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Published by FasQI, 2017-01-28 14:22:04

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LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONDifférentes formes de fossilisation mammouths laineux les mieux conservés dansCoquilles et squelettes peuvent être dissous longtemps après leur enfouissement, laissant dans la la glace. En 2007 en Sibérie, un éleveur de rennesroche des cavités qui sont autant de répliques a notamment découvert un bébé mammouth âgéfidèles de leur morphologie. Leur silhouette est d'à peine un mois. Surnommé Lyuba, sa conserretrouvée en injectant sous vide du plâtre ou vation s'est avérée remarquable. L'analyse desune résine synthétique dans ces cavités, puis en échantillons de tissus a révélé que l'animal estdissolvant la roche qui l'entoure. L'existence mort il y a 40 000 ans, ce qui en fait le plus jeuned'êtres disparus peut enfin être enregistrée dans bébé mammouth retrouvé, qui plus est dans unles roches sous forme de traces laissées par diver excellent état de conservation. Les analyses ADNses activités animales. Il en est ainsi des pistes permises par les découvertes de mammouthsde locomotion imprimées dans la boue, des ter prisonniers dans les glaces ont contribué à établirriers et galeries creusés dans les sédiments par l'histoire de l'évolution de cette espèce animale.des animaux. Des empreintes de pas datées de 70 % du génome du mammouth laineux, soit3,5 millions d'années ont été mises au jour à environ 3,3 milliards de paires de base d'ADNLaetoli en Tanzanie et sont très importantes dans de Mammuthus primigenius, ont été séquencés à partir de l'ADN de plusieurs sujets retrouvés enla reconstitution de l'histoire de l'homme et de Sibérie. La comparaison avec l'éléphant moderne suggère que diverses espèces de mammouthsa bipédie. Trois empreintes successives sont ont pu diverger il y a environ 1,5 à 2 millionsainsi étudiées à la lumière de la connaissance de d'années.l'anatomie du pied du chimpanzé et de celui de Autre exemple de conservation spectaculairel'homme actuel. Elles pourraient avoir été faites d'animaux, celle des ichtyosaures, des reptilespar des hominidés du genre australopithèque, un géants marins qui ressemblent au dauphin. Ilspossible ancêtre de l'homme moderne. apparaissent il y a 250 millions d'années, soitDes circonstances exceptionnelles peuvent 20 millions d'années avant les dinosaures. Ilsconduire à la conservation des tissus mous des vivent pendant une grande partie du Mésozoïqueanimaux, tels que la peau, la musculature ou les et disparaissent il y a 90 millions d'années. Dansorganes internes. C'est le cas des mammouths certains gisements fossilifères, le corps de cespréservés intacts dans les glaces ou des insectes reptiles est incroyablement bien préservé, et on a retrouvé des squelettes, encore recouverts de peauinclus dans une résine fossile. C'est en Sibérie,en Alaska et au Canada, qu'on a trouvé les -52-

i' \"» i s# S:Les ammonites (mollusques céphalopodes) disparaissent peu de temps après la crise du Crétacé, - 53

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONavec des organes internes en partie préservés. Les encore trois doigts - à la différence des chevauxscientifiques ont pu reconstituer leurs modes de contemporains des premiers hommes, qui n'envie, leur alimentation, ou encore leur mode de possèdent plus qu'un seul. À partir de restes dereproduction. De telles découvertes sont rares et vertébrés tels que les chevaux, les éléphants ou lesconduisent à des reconstitutions spectaculaires cochons, dont l'évolution était déjà bien connue,de l'organisation d'espèces disparues. les paléontologues réussissaient à déterminer l'ordre chronologique dans lequel se suivaient lesLa datation des fossiles sites et leurs fossiles, mais sans leur attribuer unLa préservation des fossiles implique leur âge précis. Des moyens détournés ou très pous sés permettent aujourd'hui de dater les fossilesinclusion ou leur enfouissement dans un milieu de nos derniers ancêtres. Plusieurs méthodesles protégeant précocement des agents de destruction. Les chances de fossilisation sont plus utilisent la radioactivité pour déterminer l'âgeélevées pour un organisme aquatique que pour d'une matière. Les roches, les fossiles ou encoreun organisme terrestre. En s'échouant sur le les produits de l'activité humaine sont porteursfond d'une étendue d'eau, son cadavre pourraêtre rapidement recouvert par un sédiment. La d'une dose naturelle de radioactivité. Avec lefossilisation d'animaux terrestres est plus rare.C'est pourquoi de nombreuses lacunes persistent temps, ces atomes radioactifs se désintègrent en formant d'autres éléments (ou isotopes). Cetteencore dans nos connaissances sur l'histoire désintégration-formation se produit de manière régulière et mesurable. On peut donc mesurerpaléontologique des homininés, les ancêtres des les dosages respectifs des éléments radioactifshommes qui sont apparus il y a environ 4 millions pour déterminer l'âge exact d'un objet.d'années. Pendant longtemps, les paléontologuesqui découvraient des fossiles d'australopithèques La lecture de la radioactivité La méthode dite du carbone 14 permet de daterafricains devaient se contenter d'évaluer leur des objets jusqu'à 35 000 ans. La méthode potas sium-argon (K-Ar) mesure la concentration desâge relatif en fonction des vestiges de la faune isotopes argon 40 et potassium 40. Elle est princi palement utilisée pour dater des dépôts de rochesretrouvés dans la même strate géologique. À magmatiques (notamment les cendres volcaniques retrouvées sur certains sites de fouille) et permetl'époque de Lucy, le fameux australopithèquedécouvert par Yves Coppens et son équipe en1974, on a trouvé dans les mêmes strates descousins du cheval, des hipparions, qui possèdent -54-

une datation d'un million à plusieurs centaines A RETENIRde millions d'années. La méthode dite du rubi I Étudié dans le cadre dela paléontologie, unfossiledium-strontium 87Rb-87Sr permet de réaliser est le moulage ou les restes d'un animal ou d'un végétaldes mesures de roches jusqu'à quelques milliardsd'années. Le paléomagnétisme est un autre outil conservés dans une roche sédimentaire.pour dater des fossiles. Au cours du temps, laposition du pôle nord magnétique a varié. Ces • Grâce à la grande diversité d'états manifestée par lesvariations dans le temps sont connues et les fossiles, des générations de paléontologues ont réuniscientifiques ont établi une chronologie de référence sur plus de 100 millions d'années. Lors une somme considérable de données sur les anciennesde la solidification d'une roche (le plus souvent faunes et flores.dans les zones d'expansion océanique), les parties ferromagnétiques s'orientent en fonction du I Le processus de fossilisation est un événementchamp magnétique terrestre. Elles conservent exceptionnel. Une grande partie de ce qui composeainsi la trace de la position du pôle nord au un être vivant a tendance à rapidement se décomposermoment de leur émergence. Ainsi, la succes après la mort. Les témoignages que nous apportent lession des faunes, la radioactivité et l'histoire du fossiles sur plus de trois milliards d'années d'évolutionmagnétisme terrestre permettent de dater lespériodes de l'évolution des formes de vie. de la vie sur Terre sont encore lacunaires et le resterontTirant profit de la grande diversité d'états certainement.manifestée par les fossiles, des générations depaléontologues ont réuni une somme considé • Il existe plusieurs types de fossiles et de fossilisation. Des circonstances exceptionnelles peuvent conduire àrable de données sur les anciennes faunes et la conservation des tissus mous des animaux, tels que la peau, la musculature ou les organes internes.flores. S'appuyant sur la connaissance de l'organisation des êtres actuels, ils ont reconstitué • La radiochronologie utilise la variation - régulière aufidèlement la physionomie d'animaux et de cours du temps - de la proportion d'isotopes radioactifsvégétaux depuis longtemps disparus, comme dans les éléments fossiles pour déterminer leur âge. Lacelle des hommes préhistoriques, des grands méthode du carbone 14 et celle du potassium-argonreptiles ou des végétaux de plusieurs centaines oiit littéralement révolutionné la paléontologie.de milliers d'années. 55

