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Atypeek Mag N°3

Published by Atypeek Mag, 2017-09-14 18:02:44

Description: Magazine collaboratif d'Atypeek (Musique - Mode - Design - Tattoo - Cinéma - Geek - Sub Culture - Sexy - BD...) www.atypeek.fr

Keywords: Musique - Mode - Design - Tattoo - Cinéma - Geek - Sub Culture - Sexy - BD

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KIBLINDAAARG ! #03 www.atypeek.frSURL Triannuel 2017SIÈCLE DIGITAL NOUVEAUSILENCE AND SOUND L’actualité culturelle : le condensé triannuelCITIZEN JAZZ des meilleurs médias compilésCHROMATIQUE Une sélection des meilleurs reportages et interviewsSTAR WAX Découvrez nos chroniques d’albums, clips, livres,LA SPIRALE DVD, accessoires design et mode…INDIE ROCK MAG La scène indépendante en imagesUNION PRIX LIBRETHE ARTCHEMISTSTHE DAILY BOARDSCORE A/VEXIT MUSIKW-FENEC—MUSIQUEOxbowWolf EyesSchlaasss—CINÉMAROBERTO MINERVINICOULEURS DU BIS—MODEVENDREDISTATTOISME ATYPEEK MAG— TRIANNUELDESIGN COLLABORATIF D’INFORMATIONSANNE HORELMAD RHIZOME GÉNÉRALES—STREET CULTURELAISSEZLES MURS PROPRES—SEXYCOMME UNE COUILLEDANS LE POTAGE—BDCHA

JANE FONDA / BARBARELLA ©David Hurn / Magnum JANE FONDA ©DR - Peaches Barbarella est un film franco-italien de science-fiction réalisé par Roger Vadim et sorti en 1968. Il est adapté de la bande dessinée Barbarella de Jean-Claude Forest. Jane Fonda y incarne Barbarella, guerrière des temps modernes Libre et indépendante. Barbarella révolutionnera l’imagerie de la super-héroïne. Entre culte et kitsch, les décors psychédéliques et les costumes futuristes de Paco Rabanne ont marqué l’histoire du cinéma. Retrouvez là dans notre dossier « Cinéma Bis »… Atypeek Magazine est victime de son succès, vous en êtes les res- ponsables, et nous vous en remer- cions. Et plutôt que de vous faire de fausses promesses, nous avons opté de rendre la périodicité du magazine impériodique, ce qui permettra à l’équipe et l’ensemble des bénévoles, ÉDITORIA

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 3 Rejoignez-nous sur notre www.facebook.com/Atypeek/ partenaires, et bêtes de tout poil de www.facebook.com/Atypeek/) afin OURS fournir et de proposer le meilleur de suivre notre actualité et de béné- d’eux-mêmes. Nous passons donc ficier de surprenantes exclusivités et Rédaction : à un magazine triannuel, libre de avant-première. Et comme vous le Atypeek - 21 Rue Prof Weill lâcher l’info quand bon lui semble : savez déjà, dans ce monde de brutes, 69006 Lyon pertinente et stratégique. Aussi nous plus on la grosse (la communauté), vous invitons à vous abonner et nous mieux on s’la porte. Encore merci ! Rédacteur : suivre sur notre Facebook (https:// Christophe Féray Christophe Féray ([email protected])L #03 Atypeek Mag Graphisme : Atypeek Design Distribution : Digital Publishing Platform for Magazines N° ISBN : 9782955693636 Commission Paritaire : ISSN 2497-8035 Contributeurs : Léa Vince - Juan Marcos Aubert Jonathan Allirand - Roland Torres Maxime Lachaud - Hazam - Fisto (Olivier Cheravola) - Oli - CF Alexandre Lézy - Antoine Gary Pierrick Starsky - Jérôme Tranchant Valentin Blanchot - Arnaud Verchère Laurent Coureau - Locust - Alain R. John Hirsute - Salvade Castera - Lühje - Cha - Flore Cherry… Zoom : Oxbow - Wolf Eyes - Devil Jo and The Backdoormen - MR. Propre - Fête Des Lumières 2016 - Nick Zegel - Vendredis- Jean-Luc Navette - Alain Garlan - Peter L. Hammond - Anne Horel - Toine. - Olivier Nerot - Toutes les couleurs du Bis - Fraction waw un-limited - Cha Roberto Minervini - Delphine Cencig - Virginie Despentes… Publicité : [email protected] Atypeek Mag est une publication d’Atypeek™.

4 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 www.atypeek.fr OXBOWWOLF EYESDEVIL JO AND CHRONIQUES INSTANTANÉS VIDÉOCLIPS THE ALBUMS THIN BLACK DUKEAU SONIC PROTESTBACKDOORMEN& SINGLESDES COPAINS/CHRONIQUE InterviewInterview COPINES Léa Vince, Journaliste Robin Ono,Maxime Lachaud,DU BLUES AU ROCKCHRONIQUES JournalisteJournalisteInterview GALERIE 90-93 Jonathan Allirand, 42-83ATYPEE10-17 20-33 Journaliste 86-87 36-39 JEAN-LUC ANNE HOREL DANS LA CUISINE COMMENT OLIVIER NEROT COMME UNE NAVETTE DE CHA FONCTIONNE COUILLE LA GALERIE (RÉELLEMENT) « LE FUTUR EST DANS LE POTAGE TATTOOÏSME N°1 AAARG ! L’ALGORITHME MAINTENANT ! » ARTICLE 172-189 Pierrick Starsky DE FACEBOOK La Spirale CHRONIQUE Chris Coppola, Laurent Courau, Union Journaliste 208-219 ARTICLE Journaliste Flore Cherry, Journaliste 148-155 Siècle Digital 238-246 Arnaud Verchère, 250-251 JournalisteLittle Big ©DR SOMMAIRE230-233

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 5 TRIANNUEL 2017 MR PROPRE FÊTE DES SNEAKERS NICK ZEGEL L’ÉTÉ PLAISIRS VENDREDIS LAISSEZ LES LUMIÈRES 2016 COLLECTION MURS PROPRES ARTICLE INTERVIEW ARTICLE ARTICLE QUATRE ARTISTES REPORTAGE DIRECTEUR Le Village Quincaillerie ARTICLE Kiblind MagazineÀ SUIVRE ARTISTIQUE des Créateurs Moderne Quincaillerie Article de Manifest Star Wax, DE GIRL ModerneEK98-101 XXI, Anne-Claire Gatel SKATEBOARDS 138-139 140-142 Salvade Castera 143-145 Journaliste MAG118-124 Reportage de The Daily Board 102-117 126-135TOUTES LA FACE CACHÉE VERNON SUBUTEX LE LIVRE DU MOIS LITTÉRATURE CULTURE LA SCÈNELES COULEURS DES “WHITE FANZINE INDÉPENDANTEDU BIS TRASH” CHRONIQUE ALAIN GARLAN : LYDIA LUNCH : EN IMAGES VIRGINIE DESPENTES Rois de la forêt Déséquilibres LOBOTOMYARTICLE CINÉMA ROBERTO MINERVINI Un adieu à la hauteur synthétiques et autres CONTINGENT Galerie PhotosET DVD Interview par Chroniques 308-309 vomissures verbales PRODUCTIONS Hazam, Journaliste /Jérôme Tranchant, Maxime Lachaud, “Des livres et nous” Chronique FRACTION WAW PhotographeJournaliste Journaliste The Artchemists UN-LIMITED 306-307 318-325268-291 294-305 Padme Purple, John Hirsut, Journaliste Journaliste#03 310-311 312-315 Magazine triannuel collaboratif réalisé à l’initiative d’Atypeek Music





8 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 Musiques en sous-Sol

TRIANNUEL 2017 © DRJonathan Allirand - Journaliste LE CAHIERDES CURIOSITÉSThin Black Duke DEvil JO AnD OXBOW : ThE BAckDOORMEn Interview DU BLUES AU ROCK : Robin Ono, Journaliste Interview WOlf EyEs Jonathan Allirand, JournalisteAu sonic Protest chROniQUEs InterviewMaxime lachaud, Journaliste AlBUMs & singlEs insTAnTAnés DEs cOPAins/cOPinEs viDéOcliPs Chronique léa vince, Journaliste ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 9

10 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017INTERVIEW OXBOWDOTHUXIKNBEOBLWACK À l’approche de son tren- tenaire, le nom d’OXBOW maintient toujours à poings fermés sa position en tant que groupe aussi influent qu’inqualifiable. Des catégorisations vagues sous le label du “rock expérimental” ou “rock d’avant-garde” jusqu’aux comparaisons réductrices et grossières à d’autres formations, la classification d’un groupe au profil aussi singulier frustre les chroniqueurs les plus méticuleux et trahit l’inattention des journalistes négligents. Hormis leur amusement apparent et narquois vis-à-vis des comparaisons à Faith No More sur leur page Facebook, le groupe a su garder son sang-froid. Le quatuor de San Francisco nous livre à présent Thin Black Duke, leur premier album depuis The Narcotic Story (2007) et le fruit d’une intransigeance hors pair à l’égard de leurs ambitions d’artistes. Nous avons profité de l’occasion pour caler un entretien avec le groupe.

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 11 10 ANS DE©DR / OXBOW Le titre de l’album fait allusion au personnage du Thin “LE QUATUOR DE GESTATION ©DR / OXBOWWhite Duke de David Bowie. Qui est donc ce Thin Black SAN FRANCISCO Duke et d’où vient ce personnage? NOUS LIVRE ÀThin Black Duke est votre premier album en dix ans. PRÉSENT THIN BLACKEst-ce que le temps a été un facteur lors de l’écriture? Eugene : Je pense qu’on est vite tentés de le DUKE, LEUR PREMIER réduire à un outil de narration. D’où vient le mal ? ALBUM DEPUIS THE Niko : À chaque fois que je revois notre ingénieur Qui en sont les auteurs ? Suivant ta vision des choses NARCOTIC STORYde mastering John Golden je lui dis : “Il faudrait qu’on et ta cosmologie, tu peux aussi bien dire que c’est ton (2007) ET LE FRUITsorte des albums plus souvent pour qu’on puisse traîner voisin bruyant ou le mec qui bloque ta voiture chaque D’UNE INTRANSIGE-ensemble plus régulièrement !” (rire). matin. La réponse n’est certainement pas aussi simple ANCE HORS PAIR que de dire que c’est un homme qui s’appelle “Frank” À L’ÉGARD DE Eugene : Hormis le temps qui nous reste à vivre qui habite sur Madison avenue. Le “Duke” est capable LEURS AMBITIONSsur cette terre, le temps n’est pas vraiment un facteur à de prendre des allures aguicheuses, et je pense que D’ARTISTES.”considérer si tu veux faire de l’art L’œuvre que tu crées je peux clairement relier toutes les mauvaises choseste survivra probablement. On a surtout veillé à sortir un dans ma vie à une figure appelée le “Duke”. INTERVIEWbon album. Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête si DE ROBIN ONOOxbow sort un nouveau disque “en retard”. Une amie à moi est une ancienne prostituée et un de ces copains avait beaucoup de mal à accepter À SAVOIR Greg : Le temps ne nous préoccupe pas. avec son passé. Il lui demandait tout le temps avecLorsqu’on commence à créer un album on ne sait pas qui elle avait couché et elle a fini par répondre “John. Oxbow sentait la rue, le cloaquesi ça nous prendra six mois ou douze ans. On prend le Ils s’appelaient tous John. Ça te va comme ça ?”. et plantait ses crocs dans la jugulairetemps qu’il faut. De la même manière, le Thin Black Duke incarne plus urbaine, désormais, il opte pour un qu’il n’existe dans un contexte narratif. intérieur cosy avec fauteuil en velours et beau parquet. Qu’importe, là aussi, il reste cet animal aux aguets prêt à vous sauter à la gueule. Derrière l’apparent apaisement, les lames de fond électriques et sombres perdurent, la dangerosité aussi. www.indierockmag.com

