collectif est « réputé acquis »). de huit ans de détention ; cerise sur le gâteau, en cas de Ce dispositif s’applique à l’opération de « family buy-out » cession par le dirigeant de PME qui prend sa retraite, un par laquelle les titres sont donnés à l’enfant repreneur à abattement de 500 000 euros vient s’ajouter ; charge pour lui de désintéresser ses frères et sœurs par- pour les entrepreneurs individuels (ou sociétés relevant une soulte : la donation peut être suivie de l’apport à une de l’impôt sur le revenu dans le régime des plus-values holding à laquelle est transmise la charge de la soulte, ce professionnelles) : il existe des exonérations d’impôt sur le qui permet son financement dans des conditions fiscalement revenu (et parfois de prélèvements sociaux) subordonnées avantageuses. à des conditions de chiffre d’affaires, de prix de cession, ou encore de départ à la retraite du dirigeant de PME. 1 IR 45 %, prélèvements sociaux 15,5 %, et contribution sur les hauts revenus 4 %120 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
CHRONIQUES ComprendreLes opportunités du compte PME INNOVATION Olivier Morin éligibles au CPI les titres possédés par un action- chiffres d’affaires moyens en vue d’intégrer un nouveau Responsable du service gestion privée, naire ayant détenu à un moment quelconque depuis marché. Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes sa création au moins 25 % des droits de vote ou des Autre contrainte, le réinvestissement devra s’effec- droits dans les bénéfices sociaux. D’autres possibilités tuer au profit d’une PME dont le dirigeant n’est pasLes titres des actionnaires contrôlant plus de d’accès sont également prévues pour les dirigeants actionnaire, sauf s’il s’agit de réinvestissements de suivi, 25 % des droits dans les bénéfices sociaux ou salariés. c’est-à-dire déjà prévus lors de la première prise de de la société sont exclus du Plan d’épargne en D’autre part, l’entrée dans le CPI se fait par participation. actions (PEA). l’inscription sur le compte-titres des parts De plus, le titulaire du CPI devra soit occuper une fonc- Autre obstacle fréquemment rencontré sur le ou actions déjà détenues par le contribuable. tion de direction, d’administrateur ou de membre du PEA : l’actionnaire a souscrit les titres en dehors de De façon simplifiée, les titres transférables sur le CPI conseil de surveillance, soit s’engager à participer acti- celui-ci… et souhaiterait par la suite les placer dessus, seront les titres de PME européennes véritablement vement à la définition de la stratégie de la PME et à lui en les rachetant à partir du PEA. Cette opération qui opérationnelles1. Ces sociétés devront également être fournir, à sa demande, des prestations de conseil à titre était déjà très contestable sur le plan juridique a été soumises à l’IS et être créées depuis moins de 10 ans gratuit. Le compte PME Innovation pourra donc pré- interdite par la loi de finances rectificative pour 2016. au moment du transfert. senter une opportunité pour les actionnaires exclus du Les conditions d’éligibilité au compte PME Innovation régime du PEA ou dépassant les plafonds de celui-ci, (CPI), créé par cette même loi de finances rectificative Opportunité le CPI n’étant pas plafonné. sont radicalement différentes. Ainsi, seront notamment Lorsqu’un titre du CPI est vendu, les prélèvements Enfin, il est intéressant de noter qu’au cours de l’année sociaux seront exigibles ; en revanche, un report 2017, le CPI pourra être ouvert avec les liquidités issues d’imposition de l’impôt sur le revenu est mis en place, de la vente de titres intervenue depuis le 1er janvier jusqu’à la sortie des actifs du CPI. 2016, lorsque le titulaire remplissait les conditions Le report d’imposition est conditionné à un réinvestis- à la date de la cession. Ces liquidités pourront être sement du produit de la vente au capital de PME dans déposées sur le CPI jusqu’au 31 décembre 2017, mais les 24 mois (ou dans certains fonds éligibles de capital devront être réinvesties dans un délai de deux ans à risque). Pour les parts ou actions rachetées à partir compter de la vente. du CPI, il s’agira également de PME européennes et opérationnelles1, en principe non cotées. Les sociétés 1 Pour chaque catégorie de titres sont prévues des exclusions devront également exercer leur activité depuis moins relatives à la nature des activités exercées ; pour plus de de sept ans (ou n’exercer aucune activité). La condi- détails, cf. article 31 de la loi 2016-1918 du 29 décembre tion d’âge n’est pas requise pour les sociétés ayant 2016. besoin d’un investissement supérieur à 50 % de leursLÉGALITÉ… et ÉTHIQUEUne fois de plus l’actualité politico-médiatique a pointé son phare sur cette travaux de réflexion, et d’analyses pluridisciplinaires, la bioéthique a, difficilement et dualité aussi immuable que l’élasticité infinie des consciences. donc progressivement, établi quelques fondements, mais aussi quelques limites, au Éthique : signe d’une préoccupation permanente, sa définition et ses impli- sacro-saint principe de liberté. cations ont été traitées sans cesse au fil des siècles, depuis Les Éthiques,ouvrage d’Aristote en passant par Le Traité des caractères de mœurs Unanimité À l’inverse, notre vie politique, dans les modalités de son fonctionnement, à com-de Théophraste. Problème jamais résolu dès lors qu’il traite des principes de la mencer par celui de sa représentation nationale, cultive sans précaution un mélange des genres qui permet d’omettre les conflits d’intérêts, à commencer par les dérives Morale, laquelle relève de notions bien évolutives au fil du népotisme, puisque c’est « légal ». Problème alors : l’oubli du conflit d’intérêts ne commence-t-il pas dans cette pratique qui veut que cette représentation nationale dis- du temps ou des circonstances ou plus simplement pose du pouvoir de décider, voire de voter, des dispositions favorables à elle-même ? Être juge et partie, pourquoi s’en priver ? À tout le moins touche-t-on alors à des besoins du moment. La nature humaine a un rare domaine, celui de l’unanimité qui serait souvent et autrement bien utile dans la conduite de nos affaires publiques. cette extraordinaire capacité d’évolution qui Dans le même temps, les opinions évoluent, les informations finissent par sortir. Aujourd’hui et plus encore demain ne sera plus comme hier. Ne pas le comprendre la conduit, au nom d’autres références - à et ne pas nettoyer le climat de doute croissant sur l’intégrité des élus ne pourraient que fracturer et fragiliser les fondements mêmes de notre démocratie. Un peu de commencer par le principe de liberté -, à des clairvoyance et surtout de courage y parviendront-ils ? Il nous reste une ultime liberté, celle d’espérer. Au moins celle-ci ne coûte rien. adaptations de circonstance pour finalement Acteurs de l’économie - La Tribune 121 parvenir à des situations que, selon l’expres- sion bien connue, la morale réprouve, et ce d’autant plus qu’elle touche alors à des pra- tiques qui ne déferlaient pas dans la sphère publique, et pour cause ! S’agissant de principes qui touchent aux questions d’in- © DRJean Lafay tégrité physique et/ou psychique, à partir deN°134 Février 2017