LE LONG CHEMIN DE L'ÉVOLUTIONDe la matière inerte à la vieLa Terre diffère de toutes les autres planètes que nous connaissons, car elle abritela vie sous des formes extrêmement diversifiées. Mais les conditions qui ont permisde la créer restent encore énigmatiques et très discutées parmi les scientifiques.Les grands événements qui jalonnentla gazeux, des atomes d'hydrogène et d'hélium. formation de la Terre sont patiemment Des nuages de gaz d'hydrogène se concentrent reconstitués par les scientifiques. Avant sous l'impulsion de la gravitation, prenant lale Big Bang, l'univers ne possédait ni galaxies, forme de galaxies et d'étoiles disséminées dansni étoiles, ni atomes. L'astrophysicien français l'univers. Les éléments chimiques que l'on trouve sur notre planète vont alors s'y former : le carHubert Reeves le décrit comme « une bouille de bone, le calcium, l'oxygène, le fer, le mercure,matière informe ». Il y a 13,7 milliards d'années, l'aluminium...lors du Big Bang, cette bouille est portée à destempératures de milliards de degrés. Une énorme Dans les milliards d'années qui suivent, lorsquequantité d'énergie est libérée, créant et dispersant les étoiles de l'univers primitif ont consuméles particules de matière. L'univers entre alors toute leur énergie, elles explosent et répandentdans une phase d'organisation complexe. leur matière à travers l'espace. Les matériauxLa formation de la Terre lourds, comme le fer, la silicone, l'aluminiumParmi les particules émises lors du Big Bang, ou le nickel, sont vaporisés à travers la galaxie.apparaissent les photons, supports de l'énergie Des nuages moléculaires, mélange de gaz et delumineuse. D'autres particules, les électrons et particules, se concentrent dans le milieu interles quarks, s'agrègent entre elles pour donner stellaire pour former une nébuleuse. Ces nuagesnaissance à des protons et des neutrons, qui à leur sont incroyablement vastes, plusieurs centainestour se combinent en éléments chimiques simples d'années-lumière, et donnent naissance à de nouvelles étoiles et à de nouvelles planètes, sous -56

À ses débuts, la Terreest sanscessebombardée par des comètes et des météorites.l'effet des forces gravitationnelles. Les planètes vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère sede notre système solaire prennent leur forme condense progressivement, tombant en pluiesdéfinitive il y a environ 4,56 milliards d'années. qui vont remplir les terres basses et former lesLa Terre n'est au début qu'une boule incandes premiers océans.cente, sans cesse bombardée par des comètes et Des molécules prébiotiques à la viedes météorites. L'essentiel de nos ressources en Comment les molécules prébiotiques (des moléeau provient en effet des comètes, corps consti cules organiques formées sans l'intervention destués de glace et de neige. La Terre entre ensuite êtres vivants) présentes dans les matériaux quidans une longue phase de refroidissement. La - 57

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONont formé notre planète ont-elles engendré des simulant ainsi l'ambiance qui animait le globeorganismes vivants ? Plusieurs scénarios sont terrestre à ses débuts : le déclenchement d'oragesproposés par les scientifiques, mais l'origine violents et l'exposition à un intense rayonnementde la vie sur notre planète présente encore de ultraviolet en l'absence d'une couche d'ozonenombreuses zones d'ombre. protectrice. Le résultat est surprenant. AprèsUne première théorie est formulée très tôt. Selon plusieurs semaines, un produit brun apparaît surl'hypothèse chimique formulée par les biochimis les parois du ballon. Il est constitué de composéstes Alexandre Oparine et John Haldane, la matière organiques, en particulier d'acides aminés, lesprébiotique a été engendrée par l'évolution chimi constituants chimiques élémentaires des êtresque dans un environnement appelé la « soupe vivants. Ce résultat a une portée considérable : ilprimordiale » ou « bouillon primordial », riche établit que les synthèses des substances simplesen matières organiques et dépourvu d'oxygène du monde minéral et des molécules complexes àlibre. De petites molécules organiques telles que base de carbone des organismes vivants peuventl'acide cyanhydrique (HCN) et le formaldéhyde(HCHO) se sont formées dans l'atmosphère pri s'effectuer dans des conditions similaires.mitive de la Terre puis dissoutes dans les océans.Cette hypothèse est testée expérimentalement L'expérience de Miller & Urey a été reproduitedans le laboratoire de l'Université de Chicago de nombreuses fois. La plupart des moléculesà partir de 1952 par Miller & Urey. Ces derniers caractéristiques de la vie a été synthétisée deconsidèrent que l'atmosphère primitive réductrice cette manière, en laboratoire. On a ainsi obtenuqui entoure la jeune planète Terre, peu de temps une vingtaine d'acides aminés présents chez lesaprès sa création, est constituée de plusieurs êtres vivants, des sucres, de l'urée, des basescombinaisons de formes réduites du carbone, azotées, des peptides (chaînes d'acides aminés),de l'azote et de l'oxygène : (hydrogène), et des acides nucléiques. L'extrapolation de ces résultats fait dire aux scientifiques qu'une suiteCH^ (méthane), CO^ (dioxyde de carbone), CO de réactions chimiques a conduit à l'élaboration(oxyde de carbone), NH3 (ammoniac), N2 (azote) de molécules prébiotiques, puis de moléculeset H^O (vapeur d'eau). Les scientifiques réu capables de se dupliquer et de transmettre leursnissent un tel mélange dans un ballon en verre caractères à leurs descendants, et finalement àet le soumettent à des décharges électriques, àde fortes chaleurs et à des rayons ultraviolets. l'apparition des êtres vivants. Toutefois, cette théorie est encore loin de faire l'unanimité. Dans les conditions de l'expérience, cette synthèse - 58

Selon l'une des théories, les météorites auraient apporté les molécules nécessaires à la vie. 59