12 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 ©DR / OXBOWJE ME SOUVIENS AVOIR VU CE PERSONNAGE À SAVOIRCOMME UN FANTASME Eugene Robinson est un personnage difficile à appréhender. fan de free-figthing, il est également passionné par la littérature américaine contemporaire. Tout ce mélange d’influences donne à son écriture une sensibilité et une intensité troublante. www.xsilence.net Pourquoi avoir choisi ce nom pour cette figure des procédés qui relient les sections entre elles. Le pre- allégorique ? mier morceau qu’on a composé était ‘Ecce Homo’ et, par chance, le morceau débutait avec ces quatre notes et le Eugene : Le Thin White Duke de Bowie date de la reste est venu au fur et à mesure. période de Station to Station, une période de doute et C’était purement fortuit. Ça littéralement lancé l’album. de souffrance pour le chanteur, qui s’enfermait dans ses chambres d’Hôtel à Los Angeles. Je me souviens avoir Et cette approche s’est-elle présentée comme un vu ce personnage comme un fantasme duquel il a fini défi pour la suite ? par se libérer. J’aimais bien le terme parce que j’ai fini par me rendre compte qu’il ne s’agissait pas seulement Niko : Si tu regardes la manière dont les variations de fantasmes mais également de personnes réelles. Il de Goldberg sont faites, tu retrouves des mélodies “sim- est clair que sans Bowie j’aurais donné un autre titre à ples”. L’idée d’exploiter une idée l’album. simple pour en tirer des œuvres entières m’a beaucoup intéressé. La musique tourne autour d’un Leitmotiv, 4 inter- De ce point de vue, ça s’est fait naturellement. D’un au- valles récurant tout au long de l’album. D’où vous tre côté je voulais aussi m’imposer un peu de challenge est venue cette idée ? pour faire quelque chose de cool. On compose tout ce qu’on a envie d’entendre, on réalise Niko : Ces quatre intervalles étaient la première les disques qu’on veut écouter. ébauche d’idée que j’ai écrite pour l’album. C’est une idée assez courante de créer des œuvres longues avec12 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

© Gilles Rammant / OXBOW© Hana Ofangel / OXBOW « ON COMPOSE TOUS CE QU’ON A ENVIE D’ENTENDRE, ON RÉALISE LES DISQUES QU’ON VEUT ÉCOUTER. POUR LES DEUX © Paul Trapani / OXBOW PREMIERS ALBUMS, JE VOULAIS ME SERVIR DE FORMES PALINDROMIQUES ET CRÉER DE LA MUSIQUE TOURNANT AUTOUR DE CE “NOYAU CONCEPTUEL” » ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 13

Pour les deux premiers albums, je voulais me servir au début. On n’avait pas l’intention d’écrire dans l’ordre de formes palindromiques et créer de la musique mais vers la moitié du processus d’écriture je me suis tournant autour de ce “noyau conceptuel”. Le processus dit que ce serait intéressant d’y ajouter ce défi supplé- d’écriture était difficile et exigeant mais naturel et très mentaire (rire). C’était peut-être la partie la plus pénible intéressant. mais ça a fini par fonctionner. La difficulté principale était de créer une bonne progression. Greg : J’ai trouvé cet album assez difficile à ar- ranger. Certains des morceaux sont parmi les plus “sim- J’ai entendu dire que l’album marque la fin ples” qu’on ait jamais écrits, ce qui ne les a pas rendus d’un “cycle” pour le groupe. plus faciles à composer pour autant, bien au contraire. Les idées sont davantage mises-à-nu par la simplicité Eugene : Si tu regardes l’œuvre d’Oxbow comme des compositions. un bouquin, t’aurais une suite logique de Fuckfest Sur nos anciens disques il y avait un peu plus de aboutissant sur Thin Black Duke, sur le plan thématique cacophonie derrière lequel on pouvait se réfugier, ce qui et narratif. L’histoire se termine sur Thin Black Duke nous permettait de faire un peu ce qu’on voulait. Avec avec ‘The Finish Line’. La musique qui viendra après, du cet album on a dû redoubler nos efforts collectivement moins au niveau des textes, sera différente. Les préoc- pour que tout tienne en place. cupations sont différentes et l’élan émotionnel qui est né sur Fuckfest n’est plus. Les titres ont été composés pratiquement dans l’ordre où elles figurent sur l’album. Une coïncidence En tant que parolier, je me penche beaucoup sur ou une partie intégrante du processus d’écriture ? le pourquoi du comment. En ce moment, ce que mon oreille veut entendre est un autre style de musique, Niko : Ce n’était pas prévu. On n’avait encore parce que mon esprit veut écrire des textes dans un jamais fait ça. Le seul morceau qui n’est pas placé selon autre registre. Je pense que beaucoup de musique son ordre d’écriture est ‘Cold and Well-Lit Place’. Notre repose sur des vives émotions, les “drames” de la producteur Joe Chiccarelli a suggéré l’idée de le placer vie, à savoir ces jours où les évènements sortent de14 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

© Stefan Raduta / OXBOW « JE PENSE QUE BEAUCOUP DEl’ordinaire. En ce moment je ne me sens plus vraiment la radio l’autre jour et je suis resté bloqué sur le solo de MUSIQUE RE-à couteaux tirés avec le monde qui m’entoure, et je guitare en me demandant “ça veut dire quoi, concrète- POSE SUR DESveux que ça se reflète dans la musique auquel je me ment ?”. C’est comme si t’avais une scène dans un film VIVES ÉMO-dévoue. ou une pièce où l’acteur jouait “à fond” pour montrer TIONS, LES la virtuosité de son jeu. Je suis content qu’il n’y ait “DRAMES” DE On a sorti quelques disques qui sortent de notre aucune section dans notre musique qui échappe à ma LA VIE, À SAVOIRcontexte conceptuel comme Love That’s Last ou encore compréhension. CES JOURS OÙSongs for the French, mais ça représente tout au plus LES ÉVÈNE-10 % de notre œuvre face à une carrière dominée à 90 % Dan : Cette importance au sens pour chaque titre MENTS SORTENTpar la progression allant de Fuckfest à Thin White Duke. est quelque chose d’important pour nous. On sait qu’on DE L’ORDINAIRE.Ce serait intéressant et cool d’inverser le ratio. n’écrit pas juste “une chanson”, ça rejoint presque tou- EN CE MOMENT jours un propos plus global. Je ne sais pas si on va tous JE NE ME SENS Niko : Ces deux sorties sont tirées d’un vaste ré- vouloir laisser tomber ce cadre de travail. PLUS VRAIMENTpertoire de titres qu’on a jamais sorti. On compte sortir À COUTEAUXune partie de ce répertoire éventuellement, notamment Y a-t-il des chansons ou des disques en particulier TIRÉS AVEC LEles sessions d’improvisation en studio pour Songs for vis-à-vis duquel votre point de vue a évolué ? MONDE QUIthe French. M’ENTOURE, ET Eugene : Non, en fait. C’est d’ailleurs ce que je JE VEUX QUE Dan : C’est assez sain de se rappeler que la trouve si intéressant avec notre répertoire. Je trouve as- ÇA SE REFLÈTEplupart des musiques n’intègrent pas une œuvre sez triste de voir des artistes se retrouver enfermé dans DANS LA MU-thématique plus globale. On peut très bien écrire des un style d’expression artistique lié à leur jeunesse. SIQUE AUQUELalbums avec des titres sans rapport entre eux. Beaucoup JE ME DÉVOUE. »d’artistes le font mais on n’y est plus vraiment habitués. Ma période Hardcore a été très formative mais si je m’étais retrouvé dans un groupe comme EUGENE S. ROBINSON Eugene : Je pense que je suis fautif dans cette Black Flag je ne sais pas si j’arriverais à chanterhistoire. Je suis un sémioticien et je m’intéresse au sens ‘Rise Above’ à 54 ans (rire). Je suis content de ne pasdes choses. J’ai entendu ‘War Pigs’ de Black Sabbath à avoir à faire ça. ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 15



On a des titres qu’on joue plus souvent que d’autres Vous avez également sorti un livre : Oxbow : « JE PENSE QUEmais c’est surtout une question de préférence et Thin Black Book. JE SUIS FAUTIF DANSd’humeur lorsqu’on met au point notre setlist chaque En quoi est-il rattaché à Thin Black Duke ? CETTE HISTOIRE. JE SUISsoir. Il n’y a rien qui ne me semble anachronique dans UN SÉMIOTICIEN ET JEnos chansons. C’est pour cette raison que j’écoute Eugene : Compte tenu du fait que notre dernier M’INTÉRESSE AU SENSrarement les enregistrements pour Whipping Boy mais album date d’il y a 10 ans, on n’avait aucune envie DES CHOSES. J’AIque j’écoute toujours autant Oxbow. Si mon lecteur de de refaire un briefing à chaque interview de ce qui s’est ENTENDU ‘WAR PIGS’musique passe sur Let Me Be A Woman j’écoute encore passé entre-temps. Pour les intéressés, on a décidé DE BLACK SABBATH À LAl’album entier. de sortir ce bouquin qui retrace notre histoire et ce RADIO L’AUTRE JOUR ET JE qu’on a fait durant ces 10 dernières années. Plutôt que SUIS RESTÉ BLOQUÉ SUR Niko : J’aime aussi écouter nos anciens disques et d’opter pour une voix unique comme sur nos albums LE SOLO DE GUITARE ENje le trouve assez instructif. J’écoute et je relève ce qui et nos interviews, on a cherché à récolter une multitude ME DEMANDANTa marché et ce qui n’a pas marché pour mieux faire par de points de vue avec les gens du label, nos fans, nos “ÇA VEUT DIRE QUOI,la suite. C’est important pour moi de sortir le meilleur proches… Ça nous a mis un peu plus à l’abri du mauvais CONCRÈTEMENT ?”. C’ESTde ce qu’on a offrir et de faire les meilleurs enregistre- journalisme (rires). COMME SI T’AVAIS UNEments, ce qui passe par un retour analytique sur nos SCÈNE DANS UN FILM OUvieux disques. À l’abri des comparaisons UNE PIÈCE OÙ L’ACTEUR à Faith No More qui semblent vous coller à la peau JOUAIT “À FOND” POUR Dan : Je les trouve assez stimulants aussi ! Les en MONTRER LA VIRTUOSITÉalbums sont assez riches en contenu et tu redécouvres ce moment… DE SON JEU. JE SUISdes éléments à chaque fois que tu reviens dessus. CONTENT QU’IL N’Y AITQuand t’as le nez dedans, c’est assez dur de se rendre Eugene : (rires) Je ne comprends pas trop com- AUCUNE SECTIONcompte des éléments qui font du disque un bon album. ment les gens font le lien, musicalement parlant. Pour DANS NOTRE MUSIQUEAvec un recul de quelques années les albums sont moi c’est un parfait exemple de mauvais journalisme. Je QUI ÉCHAPPE À MAtoujours aussi surprenants et tu te rends mieux compte pense que les gens qui écrivent ces trucs se sont con- COMPRÉHENSION. »de ce que tu faisais. tentés de répéter ce que quelqu’un d’autre a écrit. EUGENE S. ROBINSON Greg : Je ne me suis jamais vraiment attardé J’ai un ami qui s’est amusé avec la page Wikipe-là-dessus à vrai dire. J’aime bien réécouter les albums dia sur la démonologie et qui a inventé ‘Flipibus’, un RETROUVEZ OXBOWmais j’ai toujours relevé ce qui m’a plu et déplu dans démon dont l’unique but est de le tourmenter. L’autre sur Internet et suivezmon jeu au moment de l’enregistrement. jour j’ai recherché son nom et j’ai trouvé huit références au démon ‘Flipibus’! Je pense que les comparaisons les sur Facebook : Je m’intéresse davantage à ce qu’on va faire à à Faith No More se sont propagées de la même manière, http://urlz.fr/5Dl9l’avenir qu’à ce qu’on a déjà sorti. je ne pense pas que ça vient de gens qui ont vraiment écouté l’album. SITE OXBOW : http://www.theoxbow.com/Plus d’informations sur OXBOW : https://oxbowofficial.bandcamp.com/





20 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017INTERVIEW WOLF EYES « PARFOIS AUSSI CHAOTIQUES QUE LEURS COMPOSITIONS, LES INTERVIEWS AVEC WOLF EYES SONT SOUVENT DRÔLES ET MÉMORABLES. UNE RENCONTRE PARFUMÉE AUX DOUCES EFFLUVES DE WEED… »©DR / WOLF EYES ©DR / WOLF EYES

