LES COMPAGNONS DU DEVOIR EntreprendreLoin du sectarisme ou n’est pas vécu comme une contrainte. « Nous sommesde la religion, comme « Choisir les Compagnons du devoir, c’est loin de l’imaged’aucuns choisir de chercher à demeurer toujours en de bâtisseurs dele pensent encore, progrès. Évidemment, cela exige des efforts, cathédrales queles Compagnons mais après tant d’expériences et de remises l’on nous colle encore.du devoir fondent en question, vous acquérez une confiance et Nos centres deleur action sur une expertise qu’il n’est pas possible d’obte- formation disposenttrois piliers : nir ailleurs. Nous voyons et vivons des choses des équipementsle savoir-faire, tellement incroyables sur le tour que l’on se les plus modernesle savoir-être et dit que tout est possible », analyse Quentin et nos formateursle savoir-vivre qui, à 24 ans, a achevé en juin son temps sont au fait des de devoir en tant que formateur en cou- technologies lescompagnon. Et la récompense à l’heure verture et étanchéité. « S’engager chez les plus en pointe »de trouver un emploi. Le taux de réus- compagnons demande de sortir de la zonesite aux examens est supérieur à 90 % au de confort dans laquelle nous pouvons nous le prévôt. En échange de cet engagementsein de cette institution qui ne calcule trouver à 15 ou 20 ans, lorsque l’on vit chez fort, ils perçoivent une rémunération plusmême pas le nombre de compagnons ses parents, concède Jean, en première importante que la plupart des appren-sans emploi. « Les études que nous réali- année de CAP charpente après avoir tis. Ici, tous les apprentis sont rémuné-sons montrent que cinq années après avoir décroché un DUT. Néanmoins la qualité de rés à 50 % du Smic dès le premier mois,obtenu leur diplôme, ceux qui ne se sont pas la formation, les expériences en entreprises même s’ils sont mineurs. Dans leur tourengagés sur un tour de France sont toujours et surtout l’état d’esprit sont extrêmement de France, les jeunes gagnent a minimaen poste dans leur métier », précise le direc- enrichissants. » À 25 ans, le jeune homme 100 % du Smic. La vie à la maison, finan-teur. Si, jadis, le parcours professionnel caresse l’objectif de fonder son entreprise cée en partie par une participation dedes compagnons se faisait très souvent dès la fin de son parcours chez les com- chaque résident de l’ordre de 600 eurosdans l’artisanat, ils sont, aujourd’hui, de pagnons. Au-delà du rythme de travail, par mois, est un espace de retrouvailles,plus en plus convoités par les entreprises il faut aussi s’acclimater à la vie au sein où résidents permanents côtoient appren-et surtout les grands groupes. de la communauté. Là non plus aucune tis et itinérants d’autres villes en stagesEXIGENCE ET ENGAGEMENT obligation, mais rares sont ceux qui choi- de formation. Elle est donc ponctuée de« Chez nous, le métier est une passion. En sissent de s’en affranchir. rituels, comme l’adoption pour les nou-choisissant les Compagnons du devoir, nous veaux arrivants ou la réception pour lessavons que nous allons non seulement suivre RIGUEUR ET VALEURS partants. Des étapes durant lesquelles lesdes cours en journée et travailler en alter- La vie du collectif s’incarne dans les mai- liens se tissent et ne se défont jamais.nance dans une entreprise durant certaines sons. Installées en général à deux paspériodes, mais aussi le soir entre 20 h et des centres de formation, elles hébergent Acteurs de l’économie - La Tribune 5122 h, et bénéficier de sessions de perfection- les compagnons en devenir. Leur voca-nement. Le rythme est soutenu, d’autant tion est d’abord pratique. « Notre objectifqu’il se poursuit sur le tour de France, où ces est de faire en sorte que les jeunes puissentheures de perfectionnement nous permettent être logés à moins de trente minutes de leurde parfaire notre chef-d’œuvre », égraine lieu de formation et de travail. Dès 1943,Jean-Baptiste Soissons, prévôt du centre nous avons construit ces maisons qui pro-de formation de Lyon-Vaise, une fonc- posent le gîte et le couvert et facilitent lation toujours dévolue à un compagnon et mobilité de nos jeunes », explique le délé-assimilable à celle d’animateur. Pourtant, gué régional. Mais ces « maisons » sontpour les compagnons, l’emploi du temps surtout là pour abriter et transmettre les valeurs des Compagnons du devoir.N°137 Octobre 2017 « L’idée de pouvoir faire un tour de France tout en étant encore raccroché à quelque chose au sein d’une maison a été décisive dans mon choix », reconnaît Hugo, 17 ans, actuellement en deuxième année de CAP couverture et étanchéité. Loin du sectarisme ou de la religion, comme d’aucuns le pensent encore, les Compa- gnons du devoir fondent leur action sur trois piliers : le savoir-faire, le savoir-être et le savoir-vivre. « Les jeunes viennent chez nous aussi pour vivre l’expérience compagnon, c’est-à-dire le partage et la vie en communauté dans le respect de valeurs comme le travail bien fait, le goût de l’effort, la passion du métier, mais aussi simplement la ponctualité et l’assiduité. Nous avons d’ail- leurs de plus en plus de jeunes en manque de repères que nous accompagnons vers ces règles simples, mais essentielles », explique
1Entreprendre LES COMPAGNONS DU DEVOIR234 1 Jean-Paul Decressac, délégué régional 5 Auvergne-Rhône-Alpes des Compagnons du devoir. 2 Florian, formateur en charpente et Jean en première année de CAP charpente. 3 Jean-Baptiste Soissons, prévôt du centre de formation de Lyon-Vaise. 4 Pour obtenir le titre de compagnon, chaque apprenti doit réaliser son chef-d’œuvre. Une pièce, réputée parfaite, censée montrer tout l’éventail de son savoir-faire. 5 Hugo prépare unCAP couverture et étanchéité.52 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
LES COMPAGNONS DU DEVOIR EntreprendreFIDÉLITÉ ET TRANSMISSION « Choisir les leurs aînés, tout en conservant une cer-Chaque compagnon se donne en effet Compagnons du taine proximité liée à l’âge. Signe de lapour devoir de transmettre son savoir- devoir, c’est choisir confiance témoignée au sein de l’institu-faire et son savoir-être à ses pairs tout au de chercher à être tion, l’engagement des nouveaux compa-long de sa vie. C’est ainsi que nombre de toujours en progrès » gnons dans la transmission des savoirscompagnons en poste ou à la tête d’une est aussi un moyen de ne jamais perdreentreprise animent les cours du soir dans l’aide ou l’expertise d’un compagnon ou d’un pied avec les exigences et la technicité dules centres de formation et accueillent membre de la direction, en selon le problème monde du travail. « Nous sommes loin deles jeunes dans leurs entreprises, consti- auquel ils sont confrontés », souligne le l’image de bâtisseurs de cathédrales que l’ontuant de fait l’un des réseaux les plus délégué régional. « Les différentes expé- nous colle encore. Aujourd’hui, nos centres deimportants – près de 10 000 hommes riences acquises durant le tour de France formation disposent des équipements les pluset femmes. Un des plus efficaces au me permettent d’avoir assez de bagage pour modernes et nos formateurs sont au fait desmonde. Ces valeurs et ce réseau consti- former les jeunes, mais je leur donne ce que technologies les plus en pointe », fait valoirtuent un substrat sur lequel les jeunes je peux leur donner. Si je ne sais pas, je le Jean-Paul Decressac. Ainsi, pour main-peuvent s’enraciner et bâtir leur avenir. leur dis et nous cherchons ensemble ou avec tenir ces conditions au meilleur niveau,« Notre organisation est construite pour l’aide d’un autre compagnon. L’objectif est de les Compagnons du devoir de la régionaccompagner les jeunes et leur permettre de progresser et d’avancer ensemble », abonde Auvergne-Rhône-Alpes disposent d’unprendre confiance en eux », résume Jean- Florian. Un exemple pour les plus jeunes budget d’environ sept millions d’euros,Paul Decressac. La vie dans les maisons qui portent un regard respectueux sur principalement issus des fonds liés àcomme au sein des centres de formation l’apprentissage et à la formation par laest donc organisée pour que les jeunes professionnalisation, apportés par l’Orga-soient très vite autonomes et responsables nisme paritaire collecteur agréé (OPCA).pour progresser vers des fonctions clés, « Nous sommes également collecteurs de lajusqu’à celle de formateur ou de prévôt taxe d’apprentissage », précise le déléguédurant les trois années de devoir qui régional qui consacre quelque 100 000achèvent le parcours. « Les prévôts comme euros par an à l’investissement dans l’ou-les formateurs sont de jeunes compagnons til pédagogique de ses centres de forma-à qui l’on confie d’importantes responsabi- tion. L’exigence, ADN des compagnons,lités. Pour autant, ils ne sont jamais seuls se retrouve aussi dans leur environne-puisqu’ils peuvent, à tout moment, solliciter ment de travail et d’apprentissage. LA BLOCKCHAIN : BIG-BANG DE LA RELATION CONTRACTUELLE L’algorithme et le big-data engendrent des bouleversements considérables sur la relation contractuelle, le droit et, par conséquent, l’avenir immédiat des professions juridiques et judiciaires. Le 05 octobre 2017, l’Institut de Droit et d’Économie des Affaires organise un premier colloque intitulé « Blockchain : big-bang de la relation contractuelle ». Il sera suivi en 2018 d’un second colloque relatif à la Justice prédictive. La blockchain nous oblige à penser différemment le contrat, avec l’apparition des smarts-contrats, le transfert des titres de propriété, l’élaboration des cadastres par exemple. La désintermédiation que permet la blockchain remet en cause l’exercice professionnel et peut-être même l’existence des professions telles que les notaires, huissiers, greffiers, avocats, assureurs et banquiers. Il n’est pas une profession, un secteur économique, qui ne réfléchisse pas, dès aujourd’hui, aux conséquences de la blockchain sur son modèle économique. @Droit_Lyon3 CONTACT ÉQUIPE DE RECHERCHE LOUIS JOSSERANDN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 53
Entreprendre CHRONIQUESPME et PMI : ANTICIPER SES FUTURS CONTRATS D’ÉNERGIEMichel Curtil l’annonce d’une enquête de l’Autorité de sûreté nucléaire meilleur moment d’achat, mais aussi sur les évolutionsDirecteur régional Entreprises, sur les cuves des réacteurs a fait bondir les prix de l’élec- réglementaires et leurs impacts sur vos futures factures.Engie Auvergne Rhône-Alpes PACA tricité de plusieurs dizaines d’euros par MWh en décembre - Se fixer un prix cible d’achat. Une simple règle de trois 2016. Que l’annonce d’un risque de conflit des pays pro- peut suffire pour des contrats qui s’étalent du 1er janvier auSi vos factures d’énergie, électricité + gaz, ducteurs de gaz ou de pétrole peut faire augmenter rapi- 31 décembre. dépassent les 100 000 euros annuels, cet dement, de 20 % le prix de la molécule. Afin de « profiter » - Retenir le fournisseur dont le commercial vous paraîtra le article vous concerne. Que le marché soit de cette volatilité pour acheter vos énergies, il ne faut plus compétent, et lui communiquer le prix cible à atteindre mondial comme pour le gaz naturel ou national donc pas attendre le dernier moment pour anticiper les pour les futures échéances de contrats ainsi que la période comme pour l’électricité, ces deux produits de futurs contrats, ce qui conduira à réaliser un achat com- à durée déterminée pour atteindre cet objectif.première nécessité pour vos entreprises connaissent une pétitif. Anticiper vos futurs achats est la première condition - Lui demander de s’engager sur les services qu’il pourraextrême volatilité des prix sur les marchés de gros. D’un pour réaliser un achat compétitif apporter pendant toute la vie du contrat : capacité à fairejour sur l’autre, la volatilité peut-être de plusieurs euros une seule facture pour un groupe de sites, alertes en cassur une période de quelques semaines. C’est ainsi que Une démarche réfléchie de surconsommations ou dépassement de puissance, suivi La mise en concurrence un jour donné n’est en rien la en live sur le web de vos demandes auprès des gestion- garantie d’un achat compétitif. Pourquoi ? Car les diffé- naires de réseau, etc. rences de prix entre fournisseurs ne sont que de quelques - Prévoir les surcoûts pour acheter de l’électricité verte ou centimes par MWh alors que les cours de l’énergie peuvent du gaz naturel dont les émissions de CO² seront compen- varier de plusieurs euros en quelques jours. sées et ainsi rendre vos sites « neutral carbone ». Évidemment, la mise en concurrence rassurera votre ser- En suivant ces cinq étapes, vous achèterez vos énergies vice achats qui choisira souvent le moins-disant, mais la pour 2019, 2020 ou 2021 comme les grands consom- réelle compétitivité de cet achat ne dépendra que de la mateurs énergivores. Vous anticiperez, fixerez vous-même volatilité positive ou négative de la période. Alors, quelle le prix d’achat réaliste qui vous fera profiter des prix les plus solution adopter ? Cinq étapes sont incontournables pour bas issus de la volatilité des marchés de l’énergie. De plus, faire vos choix : vous imposerez les services qui vous sont nécessaires et - Rencontrer des fournisseurs disposant de commerciaux les dépenses que vous êtes prêts à consacrer en faveur de de proximité et tester leur capacité de conseils sur le l’environnement et des énergies renouvelables.REPORT DU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCEComment en profiter ?Le projet de loi d’habilitation du 29 juin 2017 autorise le gouvernement à prendre toute Claude Portal-Bieliczky à supporter l’impôt. Désormais, il faut considérer que tous © DR mesure permettant de décaler d’un an, au 1er Ingénieur patrimonial Banque les revenus de l’année 2017 seront fiscalisés, le CIMR janvier 2019, l’entrée en vigueur du prélève- Populaire Auvergne Rhône Alpes devant théoriquement effacer l’impôt sur les revenus non ment à la source. Simple report ou remise en exceptionnels 2018. Une bonne nouvelle pour ceux qui question ? Le gouvernement prend soin de rappeler être payés en 2017 ; les impôts liés aux revenus non vont prendre leur retraite en 2019 et qui ne paieront donc que le prélèvement à la source constitue un progrès en exceptionnels de l’année 2017 devaient être effacés ; les jamais l’impôt sur les revenus de l’année 2018 ! permettant d’ajuster en temps réel le paiement de l’im- impôts liés aux revenus de l’année 2018 devaient être C’est le retour en force des placements qui font baisser le pôt à l’évolution des revenus et de la situation de cha- payés en 2018 de façon contemporaine. revenu imposable, négligés sur le début de l’année, faute cun. Il précise que le décalage d’un an de la réforme Concernant les revenus de l’année 2017, il avait été d’effet fiscal utile. C’est notamment le cas des verse- permettra de mieux accompagner les collecteurs et prévu, afin d’éviter un double paiement d’impôt en 2018 ments sur Perp, qui permettent à la fois d’épargner pour les contribuables, de développer la communication et (les impôts contemporains 2018 et les impôts sur les se constituer un complément de retraite par capitalisation l’information de tous les publics et, le cas échéant, revenus 2017), un crédit d’impôt dit de modernisation du « sur-mesure » et de réduire son revenu imposable dans de poursuivre les tests techniques dans les meilleures recouvrement (CIMR), visant notamment à effacer l’impôt des proportions significatives. Rappelons que les verse- conditions avec les tiers collecteurs. Il ne s’agirait donc sur les revenus 2017 non exceptionnels. Seuls les reve- ments effectués en 2017 ouvrent droit à une déduction que d’un report technique, sans changement par rap- nus exceptionnels de l’année 2017 avaient ainsi vocation qui peut se monter jusqu’à 30 893 euros. port au dispositif initialement prévu. Toutefois, si à l’issue Regain d’intérêt également pour les dépenses d’entre- de la phase d’expérimentation menée avec les tiers tien et de réparation qui sont normalement des charges collecteurs, les difficultés de mise en œuvre étaient déductibles des revenus fonciers. La réalisation de ce jugées sérieuses, un remaniement en profondeur ne type de dépenses en 2017 avait perdu de l’intérêt sur le serait pas à exclure. Il conviendra donc de rester attentif plan fiscal puisque les revenus fonciers 2017 non excep- aux évolutions possibles du schéma actuel. tionnels ne devaient plus être fiscalisés grâce au CIMR. Elles retrouvent donc leur plein effet fiscal cette année. Si Quelles conséquences ? les mesures « anti-optimisation » du dispositif initial sont Les revenus de l’année 2017 seront à nouveau fiscalisés. reportées sur les années 2018-2019, il faudra ensuite Jusqu’à l’annonce du report, le schéma était le suivant : attendre 2020 pour bénéficier de la déduction normale les impôts liés aux revenus de l’année 2016 devaient des dépenses de travaux. Là encore, il conviendra de demeurer attentif à l’évolution du schéma.54 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
En harmonie avec votre vie
