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No 137 Acteurs de l'économie

Published by AGEFI, 2017-09-26 03:22:18

Description: Octobre 2017

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acteurs DE L’ÉCONOMIEBERTRAND PICCARDLSEOMIGONNEDREséisme L’ONUchallenge AS SAINT-ÉTIENNEaubaine MIGRANTS Auvergne-Rhône-Alpes [ www.acteursdeleconomie.com ] N°137

UNAUVERHONALPIN* EXIGE LE MEILLEUR POUR SON PATRIMOINE * LES HABITANTS DE NOTRE GRANDE RÉGION N’ONT PAS ENCORE DE NOM MAIS DÉJÀ UNE GRANDE BANQUE QUI LES ACCOMPAGNE POUR DÉVELOPPER ET VALORISER LEUR PATRIMOINE ! PLUS FORTE, PLUS PROCHE, PLUS CONNECTÉEwww.bpaura.banquepopulaire.frBanque Populaire Auvergne Rhône Alpes – Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L512-2 et suivants et du Code Monétaire et Financier et l’ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit – Siren 605 520 071 RCS LyonIntermédiaire d’assurance N° ORIAS : 07 006 015 – Siège social : 4, boulevard Eugène Deruelle – 69003 LYON - N° TVA intracommunautaire : FR 00605520071 – Crédits photos : Gettyimages - Shutterstock – Crédit agence :All Contents – 17030104 – Mai 2017 – Document publicitaire non contractuel

ENTRÉE EN MATIÈRE Dialoguer ENTRÉE EN MATIÈRE CLAUDINE TIERCELIN“Verbeuse et radoteuse, à mille lieues du réel, la métaphysique, jadis reine des sciences, n’échapperait à la mort que par le sup- plément d’âme qu’elle apporterait au siècle, a fortiori à l’entreprise, mue par le seul profit, l’intérêt des actionnaires, au mépris des hommes qui en sont la chair. Et les marchands de soupe philosophique d’en être les premiers ravis et d’en faire un business lucratif. Mais c’est oublier, d’abord, que la métaphysique, loin des ancres célestes, eut d’abord pour objet d’enquêter sur les choses et leurs propriétés, en s’aidant pour ce faire, de la logique et des sciences. Ensuite, que l’entreprise, aussi abstraite soit- elle pareillement devenue, à l’âge de la mondialisation du marché capitaliste, où le temps des marchands et des personnes « physiques » s’est mû en celui de personnes morales, de firmes, de sociétés (« anonymes », à responsabilité « limitée »), et de multinationales, n’est pas seulement non plus une entité abstraite, réductible à une « unité organisationnelle de production de biens et de services ». On sait mieux la part que tiennent l’altruisme (Sen), toutes les « parties prenantes », les contrats et les négociations. Les entrepreneurs mécènes, qui ne sont pas tous cyniques, l’ont d’ailleurs bien compris. L’époque du taylorisme et du « travail en miettes » (G. Friedmann) n’est plus. On se dote d’un directeur des « ressources humaines » et pas seulement du « marketing ». Se multiplient les débats en éthique des affaires, pour savoir si on sortira mieux des impasses de l’utilitarisme ou du pragmatisme vulgaire, en pensant l’entreprise comme un « règne des fins »(Kant) ou à travers le prisme d’une éthique des vertus (Aristote) où l’on pourrait puiser les règles d’un art de la délibération et de la prise de décision, si précieux pour la négociation et l’établissement de contrats équitables. Dans les années 1990, certains se demandaient si les entreprises avaient une âme (Etchegoyen) ou si les managers pouvaient avoir des « idéaux » (Bouveresse). Mais comme Walther Rathenau l’avait fort bien compris, ce dont l’entreprise (qui est toujours aussi le miroir de l’époque) a le plus besoin, ce n’est pas d’une réorganisation de l’âme. De cela, chacun sait prendre soin. Point n’est besoin d’un métaphysicien. En revanche, une réorganisation de l’esprit est hautement nécessaire. Depuis l’Antiquité, la métaphysique s’est d’abord donnée pour objet de s’interroger sur ce que c’est pour une chose, d’être ce qu’elle est, de décliner les catégories de la réalité et de réfléchir à leur possible hiérarchisation. Qu’est-ce qui importe le plus : la quantité, la qualité d’une chose, sa position, sa localisation, sa temporalité, la rela- tion qu’elle a avec les autres choses, d’être action ou possession, ou, simplement, essentiellement, d’être, en un mot, substance  ? Et Aristote de trancher pour cette dernière. Il n’est pas sûr qu’il ait toujours raison. L’histoire de la logique et les progrès des sciences nous orientent plutôt vers une priorité des relations et des interactions. Se posent dès lors, à nouveaux frais aussi, les questions si cruciales de savoir ce qu’est vraiment une cause, en quoi consiste - s’il existe - le libre arbitre d’un agent, le sens à donner à l’individu, à la communauté, au bien et au juste, et quelle priorité accorder à l’un ou à l’autre ? Pour y voir plus clair, vaincre les préjugés, comme le sait tout métaphysicien, il faut d’abord un organon : lui seul nous aidera à vaincre les malentendus du langage ordi- naire, à mettre sous les mots, des concepts, et donc de vrais jugements, seuls à même de protéger de l’idéologie et de la propagande. Ce n’est pas d’une réforme morale que l’entreprise, comme l’époque, a le plus besoin : c’est d’une révolu- tion intellectuelle. Et pour mener celle-ci à bien, contrairement aux idées reçues, la ’’métaphysique occupe, aujourd’hui comme hier, une place de choix. Claudine Tiercelin Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Métaphysique et philosophie de la connaissanceN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 3

© Kanellos Cob

UNFEOÉPROUQUME. . RUBRIQUE DE NOM Dialoguer FORMIDABLE THÉÂTRE DES CÉLESTINS LYON, NOVEMBRE , DE H À HJEAN ZIEGLER ALAIN TOURAINEÉTIENNE KLEIN PASCAL PERRINEAULAURENT ALEXANDRE GILLES BŒUFPASCAL PICQ JEAN VIARDCYNTHIA FLEURY ERIC FOTTORINOPASCALE CLARK JEAN-PAUL DELEVOYEMICHEL TROISGROSPartenairesPartenaires médias SoutiensN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 5

Dialoguer RUBRIQUE DE NOM N°137 Octobre 2017BERTRANDPICCARD« SOIGNERLE MONDE » En explorant les multiples facettes de son engagement pour la planète, l’initiateur de Solar Impulse – avec son équipier André Borschberg, il a accompli en 2016 le tour du monde en avion solaire –, Bertrand Piccard alerte sur les enjeux environnementaux auxquels l’Homme doit faire face s’il souhaite (sur)vivre sur Terre, militant pour instaurer un cadre légal obligeant les populations à s’investir pour la lutte contre le réchau ement climatique. Une réflexion engagée et passionnée, mais volontairement optimiste pour cet aventurier des temps modernes insatisfait permanent, qui bouscule les habitudes et relève les défis dits impossibles dans le seul optique de construire un monde meilleur. ENTRETIEN, STEVEN DOLBEAU ET ROMAIN CHARBONNIER PHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADE6 Acteurs de l’économie - La Tribune

RUBRIQUE DE NOM DialoguerN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 7

Dialoguer BERTRAND PICCARDENVIRONNEMENT En explorant et en parcourant le monde, biodiversité. Si la planète était une entre- en ballon et en avion solaire, en rencon- prise privée, cela ferait déjà longtemps « Défenseurs de la trant – à travers vos aventures– celui qui que son CEO serait jugé et condamné nature ou défenseurs l’habite, le fait vivre, mais aussi le détruit pour maquillage des comptes – ce der- de la croissance, nous indirectement ou sciemment, quel constat nier faisant croire que la croissance est fait le médecin-psychiatre que vous êtes réelle alors qu’elle se fait à crédit. Elle devons parler un sur la manière dont l’être humain appré- ne crée pas de valeurs, mais en détruit. langage commun, ne hende les enjeux climatiques et les évolu- Nos sociétés doivent changer, évoluer, se plus nous défier, mais tions de la planète ? transformer et ne peuvent plus refuser de générer des solutions Au cours des cinquante dernières années, nouvelles pratiques. Dans le même temps, nous avons constaté un très fort décalage il est impensable d’interdire aux popula- gagnant-gagnant » entre écologie et économie. D’un côté, les tions de bouger, de manger et de consom- militants écologistes entendaient protéger mer. Nous ne pouvons plus mettre en8 Acteurs de l’économie - La Tribune l’environnement en proposant unique- opposition les besoins à court terme de ment des sacrifices  : moins de mobilité, notre société et les besoins à long terme de confort, de croissance, de consom- de la planète. D’où l’importance, et je le mation, etc. Mais l’être humain ne veut répèterai plusieurs fois, d’avoir recours pas moins, il veut mieux. Et de l’autre, aux technologies propres et modernes qui l’industrie qui offrait des salaires et une protègent l’environnement tout en créant bonne qualité de vie, mais à un coût envi- emplois et croissance économique. ronnemental inacceptable. Pour recevoir des salaires et des avantages sociaux à Vous prônez l’écologie humaniste que court terme, nous avons accepté d’en- vous avez rebaptisée «  éco-maniste  » dommager la planète. Aucune de ces ou «  éco-manité  » soit une juxtaposi- deux variantes ne peut fonctionner avec tion entre l’écologie et l’économie avec le temps, et le paradigme devait évoluer. une dose d’humanité. Quel regard por- Depuis quelques années, des solutions tez-vous sur les défenseurs d’une écolo- deviennent disponibles pour concilier ces gie traditionnelle qui semblent éloignés deux extrêmes que sont économie et éco- des notions de rentabilité économique logie. Les technologies propres, les nou- dès qu’il s’agit d’environnement  ? Et de veaux procédés industriels plus efficients, l’autre, sur les industriels qui restent les énergies renouvelables permettent campés sur des positions plus libérales aujourd’hui d’économiser l’énergie et les qu’écologiques ? ressources naturelles, et de diminuer les Les écologistes ne voient qu’une partie du émissions polluantes, de façon rentable, problème, et la société de consommation, avec création d’emplois et développement industrielle et financière n’en voit qu’une économique à la clé. Nous pouvons ainsi autre. L’intersection des deux cercles obtenir une croissance propre bien meil- est nécessaire pour que cela fonctionne. leure qu’un statu quo sale. Réconcilier les Et celle-ci signifie parler d’écologie de extrêmes  : là réside un espoir pour un manière économique, et parler d’écono- monde meilleur. Défenseurs de la nature mie de manière écologique. On peut être ou défenseurs de la croissance, nous aujourd’hui logique autant qu’écologique. devons parler un langage commun, ne En remplaçant par exemple tous les vieux plus nous défier, mais générer des solu- systèmes polluants inefficients par des tions gagnant-gagnant. systèmes modernes comme des moteurs électriques, ampoules Led, pompes à cha- « Il faut commencer en sachant que cela leur, isolations de bâtiments, nouveaux ne finira jamais. » Cette phrase que vous processus industriels, smart grids, etc. Si avez employée au sujet du projet Solar nous y parvenons, un formidable marché Impulse peut-elle être appliquée à la pro- s’ouvre à nous, et avec lui l’assurance de tection de l’environnement  ? Sommes- réduire le chômage, d’enregistrer de la nous entrés dans une forme de spirale croissance. Je caricature un peu leur posi- continue dont il est possible que nous ne tion, mais le discours rigoriste des éco- sortions pas indemnes ? logistes prônant la protection des petites Bien sûr que notre comportement et notre fleurs et militant pour que les humains mode de vie engendrent déchets et pol- vivent dans une réserve naturelle, ne lution, d’autant plus que nous fonction- voyagent plus et ne consomment plus, nons dans le court terme. Mais davantage est totalement contre-productif. Ils nient que cela, ce sont nos vieilles technologies les réalités économiques, sociétales et démodées qui détruisent l’environne- même environnementales. Car l’Homme ment et gaspillent les assets sur lesquels n’est pas séparé de la nature dont il doit fonctionne notre humanité. Nous épui- prendre soin  ; il fait partie intégrante de sons les ressources naturelles, polluons celle-ci et se fait du mal à lui-même et à sa l’air que nous respirons, l’eau que nous qualité de vie chaque fois qu’il l’endom- buvons, appauvrissons les océans et la mage. C’est lui-même qu’il met en péril. Il N°137 Octobre 2017