Comprendre CONFÉRENCE Le pilotage de situation de crise mobilise un grand nombre de compétences (managériale, logistique, financière, RH...) qu’il faut savoir mettre en musique e cacement. Une situation vécue par Stéphane Perrin, directeur « thérapies rénales » France chez Baxter et Arnaud Lévêque, fondateur de Wega Conseil. Ils l’ont racontée lors de la conférence « Piloter son entreprise en situation complexe » organisée par Acteurs de l’économie -La Tribune avec le programme AMP d’emlyon business school. COMPTE-RENDU, LAURENCE JAILLARD PHOTOGRAPHIE, LAURENT CERINO / ADESITUATIONS DE CRISE :quand le ciel vous tombe sur la tête !Àla fin du mois de mai 2012, un affronter cette épreuve. « Heureusement stress et la capacité à travailler ensemble. tremblement de terre secoue j’avais commencé la méditation quotidienne « Il m’est arrivé néanmoins de dire à Stéphane : l’Italie. Stéphane Perrin, direc- avant, mais j’ai vraiment éprouvé la solitude « Soufflez, renvoyez vos équipes pour le teur « thérapies rénales » du dirigeant. » Arnaud Lévêque, dirigeant week-end ». » France de Baxter, entreprise fondateur de Wega Conseil et expert Gambro traverse un tsunami dont elle estpharmaceutique, était alors directeur APM, intervient alors aux côtés de Sté- incapable d’évaluer la durée. Au Mexiquegénéral de la filiale française de Gam- phane Perrin et de ses équipes « tel un et en Chine, des lignes de fabricationbro, aujourd’hui propriété de Baxter. À pompier qui cherche à circonscrire un feu ». prennent le relais et fabriquent pour lecette époque, le groupe suédois détient marché européen ces précieux dispositifs50 % du marché des instruments de dia- TRANSPARENCE thérapeutiques rénaux – l’ANSM est infor-lyse du rein en France. Conséquence de Au sein de l’entreprise, cette situation mée au jour le jour du déroulé de la crisecette catastrophe, l’usine et le centre de devient la seule priorité. « Il faut du cou- – et il faudra neuf mois pour que l’entre-distribution (d’une capacité de 26 000 rage, un engagement sans faille des équipes et prise retrouve une situation normale.palettes et 1 000 containers) de Gambro une transparence dans la communication », Avec le recul, Stéphane Perrin reconnaît :pour l’Europe sont détruits. « Plus d’in- détaille le consultant. Dès le départ, « Ce sont des moments dont on sort grandi,formatique, donc plus de visibilité ; des Stéphane Perrin informe l’Agence natio- en ayant vraiment éprouvé son rôle de diri-clients non livrés et des patients en attente nale de la sécurité du médicament et des geant, à savoir : fédérer, impulser, donnerde dialyse, avec cette urgence : au-delà de produits de santé, avec laquelle il entre- une vision. » De tels retours d’expérience15 jours, ils frôlent la mort », souligne-t-il. tenait déjà de bonnes relations. Il orga- sont précieux pour tous les dirigeants,Très rapidement, une cellule de crise est nise par ailleurs des sessions de média insiste Arnaud Lévêque qui décline lesconstituée avec des responsables RH, training, dans la mesure où il faudrait menaces prêtes à torpiller le cœur demarketing, service client... Un mapping informer la presse. Une juste répartition métier de toute entreprise : « Fuite derecense les clients, leur stock disponible, des rôles et des responsabilités au sein fichiers informatiques, malveillance surleurs besoins. Après 72 heures de ten- de la cellule de crise est la clef de ce pilo- les réseaux sociaux, incendie, espionnage,sion et de stress extrêmes, Stéphane Per- tage sous tension. Pour Arnaud Lévêque, conflits sociaux entraînant une rupture d’ac-rin se tourne vers une aide extérieure, les compétences essentielles de cette tivité, harcèlement, etc. » Une liste sansressentant le besoin d’être entouré pour équipe « du feu », sont la résistance au fin... 122 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
TRIBUNE ComprendreLA FIN Le changement climatique s’accélère et sur toute la planète, l’enneige-DE LA ment se réduit. Les Alpes ne font pas exception, des analyses récentesSAISON montrent que la diminution est très forte. Elle concerne non seulementS’OBSERVE la couche de neige au sol, mais également la fréquence et la quantité de pré-25 JOURS cipitations neigeuses. Durant les dernières décennies, l’altitude des chutesPLUS TÔT, CE de neige s’est élevée de plus de 300 mètres1. Dans les stations de basses etQUI CONSTITUE moyennes altitudes, la pluie remplace de plus en plus fréquemment les chutesUNE RÉDUCTION de neige, mais c’est dans l’ensemble de la région alpine que la saison pen-CONSIDÉRABLE dant laquelle la neige peut tomber se fait de plus en plus courte. L’analyseEN QUELQUES de la hauteur de la neige mesurée dans les stations des Alpes suisses2 montreDÉCENNIES que depuis les années 1970, toutes les stations, à toutes les altitudes, ont enregistré un net raccourcissement de la durée de l’enneigement. En automne, les précipitations tombent sous forme de pluie de plus en plus tard, ce qui fait que l’installation du manteau neigeux est reportée actuellement d’une douzaine de jours en moyenne par rapport aux années 1970. En cours de sai- son, la fonte intervenant plus tôt, l’accumulation de la neige est doublement limitée et la hauteur maximale du manteau neigeux s’est déjà réduite de 25 %. Elle se mesure 28 jours plus t t qu’il y a 45 ans. La fin de la saison s’ob- serve, elle, 25 jours plus tôt, à toutes les altitudes, ce qui constitue une réduction considérable en quelques décennies. Ces analyses ont porté sur des séries de données des Alpes suisses, parce que les mesures sont disponibles sans interruption et pour de nombreuses stations, mais le processus est géné- ralisé et confirmé partout ailleurs. Il est inéluctable, même s’il s’effectue avec une grande variabilité d’une année à l’autre. Le seul moyen de l’arrêter serait de réduire drastiquement et rapidement les émissions de gaz à effet de serre en réduisant la consommation d’énergie, en remplaçant les énergies fossiles par des renouvelables et en cessant la déforestation tropicale. LE DÉBUT DE LA SAISON D’HIVER POSE DES PROBLÈMES DE PLUS EN PLUS AIGUSMartine Rebetez RÉFLEXION © DRProfesseure en chairede climatologie appliquée, Pour