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 21WOLF EYES AU SONIC PROTESTJOURNALISTE : MAXIME LACHAUD PHOTOGRAPHIES : MAGOUKA / DOUG COOMBE INFOS WEB : WWW.WOLFEYES.NETRENDEZ-VOUS INCONTOURNABLE DES AMATEURS DE MUSIQUES EXPÉRIMENTALES,IMPROVISÉES ET BRUITISTES, L’ÉDITION 2017 DU FESTIVAL SONIC PROTESTA ENCORE UNE FOIS OFFERT SON LOT D’ARTISTES RARES ET CULTESParmi ceux-ci se trouvait le trio américain Wolf Eyes qui s’est produit le d’archives enregistrées et alors que le très atmosphérique et angoissé25 mars dernier à la Marbrerie. Originaire de Detroit, dans le Michigan, Undertow venait de voir le jour, Wolf Eyes ne s’est pas trop soucié d’endont l’environnement dévasté a fortement imprégné leur musique, le jouer les morceaux ou d’en faire la promo. Mais leur attitude DIY et leurprojet a été d’abord initié par Nate Young dans les années 1996/1997 électronique primitive en ont séduit plus d’un. Ils ont pu par le passéet se recentre aujourd’hui autour de sa collaboration avec John Olson, jouer avec des pointures comme Sonic Youth ou The Stooges et ont mêmearrivé en 2000, et Jim Baljo depuis 2013. Mais c’est sans compter sur les signé des albums sur le label Sub Pop. Détendus et bons vivants, les troiscentaines de projets parallèles que ces doux farceurs surproductifs ont amis aiment blaguer en permanence, délirer et inventer sans cesse delancés. Associés à la scène noise et postindustrielle, leur univers est plus nouvelles rumeurs quant au groupe. Reste ensuite à essayer de démêlercomplexe que cela, piochant aussi dans le free-jazz, le psychédélisme, la le vrai du faux, la plaisanterie du récit intime. Parfois aussi chaotiquespoésie et le dark ambiant. Eux-mêmes ont trouvé le terme de « Trip Métal » que leurs compositions, les interviews avec Wolf Eyes sont souvent drôlespour expliquer leur son. Il est facile de se perdre dans leurs centaines et mémorables. Une rencontre parfumée aux douces effluves de weed...C’EST L’AVANT-DERNIER JOUR DU SONIC PROTEST. ©Doug Coombe / WOLF EYESQU’EST-CE QUE CELA VOUS FAIT DE JOUER DANS CEFESTIVAL ET CE LIEU LA MARBRERIE ?John Olson : Cela fait au moins vingt ans qu’on connaît l’équipe et J.-F.On a fait plusieurs Sonic Protest. Les racines, les gens bienveillants,les retours bien forts, pas de flics, des filles moitié robotiques habilléescomme des Amazones dans les marécages, c’est fantastique, du Club Maté,de la bonne herbe, des sourires, des gars habillés tout en noir qui viennentt’interviewer. Sonic Protest c’est cool !

INTERVIEW WOLF EYES22 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 23 À SAVOIR Le groupe a publié plus de 150 enregistrements au cours de sa carrière. Les deux tournées majeures du groupe ont été faites avec Sonic Youth et Andrew W.K.. PLUS D’INFOS www.wolfeyes.net©Magouka / WOLF EYES ©DR C’est ce que nous avons joué lors de la dernière « J’AI BESOIN tournée. Cet album signe vraiment la fin. Je me rends DE MORDRE WOLF EYES, D’HUMEUR compte à quel point on est mauvais pour parler de nos TRÈS FORT. POLYPHONIQUE disques et les vendre (rires). Mais si tu étais là l’année J’AI BESOIN dernière, tu l’aurais entendu. D’UNE ANCHE Vous venez de publier Undertow, votre nouvel ÉPAISSE. album, qui est bien différent des débuts qui étaient JO : C’est un son en évolution. Tu entendras des simili- J’AI BESOIN DE carrément plus bruyants. Ici c’est plus mélodique, tudes du fait des instruments que nous utilisons. Il RESSENTIR LE les morceaux ressembleraient presque y a des cuivres. Tu percevras la tonalité mais pas les SON DANS MES à des chansons… structures de morceaux. COUILLES » Pas trop non plus. NY : Nous utilisons généralement une grille de départ JOHN OLSON C’est très atmosphérique en tout cas. assez informelle, mais ce qui est déclenché à partir de Nate Young : Oui, il y a une ambiance. On appelle ça de cette grille n’est jamais similaire. Est-ce que cela fait l’humeur polyphonique. sens ? C’est ce que vous allez jouer ce soir ? Les cuivres sont très présents sur ce disque joués JO : L’album est le produit fini de tout ce sur quoi nous parfois de manière assez free-jazz. Non ? travaillions avant. Cela fait presque un an que nous JO : Vu que c’est moi qui joue les cuivres, j’ai besoin de jouons cet album. Donc là on est un peu partis sur autre mordre très fort. J’ai besoin d’une anche épaisse. chose. Nous ne sommes pas épuisés mais nous essay- J’ai besoin de ressentir le son dans mes couilles. ons quelque chose de nouveau. Si le guitariste joue grave, je dois être encore plus grave. NY : La dernière fois que nous avons joué aux Instants Chavirés, nous avons fait Undertow presque en entier. Les concerts sont basés principalement sur l’improvisation ? NY : Comme je disais, il y a cette grille et ce qui en res- sort n’est jamais pareil. Dans ce sens-là, tu pourrais dire que c’est improvisé mais pas vraiment non plus.

24 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017©Magouka / WOLF EYES Je ne le recommande pas, mais j’avais fait une liste de gens que je connaissais au Michigan qui pourraient être intéressés pour rejoindre ce clubQUAND J’AI RENCONTRÉ OLSON dont je faisais partie (rires). Je sais que ça sonne un peu louche. Et apparem-LA PREMIÈRE FOIS, C’ÉTAIT ÉVIDENT : ment il n’y en avait pas beaucoup. Mais ce n’est pas faux, il n’y a pas beau-BORDEL DE MERDE ! JE NE CONNAISSAIS coup de gens bizarres au Michigan. Quand j’ai rencontré Olson la premièrePERSONNE D’AUTRE QUI FAISAIT ÇA fois, c’était évident : Bordel de merde ! Je ne connaissais personne d’autre qui faisait ça. Monter sur scène et n’en avoir rien à foutre… sur le plan social.JO : L’« Improvisation » est un mot trop chargé. Tout le monde à son avis surle sujet. J’ai mon avis là-dessus. Si tu t’habilles avec ta compagne ou ton JO : Le Michigan est très conservateur.compagnon pour sortir : - Qu’allons nous faire ce soir ? - On va voir un concertimprovisé. Euh ça ne fait pas très envie !… C’est mieux - Hey mec, habille-toi, NY : Le truc avec les conservateurs c’est qu’ils ne bougent pas à plus de 30on va voir un concert spontané ! ou 40 miles de là où ils sont nés.NY : Toute la scène improvisée n’est pas très bonne. Nous ne nous prenonspas au sérieux alors que beaucoup d’improvisateurs eux se prennent très au Jim Baljo : Du coup, nous sommes très conservateurs.sérieux. Je ne peux même pas le dire car ces connards me font peur. NY : Malgré tout, c’est bien présent.Comment saviez-vous que vos personnalités allaient coller quand vousvous êtes rencontrés ? JO : Mais je suis libéral, laisse-moi apporter ce journal chez mon père !NY : Jim me devait beaucoup d’argent et une voiture, une jeep. Et vu qu’il nerépondait pas au téléphone, cela a pris du temps pour tout récupérer. J’en NY : On ne fait pas ça quand même !ai récupéré à peu près 70 % ou peut-être 40 % en retour. Jim est un dingued’équipement. Quand il a commencé le groupe, ce qu’il essayait de faire JB : Mais rester près de chez soi, c’est cool !c’était capturer cette ambiance mécanique. C’était le bon temps ! NY : Nos personnalités viennent de nos familles, de nos racines, et il n’y a pas assez d’excentriques dans le Michigan avec lesquels tu peux sentir des affinités. Je ne sais pas si c’est meilleur ou pire, mais nous voilà là encore aujourd’hui, je n’ai pas l’impression que ça nous mènera quelque part car je ne vois pas l’un d’entre nous quitter cette relation que nous avons dans les temps proches. JO : Quand Keith Richards est mort, ils ont changé Heathrow en Keithrow, notre but est de changer Detroit Airport en Detroit Metro Airport (rires).

©Doug Coombe / WOLF EYES ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 25 Keithrow et Detroit Metro, tu vois les similitudes ? NY : Cela rime. JO : Et non nous ne jouerons pas des morceaux d’Undertow ! NY : Mais on pourrait. JO : Cela sonnerait comme un code de téléchargement avec un chiffre en moins. NY : Pendant des années, nous avons joué des chansons et personne n’en a jamais reconnu une seule ! (rires) Mais maintenant nous écrivons moins de chansons qu’avant. Nous prenons beaucoup de liberté. Nous poussons cette absurdité. JO : C’est cette ligne fine où cela peut échouer et ce sera toujours comme ça. NY : Les gens pensent que l’échec est un signe de faiblesse. Capituler est un signe de force. En parlant d’humour et de second degré, on le sent bien quand vous parlez mais votre musique est plutôt à l’antithèse du comique ? Vous y trouvez de l’humour ? JO : Peut-être que tu n’as pas téléchargé le bon album. NY : C’est plus dans la façon dont nous interagissons avec notre musique. JO : Écoute ce gars qui chante sur une boucle de lui-même ! Il y a de l’humour et il y a de la déviance. Nous sommes plus du côté déviant. Vous parliez de Detroit et du Michigan, vous diriez qu’il y a une com- munauté de musiciens, de types bizarres ? NY : Oui ce sont tous des connards antisociaux. C’est génial. JB : Certains sont blasés d’autres sont fanés. JO : C’est comme si on les avait mis au micro-ondes pendant deux secondes à leur naissance dans le Michigan puis on les a sortis. On en est à ce niveau d’effroi. Juste assez. NY : Jim habite dans la ville elle-même. Il y a beaucoup à dire sur ce que c’est de vivre au milieu de ces ruines et ce que ça fait à votre psyché. JB : Je vis dans une ville qui est à l’intérieur de la ville, et c’est super, je peux marcher jusqu’à l’épicerie. Partout ailleurs, il faut conduire. Detroit est si vaste. La communauté n’est pas si unie, il y a des endroits par-ci par-là qui le sont. Ce n’est pas si ouvert, c’est ségrégué. Je ne crois aucune municipalité quant à l’eau, aux financements du gouvernement et tout ça. Cela a été as- sez dur de naviguer par moi-même et d’essayer de rester sain. Et en sécurité. Il y a des petites portions de gens qui maintiennent la culture à Detroit avant que celle-ci ne soit totalement anéantie.

INTERVIEW WOLF EYES

©Magouka / WOLF EYES ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 27 ©Magouka / WOLF EYES on trouve des gens plus variés qui s’amusent. “LA PLUPART DES GENS POUR RESSENTIR ÇA NY : Avec ces petites scènes que nous côtoyons, car LESQUELS NOUS AUJOURD’HUI C’EST FOU la scène expérimentale n’est pas énorme, c’est une JOUONS SONT pratique qui est très bien considérée mais ce n’est pas NOS COLLÈGUES. JO : Il y a peu d’observateurs. Tu dois avoir trente mu- une musique que les gens écoutent beaucoup. Et cela ne ILS ONT DES siciens et un seul fan. le sera jamais. Les gens soutiennent plus la démarche. PRATIQUES SIMI- Et c’est con. Fais chier. (s’adressant à John Olson) Ta fille LAIRES. MÊME JB : C’est très vrai. Les fans sont très rares. pourrait danser le rock là-dessus. Quel âge elle a ? Cinq CE SOIR, JE ans ? RESSENS CETTE JO : Il n’y en a presque pas un seul. MÊME CHOSE. Vous faites une différence entre Wolf Eyes et tous MÊME HIER NY : La plupart des gens pour lesquels nous jouons sont vos autres projets car il y en a beaucoup ? SOIR, J’AVAIS nos collègues. Ils ont des pratiques similaires. Même L’IMPRESSION DE ce soir, je ressens cette même chose. Même hier soir, JO : Non, l’esprit reste le même. JOUER DEVANT j’avais l’impression de jouer devant 400 collègues qui 400 COLLÈGUES comprenaient totalement la pratique et on est sur le NY : Tu connais le zeuhl, Magma ? QUI COMPRE- même bateau. Ressentir ça aujourd’hui c’est fou, quand NAIENT TOTALE- on sait la déviance de là où on vient. C’est dur d’être Bien sûr. MENT LA PRA- déviant aujourd’hui. TIQUE ET ON EST Si c’est sous l’étiquette zeuhl ça aura une parenté, et là SUR LE MÊME JO : Tu dois t’en remettre à emmerder tes collègues. Mais c’est la même chose. BATEAU.” c’est une atmosphère difficile, parce qu’un collègue sera toujours critique de ce que tu fais. Bien plus qu’un fan. JB : Plus proche de nous, tu prends George Clinton-Parlia- NATE YOUNG ment-Funkadelic, ils étaient signés sur toutes les majors NY : En même temps ce n’est pas ce que l’on cherche en en même temps pendant deux ans. Ils ont un peu élargissant notre pratique ? En essayant d’atteindre un changé le nom, sans plus, mais c’est toujours les mêmes autre niveau sur le plan critique, métaphorique, méta- personnes. Car c’est un son local. C’est la culture. physique, etc. Cela implique ce qui se passe à Detroit. C’est une lutte. Mais je pense que dans d’autres lieux NY : Cela revient à la question de la scène ou du collec- c’est pareil. tif… (il embraye sur un sujet qui semble le tracasser) J’ai ce problème de marmotte qui est si psychédélique. J’étais au Texas l’année dernière et j’ai ressenti la J’ai un jardin et j’adore jardiner. Avant que nous ache- même chose dans la scène musicale. Dans les con- tions cette maison à cette vieille dame retraitée, la certs, le public est presque entièrement constitué grand-mère par alliance de ma copine. Elle disait qu’il d’autres musiciens, alors que dans les fêtes privées, y avait un chien qui vivait sous la plateforme. Tout le monde pensait qu’elle commençait à devenir sénile avec des signes de démence. Alors nous y avons aménagé, et il y avait une putain de marmotte là-dessous. Je me suis dit que j’allais l’attraper. J’ai mis un piège et une demi-heure plus tard l’animal était pris. Il était énorme. Jim est venu avec son minivan. Je ne voulais pas mettre l’animal dans ma voiture car il allait chier et pisser par- tout. On l’a libéré dans une sorte de terrain vague à De- troit avec une petite mare. Et devine quoi ? Un mois plus tard. Une autre putain de marmotte. Est-ce que c’était la même ? Je ne sais pas. Elle était plus maigrichonne. JO : Peut-être qu’elle a retrouvé son ipod, et que les chansons étaient les mêmes que l’autre, juste deux chansons qui diffèrent. NY : Donc cette marmotte continue à vivre là aujourd’hui. Il y a deux options. Cela peut être une seule marmotte ou une famille complète de ces connards. Il va falloir que je détruise ma plateforme pour savoir. J’ai beaucoup