BERTRAND PICCARD Dialoguerfaut donc comprendre qu’il doit protéger par les vagues d’immigrants africains quil’environnement pour lui. La nature survi- débarquent sur le continent européen, envra à tous les cataclysmes, l’Homme pas… privilégiant l’aide aux populations afri- caines pour qu’elles s’épanouissent dans«  Réaliser l’impossible prend du temps  », leur pays en créant des infrastructures et de la richesse. Les États préfèrent dépen-dites-vous. Avec l’Accord de Paris sur le ser des milliards d’euros pour mettre des emplâtres sur des jambes de bois plutôtclimat, l’application de mesures concrètes « La nature survivra à qu’agir de manière préventive. tous les cataclysmes,sur le plan local comme au niveau mondial l’Homme pas »est en marche. Cependant, ces démarches les cycles de reproduction, ou encore de brûler du pétrole à volonté. Une situationdemeurent encore mineures, longues, ubuesque tant environnementale qu’éco- nomique. Il est très intéressant de consta-chaotiques et généralement résultent de ter que dans les pays où existe une taxe Longtemps considérée comme le plus carbone élevée, les industriels y trouventl’initiative de projets privés ou citoyens. leur compte, car cela les oblige à être plus grand pollueur de la planète, la Chine a compétitifs, plus efficients et donc plusPar quelle action convaincre et faire rentables. Les États doivent légiférer, sans pris conscience par la force des choses quoi l’être humain ne changera rien àprendre conscience à l’ensemble des ses pratiques. « Pourquoi ferais-je, moi, un des enjeux environnementaux puisqu’elle sacrifice ? », continuera-t-il à se demander.populations des enjeux de la lutte contre dépense des milliards d’euros pour la Dans les pays développés, ce constatle réchau ement climatique ? Quels sont peut s’entendre, mais qu’en est-il dans les santé de ses citoyens qui développent zones plus pauvres de la planète commeles facteurs qui freinent une large di u- en Afrique ou en Asie du Sud-Est lorsque des maladies liées à la pollution. Mais la première préoccupation des popula-sion des solutions émergentes ? tions demeure la subsistance ? Comment pour vous, l’empire du Milieu n’est pas les convaincre d’utiliser des technologiesCela m’amuse toujours d’entendre les e cientes ? seul concerné, cette responsabilité serait La plupart des pays pauvres n’occultenthommes politiques promouvoir l’innova- pas les problèmes environnementaux, aussi celle des pays développés. mais ils s’appauvrissent encore plustion, car ils sous-entendent que nous ne chaque année en achetant des carburants La Chine réalise qu’elle est en train dedisposons pas aujourd’hui des solutions fossiles à l’étranger, alors que l’éner- payer des milliards d’euros pour la santépertinentes et qu’il faut encore attendre gie renouvelable chez eux créerait des publique à cause d’une trop forte pollu-avant d’agir. Et repousser le problème emplois, des profits et de la richesse. Il est tion, devenue hors de contrôle. Chaqueplus loin… La prise de conscience du important pour l’Afrique de comprendre année, des cancers du poumon, dechangement climatique, de la pollution que les investissements dans le solaire, l’asthme et d’autres maladies respira-et des problèmes environnementaux par l’éolien, la biomasse sont devenus ren- toires sont détectés sur des millions d’ha-les populations est réelle, mais ne suf- tables. Mais il faut aussi un système poli- bitants. Vivre et respirer dans une villefit pas. L’être humain n’envisage pas de tique stable, non corrompu et prédictible. chinoise équivaut à fumer quatre ou cinqfaire des sacrifices. Il est illusoire de lui Ce qui n’est pas toujours le cas. Sans cela, paquets de cigarettes par jour. Ce qui ademander de changer ses habitudes sous ces pays resteront extrêmement pauvres poussé les autorités chinoises à devenirprétexte que la planète est en péril. Tout et fragiles. Des régions entières sont très actives en matière d’énergies renou-comme de lui faire payer des fortunes déboisées pour du bois de chauffage et velables et de technologies propres. Ilspour la protection de l’environnement. de cuisine, les rivières sont asséchées, les viennent de très loin, mais avancent vite.Pour se rendre au travail, les personnes nappes phréatiques polluées. Bien des De plus, la faute n’incombe pas unique-n’abandonneront pas leur voiture pour un solutions pourraient les sortir de cette ment à la Chine. Elle nous revient aussi.vélo, sauf si elles aiment pédaler. Ce n’est misère. Notre rôle est donc de les aider. Nous délocalisons une partie de notrepas la conscience populaire qui changera Malheureusement, l’aide au développe- production industrielle en Chine, y aug-le monde. Je reste persuadé que seul un ment consiste souvent à prendre l’argent mentons les émissions de CdeOv2e,neitr nouscadre légal y parviendra, pour empêcher des pauvres dans les pays riches pour glorifions par ailleurs de plusle gaspillage d’énergies, de matières pre- le donner aux riches des pays pauvres ! propres chez nous !mières, et lCa ednif’feusstioqnuedceoCmOm2edcaenlas l’at- Apporter des solutions rentables ne doitmosphère. que en aucun cas se résumer à employer des Donald Trump a prouvé que l’homme pou-les innovations sortiront des laboratoires pratiques néocoloniales, mais avant tout vait toujours et continuellement nier leset des startups pour arriver enfin sur le à établir un partenariat en vue de stabi- e ets du réchau ement climatique. Facemarché. Je me souviens, autrefois, dans liser les populations et leur permettre de à cette position du président de la plusmon village de vacances, au cœur des créer de la richesse. De même, il serait puissante nation du monde, mais égale-Alpes vaudoises, tous les habitants déver- plus avisé de penser au coût occasionné ment de l’ensemble de la communautésaient une ou deux fois par semaine leurs des climatosceptiques, est-il encore pos-sacs-poubelle dans une petite vallée où sible de pouvoir les convaincre ?coulait une rivière. Les déchets brûlaient Les États-Unis avaient besoin d’un signalen dégageant une fumée pestilentielle. politique fort pour montrer qu’ils sontSi cette pratique a disparu, c’est qu’elle a au-dessus du reste du monde, au-dessusété interdite. Sinon, ces villageois conti- des accords internationaux. Un signalnueraient alors même qu’ils aiment leur pour montrer qu’ils sont les seuls maîtresmontagne. La loi a donc permis de faire de leur destin, que les autres pays n’ontévoluer les mentalités et, de facto, de déve- rien à leur imposer. Un signal populiste,lopper toute une industrie de ramassage, mais politique. Pour autant, cela ne veutde gestion et de recyclage des déchets. Il pas dire que les énergies renouvelablesexiste un cadre légal pour la santé, l’hy- et l’efficience énergétique ne vont pas segiène, les impôts, l’éducation, l’armée… développer aux États-Unis puisqu’il s’agitMais aujourd’hui, chacun a encore le de la seule manière de pouvoir gagner endroit de rejeter ’aatumtaonspt hdèereC. OD2e qu’il le rentabilité. D’ailleurs, nombre d’industriessouhaite dans l pêcher et d’États américains ont déclaré que ceautant de poissons qu’il veut et d’épuiser revirement ne changerait rien pour eux.N°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 9

Dialoguer BERTRAND PICCARD© Jean Revillard / Rezo© Jack Chan / Xinhua-Réa  « Avec Solar Impulse, nous avons réussi à faire passer un message sur le climat, changer notre vision sur l’énergie, et promouvoir les énergies propres. » « L’esprit d’entreprendre est semblable à un vol en ballon. Il faut lâcher du lest, N°137 Octobre 2017 en l’occurrence les vieilles stratégies, habitudes et convictions, pour changer d’altitude et trouver d’autres vents qui ont une meilleure direction ! » « Le seul gouvernement dans lequel j’accepterais d’entrer est celui de France. C’est le premier qui entreprend cette tentative de s’engager avec des personnes de sensibilités politiques et d’horizons di érents. »  10 Acteurs de l’économie - La Tribune

AVENTURE BERTRAND PICCARD DialoguerQuand vous parlez de vos aventures ou croyait. Pourquoi  ? Il est très important Au cours de vos aventures, cette insatis-de celles de votre grand-père qui a été le de comprendre la raison qui conduit à faction se serait avérée vaine sans unepremier à voler dans la stratosphère et de dire que quelque chose n’a pas d’avenir. volonté d’acier. La volonté su t-elle àvotre père qui a plongé dans la fosse des En général, cela s’explique par le fait que réaliser ce qui semblait impossible ?Mariannes, vous faites souvent référence l’on projette dans le futur le paradigme Elle ne peut être l’unique ancrage. Il fautà « l’esprit pionnier ». Cet esprit est-il une en cours. Celui de l’époque laissait croire aussi de la curiosité et de la remise enforme d’insoumission à l’ordre établi ? qu’il fallait tirer un câble entre chaque question. Trouver de nouvelles méthodesJe ne sais pas si nous sommes des insou- maison du monde : il aurait fallu des mil- pour réussir là où les autres ont échoué.mis. Mon grand-père, mon père et moi liards de lignes. Le changement de para- La persévérance se révèle aussi essentiellesommes en tout cas des insatisfaits. Dans digme qui a permis le développement car nous devons affronter tant d’obstaclesma famille, nous ne nous contentons pas du téléphone a été celui de la centrale pour réaliser ce type de projet. Il ne suffitdu statu quo. Nous n’étions pas satisfaits téléphonique. L’inventeur du téléphone pas de se lever le matin en disant « je veuxde ce que la technologie offrait, de ce n’a pas révolutionné les télécommunica- faire le tour du monde en avion solaire  »que le monde offrait. Au début de l’avia- tions. C’est l’inventeur du principe de pour y parvenir. Il faut savoir franchirtion civile, les avions, contraints par le « hub » qui l’a fait. Pour Solar Impulse, toutes les étapes qui permettent d’arrivermanque d’oxygène en altitude, étaient nous avons connu la même situation. à son but. Tout en ajoutant une dose deobligés de voler bas, dans la couche de Les géants de l’aviation nous ont dit qu’il réalisme. Un explorateur ou un pionniermauvais temps. Ce n’était pas fiable et, serait impossible de construire un avion n’est pas un rêveur. Ceux qui rêvent decomme l’air y est plus dense, cela deman- aussi grand et léger. Nous avons donc leurs projets, mais qui n’ont encore riendait une consommation de carburant changé de matériau, pour prendre de la fait, sont nombreux  ! Il ne suffit pas deplus importante. Mon grand-père pen- fibre de carbone et fait construire l’avion rêver ses aventures, il faut les construire.sait que nous pouvions faire autrement dans un chantier naval. Puis, ils nous onten volant dans la stratosphère, voler plus affirmé que nous n’arriverions jamais à On a l’impression que tout a déjà étévite et consommer moins. produire assez d’énergie avec le soleil. accompli, qu’il n’y a plus de défis à rele-Pour mon père, c’est exactement la Nous avons donc réfléchi en termes ver. Dans le livre Objectif Soleil (édi-même chose. Les gouvernements de d’économie d’énergie et non de produc- tions Stock) que vous avez coécrit avecl’époque avaient le projet d’enfouir des tion, et construit l’avion le plus efficient André Borschberg, vous dites : « Une crisedéchets nucléaires dans les profondeurs jamais réalisé. Maintenant que nous que l’on accepte est une aventure, unemarines. Il a donc plongé dans la fosse avons réussi, tous les constructeurs aéro- aventure que l’on refuse est une crise.  »des Mariannes – à 11 000 mètres sous nautiques travaillent sur des programmes Qu’est-ce qui selon vous rend une aven-le niveau de la mer – pour prouver d’avions électriques. Le paradigme a été ture exceptionnelle ?qu’il y avait de la vie. Depuis qu’il y a cassé. Si nous sommes satisfaits de ce La dimension exceptionnelle peutobservé un poisson, des lois internatio- que nous possédons, il n’est pas possible prendre différents visages. Il y a quelquenales ont été votées pour empêcher la d’être un pionnier ou un explorateur. chose d’exceptionnel à faire ce que l’on nesubmersion de déchets dans les fosses « Pourquoi gravir l’Everest quand on peut pensait pas être capable d’atteindre. Pourmarines. J’ai toujours eu cet exemple de aller sur le Jura ? » Tenir cette réflexion, certaines familles africaines, l’aventurel’exploration scientifique au service de c’est faire preuve d’un état d’esprit qui est exceptionnelle lorsque leurs enfants,l’environnement. se rétrécit, petit ou même mesquin, qui parce qu’ils ont pu aller à l’école, sont nous empêche de reconnaître que la vie devenus médecins ou professeurs. KofiEt qu’en est-il pour vous  ? L’insatis- nous est offerte pour explorer, se dévelop- Annan, originaire du Ghana, a ainsifaction est-elle celle qui vous guide per, partager, évoluer, améliorer. Je crois réussi à occuper le poste de secrétairequotidiennement ? beaucoup en l’évolution de l’être humain. général de l’ONU. Il s’agit d’une aven-Totalement. Je ne suis absolument pas Et quand j’observe l’actuel niveau de pau- ture exceptionnelle. Pour d’autres, ellesatisfait de la manière dont on apprend vreté, d’éducation, des droits humains, relèverait de la réalisation d’un exploità penser. Nous devons remettre en ques- de gouvernance, je suis profondément spectaculaire  : gravir l’Everest alors quetion les habitudes, ce que nous avons insatisfait. Comment pouvons-nous l’on est handicapé. Pour moi, c’était Solarappris et nous ouvrir à la nouveauté. C’est accepter un monde dans lequel tant de Impulse. Une aventure dont on m’avaitcela, l’esprit pionnier. Lorsque nous por- choses fonctionnent mal ? dit qu’elle était impossible à mener. Cha-tons un regard honnête sur nos plus pro- cun met son « exceptionnel » là où ça lefondes croyances et que nous suscitons « La conscience touche.la réflexion  : «  Comment pourrais-je faire populaire ne changeraautrement ? », à cet instant, nous créons. pas le monde. Seul On retient la notion de défi dans ce queEn particulier, lorsque nous observons un cadre légal y vous dites…la manière dont nous pouvons sortir des parviendra » Un défi contre l’immobilisme, certai-paradigmes établis. Prenons cet exemple : nement. Dans le monde de l’entreprise,mon arrière-grand-père a installé le pre- des gens relèvent le même genre de défis.mier téléphone de Suisse à la fin du XIXe Isabelle Kocher, patronne d’Engie* estsiècle. À cette époque, personne n’y en train de désengager son groupe desN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 11