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONengendre une centaine d'acides aminés absents étant un constituant de la molécule d'ADN.dans notre biosphère, et à l'opposé, de nombreuses molécules organiques indispensables En définitive, le cortège des molécules intersà la vie ne sont pas synthétisées. tellaires annonce les constituants élémentairesLa vie a-t-elle une origine de la matière organique à partir desquels seextraterrestre ? sont édifiés les êtres vivants qui peuplent laUne deuxième hypothèse, baptisée la pans- planète Terre. Les espaces cosmiques apparaispermie, propose l'arrivée sur Terre de certains sent ainsi comme de gigantesques laboratoiresmonomères d'origine extraterrestre. Les espaces où s'élaborent en permanence des moléculesinterstellaires comportent en effet une grande qui ont participé à la genèse des organismesvariété d'éléments qui réagissent entre eux pour vivants. Certains scientifiques ont même avancés'associer en chaînes moléculaires plus com l'idée que des virus, voire des bactéries, ontplexes qui alimentent les grandes nébuleuses de pu naître dans les milieux interstellaires avantpoussière. La chimie organique est particulière d'entreprendre un long voyage au cœur desment active dans les nuages de gaz et de pous météorites, pour finalement venir ensemencersières, malgré les températures basses (environ la Terre. Mais aucune preuve formelle n'est là- 260 °C) et les concentrations moléculaires pour l'affirmer.faibles. Parmi ces molécules interstellaires,les astrophysiciens ont identifié l'eau, l'am Les océans, berceau de la vie ?moniac et des dizaines de composés carbonés,comme le monoxyde de carbone, le méthane et Troisième et dernière hypothèse pour expliquercertaines variétés d'alcool. S'y ajoutent éga l'apparition des formes de vie, celle des sourlement des acides aminés, des bases azotées, ces hydrothermales des abysses. Sur la Terredes acides gras et des hydrocarbures, que l'on actuelle, à 2000 ou 3000 mètres sous la surfaceretrouve dans l'analyse des météorites. Certaines des océans, on trouve des rifts médio-océani-de ces molécules s'associent pour former des ques, sièges d'une intense activité volcanique,composés chimiques beaucoup plus comple qui séparent les plaques tectoniques du globe.xes, comme l'adénine, qui est un composant Les températures y dépassent les 300 degrés etessentiel des acides nucléiques, eux-mêmes des fluides riches en hydrogène sulfuré et en sulfures minéraux sont émis en permanence. Ces sources hydrothermales sont appelées fumeurs noirs. Elles créent un contexte très hostile à la 60-

vie qui n'est pas sans rappeler celui qui préva i À RETENIRlait lors des origines de la planète, c'est-à-diredes températures élevées et l'absence d'oxy I • L'âgede l'univers est estimé à approximativementgène libre. Or ces fumeurs noirs favorisent le I 13,7milliards d'années. La principale théoriesur la for-développement de toute une faune. On retrouveà proximité de ces émissions hydrothermales t mation de l'univers est le big-bang.une vie très diversifiée, comportant des bactéries, des vers, des mollusques... Les fluides qui > La Terre, lors de sa naissance il y a 4,56 milliards I d'années, était très différente du monde tel que nous lecirculent dans les fumeurs noirs flirtent avec r connaissons aujoutd'hui. Il n'y avait pas d'océan et pas ' d'o.xygène dans l'atmosphèredes températures extrêmement élevées. C'estprincipalement là que s'amassent les micro I Les origines de la vie sur Terre demeurent incertaines.organismes thermophiles, qui se développent ; Troisthéoriesscientifiques majeuresexpliquentl'apparitionentre 45 et 100 °C, ou hyperthermophiles, I de la vie, dont on pense qu'elle remonte à environ 3,5 àdont la température optimale est supérieure 3.8 milliards d'années.à 80 °C. Ces bactéries ou d'autres bactéries i • La théoriede la soupeprimordiale suggèrequela vieesttrès comparables pourraient être des vestiges 1 appame dans les océans à partirde moléculeslibres soumi-des premières formes de vie ayant peuplé la î : ses à de forts rayonnements et à des chocs électriques.Terre. Aux premiers temps de la Terre, les I La panspermie aiïinne que les fomies de vie surTerresites des fumeurs noirs réunissent un ensem j sont apparues par\" le biais de moyens extraterrestres. Desble de conditions propices à l'élaboration des moléculesinterstellaires ont,dans cettehypothèse, engendrémolécules prébiotiques, et par conséquent, * les premières cellules.d'êtres vivants. , I Les soirrces hydrothermales au fonddes océansontaussi pu être le berceau de la vie, en témoignent les bactériesQuel que soit le scénario que l'on invoque qui vivent aujourd'hiri près des fumeurs noirs, dans despour l'apparition de la vie sur Terre, il n'endemeure pas moins une réalité : elle est appa >? conditionsproches de celles existantlors de la formationrue très tôt dans l'histoire de la Terre et elle a de la Terre.par la suite évolué. Cette évolution a d'abordété très lente et il a fallu 3 milliards d'annéesavant que n'explose la biodiversité. - 61 -

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONLa première cellule vivanteL'apparition de molécules d'intérêt biologique a permis à des cellules de sedévelopper. Mais les mécanismes qui ont conduit à l'apparition de la premièrecellule vivante font encore débat. Aucune hypothèse ne prédomine vraiment, bienque les plus grands savants se soient penchés sur la question.La Tere primitive est parsemée de vol ultraviolets. Pendant des millions d'années, des cans crachant lave et gaz brûlants. Après l'apparition des acides aminés qui sont molécules organiques se sont accumulées dans lesles constituants mêmes de la molécule d'ADN, mers, formant la soupe primitive. Le pas suivantil faut une longue évolution pour parvenir aux dans l'évolution de la vie, un véritable pas depremières formes de vie. géant, a été l'organisation de ces molécules en cellules capables de se répliquer et de transmettreLe mystère de la vie une information génétique à leur descendance. Comment les choses se sont passées reste uneAprès la naissance de la Terre, il a fallu attendre énigme. Nul ne connaît avec certitude tous les800 millions d'années de refroidissement pour mécanismes transitoires entre les briques élémenque l'eau passe à l'état liquide, condition néces taires, les éléments prébiotiques qui précèdentsaire à l'apparition des premiers êtres vivants. la vie organisée et l'apparition des premièresToutes les exigences sont alors rassemblées pour cellules vivantes et de l'ADN. Qu'est-il apparuque la vie puisse apparaître : la Terre est à une en premier : la cellule, les enzymes ou les gènes ?distance appropriée du Soleil, l'atmosphère est Où et comment trouver ces « premiers vivants »dense, composée d'hydrogène, de méthane, d'am qui, par une longue évolution biologique, ontmoniac, de vapeur d'eau et de gaz carbonique, engendré tous les organismes vivants actuels ?et on trouve de l'eau liquide à la surface, où Aujourd'hui, de nombreux modèles résolvents'accumulent des molécules protégées des rayons le problème de l'apparition des molécules 62-

Les conditions de la formation de la première cellule vivante sont encore largement débattues.organiques. Les scientifiques arrivent à produire Des protocellules aux cellulesde nombreuses petites molécules biologiques(acides aminés, sucres, bases nucléiques) dans La première théorie sur l'origine de la vie estdes conditions prébiotiques en laboratoires. Mais formulée par le Russe Oparine en 1924. Sa théorieces expériences et les modèles qui en sont dérivés est structurée selon une hiérarchie précise : enne fournissent pas de certitudes sur les étapes premier lieu viennent les cellules, ou quelquesuivantes, qui incluent la transition des molécules chose de comparable, en deuxième lieu les enzyd'intérêt biologique aux cellules vivantes ayant mes, et seulement en troisième, les gènes. Son observation expérimentale de départ est que siun métabolisme de base. l'on mélange un liquide huileux dans de l'eau, de 63 -