de problèmes avec eux. J’ai un chien qui n’arrête pas de Ce qui est amusant avec Wolf Eyes, c’est que vu que venir. Je pisse partout dans ma cour, sur les légumes, ça personne n’a les mêmes disques, tout le monde a aide vraiment… Il ou elle n’aime pas mon odeur. Petit une image différente du groupe. Certains disent que enculé. c’est de l’industriel old school, d’autres que c’est de la noise/power electronics, d’autres que c’est de JB : C’est peut-être un coyote. l’ambient psyché… NY : Un carcajou ? JB : Mais les carcajous ne sont-ils pas européens ? JO : Du psycho jazz ! NY : Je ne suis pas européen. NY : Nous sommes conscients que chacun a son idée de Je sens que vous aimez raconter des histoires. On a comment on sonne. Je me souviens d’avoir été bombar- aussi de Detroit une image un peu flippante. Vous dé avec ça à un moment. C’est comme un monstre que avez ce genre d’histoires folles sur ce que vous vivez je ne peux pas contrôler. Et c’est là depuis le début. Les à Detroit ? gens nous ont pris pour un groupe noise car il y avait toutes ces cassettes super broyées. Mais nous sonnions NY : Une rapide sur Jim. Il a disparu dans les bois. Les plus comme de la musique électronique primitive avec flics l’avaient chopé. Personne n’était au courant. On des boîtes à rythmes, des tables de mixage et des cas- pensait qu’il était mort, cela a duré des jours. On a ap- settes scotchées. On pourrait appeler cela de l’industriel pelé les hôpitaux, les prisons mais personne ne savait à l’ancienne mais nous n’avons jamais aimé l’industriel. où il était. On a cru qu’il avait été tué. Le service funé- raire était planifié. Pas cher. Dans l’après-midi. Putain, JO : Toujours. où étaient donc Jim et Kevin ? Puis, après plus d’une semaine, il se pointe. Il avait été enfermé, avec du pain Vous n’aimez pas Throbbing Gristle ? blanc et du sirop. NY : Nous n’aimons pas ce terme et ce genre qui en est JB : Il n’y avait même pas d’eau. Si tu voulais boire de issu. Je connaissais et j’apprécie beaucoup TG mais pas l’eau, elle était marron. vraiment le reste. Comment peut-on aimer la Révolution Industrielle ?28 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

© Stefan Raduta / OXBOW Avez-vous vu des concerts quand vous étiez plus « LES CHAUDS jeunes qui vous ont fait réaliser, hey j’ai aussi envie JOURS D’ÉTÉ,Mais TG, je me sens un lien avec leur sens de de monter sur scène. NOUSl’improvisation et leur esthétique. POSIONS DES JO : Oui. La première chose qui me vient c’est d’avoir vu GALETS AVECJB : Et ils savent jouer ! Braxton jouer en solo avant même de l’avoir rencontré. SCOTT ASHETON. Ce qu’il a joué était très enraciné et pas très abstrait. IL ME PAR-NY : Quand tu écoutes les démos, c’est super. C’était très profond, ça montrait qu’on pouvait faire LAIT D’AVOIR de la musique d’avant-garde expérimentale mais avoir FRÉQUENTÉJO : Les cassettes en concert c’est ce que je préfère. toujours cette émotion, c’était très chicagoesque et DAVID BOWIE poignant. Ce fut très inspirant. DANSNY : Ils ont été une grande influence, nous n’avons pas SON CHÂTEAU.été aveugles à ce qu’ils faisaient. NY : Ce n’était pas au tout début. IL ÉTAIT CLAIR QUE LE RÊVEJO : Mais ce qui est arrivé après nous a arrêté net. JO : C’était la première fois qu’on a joué en Suède, il y a ROCK’N’ROLL bien vingt ans, ça devait faire cinq ans qu’on faisait de ÉTAIT UNENY : C’est comme avec le Grateful Dead. Nous les aimons la musique. ILLUSION. »et nous les haïssons. Du moins je parle pour un tiers dece groupe. NY : Désolé les gars, je vais devoir raconter cette histoire NATE YOUNG encore une fois. Je devais avoir douze ou treize ans.JB : Je ne les aime pas. Mon premier jour de middle school. Je portais une veste Ramones que mon frère avait dessinée à la main et pei-NY : J’aime leur système socio-économique, c’est nte. Dans cette petite ville rurale de Chelsea, Michigan,presque de l’argent propre. il y avait un gars Simon Wallace et il m’a dit : hey j’aime ce groupe. Il avait un frère qui avait un an de moins queJO : Si tu veux parler d’héritage, on peut évoquer Sun Ra, lui, dans le même genre, un jeune punk. Puis ils meil a fait du bruit, du disco, du très beau jazz. Il y a le parlent des Stooges. Il me dit que Scott Asheton est soncôté space, mais il n’y a pas beaucoup de références. Ce beau-père. C’était cool, on est parti faire du skate. Et unsont des musiciens avant tout. des premiers concerts où je suis allé c’était avec Scott Asheton et les deux frères pour aller voir les Ramones.NY : Même à l’époque où nous refusions d’être appelés Scott nous a amenés dans les loges où nous avons ren-musiciens car nous étions trop jeunes et effrayés, nous contré Joey et toute la bande de Johnny Dick.ne voulions pas apprendre, nous voulions être instinctifset bruts. La carte viscérale. JO : Et tu pensais qu’ils ne faisaient même pas de chansons.JO : La V-card. NY : Ils jouaient si fort, il y avait ce mur du son terrible, cela n’avait rien à voir avec les disques super produits à la Phil Spector. J’étais désillusionné, et Scott m’avait dit que les concerts c’était toujours différent. On ne pouvait pas reconnaître les chansons mais on ressentait la puissance et l’énergie. Et Joey qui me demandait si j’étais au lycée, et je lui ai dit que je n’étais pas rentré au lycée pour l’instant. Ce fut le début de la fin… C’était clair qu’on pouvait vraiment faire ce qu’on voulait tant que tu as le ressenti et l’énergie. J’étais à 100 % dans le skate à l’époque, c’était une étrange période. J’ai grandi avec Scott, en travaillant avec lui au sein de l’équipe de construction de mon père. Les chauds jours d’été, à poser des galets et en faisant des boulots de toiture et lui qui me parlait d’avoir fréquenté David Bowie dans son château. Il était clair que le rêve rock’n’roll était une illusion. JO : C’est une bonne leçon. NY : Tu peux aller aussi loin et te retrouver à poser des tuiles sur un toit… Puis tu fais un bond dans l’avenir de 15/20/25 ans plus tard et à présent les Stooges sont payés comme ils le méritent. ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 29

30 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017©Magouka / WOLF EYES Et il y avait ce morceau très vaudou sur leur premier album, « We will fall ».90% DE CE QU’ON FAITC’EST DE NOUS DIVERTIR NOUS JO : Oui, celui avec John Cale. Mais tout ce qu’ils faisaient était vaudou. FaireMÊMES ça sur une major et dire merde. Il y a des chutes d’une demi-heure qui sont si radicales.Ils reçoivent enfin le respect qui leur est dû.JO : On disait que les frères Asheton avaient cette télékinésie vaudoue et NY : Nous avons été invités à jouer à All Tomorrow’s Parties pour ouvrir avantc’était ça qui faisait le son des Stooges. Quand j’ai lu ça sur eux, je les ai les Stooges. C’était dingue pour moi. Je suis allé voir Scott avant le concert etécoutés d’une manière complètement différente et c’est totalement ça. il était très au fait de ce qui se passe. La noise japonaise. Un mec de 60 ansNY : C’est le Michigan ! qui connaît Merzbow ! Il était toujours au courant des trucs tarés qui se font.JO : Il y a une essence chez eux. Tu peux lire une phrase sur un groupe et Il y avait une interview il y a quatre ou cinq ans où il parlait du premier showcomplètement repenser ta vision du groupe après ça. des Stooges, où ils faisaient du tap dancing sur une plaque métallique et enNY : C’est pourquoi il n’y avait pas d’autres options que de fréquenter ces frappant sur une boîte à reverb. Scott me disait qu’Iggy aimait les machinesgars. L’essence du Michigan est évidente et signifiante. qui faisaient du bruit, les aspirateurs, les tubes en PVC avec des micros. C’estJO : Je ne peux pas entendre Nate jouer solo sans réagir. Tout ce qu’il joue j’ai un truc du Michigan, ce n’est pas comme s’il me l’avait appris. C’est ce qu’onune réponse à donner. C’est dans mon ADN. T’aimes bien les Stooges ? appelle être déviant.Oui, et j’ai vu le film de Jarmusch il n’y a pas si longtemps. Vous vous souvenez des premiers sons que vous avez faits quand vousJO : Le livre qui est sorti est vraiment très bon. Total Chaos, c’est meilleur étiez très jeunes ?que le film. JB : Je joue la guitare. Mon père était guitariste. Je me souviens enfant de m’agripper aux cordes et faire des sons, les regarder vibrer. C’est un de mes premiers souvenirs. JO : J’étais tellement amoureux de certaines chansons. J’avais mon lecteur de disques juste à côté de mon lit pour que quand je me réveille je puisse ap- puyer sur le bouton Power dès la première seconde.