Dialoguer BERTRAND PICCARDénergies fossiles pour investir unique- La réalisation de ces tours du monde en « Les cleantechsment dans le renouvelable. C’est excep- est donc un peu la conséquence. sont la thérapie pourtionnel. Dans dix ou quinze ans tout le Cependant, avec Solar Impulse, nous soigner le mondemonde le fera, mais aujourd’hui, Engie n’avons pas vécu l’enfer pendant les vols de son addictionfait œuvre de pionnier. Air Liquide* comme peuvent le supposer certains, aux énergies fossiles »s’inscrit dans la même démarche. La imaginant que nous étions deux pilotessociété investit largement dans l’utili- d’une bravoure fantastique, faisant preuve À Dallas, vous aviez fait bénir par unsation de l’hydrogène pour la mobilité, d’un sens du sacrifice incroyable parce chamane le vol transaméricain de Solaret a installé des taxis Hyundai à Paris que nous crevions de chaud, de faim, de Impulse 1. Que représente ce geste ? Cettequi fonctionnent avec cette technologie. peur… mais pas du tout  ! Ces instants aventure et le dépassement de soi qu’elleL’aventure exceptionnelle devrait moti- à bord furent les meilleurs moments de implique relèvent-ils aussi d’un aspectver et mobiliser tout le monde. Celle ce projet. Le reste du temps n’était que spirituel ?qui montre un exemple que les autres «  galère  »  : trouver les financements, la Il devrait y avoir de la spiritualité danspeuvent suivre. Néanmoins, des poches technologie, manager une équipe, etc. tout ce que l’on entreprend  : d’une réu-de résistance subsistent. Croire aux là réside la persévérance. Les problèmes nion de famille aux décollages de Solarénergies fossiles, c’est courir à une perte étaient quotidiens. Donc, lorsque nous Impulse. Notre société est trop axée surincommensurable. Comme Kodak avec la mettions les moteurs, et partions sans le religieux au détriment du spirituel. Laphoto digitale. bruit et sans pollution pendant plusieurs religion donne des dogmes : elle dit com- jours et plusieurs nuits, c’était le paradis ! ment croire. Par conséquent, elle dressePendant les missions, votre associé André les gens les uns contre les autres. La spi-Borschberg et vous avez dû relever des André Borschberg vous reprochait cette ritualité requiert autre chose. Elle permetdéfis physiques durs, parfois au péril de vision qui pourrait faire croire que les vols une ouverture à l’inconnu, de poser desvos vies. Sans échappatoire possible, la étaient faciles, et qui amoindrit la perfor- questions avec humilité. Car c’est l’acte deprise de risque était concrète. Psycho- mance du pilote… poser la question, et non la réponse toutelogiquement, quel impact cela a-t-il eu André est pilote de chasse et donc n’ai- faite, qui est un acte de libération. Fina-dans vos vies ? mait pas que je parle des vols comme lement, la spiritualité est très proche dePour moi, la prise de risque date d’avant un explorateur. Pourtant, là-haut, on l’état d’esprit de l’explorateur. Moi-même,Solar Impulse ou Breitling Orbiter. À 15 accomplit un rêve. Un rêve qui m’a porté j’essaye de comprendre différents mouve-ans, j’avais peur de monter dans un arbre. pendant toutes les années de ce projet, ments spirituels pour mieux appréhenderJ’avais le vertige. Mais en voyant voler un car nous allions le partager avec d’autres, le monde actuel. Notamment, en étudiantdeltaplane, j’ai eu la volonté de me soi- en lien direct, depuis le cockpit, avec le le taoïsme et le bouddhisme ; ces spiritua-gner. J’ai toujours pensé que je pouvais public, les médias, des dirigeants poli- lités permettent ainsi de créer des liens,faire beaucoup mieux que ce que je fai- tiques du monde entier, etc. C’était mon de créer des ponts entre les différentessais. Trop inhibé, trop timoré à l’ado- unique but et c’est là que je me suis le manières de penser. Si nous revenions àlescence, c’est avec le deltaplane que j’ai plus épanoui. une notion de spiritualité plutôt que deappris à gérer les risques. En augmentant religion, nous pourrions donner plus dema propre conscience dans l’instant pré- Issu d’une famille de pionniers, votre sens à ce que l’on accomplit comme êtresent. Le vol acrobatique n’a fait que me quête de nouveaux défis est-elle un humain dans notre société.préparer pour gérer les risques de la vie. moyen de vous prouver quelque chose ? Ce fut le cas au début. Je n’ai pas eu de N°137 Octobre 201712 Acteurs de l’économie - La Tribune pression familiale, mais plutôt venant de l’extérieur. Des gens me demandaient ce que je faisais en médecine plutôt que d’imaginer des sous-marins ou des bal- lons stratosphériques. En fait, c’est parce que j’ai créé ma propre voie – comme médecin psychiatre – que j’ai pu mettre ma touche personnelle dans l’histoire familiale. En tant que médecin, je peux utiliser le succès de Solar Impulse de manière différente en lui donnant l’angle de l’amélioration de la qualité de vie. Les cleantechs sont la thérapie pour soigner le monde de son addiction aux énergies fossiles !

BERTRAND PICCARD DialoguerLa réussite est comme l’ascension d’une Cryogen — Citation : Martin Paquette – Journaliste photographe du sport aventure — Photo : Gettyimages.montagne, il faut travailler en équipe,faire face aux obstacles ainsi qu’auxintempéries, mais peu importe nousatteignons toujours le sommet. Une dynamique pour la croissance Depuis 40 ans, Siparex est un groupe 4 DOMAINES D’EXPERTISE : indépendant de capital investissement. — MIDMARKET — MEZZANINE — Il gère 1,7 milliard d’euros de capitaux et — SMALL CAPS — INNOVATION — accompagne les entreprises, de la start-up à l’ETI, dans leurs projets de développement en France et à l’international. PARIS LYON Paris - Lyon - Lille - Nantes 27 rue Marbeuf — 75008 Paris 107 rue Servient — 69003 Lyon Strasbourg - Toulouse +33 (0)1-53-93-02-20 +33 (0)4-72-83-23-23 Besançon - Dijon Madrid - Milan - MunichN°137 Octobre 2017 siparex.com Acteurs de l’économie - La Tribune 13

Dialoguer BERTRAND PICCARD© Jean Revillard / Rezo « Dans toute forme de Votre propos, loin de celui tenu par ceux rivalité, il ne faut pas qui dirigent le monde, relève davantage AMITIÉ du bon sens et du pragmatisme que de la vouloir être meilleur que stratégie politicienne. Est-ce pour cette l’autre, mais plutôt être raison que vous ne pourriez pas faire de meilleur que soi-même. politique ? Je ne peux pas faire de politique au Cela doit stimuler sein de partis qui sont clivés entre la l’évolution. » Ici avec gauche et la droite. En revanche, j’en fais beaucoup à travers des interviews, André Borschberg. des conférences et des livres. Depuis des années, je milite pour une poli-L’aventure Solar Impulse, comme celle pouvais pas donner les mêmes confé- tique qui prendrait ce qu’il y a de bonde Breitling Orbiter, est aussi une histoire rences durant des années. Donc, quand à gauche et ce qu’il y a de bon à droite.d’amitié. Pourtant, la participation d’An- il reprenait mes idées, j’en développais Aujourd’hui, si vous souhaitez soute-dré Borschberg aux missions n’était pas, à de nouvelles, alors que lui en utilisait des nir des actions de solidarité et d’écolo-l’origine, prévue. Vous avez même craint anciennes. Il ne fallait pas que je lutte gie, il faut voter à gauche. Et à droite,qu’il ne vous vole votre projet. Fort de pour l’empêcher de me copier, mais que si vous voulez de la sécurité et de lacette expérience, quelle définition don- je me stimule pour faire mieux. responsabilité. Or, la société a besoinneriez-vous du sentiment d’amitié ? de ces quatre piliers. C’est imbécile deL’amitié n’est pas nécessairement une Vous avez traversé de très nombreux devoir choisir. On a besoin d’un envi-relation sans disputes. L’amitié permet pays du monde. L’amitié entre les peuples ronnement favorable pour ceux quide résoudre les différends à l’avantage s’apparente d’une certaine manière à souhaitent entreprendre. Et de soute-des deux partenaires pour créer une l’amitié entre deux individus. Quelle leçon nir les autres, qui ne peuvent suivre lerelation gagnant-gagnant. Avoir un ami géopolitique pourrait-on tirer de votre rythme. Pour bien fonctionner, le seulavec lequel on ne s’est jamais disputé relation avec André Borschberg ? moyen est de tout intégrer. Emmanuelm’interroge : « Est-ce vraiment un ami ? » Chacun doit être capable de comprendre Macron est en train de tenter cela, cePuisque, à la première dispute, on risque la vision du monde de l’autre. Celle d’un qui est très innovant. Nous sortonsde se brouiller. La vie n’est pas une ligne Américain ne peut pas être la même que enfin d’un clivage sclérosé.droite, mais une succession d’imprévus celle d’un Russe. Ce dernier voit la Russieet de situations difficiles. La force réside au milieu de la carte, menacée d’un côté Refusant les sollicitations de plusieursdans la manière de les surpasser. par la Chine et de l’autre par l’Occident. anciens présidents de la République, le En revanche, si vous regardez l’Amé- militant écologiste Nicolas Hulot a tou-Ces tensions entre vous auraient pu pro- rique sur une carte, vous ne voyez que tefois accepté de faire partie du gou-fiter à d’autres – au détriment du projet. celle-ci. Pour ses habitants, «  le monde, vernement d’Emmanuel Macron pourMalgré vos di érences de points de vue, c’est nous ». Les sanctions à l’encontre de occuper le poste de ministre de l’Envi-de caractères, de visions stratégiques, la Russie me semblent donc dénuées de ronnement, séduit justement par la fincomment êtes-vous parvenus à dépasser toute volonté de comprendre leur vision du clivage gauche/droite. Demain, siles rivalités et les querelles d’ego ? du monde et donc risquent de générer une opportunité s’o rait à vous, pour-J’ai appris que dans toute forme de riva- davantage de conflits et de guerres. Si riez-vous l’accepter en France commelité, il ne faut pas vouloir être meilleur nous avions vu que l’avènement du com- en Suisse ?que l’autre, mais plutôt être meilleur que munisme au Vietnam était une façon de Avoir un gouvernement avec une majo-soi-même. Cela doit stimuler l’évolu- lutter contre le colonialisme, nous n’au- rité et une opposition qui ne seraienttion. Au départ de Solar Impulse, cela rions pas envoyé des soldats se faire tuer pas constructives, se succédant aum’énervait qu’André reprenne des pans pendant vingt ans là-bas, mais aurions pouvoir pour détruire ce qui a été faitentiers de mes conférences pour faire les compris qu’il fallait aider ce peuple à précédemment, ne m’intéresse pas. Lesiennes. Et puis finalement, j’ai compris devenir indépendant. Les politiciens font seul gouvernement dans lequel j’ac-que cela m’obligeait à évoluer, que je ne tellement d’erreurs géopolitiques. cepterais d’entrer aujourd’hui, c’est le gouvernement français. C’est le premier14 Acteurs de l’économie - La Tribune qui entreprend cette tentative de s’enga- ger avec des personnes de sensibilités politiques et d’horizons différents. Mis à part la Suisse, qui fonctionne depuis toujours avec un gouvernement où sont représentés tous les partis importants. Tous m’ont demandé si je voulais les rejoindre. Cela veut bien dire que ma manière de m’exprimer permet à cha- cun de s’y reconnaître. Mais jamais je ne ferai l’erreur d’en intégrer un. Sinon tous les autres me considéreront comme une menace et lutteront contre mes idées, même s’ils y croient. C’est pour- quoi j’ai décidé de faire de la politique à ma manière. N°137 Octobre 2017

BERTRAND PICCARD Dialoguer« La spiritualitéoffre une ouvertureà l’inconnu, posedes questionsavec humilité.C’est ainsi l’actede poserla question,et non la réponsetoute faite,qui est un actede libération. »N°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 15

Dialoguer BERTRAND PICCARDENTREPRENDRE« Un explorateur L’optimisme a été le marqueur de vos dif- d’autres vents qui ont une meilleureou un pionnier n’est férentes aventures, et s’est révélé être direction !pas un rêveur. Il ne aussi une nécessité pour pouvoir conti-suffit pas de rêver nuer et supporter des échecs qui parsè- «  Le désir d’être un héros ne m’a jamaisses aventures, il faut ment vos aventures entrepreneuriales. quitté  », a écrit André Borschberg dansles construire » Échec et optimisme se nourrissent-ils l’un votre livre. Lors de vos missions, vous de l’autre, et permettent-ils alors d’at- participez aux avancées scientifiques,16 Acteurs de l’économie - La Tribune teindre le but recherché ? mais alertez aussi sur l’évolution de la L’optimisme consiste à croire que les planète. Considérez-vous alors vos actes choses iront bien alors que ce n’est pas comme héroïques ? le cas. Ce n’est pas cela qui m’anime, Le but n’est pas d’être un héros, mais plu- mais l’esprit d’entreprendre qui explore tôt d’être utile à la société, aux généra- toutes les solutions possibles, toutes les tions présentes autant que futures. Si je manières de penser et d’agir. Ensuite, on le suis suffisamment, les autres me consi- décide celle que l’on veut retenir, celle déreront peut-être comme tel, mais ce qui nous mène dans la direction que n’est jamais ce qui me guide. Seulement nous voulons. Pour y parvenir, il faut une conséquence du succès éventuel. ainsi davantage de persévérance et de De plus, qu’est-ce que l’héroïsme ? Selon remise en question que d’optimisme. ma vision, il s’agit de défendre une cause Il faut posséder cette foi dans l’esprit au péril de sa vie. Sans cela, le terme de de pionnier et une profonde méfiance héros n’a pas de sens. Je ne pense pas envers les dogmes et les certitudes qui avoir entrepris l’aventure Solar Impulse nous emprisonnent. L’esprit d’entre- ainsi, contrairement à un défenseur des prendre est semblable à un vol en ballon. droits de l’homme dans un pays totali- Il faut lâcher du lest, en l’occurrence les taire. Lui est plus menacé que je ne le vieilles stratégies, habitudes et convic- suis en survolant un océan avec un avion tions, pour changer d’altitude et trouver solaire. N°137 Octobre 2017