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONpetites gouttes qui restent en suspension se for et ainsi de suite. De temps à autre, sous l'effet dement, sans se séparer en une autre phase, comme turbulences ou de forces extérieurs, ces sacs secela se passe théoriquement. Or les membranes déchirent en deux ou plusieurs parties et chacunedes cellules sont en grande partie constituées de ces parties filles se trouvent contenir encorede chaînes lipidiques qui isolent l'intérieur de toutes les substances et tous les catalyseurs préla cellule du milieu extérieur. L'idée d'Oparine sents dans le sac d'origine. Les caractéristiquesest que la vie a commencé à l'intérieur de ces essentielles des protocellules se conservent etgouttes, sortes de cellules primitives. Au fil du la sélection naturelle peut agir sur elles en lestemps, des populations moléculaires de plus en rendant de plus en plus fines, et les mécanismesplus complexes, capables de réaliser de longues métaboliques correspondants plus précis. Dans un scénario de ce genre, il est possible queséries de réactions, se sont accumulées à l'inté la sélection naturelle ait produit, au bout de quelrieur de ces chaînes lipidiques. C'est le début du ques millions d'années, des protocellules dotéesmétabolisme cellulaire. Ces agrégats moléculaires de presque tous les systèmes les plus avancés que nous connaissons pour les cellules proprementdeviennent de plus en plus complexes, présen dites. Ce n'est que dans un deuxième temps quetent une sorte de métabolisme primaire et sont ces protocellules sont entrées en relation avec lescapables de concentrer ou de polymériser des gènes, ouvrant la voie aux organismes vivantscorps présents dans la solution. Quand ils sont que nous connaissons aujourd'hui.assez gros, ils deviennent instables et se divisenten deux gouttelettes filles. C'est l'ancêtre de la Le monde de FARN, et les enzymesdivision cellulaire. d'abord La seconde théorie, qui n'est pas forcémentLa théorie d'Oparine a été récemment reprise incompatible avec la première, suggère que lessous le nom de « garbage-bag world » (monde acides nucléiques se sont organisés avant la celde sacs poubelles). Dans cette optique, la vie lule. Dans les océans primordiaux, les acidescommence avec de petits sacs, précurseurs des nucléiques devaient être des molécules isoléescellules, qui délimitent de petits volumes conte et pas encore associées à des protéines. Pournant différents types de déchets chimiques. Un cela, elles sont contraintes de se dupliquer sansensemble de molécules à l'intérieur de ce sac peut recourir à des enzymes, en capturant un à un.occasionnellement contenir des catalyseurs quifacilitent la synthèse d'autres molécules qui àleur tour catalysent d'autres réactions chimiques -64-

« 'Hi \ premier • ^ y °8e Apparition de i'ARNco 1 deuxième LU < Apparition des protéines moderne'LU premierZ Apparition de l'ADNz< deuxièmeÛ Luca c/î (-3,8 à -4 milliards d'années)Û Q£;< i'<**1 fO i m >5zs< zOO eucaryotes archées bactériesLa théorie du monde des acides nucléiques suggère que TARN a permis le développement de la vie. 65

LE LONG CHEMIN DE L'ÉVOLUTIONau moyen de liens chimiques, les molécules vie est l'hérédité. Tout organisme vivant, pournécessaires pour construire une chaîne com être pleinement en état de fonctionner, doit enplémentaire de la leur. C'est la théorie dite du effet être doté d'un « logiciel », c'est-à-dire« monde des acides nucléiques » ou « monde de d'une information capable non seulement del'ARN ». Dans cette hypothèse, l'ARN, l'acide l'activer mais aussi de le construire, ainsi queribonucléique, est apparu en premier, et s'est aidé d'un métabolisme qui lui permet de faire foncde protéines pour se reproduire plus facilement. tionner l'information et d'appliquer les différentsCet ensemble ARN et protéines s'est entouré programmes qu'elle contient. Il semble néanensuite d'une membrane lipidique qui concentre moins que les premières molécules porteuseset protège les molécules. Par la suite, l'ARNest remplacé par de l'ADN, plus stable pour d'informations aient été des molécules d'ARNconserver l'information génétique, mais l'ARNcontinue d'être utilisé par tous les êtres vivants et non pas des molécules d'ADN.dans la synthèse des protéines. Contrairement àl'ADN qui n'a que des fonctions d'information, La naissance de la cellulel'ARN peut servir aussi bien de matériel que de Indépendamment de la façon dont les choses selogiciel dans la synthèse des protéines. sont passées, la construction de la cellule devintUne autre théorie est celle des « enzymes à un certain stade une exigence qui ne pouvaitd'abord ». Selon cette approche, il est plus facilede synthétiser des acides aminés (les éléments de être différée. La réserve de nucléotides libresbase des protéines et donc des enzymes) que desnucléotides (les éléments de base de l'ADN et de disponibles pour construire un nouvel ARNl'ARN). Il est donc plausible que les protéines s'est épuisée et les premières difficultés poursoient apparues les premières. Reste que pour les réplicateurs sont apparues. ARN et protéinesobtenir une enzyme, il est nécessaire de disposer ont dû collaborer pour se protéger. Voici doncdu gène possédant l'information qui gouverne l'idée de l'origine de la vie comme associationsa synthèse. Dans les années 1970, une théorie chimique entre deux types de structure, l'uneselon laquelle les gènes se seraient formés les (celle de l'ARN) capable de se répliquer maispremiers a fait son apparition. Cette théorie est dépourvue de prestations élevées, l'autre (celle des protéines) hautement flexible du point deséduisante, car le caractère fondamental de la vue fonctionnel mais totalement incapable de réplication. Pour que ces deux structures devien nent des symbiotes, il fallait que d'un côté, les protéines puissent défendre l'ARN des dangers -66-

extérieurs, et que de l'autre côté, l'ARN puisse À RETENIRfournir aux protéines ce service de conservation et de duplication de l'information qu'elles I Une cellule est composée de milliers de moléculesne peuvent pas produire elles-mêmes. Tout organiques inertes ; eau, lipides, glucides, protéinesce système devait être contenu à l'intérieur et acides nucléiques essentiellement. Ces moléculesd'une zone délimitée et protégée qui n'est autre constituent la structure de la cellule et participentque la cellule. C'est ainsi qu'apparaît le code à l'ensemble des réactions chimiques nécessairesgénétique, à savoir une forme conventionnellede traduction de la séquence de nucléotides à son fonctionnement.dans l'ARN en séquence d'acides aminés dansune protéine. Avec le temps, les membranes • Oparine a émis l'hypothèse que la cellule étaitdes cellules sont devenues de plus en plus apparue la première, suivie des enzymes, et enfin descomplexes. La membrane est devenue un fil gènes. Pour Oparine, la vie aurait commencé quandtre sélectif qui permet l'entrée de substances des populations complexes de molécules se sont accunutritives et la sortie des déchets. Il s'agit mulées dans des gouttelettes. Les enzymes seraientd'un assemblage de lipides, qui forment la apparus ensuite, puis les genes en derniers.structure, et de protéines, qui assurent les • Une des grandes caractéristiques du vivant est safonctions de transfert. capacité à se reproduire. Sur la terre primitive, une molécule a probablement acquis, petit à petit, cetteQuelle que soit la façon dont ils sont apparus, capacité. Une protocellule (cellule primitive) a puvoici donc en scène les premiers organismes se former par enfermement de cette molécule dans une petite vésicule.vivants. Ce sont des bactéries, délimitées • Des vésicules contenant des collections de compar une membrane cellulaire, dotées d'uncytoplasme, riche de nombreuses protéines posés chimiques formées au hasard sont entréeset surtout de la molécule d'ADN qui a fait en compétition jusqu a ce qu'une soit formée avecentre-temps son apparition. Les premières toutes les propriétés d un organisme primitif. Latraces indubitables d'organismes vivants pro cellule à l'origine de tous les êtres vivants actuelsviennent de roches terrestres vieilles de 3,8 à s'est alors formée.3,5 milliards d'années. Il s'agit des stromato-lites, des corpuscules carbonés produits parune activité bactérienne. 67