©Magouka / WOLF EYES ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 31 NY : Jeune, je me souviens que je prenais des drogues, et je regardais la lumière bleue sortir de la télé statique et je me souviens de maltraiter ma guitare acoustique, en essayant de la détruire, la frottant. À l’époque, je ne pensais pas encore à m’enregistrer, cela a pris deux ans avant que je découvre cette technique et le multitrack, et quatre ans plus tard le premier Wolf Eyes est paru. Aujourd’hui en termes d’instrumentation électronique, vous travaillez avec quoi ? NY : Il n’y a pas de tabou. Ipad, canalisations d’égout, tout doit être exploré. On prend tout. J’en ai fini du digital, encore plus aujourd’hui. JO : Il n’y a rien de mieux que de prendre un instrument et d’essayer de le jouer à ta façon. C’est le meilleur sentiment qu’il puisse y avoir. Comme allez je vais prendre un saxophone baryton et voir comment cela fonctionne. Pour moi c’est une des meilleures expériences et surtout trouver ta manière de le faire. Puis apprendre à jouer vraiment, puis revenir à ce que tu faisais avant. C’est ma démarche et j’aime ce sentiment. De tous les disques que vous avez faits, y a-t-il un album pour lequel vous avez une affection particulière ? NY : Je ne peux parler que pour mon travail solo. Avec ce groupe je ne saurais pas dire c’est trop vaste. Mais pour mes albums solos, j’aime beaucoup Stay Asleep. La réponse simple en promo serait de dire Undertow, le dernier. JO : Avant de partir en tournée, nous sommes allés chez un disquaire et avons ramené un paquet de maxis de Janet Jackson sur du vinyl transparent. À l’époque Nate coupait beaucoup les vinyles. Et vu que les grooves sont très larges, il a fait une coupure Wolf Eyes sur un disque de Janet Jackson. Il en a sorti un CD. C’était peint et très beau. Je crois que c’est mon préféré car ça symbolise non seulement le début de la tournée mais cette déviance dans le format a défini notre vernaculaire pour les années à suivre. Et ça sonnait vrai- ment super bien. Jim était tellement jeune, il a commencé à boire sur cette tournée. Nous faisions la balance et un gars est venu nous voir, « ce Jim a filé avec tout votre merchandising ». Il ne nous restait qu’un T-shirt. NY : Nous pensions qu’il s’agissait d’artefacts intéressants mais ils étaient sans valeur. JO : Nous tirions dix exemplaires. Nous en donnions deux à des amis, et nous en gardions huit pendant longtemps. 90 % de ce qu’on fait c’est de nous divertir nous-mêmes. JB : Pour moi, un disque peut être un chef-d’œuvre au moment où je l’écoute mais je finis par me rendre compte que ça ne l’est pas.

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© DR / WOLF EYES « IL ME SEMBLE ÉVIDENT QUENY : J’ai longtemps cherché le chef-d’œuvre, mais nous c’est cool. Penser au jour où je ne pourrais plus le faire DANS UNE VIEavons laissé tomber cette idée. m’horrifie. PASSÉE, NOUS AVONS FAIT DESComment vous expliquez que vous êtes toujours là NY : C’est vraiment faire de la musique. Nous devons CHOSES CAUS-à faire de la musique ? travailler un peu, ce qui n’est pas si dur, il suffit de dé- TIQUES ENSEMBLE. placer nos corps d’un point à un autre. Être fatigué et se QUE CE SOIT DUJB : On s’amuse beaucoup. Regarde cette après-midi, rendre disponible. Ces interviews sont drôles mais elles THÉÂTRE SHAKE-c’est le pied ! peuvent être démoralisantes aussi. SPEARIEN OU DÉSAMORCER DESJO : C’est bien moins fatigant que de travailler sur des JO : Cela soulève beaucoup d’émotions. Nate m’a dit une BOMBES SUR LESchantiers ou d’être arrêtés par la police. des meilleures choses sur le fait de voyager : le sourire COLLINES DE NOR- est universel. Avec un sourire, tout peut arriver. Et ce MANDIE »NY : Ou crier sur ta femme pour qu’elle fasse la vaisselle. n’est pas la chose la plus simple à faire. À un moment je dormais plus souvent avec John qu’il ne dormait avec JOHN OLSONEt vous aimez beaucoup la vie en tournée ? sa femme. RETROUVEZ WOLF EYESJO : Parfois il faut amener ton corps à tel endroit à telle JO : Des dizaines de fois plus souvent qu’avec mes deux sur Internet et suivezheure. Mais c’est le rituel, c’est tellement amusant. premières femmes.J’aime comment les journées se déroulent, c’est dur au les sur Facebook :début, puis ça devient amusant, il y a le gig. C’est le NY : Des fois il est nu et moi aussi. http://urlz.fr/5DlCtemps. C’est beau. SITE WOLF EYES : JO : Nate pense que dans une vie antérieure, nous étions http://www.wolfeyes.net/NY : C’est King Coffey qui détestait les tournées. Il y a dans l’infanterie ensemble. J’y pense souvent. On colleces 45 minutes où il joue qu’il aime, et pour lui le reste l’un à l’autre façon infanterie. Il me semble évident quede la journée était terrible. Je ne suis pas d’accord avec dans une vie passée, nous avons fait des choses caus-ça mais je le comprends. On joue 1h15, donc c’est un tiques ensemble. Que ce soit du théâtre shakespearienpeu plus. ou désamorcer des bombes sur les collines de Normandie.JO : Tu es physiquement avec les mêmes personnes pen-dant longtemps donc il faut être prêt à ça, mais j’adore,Plus d’informations sur WOLF EYES : www.wolfeyes.net

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INTERVIEW DEVIL JO AND THE BACKDOORMEN BDAEVCKILDJTOOHOEARNMDEN DU BLUES AU ROCK PERLE DE BLUES, claque de rock, punch de punk, le quintet Devil Jo and The Backdoormen a cette finesse indescriptible qui le classe au top du bouillonnement déclenché par le retour en force du blues-rock. Les deux guitaristes du crew, Laurent de Carvalho et Vincent Aubrun, ont pu se libérer pour nous rencontrer. Il est difficile de ne pas les imaginer dans un déchaînement de saturation mais, à l’occasion de notre entretien, ils ont généreusement accepté de suspendre, temporairement, le massacre d’amplis par électrification outrée et le meurtre de micros par déflagration vocale.36 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

LE ROCK MODIFIE dans l’ambiance acoustique, Il faudrait réadapter tous “LE ROCK, PAR L’ÉCOUTE DU BLUES les arrangements du set car, par exemple, un batteur SON RÉFLEXE DE ne peut jouer de la même façon sur les deux modes. SIMPLIFICATION, Le blues est le père du rock. Certains diront même PAR SA MANIÈRE que l’injection de rock dans le blues dénature ce Atypeek Mag : Donc pour l’instant, pas d’Unplugged DE PORTER HAUT dernier. À l’inverse, pourriez-vous nous dire ce que de prévu ? ET FORT, A PEUT- le rock apporte au blues ? ÊTRE PU METTRE Vincent : Pas pour tout de suite. Non, jusqu’ici, quand EN ÉVIDENCE CE Laurent : Je pense que le rock a permis aux gens qui on jouait acoustique, c’était ponctuel, pour s’adapter à QU’IL Y AVAIT n’allaient pas naturellement vers le blues, de s’y inté- certaines salles. Mais ce pourrait être une orientation à DE PLUS FACILE- resser. De s’en imprégner. Le rock, par son réflexe de développer. Il y a un potentiel d’ambiances au sein de MENT ÉCOUTA- simplification, par sa manière de porter haut et fort, a certaines chansons que la dimension acoustique pourrait BLE DANS LE peut-être pu mettre en évidence ce qu’il y avait de plus vraiment permettre d’approfondir. BLUES ET DONC, facilement écoutable dans le blues et donc, a pu servir A PU SERVIR de passerelle vers lui. Et puis les deux, dans leur intensi- Laurent : Oui, et puis, sur scène, comme on est plus à DE PASSERELLE té, dans leur manière d’évoquer l’expérience personnelle l’aise en électrique, c’est ce mode qui nous permet de VERS LUI” ou le soulèvement collectif, sont liés par une profonde nous donner à fond. C’est une dimension fondamentale sincérité. Le rock modifie l’écoute du blues sans le pour nous. Ne pas jouer de jeu, juste partager ce qu’on INTERVIEW défigurer, sans lui enlever son authenticité. Il conserve aime, donner une représentation qui soit sincère. DE JONATHAN ALLIRAND la recherche de sincérité, l’accompagne en la propulsant Et pour qu’elle le soit, il faut des tripes et le moyen de© DR / Devil Jo & the Backdoormen dans une dynamique plus appuyée, rapide, hargneuse. les montrer, pour nous, passe par l’électrique. Vincent : Oui, je suis d’accord avec Laurent. Personnel- Un nouvel album en préparation : comment s’est lement, je suis allé au blues en écoutant Led Zeppelin, passé l’enregistrement ? Jimi Hendrix, autant de personnages complètement fan de blues. Ils ont eu une manière très personnelle de Laurent : Deux semaines d’enregistrement très dures, se l’approprier et de le partager. M’intéresser à leurs très exigeantes. On a dû réenregistrer quelques pistes. morceaux, c’était entendre du blues. C’est par eux que Pas parce que la performance nous déplaisait, mais j’en suis venu ensuite à écouter des références comme parce que nos instruments étaient faux par rapport à Muddy Waters. Et puis, ces deux genres sont loin d’être certains réglages du studio. Ce sont des aléas qu’il faut cloisonnés, les ponts se font tellement naturellement savoir affronter. Mais ça valait le coup car je pense que que c’est parfois en écoutant du blues que l’on se de- le résultat est au rendez-vous. On est encore en train de mande si l’on n’est pas en train d’écouter du rock ! nettoyer les pistes, mais de ce que j’ai pu entendre, je pense que c’est ce qu’on a fait de plus abouti. Devil Jo and The Backdoormen est d’ailleurs plus enclin naturellement à jouer en électrique qu’en Vincent : Oui, ça représente presque deux ans de travail. acoustique, non ? On était très impatient de rentrer en studio. Comme quand tu prépares un foot avec tes potes et que tu Laurent : En fait, on n’a rien contre le fait de jouer rentres sur le terrain ! D’autant plus qu’on n’est pas acoustique, ce n’est juste pas notre premier réflexe. souvent en studios, deux ans pour deux semaines ! Elles Les structures et textures des morceaux ont été réalisées ont été rudes. pour un contexte électrique. Pour s’investir à fond Comment se déroule le travail de composition de manière générale, au sein du groupe, et comment s’est-il passé dans le cadre du nouvel album ? Plus d’informations sur DEVIL JO & THE BACKDOORMEN : http://devil-jo.com/ ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 37

© DR / Devil Jo & the Backdoormen Vincent : On a deux manières de composer : soit on part Sans nous spoiler, vous pouvez nous décrire un peu d’un riff que l’un de nous propose. Imaginons, Laurent ce qui nous attend sur cet album ? propose une idée, je me cale dessus et on essaye d’explorer les différentes potentialités. Soit on compose Laurent : Par rapport à ce que Devil Jo a fait auparavant, dans le cadre de bœufs qu’on organise. La dernière fois, je pense qu’on peut s’attendre à quelque chose qui Laurent et Jeremy, le batteur, ont fait un bœuf, et, sur monte d’un cran en puissance. une seule session, un même morceau a pu permettre de développer trois ou quatre idées pour d’autres chansons Atypeek Mag : Quelque chose qui s’oriente de manière à venir. plus tranchée vers le rock ? Laurent : Oui, c’est vrai que finalement, les bœufs se Laurent : Je pense qu’on peut dire ça, oui. Le blues reste font souvent en petit comité : soit Vincent et moi, soit le moteur mais le ressenti est plus rock. Jeremy, Vincent et Guillaume, le bassiste. Soit Jeremy et Vincent. C’est rare que l’on soit tous ensemble. Mais de Vincent : Et plus sombre, aussi. De plus, sur cet album, toute façon, tout ce qui est sorti de chaque session est on a voulu canaliser l’énergie et se placer dans le cadre discuté, on travaille chaque proposition et on ne garde d’un format chanson. On garde une spontanéité, mais que celles où tout le monde se retrouve. on se tient à un cadre là où le blues partirait dans des développements plus longs. Vincent : : La plupart des chansons qui sont sur l’album sont nées de bœufs hors studio. Certaines idées Laurent : Sans être bien sûr dans une caricature stéréoty- d’arrangement sont venues de travail au sein du studio, pée de chanson soumise au format radio, on a voulu se mais dans le cadre très strict de l’enregistrement, la tenir à ce qui nous importe : pouvoir être partageable. Je créativité s’est retrouvée un peu bridée. pense que certains de nos airs peuvent donner matière à fredonner. On avait préparé une quinzaine de chansons en vue de l’enregistrement. Il a fallu opérer une sélection et on en Atypeek Mag : Catchy sans être facile ? a choisi 10. Vincent : Oui, c’est ça. C’est pour cette raison que là où38 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 Devil Jo aurait eu tendance, avant, à placer des solos, on a dans cet album, réduit ce genre de passages. On se concentre sur le cœur de chanson. Le format général est de 3 à 4 minutes de durée.

ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 39Laurent : 3 à 4 minutes pour 10 chansons, on est sur Vincent : Merci ! En arrivant dans le groupe, je me suis “C’EST PAR-un album de 40 minutes. Ce qui nous paraît intéres- mis en posture d’accompagnement. Certains morceaux FOIS EN ÉCOU-sant pour capter une écoute maximale. Au-delà de cette de Laurent semblaient fonctionner à eux seuls. J’ai dû TANT DU BLUESdurée, l’attention risque de se perdre petit à petit et ça donc adapter mes propositions, d’où parfois un jeu QUE L’ON SEpeut desservir le travail. ambiant. Le dernier album est justement l’occasion DEMANDE d’affirmer l’identité du nouveau line up. SI L’ON ESTVincent : Et puis, il y a quelques surprises à venir sur PAS EN TRAINl’album. Des collaborations : la venue d’une contrebasse ! Dans le précédent, on était dans une phase transition- D’ÉCOUTER DUEt une reprise personnelle d’un classique ! On n’en dira nelle. Après la séparation, la reformation, il fallait revenir ROCK !”pas plus tout de suite ! vite et proposer quelque chose pour ne pas laisser l’oubli prendre le pas. L’album à venir correspond à une VINCENT AUBRUNQuel enthousiasme ! Devil Jo and The Backdoor- autre visée : établir le line up dans sa créativité propremen est passé par une refonte du line up : à voir et dans une dynamique de groupe à l’origine d’un projet RETROUVEZ DEVIL JOl’ambiance énorme de la formation actuelle, on commun. & THE BACKDOORMENdirait que les différents changements ont œuvré sur Internet et suivezpour le mieux ? On sent beaucoup de respect : à la fois pour le pub- lic, mais aussi précisément entre les membres du les sur Facebook :Laurent : Oui, je pense que c’est bien de le voir comme groupe. Comment se prennent les décisions ? http://urlz.fr/5DrAça. On n’oublie pas que Devil Jo a un passé. Mais lenouveau line up fonctionne bien. Il a permis de porter Vincent : On discute de tout, c’est un aspect fonda- SITE DEVIL JOvraiment loin le projet Devil Jo. mental de la vie de groupe. On y attache beaucoup & THE BACKDOORMEN : d’importance. Beaucoup de temps. Beaucoup d’énergie.Atypeek Mag : Le batteur Jérémy a l’air d’être hyper vif, http://devil-jo.com/spontané et délirant ? Atypeek Mag : il vaut mieux prendre le temps de régler des conflits que d’essuyer des frustrations ?Laurent : Oui, un gros potentiel. Il continue d’apprendreet devrait gagner confiance en sa créativité. En répète, Laurent : Oui, on veut que tout le monde s’y retrouve. Sion sent qu’il se contient pour faire tourner la mécanique on veut être sincère dans la représentation, il faut qu’audu groupe de façon sûre. préalable tout le monde s’éclate sur les chansons. Bien sûr, c’est arrivé que des propositions de morceaux neVincent : Mais quand il va se lâcher et libérer sa créa- fassent pas l’unanimité. Mais, on bosse le morceau, ontivité, je pense qu’il va faire des trucs inimaginables ! se donne les moyens d’en explorer le potentiel et par- fois, en le retravaillant, on apprend à l’intégrer commeLaurent : C’est clair, en concert il m’a bluffé plus d’une un morceau qui nous transporte.fois. Pris dans l’ambiance, il lâche parfois les chiens. Ilm’est arrivé de me retourner vers lui après l’avoir en- Si, à l’inverse, on ne retrouve pas l’identité du groupetendu placer un enchaînement surprise tout en pensant : dans le résultat final, on passe à autre chose. C’est« bordel, mais t’es énorme ! ». comme ça que s’est faite aussi la sélection des dix morceaux de l’album. Sur la quinzaine de morceaux enAtypeek Mag : Le bassiste Guillaume groove sévère, on lice, il y en eu certains pour lesquels on finissait par seaurait envie de l’entendre encore plus. Peut-être même dire : « là, sur celui-ci, ça ne marche pas » ou « on perdparfois, sur des solos ? un peu l’identité du groupe sur celui-là ».Vincent : Il est super bon mais je pense qu’il a le réflexe Vincent : Il en est de même pour la synchronisation desde rester discret pour plusieurs raisons. Tout comme emplois du temps dans l’optique d’assurer nos concerts.Jérémy et moi, il n’oublie pas que Laurent et notre On comprend très bien que chacun a ses impératifschanteuse Sara sont ce qui reste du crew original, sa et ne peut être présent à tous ces rendez-vous. Enbase fondamentale. De plus, si sur scène, chacun fait revanche, on demande juste que la personne trouve uneson délire alors qu’il y a déjà des showmen comme Sara solution.et Laurent, le concert partirait en vrille. Enfin, Guillaumeest moins bassiste à proprement parler que musicien Par exemple, des gars comme Guillaume, pris dans depolyvalent, touche à tout talentueux. Mais toutes les nombreux projets, s’assure d’avoir un remplaçant àpropositions sont ouvertes et si lui ou Jérémy veulent cette date. Grâce à l’aide du label Green Piste Records,proposer qu’on parte de leurs créations ou qu’on leur on a de bons espoirs d’enchaîner un certain nombre decrée des espace d’expression, ce sera avec plaisir ! dates pour l’année à venir. Peut-être une trentaine. Ce qui va donner lieu à beaucoup de défis logistiques etAtypeek Mag : Et toi Vincent, une adaptation au crew organisationnels !complètement ahurissante ! ? Il y a de quoi être admiratifde ton jeu planant !Plus d’informations sur DEVIL JO & THE BACKDOORMEN : http://devil-jo.com/

https://tropare.bandcamp.com/



42 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017CHRONIQUES ALBUMS & SINGLESNDOETRCEŒCUORUP“BUZZING BUT NOT HUNG UP ON HIP” PHILIPPE PETIT Touche-à-tout, est devenu un incontournable de la scène expérimentale. Noise, drone, dark ambient, contemporain, rock, folk, soundtrack, jazz, il ne s’impose aucune limite et la compilation Buzzing But Not Hung Up On Hip atteste de cette diversité et de ce goût pour les collages sonores mi abstraits mi surréalistes. Comme le funambule du même nom, il s’est fait en autodidacte et marche sur le fil tendu entre tous ces genres pour créer son propre univers, qui a su séduire la scène internationale au vu du nombre hallucinant de collaborations qu’il a faites en moins de dix ans. Maxime Lachaud Pour lire un QR Code, il suffit de télécharger une application de lecture de QR Codes. D’ouvrir l’application et viser le QR Code avec l’appareil photo de son téléphone mobile et l’application lance l’écoute de l’album.

ALBUMS Date de sortie : Date de sortie : Date de sortie : 14/07/2017 16/01/2017 24/03/2017 Durée : 01 h 38 min Durée : 21:27 min Durée : 33:28 min Nationalité : FR Nationalité : FR Nationalité : US Styles : ÉTHÉRÉ Styles : ROCK INDIE Styles : Expérimental / EXPÉRIMENTAL PUNK BLUES ROCK Ambient / Electro HTTP://URLZ.FR/5JMP HTTP://URLZ.FR/5JMP HTTP://URLZ.FR/5HVM LYNHOOD BOSS HOG PHILIPPE PETIT SEPTEMBRE (REAFFØRESTS / L’ECHO REC. / ATYPEEK) BROOD X (IN THE RED / BRONZE RAT)BUZZING BUT NOT HUNG UP ON HIP Projet solo de Chloë Della Valle (cofondatrice du label 17 ans d’attente, et pourtant à l’écoute de ce Brood(ATYPEEK MUSIC) Reafførests et bassiste de Symetry groupe métal/ X, il semblerait que non rien n’a changé, que tout a prog « Made in Grenoble »), Lynhood au travers continué, que Cristina, Jon, Holli et les autres n’ont pasSur-productif est le moindre adjectif que l’on puisse de ces quatre titres peint une musique sombre et vieilli, et que leur musique non plus, sans artifices ouutiliser pour parler de Philippe Petit. Actif depuis ambiante sur une toile de fond très heavenly voice : injection d’un quelconque élixir de jeunesse. 17 ansplus de trente ans dans le milieu des musiques on songe à Dead Can Dance et Cocteau Twins voire qui sont passés à une vitesse folle, qu’on en oublieraitaventureuses, il développe aussi un univers très Throwing Muses sur les morceaux « The master » l’avènement du Néo-Métal, des télés-réalités, de Nico-singulier depuis une dizaine d’années, entre et « Qualm », le tout est teinté ou agrémenté de las, Carla, et Rachida, de la glorification du “Gangnammusique contemporaine, soundtrack, free-jazz et sonorités très shoegazing voire noise à l’instar Style”, des vies vécues par procuration via applicationsbidouilles électroniques. du final de « White emperor ». Cet EP débute de et de toutes autres raisons qui donneraient envie de manière assez cinématographique, « Tree » rappelle descendre dans un centre commercial avec un ShotgunCette nouvelle compilation montre l’étendue de un peu le « In the house-in the heartbeat » de John faire un petit peu de ménage. Brood X nous ramèneson spectre musical et sa passion pour les col- Murphy sur la B.O de 28 days later, en plus aérien. quelque part, comme si c’était hier tout en étantlaborations avec d’autres artistes. En effet, par le L’ensemble met au premier plan la sublime voix aujourd’hui, car tout cela est bien réel: il y a des amispassé, Philippe Petit a pu travailler avec des noms et la basse (jouée à l’archet s’il vous plaît…) de qui ne changent pas, et auxquels on ne reprocheraaussi prestigieux que Lydia Lunch, Murcof, Simon la grenobloise, le résultat s’avère très envoûtant jamais de ne pas avoir changé, ils sont rassurants,Fisher Turner, Cosey Fanni Tutti, Eugene Robinson, et addictif grâce aux boucles subtiles et à ces font oublier le reste… Ils ont maintenant trois fois 17Jarboe, Cindytalk, Edward Ka-Spel et tant d’autres. vocalises éthérées qui plongent l’auditeur dans ans, nous deux fois… Une adolescence a passé depuis cette atmosphère particulière, on s’abandonne et le début de ce siècle où l’on tombait en émoi sur lesAvec plus d’une trentaine de disques parus en tout on se laisse entraîner assez facilement durant ces pépites Pop (sans son aspect factice), Blues (sansjuste une décennie, il y a parfois de quoi se perdre 21’’29’, dans cet univers emprunt de noirceur et de son côté lourd) et Punk (sans ses limites) qu’étaientdans le petit monde de Philippe Petit, donc cette mélancolie. À l’écoute de ce Septembre on ne peut “Itchy&Scratchy”, “Whiteout” ou “Monkey”. C’étaitcollection tombe à point. s’empêcher de penser que s’il était anglais, nul sexy et c’était terriblement cool. Et c’est toujours le doute que Lynhood aurait été signé sur le label 4AD. cas, avec une facilité et une aisance déconcertante. ÀOn y retrouve sa passion pour les ambiances énig- force d’écoutes, l’album trouve d’autres dynamiquesmatiques et obscures (“Stellar Fright” avec James I✎ Stéphan www.w-fenec.org entre balades au son désuets (“17”) et coups deJohnston de Gallon Drunk), de doux airs de foires coïts magnétiques (“Sunday Routine”), permettantaux monstres et un surréalisme électronique que LYNHOOD ©DR au groupe de se démarquer de Whiteout tout enn’aurait pas renié Nurse With Wound (“A Farewell restant dans les clous de leur formule. On pourraitto U...”), des moments plus folk, romantiques et arguer que celle-ci ne subit aucune modification etapaisés (“Eugenia”), d’autres beaucoup plus abrasifs qu’il aurait été intéressant d’aller plus avant compteet bruitistes (“Electric Blue-Mirrors” avec Lucina tenu du temps écoulé, mais ce n’est pas le genre deLou), voire carrément rock à la Babes in Toyland reproches que l’on peut justement faire à ce type de(“Second to Last Thoughts” avec MDME SPKR). groupe. Comme dit au début de la chronique, cette approche permet de rester fidèle à ce qu’ils sont etLes ambiances jazzy de film noir sont aussi présentes, à leur public. Et lorsqu’on entend de tels plaisirsnotamment avec l’utilisation de cuivres (“Si Parla lascifs (“Shh Shh Shh” et sa transpiration palpitanteItaliano”), tout comme l’onirisme fantaisiste (“Songs sous soleil plombant) avec des petits tubes à la pelleof Innocence”). Acoustique et électronique se mêlent (“Billy” déjà mentionné ou “Signal”, qui pourrait être(“Cymbalomentums”, la collaboration avec Peter la bande-son parfaite pour un James Bond crado), ceHollo au violoncelle), générant une certaine forme serait bien dommage de jouer les troubles-fête et ded’abstraction, où l’on peut sentir aussi bien desinfluences venant de la musique industrielle que Ibouder ce retour.contemporaine (“Songe d’Azur”). Préparez-vous ✎ Machete83 www.xsilence.netpour une heure et demie de sons qui fusent detous les côtés. ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 43 ✎ Maxime Lachaud