Entreprendre CHRONIQUESATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE Laura Bourgeois Ingénieur patrimonial,Des signauxencourageants Expert et financeAlors que l’UE enregistre une baisse drastique des flux d’IDE1 entrants de La stratégie de -18 % en 2016, la France a connu une progression de l’ordre de 5 % pour atteindre 46 milliards de dollars. Nous ne disposons pas des chiffres de DOUBLE DÉMEMBREMENT 2017, mais le contexte des fusions acquisitions est très favorable, les prix des entreprises retrouvant les niveaux records de mi-2016 à plus de neuf L’apport d’un bien en nue-propriété à une société civile suivi d’une donation defois l’EBITDA. Nul ne doute que le climat politique favorable post-élection présiden- la nue-propriété des parts sociales présente de nombreux intérêts patrimo-tielle (qui a fait retomber les tensions liées à la montée des populismes) va faciliter la niaux. Cette opération patrimoniale peut présenter des intérêts aussi bien juri-progression de ce phénomène. L’occasion de rappeler que la France dispose d’outils diques que fiscaux. En effet, elle permet de simplifier la transmission familialeadaptés à l’investissement international tant d’un point de vue fiscal que juridique. Avec de manière équitable, stable et progressive. La première étape de la stratégiela société par actions simplifiée (SAS), les entreprises disposent d’une grande liberté est d’apporter la nue-propriété d’un bien à la SCI qui peut être évaluée selon deuxstatutaire qui leur permet de mettre en place la structure de gouvernance qui leur méthodes : l’utilisation de la valeur économique ou de la valeur fiscale. Dans le cas deest la plus adaptée. Les investisseurs étrangers craignent souvent d’entrer dans un la méthode fiscale, il conviendra de se reporter à l’article 669 du CGI1.carcan juridique inflexible. La SAS leur permettra de disposer au choix : d’un comité À noter que, en cas d’apport à titre onéreux, les droits d’enregistrement sont, quantde surveillance, d’un comité stratégique ou d’une gouvernance ultra simplifiée (l’ac- à eux, toujours taxés sur la base de l’évaluation fiscale selon l’article 669 du CGI.tionnaire unique étant lui-même le représentant légal de la personne morale). La SAS L’apporteur de la nue-propriété sera rémunéré par des droits sociaux en pleine pro-pourra également être un outil structurant la chaîne des délégations de pouvoirs. Cette priété selon la valeur du droit qu’il a apporté. Il pourra, à la suite de cet apport, réalisersouplesse est d’autant plus notable qu’elle n’existe pas dans tous les pays européens une donation de la nue-propriété de ses parts au profit de ses enfants. Les DMTG3(notamment au Luxembourg ou en Italie). seront calculés selon le barème fiscal de l’article 669 du CGI. À titre informatif, pourSur le plan fiscal, les possibilités d’intégration fiscale sont élargies avec, depuis 2015, un homme et une femme de 62 ans, l’évaluation économique est assez proche dula possibilité de réaliser des intégrations fiscales horizontales qui permet de former un barème fiscal pour une rentabilité nette annuelle de 3,25 % pour les hommes et 2,15 %groupe fiscal entre sociétés sœurs établies en France dont la société mère commune pour les femmes. Au-delà de ces taux, la valeur économique de la nue-propriété estest établie dans l’UE ou l’EEE2. Le Crédit d’impôt recherche permet de générer une inférieure au barème fiscal. Cette méthode d’évaluation peut permettre de diminueroptimisation fiscale non négligeable pour les entreprises ayant des plans d’innovation substantiellement les DMTG.et nous les voyons installer des centres de recherche en France pour cette seule raisonavec la certitude de bénéficier d’un environnement fiscal attractif dans un pays où la Viabilitécompétence des cadres est largement reconnue. Cette opération est à utiliser avec précaution pour éviter tout risque d’abus de droit. Deux notions sont retenues par l’administration fiscale pour le prouver : la fictivité de laUn regret société et l’objectif exclusivement fiscal. Pour ne pas être considérée comme fictive, laLa France dispose également d’outils adaptés en matière de « management package » société doit naître viable c’est-à-dire qu’elle doit réunir trois critères que sont l’affectiopermettant d’incentiver les cadres. À titre d’illustration, les actions gratuites n’existent societatis, la recherche d’un bénéfice ou d’une économie et des apports réels. Elle doit,pas dans tous les pays et sont beaucoup plus favorables que les stock-options. Même en outre, avoir un fonctionnement régulier, légal et statutaire et posséder des moyenssi le plus gros point noir reste le droit du travail (qui est néanmoins légèrement assoupli pour s’assumer financièrement.par les réformes en cours), il n’en demeure pas moins que l’élargissement du cadre Lorsque l’administration fiscale n’est pas en mesure de prouver la fictivité de la société,des accords d’entreprises devrait être regardé comme un signal encourageant de plus elle cherchera à démontrer que la mise en place de cette stratégie a pour unique butpour les investisseurs étrangers. de réduire les charges fiscales. Dans la majorité des cas, cette opération aura toujoursOn peut donc surtout regretter que la France maintienne des impôts très négatifs sur des intérêts autres que fiscaux. Ils seront d’ordre juridique, patrimonial, économiquele plan médiatique (ISF à taux prohibitif, taxation à 75 %, etc.) alors que ces mesures et/ou financier, ce qui permettra d’exclure l’abus de droit. Bien que tous les critèrespopulistes sont surtout décourageantes et anxiogènes. Dans ce contexte, il n’aura entraînant l’abus de droit soient très rarement réunis, les praticiens hésitent à proposeréchappé à personne que si le footballeur Neymar s’installe en France, c’est en profi- ce type de montage en raison de l’attitude négative de l’administration fiscale. Pour-tant du régime d’exonération fiscale des impatriés mis en place par le gouvernement tant, la jurisprudence semble favorable et les critères à retenir pour éviter l’abus de droitSakorzy ! désormais connus.1 Investissement direct étrangers2 Espace économique européen Emmanuel Kaeppelin 1 Code général des impôts © C. Viviant, DR Avocat associé Delsol Avocats 2 La durée (n) est l’espérance de vie de l’usufruitier en fonction des tables de mortalité Administrateur du réseau connues international d’avocats Telfa 3 Droits de mutation à titre gratuit56 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
LA VÉRITABLE TRIBUNE EntreprendreMODERNITÉDE Rites d’initiation, devoir à respecter, port d’attributs symboliques,L’INSTITUTION évocation de pères fondateurs légendaires du temps de la construc-EST tion du temple de Salomon… Ces ingrédients, que l’on retrouve àL’ATTENTION l’intérieur du compagnonnage encore aujourd’hui, ne suffisent-ils pas àQU’ELLE décider définitivement de l’anachronisme de l’institution ? Mieux, com-A PRÊTÉE ment expliquer qu’elle puisse encore rassembler de nos jours plusieursÀ L’ACCOMPA- milliers d’individus alors même que les innovations technologiques ontGNEMENT DE transformé radicalement les modalités d’exercice des métiers dits tra-L’INDIVIDU ditionnels et que les formations professionnelles techniques, concur- rentes directes de l’enseignement compagnonnique, se sont multipliées ? En réalité, la difficulté est double. Car il faut non seulement expli- quer pourquoi le compagnonnage résiste au temps, mais aussi pourquoi il semble rencontrer depuis une quarantaine d’années un certain suc- cès. C’est qu’il faut se déprendre de l’idée que les compagnons sont les « héritiers des bâtisseurs de cathédrales » ou qu’ils sont arc-boutés sur des traditions de métier et d’enseignement qu’ils s’appliqueraient à maintenir coûte que coûte. Ils ont été, dès le départ, en rupture avec le système corporatif et ont développé un souci de transmission des connaissances assez inédit dans le courant du XIXe siècle. Mais la véritable modernité de l’institution est l’attention qu’elle a prêtée à l’accompagnement de l’individu, à sa progression biographique en usant de divers moyens qui se soutiennent mutuellement : des rituels pour devenir un compagnon, de l’enseignement technique pour devenir un homme de métier, un cadre moral et social pour devenir un adulte. Et la force de la formule compagnonnique tient sans doute dans l’imbrica- tion forte de ces trois registres et dans la souplesse avec laquelle ils sont mis en œuvre. Un horizon biographique est proposé, que chacun pourra réaliser à sa manière : le compagnonnage donne les moyens pour avoir la vie devant soi.LE COMPAGNONNAGEOU LA VIE DEVANT SOINicolas Adell FIXISME OBSCURANTISME © DRDirecteur de la revueEthnologie française, Rien n’est plus étranger à l’esprit compagnonnique que le fixisme obscu-maître de conférences rantiste. Et c’est ce dosage entre des coutumes assez solides pour êtreen anthropologie, Université des repères et assez souples pour s’adapter aux questions contempo-de Toulouse – Jean Jaurès raines qui constitue la réussite du compagnonnage. Gardiens des savoirs les plus traditionnels (la géométrie descriptive connue sous le nom deLire le dossier page 48, « Trait » chez les compagnons charpentiers par exemple) et des manièresLes Compagnons du devoir anciennes de dire et de faire le métier (maintien de l’usage d’outils obsolètes, emploi d’un lexique désuet devenu « compagnonnique »), lesN°137 Octobre 2017 compagnons ont intégré dès leur apparition les nouveaux matériaux ou les nouveaux procédés. Maîtres d’œuvre sur le chantier inaugural de la tour Eiffel ou responsables de la restauration des ensembles religieux d’Angkor (les « nouveaux » procédés, ce sont aussi les procédés des autres), rien de la technique d’un métier ne leur est étranger. De même, longtemps réservé aux hommes, le compagnonnage s’est aujourd’hui ouvert aux femmes qui sont, chez les tailleurs de pierre notamment, de plus en plus nombreuses à faire le tour de France. Ce dernier justement, a, depuis de nombreuses années, débordé le cadre national. Les jeunes itinérants sont invités de plus en plus à se forger une expérience euro- péenne – un compagnonnage européen s’est élaboré dès les années 1950 parallèlement à la première construction européenne –, au point que certains compagnons ont d’ores et déjà déposé le titre de « Compagnons du tour du monde ». La vie devant de soi est sans frontière. Acteurs de l’économie - La Tribune 57
Inventer GÉNÉRATION 2050 GÉNÉRATION 2050 PÉDAGOGIE : LE (GRAND) RETOUR© iStock by Getty Images 58 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
GÉNÉRATION 2050 Inventer Soumis à la pression « Bienvenue DU SAVOIR À LA COMPÉTENCE du marché de l’éducation dans ma classe, « Nous sommes les héritiers d’un système qui entend aussi mener sa allumez vos imaginé par Napoléon pour les besoins de révolution, interloqué par smartphones. » l’époque. Notre modèle actuel, obsolète, C’est ainsi que correspond à l’ère industrielle. Il nous faut des étudiants évoluant l’enseignant de faire face à des changements importants et beaucoup plus rapidement 2050 accueillera brutaux, mais dont nous sommes incapables que leurs aînés, frappé par ses étudiants. d’appréhender les contours », rappelle Jean- de nouvelles technologies Pierre Berthet, directeur de la stratégie toujours plus avancées, le Ils se présenteront à la demande de Léo, numérique et du LearningLab Centrale monde de l’enseignement son assistant personnel. En réalité, un Lyon/emlyon business school, expert supérieur entame sa mue. robot multifonction capable, entre autres, auprès de la Mission de la pédagogie et de le décharger de toutes les tâches répé- du numérique pour l’enseignement supé- S’esquisse alors l’école titives, de répondre aux sollicitations rieur au ministère de l’Enseignement du futur dans laquelle factuelles de ses élèves, de détecter les supérieur, de la Recherche et de l’Inno- la pédagogie laissée difficultés et de suivre, individuellement vation. Face à ces incertitudes, et à un et en temps réel, la progression de cha- monde qui sera confronté à de nouveaux pour compte et souvent cun dans l’acquisition des compétences. enjeux démographiques et environne- malmenée par les Léo est le descendant de Jill Watson, une mentaux, les nouveaux entrants sur le assistante virtuelle testée par un ensei- marché du travail « devront être formés gouvernements successifs gnant de l’université Georgia Tech (États- à des compétences clés de haut niveau utili- signera son grand retour. Unis), en mai 2016, grâce au programme sables à long terme : communication, colla- d’intelligence artificielle Watson déve- boration, compétences sociales et qualifiées, FEUILLETON, STÉPHANIE BORG loppé par le géant IBM. mais surtout esprit critique », poursuit Les étudiants ne s’installeront plus, pas- Jean-Pierre Berthet. Près de 65 % desN°137 Octobre 2017 sifs, dans un amphithéâtre – d’ailleurs, il élèves qui sont aujourd’hui dans l’en- n’en reste qu’un pour les grandes inter- seignement supérieur exerceront des ventions magistrales, exceptionnelles. métiers qui n’existent pas. Et demain ? Ils sont acteurs de leurs apprentissages La tendance devrait s’accélérer. dans une école du futur qui ressemble à Avec les nouveaux outils, « nos supports ses ancêtres, nos fab lab de 2017 : petits de mémoire changent », comme le sou- espaces ergonomiques et ludiques, wifi, ligne le philosophe Michel Serres. Et il ordinateurs puissants pour analyser ce sera, compte tenu de la multiplicité des que le cerveau humain ne pourra plus sources et des données, « complexe de appréhender, matériel et outils de tra- vraiment tout savoir », résume Christophe vail modulables en fonction de la séance Batier, directeur technique de l’ICAP du jour, et café à volonté. En animateur (innovation conception et accompagne- pédagogique du lieu, indispensable et ment pour la pédagogie) de l’université central, un enseignant, devenu mentor. Claude-Bernard Lyon 1 et président de Claroline, un consortium international réuni autour des questions pédagogiques composé de multiples institutions dont plusieurs en région Auvergne-Rhône- Alpes. De fait, le rapport au savoir sera chamboulé. « Il y a encore dix ans, le savoir était au centre, les compétences étaient des side products (des produits secondaires). Désormais, le savoir devient périphérique parce que plus facilement accessible. Et le cœur périphérique devient central. Demain, on apprendra en mode projet à résoudre des problèmes, car il faudra être capable de faire face à de nouvelles situations, en mode open-mind. Le temps où ce que l’on apprend pendant quatre ans de formation était utile pour toute une carrière est révolu », indique Marcel Lebrun, enseignant à l’université catholique de Louvain (UCL), conseiller pédagogique au Louvain Learning Lab et CEO honoraire de Claroline. Par consé- quent, l’enseignement s’attardera moins sur les contenus – même si pour certains métiers, comme chirurgien, la technique et le geste resteront primordiaux – « que sur la capacité de discernement de l’individu Acteurs de l’économie - La Tribune 59
Inventer GÉNÉRATION 2050pour analyser, jauger, vérifier une infor- « Certes, il doit quitter le rôle de l’expert « Nous devonsmation proposée », confirme Fabienne sur l’estrade, mais cela ne veut pas dire qu’il former des étudiantsGoux-Baudiment, prospectiviste, ensei- disparaît. Au contraire, il devient un chef à répondregnante à l’Institut des sciences et tech- d’orchestre et un organisateur de la mise en à l’incertitudeniques de l’ingénieur d’Angers (Istia) au groupe », poursuit-il. du monde »sein de la chaire Prospective et inno- Délivré de sa posture de sachant, l’ensei-vation, et directrice de proGective, un gnant se fait mentor. Et pratique la péda- Avec la fin du cours magistral, le pro-centre privé de recherche en prospective. gogie active. Elle se traduit, entre autres, fesseur peut « repenser la qualité de sa« Les étudiants n’iront plus à l’école pour par la simulation par le jeu, autour du présence et sa relation pédagogique auxrencontrer des grands prêtres du savoir, mais Monopoly, le tutorat, la participation des élèves », estime François Jourde, pro-pour apprendre à apprendre. C’est encore élèves à la construction des programmes fesseur de philosophie dans un lycéeplus irrévocable qu’avant », poursuit Mar- et la classe inversée. Une méthode que international de Bruxelles et auteur d’uncel Lebrun. Marcel Lebrun expérimente depuis blog consacré à l’exploitation des outils quelques années, « donnant ainsi à mes numériques dans la classe.DU SACHANT AU MENTOR étudiants des occasions d’apprendre », DU LIVRE AUX OUTILS NUMÉRIQUESCes nouveaux besoins interrogent les souligne-t-il. « L’école change avec le numérique. Mais ilmodes de transmission dans l’école de ne faut pas dépendre du rapport magique à2050. Le modèle dominant reste le « pré- « L’apprenant l’outil. Il n’a pas de vertu pédagogique en soi.sentiel synchrone transmissif ». Autrement de demain pourra Son usage, c’est ce qu’on en fait. Moi, je m’endit : un professeur parle dans une salle cumuler des sers pour rendre la philosophie populaire »,de classe devant des élèves qui doivent compétences poursuit François Jourde. Le professeurl’écouter. Mais cette formule, qui a long- en chimie, « délègue à la machine toute sorte de tâchestemps bien fonctionné, s’essouffle face à en communication idiotes : des quiz, des corrections automa-des étudiants mobiles et connectés. « Les et en philosophie, tiques ». Il utilise Beekast, un petit outilmodes de transmission correspondent à sans créer la moindre de chat développé par une start-up nan-chaque époque. Après une longue tradition critique. Dès lors se taise, pour favoriser les interactions auorale, la Sorbonne s’était opposée à l’arri- pose la question du sein de sa classe, entre les élèves et avecvée de l’écrit, rappelle Jean-Pierre Berthet. diplôme. Sera-t-il lui. D’autres outils lui permettent de cap-Nous vivons le même type de rupture, même toujours valable, ter immédiatement les productions dessi nous ne savons pas exactement ce qu’elle sous sa forme élèves, de les partager et de les commen-va produire. » Pour Marcel Lebrun, ces actuelle, dans ter sans délai, en capitalisant sur l’ins-nouvelles technologies constituent une trente ans ? » tant. À la faculté de médecine de Lyon,opportunité pour l’enseignant, celle de les robots jouent les patients, capablespouvoir se questionner, en profondeur, À Lyon, David Vallat, enseignant-cher- de simuler 80 protocoles d’urgence, etsur son rôle, en s’intéressant aux méca- cheur à l’université Claude-Bernard Lyon des casques de simulation font leurnismes d’apprentissage. Libéré du poids 1 et membre du laboratoire Triangle, a entrée dans les laboratoires. À l’Associa-du savoir, il peut désormais se consa- mis en œuvre ce principe après un tion pour la formation professionnellecrer à sa vraie vocation : « Enseigner à ses constat pragmatique : « Les étudiants des adultes (Afpa), les élèves travaillentélèves en pensant qu’ils devront continuer à actuels ne sont plus les mêmes qu’il y a avec des simulateurs de soudure ou deapprendre sans lui. » C’est là l’occasion de vingt ans. Il me fallait leur proposer une peinture. Partout, l’intelligence artifi-repenser l’humain et sa relation à l’autre. autre manière d’apprendre, les pousser à cielle gagne du terrain. Pour le moment changer leurs habitudes : ils doivent d’abord anecdotique, l’utilisation du numérique60 Acteurs de l’économie - La Tribune apprendre le cours chez eux. Je suis là devrait exploser à l’orée de 2050. « Nous pour les guider vers la résolution du pro- faisons face à une génération d’élèves inéga- blème en leur permettant d’acquérir des lement lettrés numériquement. Ils ont une méthodes pour construire rapidement des certaine expertise des réseaux sociaux, mais réponses. Nous devons former des étudiants ne maîtrisent pas bien les outils de base qui à répondre à l’incertitude du monde. » permettent de les utiliser à titre pédagogique. Avec le temps, cet écart devrait s’estomper », renchérit François Jourde. N°137 Octobre 2017