les stations de sports d’hiver, même si la réduction de l’enneigementuniversité de Neuchâtel et est la plus forte au printemps, c’est pourtant le début de la saison quiInstitut fédéral de recherches pose de plus en plus de problèmes. En effet, au printemps, la majorité de laWSL, Neuchâtel, Suisse clientèle n’est plus tellement intéressée par les activités liées à la neige et le raccourcissement de la saison entre mars et mai ne joue pour l’instant1 Serquet G, Marty C, Rebetez M, 2013. Monthly encore de r le dans les bilans. En revanche, la période de fin d’année est trends ands the corresponding altitudinal shift généralement une période de fréquentation maximale. Or le mois de décembre in the snowfall/precipitation day ratio, Theor est très concerné par la réduction de l’enneigement. À basse et moyenne alti- Appl Climatol 114:437-444 tude surtout, il arrive de plus en plus fréquemment que l’on manque de neige naturelle et qu’à basse et moyenne altitude, les températures soient trop2 Klein G, Vitasse Y, Rixen C, Marty M, Rebetez élevées pour produire ou conserver de la neige de culture. M 2016. Shorter snow cover duration since Dans ce contexte, le mois de décembre 2016 a été particulier, car il a manqué 1970 in the Swiss Alps due to earlier snowmelt de neige non seulement en raison de températures trop élevées, mais surtout more than to later snow onset. Climatic Change en raison d’une sécheresse exceptionnelle. Les conditions d’ensoleillement DOI 10.1007/s10584-016-1806-y ont, elles, été excellentes, ce qui a permis au tourisme alpin de faire pro- gresser la réflexion sur l’évolution des activités proposées. Il s’agit de tenir compte non seulement du changement climatique, mais d’une clientèle qui attend des activités variées, entre sport, culture, nature et socialisation. Les options traditionnellement estivales des stations alpines sont d’autant plus importantes qu’elles peuvent et pourront toujours davantage s’étendre à une saison plus longue du printemps à l’automne, et même dans certains cas à une partie de l’hiver, tout particulièrement au mois de décembre. Lire le dossier sur les stations de moyenne montagne page 90.N°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 123
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Respirer MOURAD MERZOUKI134 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
MOURAD MERZOUKI MOURAD MERZOUKI Respirer CRÉATEUR DE MÉTISSAGE Chorégraphe des temps modernes, Mourad Merzouki s’emploie à créer des spectacles de danse hip-hop, en mixant les genres et les sensibilités, pour, dit-il, « faire communiquer et connaître les arts », dans le but de les rendre accessible à tous les publics. Homme de dialogue et de défis, le Lyonnais les expérimente et les développe à la fois au Centre chorégraphique national de Créteil et du Val-de-Marne qu’il dirige, et à l’espace culturel Albert-Camus de Bron, dans la banlieue lyonnaise. PORTRAIT, GÉRARD CORNELOUP PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADEN°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 135
Respirer MOURAD MERZOUKIEspace culturel de la boîte qui ouvrent le spectacle, avant CURIOSITÉAlbert-Camus qu’ils ne soient portés par les danseurs qui Tout commence à Lyon, où Mouradde Bron, dans les font vivre avec éclat et rudesse. Une Merzouki naît, en 1973, à une époque oùla banlieue œuvre jouée avec la jeune et virevoltante s’affirme un nouveau genre musical : lelyonnaise. équipe de danseurs constituant sa compa- hip-hop et son rythme accompagné de rapTroisième gnie Käfig, mais aussi les quatre musiciens et de chant. Originaire des ghettos noirs etsemaine de du quatuor à cordes Debussy, initialement latinos de New York, le genre devient vitejanvier. Dans tourné vers la musique de chambre clas- une culture urbaine dans l’ensemble desla salle de sique, façon Beethoven et Chostakovitch, États-Unis, puis franchit les mers, trouvantspectacle, pivot jouée sur une scène dénudée, mais aimant dans l’Hexagone un leader en la personnecentral du site, aussi sortir des sentiers battus et mêler ses de Patrick Duteil, dit Sidney, premier ani-alors que le sonorités instrumentales aux mouvements mateur de télévision noir en France, quirideau tombe, les de la danse contemporaine. Un ensemble conçoit et fait vivre la première émissionspectateurs se lyonnais qui correspond à ce qu’entre- de télévision au monde sur le hip-hop. Aulèvent. prend Mourad Merzouki. Dès lors est née même moment, le jeune Mourad s’initie entre les deux formations une entente par- aux arts martiaux, devient acrobate dansLes applaudissements nourris se mêlent faite et féconde, qui a pris racine en 2010 une école de cirque et découvre, commeau plaisir intense qui s’affiche sur les lorsque le chorégraphe lyonnais invitait le la France entière, les émissions de Sidney.visages comblés de ceux qui ont assisté quatuor à partager la scène avec sa troupe, Une révélation. Fasciné par la discipline,au spectacle aussi fascinant qu’étonnant jouant sur les contrastes et les similitudes il entre alors, à l’âge de 15 ans, dans unequi vient de se dérouler sous leurs yeux. de la danse, de la boxe et de la musique école associative de hip-hop à Saint-Priest.Visiblement, une heure de plaisir, offerte classique. « Créer, pour moi, c’est bouscu- « Je suis véritablement tombé dedans », seà tous par le chorégraphe et concepteur ler, en particulier la danse hip-hop, née dans souvient-il. Curieux de nature, il réalisedu spectacle Boxe Boxe Brasil, Mourad la rue. C’est la faire pénétrer dans d’autres des stages de danse, auprès, entre autres,Merzouki. milieux, la confronter à d’autres arts et par de Maryse Delente, et se tourne tout natu-Une nouvelle version inédite et détonante là, la confirmer, la continuer, la faire vivre et rellement vers le monde de la danse lyon-aux couleurs du Brésil dont il a repensé évoluer. » Sur scène, six jeunes danseurs naise, alors en pleine transformation, pourl’écriture chorégraphique comme la parti- brésiliens sont aussi de la partie. Avec, à ne pas dire reformation. En particulier àtion musicale. Sur scène, les gants sortent la clé, le succès mondial du spectacle, joué l’Opéra de Lyon, désormais placé sous la depuis devant 130 000 spectateurs. Une direction quasiment révolutionnaire de136 Acteurs de l’économie - La Tribune indiscutable réussite. Et un parcours sans Louis Erlo, avec un corps de ballet dirigé faute pour ce jeune Lyonnais qui a su rele- audacieusement par le chorégraphe Vitto- ver « un véritable défi », avoue-t-il dans un rio Biagi. Or, en 1977, cinq chorégraphes sourire. lyonnais se sont associés avec l’idée de créer, dans la ville, une salle exclusivement réservée à l’art chorégraphique, ce qui aboutit en juin 1980 à l’inauguration de la première Maison de la danse en France, dans les locaux d’une ancienne salle des fêtes de la Croix-Rousse et dont la direction est confiée à Guy Darmet. Un autre Lyon- nais, licencié en droit, diplômé en gestion, formé au marketing mais aussi passionné par le cinéma, le théâtre et la danse. Pari tenu, la Maison de la Danse, lieu unique en France, devient vite l’une des scènes de diffusion et de création chorégra- phiques les plus importantes au monde. Succès complété par celui rencontré tout aussi prestement par la Biennale de Danse que Guy Darmet, s’inspirant du célèbre N°134 Février 2017