ALBUMS Date de sortie : Date de sortie : Date de sortie : 21/07/2017 17/11/2016 21/07/2017 Durée : 46:39 min Nationalité : AU Durée : 34:30 min Nationalité : US Styles : PUNK ROCK Nationalité : US Styles : ELECTRONIC Styles : ELECTRONIC GRUNGE EXPÉRIMENTAL / R&B RAP / R’N’B HTTP://URLZ.FR/5JET HTTP://URLZ.FR/5JQB HTTP://URLZ.FR/5JRR ST MORRIS SINNERS MHYSA - FANTASII (HALCYON VEIL) TYLER, THE CREATORFLOWER BOY (ODD FUTURE / COLUMBIA) SONGS ABOUT INSECTS Moitié de la formation SCRAAACTH aux côtés de Quelle mouche les a piqués ? Le quartet d’Adelaïde lawd knows, l’artiste E. Jane aka MHYSA offre unChez Tyler, The Creator les albums se succèdent et St Morris Sinners publie en guise de deuxième opus premier album déboussolant de par ses partis prisne ressemblent pas, à l’image de son nouvel opus le cinglé Songs About Insects, papillonnant d’un résolument contemporains, explosant les codesFlower Boy qui tend à donner une nouvelle image tempo plombé hypnotique vers une éruption de pour engendrer de titres charnels soufflant sur lesde l’artiste américain, jamais à court d’idée pour grattes corrosives, d’une mélopée semée de solos carrefours de l’expérimental et du r’n’b androïde,surprendre son auditoire. flamboyants à un blues mutant aux accélérations nourri de gospel aérien et de viscéralité black.Ici, les ambiances sont nettement plus soft et main- fulgurantes, d’une ballade gracile vers une cavalcadestream que par le passé, à l’exception de quelques hargneuse, culminant avec le furieux « B. F. B. F. » Celle qui s’autoproclame Black Queer militante dutitres perchés comme Who Dat Boy? avec en featuring (« Big Fucking Blue Fly »)… Inclassable et prenant. monde cyber et fervente militante de la conditionA$Ap Rocky ou I Ain’t Got Time, véritables réussites des femmes noires, nous fait voyager dans undans le genre hip-hop désarticulé et futuriste. Sinon ✎ www.digitfanzine.chez.com monde sur lequel s’entrechoquent chants d’églisesle reste de l’album est une succession de tracks aux qui ne sont pas sans rappeler certaines productionseffluves soul, groove ou r’n’b, voyant les apparitions Date de sortie : de 4AD, déstructurations électroniques prochesde quelques prestigieux invités, à l’image de son 21/01/2017 d’un Chino Amobi et r’n’b gorgé de trap pour barsgrand ami Frank Ocean, Roy Ayers, Steve Lacy ou moites de strip-teaseuses.Anna Of The North. Nationalité : FRUn album plus radieux que par le passé qui vient Styles : POSTPUNK Politique de par son enveloppe comme de partrancher avec ses œuvres précédentes, délaissant son propos, Fantasii est un concept album denseles personnages de fiction pour se livrer de manière SYNTHWAVE aux directions multiples et minimalistes quand àplus introspective, dévoilant entre les lignes son sa production calibrée de laquelle s’échappe uneattirance pour les garçons et une certaine fragilité HTTP://URLZ.FR/5JEY sensualité étrange qui prend aux tripes pour neexistentielle, n’oubliant pas de livrer aussi au passage, plus nous lâcher.quelques messages positifs à l’adresse des jeunes LAST NIGHTnoirs américains. Un opus gorgé de soleil, qui bien MHYSA alterne superbement ambiances chaudes etqu’inégal, accompagnera parfaitement la fin de l’été. FRIENDLY FIRES (LE TURC MÉCANIQUE) froides, entrelaçant souvent les deux pour perdre Achtung ! Ceux-là, leur réputation les précède… l’auditeur dans un méandre de sensations qui I✎ Roland Torres www.silenceandsound.me Organiser un concert des Parisiens, c’est imaginer ouvrent les portes de la réflexion tout en faisant le meilleur en attendant le pire! Et il n’est jamais ployer le bas du bassin, poussant notre esprit à44 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 très loin… quatorze verres pétés, trois bastons, cinq réfléchir à coups de génuflexions félines et de vomis, de l’urine en cuisine… J’arrête là, on ne parle féminité revendiquée hauts et fort. VITAL. pas de drogue dans ces pages ! Hormis ces menus détails, le concert fut festif (ha ha !), entre punk et I✎ Roland Torres www.silenceandsound.me post, à trois guitares, un synthé parfois et la présence magnétique de leur chanteur, Pat (ex-Cavaliers et actuel bassiste de Frustration)… Un line-up impres- sionnant qui tarte instantanément la gueule ! C’est le cas aussi sur leur second album Friendly Fires (Le Turc Mécanique) qui reprend la recette du premier avec encore plus d’aplomb, de savoir faire et une force de frappe accrue. Un des tout meilleurs groupes dans le genre… « Vous ai-je déjà parlé de ce mec qui jouait du thérémine avec la bite ? » ✎ www.digitfanzine.chez.com TYLER, THE CREATOR ©DR MHYSA ©Naima Green

ALBUMS Ho99o9 (Horror) ©DR Du down tempo hip hop des enfers passant le Date de sortie : relais à un son punk hardcore tout droit venu de 05/05/2017 la street. C’est clair, leur fameux tube Blood Waves Durée : 46:03 min Nationalité : US à certainement dû les inspirer pour cet album. Styles : HORRORCORE PUNK HIP-HOP Bon découlement entre les styles de manière cre- HTTP://URLZ.FR/5JUA scendo comme un ressort ou de la slim rebondis- HO99O9 (HORROR) sant sur un escalier. Des passages poussés dansUNITED STATES OF HORROR (999 DEATHKULT) la veine break beat digne d’un Prodigy en plusDès l’ouverture de la pochette, on est très vite ac-cueilli par les photos d’un bébé et d’une explosion macabre et primaire, notamment sur Face tatt etnucléaire où en dessous est écrit your child will die par-dessus tout Knuckle up qui aurait pu gagnerbecause you let it happen. On sait à peu près quelletournure va prendre le premier album d’Ho99o9. la place du single vu sa démarcation vis-à-visSon nom ? United States Of Horror… Ouais, on saitvraiment à quoi s’en tenir, en fait. À la production du reste, un morceau qui en jette avec punch etil y a principalement David Andrew Sitek, hommede talent encore trop méconnu : il a aussi travaillé détermination qui ne manque pas de nous faireavec David Bowie ou encore Yeah Yeah Yeahs et aété bassiste des Jane’s Addiction en 2011. Ce mister jumper avec force et rebond.a carrément participé à de bonne pépites sur cetopus. Si vous avez déjà écouté ces deux disjonctés Ce découlement parfait est aussi dû aux interludesd’OGM et Eaddy venus tout droit du New jersey,vous devez certainement savoir ce que provoque qui aident à son bon développement : When deathle mélange Bad Brains, Dead Kennedys et DMX. calls baigne dans le purgatoire pour nous en jeterObscure, brutale, United States Of Horror est le quelques extraits à la gueule et ouvre sur Bleed warjugement dernier de l’AmeriKKKa, celle de la ségré-gation à celle de Trump. C’est la bande-son d’un envoyant dans un styles metal indus déstructurémonde apocalyptique, d’une purge si sanglanteque le film American Night « mère » peut aller se et malsain qui n’est pas sans nous rappeler unrhabiller. Et puisque le sujet du racisme ou celuides violences policières sont massivement abordés, certain Ministry. Puis Feels like… nous laisse un petitcela est étonnant que ce ne soit pas la bande-sondu film Get Out réalisé par Jordan Peele et depuis temps mort avec une instru rap old school poséepeu dans nos salles. En gros, on n’arrive pas àsavoir si c’est un album engagé ou enragé. et angélique ouvrant sur City rejects, un des tubes de l’album au son punk’n’roll rétro. Déception dueCe qui tape en premier à l’écoute c’est l’améliorationde leur fusion qui auparavant était moins bien à un excès d’auto-tune dans le refrain d’Hydrolycstravaillée. On avait le droit à des morceaux punkou rap core obscur mais rare était le mélange adé- et pour la Chanson titre de l’album United States Ofquat entre les deux. Là ça y est, Ho99o9 tiennent Horror qui a tout de même des lyrics percutantesleur truc ! Le mélange est à la perfection. Quandil taille la bavette dans une instru rap on n’arrive et une bonne instru mais sonnant vraiment d’unepas savoir si il s’agit d’une gratte, d’une basse oud’une boucle de sample tellement c’est saturé. manière trop soft comparée au reste des titres.Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que les Mis à part ça l’album est clairement le son dusamples et effets sonores se sont fait 999 fois plusvioler par les darkness d’OGM et Eaddy que dans les générateur électrique qui alimente tout l’enfer desEP précédents. Des mélodies horror-hypnotisante aupoint qu’on se croirait dans un épisode de cartoon USA (oui l’AmeriKKKa est l’exemple de ce monde,spécial Halloween. pourquoi n’aurait tel pas son propre enfer MOTHER FUCKER!?) ✎ Locust Ho99o9 (Horror) ©DR ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 45



ALBUMS Date de sortie : Date de sortie : d’un passage radio longue durée, Burning Heads BURNING HEADS ©Jean-Michel Baudry 28/11/2016 21/04/2017 est le meilleur groupe du monde. Ni plus, ni moins. Certains passages se révèlent un peu « borderline » Nationalité : FR Nationalité : FR (la fin de l’intro de « Wrong », le début foiré de Styles : Styles : HARDCORE « End up like you ») mais l’énergie déployée est tellement sincère que ces « broutilles » ne remettent ROCK ELECTRO INDIE ROCK pas en cause le talent d’exécution d’un groupe pas NEW WAVE forcément habitué à ces sessions sur le fil. Quoi, HTTP://URLZ.FR/5HZM je ne suis pas objectif ? Et alors ? HTTP://URLZ.FR/5JUN On sait ce qui se passera par la suite. Non renouvelé BURNING HEADS par Epitah Europe après Escape, le groupe ouvrira STONE CAVALLI KXLU LIVE 1999 (NINETEEN SOMETHING) deux parenthèses reggae/dub, signera chez Yelen/ Sony et montera sa propre structure pour êtreKILL VIOLENCE (SAND MUSIC) Bon les gars, ouvrez grand vos yeux et débouchez- encore bien actif aujourd’hui. Alors ce disque live vous d’urgence les oreilles : Les Burning Heads ont (le seul de sa riche discographie), qui pourraitUn album encore plus rageur que le précédent. Voix trente ans. Trente putains d’années. Trois décennies. sembler insignifiant et sans intérêt en 2017, estplus profonde, plus grave, plus éraillée. Oxymores Six quinquennats. Et les types sont toujours là. Ça au contraire une trace intéressante pour toute uneesthétiques mieux affirmés. Dans ce nouvel album, en impose, vous ne trouvez pas ? En ce qui me génération de fans et pour les amateurs de punkle duo grenoblois reprend guitare, clavier et batterie concerne, je ne répéterai jamais assez ce que ce rock en général. Car le parcours des Burning, parfoislà où il les avait laissés, mais en assumant cette groupe représente pour moi : la Classe. Oui, avec semé d’embûches et de (quelques) désillusions,fois-ci davantage le chemin de crête solaire, débridé un grand C. Sur major ou en autoprod, en mode est surtout celui d’un groupe majeur d’une scèneet tapageur qu’ils ont su baliser dans leur premier punk hardcore ou en incursion reggae, le quatuor punk rock qui n’a jamais cessé d’exister et de (sur)EP - et qui compose sûrement le bénéfice sensible d’Orléans n’a jamais changé de cap. Pour tout vousqu’ils apportent à la bigarrure sonore obtenue par dire, mes deux disques préférés sont incontesta- Ivivre, tout simplement.l’alliance du rock, du punk et de la new wave. Re- blement Be one with the ames et Escape, deux de ✎ Gui de Champi www.w-fenec.orgvendiquant une inspiration puisée dans l’écriture la fin des 90’s période Epitah. Et en ce moment jeroborative d’un Bukowski ou d’un John Fante - et suis pourri gâté car le groupe est actuellement en ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 47plus largement dans l’esthétique de la Beat genera- tournée avec une set list composée de titres de cestion -, Stone Cavalli pose le diagnostic sans phare deux chefs-d’œuvre. De plus, un label français estd’une société soporifique, désœuvrée et qui se croit sur le coup pour sortir les deux skeuds en versionsans combats à mener. Un auditoire dont il entend LP et cerise sur le gâteau, un live sorti de quasibien ragaillardir les membres fatigués, rongés par nulle part vient de paraître : KXLU live 1999.une violence sans visage qu’il ne s’agit pas moinsde tuer. Un son qui pourrait parvenir aux oreilles Resituons-nous dans l’espace-temps. Les Burning,d’une Génération Y, s’il parvient à en dissoudre le en 1999, ont le feu au cul et moins d’un an après Besébum intellectuel et la graisse auditive, accumulés one, les gars traversent l’Atlantique pour rejoindreà longueur de matraque publicitaire sur nos postes Jack Endino et mettre en boîte le sulfureux Escapede télévision et smartphones. Alors qu’en 2014, pour leur seconde livraison Epitath Europe. Maisl’épilogue de l’EP Bandini nous intimait avec The avant d’entrer en stud’, le groupe donne trois gigsnoise de sortir de ce monde fictif (“Get out this fic- en deux jours dont une session de 45 minutes piedtion!”) - sans pour autant nous donner plus d’indices au plancher, en direct sur la radio KXLU.quant à la direction à suivre - Kill Violence s’emploiedès le premier morceau Come on! à réparer ce déficit Les techniciens de la station plantent quelquesen nous incitant vertement à reconquérir notre état micros devant les amplis pour enregistrer le tout,sauvage (“Come on into the wild now !”). Distorsion, et voilà qu’en 2017, alors que les bandes étaientraclement, hystérie d’un côté : voilà pour le fond. bien au chaud je ne sais où, Franck Frejnick etUnion, harmonie de l’autre : voilà pour la forme. Le Nineteen Something (spécialiste des rééditions destout mené par l’itération obsédante des percussions Thugs, des Rats,…) gravent sur compact disc ce livedécochées par un Benjamin Tarricone qui tape sur une explosif ! Imaginez le tableau : les quatre zicos enbatterie qui n’en demande pas moins. Chez Stone pleine bourre viennent mettre une raclée en bonneCavalli, il y a décidément quelque chose d’épique, et due forme à Los Angeles. Session promo oblige,de rond et de doux qui enveloppe les déchirures et le groupe exécute les brûlots de Be one et termineperforations du réel. Avec dans leur main droite le son set en jouant pour la première fois « live »symptôme et dans leur main gauche le traitement, certains futurs tubes de Escape. Les morceauxles deux frangins nous donnent à voir la maladie s’enchaînent sans temps mort, les mélodies vocaleset son remède. Tel un puissant vulnéraire, gageons rivalisent avec les grandes lignes de basse de JBé,que ces sept nouveaux titres sauront réveiller vos les roulements de Tomoï et les guitares chaudes decolères… qui sont souvent nécessaires. Pier et Phil. Rien ne peut leur arriver, et le temps ✎ Guillaume Rossetti