BERTRAND PICCARD DialoguerÀ l’image de l’astronaute Thomas Pesquet « Je suis insatisfait * Partenaires de Solar Impulseou de Kilian Jornet, certains aventu- de la manière dontriers-explorateurs mais aussi des spor- on apprend à penser. Acteurs de l’économie - La Tribune 17tifs célèbres, au-delà de faire rêver des Nous devons remettregénérations et de parvenir à relever des en question lesdéfis humains et physiques, portent un habitudes, ce quemessage pour une cause. Est-ce leur rôle, nous avons appriscelui que vous-même défendez ? et nous ouvrir à laCela m’a toujours attristé de voir le peu nouveauté. C’est cela,de causes importantes que soutiennent l’esprit pionnier »les gens célèbres. Sportifs, artistes,grands dirigeants, hommes politiques, ils utilisé leur victoire pour faire progresserne sont que très rarement des militants la cause des Noirs aux États-Unis. Ils ontporteurs d’un message. Je me suis promis perdu leur médaille, et ont été exclus deque le jour où j’aurai des micros devant la fédération d’athlétisme. Des héros qui,moi, ce sera pour défendre une cause et au péril de leur carrière, sont parvenus ànon pour mettre en avant mes records du faire passer leur message. Aujourd’hui,monde. Au départ, personne ne voulait les interviews de sportifs sont vides decroire que le but de Solar Impulse était de sens. Les émissions sportives devraientfaire passer un message sur le climat, de permettre aux spectateurs de changerchanger notre vision sur l’énergie, de pro- leur manière de voir le monde.mouvoir les énergies propres. Bien sûr, ilfaut le succès, sans quoi personne ne s’yintéresserait. C’est la raison pour laquellej’ai un profond respect pour les deuxcoureurs noirs, qui, sur le podium desJeux olympiques de Mexico en 1968, ontN°137 Octobre 2017

EN LIBRAIRIEPOUR UNE VÉRITABLECOMMUNAUTÉ HUMAINEDenis Lafay, préface d’Edgar MorinL’Europe se déchire, les États-Unis s’engagent – et embarquent la planète – dansl’indicible, partout les raisons de craindre et d’espérer s’entrechoquent ; ce livre dedébats, cette somme exceptionnelle de convictions constitue un outil de décisionpour tout citoyen désireux d’être un acteur responsable, combattant, militant d’unesociété et d’une civilisation humaines.452 pages - 26 euros ÉTIENNE KLEIN SAUVONS LE PROGRÈS Dialogue avec Denis Lafay Faisons-nous face à la dictature du progrès ? Jusqu’où doit-on œuvrer, individuellement et collectivement, à faire progrès, à produire du progrès, à être en progrès ? L’adverbe est de lieu, il est aussi de direction, de périmètre, d’espace. Et, bien sûr, de sens. Ce postulat, ce qui l’interroge est légion. Le devenir de l’humanité passe par une approche d’un progrès utile, résultant d’un grandissement intérieur personnel partagé collectivement. Ce grandissement, c’est-à-dire cette appréhension d’un « sens » et d’une responsabilité revivifiés, convoque chacun. C’est à ce questionnement intime qu’invite ici Étienne Klein. Étienne Klein est physicien, docteur en philosophie des sciences. Il dirige un laboratoire de recherche au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et enseigne à l’école Centrale. Il est l’auteur de nombreux ouvrages. 88 pages - 9,90 euros EDGAR MORIN LE TEMPS EST VENU DE CHANGER DE CIVILISATION Dialogue avec Denis Lafay Le seul antidote à la tentation barbare est l’humanisme régénéré que propose Edgar Morin. Le seul antidote aux aveuglements que produit la connaissance morcelée, compartimentée, réductrice, manichéenne est dans une connaissance et une pensée complexes. Les bienfaits de notre civilisation s’amenuisent. Ses carences s’accroissent. Nous avons besoin à la fois d’une nouvelle civilisation politique et d’une politique de civilisation. Edgar Morin nous livre diagnostic, pronostic et esquisse les possibilités d’une refondation politique. Du haut de ses quatre-vingt-seize ans, le sociologue et philosophe Edgar Morin, viscéralement en lutte, ausculte la civilisation contemporaine, dissèque les innervations de son dépérissement et défriche les voies de sa revitalisation. Edgar Morin est sociologue et philosophe. 126 pages - 11 euros18 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017

192 pages - Sortie 2 novembre EN LIBRAIRIE MICHEL TROISGROS LA JOIE DE CRÉER Textes de Denis Lafay Illustrations de Pascal Lemaître En installant en 2017 son établissement en bordure d’un village de la côte roannaise, Michel Troisgros ouvre le deuxième tome d’une grande histoire de famille entamée en 1930. Cette aventure nouvelle ou renouvelée a pour cadre une nature sanctuarisée, une architecture épurée, un rapport inédit à la « matière première » animale et végétale, une descendance assurée et une singularité entrepreneuriale qui modèlent son processus de création. Et c’est ce dernier, auquel la passion du chef cuisinier pour l’art contemporain contribue densément et subtilement, qu’explorent et révèlent le dialogue et les illustrations de l’ouvrage. Créer est une joie, démontre et partage le triple étoilé Michelin Michel Troisgros. œuvre dont la couleur était indéfinissable. Ce que je res- Champ coloré sentais était inédit et unique, je la « voulais » indescrip- Découpez 3 pamplemousses rosés en deux dans la hauteur. tiblement « avec moi, près de moi ». Comme elle valait Évidez la pulpe avec une petite cuillère, sans déchirer onze mille francs, je n’avais absolument pas les moyens de l’écorce. Pressez la pulpe pour récupérer le jus. Réservez-le. l’acquérir ; Philip Nelson me la remit toutefois, en toute Déposez les écorces dans une grande casserole, couvrez-les confiance, charge à moi de la régler dans le temps, selon d’eau et portez-les sur le feu. À ébullition, égouttez-les et mes possibilités. Je la ramenai à Roanne, la présentai à recommencez la même opération trois fois. mon épouse en la prévenant du coût déraisonnable et de ses attributs, à mes yeux – bien davantage qu’aux siens, 177 d’ailleurs ! – fortement contemporains. Voilà désormais trente ans que ce paysage est dans notre chambre, trente Acteurs de l’économie - La Tribune 19 ans que tous trois sommes liés, trente ans que mon regard le croise le matin, au réveil, sans que jamais l’émotion ou tout au moins l’attirance se soit essoufflée. Et cette 30N°137 Octobre 2017

Dialoguer RUBRIQUE DE NOM GROUPE FRECHE ET CM-CIC INVESTISSEMENT Un partenariat de terrain Laurence Freche, Laurent Vasselin, Directrice Générale Directeur de Participations du groupe FRECHE, leader régional chez CM-CIC Investissement, spécialiste des métiers de haut de la location de bilan pour répondre de matériel à destination des aux besoins de financement en fonds propres des entreprises. entreprises du BTP. L’entreprise La rencontre Les ambitions Laurence Freche En 2015, pour étendre notre terrain d’action Laurence Freche et accélérer notre diversification, nous Nous sommes implantés dans le Sud-Est avons choisi de racheter FBL, une société Notre stratégie de développement est de la France depuis plus de 50 ans. Nous spécialisée dans la location de matériels dirigée vers un maillage plus dense du nous positionnons comme un loueur à destination d’une clientèle industrielle. territoire, car c’est un métier où il faut régional indépendant, avec aujourd’hui Au-delà des apports de capitaux, nous être proche des clients et des chantiers. 18 agences. Nous travaillons pour les avons vu dans notre partenariat avec CM-CIC Nous nous développons par croissance métiers du bâtiment, des travaux publics Investissement une formidable opportunité organique, avec des destinations-cibles pour et de l’industrie. Les deux tiers de nos de grandir tout en nous structurant. les nouvelles agences, et sommes à l’écoute clients sont des PME. Le dernier tiers est d’opportunités de croissances externes en constitué de grands groupes du BTP avec Laurent Vasselin France et à l’international. qui nous avons signé des accords-cadres. CM-CIC Investissement est entré au capital Laurent Vasselin Laurent Vasselin du groupe Freche lors de l’acquisition de FBL, afin de lui permettre de franchir une nouvelle Nous soutenons pleinement la stratégie Le groupe Freche s’appuie sur son réseau étape de son développement. Nous avons été de développement ambitieuse du groupe, d’agences bien ancré dans le quart sud-est conquis par une équipe de direction de grande tenant compte de sa capacité à fédérer les et sur un large parc de machines modernes et valeur. Laurence et Eric Freche sont tous hommes pour offrir un niveau de service performantes. Il se différencie par sa qualité deux d’excellents professionnels, aux profils premium sur l’ensemble du territoire. de service avec, par exemple, l’organisation complémentaires, avec de grandes qualités Partageant des valeurs communes avec de tournées de nuit pour que les clients humaines reconnues par leurs équipes. les dirigeants, nous accompagnons avec puissent disposer de matériels dès le début enthousiasme cette belle aventure familiale ! de leur journée de travail.TheLINKS.fr - 170028 - 09/2017 - Crédit photos : Didier Cocatrix. En savoir plus sur cette rencontre ? N°137 Octobre 2017 Retrouvez l’interview complète de Laurence Freche sur le site www.cmcic-investissement.com 20 Acteurs de l’économie - La Tribune LaurenceEFtrseuchiveez toute notre actualité sur

ÉDITORIAL DialoguerOL’ÉDIT RIAL,DENISLAFAYL’ÉCRIVAIN, CE SINGULIER ENTREPRENEURMorges, ce premier week-end de septembre. Les chapiteaux sont Dans ce rapport au livre, Jean Ziegler – qui sera l’un des partici- dressés sur les quais de la commune, qui séparent le port de pants à la grande journée de débats Une époque formidable plaisance et les ponts d’accostage, rigoureusement alignés, des organisée par Acteurs de l’économie le 14 novembre au Théâtrecossues propriétés dominant l’immensité du lac Léman et les crêtes des Célestins, cf. p.4-5 – indique aussi, peut-être malgré lui, qu’il estalpestres. Dans cette banlieue de Lausanne qui héberge l’Ecole Poly- un entrepreneur. Un entrepreneur dont l’objet constitue un média-technique et son impressionnant bâtiment Rolex, le principal salon du teur aussi formidable que pluriel : médiateur entre deux consciences,livre helvétique accueille 40 000 visiteurs, venus assister aux débats, entre deux âmes, mais aussi entre un émetteur et un récepteur appelédéambuler nonchalamment au gré des stands, et solliciter la dédicace lui-même ensuite à (ré)émettre. Mais quel « type » d’entrepreneur estd’un éventail très… large d’auteurs. Siègent en e et les uns aux côtés donc l’écrivain ? A quelle « famille d’entrepreneurs » faut-il l’indexer ?des autres Marc Lévy et Jean-Christophe Rufin, Amélie Nothomb et N’est-il pas l’un de ces nombreux cas qui illustrent le sens « terriblementValérie Trierweiler, Eric-Emmanuel Schmitt et Douglas Kennedy, mais équivoque » du vocable entrepreneur ainsi décortiqué par Pierre-Paulaussi des dizaines d’écrivains et d’essayistes dont l’encre et surtout Zalio (p.103) ? Incontestablement. Dans sa tribune, le président de l’ENSla conscience, les convictions, l’imagination, l’audace di usent une Paris Saclay (ex-Cachan) ausculte l’immense hétérogénéité que revêtmatière pour rêver ou comprendre, s’émouvoir ou progresser. Parmi la typologie entrepreneuriale, et plus précisément les ressorts de laeux, le sociologue et autochtone Jean Ziegler, qu’Acteurs de l’éco- « conception morale » qui arrime la « réalisation de quelque chose » ànomie-La Tribune et les Éditions de l’Aube honoreront cet hiver dans la « réalisation de soi. » Et parmi eux l’idée que « chaque salarié puissel’un des quatre tomes composant le premier co ret de la collection Le devenir l’entrepreneur de soi », faisant naître une « conception entre-Monde en soi – avec Edgar Morin et Etienne Klein, en librairies depuis preneuriale du travail » propice à un large spectre de manifestations,cette rentrée, puis Yves Michaud, cf. p 18. Dans ce dialogue, Jean Ziegler, aux extrémités duquel se font face deux incarnations de l’autonomie :l’anti-capitaliste star d’un pays modèle du capitalisme, y détaillera son celle du « travailleur indépendant contraint d’accepter des conditionsrapport au livre, qu’il positionnera dans le vaste registre des actions de travail toujours plus précaires », celle d’un être a ranchi, considérantqu’il entreprend et des supports qu’il emploie (diplomate à l’ONU, l’incertitude comme une condition heureuse non seulement « de l’in-enseignant, conférencier, parlementaire…) pour bousculer ou éveiller novation » mais surtout de cette si fondamentale « réalisation de soi. »les consciences. « Un livre est une arme formidable contre la mort »,confie-t-il, faisant référence à un anonyme du Nouvel Empire égyptien A la lumière de cette alternative, tout auteur apparait donc bel etqui écrivit sur un papyrus : « L’homme périt, son corps redevient pous- bien entrepreneur, et un entrepreneur qui se déplace d’un bordsière ; tous ses semblables retournent à la terre ; mais le livre fera que son à l’autre dudit spectre, au gré des situations subies ou provo-souvenir soit transmis de bouche en bouche. Mieux vaut un livre qu’une quées. L’inconnu est consubstantiel de l’entrepreneuriat, l’incertitudesolide maison […] ou qu’une stèle dressée dans un sanctuaire. » et la précarité sont consubstantielles de l’inconnu, et la créativité est consubstantielle de l’incertitude et de la précarité. L’acceptation deDe toutes les formes qu’a prises son combat humaniste, l’écriture cet inconnu aux multiples visages, cet inconnu qui ouvre l’intimité à est-elle celle qui aura le mieux colmaté ses vulnérabilités, sou- l’accomplissement extatique et au tourment mortifère, cet inconnu qui lagé ses peurs, désarmé l’indicible, celle aussi qui aura le mieux convoque l’émotion dans ce qu’elle a de plus épanouissant et mélan-œuvré ? « Immense est le privilège de pouvoir exercer librement mon colique, est une propriété insécable de la condition d’auteur. Lequelcombat », explique l’octogénaire, « et pour cela de pouvoir employer trouve réconfort dans la « valeur », incorruptible, immarcescible, dedi érentes voies. » Chacune d’elles est une « arme » dont il use au gré l’objet de son « aventure d’entrepreneur » ; en e et, le livre fait davan-des circonstances. Mais la « parole » qu’il distille dans les livres occupe tage que seulement sens et utilité  : il fait lien. En e et, n’aime-t-onune place « très particulière » ; d’une part car elle résonne « fortement, pas o rir à ceux que l’on aime un livre qu’on a aimé ? Le livre est liendurablement, intemporellement et, via les traductions, universellement », d’amour, et son auteur, à qui ce lien échappe totalement, est un contri-d’autre part car « on » n’ingère pas la parole lue comme la parole enten- buteur malgré lui de cet invisible et tentaculaire tissage de liens a ec-due ; la première investit comme nulle autre la conscience de celui qui tifs. Dino Buzzati ignore la motivation de ce lecteur o rant Le désert desactivement la reçoit, qui a fait l’e ort de la chercher, a pris le temps de tartares à son ami. Hermann Hesse ne peut deviner la raison, singulière,l’interpréter, a décidé de la retenir dans sa mémoire. Enfin, ce qui lie exhortant tel lecteur à glisser Rosshalde dans les mains de sa fille. Cel’auteur au lecteur est « si merveilleusement mystérieux »… De ce der- jeune homme remettant à son frère Lettre au père, ce voisin prêtant Lesnier, il ne sait « rien » de ce qui a motivé son achat, des conditions dans braises, ce fiancé postant Si c’est un homme, bien sûr Kafka, Marai etlesquelles il s’y plonge, des réactions qu’il éprouve, des enseignements Levi ne savent rien de leurs démarches. Et pourtant… chaque page quequ’il retire. « Tout livre est un objet a priori non vivant, or chaque lecteur le lecteur froisse, corne, commente, gribouille, parfois même déchirelui donne vie, car il se l’approprie, il se met en mouvement, il lui confère pour qu’elle voyage près de lui, chaque mot qui constitue une invitationainsi un sens et une utilité très singuliers. » Enfin, et peut-être surtout, à (se) visiter, témoigne que l’« acte d’entreprendre » de ces auteurs lesaucun médium intellectuel n’est « plus puissant » que le livre pour faire a dépassés, il a transcendé au-delà de leur mort et conjuré ce poisonrempart à l’un des poisons les plus redoutables de la déconstruction de l’« éphémère » justement blâmé par Jean Ziegler. Il fait lien d’amourcivilisationnelle : « l’éphémère. » pour l’éternité. Comme la peinture de Jacques Truphémus (p.118).N°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 21