MOURAD MERZOUKI Respirer« Créer, pour moi, c’est bousculer, en particulierla danse hip-hop, née dans la rue. C’est la fairepénétrer dans d’autres milieux, la confronter àd’autres arts et par là, la confirmer, la continuer, la faire vivre et évoluer. » Répétitions du spectacle Boxe boxe Brasil Acteurs de l’économie - La Tribune 137 (CCN de Créteil et du Val-de-Marne - Cie Käfig - direction Mourad Merzouki)N°134 Février 2017
Respirer MOURAD MERZOUKIcarnaval de Rio, lance en 1996, faisant JEUNESSE « Je souhaitedéfiler dans les rues de Lyon des milliers D’ailleurs, c’est à Lyon que sa compagnie a continuer à toucherde danseurs amateurs et professionnels. fêté ses 20 ans, à la Maison de la danse, à la tous les publics,Aimant faire se rencontrer le populaire fin de l’année 2016. Pour l’occasion, Mou- à les faire venir,et l’exigence, aimant aider et faire décou- rad Merzouki, qui assume un rôle de codi- à aller les voir, à allervrir les jeunes générations de créateur, le rection artistique du défilé de la Biennale voir l’autre, à lui parlerdirecteur remarque vite le jeune Mourad de la danse au côté de Dominique Hervieu à ma façon, à créerqui s’est lancé dans l’aventure, s’attachant (directrice de la structure), a réuni dans le un contact,à faire dialoguer le hip-hop avec d’autres spectacle chorégraphique Cartes blanches, à créer du bien »langages chorégraphiques. En 1989, avec plusieurs danseurs ayant traversé la vie deKader Attou, un autre jeune chorégraphe la compagnie, de ses débuts à aujourd’hui. N°134 Février 2017lyonnais, il crée la compagnie Accrorap et « Un lieu de retrouvailles amicales et com-connaît, cinq ans plus tard, son premier plices, présente-t-il. Vingt ans dansés parsuccès, avec la présentation de sa création ceux qui ont été témoins et acteurs de cetteAthina à la Biennale de la danse de Lyon. épopée. » Pas moins de huit représentationsUn spectacle remarqué par le public et les chaudement réceptionnées et complétéesprofessionnels, tout comme Käfig, qui voit le mois suivant, par la recréation de Boxele jour en 1996 aux Rencontres urbaines Boxe Brasil à Bron. Chorégraphe, Mouradde la Villette, à Paris. Merzouki multiplie aussi les activités etLe ton est donné : le hip-hop étend son vient de prendre la direction du centreterritoire d’expression. D’autres créations Albert-Camus, sans quitter pour autantsuivent, en particulier le spectacle Käfig, Créteil. Un espace qui aime visiblementlequel va susciter celui de la compagnie jouer avec le chiffre six : ouvert en 1986,que Mourad Merzouki fonde en 1996 et devenu salle régionale en 2006 et qui aavec laquelle il expérimente et développe nommé son nouveau directeur en 2016 !son propre univers artistique. Les succès Un lieu dédié à la danse hip-hop, implantés’enchaînent, qui amènent le chorégraphe au cœur du quartier Parilly, dont les mis-au poste de directeur du Centre choré- sions sont d’accueillir des compagnies engraphique national de Créteil et du Val- résidence, de proposer des ateliers d’ini-de-Marne en 2009, avec mise en place du tiation ou de perfectionnement à la dansefestival Kalypso en 2013. « Mais sans cou- hip-hop et d’organiser chaque année leper le lien avec ma ville. Je peux œuvrer en festival Karavel, lequel constitue un tempsFrance et dans le monde entier, mais je reste fort de rencontres et de découvertes autourtrès attaché à Lyon et ses environs. Elle reste la de la discipline. Un lieu accordant une partville qui m’a vu naître. » importante à la formation, avec ses deux studios de danse, se voulant une passerelle138 Acteurs de l’économie - La Tribune entre l’art et la culture, entre les artistes, les amateurs et les habitants. Dans l’op- tique de donner un second souffle, faire mieux connaître et impulser une nouvelle vie, une nouvelle dynamique au centre Albert-Camus, établissement public en régie autonome personnalisée, financé en grande partie par la ville de Bron. « Je sou- haite continuer à toucher tous les publics, à les faire venir, à aller les voir, à aller voir l’autre, à lui parler à ma façon, à créer un contact, à créer du bien. » Élargissant ses activités, Mourad Merzouki va donc s’y employer, élaborant sa première saison de spectacles pour l’année 2017-2018. « Programmer, c’est pour moi accueillir les artistes avec ma sensi- bilité, faire communiquer et mieux connaître les arts, comme la danse et le théâtre. Donc les artistes, comme les danseurs et les comé- diens. » Autre défi de taille que l’artiste souhaite relever : celui de sensibiliser les jeunes artistes. « Dans mon domaine, ils sont nombreux. Je veux donc les écouter, les aider, les accompagner, les faire connaître. Ils sont là et n’attendent que cela ! »
MOURAD MERZOUKI Respirer +33 (0)4 28 38 12 13 | museedesconfluences.fr/privatiser Le soleil HILARY DYMOND sur la place EXPOSITION DU JEUDI 30 MARS AU SAMEDI 6 MAI 2017 Galerie Le soleil sur la place I Galerie Franck Lassagne 4 rue Antoine de Saint-Exupéry I 69002 Lyon Franck Lassagne Tél. 04 78 42 56 65 I Mobile 06 84 36 06 67 du mardi au samedi de 11h à 13h et de 14h30 à 19hN°134 Février 2017 sur rendez-vous I www.lesoleilsurlaplace.com Acteurs de l’économie - La Tribune 139