GÉNÉRATION 2050 InventerGLOBAL BBABACHELOR OF BUSINESS ADMINISTRATIONPROGRAMME POST-BAC EN 4 ANSintégrez emlyon business school - Septembre 2017 - Toutes les marques sont dépsées - Crédit photo : Jasper James - *Entrepreneurs visionnairesdès le bacla meilleuregrande écolede la région* *emlyon business school : école n°1 en région Auvergne-Rhône-Alpes INSCRIPTION n° 2 en France et n° 26 dans le monde, parmi les grandes écoles de AU CONCOURS : commerce et d’ingénieurs. Enquête recruteurs, Times Higher Education, décembre 2016. à partir de novembre 2017N°L1Y37ONOct.oSbHreA20N17GHAI . SAINT-ETIENNE . CASABLANCA . PARIS bAbctaeu.res dme l-’élcyoononm.iec-oLma Tribune 61
Inventer GÉNÉRATION 2050 « Avec le numérique, le cours devient© DR« Le temps où Elles prendront la forme de modules, de un projet complexe, organisé et scénarisé ce que l’on apprend Moocs, de cours en ligne, mais aussi de par un professeur pédagogue. Mais nous pendant quatre ans « retours réguliers sur les bancs de l’école », devons lui donner du temps pour en préparer de formation était comme l’indique David Vallat. Un de nouveaux en édifiant une véritable équipe utile pour toute une ensemble qui donnera lieu à des certi- autour du professeur, incluant une assis- carrière est révolu » fications indépendantes, y compris dis- tance technique et pédagogique », souligne pensées par les entreprises elles-mêmes, « Avec le numérique, le cours devient un et qui « façonnera des profils singuliers aux Jean-François Fiorina, directeur adjoint projet complexe, organisé et scénarisé par parcours d’apprentissages individualisés et de Grenoble École de Management. un professeur pédagogue. Mais nous devons très pointus. Ce n’est que la suite de l’indi- lui donner du temps pour en préparer de viduation de notre société et la tendance à62 Acteurs de l’économie - La Tribune nouveaux en édifiant une véritable équipe être différents les uns des autres », analyse autour du professeur, incluant une assis- Fabienne Goux-Baudiment. tance technique et pédagogique. Ce qui Hors des moules standardisés, l’appre- importe, c’est que chaque enseignant soit à nant de demain pourra cumuler des com- l’aise pour développer la meilleure pédagogie pétences en chimie, en communication utile par rapport à son cours », souligne et en philosophie, sans créer la moindre Jean-François Fiorina, directeur adjoint critique. Dès lors se pose la question de Grenoble École de Management, qui a du diplôme. Sera-t-il toujours valable, travaillé sur la définition d’un GEM lear- sous sa forme actuelle, dans trente ans ? ning model, intégrant un laboratoire de « Il est évident que nous devons faire face à serious game, un magasin de vêtements cette nouvelle donne. Mais cela nous pousse de sport connectés pour multiplier les à nous poser des questions sur notre stra- apprentissages, etc. tégie de marque, qui doit rester prospère et Même s’il n’est qu’un outil, le support attractive. On le constate déjà : 20 % des étu- n’est pas neutre. Les grandes entre- diants des business schools sont recrutés sans prises ont bien saisi les enjeux. Google, avoir candidaté. Ils sont choisis sur la qua- Microsoft, IBM et même Facebook s’in- lité de la marque de leur formation. Nous téressent de près à ses potentialités. « Les devons apporter services et valeur ajoutée », opérateurs du savoir mettent la pression sur souligne Jean-François Fiorina. Hors les l’université », confirme Christophe Batier. murs, parfois dématérialisée, l’école du Même constat du côté des startups de futur aura toujours de la consistance. l’EdTech (technologie de l’éducation). « On n’a jamais eu autant d’étudiants dans « Nous ne devons pas les regarder avec trop nos bibliothèques, estime Christophe d’arrogance, mais plutôt comme une source Batier. Les étudiants empruntent moins de R&D. Elles peuvent devenir de sérieux de livres, mais éprouvent le besoin d’être concurrents potentiels », estime Jean- ensemble pour travailler. Un site qui évolue François Fiorina. vers un vrai learning lab avec ordinateurs en accès libre et ouvertures tardives. » « Je DE L’ÉCOLE À UN ÉCOSYSTÈME ne crois pas au tout numérisé et au tout OUVERT digitalisé. Il faudra toujours des lieux pour En 2050, la frontière entre temps l’échange, même s’ils sont physiquement très d’étude, temps de travail et de réflexion différents de ceux d’aujourd’hui », conclut sera poreuse. Avant de s’engager dans Jean-Pierre Berthet. Loin de disparaître, un parcours de formation, les jeunes l’université, la grande école ou le centre pourraient bénéficier d’une année pour de formation d’enseignement supérieur découvrir les métiers et choisir en toute seront, encore en 2050, le symbole de connaissance de cause. Ainsi, l’appren- l’apprentissage, quel qu’il soit. tissage s’effectuerait à partir d’un socle de formation commune complétée par N°137 Octobre 2017 des formations tout au long de la vie, une « sorte de carte d’orientation sur la base de la formation initiale », imagine Marcel Lebrun.
PUBLI-REPORTAGE BURGUNDY SCHOOL OF BUSINESS LANCE UN CAMPUS « START-UP » Développer la créativité et l’innovation, enseigner aussi en dehors des salles de cours, créer des esprits libres… La grande école de commerce Burgundy School of Business se positionne d’ores et déjà sur l’enseignement de demain avec un campus lyonnais totalement repensé dans une ambiance start-up. Explications avec Yann Truong, professeur associé et responsable du MSc Digital Leadership.© DR À quoi ressemblera l’enseigne- répondre à ces tendances et aux be- ment d’une grande école de com- soins des étudiants. Le campus de© APSI merce comme BSB dans 50 ans ? Lyon en est le parfait exemple. L’en- Yann Truong : C’est évidemment vironnement libère la créativité et«The Lab» salle de créativité du nouveau campus BSB dur à planifier mais trois tendances l’innovation grâce à un site très dif-aménagé par @APSI se dégagent dans l’univers des férent qui ressemble davantage au grandes écoles de commerce. À siège d’une start-up qu’à une école.A propos de BSB- Burgundy commencer par la technologie et Des espaces de partage sont à dis-School of Business… l’arrivée de l’intelligence artificielle position des étudiants, des espacesFondée en 1899, BSB fait et d’outils automatisant les tâches. modulables afin que les élèves s’ap-partie du top 15 des grandes Ils vont permettre d’individualiser proprient les lieux et construisentécoles de management le parcours scolaire des étudiants et leur classe.en France et du Top 3 des d’imaginer des exercices plus intelli- Et du côté des contenus ?Grandes écoles lyonnaises gents, très proches du monde réel. Les contenus sont collaboratifs, ondouble accréditées AACSB/EQUIS. La deuxième évolution se concentre va vers la co-construction. Les coursLe campus de Lyon propose sur les modèles de management. Le sont orientés autour des technolo-des formations post BAC futur va encourager la créativité et gies du futur et comprennent aus-• un Bachelor Marketing l’innovation. L’analyse des données si de la sociologie pour les aider à sera opérée par des machines et le comprendre la société de demain. & Business 100% anglophone manager devra apporter de la valeur La technique est au rendez-vous, (BAC+3) ajoutée et savoir mettre en perspec- les étudiants apprennent à fabri-• un Bachelor Marketing tive les choses. quer des objets numériques. Les & Business francophone Quelle troisième tendance perce- projets sont aussi directement avec anglais progressif vez-vous ? connectés à la réalité et au monde (BAC+3) La dématérialisation de l’enseigne- économique pour leur permettre• un MSc Digital Leadership ment ! Les élèves seront toujours d’être déjà acteurs de l’écosystème (BAC+5/6) encadrés par des enseignants mais lyonnais.Plus d’informations sur ils n’auront plus le rôle d’instructeur. Quels liens avez-vous tissés avecwww.bsb-education.com Ils seront des guides, aux côtés des le monde économique lyonnais ? élèves qui travailleront à leur propre Nous avons un partenariat avec le rythme. Les évaluations se feront pôle de compétitivité Digital League. autour de projets et non d’examens Plusieurs projets vont rythmer l’an- hasardeux. Les étudiants seront ainsi née et les étudiants présenteront accompagnés tout au long de leur leurs projets lors de l’assemblée vie. Fini le temps où l’on apprenait générale, devant les 500 membres seulement entre 18 et 24 ans, la so- du cluster, tous acteurs du numé- ciété est complexe et nous allons rique dans la région. Un job dating acquérir des connaissances toute est également prévu avec des DRH notre vie. pour faire comprendre aux étu- Comment Burgundy School of diants les attentes du marché. Des Business intègre ces mutations ? professionnels sont ainsi présents Nous prenons un virage radical pour régulièrement dans nos locaux.
Inventer CHRONIQUELes futurs DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEURLes études et analyses prospectives sur « le Pascal Gustin du futur ? Au-delà de l’ensemble des matières et des futur de l’enseignement » foisonnent. La Président d’Algoé connaissances qu’il faudra continuer à enrichir et trans- masse de travaux est considérable : vouloir mettre, Edgard Morin (à la demande de l’Unesco) a en faire une synthèse est une gageure tant décrit les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur les approches retenues sont différentes. Le dans un texte qui fait référence sur la pensée complexe. constat de départ est pourtant toujours le même : Cette approche transdisciplinaire interroge la condition rien ne sera plus comme avant du fait de la mon- humaine et vise à nous enseigner notre identité ter- dialisation, de la digitalisation et de la montée de la rienne (qui amène tous les humains à « vivre une même complexité. À partir de cette vision commune, trois communauté de destin »). L’enseignement devra aussi grandes familles d’approches se sont développées : apprendre à gérer et à affronter les incertitudes, pour comment enseigner, qu’enseigner et pourquoi ensei- mieux préparer les individus à affronter l’inattendu. Le gner ? A la première question, il existe de nombreuses travail sur les interrelations, avec l’étude des méca- théories sur les formes que prendra l’enseignement. nismes de compréhension et d’incompréhension entre Les technologies numériques offrent une très grande les individus, prendra une importance vitale. variété de réponses (logiciels, applications, sites web, plateformes en lignes, etc.). Les modes de « distri- Le sens bution » de l’enseignement supérieur sont à définir et Mais au-delà des deux premiers points, la question plusieurs scénarios sont d’ores et déjà envisagés. Les du sens est bien évidemment à la racine de toutes arbitrages principaux distinguant ces scénarios sont : ces réflexions. L’éveil et le développement des esprits quels seront les modes de financement ? Faut-il adop- doivent être éclairés par des objectifs. Forcément des ter ou non l’anglais comme lingua franca ? Quelle sera finalités restent à définir, la notion de progrès s’avérant la localisation des lieux d’enseignement ? Comment trop imprécise. Les futurs de l’enseignement supé- l’enseignement sera connecté aux enjeux et problé- rieur sont multiples. Il n’y a pas vraiment de doute matiques territoriaux ? sur le fait que les individus seront « bien formés », Ensuite qu(oi)’enseigner ? Quels sont les sujets et techniquement, mais seront-ils formés pour le bien de les savoirs qu’il faudra traiter dans cet enseignement l’humanité ? RCF OÙ VOUS VOULEZ, QUAND VOUS VOULEZ ! DÉCOUVREZ LA NOUVELLE APPLICATION RCF ! > ÉCOUTEZ LE DIRECT > RÉÉCOUTEZ VOS ÉMISSIONS > CHOISISSEZ VOTRE RADIO LOCALE > ACCÉDEZ À LA GRILLE DES PROGRAMMES RCF LYON / 88.4 BOURGOIN-JALLIEU / 95.9 ROANNE / 88.3 SAINTE-FOY-L’ARGENTIÈRE / 101.7 TARARE / 95.1 VIENNE / 94.7 VILLEFRANCHE / 91.764 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
RUBRIQUE DE NOM Inventer Métropole de Lyon - Crédit photos : Bertrand Gaudillère, Collectif Item - Conception : J’articule1re Metropole etudiante DE FRANCE EN 2017* ' '150 000 ÉTUDIANTS ONT CHOISI LYON !#labellevie à Lyon Les porteurs de projet sont encouragés et accompagnés vers la création. Les filières s’adaptent aux besoins du marché.La Métropole a investi pour soutenir une attractivité record : Aujourd’hui, 150 000 jeunes talents forment un vivier de compétences+30 000 étudiants en 10 ans ! Toutes les conditions de réussite et de profils diversifiés.sont réunies. Logement, mobilité, cadre de vie, culture, emploiet plus de 1 000 formations procurent les meilleures chances aux étudiants. *Palmarès des villes étudiantes 2017 - Magazine l’Étudiant 06.09.2017PASS CULTURE, BONS PLANS ET INFOS LyonCampus Acteurs de l’économie - La Tribune 65wN°w137wOc.tloybreo20n17campus.fr
Inventer ENTRETIENS JACQUES CARTIERENTRETIENS JACQUES CARTIERRÉUNION DE FAMILLESDOSSIER, MARIE-ANNICK DEPAGNEUXTrois ans après avoir « tourné la page Bideau », c’est-à-dire – non sans douleur – avoir remis à platla gouvernance du centre Jacques Cartier et la réorientation des entretiens du même nom –qui se dérouleront du 16 au 18 octobre à Québec et desquels Acteurs de l’économie-La Tribuneest partenaire – vers le monde économique, les relations entre Lyon (plus largement Auvergne-Rhône-Alpes) et Montréal se confirment un peu plus. Si bien que les ambitions communes decoopération pour les deux terres d’accueil n’ont jamais été aussi si fortes. Un lien indéfectibleentre les cousins des deux rives de l’Atlantique.« Aux couleurs de l’été Les tons d’automne y sont magnifiés. Et ces entretiens, les tren-indien ». Posant le pied au tièmes pour lesquels Acteurs de l’économie-La Tribune est parte-Québec pour participer naire, coïncident avec les 375 ans de la fondation de Montréal paraux entretiens du centre Jacques Cartier, navigateur-explorateur. Un anniversaire brillam-Jacques Cartier, du 16 au ment célébré, du 23 février au 11 mars dernier, lors du festival18 octobre prochain, en lumière de la capitale québécoise durant lequel Lyon fut miseles hôtes d’Auvergne- à l’honneur. L’amitié entre ces deux « second cities » est solide.Rhône-Alpes auront « Les relations sont anciennes. Elles se sont davantage officialisées ensans doute en tête cette 1989 par la signature d’un protocole de coopération décentralisée »,chanson de Joe Dassin. rappelle Alain Galliano, vice-président aux relations internatio- nales et à l’attractivité à la métropole de Lyon. « Ce sont deux villes dynamiques qui se ressemblent à bien des égards, non pas architectu- ralement, mais par l’ambiance et la lumière », décrit Régis Goujet, professeur associé en entrepreneuriat à emlyon business school. Le vol direct Lyon-Montréal, affrété par Air Canada depuis le 6 juin 2016, met les deux villes à la porte l’une de l’autre. Solides sont aussi les liens unissant le Québec à la région Rhône- Alpes (désormais Auvergne-Rhône-Alpes), laquelle signa un pacte d’actions avec la délégation générale de la Belle Province à Paris, en 1994. « Ce sont des liens particuliers et spécifiques. Il s’agit66 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