ALBUMS Date de sortie : Date de sortie : 30/06/2017 10/04/2017 Nationalité : FR Nationalité : FR Styles : ELECTRO Styles : ROCK EXPÉRIMENTAL / NOISE HTTP://URLZ.FR/5JOZ HTTP://URLZ.FR/5JO2 KAI REZNIK F.A.T.AWKWARD MOTIONS (ATYPEEK MUSIC) ANIMAL (L’ÉTOURNEUR / POUTRAGE RECORDS / GED /À l’image de l’artwork, voilà un album dans lequel il BECOQ / ATYPEEK MUSIC)est bien dur de garder la tête hors de l’eau. Dense,abstrait, parfois hip-hop, parfois EBM, souvent Comme l’Animal de F.A.T. est court sur pattes, ondark, ce premier album de Kai Reznik se ressent a pu l’écouter de nombreuses fois, l’expressionplus qu’il ne s’écoute. « ce n’est pas la taille qui compte » prenant alors tout son sens. Il n’est pas si gras qu’il le laisseCertains d’entre vous auront un sentiment de entendre, mais pourrait bien devenir grand. Ce trio,Déjà-Vu à l’écoute de l’introductif “The Awkward partie majoritaire du groupe Eliogabal, comprendGroovy X Tension”. Et pour cause ! Ce titre figurait en Thomas Coquelet, bassiste pour Chaman Chômeurbonne place sur une le Volume V des compilations également, Paul Ménard à la guitare et Pierre Pas-d’un fantastique webzine dont je tairai le nom ici. quis à la batterie. L’idée maîtresse est que chaque membre compose un album, une sorte d’aventureCet abstract hip-hop fonctionne diaboliquement autour de la composition personnelle renduebien, qu’il soit instrumental ou accompagnés de plurielle par la manière de la jouer. Coquelet estguests vocaux (M.A.D. sur deux titres, Francesca l’auteur du premier volet. Son rock expérimental aLago, Nomik The Third ou Sasha Andrès), il nous les épaules solides pour délivrer des riffs simplesprocure des images mentales urbaines ou désertiques mais efficaces, tournés vers la dissonance ordon-selon l’envie & la psyché de chacun. née et la métrique calculée. Les structures sont à l’avenant, créant la surprise à chaque tournant.Rappelant les œuvres d’Abstrackt Keal Agram ou On passe allégrement de la fureur à la douceur etdes premiers M83 (“Intimate Love” notamment), vice versa. L’atmosphère de ces vingt profondesl’album trouve un équilibre parfait entre les nap- minutes acides de musique instrumentale laissepes synthétiques & les beats au cordeau, donnant un goût d’encore et aurait mérité quelques min-parfois au tout un côté shoegaze électronique & utes supplémentaires, pour nourrir l’animal quimagnétique. sommeille en chaque auditeur. Ce premier volet annonce cependant de bien belles choses à venir,Disque parfait pour vos escapades entre chien et avec encore plus de gras, espérons-le.loup, la tension toujours palpable à différents niveauxd’intensité (le percutant “You Killed Me First”) I✎ Aleksandr Lézy www.chromatique.netnous tient véritablement tout au long de l’album.Une plongée dans un monde pas très rassurant il F.A.T. ©DRfaut bien l’avouer, à l’image de “L.A.S.T.” où SashaAndrès donne l’impression de parler avec La Bête,mais dont on ne veut pas sortir presque malgrénous avant la fin des quarante-cinq minutes. Sansdoute éprouvant pour les âmes sensibles, une belleréussite, à tout point de vue.S’il fallait lui donner un mauvais point, mais celan’a rien à voir avec l’œuvre en soi, je trouve quec’est un peu dommage qu’un tel album ne puisserésonner que par le biais d’un ordinateur, il n’estpas prévu de support physique pour cet AwkwardMotions. I✎ X_Lok www.xsilence.net48 ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017

ALBUMS Date de sortie : Date de sortie : Date de sortie : 2017 24/02/2017 21/05/2017 Nationalité : NL Durée : 40:20 min Durée : 41:23 min Styles : EXPÉRIMENTAL Nationalité : US Nationalité : FR Styles : ALTERNATIVE POST-INDUSTRIEL ROCK / HARD ROCK Styles : GROOVE MÉTAL EXPÉRIMENTAL HTTP://URLZ.FR/5JN3 HTTP://URLZ.FR/5HYZ HTTP://URLZ.FR/5ITM EUROP EUROP CRYSTAL FAIRYSONGS FROM THE HEART (ENFANT TERRIBLE) CRYSTAL FAIRY (IPECAC RECORDINGS) GRAUSS BOUTIQUE GRAUSS BOUTIQUEParler de musique post-industrielle pour Europ Crystal Fairy est un supergroupe composé de TeriEurop serait réducteur et pas totalement exact. Gender Bender (Le Butcherettes), Omar Rodríguez- (A TANT RÊVER DU ROI / CHANMAX RECORDS / DIRTY8) López (ex-Mars Volta, At the Drive-In) et de Buzz Du metal fracasse, lourd en rouleau de batterie, enBien sûr, les Norvégiens ont su tirer des leçons Osborne et Dale Crover (The Melvins). À la manière rythmique pesante mais léger, varié et lumineuxde Throbbing Gristle et des expérimentations qui des Melvins, l’entrée est fracassante et s’amorce en dérives mélodiques. Une facilité d’écoute quiont suivi : minimalisme neurasthénique, bour- avec des instruments réglés sur le gras pour un son s’explique également par la dimension purementdonnements vibrants, électronique granuleuse underground. Rapide, la musique évoque un punk instrumentale évitant toute tentation pour des excèset mantras bruitistes, manipulation de cassettes, sale et sans concession. Très rythmé, le « Drugs vocaux. Grande démonstration de Grauss Boutique quiinstruments traditionnels détournés, évocations ont the bus » en est la parfaite illustration. Plus rappelle la magnifique fusion groove et rock opéréede rituels magiques… net dans le son, « Necklace of divorce » conserve le à la fin des années 80 par Infectious Groove et Rage même esprit. Et puis, « Moth tongue » revient dans Against The Machine. Du trash dissonant syncopéL’introductif « Black Pain » rentre d’ailleurs en un style propre aux Melvins. Lourd mais sauvage, par des ruptures de rythme inattendues lançant etécho avec le titre « Weeping » que l’on trouvait cela semble la ligne de conduite de Crystal Fairy. relançant des mécaniques de guitares-basses enrouéessur l’album DOA : une lente litanie vocale et dou- En quelques titres la formation sait convaincre à aux lignes heavy vintage (Echine of Doom). Le mêmeloureuse, où toute l’ambiance naît de la répétition la hauteur de la qualité que l’on pouvait attendre charme désuet et classe se dégage d’Anthem et delancinante des motifs. des musiciens. Fenêtre ouverte sur Le Bucherettes Lazy Fingers, une funk grungy pétaradante. Cette : «Secret agent rat » est chanté dans la langue profusion sans prétention, on agite la tête sans seAvec leurs vingt années d’existence, Europ Europ du groupe mexicain. « Bent teeth » se charge de la prendre, appréciant avec admiration les entrelacsont cela dit réussi à créer un univers propre, changer d’univers en un clin d’œil. C’est l’heure de math rock qui dispensent leur scintillement maisdéfinitivement beau et onirique, lo-fi et terrible- faire grincer les guitares jusqu’à presque couvrir la éclatent en splendeur sur Malbelaga Boutiko etment cérémonieux, s’appuyant sur l’utilisation chanteuse. La tension s’entretient jusqu’au bout Royal Welsh. Le titre d’ouverture, Safari Tanzanie,de l’orgue et d’un nouvel instrument dans leur avec un naturel déconcertant. Les Melvins auront se situe dans cette veine puissante, cocasse etrépertoire : la harpe. collaboré avec Nirvana ou encore Jello Biafra des Dead jungle, bondissant comme la virtuosité généreuse et Kennedys sur des périodes assez importantes. Ces débridée de Frank Zappa. On y retrouve son amourLe rendu est incroyable, totalement hors du temps. associations auront plus souvent à leur tour donné pour la multiplication des références hétéroclites,Les spirales de notes acoustiques se mêlent aux des fruits bien mûrs. Avec Crystal Fairy, les deux leur assemblage osé ainsi que sa distance humor-boîtes à rythmes vintage pour un trip totalement avant-gardistes d’Aberdeen ont encore visé juste. istique désopilante. Quand on est un trio adepte duhypnotique et lunaire (« Desert Moon Over me »), Ce supergroupe transcende les générations du rock shred bruyant tout en étant capable d’intituler sesparfois spectral et inquiétant, avec des voix sam- sans perdre en pertinence. À la fin de cet album, une morceaux « petit jaune » ou « humeur toute folleplées qui conversent dans un langage indéchiffrable chose me trotte dans la tête : une autre, une autre ! », on s’inscrit consciemment ou inconsciemment(« Basement Floodage »). dans la lignée du trublion de l’éclectisme musical. I✎ Julien www.w-fenec.orgAvec la touche analogique, les machines donnent ✎ Jonathan Allirandvie à des formes et des êtres. L’imagination est CRYSTAL FAIRY ©DRen éveil. Acoustique et électronique élaborent une ATYPEEK MAG #03 TRIANNUEL 2017 49forme étrange et inédite, un art de transe tellementattirant et immersif qu’il en devient dangereux.Après avoir égrainé confidentiellement de nombreuxtitres sur des compilations, singles, Eps ou Lpsessentiellement sur les labels Etch Wear et EnfantTerrible, le trio d’Oslo mérite d’être vraiment (re-)découvert tant leur musique dégage une puissancequi peut autant en appeler aux amateurs de post-rock, de doom, de drone que de ritual ambient(« Black Snow »). ✎ Maxime Lachaud


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