Respirer RUBRIQUE DE NOMCharles-Olivier CoutyAU NOM DU PÈREPORTRAIT, MAÏTÉ DARNAULT/WE REPORTPHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADEDeux années de travail acharné auront été nécessaires pour faire éclore le projet d’une vie.Le 17 mars sera inauguré, à Saint-Rambert, face à l’île Barbe, dans le 9e arrondissementde Lyon, le musée tout entier dédié à l’œuvre du peintre Jean Couty, étendard de l’écolelyonnaise, disparu en 1991. Un musée porté par son fils, Charles-Olivier, autodidacte,tenace et patient. Un projet mûrement réfléchi. L’œuvre d’une vie.Jean Couty a fait le tour du monde en peignant. Son fils, RADIO lui, a fait un tour du monde des musées. Pour peaufiner le Le voilà, son don : les chiffres. « C’est quelqu’un qui calcule très projet d’une vie : la création d’un musée, justement, dédié vite », confirme Laurent Chabbat, avec qui il a créé Tonic Radio à à l’œuvre paternelle. « Mon père pensait que chacun avait un Lyon et la régie publicitaire du groupe Espace. « C’est un acharné don et que lui avait eu la chance de découvrir le sien », raconte de travail, mais c’est d’abord un passionné : la radio, ce n’est pas unCharles-Olivier Couty, en parcourant l’espace qui sera inauguré métier comme les autres, souligne son associé. Quand il aime, quandle 17 mars prochain et ouvert au public le lendemain. La pre- il veut, il va jusqu’au bout. Et si le dossier ne l’intéresse pas, il n’y vamière salle, conçue comme une introduction générale, réunit de pas. Il a besoin d’une étincelle. »grandes toiles témoignant des multiples voyages de l’artiste, de L’humilité de l’autodidacte – « Oui, je me suis cherché avant de ren-son appétit de mettre en couleurs le quotidien, qu’il s’agisse de contrer, par hasard, l’univers de la radio », commente Charles-Oli-scènes de guerre ou d’ouvriers au travail, des manifestations de vier Couty –, la ténacité, la patience – « l’argent se fait sur laMai 68 ou d’instantanés domestiques croqués dans les années durée », dit-il – seraient peut-être restées vaines sans le réseau,1930. Un talent reconnu du vivant de Jean Couty, qui obtint fidèle, qu’il a su tricoter au fil des années. Chez Couty, l’étincellenotamment, en 1950, le Grand Prix de la critique de Paris, deve- est bien humaine, pour transformer un bilan comptable raison-nant ainsi l’un des étendards de l’école lyonnaise. nable en aventure entrepreneuriale hors normes. C’est aussi celaÀ l’étage, les œuvres sont déroulées par thématique : les églises que raconte l’histoire du musée nouveau-né. « Depuis le décès deromanes (avant de se révéler au pinceau, Couty fut formé à l’ar- son papa, le projet a mûri doucement. C’est resté durant des annéeschitecture), les chantiers (celui du métro de Lyon lui valut le dans un coin de sa tête. La « première priorité » était de trouver unGrand Prix des peintres témoins de leur temps, en 1975), sa ville lieu cohérent », raconte son épouse, Myriam Couty, directricenatale – cette capitale des Gaules berceau puis port d’attache, qui artistique des collections. En 2015, l’opportunité se présente. Lelui consacra une grande rétrospective quelques mois avant son domaine mitoyen de la maison familiale, à Saint-Rambert, facedécès, en 1991. Enfin, une alcôve reconstitue l’atelier du créateur, à l’île Barbe, dans le 9e arrondissement de Lyon, est à vendre.où trône une palette épaissie de quelques années de pigments. Charles-Olivier Couty y installe les bureaux de ses sociétés. LeEn tout, 180 toiles, dessins, pièces d’archives. Au gré de la visite, bâtiment du fond deviendra le musée.des citations de Jean Couty ornent les murs. L’une d’elles dit :« La peinture a trois règles : l’humilité du premier regard, l’impassibi- « Mon père pensait que chacunlité qui mène à l’absolu et la force. » S’il n’est jamais venu à l’esprit avait un don et que lui avait eude Charles-Olivier Couty de s’installer devant un chevalet, ces la chance de découvrir le sien »valeurs se retrouvent pourtant en filigrane lorsqu’on le ques-tionne sur sa démarche. Quel est son don à lui, qui fêtera cette « Acquérir cette propriété, c’est la continuité d’un bon voisinage, retraceannée ses 50 ans, tandis que seront célébrés les 110 ans de la l’homme d’affaires. Cela faisait plus d’un siècle que nos deux famillesnaissance de son père ? L’intéressé botte en touche. On sollicite se côtoyaient. » Une heureuse coïncidence pour la ville de Lyonles contacts de proches, pour compléter son portrait façon kaléi- qui avait déjà prévu, dans le cadre du projet de réhabilitationdoscope. Charles-Olivier Couty se met alors à réciter par cœurune dizaine de numéros de téléphone. On reste coi, à l’heure oùle smartphone a annihilé toute mémoire en matière de répertoire.140 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
N°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 141
Respirer CHARLES-OLIVIER COUTY 2 1 1Situé à Saint-Rambert, dans le 9e arrondissement 3 de Lyon, le musée a été financé entièrement sur les fonds privés de Charles-Olivier Couty. 2Le musée expose 180 toiles, dessins, et pièces d’archives de l’artiste Lyonnais. 3Jean Couty a été l’un des étendards de l’école lyonnaise. © DRdes quais de Saône, l’arrivée cette année du vaporetto dans ce effectués ces 20 dernières années auprès de collectionneurs parquartier excentré – afin que la ligne du bus 31 ne soit plus le seul Simone Couty, la femme de l’artiste, puis par son fils. « Depuismoyen de l’atteindre et que la navette fluviale se mue définitive- que j’ai rencontré Charles-Olivier, en 1993, j’ai toujours entendu parlerment en croisière de charme. de ce projet, confie Myriam Couty. Du vivant du peintre, Simone aUne aubaine que salue Hubert Julien-Laferrière, maire de l’arron- également mis des pièces de côté, en disant : « Celle-ci, c’est une grandedissement : « Je remercie Charles-Olivier Couty car il offre à la ville toile ». Aujourd’hui, elle est très émue que cet hommage aboutisse. »un nouveau lieu important pour les arts plastiques. Son père est une En bon commercial, Charles-Olivier Couty s’est livré à unefigure lyonnaise, et d’abord du 9e, un quartier très industriel jusqu’à la « petite » étude de marché. Une fois l’endroit acquis, il a visitécrise des années 1970 : c’est sa peinture qui a notamment fait découvrir durant deux ans, attentivement, une trentaine de grands muséesl’île Barbe, la gare d’eau de Vaise. Jean Couty a par ailleurs beaucoup à travers le monde. « Puis j’ai fait une synthèse des idées que je trou-valorisé le Lyon nocturne, avant même le plan Lumière. » vais bonnes », dit-il. Afin d’alimenter la boutique en trouvailles (comme ces albums de coloriage proposant un tour de Lyon ouTAILLE CRITIQUE un tour du monde vus par Jean Couty), mais surtout de se faire« J’ai un avantage : le projet plaît à tout le monde », souligne une idée de la taille critique de l’équipe nécessaire : « Il n’était pasCharles-Olivier Couty. En particulier aux différentes collectivités utile d’imaginer une mégastructure de 25 personnes, explique-t-il.territoriales qui se félicitent de la mise en valeur de ce pan du Mon modèle économique se rapproche de celui du musée Paul Dinipatrimoine local… sans avoir eu à débourser un sou. « Tout est à Villefranche-sur-Saône ou du musée du Vieux Saint-Étienne, quipayé, l’achat du bâtiment, la rénovation, le fonds d’œuvres, les produits comptent une dizaine d’employés. Chez nous, nous commencerons avecdérivés... On part avec zéro dette et tout ce qui va rentrer sera pour le une équipe de quatre à cinq salariés. »musée », détaille l’entrepreneur. Et quand on avance un chiffrede la mise de départ (trois millions d’euros ?) ou une estimation AMBITION ARTISTIQUEdu contenu de ses réserves (plusieurs centaines d’œuvres ?), il Les recettes seront constituées des entrées, de la vente des pro-répond avec le même sourire hilare qui plisse son regard au point duits dérivés, des différents projets éditoriaux (livres, bande-de faire disparaître un instant les prunelles claires. « Il y a du dessinée) et du fruit du mécénat – des entreprises locales ettravail... », lâche-t-il, sans rien confirmer. Puis ajoute : « Au niveau nationales sont sur les rangs, précise Charles-Olivier Couty. Pasdes toiles, j’ai quelques années d’avance pour faire en sorte que les gens question de solliciter la manne publique : « Le musée doit s’assu-ne soient pas lassés. » Près d’un quart du fonds vient de rachats mer tout seul. Ce que je demande aux collectivités, c’est simplement142 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