ENTRETIENS JACQUES CARTIER Inventerde la région de France avec laquelle nous avons la plus longue histoire « Entre le Québecde coopération et qui s’inscrit dans « une durée vraiment verticale ». et Auvergne-Rhône-AlpesElle associe économie, université, recherche et culture. Et repose sur un les liens sont spécifiques.socle fort : convergence, valeurs et ambitions communes. Le Québec et Ils reposent sur un socleAuvergne-Rhône-Alpes sont des entités comparables sur le plan démo- fort : convergence, valeursgraphique. Le dispositif du centre et des entretiens Jacques Cartier joue et ambitions communes »ainsi comme un accélérateur », se félicite Line Beauchamp, déléguéegénérale du Québec en France. Du côté français, le positivisme des affaires. Tout ceci se marie et s’enrichit pour renforcer l’attracti-est aussi de rigueur. « Nous ne sommes pas là pour renverser la vité de ces deux territoires. » Khaled Bouabdallah, président detable. Mais pour avancer ensemble avec la Métropole dont les services l’Université de Lyon (fédérant 19 universités, grandes écoles ettechniques sont associés à nos réunions préparatoires des entretiens instituts), confirme l’attachement historique de la sphère acadé-Jacques Cartier », insiste Philippe Meunier, vice-président délégué mique au centre et aux entretiens. Ce dernier cite l’accord stra-à l’international auprès de Laurent Wauquiez, président LR du tégique formalisé avec l’université de Sherbrooke, à l’occasion deconseil régional. Nous souhaitons que le Québec soit inscrit dans le l’édition 2016 à Lyon, renforçant la collaboration « sur les leviersschéma de développement économique, d’innovation et d’internationa- de l’innovation et de l’entrepreneuriat ». Et Line Beauchamp d’énu-lisation (2017-2021) de la région, comme priorité. Un nouveau schéma mérer les initiatives interdisciplinaires significatives entre lesde coopération avec le Québec sera présenté à l’assemblée régionale en deux régions : « C’est avec Auvergne-Rhône-Alpes que nous avons lenovembre et signé début 2018. » plus d’échanges d’étudiants. La mobilité concerne 750 à 800 étudiants et représente près de 10 % du total des échanges entre la France et leLEGS ET CRÉDIBILITÉ Québec. Le projet de campus numérique de la région nous intéresseVille et métropole de Lyon, ainsi que région Auvergne-Rhône- fortement et nous le voyons comme une opportunité pour intensifierAlpes sont parmi la soixantaine de contributeurs, français et les relations entre étudiants, professeurs et jeunes entreprises. De plus,québécois, publics et privés, du centre Jacques Cartier (CJC). Michelin a choisi Montréal pour organiser à nouveau en 2018 Movin’on,Recrue de fraîche date, Clermont Auvergne Métropole a adhéré son sommet mondial de la mobilité durable. Enfin, le ministre québécoisau printemps 2017. De l’autre côté de l’Atlantique figurent évi- de la Santé s’est rendu en France en 2016. Il a rencontré son homologuedemment la communauté métropolitaine de Montréal ou encore français, mais la mission s’est poursuivie à Lyon avec les Hospices civilsla ville de Montréal. sur la question de l’impact du numérique dans la santé. » « L’inflexion« Le centre permet de faire le lien entre nous », avise Philippe Meu- vers l’économie est un bon créneau », avise le professeur d’économienier. « Il s’agit d’un catalyseur d’évènements », ajoute Alain Gal- Khaled Bouabdallah, résultat d’un repositionnement du CJC quiliano. « Les entretiens créent un moment particulier », éclaire quant s’est assorti de la mise à plat de la gouvernance ; le centre (uneà lui Frédéric Bove, nommé directeur général de la structure association) est coiffé par deux fondations de part et d’autre deen novembre 2014. Sa mission : « Rendre plus lisible l’action du l’Atlantique.centre, un outil unique. Dès le départ, il y avait une vraie vision de ceque pouvait être une animation bilatérale accélérant les opportunités.J’ai repris un travail accompli pendant près de trente ans, un legs etune crédibilité. » Il reconnaît l’œuvre de son prédécesseur AlainBideau, l’historien-démographe qui a fondé le CJC en 1984 avecle soutien de Charles Mérieux. L’universitaire sera définitivementécarté à l’automne 2014 au terme de quatre années houleuses.Ainsi finissent parfois les règnes trop longs. « Les conférencesétaient de haut niveau, pour la plupart. Toutefois certaines s’adres-saient à un monde clos d’universitaires, éclaire Pierre-Marc John-son, président du CJC depuis 2010 et ancien Premier ministredu Québec. A l’époque existait une certaine idéologie réticente à lapertinence économique des colloques. Une réorientation a été décidéepour mettre fin à l’ambiguïté. Elle s’imposait dans un contexte où ledigital et les data mettent l’économie en tension. On se veut une bougied’allumage pour que se créent des coopérations concrètes en favorisantla création de ponts entre les mondes universitaire, de la recherche etN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 67
Inventer ENTRETIENS JACQUES CARTIERINNOVATION OUVERTE « Le centre permet de faireTrois ans après cet aggiornamento, toutes les parties interrogées le lien entre nous. Il s’agit d’unse montrent satisfaites. « Notre soutien au CJC date de plusieurs catalyseur d’évènements »années, mais maintenant que le volet économique est plus affirmé noussommes des membres actifs », témoigne Alain Palisse, référent inter- « Chacune des villes a des forces complémentaires », énonce-t-elle.national au bureau du Medef Auvergne-Rhône-Alpes et président Cette direction de l’entrepreneuriat, Denis Coderre, maire de ladu Medef de l’Ain. Cette dimension tournée vers l’économie a ville canadienne, l’a créée en avril 2016. Elle regroupe quelqueincité le CIC Lyonnaise de banque à devenir partenaire des entre- 25 personnes et fait de l’entrepreneuriat féminin un des thèmestiens en 2015. « Nos échanges avec le centre se déroulent tout au long des rencontres 2016 un de ses axes stratégiques : « Si les femmesde l’année et nous travaillons en bonne entente, ainsi sans participer à étaient aussi nombreuses que les hommes à faire le pas, le nombrela gouvernance », souligne Isabelle Bourgade, directrice générale des créations d’entreprise progresserait de 33 % au Québec. Un vraide la banque. Le Canada est une terre où le CIC International enjeu », analyse Géraldine Martin. En attendant, la communautépossède un bureau, à Montréal, et CIC Investissement va pro- féminine de Montréal se mobilise pour accueillir ses homologueschainement s’implanter à Toronto. Quant au groupe Siparex, il a de la région partenaire en octobre 2017.annoncé la constitution d’un fonds de capital investissement enassociation avec les Caisses Desjardins (mouvement coopératif ÉLARGIR LES PUBLICSd’épargne). Ce véhicule doté de cent millions d’euros de capi- L’édition de cette année demeure fidèle à la volonté d’abordertaux sera opérationnel en 2018, selon Benoît Métaix, membre du un large éventail de sujets structurés autour de huit grands cha-comité exécutif du groupe. Pour Keolis, opérateur des transports pitres(1) placés sous le thème principal de l’intelligence artifi-en commun lyonnais, « l’objectif même des entretiens converge avec cielle. Il n’est pas question de toucher à la pluridisciplinarité. Aules nôtres, l’innovation ouverte et l’émergence de projets communs. contraire. C’est ainsi que la finance est entrée dans la ronde.Nous sommes concernés par la moitié des thèmes de l’édition 2017 », Pour la première fois, le CJC a innové en lançant un appel àse réjouit Pascal Jacquesson, son directeur général. Il raconte projets. « Nous avons reçu une quarantaine de propositions, dévoilecomment, lors des Entretiens 2016 à Lyon, les responsables de Amandine Bresselle, responsable administrative et du dévelop-Montréal ont été particulièrement intéressés par la navette auto- pement partenarial. Il fallait que les projets soient portés par desnome Navly (circulant avec le véhicule de la start-up lyonnaise partenaires de l’une et de l’autre des régions. Le comité de program-Navya), en test dans le quartier de Confluence, pour l’achemi- mation en a retenu une vingtaine que nous financerons. » Les autresnement des voyageurs sur le premier ou le dernier kilomètre. pourront faire l’objet de conférences à l’initiative de leurs pro-« Nous avons été sollicités pour organiser une démonstration au prin- moteurs. Durant cet événement, les startups seront évidemmenttemps 2017. Aujourd’hui, nous sommes en train de monter un pro- de la partie. « Elles sont en ébullition et nous voulons contribuer à cejet conjoint et innovant avec la municipalité régionale des Moulins, mouvement », s’émerveille Pierre-Marc Johnson. Geolid, expert endans la banlieue nord de Montréal », savoure-t-il. Géraldine Martin, publicité et référencement local né en 2008 dans l’incubateur dedirectrice de l’entrepreneuriat à la ville de Montréal (qui était l’école de management lyonnaise, témoignera sur les pratiques dede la délégation 2016), dit avoir été enthousiasmée par sa visite croissance rapide d’une jeune société lyonnaise. « Nous sommesdu quartier Confluence, espérant que les entreprises de Mon- un bon cas d’école. Nous étions encore étudiants quand nous avonstréal signent davantage de contrats avec Lyon et réciproquement. créé Geolid », remarque Gautier Cassagnau, son président. Il sera amené à partager ses méthodes avec Louis-Philippe Maurice, La Savoie en profite cofondateur de Busbud, entreprise spécialisée dans le domaine du voyage, lors d’une masterclass pilotée par « Immersion entre- « Nous nous inscrivons dans une dynamique globale preneuriale à l’international ». Ce programme est né, il y a trois des relations entre le Québec, la Savoie et la région ans et demi, d’un partenariat entre emlyon business school et Auvergne-Rhône-Alpes, insiste Hervé Laurent, res- HEC Montréal. « Lorsque Frédéric Bove, qui dirigeait le pôle recherche ponsable du pôle création d’entreprise chez Chambéry de l’école québécoise où il enseigne toujours, a été chargé de mettre sur Grand Lac Économie. Nous avons rencontré les acteurs une nouvelle orbite le CJC, nous en avons profité pour donner le coup de Shawinigan lors des entretiens Jacques Cartier de d’envoi de ce type de rendez-vous. Cela permettait d’élargir aux étu- 2016. » Ainsi est né un projet de coopération dans le diants le public des entretiens », raconte Régis Goujet. domaine du numérique entre les villes de Chambéry et de Shawinigan et leurs incubateurs respectifs. Bapti- N°137 Octobre 2017 sée Up-Business, l’initiative vise à favoriser et accélé- rer le développement d’entreprises innovantes dans un contexte multiculturel et international. L’incubateur sis au Bourget-du-Lac a hébergé le premier « boot-camp » du 10 au 13 juillet. Huit jeunes entreprises, quatre qué- bécoises et quatre savoyardes, ont participé à un pro- gramme intensif de coaching et d’incubation pour aller plus vite à l’international. Un boot-camp qui découle de French Tech in the Alps et devrait être pluriannuel, avec une édition 2018 qui pourrait se dérouler à Shawinigan.68 Acteurs de l’économie - La Tribune
ENTRETIENS JACQUES CARTIER InventerMICROCLIMAT FAVORABLE © DRProfitant de cet évènement que constituent les entretiens – ils sedérouleront désormais alternativement à Lyon et à Montréal –, « On se veut une bougie d’allumage pour que se créent desplusieurs missions économiques vont avoir lieu. Le moment coopérations concrètes en favorisant la création de ponts entre lesest jugé opportun puisque le Ceta, traité de libre-échange entrel’Union européenne et le Canada(2), appliqué provisoirement mondes universitaire, de la recherche et des a aires », soulignefin septembre 2017, abolit un certain nombre d’obstacles (tarifs Pierre-Marc Johnson, président du CJC depuis 2010douaniers…). D’une façon générale, « le microclimat au Québec est et ancien Premier ministre du Québec.très favorable à l’industrie. Aux PME en particulier, relève Jean-LucLogel, président du cluster Eden (Défense). On peut créer une Auparavant, les conférences des entretiens s’adressaient avant toutsociété en une journée. La R&D est supportée par l’État et la province au monde universitaire. Depuis, le monde économique y a toute sadu Québec à hauteur des deux tiers à condition que le capital soit place. Ici, la 21e édition à Montréal. majoritairement détenu par des actionnaires locaux. »Last but not least, la francophonie est unanimement reconnuecomme le ciment de cette coopération multiforme. « Le fait des’exprimer dans notre langue maternelle crée de la proximité mêmesi nous sommes tous internationaux dans l’âme », acquiesce Jean-Charles Foddis, directeur de l’Agence pour le développementéconomique de la région lyonnaise (Aderly). « Néanmoins, ce sontdes Américains qui parlent français, observe Jean-Luc Logel. C’estbusiness first. » Principe de réalité.(1) Santé/sciences de la vie, énergie et développement durable, mobilité/territoires et smart cities, finances et affaires juri- diques, numérique et technologies, entrepreneuriat, enjeux sociaux et économiques, culture/art et performance.(2) Pierre-Marc Johnson a été le négociateur en chef pour le Québec. © Entretiens Jacques CartierN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 69
Inventer CHRONIQUESLE CONTE réinvente la relation à l’autreAu départ, le conte n’était pas destiné aux Emmanuel de Lattre manager porte à ses équipes, que tel amoureux enfants, il s’adressait aux adultes (princes Expert APM, raconte à l’être désiré, en somme, l’histoire que l’on et rois) pour éclaircir des situations com- narre pour se relier à l’autre, pour fédérer, pour mobili- plexes (internes et externes) et les guider conteur et auteur de ser, devient un avenir commun d’autant plus désirable dans l’action. La légende de Sésostris III que le discours est incarné.Les contes pouvant se lire à différents niveaux, ils Conter réellement une histoire relève alors autant denourrissent également les différents états du « moi ». Avenir désirable l’authenticité de l’engagement que de la maîtrise deLe conte s’adresse à la fois au moi enfantin qui a L’histoire que tel chef d’État raconte, que tel diri- l’art oratoire. Et la capacité de l’orateur à transformerbesoin d’être réjoui, au moi profond qui a besoin d’être geant de société ou président d’institution, ou même son discours en actions chez les autres dépasse l’ar-nourri et au moi spirituel qui a besoin d’être éveillé. tifice du storytelling ou l’art habile de convaincre pourLe conte doit avoir l’apparence de la futilité, pour devenir l’alchimie du verbe.mieux être utile et révélateur, et pour nous aider, enfin, Une alchimie délicate et savante où la difficulté résideà mieux être et mieux agir. Savoir se diriger pour mieux dans l’obtention d’une simplicité évidente et profondediriger. Le conte a la souplesse, la profondeur et la pour chaque personne de l’auditoire. Avec le conte,simplicité évidente d’un enfant malicieux. c’est possible, cet enfant malicieux passionné d’ave-En plus de sa capacité à ré-enchanter, le conte vise nir. Il met des mots sur ce qui est tout au fond desjuste le cœur des choses et celui des hommes. Sous hommes ou des projets, et qui définit leur identité,des airs de naïveté feinte, il sait (re)donner le sens comme un funambule reste en permanence en rela-profond des engagements, et sait être léger, c’est pour tion avec l’âme de son fil pour avancer. Le conte faitmieux être utile à la communauté, et mieux révéler à bien plus que réinventer le management de demain,chacun ses potentiels d’épanouissement et ses zones il réinvente la relation à l’autre et la projette dans unde partage. avenir désirable.VERS LA FIN DE L’ANONYMATdans les sociétés anonymes ?Gilles Coumert Jean-Thomas Heintz Code monétaire et financier (CMF) en vigueur depuis comme la personne physique (i) qui contrôle en der-Avocat associé Avocat associé le 1er août 2016, mais dont le décret d’application est nier lieu, directement ou indirectement, la société oudroit fiscal, corporate, daté du 12 juin 2017, a instauré pour toutes les socié- (ii) pour laquelle une opération est exécutée ou uneCMS Bureau Francis CMS Bureau Francis tés commerciales non cotées, établies sur le territoire activité exercée ; cette dernière proposition n’étantLefebvre Lyon Lefebvre Lyon français, de droit français ou étranger, une obligation apparemment pas adaptée à l’obligation de déclaration de désignation de leurs bénéficiaires effectifs. du bénéficiaire effectif d’une société commerciale. UnC’est une petite révolution qui est en Ces sociétés doivent en pratique déclarer auprès du effort de définition du bénéficiaire effectif pourrait être © DR train d’affecter le monde des sociétés greffe du tribunal de commerce (depuis le 1er août fait dans le cadre d’un futur décret tant cette notion commerciales. Sous la pression de la 2017 pour les sociétés nouvelles et avant le 1er avril prête à interprétation. Si l’on se rapporte à la directive réglementation européenne (directive 2018 pour les sociétés constituées avant cette date), 2015/849, il n’est pas exclu que certains infortunés 2015/849 du 20 mai 2015), il s’agit de la liste de leurs bénéficiaires effectifs qui sera annexée dirigeants qui n’auraient pas été pas en mesure d’ob-désigner – aux côtés des acteurs déjà connus que au RCS. Cette liste, qui contient les éléments d’iden- tenir les informations relatives au bénéficiaire effectifsont les associés et les dirigeants de droit ou de fait tification des bénéficiaires effectifs, devra être actua- soient présumés être les bénéficiaires effectifs.– une nouvelle catégorie d’acteurs : celle des béné- lisée dans les 30 jours qui suivent tout fait ou acte Une inquiétude réside dans la qualité des personnesficiaires effectifs des sociétés. L’article L.561-46 du rendant nécessaire la rectification ou le complément qui auront accès à ces informations. Outre les acteurs des informations déjà communiquées. Le fait de ne traditionnels de la lutte contre le blanchiment et le pas satisfaire à cette obligation expose à une sanction financement du terrorisme – au nombre desquels pénale de six mois d’emprisonnement et de 7 500 figure l’administration fiscale – il est prévu que toute euros d’amende (article L.561-49 du CMF). personne intéressée puisse demander au juge du RCS d’avoir accès à ces informations. On veut croire ici que Difficulté et inquiétude l’intérêt à agir de ces personnes sera attentivement Les commentaires qu’appelle cette nouvelle obliga- pesé par un juge dont ce n’est cependant pas la com- tion sont multiples. Pour notre part, ils consisteront pétence première. essentiellement à souligner une difficulté et une Pour ces raisons il est fort probable que cette nouvelle inquiétude. La difficulté tient dans l’identification des obligation, qui met déjà à mal les traits caractéris- bénéficiaires effectifs dont il est néanmoins acquis qu’il tiques de certaines formes de sociétés commerciales, s’agit nécessairement d’une personne physique. L’ar- particulièrement les sociétés anonymes, connaisse de ticle L.561-2-2 du CMF définit le bénéficiaire effectif nombreux développements.70 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