SOMMAIRE Dialoguer EntreprendreN°137 Entrée en matière AS Saint-Étienne 48 Claudine Tiercelin 3 Quitte ou double 54 Bertrand Piccard 57 « Soigner le monde  » Jacques Chazalet Éditorial 6 Petit paysan devenu grand L’actualité en images 21 Compagnons du devoir L’initiative de Simon Leurent 26 Le pélerinage Chroniques 29 Chroniques 30 Tribune Nicolas AdellActeurs de l’économie est publié par RH Editions (capital 276 990 euros). - 51 avenue Jean Jaurès, - 69007 Lyon - Tél. 04 72 18 09 18 - Fax 04 72 18 09 21 - [email protected] - acteursdeleconomie.compremièrelettreprénom.nom @acteursdeleconomie.com - Directeur de la publication et de la rédaction : Denis Lafay - Directeur général délégué : Valérie Asti - Rédacteur en chef adjoint : Romain Charbonnier - Rédacteur en chefadjoint web : Maxime Hanssen - Journalistes : Didier Bert, Stéphanie Borg, Marie-Annick Depagneux, Karen Latour, Marie Lyan, Samuel Maïon-Fontana, Sonia Reyne, Françoise Sigot, Léa Mallet-Jemming (sta-giaire) - Secrétariat de rédaction : Sylvie Mosser - Photographes : Laurent Cerino, Emmanuel Foudrot - Dessinateurs : Kanellos Cob, Vic - Maquette : Marie-Anne Joly - Conférences-Débats : Steven Dolbeau - Responsablewebmarketing & communication : Eric Fossoul - Comptabilité : Marylin Gombault - Abonnement-Publicité : Razala Oulka - Abonnement digital : Aycha Megdoud - Impression : Courand, 82 route de Crémieu, 38230 Tignieu-JameyzieuN° de CPPAP : 0320K89381 ISSN 1620-6096 - Dépôt légal : 2eme semestre 2017 - 5 n°/an - Couverture : Romain Gaillard / Réa Vous souhaitez optimiser votre patrimoine, préparer des projets ou développer votre activité. Retrouvez-nous dans À la Banque Rhône-Alpes, vous disposez d’un conseiller dédié et d’experts pour vous l’une de nos 80 agences accompagner. Connectez-vous sur Banque Rhône-Alpes - S.A. à Directoire et Conseil de Surveillance au capital de EUR 12 562 800 - SIREN 057 502 270 - RCS Grenoble - Siège Social : 20 et 22, bd Edouard Rey www.banque-rhone-alpes.fr BP 77 - 38041 Grenoble Cedex 9 - Siège Central : 235, Cours Lafayette - 69451 Lyon Cedex 06 - Société de courtage d’assurances immatriculée à l’ORIAS sous le N° 07 023 988. N°1123/078/2O01c6to08b:r4e1:124017 Acteurs Eco 200x45.indd 122 Acteurs de l’économie - La Tribune

Comprendre RespirerInventer Alexander Wezel 75 L’idéaliste Réfugiés 76Génération 2050 Entreprise, terre d'accueilPédagogie : le (grand) retour 58 GenèveChronique 64 L’ONU tremble 84Entretiens Jacques CartierRéunion de familles Lyon-Turin Culture 112Chroniques 66 L’irréductible village isérois 92 L’art délicat de la gestion 118Tribune Denise Pumain 70 Chroniques 100 Éternel 72 Tribune Pierre-Paul Zalio 103 Jacques TruphémusN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 23

InnoDialoguer RUBRIQUE DE NOMPRIX DE L’INNOVATIONAUVERGNE-RHÔNE-ALPESPartenaires : Partenaires médias : N°137 Octobre 2017 24 Acteurs de l’économie - La Tribune SOCIÉTÉ DE L'AGENCE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE À GENÈVE

















AS SAINT-ÉTIENNE EntreprendreAS SAINT-ÉTIENNE © Jean Paul ThomasQUITTE OU DOUBLEN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 33

Entreprendre AS SAINT-ÉTIENNE Cette saison, le club C’est un rêve qui se réalise. Ce jeudi 16 1. Néanmoins, les ambitions des diri-stéphanois écrit un nouveau février 2017, plusieurs milliers de Sté- geants ne font aucun doute  : ils veulent phanois ont fait le déplacement pour croire au destin européen et aspirent à chapitre de son histoire, se rendre dans la Mecque du football atteindre, chaque année, le top 5 des qu’il veut faire évoluer anglais, Manchester. À 21 heures, leur meilleures formations françaises. Signe à tous les niveaux : équipe, l’AS Saint-Étienne, rencon- de retombées médiatiques et financières trera celle de Manchester United, dans importantes. Bernard Caïazzo, président sportif, organisationnel, le stade mythique d’Old Trafford. Dans du conseil de surveillance de la SASP ASinfrastructurel, et en matière les rues du centre-ville, autour et dans Saint-Etienne, et Roland Romeyer, pré- de formation. Une stratégie l’enceinte sportive, l’ambiance est sur- sident du directoire, sont dès lors biensouhaitée par ses dirigeants voltée. De mémoire de supporters bri- décidés à y parvenir malgré un budget tanniques, jamais un tel déchaînement (70 millions d’euros) treize fois inférieur qui entendent faire entrer et une telle ferveur n’avaient été observés. au total cumulé du trio de tête formé par le club parmi l’élite «  Your fans are incredible  » (vos fans sont le PSG (540 millions d’euros), l’OL (240 incroyables), écrira un supporter influent millions d’euros) et l’AS Monaco (170française, voire européenne. sur son compte Twitter. Le public, habi- millions d’euros).Une ambition osée d’autant tué des grands rendez-vous européens, est ainsi resté médusé par le spectacle « Un changement de stratégie plus que son budget donné par les supporters des Verts tout conduit donc inévitablement(70 millions d’euros) est loin au long de la journée mais surtout dans à son lot d’inquiétudes » de pouvoir rivaliser avec les les tribunes lors de la rencontre, et ce,grandes équipes. L’heure est malgré la défaite de leur équipe, trois LE CHANGEMENT C’EST MAINTENANT buts à zéro. Une semaine plus tard, lors Après avoir, ces sept dernières années, donc à la recherche d’un du match retour dans le Chaudron, les assaini le club, réussi à maintenir son investisseur minoritaire. Red Devils montreront à nouveau leur équipe dans la première partie du classe- supériorité, et remporteront la rencontre ment du championnat et fait rêver toute Un match compliqué (0-1), se qualifiant pour les huitièmes de une population, le tandem veut plus et à gagner, surtout que finale de la Ligue Europa, la petite Ligue a entrepris un vaste chantier d’évolution l’AS Saint-Etienne évolue des champions. Deux défaites mais une du club. «  On ne pouvait pas rester dans victoire pour les supporters stéphanois la mouvance passée. Pour le bon fonction- sur un territoire en sur le terrain de l’ambiance. Et surtout le nement du club, il faut aller de l’avant  », peine d’attractivité pour sentiment de vivre la finale de la Coupe estime Alain Martin, membre du conseil convaincre des candidats. d’Europe de 1976 – que l’ASSE perdra un de surveillance. Un changement de stra- Pari à double tranchant. à zéro face au Bayern Munich – et qui res- tégie a été opéré à tous les étages de la tera dans les annales. Ils sont nombreux fusée verte, qu’explique Roland Romeyer ENQUÊTE, ROMAIN CHARBONNIER en effet à ne pas avoir connu cette période dans un grand entretien à retrouver sur le de l’épopée des Verts qui fera rêver la site acteursdeleconomie.com. Une nouvelle34 Acteurs de l’économie - La Tribune France entière, et que grands-parents et direction générale a été nommée dès 2016 parents leur racontent depuis qu’ils sont pour le conduire, et les premières actions nés. Rencontrer Manchester United s’est ont été menées avant le lancement de la donc transformé en un rêve pour des saison 2017/2018. Sur le plan sportif, l’AS générations avec un enthousiasme qui Saint-Étienne a changé d’entraîneur avec inonda tout le territoire pendant plusieurs l’arrivée d’Oscar Garcia, a été actif sur jours. Saint-Étienne redevenait ce grand les transferts de joueurs, et a montré sa club européen. Après 32 ans de disette, sa victoire en finale de la Coupe de la Ligue N°137 Octobre 2017 en 2013 et un passage remarqué en Ligue Europa, Saint-Étienne est donc sur un nuage, et croit qu’il est possible de revenir parmi l’élite du football. L’euphorie sera de courte durée. Les Verts ne parvien- dront pas à raccrocher le wagon des clubs qui disputeront l’Europe pour la saison 2017/2018, terminant, en mai dernier, à la huitième place du classement de Ligue

AS SAINT-ÉTIENNE Entreprendre © Laurent Cerino / RéaQUEL DESTIN POUR LE CHAUDRON ?L’opération est encore loin d’être d’acheter quatre ou cinq joueurs supplé- lui reviennent à 1,9 million d’euros HT, bouclée. Par voie de presse, les mentaires et assureraient au club d’être sur sans compter les 13 agents mis à disposi- mots ont fusé, les arguments des le podium  », déclarait-il à la presse. tion, Geoffroy-Guichard représente pour deux parties aussi. Au début de Cependant, Saint-Étienne Métropole ne la collectivité un sérieux atout, tant en l’année 2017, Roland Romeyer et compte pas lâcher son joyau du jour au termes d’image que de communication et Bernard Caïazzo montraient leur volonté lendemain. d’enjeux stratégiques. Et puis SEM se voit et priorité de racheter le stade au motif toujours comme le garant bienveillant qu’être propriétaire permettrait à leur FORMULE DIFFÉRENTE du club, notamment en cas de coup dur. club d’avoir les coudés franches pour Alors qu’en mars dernier, Gaël Perdriau, «  S’il connaît de mauvais résultats, comme mieux se développer et récupérer les président de Saint-Étienne Métropole, cela a été le cas par le passé, le soutien de revenus générés par celui-ci, notamment assurait qu’« à partir d’une offre à 200 mil- la collectivité est important », avance l’élu. sur la partie événementielle. Ils prennent lions d’euros, il ne balayerait pas la proposi- Cependant, la Métropole fait un pas en pour exemple Jean-Michel Aulas, pré- tion d’un revers de la main », le dossier n’a avançant une solution de «  mise à dis- sident de l’Olympique Lyonnais, et son guère avancé depuis. «  Nous ne sommes position de l’enceinte  ». Autrement dit, Groupama Stadium. En ayant la maîtrise pas encore allés très loin dans les discus- elle resterait propriétaire mais mettrait de son équipement (auparavant l’OL évo- sions », reconnaît Alain Martin, cinq mois à disposition tous les espaces réceptifs. luait dans le stade de Gerland, appar- après l’emballement médiatique. «  Nous « Le coût de fonctionnement reviendrait au tenant à la ville de Lyon), il le fait vivre n’avons jamais eu de proposition de prix, et club, la gestion également. Il faudrait définir toute l’année grâce à des séminaires, le club ne nous a pas fait d’offre précise  », un nouveau loyer (1,075 million d’euros HT salons, concerts, etc., ramassant ainsi déclare Roland Goujon, vice-président de annuels actuellement), et lorsque travaux et l’ensemble des recettes. De plus, il a la la Métropole, responsable des sports et aménagements seront nécessaires, ils incom- main sur tout l’équipement, la pelouse, des équipements sportifs, qui s’interroge beraient à la collectivité », propose Roland le personnel, et ne verse plus de loyer à tout de même sur les motivations du club Goujon. En attendant un nouvel épisode, la collectivité. «  Tout le monde souhaite- à vouloir à tout prix racheter le Chaudron. la convention qui lie les deux structures rait cette situation au sein du club, soutient «  Pourquoi n’envisagerions-nous pas plutôt a été prolongée jusqu’au 31 décembre Alain Martin, membre du conseil de sur- une autre solution ? » Saint-Étienne Métro- 2017. RC veillance de l’AS Saint-Étienne. Ce serait la pole (SEM) entend ainsi rester maître solution la plus adéquate car l’ASSE pourrait des lieux. Alors même qu’elle a effectué « Pourquoi n’envisagerions- faire ce qu’il souhaite. » Et Bernard Caïazzo de lourds investissements de rénova- nous pas plutôt une d’estimer que si l’opération aboutissait, tions d’un montant de 78 millions d’eu- autre solution que les retombées directes du stade génère- ros pour accueillir des matchs de l’Euro le rachat du stade ? » raient vingt millions d’euros, « permettant 2016, que les frais d’entretien annuelsN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 35