CHARLES-OLIVIER COUTY Respirerde faire venir le public. » Pour cela, il est évidemment en contact « Quand il aime, quandavec l’office de tourisme : le lieu est déjà inclus dans la Lyon City il veut, il va jusqu’au bout.Card et référencé par les tour-opérateurs. « Les coûts fixes s’élèvent Et si le dossier ne l’intéresseà moins de 10 000 euros par mois, calcule-t-il. Partant sur l’objectif de pas, il n’y va pas. Il a besoin20 000 entrées par an, à six euros, cela fait déjà 120 000 euros, pour d’une étincelle »un chiffre d’affaires de 150 000 à 200 000 euros. » Autre source derevenus qu’il souhaite privilégier : l’événementiel. Pour cela, il a vous faire un éloge : Charles-Olivier est un grand monsieur. C’est difficileveillé à faire installer, au rez-de-chaussée des locaux, une salle de de passer derrière un papa illustre, mais le fils l’est aussi à sa manière. »séminaire de 180 places assises, équipée d’une estrade, de cloi- Philippe Blum, l’ami de jeunesse qui n’est ni du sérail affairiste nisons modulables et de vidéoprojecteurs. Le planning devrait sans de la sphère culturelle, avec qui Charles-Olivier Couty a bourlin-doute rapidement se remplir, compte tenu des nombreux ponts gué à la fin des années 1980, le dit ainsi : « Il a cette faculté de voiret amitiés dont dispose, dans les milieux économiques, l’entre- plus loin. » Une question de perspective, comme en peinture.preneur. Pour autant, Charles-Olivier Couty n’oublie pas que lesuccès du musée se fera d’abord sur son ambition artistique. Sila première année sera entièrement dédiée à son père, il pensedéjà aux futures expositions temporaires : « On peut imaginer desallers-retours avec d’autres créateurs, sur des thématiques comme desvilles du monde ou les natures mortes, en confiant le commissariatd’exposition à des artistes renommés ou débutants, des collectionneurs,des historiens ou des critiques d’art », détaille-t-il. Cycle de confé-rences et ateliers pour enfants font aussi partie des options qu’ilsouhaiterait tester, afin que l’animation nourrisse la fréquentation– et vice-versa.« Perfectionnistes l’un comme l’autre », les époux Couty se disent« soulagés » de l’aboutissement de « deux années de travail acharné,pour ne rien laisser au hasard, pour que tout soit parfait ». Et MyriamCouty de préciser : « Moi, je suis plus dans l’ombre. Forcément, je vaisN°113940x1F1é9v,r5i_eAr c2te0u1r7de l'économie.indd 1 Acteurs de l’économi1e9-/12L/a20T1r6ibu17n:e20:12403
Respirer RUBRIQUE DE NOMUN DOMAINE ARDÉCHOISAUX ACCENTS BOURGUIGNONSREPORTAGE, DOMINIQUE-MYRIAM DORNIERPHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADEEn 2011, Olivier Leriche Dans le film Les sous-doués passent le bac, des itinéraires sécurisés vers la montagne et lesa pris le risque de quitter l’acteur Michel Galabru, en commis- Cévennes voisines. Permettant aux proscrits deun confortable statut de saire de police mis à mal par des col- parvenir parfois jusqu’en Suisse, terre de refugedirecteur technique au sein légiens trublions, provoquait l’hilarité de ces parpaillots, honnis par le roi et l’églisedu prestigieux domaine de par sa menace de demander sa muta- catholique. Les Ardéchois, comme les Bretonsl’Arlot, en Bourgogne, pour tion en Ardèche ; ce qui équivalait à un défai- ou les Irlandais, ont affermi leur identité dansacquérir une vingtaine tisme absolu, une forme de suicide professionnel. l’adversité : « C’est une région excentrée, qui ad’hectares de vignes en Voilà qui n’a pas du tout été le cas de Florence souffert. Ici, nous avons découvert l’importance duArdèche du Sud et s’y installer et Olivier Leriche. Privas et Saint-Marcel- « consommer local », même si c’est plus cher, sou-avec son épouse et ses trois d’Ardèche sont en effet devenus leurs points ligne Olivier Leriche. S’ils achètent un poulet, ilsenfants. Outre un coup de d’ancrage, alors que la famille, quittant sa n’ont pas envie qu’il provienne ne serait-ce que defoudre pour la région, c’est un Bourgogne, venait auparavant y passer des étés la Drôme ! » C’est aussi une région où la famillefort désir de liberté, mais aussi ensoleillés. Sur les hauteurs de Privas, ils ont Leriche a été très bien accueillie. À les écou-la certitude de pouvoir y faire restauré une vieille bâtisse accessible au terme ter, on imagine qu’ils célèbrent chaque saisondu très bon vin, qui ont d’étroits lacets, où il est impossible de se croiser avec jubilation, faisant corps avec les vignes quimotivé, à 40 ans, le couple en voiture : la patience est une vertu nécessaire arborent des couleurs et une lumière propres àà se lancer dans l’aventure. quand on fait du vin ! Ici, elle commence sur la chaque moment sous le ciel. Seuls les vignerons route, avec une pointe de connivence courtoise, ritualisent ainsi le temps : ils fêtent la paulée,Cave du domaine des Accoles un savoir-vivre local, entre ceux qui montent qui marque la fin des vendanges, puis en jan-Le Logis du roi et ceux qui descendent du hameau. La maison vier la Saint-Vincent, juste à l’entrée du soleilPrivas (Ardèche) est encastrée dans le paysage typique de ter- dans le signe du verseau, qui semble marquer22 hectares rasses en pierres sèches, les fameuses accoles un moment décisif en cave. Et ces « rituels »,Rouge, blanc, rosé (en occitan) ou faïsses, et toutes les habitations qui célèbrent un temps précis dans la phaseAppellations : vins de France et vins des sont posées ici presque à flanc de montagne. La d’élaboration du vin, apportent une nourriturecoteaux de l’Ardèche demeure abrite en partie la mémoire tragique de considérable au corps et à l’esprit, pacifiantDomaine en biodynamie. la ville : en 1629, ce fief irréductible du protes- les âmes inquiètes, replaçant l’être humain en tantisme fut entièrement rasé par Louis XIII en douceur dans une action qui a du sens, par des144 Acteurs de l’économie - La Tribune personne, accompagné de Richelieu, marquant gestes au bon moment et au bon endroit. En ainsi la volonté politique d’une royauté abso- hiver, le vin se transmute dans les entrailles lue. Et les habitants y ont parfois récupéré des des contenants. En biodynamie, il le fait sans pierres pour construire leurs maisons, comme ajout aucun, juste avec ses propres levures : il en témoigne cette fenêtre d’église dans la mai- se geste lui-même, rendant le mystère encore son du couple. Les chemins muletiers traçaient plus profond. N°134 Février 2017