CHRONIQUES InventerTERRITOIRE ZÉRO CHÔMEURUne expérimentation e cienteSujet préoccupant depuis plusieurs décennies, Erik Bulckaert montant de 14,9 millions d’euros pour 2017. En outre, il le chômage ne fait que trop peu souvent l’objet Responsable des a aires régionales, a été décidé que les préfets piloteraient, avec l’appui des d’embellies durables. S’inspirant d’une initiative Direccte, des comités de financeurs permettant de réunir portée par l’association ATD Quart Monde et Caisse des dépôts toutes les parties prenantes du financement de ces entre- s’inscrivant dans le cadre du plan gouvernemen- Auvergne-Rhône-Alpes prises et de l’expérimentation localement.tal de lutte contre le chômage de longue durée, la loi du29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à faire zéro chômeur, dont le démarrage s’est étalé entre avril et 40 CDIdisparaître le chômage de longue durée, met en place une août 2017. Il s’agit d’apporter des quasi-fonds propres aux Pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, les villes de Thiersexpérimentation de cinq ans permettant, dans dix territoires entreprises impliquées dans l’expérimentation afin de per- et de Villeurbanne portent ces initiatives pour répondre auxvolontaires, l’embauche en contrat à durée indéterminée mettre un démarrage d’activités et faire levier sur d’autres difficultés que rencontrent les personnes privées d’emploide demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi depuis plus financements privés. Les entreprises impliquées dans le depuis plus d’un an, en favorisant le recours en CDI dansd’un an. À l’heure où la France semble s’engager vers des processus bénéficient de subventions issues du budget des entreprises de l’économie sociale et solidaire, en seréformes structurelles de fléxi-sécurisation de l’emploi, alloué par le ministère du Travail à cette initiative, pour un positionnant sur des activités non concurrentielles. Lesl’initiative prise par ATD Quart Monde est à souligner. Elle offres des sociétés Emerjean à Villeurbanne et d’Acty-ambitionne de créer 2 000 emplois en cinq ans, en finan- poles à Thiers reposent sur les compétences des actifsçant des Entreprises à but d’emploi (EBE) dans les régions, impliqués du territoire, sur des activités non couvertes parpar réorientation de subventions publiques existantes (RSA, le secteur traditionnel souvent en lien avec les entreprisesCMU, allocations diverses) en démontrant que les mon- d’insertion déjà présentes. Depuis la mise en œuvre dutants versés seront inférieurs à l’ensemble des coûts de la processus, les deux structures ont permis l’embauche deprivation d’emploi. La Caisse des dépôts a pris la décision 40 CDI à temps choisis. L’objectif est d’embaucher surd’investir dans les quatre EBE qui se sont engagées dans ces deux territoires plus de 200 équivalents temps pleinl’expérimentation en janvier, et a délégué à certaines de d’ici 2018. France Active, des banques (Caisse d’épargne,ses directions régionales les décisions d’investissement Crédit mutuel), de la Nef et d’une aide de Michelin Déve-sur les six autres projets de l’expérimentation Territoires loppement sur Thiers complètent le financement.N°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 71
Inventer TRIBUNELE MONDE La société pourrait-elle demain se passer des villes ? Il est plusACTUEL EST que probable qu’elle les réinventerait. Les villes sont de formi-À PEU PRÈS dables adaptateurs des activités humaines dans l’espace et le temps,TOTALEMENT elles sont l’une des meilleures expressions de l’intelligence collective« URBANISÉ » territoriale. En quoi consiste cette fonction d’adaptateur remplie par les villes ? Les villes sont le lieu privilégié pour l’apparition des innovations, ces inventions socialement acceptées, qui naissent des interactions sociales, facilitées par la proximité géographique que permet la grande densité urbaine. La proximité, qu’on la mesure en moindre distance à franchir sur le terrain ou en meilleure capacité de connexion dans des réseaux, n’est en effet pas seulement un réducteur de coût des communi- cations et des transactions, elle est aussi un amplificateur considérable pour toutes les activités de création et de production qui se réalisent par les communications face à face, les échanges et les hybridations de « savoir tacite ». Les villes ont construit une division du travail et des institutions qui soutiennent et enrichissent ces rencontres.ET SI DEMAIN LES VILLESDISPARAISSAIENT…Denise Pumain LIEU SYMBOLIQUE ET IMMATÉRIELProfesseur émériteà l’Université Paris-I Mieux encore, les villes assurent la propagation des innovations dansPanthéon-Sorbonne toutes les parties d’un territoire, du fait de leur organisation plus ou moins spontanée en « systèmes de villes » qui sont des ensembles de villes devenues interdépendantes dans leurs évolutions du fait de la © Didier Goupy haute fréquence et de la longue durée de leurs connexions. Le changement intervient rapidement dans toutes les villes d’un système de villes, dans un processus entretenu par la concurrence des acteurs urbains pour la valorisation de leurs richesses, acquises autrefois par la prédation, désormais davantage par l’émulation créative. Les villes sont en effet des lieux de richesse, de concentration et d’ac- cumulation, d’expressions du capital sous toutes ses formes, qu’il soit immobilier, patrimonial, « humain » (au sens de la qualification du tra- vail et de la diversité sociale). Mais aussi symbolique et immatériel tel qu’il se construit par accumulation et révision dans des images collectives ou des mémoires individuelles. Nos sociétés de mobilité et de fluidité ne peuvent se passer de ces points d’ancrage, de ces nœuds synaptiques dans leurs multiples réseaux. La question de leur disparition n’est bien entendu pas à prendre au pied de la lettre : l’homme (au sens biologique d’homo sapiens) a bien vécu sans les villes, pendant quelque 300 000 ans ! Si elles disparaissaient, les habitudes nomades des chasseurs cueilleurs pourraient peut-être per- mettre à l’espèce de survivre, si tant est que l’accident destructeur des villes ait laissé assez de ressources sur la planète. En fait, les villes n’existent que depuis 8 000 ans environ, et il n’y a guère qu’une décen- nie que plus de la moitié de la population du monde vit à l’intérieur. Mais c’est une bien plus grande proportion de l’humanité qui vit de la ville, qui en utilise les productions, qui rêve en fonction des images produites dans les villes, et qui, souvent, s’inspire dans ses comporte- ments de ceux des urbains. À cet égard, le monde actuel est à peu près totalement « urbanisé ». Sa survie dépendra de notre capacité à soutenir l’adaptation des villes aux nouvelles conditions de l’environnement tech- nologique, environnemental et social qu’elles recréent continuellement.72 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
RUBRIQUE DE NOM InventerNUREMBERG, OUVRE-TOI ! NOUVEAU LYON - NUREMBERG 6 VOLS PAR SEMAINEN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 73 AIRFRANCE.FRFrance is in the air : La France est dans l’air. Depuis le 4 septembre 2017. Renseignez-vous sur airfrance.fr, au 36 54 (0,35 € TTC/min à partir d’un poste fixe) ou dans votre agence de voyages.
Comprendre RUBRIQUE DE NOM ENSEMBLE ECLAIRONS LA NUIT CONTRE LE CANCER25 1800DEJANOV. PERSONNES ONT RELEVÉ2017 LE DEFILYON74 Acteurs de l’économie - La Tribune Inscrivez-vous dès maintenant www.marchedeslumieres.cOm N°137 Octobre 2017
ALEXANDER WEZEL, l’idéaliste PORTRAIT Comprendre © Emmanuel FoudrotVISIONNAIREN°137 Octobre 2017 « Comment peut-on pratiquer une agriculture inten- sive plus respectueuse, plus juste, et qui génère, dans le même temps, des revenus ? Mon travail au sein du laboratoire de l’Isara à Lyon (pilote en la matière) a toujours consisté à montrer que l’agroécologie peut remplir ainsi cette mission. Qu’elle ne doit pas être considérée uniquement comme une discipline scien- tifique, un mouvement social et politique, ou une pra- tique. Les mentalités évoluent enfin. Et les industriels progressistes sont à l’écoute. Leurs contraintes sont de plus en plus fortes, et nombreuses sont les exploi- tations qui ferment. Dès lors, ils veulent évoluer vers une nouvelle forme d’agriculture – pas seulement réservée aux bobos et écologistes – pouvant four- nir des résultats économiques probants. La prise de conscience est en marche. » PRAGMATIQUE « La conférence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture de 2014 portant sur l’agroécologie a été le marqueur de la prise de conscience du monde agricole. Néanmoins, je reste pragmatique et nous savons qu’il sera impossible de changer radicalement les pratiques et de les dupliquer à l’industrie. Cepen- dant, je crois aux évolutions et espère que d’ici 2030 les méthodes de l’agroécologie seront largement uti- lisées. Il est essentiel que les filières se structurent et qu’elles parviennent à créer et renforcer le lien entre producteur et consommateur. Sinon l’avenir de l’agri- culture se résumera seulement à de la production intensive. Nous en avons besoin certes, mais elle doit être réalisée autrement. » LOBBYISTE « On dit régulièrement qu’il faudrait produire plus au regard de l’augmentation des populations. Ce qui est faux. Nous devons, au contraire, mieux produire, lut- ter contre le gaspillage, et répartir de façon équitable les richesses entre la distribution et les producteurs. L’agroécologie peut participer à ce changement. C’est la raison pour laquelle, en créant l’Association euro- péenne pour l’agroécologie(1), nous souhaitons dans un premier temps influencer les décisions, revendi- quer une agriculture nouvelle, donner notre avis dans le changement de politique agricole au niveau euro- péen. Ensuite, nous écrirons des recommandations. » (1) Agroécologie Europe organise son premier forum dédié à l’agrocécologie du 25 au 27 octobre à Lyon, réunissant professionnels, ONG, universitaires, politiques. Acteurs de l’économie - La Tribune 75
Comprendre RÉFUGIÉS ET ENTREPRISESRÉFUGIÉSENTREPRISE,TERRED’ACCUEILREPORTAGE, MAXIME HANSSEN Alors que l’a lux de migrants est perçu par une partie de la société comme néfaste pour la culture et l’économie nationales, les réfugiés peuvent être – en réalité – une richesse, comme le souligne le FMI. Si on leur donne une chance de s’intégrer professionnellement, ces migrants peuvent se reconstruire, et participer à leur tour à la prospérité du pays. Pour les entreprises, c’est l’engagement d’ouvrir de nouvelles perspectives, et parfois même de révolutionner la perception du travail au sein de la communauté des salariés. Encore faut-il lever des freins tenaces, éviter le piège du « refugees washing », et créer une authentique relation de confiance. Un véritable défi du XXIe siècle.76 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
RÉFUGIÉS ComprendreN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 77
Comprendre RÉFUGIÉS ET ENTREPRISESComme tous les fait depuis plusieurs années pour les per- © Emmanuel Foudrotjours de semaine sonnes en difficulté.depuis un an, À l’instar de Sabri, nombreux sont les Pour Frank Molle, PDG d’AB Fonderie, © Emmanuel FoudrotSabri s’est levé à réfugiés – en situation légale, ayant donc les personnes réfugiées ont trois qualités :4 h 50 du matin obtenu une carte de séjour et le droit de « La baraka, une santé de fer, et un sens de lapour embaucher travailler – à espérer trouver un emploi. débrouille qui traduit une grande intelligence. »à 6 heures. « Après l’urgence, nous devons nous pencher Sabri, 35 ans, réfugié politique du Soudan sur des solutions durables d’intégration. Et du Sud, ne souhaite pas être « traitéAprès son traditionnel café et une banane l’une des clés, c’est l’emploi », souligne Kavita di éremment » au sein de l’entrepriseavalée, puis quelques minutes de bus, il Brahmbhatt, cofondatrice d’Action emploi AB Fonderie, où il a décroché un CDI.atteint un bâtiment en taule aux couleurs réfugiés (AERé). Si la découverte de l’en-rouge et jaune vieillies. Le voilà à son vironnement professionnel peut avoir un N°137 Octobre 2017poste de technicien, lunettes de sécurité impact réel et direct sur la reconstructionvissées sur les yeux, dans la poussière et personnelle du réfugié, l’économie natio-la chaleur d’AB Fonderie, à Saint-Genis- nale peut, elle aussi, en tirer profit. « Oui,Laval (Rhône). À 35 ans, cet homme d’appa- c’est une opportunité macroéconomique »,rence joviale et au regard malicieux, trapu poursuit le chef d’entreprise Frank Molle.et robuste, vit cette expérience au sein de Cette perception du terrain est confirméela fonderie d’aluminium comme une nou- par un rapport du Fonds monétaire inter-velle page de sa vie. Voilà deux ans, il avait national (FMI), publié en 2016, au len-entamé un long voyage à travers cinq pays. demain de l’afflux massif de réfugiés enLe Tchad puis l’Égypte, affrontant les pas- Allemagne. « Les migrants peuvent avoir unseurs véreux, fuyant les menaces de Daesh effet stimulant sur la population active et unen Libye, traversant la mer en bateau de impact positif à long terme sur la croissancefortune, puis remontant par la Sicile pour et les finances publiques, surtout dans les paysatteindre la France. Un périple au péril de aux populations vieillissantes. » D’autressa vie pour échapper aux geôles d’un État études économiques sont venues confir-instable, miné depuis 2011 par une guerre mer cette tendance, et les entreprises, encivile qui déchire le pays. France, commencent à se saisir de cetteSabri est un réfugié politique originaire question, voire de cette opportunité.du Soudan du Sud. Il est aussi, désormais,« un salarié heureux et tranquille », fier de « Quand un salariéson CDI décroché au sein de cette entre- d’un grand groupe estprise aux 2,2 millions d’euros de chiffre élevé à la performanced’affaires et à la vingtaine de salariés. « Ce et au résultatcontrat, c’est une belle preuve de confiance. opérationnel,Ce travail m’a aidé à me reconstruire, j’ai de il peut avoir du malla chance », explique l’intéressé, dans un à accepter la lentefrançais en progression teinté d’un accent progression dearabe. « C’est passionnant de transmettre son la personnesavoir-faire, et de contribuer à le «remettre accompagnée.debout». Il a un courage incroyable », Les réfugiés onttémoigne Frank Molle, le patron d’AB Fon- besoin de temps »derie qui lui a tendu la main, comme il le UNE TENDANCE À RELATIVISER ?78 Acteurs de l’économie - La Tribune « Nous constatons une hausse des demandes des entreprises partenaires », appuie Fanny Auber, directrice de Singa Lyon, une asso- ciation qui favorise l’intégration socio-éco- nomique des réfugiés. Ce qui pourrait bien s’apparenter à une « tendance » est relativisé par certains acteurs, à l’instar de Louis Gallois (lire son interview), pré- sident de la Fédération des acteurs de la
Les entretiens de Valpré 2017 •RUBRIQUEDENOM Comprendre 16e édition17 novemBre au centre de congrès de Valpré, lyon 5 tables-rondes il est urgent 3 conférences de prendre Le temps 12 ateliers 1 concert se Libérer de l’immédiateté Déjeuner etcocktail dînatoirePlus de 40 intervenants dont : Jean-Paul Bailly, cardinal Philippe Barbarin, en partenariat avecChristian Barqui, Jean-Marc Courau, Guillaume Decitre, Jerick Develle,Laurent Fiard, Juliette Jarry, Etienne Klein, Valérie Poinsot, Christian Streiff,Général Pierre de Villiers renseignements et inscription : www.entretiensdevalpre.orgUn éVènement partenaires financiersavec Le soutien de partenaires Média N°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 79