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONLe monde microbienQuelques centaines de millions d'années après la formation de la Terre, lerefroidissement est suffisant pour permettre la condensation de la vapeur d'eauet l'apparition de la vie. Une vie qui va peu à peu acquérir les bases du métabolismede tous les êtres vivants.Il est at esté que l'existence des cyanobacté- microbien parvient à conquérir. Les bactéries ries remonte aux temps les plus reculés de dites thermophiles, par exemple, supportent des l'histoire de la Terre. Les premiers témoi températures proches de 100 °C, et les bactériesgnages certains de la présence d'êtres vivants pourpres prolifèrent dans des environnementsproviennent de roches vieilles de 3,5 à 3,8 mil riches en hydrogène sulfuré. L'oxygène n'est pas présent à la surface de laliards d'années. Terre, les premières bactéries effectuent des fer mentations et libèrent du méthane ou de l'hyL'incroyable diversité microbienne drogène sulfuré. Cette incroyable adaptabilité du monde microbien a permis aux premièresLa morphologie de ces bactéries varie d'un bactéries d'affronter le contexte particulièregisement à l'autre. Leur forme est sphérique ou ment hostile de la Terre primitive, une planèteallongée comme un grain de riz, ou elles sont parsemée d'étendues d'eaux chaudes et acides, etétirées en filaments. La grande diversité des entourée d'une atmosphère dépourvue d'oxygène.métabolismes déployés prédispose les micro Leur prolifération, qui s'est étalée sur plusieursorganismes à coloniser les environnements les millions d'années, a probablement recouvert leplus variés. Il en est ainsi des milieux où régnent globe terrestre d'un tapis polychrome de couchesdes conditions extrêmes tels les marais salants, microbiennes. Une diversité de couleurs qui n'estle fond des océans, ou les sources hydrother pas sans rappeler celle de Yellowstone, un parcmales. Autant d'environnements hostiles auxautres organismes vivants, mais que le monde -68-

Les bassins de Yellowstone se parent de couleurs qui correspondent à des colonies microbiennes.national américain du Wyoming, connu pour ses à l'origine de nombreux gisements métallifères.sources thermales. Les bords de chaque bassin Les bactéries ont oxydé les sulfures et solubilisése parent de couleurs différentes, auxquellescorrespondent des colonies de micro-organismes les métaux comme le cuivre. Elles interviennentdifférents. Mais les micro-organismes sur Terrene se limitent pas à ce rôle purement décoratif. également probablement dans la formation desLes métabolismes enjeu sont très variés et sont pépites d'or. On a pu montrer en laboratoire queà l'origine d'une grande diversité de genèses des bactéries sont capables d'intégrer de l'or et de le précipiter. L'activité microbienne a ainsi perminérales. L'activité bactérienne se trouve être mis la genèse de roches calcaires et les gisements de fer rubané, une gigantesque accumulation 69

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONminérale où s'approvisionnent la plupart des librement dans l'environnement. Très vite, lescomplexes sidérurgiques du monde. bactéries rencontrent la première crise d'énergie. Elles se sont multipliées et cette augmentationLes cellules chercheet leur énergie démographique accroît considérablement les besoins énergétiques. La conséquence immédiatePour se reproduire et coloniser la surface du est la pénurie des sources d'ATP formé de façonglobe, les bactéries primitives ont toutefois besoin inorganique. La survie se trouve alors dans led'énergie. Elles développent alors des mécanis recyclage, et le vivant est obligé de fabriquermes complexes, qui sont encore les mécanismes l'ATP lui-même à partir de l'ADP. Mais cetteactuels, et par lesquels les êtres vivants trouvent réaction exige un apport énergétique. Les microleur énergie. L'évolution organique n'a été pos organismes ont donc développé la glycolyse ousible que par la mise en place de mécanismes dégradation du glucose, molécule abondante dansmétaboliques à haut rendement, susceptibles le milieu primitif. Ainsi, l'énergie fournie par lede fournir une grande quantité d'énergie aux catabolisme ou dégradation du glucose leur sertcellules. Le carburant organique universel est à restaurer l'ATP. En l'absence d'oxygène, lal'adénosine triphosphate ou ATP. Sa propriété la glycolyse (voie d'assimilation du glucose) se faitplus importante est la libération d'énergie lors par voie anaérobie, c'est-à-dire par fermentation,de sa cassure en adénosine diphosphate (ADP) et ce qui continue aujourd'hui chez quelques orgaphosphate inorganique, une énergie directement nismes qui vivent dans des niches marginales, àutilisable par la cellule. Dans le milieu naturel l'abri de l'oxygène.primitif, les protobiontes, ancêtres des cellules,puis les premières cellules vivantes ont dû capter L'apparition de la photosynthèser ATP, abondant dans la soupe primordiale, et illeur suffisait de casser ces molécules pour libérer Les ressources en sucre spontanément formé dans l'environnement se sont épuisées à leurl'énergie dont elles avaient besoin. À ce stade, tour et la deuxième crise d'énergie s'est pro duite. Le vivant n'a d'autre issue que de fabriquerr ADP était rejeté comme un déchet. L'ATP est le lui-même ce sucre nécessaire ce qui exige unefournisseur d'énergie de la cellule et reste le car quantité relativement importante d'énergie. Laburant universel du vivant. Les seuls changements solution a été la photosynthèse qui permet auxmétaboliques acquis par évolution portent donc cellules, grâce à certains pigments capables desur la manière dont la cellule se procure l'ATP aufur et à mesure que s'épuise celui qui est apparu -70

\" t- •^ ' * • * \" \" \" g^ tir— , ^'teâœwSs:.g^A \"\" 'r.•\"Wto'^.^.-jW,' « »' *f--v-i-;Les stromatolites sont les premières traces de l'activité métabolique d'organismes unicellulaires. 71