VIN RespirerSTAGES ce patrimoine fabuleux. Au domaine de l’Arlot, belle propriété du 18e siècle qui s’étend surOlivier Leriche n’est pas issu du milieu viti- le jeune stagiaire ne s’était pas senti infériorisé, trois hectares de parcs et jardins, se composecole, mais son arbre généalogique révèle un mais partenaire reconnu et valorisé. Ensuite, d’un labyrinthe de buis, d’un jardin roman-aïeul proche dans le Beaujolais, comme la trace en Ardèche, la biodynamie s’est imposée tout tique et de chambres d’hôtes. Mais quand Axad’une intention, d’une énergie qui traverse naturellement au domaine des Accoles. Millésimes a évolué, les Leriche sont partis :les générations. Cet ingénieur des techniques « Les historiques ont pris leur retraite, le groupeagricoles, originaire de la région lyonnaise, CONFIANCE a racheté les parts de Jean-Pierre de Smet, et sura fait ses études à Bordeaux pour se former Dans le Bordelais, Olivier Leriche avait pu tous les domaines acquis par la suite, Axa estensuite à Dijon en tant qu’œnologue. Il s’est aussi constater à quel point la plupart des devenue intégralement propriétaire, du foncier etpris de passion pour le vin, au cours de ses domaines viticoles ressemblent à des surfaces des sociétés d’exploitation. À présent, la menta-stages successifs dans ces deux régions viti- domestiquées au pied des châteaux : lité consiste, avant même d’évoquer les vins, à secoles de référence, et dans des domaines pres- « Soit la vigne s’apparente à un champ : on pul- demander comment faire le maximum d’argent »,tigieux : « J’ai découvert la Bourgogne en passant vérise, on traite, on désherbe, on laboure après déplore le vigneron.ce diplôme, mais je savais que je ne trouverais pas le désherbant. Et ça sent mauvais, il n’y a pas dede travail dans cette région ! Les prix du foncier vie, pas de vibration. Soit, on passe en biodyna- VOCABLE ÉTRANGEsont prohibitifs. Les derniers à avoir acquis des mie, et au bout de quelques années, on ressent le La particularité du domaine des Accoles est sadomaines en Bourgogne sont François Pinault et milieu vivant », souligne-t-il avec conviction. cuverie, installée à Privas dans une ancienneBernard Arnault. Certains vignerons deviennent Mais le changement de cap implique des usine de moulinage, située à une heure duriches d’un seul coup. Par contre, ceux qui veulent risques financiers, un investissement à long vignoble, exigeant une organisation drastique,transmettre à leurs enfants éprouvent des diffi- terme et surtout, exige de se resituer différem- comme le transport en camion frigorifique decultés. » Il passera cependant 13 années à la ment dans l’entité nature. Faire confiance à la vendange. Mais elle est devenue trop petitedirection technique du domaine de l’Arlot, à l’invisible, à ce qui ne se voit pas, accompa- et des acquisitions sont en vue, avec l’aide dePrémeaux-Prissey (Côte-d’Or), après y avoir gner plutôt que contraindre, se brancher sur la communauté de communes. Le tout jeuneété stagiaire. Une propriété idyllique pour le le ciel, les constellations, qui ont évidemment domaine s’est enrichi de quelques hectaresvigneron qui débutait, tant sur le plan de la un impact reconnu depuis la nuit des temps, confiés, mais pas vendus, par une vieille damebeauté du lieu que de la conduite rapide du sur les cycles de la végétation ! Observer et qui ne supportait pas de voir ses terres aban-domaine en biodynamie. L’amitié entre Claude comprendre l’incroyable cohérence des éco- données : des vignes très anciennes, parfois deBébéar, fondateur du groupe Axa, et Jean- systèmes, bref ouvrir les yeux, se pencher, plus de 60 ans. Un potentiel extraordinaire,Pierre de Smet, qui possédaient des parts se sentir partie du tout. Mais surtout cas- avec une douzaine de cépages rares, dontégales, avait scellé son acquisition en 1987, ser cet anthropocentrisme tout-puissant qui certains au vocable étrange : couston, auben,et des moyens financiers importants permet- trouve sans cesse des justifications pour ne bourboulenc, cinsault, aramon, clairettetaient l’expérimentation. « Jean-Pierre défendait rien changer, ce fatalisme paresseux et de bon blanche, grenache gris, pour ne citer qu’eux.son bilan tous les ans, et comme le domaine ne aloi qui est majoritaire dans le genre humain, Un terroir argilo-calcaire pour ces neuf cuvéesperdait pas d’argent, ça se passait bien. Il possédait comme aujourd’hui, lorsqu’il est constaté des de rouge et de blanc. Pour les rouge, des vinsun caractère fort, mais pouvait faire ses entretiens disparitions inquiétantes et qu’il y a péril en puissants, élégants, aux tanins veloutés, maisd’embauche pieds nus ! » Ce vinificateur perfec- la demeure. Voilà un travail presque intérieur aussi très fins, éthérés, pas du tout terriens,tionniste a marqué Olivier Leriche, lui léguant que mènent en premier lieu les vignerons cou- avec des notes intenses et légères à la fois, dece savoir-faire, cette finesse que l’on trouve de rageux qui s’y engagent. fruits rouges et noirs, de violette, d’épices, unefaçon extraordinaire dans les neuf cuvées du À Saint-Marcel-d’Ardèche, la majorité des complexité aromatique envoûtante. Des vinsdomaine des Accoles. « Le mot biodynamie, je ne vignerons s’inscrit dans cette démarche de longs en bouche, tous subtilement différents,crois pas l’avoir entendu une seule fois pendant mes réflexion sur l’usage des produits phytosani- complètement atypiques. Et de fait, ô étroi-études. Ingénieur œnologue, c’est quand même très taires. Ils mutualisent leurs actions pour la tesse ridicule des critères d’appellation, ilscartésien ! Jean-Pierre de Smet m’a appris à oublier prospection de la flavescence dorée, détectée sont souvent refusés à l’agrément – pas assezce que l’on m’a enseigné à l’école ! C’était un autodi- récemment, par exemple. Cependant, ce sont rustiques –, et se retrouvent donc classés endacte, expert-comptable en Nouvelle-Calédonie, et à peine 8 % des domaines qui sont menés en « vins de France ». C’est un peu Rodin recalé àc’est avec Jacques Seysse, au