Entreprendre AS SAINT-ÉTIENNE © Emmanuel Foudrot L’AS Saint-Étienne peut-elle (re)devenir une grande équipe européenne ?détermination à développer et soutenir le UN CLUB SI PARTICULIER vie du club le plus populaire de Francecentre de formation avec la nomination Il serait difficile de dupliquer les modèles n’est donc pas un long fleuve tranquille.d’un ancien joueur, Julien Sablé, au poste d’autres équipes à l’AS Saint-Étienne Rumeurs, fantasmes, personnalitésde directeur général. Des évolutions qui tant ce club est particulier. L’ASSE, c’est contrastées et contestées, affaires l’en-doivent produire des résultats tant sur le d’abord un riche passé et une ferveur tourent (lire encadré). Et un changementterrain que dans les caisses du club. Se populaire qui font vivre tout un dépar- de stratégie conduit (donc) inévitable-pose néanmoins la question de la capacité tement et en ont fait sa renommée, mais ment à son lot d’inquiétudes. Le tandemde l’AS Saint-Étienne à pouvoir exaucer aussi un héritage dur à porter. L’ASSE, le sait, et bien qu’ils aient des désaccordsce rêve de devenir un grand club euro- c’est un territoire  : Saint-Étienne. 18e et une vision parfois différente, Bernardpéen. L’ambition de ses deux dirigeants ville de France, elle met tout en œuvre Caïazzo et Roland Romeyer espèrentn’est-elle pas trop gourmande  ? Doté pour se moderniser et devenir attractive. ne pas retomber dans les travers que led’un budget moyen, Saint-Étienne peut-il L’ASSE, c’est aussi un modèle économique club a connus par le passé (caisse noire,rivaliser avec les PSG, Marseille, Monaco particulier avec la mise en place, entre crise interne de 2009/2010...). D’autantou encore l’Olympique Lyonnais ? Est-il autres, du salary cap, reconnu pour avoir plus que si les résultats à venir ne sontun club assez séduisant pour attirer un permis de maintenir la solidité financière pas au rendez-vous, la situation pourraitinvestisseur chinois, qatari, américain de la société. Mais une règle qui atteint vite devenir explosive. Les deux hommesau vu d’un territoire moins attractif que sans doute ses limites quand les ambi-ces grandes métropoles  ? Finalement, tions s’annoncent plus grandes et que les N°137 Octobre 2017l’ASSE n’est-il pas voué à demeurer un autres clubs attirent des joueurs à coupsclub populaire, au modèle économique de millions. Enfin, l’ASSE, c’est une prési-exemplaire, réussissant certaines années dence un peu particulière « qui fait bonnedes exploits ? Les avis sont partagés, au figure  », composée de deux présidentssein même de l’établissement ligérien. ayant réussi à stabiliser un club traver- sant une grave crise mais dont l’avenir en36 Acteurs de l’économie - La Tribune l’état reste incertain si un nouvel action- naire entrait au capital de la structure. «  Voudront-ils laisser un peu de place  ?  », se demande un journaliste sportif. La

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Entreprendre AS SAINT-ÉTIENNE 123CENTRE DE FORMATION, L’AVENIR EN VERTLongtemps classé et reconnu parmi à la reconstruction de l’image de Saint- groupe de jeunes qui apporte une visibilité les meilleurs centres de formation Étienne et de son territoire  », plutôt que du club en France et à l’étranger. » français, le centre de l’ASSE se les jeunes en formation. Une démarche situe aujourd’hui dans le ventre que regrette Abdel Bouhazama, entraî- LA FORMATION MAIS PAS QUE mou (15e place) du classement neur au centre de formation jusqu’en Depuis longtemps, nombreux dans le établi annuellement par la Fédération 2013. « Il faut leur laisser une place et ne Forez sont ceux qui prônent cette poli- française de football. Les locomotives pas les retenir par défaut pour un match. tique, laquelle prend du temps (entre de la première division, l’Olympique L’histoire le prouve. Si vous développez la trois et cinq ans pour former un joueur) Lyonnais, l’AS Monaco et le Paris formation, c’est rentable pour le club. La mais se révèle bénéfique à la longue. Saint-Germain, le dominent et ont pris formation doit faire partie intégrante de la En pleine évolution et transformation une longueur d’avance avec des budgets stratégie du club. Recruter uniquement des depuis un peu plus d’un an, le modèle avoisinant les dix millions d'euros. Une joueurs pour se maintenir est une erreur », du club s’oriente donc vers une poli- position inconfortable pour le club sté- tique active de formation. La direction phanois, conséquence d’une politique « Le centre de formation du centre de l’Étrat a ainsi évolué et un de formation réduite à son strict mini- était une 2CV dans une ancien Vert, Julien Sablé, a été nommé au mum depuis quelques années. De 2010 carrosserie de Mercedes » poste de directeur. « Nous étions une 2CV à 2015, ses dirigeants ont ainsi préféré dans une carrosserie de Mercedes, recon- remettre à flot le club qui sortait d’une souligne l’actuel directeur du centre de naît Alain Martin, membre du conseil période difficile à tous les niveaux. Sté- formation du club d’Angers. Recruter de surveillance. Désormais, nous possé- phane Tessier, directeur général et à la plutôt que former, les dirigeants de l’AS dons tous les ingrédients, dont une cellule manœuvre durant cette période pour Saint-Étienne ont semble-t-il compris de recrutement de jeunes talents, pour que conduire la stratégie, confirme que désormais le potentiel stratégique – sur- nous réussissions dans ce champ. » Cepen- «  ma mission prioritaire était d’abord de tout financier – que représente le volet dant, pour l’ancienne gloire stéphanoise faire revenir Saint-Étienne sur les rails. Ce de la formation. « Les clubs qui connaissent Georges Bereta, «  le club doit continuer fut d’ailleurs au-delà de ce que je pensais des difficultés et n’ont pas les moyens d’ache- d’acheter quelques bons joueurs chaque faire  ». Néanmoins, la formation n’était ter des joueurs ou réorientent leur modèle année. La formation est importante mais pas inscrite au programme de ce chantier pour mieux se développer ensuite, comme ne fait pas tout  ». Dans ces conditions, alors même qu’elle continuait à apporter Jean-Michel Aulas a pu l’entreprendre avec Saint-Étienne réussira-t-il là où son voi- quelques résultats puisque, entre 2007 et son centre de formation, ont d’abord misé sin excelle depuis plusieurs années  ? 2013, le club a vendu des joueurs formés sur leurs jeunes. Et ça paye. C’est un socle L’Olympique Lyonnais est, en effet, par- en son sein pour une valeur globale de important pour un club  », soutient Abdel venu à vendre des joueurs formés chez 70 millions d’euros. Bouhazama qui avait réussi à amener à lui pour plusieurs dizaines de millions En 2010, la stratégie de Stéphane Tes- deux reprises ses équipes en finale de d’euros. Une plus-value qui entre direc- sier et de l’entraîneur d’alors, Christophe la Coupe Gambardella (compétition des tement dans les caisses du club et lui Galtier, est de privilégier le recrutement jeunes de 18 ans). « Gage de qualité d’un offre une confortable trésorerie et des de joueurs qui considèrent que « le club moyens pour se développer. De quoi est idéal pour leur carrière et qui participent donner des idées. RC38 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017

AS SAINT-ÉTIENNE Entreprendreétant de nature diamétralement diffé- son nom dans le football moderne, « tout humble, ni plus ni moins. «  Les quartsrente. La pérennité du club s’écrit donc en s’infligeant des règles précises, parfois de finalistes de Ligue des champions sont lesdans cette nouvelle stratégie qui donne- contraignantes », souligne Pierre Rondeau, clubs des quinze grandes villes les plus attrac-rait à l’ASSE une autre dimension. économiste du sport. Mais rapidement, la tives d’Europe. Saint-Étienne est la 18e ville vision entrepreneuriale des dirigeants est de France, cela ne permet pas de jouer dansSTABILITÉ ailleurs. « Ils ne voulaient plus se contenter la cour des grands, annonce Stéphane Tes-Le club connaît une période relativement d’être un club récurrent du top 8 du cham- sier. C’est pourquoi, je pense avoir mené lecalme et saine. L’organisation générale a pionnat de France mais ambitionnaient d’at- club là où il me semble juste qu’il doive être.été remise à plat, l’image du club montre teindre le top 5 voire 3, ce qui est légitime en Mais je lui souhaite d’y arriver. » « Son ADNune nouvelle embellie. Sur le terrain, les tant que patrons. Mais je n’étais pas capable est la Coupe d’Europe, il faut donc un budgetrésultats ont suivi et la trésorerie avec, de piloter ce nouveau changement. J’ai donc plus important et une formation de qualité »,grâce à la baisse de la masse salariale. préféré quitter le club en 2015  », explique maintient un ancien joueur. Pour pou-Une stratégie pilotée dès 2010 par Sté- Stéphane Tessier. Avec le sixième budget voir viser (très) haut, des moyens sontphane Tessier. Recruté comme directeur de Ligue 1, le challenge est relevé. Pour nécessaires. Là réside la faiblesse du clubgénéral à l’époque, c’est à lui que revient beaucoup, il faut savoir rester conscient ligérien.de faire en sorte que « l’ASSE retrouve le de ses capacités. L’AS Saint-Étienne seraittop 8 des clubs français  ». «  Le précédent ainsi à l’image de son territoire, de soncycle stratégique reposait sur l’acquisition public, de son économie  : un bon club,de joueurs chers avec un budget basé sur lesrésultats sportifs. Seulement, lorsqu’ils ne « Dix à vingt millions d'eurossont pas au rendez-vous, cela conduit à de pour un transfert, c’estgrandes difficultés », se souvient-il. Le duo désormais peu.qu’il forme avec Christophe Galtier, l’en- Qui peut mettre plus,traîneur (il quittera son poste à la fin de et surtout dans quella saison 2016/2017), porte ses fruits et intérêt ici ? »permettra au club « d’être qualifié à quatrereprises en Coupe d’Europe et de gagner untitre (Coupe de la Ligue)  », se félicite-il.Au cours de cette période, l’ASSE a ainsi« tué le père »en quelque sorte, et inscritN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 39

Entreprendre AS SAINT-ÉTIENNEINVESTIR, QUEL INTÉRÊT ? « GESTION PÉPÈRE » La saison 2017/2018 sera un bon indica-«  L’argent se trouve dans les grandes villes Finalement, « la gestion un peu pépère du teur de la manière dont s’engage sa tra-attractives, c’est un constat  », estime un club, n’est-ce pas l’idéal  ? Le modèle déve- jectoire. Si, avec ce nouveau cycle, le clubancien cadre du club. Quelques millions loppé depuis 2010 représente bien, au fond, parvient à se maintenir dans les cinq pre-d’euros ne seraient désormais sans doute Saint-Étienne et sa ville. Il a porté ses fruits », miers du championnat, le montant despas suffisants face à des budgets qui estime Claude Chevally, journaliste à droits TV sera ainsi revu à la hausse et ladépassent les neuf zéros. C’est pourquoi L’Équipe, en poste à Saint-Étienne de 1976 compétition européenne sera de retour la«  son modèle de barème des salaires ne lui à 2011. Les dirigeants ne le voient pas saison suivante. Des arguments de taillesera pas favorable pour se qualifier pour la ainsi et persistent dans l’idée de trouver pour susciter la curiosité d’investisseursCoupe d’Europe. Il le serait si tous les clubs l’homme providentiel qui insufflera une étrangers. Dès lors, l’espoir des dirigeantsl’appliquaient  », analyse Pierre Rondeau. bouffée d’oxygène. Non contents de ten- de caresser l’élite du football européenDans un entretien à Eurospot, Bernard ter d’ouvrir le capital, ils ambitionnent prendrait forme, avec ce sentiment d’êtreCaïazzo avait promis de lever cette pra- aussi de devenir propriétaires du stade parvenu à un exploit. Cependant, lestique : « Certains freins au développement Geoffroy-Guichard afin de bénéficier luttes de pouvoir qui entourent la vie dudes Verts vont sauter. En particulier le salary directement des retombées de l’équipe- club pourraient-elles être une menacecap qui contenait les salaires des joueurs ment. Seulement Saint-Etienne Métro- pour atteindre ce rêve ? (hors primes) en dessous des 90 000 euros pole, son propriétaire, ne le voit pas demensuels.  » Une mesure qui semble être cet œil (lire encadré). S’ils y parvenaient,levée depuis quelques semaines puisque iraient-ils jusqu’à proposer un naming aule club prend en charge entièrement les stade ou au centre de formation  ? Tout220 000 euros mensuels de salaire de sa est envisageable. L’exemple lyonnais n’estdernière recrue, Rémy Cabella. «  Avec ainsi jamais bien loin. Grande gloireun budget inférieur, on peut tout de même du passé, l’ASSE a laissé, ces dernièresfaire de belles choses », pense Alain Martin. années, ce rôle à son voisin lyonnais etD’autant plus que le maire du Pouzin veut désormais le lui reprendre, gagner(Haute-Loire) ne veut pas croire que seul des titres et faire rêver des générations.le «  tout argent  » permet de mener à laréussite, ce qui ferait «  perdre les valeurs ROMEYER-CARVALHO,du club ». « Je préfère des joueurs achetés un L'AFFAIREmillion d’euros plutôt que dix. On perdrait enqualité humaine. Je ne suis pas favorable au C’est une a aire qui pourrit la vie du club et celle de ses protagonistes Rolandfootball et ses millions mais plutôt à celui que Romeyer, président du directoire de la SASP AS Saint-Etienne, et du chefnous avions autrefois. » d’entreprise Adao Carvalho. En s’associant ensemble, en 2004, pour rache-Se pose surtout la question du profil d’in- ter une partie des parts de Bernard Caïazzo, les deux hommes devenaientvestisseur intéressé pour apporter une ainsi les co-actionnaires du club, au travers de la société Croissance footsomme importante. « Dix à vingt millions (44 % du capital de l’ASSE), qu’ils ont créé, et dans laquelle, chacun détientd’euros pour un transfert, c’est désormais 22 %. Seulement, trois ans après cette opération, les ennuis judiciaires d’Adaopeu. Qui peut mettre plus, et surtout dans Carvalho ont commencé. Condamné dans une a aire de fraude à l’Urssaf,quel intérêt ici ? », demande Stéphane Tes- celle-ci impactera directement l’ASSE et la relation entre les deux hommes.sier. Des projets plus ou moins sérieux ne Il est reproché au chef d’entreprise ligérien l'origine frauduleuse de l’argentse sont jamais concrétisés. L’histoire du apporté dans le club. Après avoir été gelées, puis saisies par la justice sté-club et la valeur affective ne suffisent pas phanoise en 2016, les parts pourraient tout bonnement être confisquées. Leà convaincre le futur actionnaire, d’autant tribunal correctionnel de Saint-Etienne rendra sa décision le 9 novembre.plus que la situation du territoire ne faci- Dans cette a aire, Adao Carvalho, qui entend retrouver ses parts (1,25 millionliterait pas la tâche. Alain Martin, favo- d’euros) pour pouvoir les revendre, reproche au président du directoire derable à un investisseur « français » plutôt l’AS Saint-Etienne d’avoir cherché à racheter ses parts lorsque ses ennuis ontqu’« étranger », le reconnaît : « Les sommes commencé. Une histoire d’hommes et d’argent.ne sont pas colossales car nous sommes àSaint-Étienne. » N°137 Octobre 201740 Acteurs de l’économie - La Tribune