Comprendre RÉFUGIÉS ET ENTREPRISESsolidarité : « Les entreprises embauchent des de la France. Ainsi, certaines entreprises ont peut devenir un atout pour les employeurs.profils qui apportent une plus-value à leur encore du mal à assumer publiquement cet « Ils ont trois qualités principales : la barakaeffectif. La nationalité de la personne importe engagement », assure une source informée. (bénédiction en arabe, NDLR) ; une santé depeu, balaye celui qui préside également le À la clé, une relation « gagnant-gagnant » fer ; et un sens de la débrouille qui traduit uneconseil de surveillance de PSA. Je ne suis se dessinerait entre réfugiés, salariés et grande intelligence. Sans ces qualités, Sabripas certain qu’il existe un « particularisme » entreprises, un triptyque collaboratif qui – comme les autres réfugiés – ne serait sansvisant à intégrer « spécifiquement » des réfu- peut rejaillir positivement sur l’ensemble doute jamais arrivé sur sa terre d’exil. C’estgiés. Cette action relève davantage d’un enga- de la société française. « Je ne sais pas si, triste à dire, mais seuls les meilleurs arrivent àgement général vers les publics défavorisés. » au fond, nous ne sommes pas les plus grands survivre à leur voyage », confie Frank Molle,Au fil des témoignages, d’autres « avan- bénéficiaires de cette aventure », s’interroge le ton grave. Ce sont également des « réser-tages » apparaissent toutefois pour même Manoelle Lepoutre, directrice enga- voirs de compétence et de talent », estimeexpliquer cet engagement. Ils mêlent gement et société civile chez Total chargée une autre source. Par leur approche et leurtout d’abord des éléments « classiques » de la responsabilité sociale de l’entreprise savoir-faire local, ils intrigueraient aussi lescomme celui de la RSE, de la charité ou (RSE) et de l’engagement citoyen. entreprises. « Je me souviens d’une maisonde l’engagement personnel des patrons. de couture très intéressée pour travailler avecD’autres signaux, faibles, viennent révé- MAIN D’ŒUVRE ET SPÉCIFICITÉ des réfugiés afghans. Leur façon traditionnelleler les bienfaits potentiels – managériaux, Les personnes réfugiées sont-elles « une de coudre apportait une touche d’innovationcommerciaux, de relations humaines ou opportunité » pour l’économie fran- et de nouveauté dans les créations, illustreencore d’attractivité – que peut appor- çaise ? L’une des premières réponses relève la cofondatrice d’AERé. Pour rayonner, later, aux entreprises, cette collaboration. d’abord d’un besoin conjoncturel lié au France a toujours besoin de main-d’œuvre« Au-delà du geste caritatif, les entreprises se marché du travail. « Au vu de la pénurie spécifique et de diversité. » Un atout qui serendent rapidement compte de l’opportunité de compétences et de la main-d’œuvre dans traduit, également, dans les compétencesque cela peut engendrer pour leur structure », certains métiers (logistique, informatique, ser- linguistiques.assure Kavita Brahmbhatt. Elle écarte vice, industrie), oui, cette population est une Connaissance du pays, agilité, compétencescependant, comme d’autres acteurs asso- opportunité », assure Bruce Roch, directeur spécifiques et donc linguistiques, ne sont-ceciatifs « le refugees washing », qui consiste- RSE et Solidarité chez The Adecco Group. pas les talents que recherchent les entre-rait à financer une cause pour « blanchir » En France, selon les chiffres régulièrement prises pour capter les signaux faibles oul’image du groupe, sans autre engagement avancés, entre 150 000 et 250 000 emplois conquérir de nouveaux marchés ? Peuvent-de sa part. Mais pour que la collabora- (dont la majorité en CDD) ne seraient pas ils être ces « têtes chercheuses » de nouveauxtion fonctionne, encore faut-il lever les pourvus, notamment dans des métiers business d’une firme, comme l’estime labarrières culturelles et psychologiques difficiles. En quête d’intégration, les réfu- consultante en innovation sociale Maÿlispour en saisir la pleine mesure, tout en giés acceptent souvent ces emplois, pour- Dupont, également cofondatrice de l’asso-contenant les craintes d’une partie de la tant loin de leur qualification initiale (lire ciation Kodiko ? « Si nous voulons des salariéssociété française. À ce titre « les réticences le portrait de Ziad). L’envie de travailler est pour développer des marchés au Moyen-Orientculturelles sont encore fortes dans une partie plus forte que tout. Une détermination qui ou dans des pays émergents, nous avons d’autres ZIAD, © Maxime Hanssen POURFENDEUR DU NÉPOTISME N°137 Octobre 2017 Et si le regard d’un réfugié pouvait mettre en lumière les dysfonctionnements du marché du travail local ? À l’écoute de Ziad, de son expérience et de son débit de parole, la question mérite d’être posée. À 32 ans, ce diplômé syrien en ingénierie pétrochimique et en sciences de gestion, ancien responsable d’exploitation de site en Irak et Syrie, s’est confronté à la recherche d’emplois en France. Et son constat est sans appel : sans réseau, difficile de trouver un travail. « Plus de 400 candidatures envoyées, zéro réponse. Dix candidatures distribuées grâce à des pistons, et trois entretiens décrochés dans mon domaine », illustre-t-il. « On dit que c’est un marché libre, mais en réalité, il est népotique comme celui des communistes ou de la Syrie », s’amuse-t-il, dénonçant au passage la « vieille méthode » de la lettre de motivation – « qui fait perdre trois heures alors qu’une rencontre de dix minutes est bien plus efficace ». Pour cet homme longiligne, au regard marron vif et toujours souriant, le marché de l’emploi français manque de confiance. « Il y a trop de cases dans lesquelles mettre des gens, et pas assez de flexibilité », assure celui qui dit soutenir la réforme du code du travail. Ziad affirme être prêt à découvrir un nouveau domaine, à repartir de « tout en bas de l’échelle, de zéro ». « Mais je dois avoir une pers- pective d’évolution afin que je puisse rêver d’un futur », explique Ziad, qui termine un CDD de six mois chez Carglass.80 Acteurs de l’économie - La Tribune
RÉFUGIÉS ET ENTREPRISES Comprendre« Les réticences culturelles sont encore Tout n’est cependant pas si facile. « La bonnefortes dans une partie de la France. Ainsi, volonté initiale des salariés peut être mise àcertaines entreprises ont encore du mal à mal dans la pratique. Ils peuvent être bousculésassumer publiquement cet engagement » dans leur culture, car ils sont parfois formatés par des logiques qui échappent à celles des réfu-leviers de recrutement. Nous sommes armés Pour autant, la dirigeante estime que giés, met en lumière Maÿlis Dupont. Quandpour cela, relativise pour sa part la respon- « cette expérience [l]’a transcendée. Je suis un salarié d’un grand groupe est élevé à la per-sable RSE du géant pétrolier. Mais il n’est pas sortie de ma bulle, de mon confort, tout en formance et au résultat opérationnel, il peutimpossible de trouver parmi les réfugiés une étant valorisée personnellement par la trans- avoir du mal à accepter la « lente » progression« perle rare ». Nous n’avons pas de barrière. » mission de mes compétences ». Elle en a éga- de la personne accompagnée. Les réfugiés ont lement retiré une meilleure approche de besoin de temps ». Un constat confirmé parFIERTÉ son réseau professionnel : « Solliciter ses l’expérience de Catherine Levy. « Oui, celaUn consensus semble se former autour contacts pour autre chose que du business per- peut être frustrant. Mais on apprend ainsi à sed’un impact particulier : cette collabora- met de nouer des liens différents, plus person- satisfaire des petites choses, à réfléchir à moyention modifierait la logique managériale et nels et de confiance. » Une nouvelle donne terme au lieu du diktat de l’immédiateté. Sur-les relations humaines au sein de l’entre- sociale qui a rejailli également au sein de tout, il ne faut jamais juger », assure-t-elle.prise. À ce titre, l’expérience de Catherine l’entreprise. « La relation entre la dizaine de La communication et l’échange semblentLevy, senior marketing director chez Sanofi, collègues qui ont suivi ce programme a changé. alors le meilleur remède pour éviter toutest particulièrement intéressante. Grâce Nous avons une complicité supplémentaire, et quiproquo. Ce fut en tout cas le crédo deà l’association Kodiko, qui propose un tirons une fierté plus grande de notre entre- Roula, réfugiée syrienne (lire son portrait) :programme de mentorat de réfugiés par prise. J’ai personnellement retrouvé du sens « Mon travail d’assistante administrative néces-des salariés volontaires en entreprise, elle dans mon travail. » Une expérience qui sitait des subtilités que je ne comprenais pas.a noué une relation professionnelle avec peut « développer la mobilité et l’agilité des Je n’ai jamais hésité à demander de l’aide »,Fatoumata, migrante venue de Guinée. salariés », confirme, de son côté, la direc- explique-t-elle.Son but ? « Mettre [ses] compétences et [son] trice de Total, société également membre Au-delà des aspects économiques etréseau à sa disposition », afin de l’aider à du programme Kodiko. Cet engagement humains, la notion de travail et deretrouver un emploi dans le secteur phar- pourrait-il devenir un argument de recru- confiance semble fédérer toutes les parties.maceutique, là où Fatoumata exerçait tement pour les grands comptes ? « Les « Je ne souhaite pas être traité différemment.dans son pays d’origine. Pas facile quand entreprises qui seront séduisantes demain, M. Molle me rémunère pour un travail pré-la France ne reconnaît pas son diplôme. alors que la guerre des talents fait rage, seront cis, je dois être capable de l’effectuer comme« J’ai pu ainsi appréhender la complexité de celles qui permettront à leurs salariés d’ob- n’importe quel autre salarié, poursuit Sabri.notre administration française, et de fait, ce tenir autre chose qu’un salaire », témoigne Nous avons un contrat de confiance », ter-que peut être la fragilité de notre système ». Catherine Levy. mine le Sud-Soudanais et néo-Lyonnais, déjà pressé de retourner dans la chaleur de l’atelier. © Maxime Hanssen ROULA, D(Â)ME DE FERN°137 Octobre 2017 Roula est l’une de ces femmes exemplaires qui traversent les épreuves avec une grande dignité. Une détermination pour elle, mais aussi pour les autres. Face à une Syrie éventrée, cette originaire de Marmarita, résidente de Damas, a dû quitter son pays natal « pour protéger [s]a fille », explique-t-elle, le regard et les lèvres fragiles. Une semaine pour décider de s’engouffrer ou non dans un convoi humanitaire, et reconstruire sa vie, ailleurs, avec son enfant. Diplô- mée en littérature anglaise, interprète reconnue en Syrie, elle tente lors de son arrivée dans l’Hexagone de trouver un travail dans ce domaine. Sans l’équiva- lence officielle de son certificat reconnue par les pouvoirs publics, les désillu- sions sont nombreuses. Elle multiplie alors des emplois variés en CDD : cinq mois en tant qu’assistante administrative dans une société spécialisée dans la modélisation 3D – « une expérience qui m’a donné de la confiance dans ma capacité d’intégration » – suivis par un autre travail dans une association de danse. Sa troisième aventure – traductrice dans un camp de mineurs étran- gers isolés en provenance de Calais – lui donnera la force de se lancer dans un nouveau cursus universitaire, français, pour repasser son diplôme. Pour tenter de devenir « interprète-entrepreneur, à mon compte, et ainsi réaliser mon rêve : prouver que je suis une personne à ma place dans cette société », explique-t-elle, le sourire retrouvé et dans un français, déjà, maîtrisé. Acteurs de l’économie - La Tribune 81
Comprendre RÉFUGIÉS ET ENTREPRISES LE CNAM LOUIS GALLOIS ACCÉLÈRE « LA FRANCE EST LOIN L’INTÉGRATION DU COMPTE » PROFESSIONNELLE DES RÉFUGIÉS Le président de la Fédération des acteurs de la solidarité Louis Gallois met en lumière les défaillances françaises dans En juin 2016, le Conservatoire national les processus d’intégration économique des réfugiés, fustigeant des arts et métiers (CNAM) Auvergne- le conservatisme et la frilosité des élites politiques. Rhône-Alpes et Forum réfugiés-Cosi ont uni leur expertise pour favoriser Acteurs de l’économie-La Tribune. © DR l’insertion professionnelle des réfugiés. Comment jugez-vous les dispositifs Cette initiative « forte d’une approche d’insertion économique des réfugiés Ces trois éléments sont extrêmement métier » permet à une promotion de 6 développés par la France ? importants. Si les réfugiés n’ont pas d’ac- à 10 migrants de suivre une formation Louis Gallois. Les conditions d’insertion tivité, ils seront plus « facilement » en éclaire et spécialisée. « Ce cursus vise professionnelle en France des personnes proie à des critiques, souvent non fon- un accès rapide au marché du travail. migrantes ne sont pas satisfaisantes. Nous dées : par exemple, celle, redondante, Nous ne sommes donc pas dans une sommes loin du compte. Nous devons de vivre aux « crochets » de la société. logique diplômante longue », détaille renforcer nos efforts dans trois domaines S’ils travaillent, ces accusations perdent Olivier Marion, directeur régional du précis pour nous remettre à niveau. encore plus de leur raison d’être. Ils Cnam Aura. En amont, l’association qui obtiennent une autonomie financière au œuvre à l’accueil des réfugiés sélec- Lesquels ? lieu de « peser » sur des aides financières. tionne des « candidats » en situation La maîtrise du français est un élément « stable » ayant une bonne maîtrise du central. Dès leur arrivée sur le sol, les Comment expliquez-vous ces lacunes français. Au conservatoire, ils assistent migrants – qui ne sont pas encore for- françaises, alors que l’Allemagne semble ensuite à des unités d’enseignement – cément réfugiés politiques, car le pro- plus mature dans ce domaine ? en moyenne une quarantaine d’heures cessus administratif est long – devraient Cette différence s’explique par une meil- ramassées sur 3-4 mois – , « ciblées suivre des cours de langue. Ce n’est pas leure intégration de la question migra- par rapport à leur histoire et trajectoire aujourd’hui automatique. L’Allemagne a toire dans les superstructures politiques professionnelles après un prédiagnos- très bien compris cet enjeu linguistique, allemandes. La France pourrait faire tic des professeurs ». L’enseignement mettant ainsi des structures et moyens plus, mais il subsiste un blocage dans ses présentiel est privilégié : « Les réfugiés adaptés. hautes instances. La population est pour- sont souvent confrontés à l’isolement Le deuxième élément pour favoriser l’in- tant prête pour ce débat. Des mesures social et géographique, poursuit le res- tégration repose sur la reconnaissance ambitieuses dans ce domaine ne choque- ponsable. Pour casser cette barrière, ils des diplômes et des formations obtenus raient pas nos concitoyens. Les politiques accèdent aux mêmes unités d’ensei- par les réfugiés dans leurs pays d’ori- doivent arrêter d’être frileux. C’est dans gnement que les Français. Chacun se gine. Leurs certifications sont malheu- notre intérêt : l’aide aux migrants et leur nourrit de l’autre et progresse. C’est un reusement très difficilement reconnues intégration sont un investissement qui levier, un rebond pour nous tous, un en France. Un médecin syrien, qui pos- sera payant sur le long terme. MH véritable engagement citoyen », pour- sède l’expérience, le diplôme et les com- suit-il. Les « étudiants » sont ensuite pétences liées à son métier initial, doit N°137 Octobre 2017 incités à effectuer un stage en entre- pourtant repartir quasiment de zéro ! prise de deux semaines. Fort de pre- Il existe un conservatisme de certaines miers succès et de CDI décrochés, le corporations qui empêche l’intégration programme devrait se renforcer dans le des réfugiés. Les migrants doivent égale- cadre de l’initiative nationale du Cnam ment recevoir une formation adaptée aux « Un métier pour les migrants ». « Nous codes des entreprises et aux normes des voulons constituer un pool de quatre secteurs, afin d’appréhender de la meil- sociétés partenaires. Le prédiagnostic leure des façons les fonctionnements et serait alors aussi assuré en situation la culture d’entreprise. Enfin, les réfugiés réelle par les salariés de l’entreprise. doivent pouvoir accéder aux dispositifs Cela nous permettra de flécher encore qui permettent de faciliter l’insertion des mieux les formations par rapport au Français : cela concerne, par exemple, les besoin spécifique individuel du réfu- aides au logement ou encore l’accueil des gié », conclut Olivier Marion. enfants (garderie, crèches). Ce sont des freins à l’insertion économique.82 Acteurs de l’économie - La Tribune
RUBRIQUE DE NOM Comprendre SCHOOL OF MANAGEMENT RENTRÉE Etudier DÉBUT 2018 le monde depuis Lyon* Aller au-delà. Julie - Master 1 MAE Management Général (Formation Continue) think large* FORMATION DES MANAGERS : iaelyon School of Management ouvre trois nouvelles sessions début 2018 MASTER 1 MAE D.U. MANAGEMENT D.U. NÉGOCIATION MANAGEMENT GÉNÉRAL OPÉRATIONNEL ET PILOTAGE DE L’ACTION ET PILOTAGE DU COMMERCIALE Une passerelle double CHANGEMENT compétence, offrant une Apporter aux commerciaux Une formation pour les une prise de recul par rapport vision d’ensemble de la nouveaux ou futurs managers à la pratique professionnelle gestion et du management à des publics variés (techniciens, • Public : managers venant • Public : commerciaux dotés d’une juristes, gestionnaires). expérience de 3 ans minimum d’accéder à une fonction • Public : niveau Bac +2 avec une • Volume total : 25 jours (175 h) managériale ou en passe • Début : mars 2018 expérience de 3 ans minimum. • Rythme : 2 jours par mois environ de le devenir • Durée : 9 mois • Volume total : 24 jours (168 h) iae.univ-lyon3.fr • Volume total : 298 h • Début : mars 2018 • Début : janvier 2018 • Rythme : 2 jours par mois environ Acteurs de l’économie - La Tribune 83 Pour plus d’informations : iaelyon School of Management | Formation Continue N°1T37élO.ct:ob0re4207178 78 71 88 | [email protected]
Comprendre ONU GENÈVE84 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
ONU ComprendreL’ONU TREMBLE ENQUÊTE, SAMUEL MAÏON-FONTANA © iStock by Getty ImagesN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 85
Comprendre ONU Alors que les États-Unis étaient jusqu’à présent institutions, organisations, organismes et secrétariats interna- le premier contributeur de l’Organisation tionaux ; 175 États représentés ; 256 missions, représentations et délégations permanentes ; plus de 20 000 membres du per- des Nations unies, l’« America First » prôné sonnel ; 203 000 délégués venant du monde entier… La ville par Donald Trump pourrait devenir un ouragan de Genève jouit d’une longue tradition d’accueil d’organisations internationales, devenant un centre névralgique de la coopéra- pour le multilatéralisme. Une réduction de tion. Pour preuve : ce sont deux tiers des activités du système sa participation de près de moitié se préparerait, des Nations unies qui se déroulent aujourd’hui à l’Office des tout comme un décret susceptible de déboucher nations unies à Genève (UNOG), deuxième plus important siège derrière celui de New York et principal centre de conférence de sur un « désengagement majeur ». À l’O ce l’ONU. Installé au palais des Nations de Genève, il accueille près des Nations unies à Genève, la « fin des jours de 10 000 réunions et s’ouvre à 100 000 visiteurs chaque année. Et si l’Organisation des Nations unies n’y a pas établi son siège heureux » est redoutée et un bras de fer principal après la Seconde Guerre mondiale, c’est en partie pour s’organise. Des rénovations de bâtiments sont répondre à l’exigence des États-Unis qui voulaient la voir située sur son territoire. Pourtant, 70 ans plus tard, les relations entre gelées et une baisse des salaires s’annonce. l’ONU, la Genève internationale et les Américains ne s’annoncent Une situation inquiétante pour la maison plus vraiment clémentes. En cause : un tour de vis budgétaire suisse et l’écosystème local. annoncé par le président Donald Trump, sitôt élu, ainsi que des désaccords majeurs sur des questions de valeurs.86 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