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONcapter l'énergie transportée par les rayons du hauteur de un à plusieurs mètres selon leur âgesoleil, de fabriquer des sucres à partir de molé et leur construction. Les stromatolites sont pluscules simples et abondantes. Très vite, grâce fréquents dans les sédiments d'âge précambrien.à l'acquisition de pigments chlorophylliens,certaines bactéries sont capables de réaliser une Ces communautés dominent la vie marine entrephotosynthèse évoluée. Cette innovation, réali 3,5 milliards d'années et 500 millions d'années.sée par certaines bactéries, rejette de l'oxygènedans l'atmosphère. Elle va peu à peu changer L'apparition de formes de vie plus complexes,la composition des gaz dissous dans les océans tels les mollusques, les crustacés et les vertéet celle de l'atmosphère. Cet enrichissement enoxygène fut graduel. brés vers la fin du Précambrien et le début duL'un des impacts majeurs des communautésmicrobiennes sur l'environnement planétaire Cambrien, annoncent leur déclin.concerne donc la modification de la compositionde l'atmosphère terrestre, avec l'utilisation du La naissance de la respirationdioxyde de carbone pour produire de l'oxygène.Apanage des végétaux supérieurs, la photosyn L'apparition de l'oxygène a pour conséquencethèse est initialement présente chez certainsmicro-organismes comme les cyanobactéries. de créer la couche d'ozone, dont la formationOn admet qu'au cours des immenses durées débute il y a 2,8 milliards d'années. En interdu Précambrien, vers - 3,5 milliards d'années,leur activité photosynthétique a contribué à ceptant le rayonnement ultraviolet, elle protègeenrichir progressivement l'atmosphère terrestre la biosphère de ses effets létaux. Vers la mêmeen oxygène. Ce sont elles qui sont à l'origine des époque apparaissent les premières formationsstromatolites, les plus anciennes roches fossiles géologiques rouges dont la coloration rouilled'origine biologique connues, que l'on retrouve résulte de l'oxydation du fer au contact de l'air. On estime qu'il y a 2 milliards d'années, lesnotamment dans la baie de Shark en Australie. teneurs en oxygène de l'atmosphère avoisinaient les 10 %. Aujourd'hui, elles atteignent 21 %,Ces édifices se présentent sous l'aspect de mon une originalité de la Terre parmi les planètes duticules, généralement composés d'éléments en système solaire. La concentration en dioxydeforme de champignons ou de colonnes, d'une de carbone diminue, tandis qu'augmente celle en oxygène. Cela contribue au rafraîchissement de la planète, puisque l'effet de serre causé par le dioxyde de carbone est moindre. Avec la mise en place d'une atmosphère oxydante et de la couche d'ozone, les conditions sont -72-

réunies pour une nouvelle étape de l'histoire À RETENIRde la vie : l'apparition d'êtres à respirationaérobie, prélude à l'essor du monde animal • Vers - 3,5 milliards d'années, apparaissent leset végétal. stromatolites, les premiers édifices dits bioconstruits,La respiration remplace peu à peu la fermenta considérés comme résultant de l'activité métaboliquetion dans certaines bactéries, avec l'apparition d'organismes unicellulaires.de nouvelles combinaisons génétiques quiutilisent les sucres en fournissant beaucoup • Les premières formes de vie utilisent des moléculesplus d'énergie. En vérité, il ne s'agit pas d'une de leur environnement pour s'approvisionner en énervéritable substitution, mais plutôt du prolonge gie. Une fois ces molécules épuisées, elles développentment des processus biochimiques déjà utilisés. les premières formes de métabolisme énergétique : laLes chaînes de dégradation du glucose sontprolongées. La fermentation d'une molécule fermentation.de glucose fournit deux ATP, alors que la respiration fournit 36 ATP : l'aérobiose présente I L'autre étape est l'apparition de la photosynthèseun rendement énergétique 18 fois plus élevé pratiquée par certains types de bactériespour produireque l'anaérobiose. En résumé, l'impact de la des sucres, qui leur servent de substrat énergétique.vie microbienne sur l'environnement planétaire revêt des aspects multiples. 11 affecte les • L'activité photosynthétiquedes cyanobactéries modimigrations de la matière, la genèse d'espèces fie la composition des gaz dissous dans les océans etminérales, la composition de l'atmosphère et celle de l'atmosphère. Elle contribue à enrichir l'atle façonnement de la surface terrestre. Dans mosphère terrestre en oxygéné. La couche d'ozone quil'histoire de la vie, les micro-organismes en resuite se met en place a partir de - 2,8 milliardsreprésentent une étape pionnière qui a précédéet préparé l'émergence d'organismes plus évo a années.lués : les cellules à noyaux et les eucaryotes.Bénéficiant désormais d'une atmosphère oxy I Grâce à laimise en place d'une atmosphère riche endante et de climats plus cléments, la planète oxygène et grâce la formation de la couche d'ozone,est prête pour l'accueil d'un monde vivant les conditions sont réunies pour une nouvelle étapeplus complexe. de l'histoire de la vie : l'apparition du mécanisme de la respiration, prélude à l'essor du monde animal et végétal. 73

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONLes cellules eucaryotesAprès l'émergence des bactéries et leur développement sur la planète, le cheminde l'évolution s'est poursuivi avec les eucaryotes ou cellules à noyau. L'apparitiond'eucaryotes d'abord unicellulaires ouvre la voie à la formation d'organismes pluscomplexes.Pendant longtemps, les biologistes ont estimé termes procaryote et eucaryote. Mais cette différen que tous les êtres vivants pouvaient se ran ciation n'a commencé à être acceptée qu'à partir ger soit parmi les végétaux, soit parmi les des années 1960. Dans le groupe des procaryotesanimaux. C'était là, pensaient-ils, une distinction figurent, par exemple, les bactéries et les alguesde base : les premiers sont fixes et tirent leur nour bleues (les cyanobactéries) ; chez les eucaryotes, on retrouve les champignons, les végétaux et lesriture directement des éléments minéraux du sol animaux, et certains organismes unicellulaires. Tous les eucaryotes possèdent un noyau cellulaireet de l'atmosphère, les seconds sont généralement où se trouve concentrée l'information génétique.mobiles et se nourrissent le plus souvent en ingérant Les eucaryotes unicellulaires se distinguent égaledes aliments d'origine animale ou végétale. ment des procaryotes par leur taille, qui est environ dix fois supérieure à celle des bactéries. Ce dernierLa eaîssaece des premierseucaryotes critère conduit à les identifier dans des roches trèsEn fait, la plus grande division dans le règne vivant anciennes et nous permet de dater leur apparitionn'est pas entre les plantes et les animaux, elle se sur la scène de la vie à 2,68 milliards d'annéessitue plutôt entre les êtres vivants à cellules sans environ. Le développement des cellules eucaryotesnoyau (procaryotes) et les êtres vivants à cellules est rendu possible grâce à une atmosphère oxydante,dotées d'un noyau (eucaryotes). Cette distinction a riche en oxygène, et à l'acquisition de la respiration,été remarquée dès les années 1920 par le biologiste un mécanisme nouveau pour l'assimilation desfrançais Édouard Chatton, qui a d'ailleurs forgé les -74-

phagocyte primitif eucaryoteanoérobiebactérie mitochondrieaérobie endocytose eucaryote aérobie photosynthétiquecyanobactérie Aeucaryote chloroplasteaérobie vacuole d'endocytoseLes mitochondries et les chloroplastes proviennent de bactéries venues habiter une cellule hôte.nutriments et la production d'énergie. En effet, les bilan énergétique des organismes vivants et a assuréprocessus de fermentation, qui ont prévalu chez les le succès du monde animal et végétal, et son étonprocaryotes, conduisent à une dégradation incomplète des métabolites (composés organiques). En nante diversité.revanche, la respiration oxyde totalement les métabolites et se traduit par une libération d'énergie Des celloies plus complexesbien plus grande que lors de la fermentation. Lemécanisme de la respiration change la donne du Les cellules eucaryotes ne diffèrent donc pas seu lement des cellules procaryotes par le fait qu'elles possèdent un noyau : elles ont aussi dans leur 75