AS SAINT-ÉTIENNE EntreprendreUN CLUB, DEUX PRÉSIDENTSIls forment tous deux le tandem à la tête du club stéphanois. Bernard Caïazzo, président du conseilde surveillance, et Roland Romeyer, président du directoire, dirigent ensemble l’AS Saint-Étiennedepuis 2012. Un duo de choc qui parviendra à stabiliser la vie du club grâce à une répartitiondes rôles savamment orchestrée. Le premier à Paris, auprès des instances nationales, le secondà Saint-Étienne, au plus proche du peuple vert. Portraits de deux hommes aux caractèresdiamétralement opposés, dont il est dit qu’ils ne s’apprécient guère. Deux hommes aux visionsstratégiques parfois contraires, autant salués pour leur capacité à gérer le club que critiquéssur la méthode employée, mais dont les motivations respectives à poursuivre une présidenceà deux têtes interrogent. ROLAND ROMEYER des parts du club). « Ce n’est pas un enfant ligne. Avec Roland Romeyer, ils ont ainsi LE SUPPORTERl évolue dans les couloirs du stade de cœur  », annonce un ancien cadre du trouvé la bonne formule et ça fonctionne club. Un caractère qui lui a sans doute à la manière d’un vieux couple  », estime Geoffroy-Guichard depuis l’épopée permis d’atteindre les sommets, dont Claude Chevally. Plus « bling-bling » que des Verts. Supporter de la première il n’est pas près de vouloir descendre, son homologue stéphanois, avec qui il conciliant ainsi passion et pouvoir. peut avoir des différends, c’est à lui queIheure, Roland Romeyer a fait du club « Mais jusqu’où cela peut-il mener ? », inter- revient néanmoins « la vision de ce qu’est sa seconde maison, voire sa principale, roge Claude Chevally. un club moderne », reconnaît un observa- diront ceux qui le côtoient. Chef d’entre- L’arrivée d’un actionnaire minoritaire teur qui a longtemps été proche du club. prise, installé en Haute-Loire, il vit un pourrait néanmoins rebattre les cartes tout « On ne parle pas de la même manière à l’un rêve de gosse depuis qu’il occupe le poste comme la suite de l’affaire qui le lie à Adao et à l’autre, ni des mêmes sujets, mais leur de président du directoire de la SASP Carvalho (lire encadré). Roland Romeyer volonté est identique : faire réussir le club », AS Saint-Étienne. Entré d’abord comme conservera-t-il suffisamment de poids au explique Stéphane Tessier, directeur sponsor, « ici, il est chez lui ». À son aise. sein du club ? général de l’ASSE pendant un peu plus Il fréquente régulièrement les anciennes de cinq ans. Jugé « sympathique » dans la gloires, connaît parfaitement le territoire, BERNARD CAÏAZZO lumière par ceux qui le (l’ont) côtoient dispose d’un contact facile avec les élus, (côtoyé), en coulisse, Bernard Caïazzo supporters et notables. Accent prononcé, « ILE PARISIEN endosse une image plus contrastée avec affable, Roland Romeyer est la caution l n’était pas habitué à cette un « comportement et une manière de faire locale d’un club qu’il a toujours admiré. ferveur stéphanoise. Il est pas «  très classe  »  », déclarent plusieurs « C’est un Vert de Vert », remarque Alain devenu Vert sur le tard.  » sources, préférant rester anonymes. Martin, ami de longue date et membre Après des expériences du conseil de surveillance. «  Contraire- à Marseille et à Paris, « Bernard Caïazzo a eu ment à Bernard Caïazzo, charmeur, urbain Bernard Caïazzo a jeté son dévolu sur l’intelligence de ne pas et businessman, Roland Romeyer est le label l’AS Saint-Étienne en 2003. Business- rester sur place et de ne stéphanois. Il met les mains dans le cam- man, ayant créé plusieurs entreprises, il pas être en première ligne » bouis dans les affaires courantes du club », connaît par cœur les rouages du milieu décrit abruptement Claude Chevally, cor- footballistique. Actionnaire majori- En recherche active d’un investisseur respondant de L’Équipe à Saint-Étienne taire de la SASP Saint-Etienne (44 %), minoritaire pour donner les moyens de 1976 à 2011. L’homme est apprécié il occupe la fonction de président du de ses ambitions à son club, l’homme du peuple vert pour son engagement et, conseil de surveillance depuis juin 2004. au costume impeccable est prêt à tout, comme ce dernier, « il ne supporte pas que Un rôle qui l’amène à se consacrer aux sauf à laisser du terrain sur le champ du l’on dise du mal du club », se souvient l’an- affaires nationales, à la recherche du contrôle du club. « Tant que les résultats cien entraîneur des jeunes Abdel Bou- futur financeur. «  Il appartient au gra- sont au rendez-vous et que le club va bien, hazama. Au-delà du supporter qu’il est, tin du football  », souligne Alain Martin, rien ne changera  », estime une source. Roland Romeyer est «  plus intelligent et membre du conseil de surveillance. « Qu’en sera-t-il si le club parvient à déni- stratégique qu’il n’y paraît », rapporte-t-on. Contrairement à Roland Romeyer, la cau- cher l’investisseur idéal ? » Le mystère est « Il a toujours su se placer dans son intérêt », tion verte, très ancré sur son territoire, entier. Qu’en sera-t-il si le club parvient explique une source. Ce qui lui réussit. Bernard Caïazzo n’est pas le régional du à dénicher l’investisseur idéal ? Le bruit Il a ainsi pris la présidence du directoire duo. Ce qui lui fait parfois défaut. Il reste court dans la Loire que Bernard Caïazzo alors même qu’il ne disposait que de donc à Paris, loin du microcosme local pourrait vendre une partie de ses actions 22 % du capital (44 % Bernard Caïazzo), et de la pression collective qui entoure et prétendre à un nouveau projet dans les grâce à une combinaison bien huilée, un le club. « Il a eu l’intelligence de ne pas res- instances du football. RC réseau et des soutiens nombreux notam- ter sur place et de ne pas être en première ment au sein de l’association ASSE (12 % Acteurs de l’économie - La Tribune 41 N°137 Octobre 2017

EDniatlroegpurerndRrÉeGIROUNBARUIVQEUREGDNEE-NROHMÔNE-ALPES En Auvergne, l’agriculture est l’a aire d’un homme : Jacques Chazalet. Fin politicien, aussi discret que puissant, Jacques Chazalet, moutonnier du Puy-de-Dôme, porte les couleurs de son territoire au plan national avec le Sommet de l’élevage qu’il préside. Et défend une profession auprès des instances européennes grâce à ses di érentes casquettes qu’il porte. Un engagement boulimique reconnu qui lui vaut néanmoins quelques inimitiés en particulier lorsqu’il soutient une agriculture parfois critiquée tant pour ses méthodes que pour sa qualité. PORTRAIT, SONIA REYNE© Laurent Cerino / Acteurs de l’économie 42 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017

JACQUES CHAZALET, PETIT PAYSAN DEVENU GRAND EntreprendreJACQUESCHAZALETPETITPAYSANDEVENUGRANDN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 43

Entreprendre JACQUES CHAZALET, PETIT PAYSAN DEVENU GRANDEn grande Le mobilier, les photographies de bovins «  Jacques Chazalet est imbu de lui-même,conversation ou de chefs d’État en visite au Som- et imbuvable en réunion. Même avec lesavec le met, rien n’a changé. Il s’agit du bureau ministres il peut être hautain. »commissaire dans lequel officiait Roger Blanc, le pré-du Sommet sident-fondateur dont il a pris la succes- DÉDOMMAGEMENTde l’élevage, sion. Jacques Chazalet, 61 ans, donne Jusque-là à la tête de la Société d’amé-Fabrice Berthon, l’impression de n’être pas à l’aise avec nagement foncier et d’établissementJacques Chazalet l’exercice. Pourtant, ce n’est qu’illusion. rural (Safer) Auvergne, Jacques Chaza-préférerait que Il n’est pas un orateur brillant, mais sa let a été élu, début juin, président de lal’entretien se maladresse fait partie des atouts qui ont Safer AURA. L’entité auvergnate ayantdéroule à trois. porté sa carrière. «  Il est rusé, son ambi- été dissoute au profit de la structureFinalement, tion n’est pas exprimée mais elle est bien Auvergne-Rhône-Alpes. « Dès 2015, nousFabrice présente  », prévient Sébastien Gardette, avons préparé la fusion et nous étions d’ac-Berthon le président (Confédération paysanne) de la cord  : pas de débat de gouvernance avantconvainc de faire chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme. les échéances. » À Gilles Flandin, ex-pré-l’interview seul, Qui s’inquiéterait d’un éleveur de mou- sident de la Safer Rhône-Alpes, d’occuperet de s’installer tons qui trébuche parfois sur la construc- la vice-présidence. «  Nous avons renforcédans son bureau tion d’une phrase ? « C’est un homme d’une les services départementaux. L’effectif a aug-de président. grande simplicité, il conserve des rapports et menté de 125 à 150 équivalents plein temps. une façon de faire très accessible, abordable, Le marché du foncier est assez favorable, dit de lui André Chassaigne, député com- et les résultats permettent d’embaucher  », muniste du Puy-de-Dôme. Il recherche le égraine Jacques Chazalet. La Safer n’est résultat plutôt que l’image. Il est convivial, ne d’ailleurs pas son seul engagement dans le se met pas en avant, pas en valeur. Il garde foncier ou l’immobilier. Il demeure gérant une apparence et une posture modeste.  » de deux SCI : Agri Salins et Pardieu 1er, L’élu est élogieux lorsqu’il évoque sa rela- lesquelles ont leur siège social à la Cité tion avec son ami de longue date. Il fut régionale de l’agriculture auvergnate. Une d’ailleurs son propriétaire  ! «  C’était une Safer dont les choix en matière d’installa- plaisanterie entre nous, nos épouses sont tion ont parfois été largement dénoncés, amies d’enfance, issues du même village.  » comme sur les méthodes employées. En Jacques Chazalet, moutonnier de profes- 2015, une dizaine d’agriculteurs d’Orci- sion au cœur de la montagne thiernoise, val (Puy-de-Dôme), soutenus par Daniel faisait ainsi pâturer ses bêtes sur les ter- Condat (vice-président de la chambre rains du beau-père d’André Chassaigne. d’agriculture 63 (Coordination rurale) Tous deux ont joué longtemps avec et par la Confédération paysanne, ont malice du paradoxe qu’un député com- discuté de l’attribution des 150 hectares muniste ait pour locataire le président de d’un ancien domaine de l’Inra à un Gaec la chambre régionale d’agriculture, qui qu’ils soupçonnaient d’être favorisé par plus est membre du conseil d’administra- les administrateurs de la Safer. La péti- tion de la Fédération nationale des syn- tion pour les soutenir a reçu plus de dicats d’exploitants agricoles (FNSEA). 1  400 signatures. Malgré l’engagement «  Lors des réunions à la préfecture ou à la de plusieurs politiques, la préfecture n’a Draaf (Direction régionale de l’alimenta- pas donné suite et la Safer est restée sur tion, de l’agriculture et de la forêt, NDLR), ses positions, arguant de procédures vali- le «  Dédé  » arrivait en criant  : «  Je veux dées par les ministères des Finances et de voir mon fermier ! Où est mon fermier ? » », l’Agriculture. La dizaine de paysans n’a s’amuse encore l’habile président du pas eu gain de cause. Sommet. Néanmoins, à la Confédération La position de Jacques Chazalet au sein paysanne du Puy-de-Dôme, Ludovic Lan- de cet organisme ressemble pour beau- dais dément cette apparente simplicité  : coup de ses opposants à une sorte de CONSEIL EN RECRUTEMENT 3 rue de la République, 69001 Lyon DIRIGEANTS & CADRES EXPERTS Tél. 04 72 00 76 76 - www.innoe.net LYON - PARIS - INTERNATIONAL N°137 Octobre 201744 Acteurs de l’économie - La Tribune