ONU Comprendre« Les Américains ont l’envie DÉLOCALISATIONSd’attaquer le siège francophone » Il ne s’agit pas encore d’un vent de panique, mais ces revirements sont pris très au sérieux pour les budgets 2018. Il faut dire queDÉSENGAGEMENT ANNONCÉ les États-Unis étaient jusqu’à présent le premier bailleur de fondsC’était une promesse de Donald Trump à ses électeurs : désor- des Nations unies, à hauteur de 22 % (5,4 milliards de dollarsmais, c’est « America First ». Un slogan qui titre même son pre- en 2016-2017, soit 4,5 milliards d’euros). L’Organisation mon-mier projet de budget (qui sera débattu jusqu’à la fin de l’année). diale du commerce, dont le siège est genevois, peut nourrir deLe département d’État (l’équivalent du ministère des Affaires vastes craintes, les milieux économiques redoutant un retrait desétrangères) et l’agence pour l’aide extérieure se voient amputés de États-Unis, plus important contributeur du budget (22 millionsprès d’un tiers de la dotation, pour augmenter de cinq fois le bud- de francs suisses en 2016, soit 11,2 % – 20 millions d’euros).get de la défense (+ 52 milliards de dollars soit 43 milliards d’eu- Idem pour le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) et le Comitéros). Certaines agences se voient coupées de tout financement, international de la Croix-Rouge, très dépendants du finance-et les programmes d’échanges mis en place par Barack Obama ment américain. Pour ces organisations, ce serait un scénarioou les banques de développement sont également dans le viseur. catastrophe.Dans ces coupes drastiques, l’ONU fait office d’archétype d’unecoopération internationale boudée par le nouveau président et Le financement américain duune toute nouvelle position du gouvernement américain est à Fonds des Nations unies pourprévoir. On parle même d’un « désengagement majeur ». Sans la population a été stoppé etsurprise, puisque le président, très critique, avait promis de s’en le Bureau de la coordination desprendre à l’organisation, qu’il voit comme « un club où l’on parle et affaires humanitaires sembleon prend du bon temps ». Les menaces de mesures de rétorsion vont également dans le collimateur,ainsi bon train contre un bouc émissaire tout trouvé, avec l’appui tout comme l’Organisationde l’aile dure du Parti républicain. internationale pour les migra-Et les premiers effets se font sentir. Sous la pression de Nikki tions. « Et ce n’est que le début »Haley, la représentante de Washington aux Nations unies enposte depuis janvier, l’ONU réduira de 600 millions de dol- Mais pour l’heure, à Genève, « il n’y a aucune mesure concrète tellelars (500 millions d’euros) le budget consacré aux opérations que des réductions de poste ou des fermetures de bureau », assurede maintien de la paix. Cette même ambassadrice, qui se dit un haut fonctionnaire de l’UNOG. Et d’ajouter que « vue la« fière » d’avoir « participé » à hauteur de 85 % à cette lourde conjoncture », certains services ne seront « pas affectés », quoi qu’ildécision, appelle à de vastes réformes du Conseil des droits de advienne. Des services-clés, comme la sécurité par exemple.l’homme, tandis que l’administration Trump prévoit par décret Néanmoins, et si le climat est à l’économie, l’envergure interna-la réduction, voire la suppression de ses contributions financières tionale de l’ONU permet certaines dispositions pour les servicesà plusieurs agences des Nations unies, ainsi que la révision de moins sensibles. Ainsi, délocalisations et externalisations se sonttraités. Le financement américain du Fonds des Nations unies multipliées ces dernières années, tant pour l’ONU que pour sespour la population a par exemple été stoppé et le Bureau de la fonds, programmes et agences. Administration du personnel aucoordination des affaires humanitaires semble également dans le Danemark, ressources humaines en Hongrie, service de paiecollimateur, tout comme l’Organisation internationale pour les en Inde, service d’assistance en Malaisie, appui des bureaux aumigrations. « Et ce n’est que le début ». En tout, il est question d’une Panama ou encore travaux de photocopie en Irlande. Poussée parbaisse globale de près de la moitié des contributions américaines d’antérieures restrictions de ressources, une vaste politique deaux organisations internationales, avec une entrée en vigueur au délocalisation a été menée, notamment pour réduire le coût des1er janvier 2018. services administratifs.Un tel recul sur le plan diplomatique pourrait conduire à une En 2015 déjà, le représentant des employés de l’ONU interpellaitgrande instabilité d’après l’émissaire français aux Nations unies sur ces restructurations qui, à Genève, entraînent le déménage-et cet unilatéralisme, qui rappelle celui de Bush fils, crée le risque ment de plusieurs dizaines de postes. En cause : la réelle chertéde « revenir à de vieilles sphères d’influence politique ». « Qui va porter de la ville et un regroupement des services des agences onu-le drapeau du multilatéralisme ? », s’interroge, sidéré, le polito- siennes. Un projet de centralisation administrative voulue parlogue américano-genevois Daniel Warner, pour qui la remise en Ban Ki-moon, ancien secrétaire général. En guise de lieu, Bang-cause ambiante pourrait être un « tsunami ». Mais, à très court kok (Thaïlande) ou Nairobi (Kenya) étaient les villes envisagéesterme, c’est le manque financier qui inquiète. Et les principaux selon le syndicaliste.centres mondiaux de la diplomatie multilatérale, dont Genève estle centre de gouvernance mondiale le plus actif, tremblent. Acteurs de l’économie - La Tribune 87N°137 Octobre 2017
Comprendre ONUCHANTIERS MYSTÉRIEUSEMENT SUSPENDUS pour un vieux système de ventilation à rénover. Un importantOutre des réorganisations internes, le bâti peut lui aussi devenir travail, qui a fait l’objet d’un devis en novembre 2016, validé enun levier d’économie. À Genève, le palais des Nations, construit janvier puis stoppé, au moment même des premières annoncesdans les années 1930, doit faire l’objet d’une rénovation complète de Donald Trump. « Le chantier n’a jamais pu commencer, tout a étédans les huit prochaines années (désamiantage, ignifugation, gelé, explique un sous-traitant. Des raisons budgétaires ont été évo-etc.), notamment par la démolition et la reconstruction d’un des quées par l’ONU, je pense qu’ils n’ont plus assez de visibilité sur leursbâtiments, pour un coût de 837 millions de francs (768 millions finances. Pour le moment, on ne doit plus compter dessus. On serad’euros). Un projet approuvé par l’assemblée générale des Nations content quand ça se fera enfin. » Une situation délicate pour cer-unies et validé par les États-Unis… mais sous l’administration tains artisans qui s’étaient mobilisés sur ce projet pour plusieursObama. Et même si de premières lignes de crédit ont été votées mois. « Sans doute qu’ils attendent la panne, le tout dernier moment,et que les travaux vont débuter, rien n’empêche l’actuelle Mai- pour économiser le plus possible leur trésorerie », avance l’un d’eux.son-Blanche de demander un réexamen pour une baisse descoûts. Et inéluctablement, un désengagement américain oblige-rait une révision architecturale et fonctionnelle.Mais en attendant cette vaste réfection, des interventions d’entre-tien deviennent nécessaires dans les actuels bureaux. C’est le cas Après une manifestation d’un millier d’employés en avril dernier, © DRc’est une grève qui a été déclenchée en juin. Un arrêt de travail rarissime au sein des Nations unies. Ils protestaient contre une baisse de 7,5 % de leur salaire.Si les Américains se désengagent massivement, les répercussions surdes sous-traitants pourraient être importantes. Des projets ont été stoppés aumoment même des premières annonces de Donald Trump. Alors quedes artisans s’étaient déjà engagés. © iStock by Getty Images88 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
RUBRIQUE DE NOM Comprendre CRÉATION : EKNO- CRÉDITS PHOTO : BERTRAND GAUDILLERE - *ACCRO À LYONPascal LE MERRER, Directeur des JECO, professeur d’économie (ENS)Je suis arrivé à Lyon il y a 15 ans pour des raisons professionnelles et, très vite, j’ai été séduit. J’ai découvert une ville où il faitbon vivre, façonnée par une très belle architecture, en perpétuel mouvement, où les quartiers se re-dessinent pour renaître enpetits villages.J’ai créé les JECO (Les Journées de l’Economie) à Lyon en 2008 avec l’ambition de provoquer des rencontres entre les citoyenset l’économie tout en faisant découvrir, par la même occasion, des lieux a priori décalés pour le sujet : Théâtre des Célestins,Musée des Beaux-Arts… La ville s’est très vite mise à l’échelle de l’événement et lui a donné toutes les clés pour réussir.Lyon, c’est la ville de l’économie, ici plus qu’ailleurs cela a été facile de se lancer ! Rendez-vous les Acteurs de l’économie - La Tribune 89N7°,1387 Oectto9bren2o01v7embre 2017 www.journeeseconomie.orgpour les 10 ans des JECO
Comprendre ONUUNE ÉCHELLE SALARIALE DÉCRIÉE Objectif : dénoncer un « système hypocrite, une politique de stagesEn interne, un autre aspect financier agite l’environnement onu- non payés qui semblait contredire clairement les valeurs que l’ONUsien : les salaires, dictés par New York. En 2015, la possible prétend défendre ». Une agitation dont certains groupes de sta-augmentation de 10 % du salaire du secrétaire et de ses adjoints giaires ont profité pour écrire au secrétaire général. Mais offi-(déjà chiffré à plus de 210 000 euros par an) avait fait scandale, ciellement, l’UNOG botte en touche : « Nous reconnaissons lacar envisagée par la diminution de 6 % des salaires des postes problématique des stagiaires. Mais ce n’est pas l’apanage exclusif dejuniors. Mais cette année, c’est l’inflation new-yorkaise qui, par l’ONU. On trouve aussi beaucoup de places non rémunérées dans lesun effet de mise à niveau, va provoquer, progressivement et à organisations gouvernementales ou les médias. » Néanmoins, l’orga-partir de cet été, une baisse de 7,5 % pour 5 400 salaires gene- nisation promet des négociations et des aides seraient envisagées.vois. « Sur un an, cela représente un mois de salaire », fustige le Mais Edward Patrick Flaherty, avocat genevois spécialisé dansprincipal syndicat du personnel, sans forcément rappeler que les procès contre les organisations internationales, reste caté-ces employés sont contractuellement les fonctionnaires les mieux gorique au sujet de ces problématiques salariales : « Il y a telle-payés au monde, compte tenu du coût de la vie helvétique. Après ment de gaspillage et probablement d’abus dans le système des Nationsune manifestation d’un millier d’employés en avril dernier, c’est unies », regrette-t-il. Selon lui, éviter ces gaspillages éviterait deune grève qui a été déclenchée en juin. Un arrêt de travail raris- devoir tailler dans la rémunération du personnel. Et d’ajouter :sime au sein des Nations unies. Et même si les doléances ont « Je pense qu’il s’agit peut-être d’une anticipation des coupes venant desété actées et transmises par la direction genevoise (qui s’est elle États-Unis et d’une volonté de montrer au Congrès américain qu’elleaussi opposée à ces restrictions), les décisions ne peuvent venir (l’ONU) avait entendu certaines des critiques. » L’avocat s’est dit prêtque du quartier général américain… avec qui Genève a quelques à défendre le personnel onusien genevois si l’affaire était portéetensions sous-jacentes : « Il y a cette envie d’attaquer le siège fran- en justice. Justement, c’est pourtant bien une volonté de justicecophone », confiait à l’AFP Ian Richards, qui dirige le syndicat du que l’ONU défend à travers le monde.personnel de l’UNOG. Michael Møller, directeur général de l’UNOG, qualifiait à justeEnfin, tout en bas de la hiérarchie, une autre classe commence à titre l’organisation et ses généreuses subventions de « dernier sys-faire parler d’elle : les stagiaires. Ils sont plusieurs milliers recru- tème social-démocrate au monde ». Une position humaniste à pro-tés chaque année par l’organisation et ils commencent à sortir téger mais qui pourrait bien continuer d’être malmenée. Quantde leur silence depuis l’affaire David Hyde. Ce Néo-Zélandais aux larges réformes promises par le nouveau secrétaire général,d’une vingtaine d’années a, en 2015, savamment orchestré sa le Portugais Antonio Guterres, qui a pris ses fonctions en janvier,couverture médiatique pour mettre en lumière les conditions elles restent encore floues… Le même Guterres qui, lorsqu’ilde travail de ces milliers d’anonymes qui composent une main dirigeait le HCR à Genève, avait déplacé une partie du personneld’œuvre gratuite pour les différentes agences des Nations unies. administratif à Budapest par mesure d’économie. Genève garderaLui-même logeait sous une tente au bord du lac durant son stage intact son rôle de haut lieu de la coopération internationale, maisde six mois et sa situation, certes romanesque, a ému les médias nul doute que l’ONU n’a pas fini de se serrer la ceinture.du monde entier. Donald Trump, toujours très critique envers l’ONU, a promis de s’en prendre à l’organisation, qu’il voit comme « un club où l’on parle et on prend du bon temps ». © iStock by Getty Images90 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
RUBRIQUE DE NOM ComprendreÉLCAÉOFGSFNAOÛCNUTETÉPNLTERÉ L’œil de lynx www.imprimerie-ica.com 2lance nouvelles activitésImpression numérique Impression et découpe Haut de gamme Grand format jusqu’à 3,20 m Tous documents Evénementiel : kakémono, enseigne, stop trottoir... petites quantités, personnalisés, Supports souples : affiche, abribus, 4x3, bâche... Supports rigides : décoration d’intérieur, panneau, plexiglas... de la carte à l’affiche, Tous supports jusqu’à 5 cm d’épaisseur de la brochure au catalogueN°137 Octobre 2017 82, Route de Crémieu 38 230 Tignieu-JameyzieuActeurs de l’économie - La Tribune 91 tél. : 04 78 32 23 19 - e-mail : [email protected]
Comprendre LYON-TURIN© Didier Bert 92 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017
LYON-TURIN Comprendre LYON-TURIN L’IRRÉDUCTIBLEVILLAGE ISÉROIS REPORTAGE, DIDIER BERTCommune iséroise enclavée au cœur du massif de la Chartreuse, Chapareillan est passée, en quelques années,de la neutralité bienveillante à l’opposition farouche au Lyon-Turin. Certains y voient même le prochain lieu decristallisation de l’opposition contre les grands chantiers, après celui de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.Pourtant, dans ce village de 3 000 habitants, tout avait si bien commencé...Sur les Deux vallées, l’une en Savoie, l’autre en commune, des panneaux rappellent auxcontreforts Isère, où coule la rivière Isère en direc- visiteurs l’opposition farouche du vil-du mont Granier tion de Grenoble. Au Moyen Âge, il se lage au passage de ce train sur ses terres.et du massif disait que posséder le château de Belle- Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi…de la Chartreuse, combe, c’était maîtriser le Dauphiné. Dixle château de siècles plus tard, l’adage a un peu évolué. BIENVEILLANT… AU DÉPARTBellecombe Aujourd’hui, ce n’est plus la possession Nous sommes au début des années 2000.domine la combe du territoire qui se joue. Mais peut-être Le maire de l’époque, Daniel Bosa, se rap-de Savoie et bien plus encore. Puisque la commune de pelle les premières informations reçuesla vallée du Chapareillan, sur laquelle le château est après son élection en 2001. Des repré-Grésivaudan. dressé, pourrait marquer les esprits, quoi sentants de la SNCF et de Réseau ferré qu’il arrive d’ici trois ans. de France (RFF) viennent lui parler duN°137 Octobre 2017 C’est ici, en effet, que doit sortir dans tracé prévu dans sa commune. « Je n’avais quelques années le tunnel sous le mas- pas été informé par le canal officiel, à savoir sif de la Chartreuse destiné à recevoir la la préfecture de l’Isère », s’étonne encore liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, aujourd’hui l’ancien maire. Il com- un des plus grands chantiers du conti- prendra quelque temps plus tard qu’il nent. De là, les futurs trains traverseront demeure toujours le dernier informé, « le la vallée pour s’engouffrer, ensuite, sous préfet coordonnateur du projet étant le préfet le massif de Belledonne en direction de Savoie ». En effet, Chapareillan est la de la Maurienne. Et si les événements seule commune de l’Isère à être traversée conduisent le train à ne jamais circuler par le Lyon-Turin. Il verra alors, durant dans ce secteur, on pourra dire que le son mandat, les journalistes lui télépho- sort du Lyon-Turin s’est joué à Chapareil- ner pour réagir aux avancées du projet lan. Pour l’heure, aux quatre coins de la sans que lui-même dispose des éléments. Acteurs de l’économie - La Tribune 93
Comprendre LYON-TURIN Le tunnel sous le massif de la Chartreuse doit déboucher dans une zone classée AOC, celle des vins de Savoie, dont Chapareillan est l’une des communes productrices. Après avoir été bienveillant à l’accueil du projet au début des années 2000, le maire de l’époque Daniel Bosca lâchera l’a aire. © Didier Bert © DR « Quelles retombées94 Acteurs de l’économie - La Tribune pour la commune ? Personne ne semble le savoir » N°137 Octobre 2017