domaine Dujac lors- bio dans le département. « Avec Le Mas de l’entrée des Beaux-Arts trois fois de suite !qu’il faisait les vendanges, qu’il avait découvert le Libian, nous avons acheté une machine à com- « Nos vins sont pourtant sur les tables étoilées,vin. Puis Alain Graillot, à Crozes-Hermitage, lui a poster pour un travail commun. Si nous avons une et partout dans le monde, mais refusés à l’agré-demandé de venir l’aider. » Olivier Leriche a fait panne de tracteur, on nous propose tout de suite ment », s’étonne à moitié Olivier Leriche. Ledes stages dans des domaines prestigieux du de l’aide, remarque le vigneron, fils d’un éle- domaine des Accoles n’est pas le seul à essuyerBordelais, comme Cheval Blanc, à Saint-Émi- veur de porcs de la région lyonnaise. Le monde pareil refus : cela peut même représenter unlion, où il est resté sept mois, toujours avide du vin est un monde à part, avec de l’amitié, une gage de qualité. Le domaine est tout jeuned’apprendre, tirant le meilleur de chaque expé- communauté, et pas d’isolement, comme il peut y encore, et les vins d’Ardèche ne se vendentrience. Mais sentimentalement, c’est la Bour- en avoir chez les éleveurs. » Florence Leriche, pas comme les vins de Bourgogne, ni commegogne qui s’est imposée : sans doute parce que également ingénieur des techniques agricoles, le gigondas ou le châteauneuf-du-pape, toutles vignerons sont encore un peu des paysans. mais dans la protection des plantes, a rejoint proches, d’où une belle énergie déployée pourIls ont su malgré tout préserver cette intelli- Olivier à l’Arlot. Passionnée de biologie et d’en- se faire connaître bien au-delà des montagnesgence dans l’humilité et ce respect, postures vironnement, elle se destinait à la recherche, ardéchoises, car les deux vignerons saventnon feintes, dans leur relation à la terre. Les mais gère aujourd’hui le domaine au côté de communiquer. Ils ont dans leur génome unplus grands, comme Aubert de Vilaine ou son époux. Au départ, elle s’est occupée de certain nombre d’expériences géographiquesDominique Lafon, sollicités dans le monde l’intendance tout en apprenant « le métier », et un solide réseau d’acheteurs, construit auentier, demeurent profondément au service de par des dégustations d’anthologie dans la gré de leur passé bourguignon.N°134 Février 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 145
Respirer TRIBUNELA FACULTÉ Pas plus que d’autres histoires, celle de l’art ne se reconnaît de pouvoirsD’ANTICIPATION prédictifs. Il y a une raison flagrante à cette prudence. Depuis la secondeDU MONDE, moitié du 19e siècle, le mode de la création a été celui de la rupture et duC’EST DE surgissement. La nécessité vivement ressentie d’en finir avec les méthodes et lesLA CRÉATION canons de l’académisme a été déterminante dans l’irruption de ce que l’on appelleQU’IL FAUT l’impressionnisme à Paris à partir de 1874. Celle de renverser l’expressionnismeL’ATTENDRE abstrait selon Pollock et Rothko anime Rauschenberg, Twombly et Johns à New York au début des années 1950. Pour autant, cette explication simple et rationnelle n’a été formulée qu’a posteriori. Tout en connaissant la mécanique des avant- gardes, aucun critique ou historien n’avait vu venir ce mouvement de contestation. On en dirait autant de l’arte povera en Italie en 1969 ou de la Figuration libre en France en 1981. Le premier attaquait l’empire du pop art, le second celui du minimalisme et du conceptuel. Mais on ne l’a compris qu’après coup. S’il était possible de soupçonner que lassitude et désir de liberté devaient alors pousser de jeunes artistes à s’opposer aux générations précédentes, la forme de cette opposition, l’angle d’attaque, le mode opératoire ne pouvaient être décelés – et donc rien du monde de l’art à venir. Il en va de même aujourd’hui. Une telle faculté d’anticipation, plutôt que l’espérer de l’histoire, c’est de la création qu’il faut l’attendre. Car, ici, les précédents existent. Dès les années 1960, l’artiste argentin Nicolas Irriburu a compris les ravages de la pollution et de la déforestation et les a dénoncés dans des performances qui ne lui ont valu d’abord que peu d’attention. L’hypothèse d’un désastre ravageant la planète se trouve sous-entendue dans le « land-art » de Michael Heizer et de Robert Smithson. Elle est dénoncée plus clairement dans les installations d’Anne et Patrick Poirier qui pronostiquent au même moment la disparition de la civilisation et l’âge de la ruine. Examinées rétrospectivement, leurs œuvres apparaissent comme actuelles, alors qu’elles datent d’il y a un demi-siècle. Elles dessinaient un futur qui res- semble à notre présent.LA NOTION DE CULTURE MONDIALERELÈVE DÉSORMAIS DE L’ÉVIDENCEPhilippe Dagen TOUTES ET TOUSProfesseur d’histoirede l’art contemporain Quelles seraient les œuvres d’aujourd’hui douées d’une capacité d’anticipationà l’université Paris 1 historique ? Une hypothèse : ce sont celles qui manifestent explicitement - etPanthéon-Sorbonne souvent avec ironie - que la notion de culture mondiale relève désormais de l’évi-et critique d’art dence. Mais pas cette culture universelle qui a été, jusqu’à la fin du 20e siècle, la propriété de l’Occident, de ses musées et de ses encyclopédies, se pensant naturellement comme le réceptacle de l’histoire de toutes les civilisations, comme © DR le Metropolitan Museum à New York ou le Louvre à Paris le déclarent par leurs architectures et leurs structures. Depuis deux décennies environ, la culture mon- diale qui nous intéresse, est celle d’artistes des deux sexes, nés le plus souvent en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Chine et qui se saisissent des formes et des techniques apparues en Europe sans se croire obligés de les respecter et de les répéter. Pascale Marthine Tayou où Romuald Hazoumé montrent ainsi dans leurs assemblages que toutes les cultures appar- tiennent désormais à tous sans distinction, que les hiérarchies héritées de l’âge colonial tombent enfin et qu’un monde diffèrent est en train d’apparaître – partout simultanément, et vite. Un monde sans centre et sans périphérie non plus.146 Acteurs de l’économie - La Tribune N°134 Février 2017
Paris Le temps respecte ce qui est construitSaint-Denis avec passionLyon La Part-Dieu Sadena VilleurbanneVilleurbanneEcully 21 Ecully Parc EcullyLyon Gerland Tour IncityPlaine Commune Lyon Part-DieuLyon Est Le 107 Lyon Part-DieuParis Rive GaucheLyon Ouest Urban Garden Lyon GerlandAubervilliers MANAGEMENT DE PROJETS – FINANCEMENT – CORPORATE REAL ESTATELyon Saint-Exupéry 139 rue Vendôme – 69006 LYON Tél. : 04 72 74 69 69Paris La Défense sogelym-dixence.frBoulogneGrenobleLyon Brotteaux
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