JACQUES CHAZALET, PETIT PAYSAN DEVENU GRAND Entreprendre« La position de Jacques Chazalet au sein mais il connaît bien ses dossiers. » Le main-de la Safer ressemble pour beaucoup de ses tien de l’activité agricole dans les zonesopposants à une sorte de dédommagement » défavorisées reste la grande bataille de ses mandats au sein de la fédération. « Audédommagement. Il faut savoir qu’il INCOMPRÉHENSION ET RANCŒURS syndicat, trois grandes régions pèsent surs’est installé à sa tête en 2014, après une S’il ne s’est pas fait que des amis en défen- les orientations  : les Céréaliers du Centre-campagne électorale perdue par l’Union dant l’agriculture de montagne plutôt que Val-de-Loire et de l'Est de la France, l’Ouestdépartementale des syndicats d’exploi- celle des céréaliers, Jacques Chazalet y a avec l’élevage intensif et le Massif central avectants agricoles (UDSEA) 63 à la chambre cependant gagné ses galons et le respect l’élevage à l’herbe, explique Jacques Chaza-d’agriculture. « Ce ne sont pas la Confédé- dans son camp et au-delà. «  C’est peut- let. Je voulais faire reconnaître la productionration paysanne ni la Coordination rurale qui être bien dans son département qu’il aura herbagère comme une culture. La réformeont gagné. Nous avons perdu en faisant deux le plus été victime d’incompréhension et de de 1992 introduit l’abandon du soutien aulistes quand eux s’associaient », justifie-t-il. rancœurs, regrette Véronique Sauzedde, marché (aux prix), pour passer à des aidesPour cette campagne, Bruno Chaput, pré- directrice de la FRSEA Massif central. Un directes aux producteurs de céréales. Chezsident de l’Établissement départemental homme soucieux de rassembler les gens, qui nous, la production de l’herbe n’était pasde l’élevage (EDE), divise l’UDSEA 63 inspire un profond respect même face à des prise en compte, alors que nos animaux pro-en présentant une liste dissidente face interlocuteurs dont les intérêts sont diver- duisent aussi du lait et de la viande. Celaà Claude Raynaud qui a lui-même rem- gents.  » Au sein de la FNSEA, Jacques générait une importante différence de revenuplacé Jacques Chazalet comme tête de Chazalet a su défendre l’intérêt des zones au bout du compte. Ce système-là se révé-liste. Dans ce climat, Sébastien Gardette, de montagne, tant pour le département lait donc pervers. Nous avons dû trouver descandidat de la Confédération paysanne, du Puy-de-Dôme qu’au niveau national. alliés pour le modifier. Jean-Michel Lemé-rafle la mise et devient président de la « Il est très fort pour pratiquer du lobbying, tayer (président FNSEA 2001-2010) n’a paschambre d’agriculture 63 au nez et à la autant ici qu’à Bruxelles, constate Sébastien fait blocage. » Un constat qui dit bien lesbarbe d’une UDSEA divisée. Gardette. Il n’est pas forcément technique tensions et les rancœurs qu’a dû affronter le moutonnier de la montagne thiernoise face aux riches céréaliers de son syndi- cat. « Michel Barnier nous a bien aidé et il a fallu 10 ans de combat pour en voir la fin. » En 2014, François Hollande et Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, Le Galilée est un immeuble Images de synthèse non contractuelles de bureaux et d’activités au sein du Parc du Chêne. Il offre à la location des espaces lumineux, climatisés avec deux portes sectionnelles au rez-de-chaussée. Au pied de l’immeuble se trouvent des places de stationnement, et à proximité, le tramway T5. POUR LE VISITER www.legalilee-bron.frN°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 45

Entreprendre JACQUES CHAZALET, PETIT PAYSAN DEVENU GRAND« C’est peut être dans son département qu’il aura le plus étévictime d’incompréhension et de rancœurs. Un homme soucieuxde rassembler les gens, qui inspire un profond respect mêmeface à des interlocuteurs dont les intérêts sont divergents »annonceront au Sommet de l’élevage les la grande moisson aux Champs-Elysées. INTERROGATIONSmodifications tant attendues de la PAC. L’avenue se transforme en champ de blé La prochaine victoire de Jacques Chaza-Un succès qui donne à Jacques Chazalet pour séduire les Parisiens. «  Nous avions let sera sans doute de voir la constructionses galons, mais l’empêchera d’aller plus compris que pour faire de la politique, il fal- de la seconde halle à Cournon-d’Au-loin dans le syndicat. lait avoir le soutien du public. Nous étions vergne promise par Laurent Wauquiez, en pleine période de remise en question des et 10 000 visiteurs étrangers se rendreLA « GUERRE DU MOUTON » quotas laitiers. Il nous fallait un événement au Sommet. En effet, si l’édition 2017 (4,Cette ambition syndicale, Jacques Cha- qui démontre que Clermont-Ferrand est la 5 et 6 octobre) est annoncée comme lazalet la développe très tôt. Il est le plus capitale d’un système d’élevage à l’herbe, avec plus importante en termes de fréquenta-jeune de la bande de jeunes «  chefs des vaches qui pâturent. Nous avons créé le tion, d’espaces commercialisés et d’ani-d’exploitation  » qui gravitait autour de Sommet avec Fabrice Berthon (son commis- maux en présentation sur les différentsMichel Debatisse (formé à la JAC, pré- saire). » Le premier Sommet de l’élevage se rings de la Grande Halle et du Zénithsident de la FNSEA de 1971 à 1979, déroule à Cournon-d’Auvergne, en 1992, d’Auvergne, il manque un espace cou-secrétaire d’État à l’Agriculture de 1979 et conquiert immédiatement son public. vert supplémentaire. 80 % de la surfaceà 1981). Pierre Pagesse (ancien président Dès les années 1990, Jacques Chazalet d’exposition est en extérieur. Avec cesde Limagrain, fondateur du think tank cumule les mandats. En 1991, il devient 88 000 visiteurs attendus au SommetMomagri, etc.), Roger Blanc, et de nom- président du groupement d’intérêt éco- de l’élevage, 2 000 animaux inscrits etbreux syndicalistes FNSEA locaux sont nomique (GIE) ovin régional. Un an près de 1 500 exposants, Jacques Cha-dans son sillon et s’inspirent de l’auteur plus tard, il fait ses débuts à l’UDSEA zalet est aussi responsable du salon dede La révolution silencieuse. Une filiation 63  ; en 1996, il devient administrateur l’excellence de l’élevage français qui seque l’agriculteur revendique. «  Je me à la FNSEA, et entre au bureau en 2006. tient durant le Salon de l’agriculture.suis installé à Celles-sur-Durolle, à côté de Il préside la FRSEA Massif central en De quoi susciter des interrogations surPalladuc. Ce sont «  les terres  » de Michel 2004 et la chambre régionale d’agricul- ses multiples mandats qui encouragentDebatisse. Nos fermes et nos terrains étaient ture, puis devient président de la Copa- une agriculture parfois critiquée tantproches et nous avons travaillé ensemble. mac-Sidam. De ces années d’engagement pour ses méthodes que pour sa qua-Cela a marqué mon engagement syndical. » syndical, son meilleur souvenir reste la lité. «  C’est incroyable qu’il soit à la têteNé en 1956, dans une famille d’agricul- manifestation de septembre 2008, pour des deux plus grosses manifestations de pro-teurs de la banlieue de Valence, Jacques le bilan de santé de la PAC. « Nous étions motion de l’agriculture, regrette LudovicChazalet est l’aîné de sept enfants. Ses entre 15 et 20 000 manifestants. J’ai vu arri- Landais. Il porte les valeurs de la FNSEA,parents élèvent des porcs, des chèvres ver des cars entiers, le matin, à Laqueuille. Il et là où le bât blesse, c’est que ces salons neet travaillent en culture maraîchère. « Je en venait de partout, avec des élus, des syn- proposent pas suffisamment d’alternatives.savais que je devais partir travailler ailleurs. dicalistes, des paysans... Et puis, les femmes Rien que le choix des races mises en avantÀ cette époque, je cherchais ma voie au lycée sont arrivées, avec les enfants, les adoles- est discutable. » Modeste, Jacques Chaza-de Brioude-Bonnefont en Haute-Loire, j’ai cents  ! Et quand elles sortent, c’est que ça let estime seulement qu’il s’agit «  d’unerencontré un copain qui avait une sœur, et va mal à la ferme. » À force de ténacité, il reconnaissance de la qualité du Sommet deune ferme... j’ai ainsi épousé ma femme et saura finalement convaincre. l’élevage ».son patrimoine  », plaisante-t-il. Il s’ins-talle et reprend l’exploitation familiale Le maintien de l’activité agricole dans les zones défavorisées reste la grande batailleen 1980, se spécialisant en ovin viande. de ses mandats au sein de la fédération. Une période durant laquelle les mouton-niers gagnent correctement leur vie. « Et © DRpuis «  la guerre du mouton  » est apparue,et le premier plan ovin. Une décennie assezdure pour les revenus des éleveurs. Je me suisengagé dans la fédération départementaledes ovins et aux Jeunes agriculteurs ( JA). »En 1990, il en devient le président.MANDATS PLÉTHORIQUESLe syndicalisme agricole de droite est eneffervescence. « En 1991, nous avons orga-nisé la finale de labour national à Marmilhat(63). Il y avait un mouvement général pourcommuniquer auprès du public.  » C’est lapériode des opérations sourire, terre enfête, de l’accueil du grand public chez lesagriculteurs. En 1990, les JA organisent46 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017

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Entreprendre LES COMPAGNONS DU DEVOIR48 Acteurs de l’économie - La Tribune N°137 Octobre 2017

LES COMPAGNONS DU DEVOIR EntreprendreLES COMPAGNONSDU DEVOIRLE PÉLERINAGEIMMERSION, FRANÇOISE SIGOTPHOTOGRAPHIES, LAURENT CERINO / ADELa légende, attestée par des preuves, veut que les Compagnons du devoir aient bâti lescathédrales. Certains les rénovent encore quand d’autres évoluent dans des secteurs d’activitéet des entreprises à la pointe de la technologie. La communauté des compagnons constitue l’undes réseaux les plus larges – près de 10 000 hommes et femmes –, et les plus e caces au monde.Tous les compagnons, ou presque, partagent cet amour sans borne du travail bien fait et de latransmission des savoirs. Ces valeurs et ce réseau constituent un substrat sur lequel les jeunespeuvent s’enraciner et bâtir leur avenir. Un lien invisible et indéfectible les unit, qui leur confèreune position singulière et respectée.N°137 Octobre 2017 Acteurs de l’économie - La Tribune 49

Entreprendre LES COMPAGNONS DU DEVOIR quelques pas de la plus ancienne mai- jeunes en formation  », explique Florian, son des Compagnons du devoir, dans formateur en charpente. Entré chez les le 9e arrondissement de Lyon, pousser Compagnons du devoir à 14 ans, il a déjà passé dix ans au sein de cette institution, la porte du centre de formation des dont huit consacrés à son tour de France. métiers du bâtiment de Vaise revient Une expression singulière de l’exigence, à se heurter à un contraste saisis- mais aussi et surtout de l’engagement des compagnons pour leur métier. Il faut dire sant. Alors que l’on pénètre dans que s’ils ne connaissent pas la passion une enceinte où une centaine de du métier, le rendez-vous sera forcément jeunes apprennent un métier du manqué. Et sans l’amour du collectif, du partage, de la rigueur et de la vie en com- bâtiment, le lieu est calme et, munauté, il le sera aussi. curieusement, presque désert. « Nombreux se trouvent en entre- PATIENCE ET LONGUEUR DE TEMPS S’engager chez les Compagnons du devoir prise, puisque nous fonctionnons n’est en effet pas un vain verbe. Exigeante, selon le principe de l’alter- l’aventure peut durer jusqu’à plus d’une nance  », justifie Jean-Paul dizaine d’années, entre la formation ini- tiale et le tour de France. La première Decressac, délégué régional partie relativement classique s’organise Auvergne-Rhône-Alpes des selon le schéma de l’apprentissage, avec Compagnons du devoir, un temps de présence en entreprise dou- blé par rapport aux cursus proposés par qui forment chaque d’autres centres d’apprentissage. Au plan année 10 000 jeunes en national, pas moins de 29 métiers rele- France. Les autres, en vant de six filières (bâtiment, finition du bâtiment, goût, matériaux souples, période de «  cours  », métallurgie et vivant) sont accessibles. s’affairent à leur tâche En Auvergne-Rhône-Alpes, l’ensemble avec une application de ces métiers est représenté et 16 sont accessibles via des cursus de formation. non feinte, sous le Le temps de conduire les jeunes vers regard bienveillant un diplôme allant du CAP à la licence et exigeant de leur professionnelle, et voilà que se profile le tour de France. Sans aucune obligation formateur, à peine toutefois. «  Environ 30 % des jeunes que plus âgé qu’eux nous formons partent le faire ; les autres s’en- et déjà compa- gagent pour la plupart dans la vie profession- nelle », raconte Jean-Paul Decressac. Les gnon. «  J’ai ter- quatre sites des Compagnons du devoir miné mon « tour de la région installés à Lyon, La Talau- de France  » et dière (Loire), Saint-Égrève (Isère) et Villaz (Savoie), regroupent 460 apprentis et 380 j’achève actuel- futurs compagnons en perfectionnement lement mes par le biais du voyage qui les conduit de trois années ville en ville à raison d’une ville et d’une entreprise nouvelle tous les six mois à un de devoir en an, selon les métiers. Sans compter une transmet- année à l’étranger, souvent au contact de tant ce que compagnons qui y sont installés. « Sur le plan de l’apprentissage des techniques pro- j'ai appris fessionnelles, l’expérience du tour de France à des est unique et permet d’acquérir des savoir- faire pointus et divers  », assure Jean-Paul50 Acteurs de l’économie - La Tribune Decressac. À son terme, ils obtiendront le titre convoité de compagnon. Sous réserve de réaliser leur chef-d’œuvre. Cette pièce, réputée parfaite, censée montrer tout l’éventail de leur savoir- faire et à laquelle ils devront consacrer entre 400 et 1 000 heures de travail, ceci en dehors de leurs temps de formation et de travail. L’expression de la passion et le prix de l’exigence qui animent chaque N°137 Octobre 2017


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