LYON-TURIN Comprendre« Ils tenaient leurs informations de la Savoie, une partie de leur clientèle. « Des arti- DES VOIES DANS LES VIGNESmais de mon côté je devais attendre que sans et des commerçants peuvent penser La première inquiétude se rapporte à lales documents officiels soient traités par la que le chantier leur apportera du travail », perte de foncier agricole. Le tunnel souspréfecture de l’Isère avant qu’ils me par- pointe Olivier Bourquard, co-président le massif de la Chartreuse doit en effetviennent », se désole-t-il. du Collectif citoyen contre le Lyon-Tuin déboucher dans une zone classée AOC,À l’époque, la commune travaille avec (CCLT), lui-même entrepreneur dans celle des vins de Savoie, dont Chapareil-RFF. « Notre position n’était pas contre le la commune. Sauf qu’au fil des années, lan est l’une des communes productrices.passage du Lyon-Turin à Chapareillan, sou- aucune information n’a transpiré sur de « Les terrains proches du tracé perdront de laligne l’ex-édile. Mais nous avions des ques- possibles retombées économiques. « Cela valeur », souligne Vincenzo Sanzone.tions à poser, et nous voulions des garanties. a pu être vu comme une opportunité à un Le paysage ne sera plus le même. Là oùC’est tout. » L’ancien maire dit même avoir certain moment », acquiesce Vincenzo les Chapareillannais aperçoivent le Mont-été plutôt bienveillant avec l’idée du pro- Sanzone, conseiller municipal en charge Blanc, ils devraient voir d’ici quelquesjet, présenté comme écologique, reliant de l’urbanisme, du PLU, de l’environne- années se dresser un talus d’une hauteurles deux pays pour ôter des milliers de ment et des travaux. Avant de tempérer : de dix mètres qui permettra aux trainscamions des autoroutes de la région. La « Aujourd’hui, on ne sait même pas où se de franchir l’autoroute et l’Isère. À celacommune et ses habitants espéraient-ils situera la base de vie du chantier, donc fina- s’ajoutent d’autres nuisances redoutées pardans le même temps d’éventuelles retom- lement, on ne s’attend plus à quelconques les habitants : le va-et-vient des camions ;bées économiques liées à l’implantation retombées. » Chapareillan s’interroge le travail permanent des ouvriers, commede la base de vie des ouvriers durant le désormais. Pour la commune de 3 000 pour tout chantier de cette ampleur ; lechantier ? Pour Lauriane Cartier, prési- habitants, la seule certitude est qu’il fau- détournement possible de la source desdente de l’union des commerçants, les dra affronter les nuisances du chantier Éparres qui alimente exclusivement latravaux pourraient avoir un impact posi- et la proximité avec la circulation de commune aujourd’hui… Sans oublier destif pour le commerce. « Plus de monde, dizaines de trains par jour. Mais les vil- risques d’éboulements supplémentairesc’est plus de consommation », explique-t- lageois craignent d’autres désagréments. du mont Granier, constitué de calcaire, etelle, s’exprimant à titre personnel. Le dont un pan s’est écroulé l’an passé, voiresujet peut fâcher dans la commune isé- l’arrivée de prostitués près du chantierroise. D’autres commerçants préfèrent ne comme il est courant parfois de l’observerrien dire, de crainte de se mettre à dos sur des projets comparables.VENT DE FRAICHEUR SUR 8 MONT-BLANC ... ... LAISSEZ-VOUS SURP R ENDRE ... WWW.8MONTBLANC.FR CANAL 31 DE LA TNT CANAL 30 SUR LES BOXN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 95
Comprendre LYON-TURINCONCERTATION ? CONTESTATION Ce qui le conduira à écrire deux livresChapareillan, collée au massif monta- Lors d’une réunion publique inscrite dans lesquels il affirme le non-sens éco-gneux, devra surtout s’accommoder du dans le cadre de l’enquête, les habitants nomique du projet, la possibilité d’uti-bruit. « Toute la commune sera touchée », de Chapareillan prennent conscience liser la ligne ferroviaire existante, maisprévient Vincenzo Sanzone. Le son du de ce qui leur arrive. Les informations aussi les conflits d’intérêts des commis-passage des trains à une distance d’un sont noyées au milieu d’une masse de saires-enquêteurs. « L’un avait des parentskilomètre envahira tout le centre. Hormis documents. « Comment voulez-vous que à Chapareillan, l’autre un frère maire d’unla prise en compte des quelques maisons le citoyen lambda s’y retrouve alors qu’il y village voisin, et on mettait en avant l’entre-situées à proximité immédiate du tracé, avait une pile de dossiers de plus d’un mètre prise du frère d’un commissaire-enquêteur »,rien n’est prévu pour protéger les autres. de haut, et aucun condensé pour rendre le martèle celui qui est aujourd’hui consi-L’enquête publique a mesuré la moyenne projet intelligible », martèle Daniel Bosa. déré comme le fer de lance des opposantsde l’impact acoustique, sans tenir compte Le manque d’informations nourrit encore au Lyon-Turin.des pics inhérents au passage des trains. davantage une contestation de plus en« On nous a toujours dit que la loi était res- plus forte. Alors que le mandat du maire « UN TEL FOUTOIR »pectée », s’offusque Daniel Bosa, qui com- s’achève, la municipalité clame désormais Deux ans plus tôt, des citoyens de Chapa-prend bien que toutes ses interrogations son opposition au passage du Lyon-Turin. reillan, inquiets des problèmes à venir,ne sont pas considérées. « Où se trouve Ce qui n’a pas toujours été le cas. « Nous avaient lancé le Collectif citoyen contrela concertation dans cette histoire ? Elle ne nous sommes décidés lorsque nous avons le Lyon-Turin (CCLT). « Nous nous étionsse résume pas seulement à respecter la loi, compris qu’il y avait une solution utilisant d’abord concentrés sur la gestion des nui-il s’agit aussi d’aller au-delà pour trouver un simplement le tracé historique par le col du sances éventuelles du projet, mais finalement,juste compromis », s’indigne-t-il. Mont-Cenis », explique Daniel Bosa. Dès nous nous sommes rendu compte qu’il y avaitLes choses s’accélèrent début 2012. Là, lors, les panneaux affichant l’opposition beaucoup de choses qui n’étaient pas claires,en deux mois sera réalisée l’enquête municipale au Lyon-Turin se dressent à pointe Olivier Bourquard, coprésidentpublique du chantier pour la partie l’entrée du village. du mouvement. C’était un tel foutoir. »reliant Lyon à Saint-Jean-de-Maurienne, Parmi le public qui assiste aux réunions L’association s’oriente vers l’informationc’est-à-dire la majeure partie du chantier publiques, Daniel Ibanez est présent. Ce du public et le soutien aux actions juri-franco-français d’un projet qui pourrait spécialiste du redressement d’entreprises diques. « Nous ne voulions pas lutter commecoûter jusqu’à 30 milliards d’euros. La en difficulté est venu à plusieurs reprises les Italiens l’ont fait, car cela n’aboutit pas etmunicipalité critique le manque d’infor- en voisin, de la commune savoyarde génère de gros dégâts, y compris humains »,mations, et déplore des documents erro- des Mollettes. Et s’étonne de la pauvreté ajoute-t-il. Avec ses 200 adhérents, lenés ou illisibles publiés pour l’enquête des réponses des enquêteurs du projet. CCLT organise alors des journées inter-publique. « Lorsque j’ai demandé s’ils avaient étudié nationales, invitant ses homologues ita- la réverbération acoustique entre Belledonne liens, mais aussi des collectes d’argent et la Chartreuse, ils m’ont répondu qu’ils pour financer les recours légaux intentés n’étaient pas de la région et qu’ils ignoraient par Daniel Ibanez. ce qu’étaient Belledonne et Chartreuse », En 2014, la municipalité change de relate Daniel Ibanez, qui plongera dans mains. À Daniel Bosa succède Martine les profondeurs du projet Lyon-Turin. Il Venturini-Cochet, qui se place dans la tombe sur des rapports de l’Inspection continuité de son prédécesseur. Mais l’op- générale des finances, du Conseil général position se fait plus discrète sur le terrain. des ponts et chaussées et de la Cour des comptes : tous critiquent la méthode et le financement de ce projet pharaonique. La synergie de nos expertises : la réponse à vos enjeux cms.law/bfl/lyon N°137 Octobre 2017 Nos équipes d’avocats experts en droit et fiscalité, tant en conseil qu’en contentieux, vous offrent des solutions à haute valeur ajoutée. CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon 174 rue Créqui - CS 23516 - 69422 Lyon Cedex 03 - France T +33 4 78 95 47 9996 Acteurs de l’économie - La Tribune
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Comprendre LYON-TURINContactée à de multiples reprises, la nou- grand-chose. » Une méthode qui n’est pas ce ras-le-bol mais ils ne devraient pasvelle maire n’a pas souhaité répondre innocente, selon Olivier Bourquard. « On sous-estimer les élections. »favorablement aux demandes d’interview nous demande de nous serrer la ceinture. En Alors qu’à l’origine, la commune calmed’Acteurs de l’économie-La Tribune. Une face, on investit dans un projet à trente mil- de l’Isère souhaitait obtenir des réponsesposture qui pourrait sans doute s’expli- liards d’euros, on commence les travaux sans argumentées, la situation s’est finalementquer, comme le clament certains dans le les financements, lance des appels d’offre, des muée en une fronde locale. Mais quevillage, par la période actuelle de négo- expropriations dans le but de nous mettre les journaux télévisés de 2020 s’ouvrentciations portant sur l’expropriation des devant le fait accompli. C’est inadmissible ! » sur la ZAD de Chapareillan, ou que laterrains qui approche. Une réticence à Et l’homme de mettre en garde les élus pause du projet s’éternise définitivement,s’exposer publiquement, au moment où nationaux : « Ils ne prennent pas en compte il faudra se rappeler où le convoi duquelques habitants s’imaginent vendre Lyon-Turin a commencé à s’envenimer.leurs terrains à prix d’or. En matière de À Chapareillan, un village d’irréductiblespolitique municipale, « ce n’est pas le bon Isérois...tempo pour parler », entend-on aussi dansles ruelles ; de plus, les panneaux ne « Le cas de Chapareillan est emblématiquefavoriseraient pas l’attractivité de la com- du gaspillage d’argent public et de dégâtsmune. La situation semble donc plus que environnementaux considérables »sensible et tendue. © Ludovic / RéaLA ZAD OU L’ABANDON ?Mais l’heure n’est plus à la politique BROUILLARD POLITIQUElocale. La nomination de Nicolas Hulot SUR LE LYON-TURINcomme ministre de la Transition éco-logique et solidaire est plutôt vue d’un Le candidat Emmanuel Macron avait indiqué qu’il soutiendrait le Lyon-Turin une fois élu. « Jebon œil par les opposants chapareil- confirme les trois grands projets en cours dont les déclarations d’intérêt public sont en trainlannais au Lyon-Turin. La pause sur les d’être obtenues, c’est à dire le Bordeaux-Toulouse (...), le Lyon-Turin et le canal Seine-Nord quigrands chantiers leur donne matière sont trois gros travaux d’infrastructure », déclarait-il sur RTL le 3 mars dernier. Quatre moisà espérer (lire encadré). Et l’audition plus tard, le projet de ligne ferroviaire transalpine est pourtant en pause depuis la déclarationau Sénat de la ministre chargée des de la ministre des Transports, Élisabeth Borne. D’ici le premier semestre 2018, une réflexionTransports, Élisabeth Borne, le 20 juil- sera menée sur les grands chantiers coûtant plus de dix milliards d’euros. C’est alors lelet dernier, encore plus. Ils voient dans parlement qui aura à voter une grande loi d’orientation sur les mobilités. En attendant, lales propos de la nouvelle ministre une position du ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, n’est toujours pascritique des grands chantiers lancés connue.à la hâte, et la volonté que les investis-sements sur les lignes existantes soient N°137 Octobre 2017davantage considérés. Et si le Lyon-Turindevait être maintenu ? Chapareillanpourrait bien devenir le nouveau Notre-Dame-des-Landes. Les protagonistes ren-contrés ne s’étonneraient pas de voir unezone à défendre (ZAD) s’implanter surla commune iséroise, comme c’est le cassur celle de Loire-Atlantique. « Le cas deChapareillan est emblématique du gaspillaged’argent public et de dégâts environnemen-taux considérables », observe Olivier Bour-quard. « Quand les travaux débuteront, cesera le point chaud en France, le nouveauNotre-Dame-des-Landes », pronostiqueVincenzo Sanzone. Après des annéesà tenter d’obtenir des informations surl’impact du chantier du siècle sur leurcommune, à analyser le peu d’informa-tions intelligibles disponibles, et à fairevaloir leurs points de vue, les habitantscommencent à tirer des enseignementsde cette aventure imposée. « Cette his-toire m’a laissé un goût amer, lâche DanielBosa. Dans ce genre de projet important,on ne prend pas en compte le cas des petitescommunes. On nous concerte pour nous faireplaisir, mais cela ne sert finalement pas à98 Acteurs de l’économie - La Tribune
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Comprendre CHRONIQUESRÉFORME DES RETRAITESUne ambition mesuréeAlors que la rentrée politique se focalise sur les ordonnances Bruno Dupuis réformant le Code du travail, s’ouvre le chantier particulièrement Associé senior advisor, Alixio sensible du système de protection sociale. Dans ce cadre, la réforme des dispositifs de retraite chers à une population qui voit LES ORDONNANCES, se réduire le rapport entre actifs et retraités en constitue l’un desenjeux les plus ambitieux et complexes d’autant qu’il s’inscrit dans la durée. le jour d’après...Dans une recherche d’équité, et inspiré de l’expérience de certains voisinseuropéens, l’objectif consiste à substituer à la variété des régimes actuels Àla fin de l’année, nous aurons donc un droit du travail très significativement trans-un système de retraite unique dans lequel chaque euro cotisé, indépen- formé, dans le sillage et sur les bases de la méthode proposée par le rapport de Jean-damment de l’activité ou du statut de la personne, octroierait le même droit. Denis Combrexelle, remis il y a tout juste deux ans au Premier ministre et qui ne seraSur ce principe, l’écueil de l’âge de départ – bien que maintenu à 62 ans pas resté lettre morte. Ce nouveau cadre, qui embrasse les relations individuelles et– disparaît, la liquidation relevant du choix individuel qu’on peut imaginer collectives de travail, est un bon signal pour plusieurs raisons.subordonné au montant de rente escomptée. L’évolution programmée s’ac- Tout d’abord, il montre la constance d’un quinquennat à l’autre et la capacité de notre payscompagne d’un engagement de stabilité des droits acquis pour les départs à s’approprier un constat, assez largement partagé, celui de la trop grande complexité et dedes cinq prochaines années et fixe une montée en charge progressive l’imprévisibilité de notre droit du travail. Il révèle également la nécessité de mener à son terme,aboutissant à une mise en œuvre généralisée à dix ans. Si ce scénario dans le dialogue avec les parties, une réforme très sensible pour des raisons, sachons les’articule parfaitement avec les travaux devant conduire au régime unifié des reconnaître, qui sont parfois symboliques. La réussite de ce processus dans un climat apaiséretraites complémentaires des salariés en 2018, il pourrait être contrarié par est aussi un signal positif pour des décideurs et investisseurs étrangers, et ce, à un momentles récentes alertes du Conseil d’orientation des retraites. où la diplomatie créative du président Macron a remis la France au premier plan de la scène internationale. La suite et le succès de cette importante réforme vont s’écrire au quotidien etRéponse partielle dans la durée, avec les acteurs des entreprises et/ou des branches, à la disposition desquelsSes dernières projections, élaborées à partir des données démographiques seront mis ce nouveau cadre et ces nouveaux outils. Mais pour amplifier les chances de succèset des objectifs de croissance, anticipent une augmentation du besoin de et que toutes les parties deviennent des « bâtisseurs », il faudra s’emparer vigoureusement definancement de la retraite complémentaire et en conséquence, une aggra- sujets concrets. En effet, par manque d’attrait ou par conformisme conservateur, les voiesvation du déficit imposant des mesures correctives immédiates sur l’âge de ouvertes par le législateur sont bien souvent restées lettre morte ces dix dernières années.départ, le niveau des pensions ainsi que le taux de cotisation. Une situationdélicate peu propice à faciliter la conduite d’une transformation présentée Confiancesans effet à court terme, et qui réactive concomitamment, le débat sur les Quatre conditions sont essentielles pour la réussite opérationnelle de la réforme avec le cadreretraites supplémentaires. Car si la réforme de l’existant s’impose à des fins de jeu, livré très prochainement aux acteurs :de transparence, de simplification et d’économie de gestion, elle n’apporte - La première est la confiance. Elle ne se décrète pas, mais se construit dans la durée. Pourqu’une réponse partielle à l’érosion programmée des revenus de remplace-ment. À ce titre, les solutions apportées par les produits d’épargne retraite s’en assurer, il s’agira de veiller à mêler suffisamment d’exigence avec une indulgence quiet d’épargne salariale apparaissent plus que jamais comme un complément admette le droit à l’erreur.adapté, dont on peut regretter que seul un actif sur quatre en dispose. Ainsi, - La pédagogie et la formation (initiale et continue) ensuite.la difficulté individuelle à se projeter, la rigidité de produits imposant la sortie - Il faudra aussi prévoir des moyens adaptés, parmi lesquels l’utilité de l’expert au service desen rente tout comme le caractère facultatif de la souscription représentent représentants du personnel sera valorisée pour challenger un projet d’un côté, mais aussi enautant de freins à la constitution d’une nouvelle strate de pension. faire un usage rationnel de l’autre.Dans ce contexte et au vu de l’accroissement des encours en épargne - Enfin, la réussite de la réforme sera le renouveau des acteurs et l’envie d’y arriver. A cettesalariale, au bénéfice d’une fiscalité allégée par Emmanuel Macron dans condition, le fait de s’engager dans le syndicalisme ou dans une organisation professionnelleses précédentes fonctions, il serait dommageable que la flat tax envisagée ne sera plus perçu négativement ou comme une voie de garage dont il est difficile de sortirpar le gouvernement dans un but d’harmonisation de la fiscalité des revenus positivement.financiers, affecte cette épargne et remette en cause une dynamique ser-vant l’intérêt général de la retraite. Éric Gerard © Valérie Couteron - Christian Chamourat Directeur des assurances N°137 Octobre 2017 de personnes Groupe Agrica100 Acteurs de l’économie - La Tribune
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