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONcytoplasme des corpuscules, tels que les mito- aucune forme intermédiaire. Une autre théorie,chondries et les chloroplastes. Les mitochondries celle de l'endosymbiose en série, est plus larsont des organites où s'effectuent les réactionsbiochimiques de la respiration cellulaire, c'est-à- gement acceptée.dire les réactions d'oxydation des sucres et autressubstrats conduisant à la production de l'énergie UeedosymMose^ ou la coopérationchimique nécessaire à la vie de la cellule. Dansun langage imagé, les mitochondries sont sou bactériennevent appelées les « centrales énergétiques » de Les mitochondries et les chloroplastes provienla cellule. Les chloroplastes sont quant à eux, draient de simples bactéries indépendantes venueschez les végétaux, le siège de la photosynthèse habiter le cytoplasme des ancêtres des eucaet donc de la production de matière carbonée. ryotes. Ces procaryotes parasites auraient alorsCette organisation interne plus complexe des cel été phagocytés (absorbés) par d'autres organislules eucaryotes suggère qu'elles sont apparues mes procaryotes, mais sans être digérés. Ellesaprès les cellules procaryotes. Mais comment auraient alors lié des relations symbiotiques,s'est fait le passage entre les deux catégories c'est-à-dire des associations prolongées de deux sortes d'êtres vivants dont chacun tire partie.fondamentales d'êtres vivants ? Le fait de posséder en son sein des organismes capables d'effectuer la respiration ou la photoLa première théorie, dite autogène, précise que synthèse sera devenu un vrai avantage pour cesla cellule eucaryote est apparue par la formation nouveaux organismes. Peu à peu ces organismesprogressive au sein du cytoplasme (l'intérieur se seront intégrés à la cellule hôte, leur ADNde la cellule) de compartiments spécialisés : le se sera combiné à l'ADN de la cellule, et ilsnoyau contenant le matériel génétique, les mito seront devenus des organites cellulaires. Cettechondries contenant les enzymes nécessaires à la théorie est de plus renforcée par le fait que lesrespiration, les plastes contenant les enzymes et mitochondries et les chloroplastes contiennentles pigments nécessaires à la photosynthèse, et de l'ADN, de l'ARN messager, des ribosomespar l'accroissement progressif des dimensions et des ARN de transfert : ils peuvent donc sedes cellules. Rien ne prouve jusqu'à présent multiplier indépendamment du noyau cellulaire,que cette théorie soit fausse. Cependant, si les par réplication de leur ADN et même synthétiorganites des cellules eucaryotes sont réellement ser certaines de leurs protéines sous le contrôleapparus de cette façon, on ne trouve néanmoins de leurs propres gènes. Cela suggère fortement -76-

canal de la vacuole contractile^ vacuole contractile. gros noyau, ) trichocyste pharynx vacuole digestive petit noyaucils vibratoires gouttière oraleectoplasme endoplasme STRUCTURE D'UNE PARAMECIE Exemple de cellule eucaryote unicellulaire : la paramécie, qui vit dans les eaux douces. 77

LE LONG CHEMIN DE UEVOLUTIONque ces organites ont été jadis des organismes eaux salées), qui servent de point d'attache àunicellulaires, capables de s'auto-reproduire l'individu pour se déplacer. L'un des protistes leset de synthétiser la totalité de leurs protéines. plus connus et les plus étudiés est la paramécie.Schématiquement, les cellules eucaryotes ne Celle-ci vit isolée, en eau douce. Elle apparaîtpossédant pas de procaryote photosynthétique en grand nombre dans les infusions de végétaux,ont évolué vers les animaux, et ceux en possédant ont évolué vers les végétaux. rendant sa culture et son étude aisée. Elle estLes procaryotes, organismes peu visibles et pour l'un des premiers organismes unicellulaires àtant cruciaux du microcosme, sont les ancêtres avoir été observés au microscope. La taille deprimordiaux de tous les êtres vivants actuels : la cellule varie de 50 à 300 micromètres deils ont d'ailleurs dominé la Terre au cours de la long suivant les espèces. Pour se déplacer, laplus grande partie de son histoire fossile. Les paramécie utilise les cils qui la recouvrent et quipremiers eucaryotes sont les protistes, autrefois battent de façon synchronisée. Les paraméciesappelés protozoaires. Majoritairement aquati se nourrissent par phagocytose, c'est-à-direques, on les retrouve dans tous les milieux. Ils par capture et ingestion, essentiellement desne peuvent toutefois vivre qu'en milieu humide, bactéries du milieu ambiant. La digestion semais possèdent des formes de résistances très fait dans un organite spécialisé de la cellule :efficaces. Malgré le fait qu'ils sont unicellulaires, les protistes présentent une grande variété la vacuole.de formes. Les actinopodes et les foraminifères,par exemple, possèdent de grandes expansions Vers les organismesde leur membrane qui permettent à ces cellules pluricellulairesplanctoniques de flotter avec les autres organismes du plancton. On peut remarquer que le Des chercheurs estiment que certaines coloniescytosquelette, c'est-à-dire le squelette interne bactériennes peuvent être considérées commeà la cellule, est assez riche. Il est à l'origine de pluricellulaires, étant donné l'importance de lala locomotion de ces petits organismes, grâce àla présence de flagelles et de cils, ou par l'in communication entre les différentes cellules ettervention des microfilaments chez les amibes la coordination de leurs actions. Si l'association(protistes qui vivent dans les eaux douces et les entre plusieurs cellules entraîne pour chacune d'elles une difficulté plus grande à chercher sa nourriture, ce désavantage est compensé par la protection et la coopération qu'apporte la vie à plusieurs. Plus le nombre de cellules par colonie -78

s'est accru, plus les cellules se sont spéciali À RETENIRsées. En effet les cellules les plus éloignéesde la surface de la colonie, ne pouvant plus • L'apparition des premières cellules eucaryotesse nourrir seules, ont dû compter sur leursvoisines, et en ont profité pour remplir plus remonte à environ 2,68 milliards d'années. C'est uneefficacement une autre fonction, qui profite àl'ensemble de la colonie. Petit à petit se sont cellule plus grosse, plus complexe et plus efficace queainsi différenciés différents types de cellules. la cellule procaryote. Dans un premier temps, elleL'activité des gènes devenus inutiles a été sera la base d'une incroyable variété d'organismesprogressivement réprimée sous l'action de unicellulaires vivant seuls ou agrégés.gènes régulateurs. On peut alors dire que lescellules se sont réellement spécialisées. • Les premiers eucaryotes sont d'abord unicellulaires.Dès la formation de cellules eucaryotes, des Malgré leur simple organisation cellulaire, les unicel lulaires possèdent un métabolisme propre et peuventessais d'associations entre cellules ont été se reproduire. Grâce aux cytosquelettes de la cellule, ils peuvent aussi se mouvoir.tentés. Cela a pu être provoqué par des divisions incomplètes (plusieurs noyaux dans une • Les eucaryotes ont pu avoir pour ancêtres des bacmême cellule comme chez les myxomycètes, téries qui, originellement, vivaient indépendamment.des protistes qui vivent sur le bois mort, la Elles sont ensuite devenues hôtes permanents de pluslitière de feuilles et brindilles, le compost, grosses bactéries et des symbioses entre les différentsles mousses...), ou plus simplement par le partenaires se sont établies, ce qiti a donné les premiersfait que les cellules filles ne se séparent pas êtres unicellulaires eucaryotes.après une division. Rapidement les protistes se • Les agrégats d'euc^otes ou colonies commencent àréunissent en colonies. Par la suite la faculté différencier les rôles des difteremes cellules. C'est l'ap parition des premiers organismes pluricellulaires.des cellules à s'associer selon leur type, apermis de structurer les amas cellulaires en devrais organismes. L'apparition des premiersorganismes pluricellulaires est toute proche. - 79

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONLes premiers pluricellulairesL'apparition des organismes pluricellulaires marque un tournant sur la scène del'évolution. L'homme a longtemps pensé que les premiers organismes pluricellulairescomplexes et différenciés étaient apparus il y a environ 600 millions d'années.Ceux-ci sont en réalité beaucoup plus anciens.Pendant les deux miliards d'années qui 2010, une petite révolution, remettant en cause suivent l'apparition de la Terre, la planète tous les fondamentaux de l'évolution, est venue est colonisée par un monde microbien bouleverser le monde scientifique.de procaryotes, comportant des bactéries et desalgues unicellulaires. De ces organismes nais Quel âge pour les premierssent ensuite les cellules eucaryotes (cellules à pluricellulaires ?noyau) unicellulaires. Même après l'apparitiondes eucaryotes, la vie sur la Terre reste longtemps Les paléontologues ont longtemps pensé que lesmicroscopique. Les eucaryotes unicellulaires vont premiers organismes pluricellulaires dataientprogressivement s'associer entre eux pour former d'environ 700 millions d'années, où une grandedes organismes pluricellulaires. Le monde vivantprend alors un nouveau tournant, l'hégémonie et diversité de formes fossiles est retrouvée. Lesl'immobilité des tapis microbiens en sont durablement perturbées. Un nouveau chapitre s'inscrit biologistes moléculaires affirment néanmoins que ces organismes sont apparus avant cette date.au livre de la vie. À quand remonte l'apparition « L'horloge moléculaire », qui se base sur l'ac cumulation régulière de mutations dans le temps,des premiers organismes pluricellulaires ? La indique que les pluricellulaires apparaissent pluscommunauté scientifique n'est pas encore fixée.Au gré des découvertes fossiles, leur naissance tôt sur l'échelle évolutive. D'ailleurs on saitne cesse de remonter dans le temps. En juillet désormais, grâce aux découvertes fossiles, que les formes de vie pluricellulaires existent bien avant 700 millions d'années. - 80-

Les méduses figurent probablement parmi les premiers organismes pluricellulaires.En juillet 2010, une publication d'Abderrazak l'équipe de recherche, menée par AbderrazakEl Albani, maître de conférence à l'université de El Albani, découvre des fossiles d'organismesPoitiers et géologue au laboratoire Hydrasa, fait pluricellulaires vieux de 2,1 milliards d'années.remonter l'apparition des organismes pluricellulaires à plus de 2 milliards d'années. Plus de 250 fossiles ont été découverts dansCet article, publié dans la revue Nature, laissed'abord la communauté scientifique incrédule. des couches noires argileuses. Ils présententLors d'un travail de routine géologique dans une des formes étonnantes et diversifiées, et mesucarrière de grès, près de Franceville au Gabon, rent 10 à 12 centimètres. Ils sont donc bien trop grands pour être de simples organismes unicellulaires. 81

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONUîîe révolution scientifique apparaître plusieurs fois au cours de l'évolution et par des mécanismes différents. La vie à l'étatCes fossiles sont porteurs d'une véritable révolu pluricellulaire procure en effet de nombreux avantages sélectifs, comme la possibilité d'unetion dans les sciences de l'évolution : ils remet augmentation de la taille de l'organisme ou d'une spécialisation des différentes cellules. La naturetent en cause toute l'histoire de l'émergence de a donc dû « tester » la pluricellularité plusieursla vie telle qu'elle est enseignée jusqu'à présent. Lors de la publication de l'article, beau fois au cours de l'évolution des différentes forcoup de chercheurs contestent l'exactitude decette découverte. Certains évoquent la possibi mes de vie. Rien ne prouve donc que ces fossileslité d'assemblage d'unicellulaires échangeant pluricellulaires vieux de 2,1 milliards d'annéesinformations et matière. D'autres pensent qu'il soient les ancêtres de fossiles pluricellulairess'agit d'organismes coloniaux, un regroupement plus récents. Mais rien ne prouve le contraired'unicellulaires, qui occupent le fond de la mer non plus...et qui préfigurent seulement les véritables êtresmulticellulaires. Il y a 2,1 milliards d'années, La faune d'Ediacara Jusqu'à la découverte d'Abderrazak El Albani, lala vie sur Terre relève en effet du miracle. La faune d'Ediacara constituait les plus vieux orga nismes pluricellulaires connus de taille visible.Lune est si proche que les marées sont gigantes Elle doit son nom aux collines Ediacara, situéesques. Le soleil est masqué par une atmosphèreépaisse, rougeâtre, plus dense qu'aujourd'hui à 650 kilomètres au nord de la ville d'Adélaïdeet très chargée en gaz carbonique. La teneuren oxygène de l'atmosphère représente environ en Australie, où ces animaux sont tout d'abord10 % de la teneur actuelle. Trop peu, encore, pour découverts. Aujourd'hui, ces organismes ontqu'une véritable barrière d'ozone protège la terredes agressifs rayons ultraviolets du Soleil, mais aussi été trouvés sur d'autres continents. Cettesuffisamment pour que l'oxygène pénètre 30 à40 mètres sous la surface des océans, et donc faune date du Précambrien, plus précisément depermette l'émergence d'êtres de grande tailleconsommateurs d'oxygène. l'Édiacarien, et caractérise un intervalle de tempsReste que si l'apparition des premiers organismes pluricellulaires eucaryotes date d'au moins compris entre - 670 et - 540 millions d'années ;2,1 milliards d'années, la pluricellularité a pu la Terre sort alors d'une intense période glaciaire au cours de laquelle une grande partie du globe terrestre est gelée. De la faune d'Ediacara, que l'on date d'environ 600 millions d'années, ne 82-

La faune d'Ediacara se compose d'organismes qui vivent sur le fond marin. - 83 -

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONrestent que des empreintes apparentes sur une Ces animaux prélèvent activement leur nourrituresurface de grès, qui ont permis de déterminer à partir des mattes microbiennes qui leur serventl'aspect de ces êtres vivants. En dépit d'une de « garde-manger ». Les mollusques broutentgrande variété de morphologies, ces organismes littéralement les surfaces, tandis que les verspossèdent en commun un corps très aplati. Des privilégient la matière organique partiellementfossiles, dont le contour évoque celui d'un disque décomposée. La grande taille atteinte par lesou d'une feuille à segmentation apparente, ont macro-organismes d'Ediacara, qui contraste avecété attribués à des vers. Leur taille pouvait attein les dimensions microscopiques du monde uni-dre un mètre de long. Apparemment dépourvus cellulaire qui les a précédés, s'expliquerait parde bouche et de tube digestif, ils absorbaient un enrichissement conséquent de l'atmosphèreprobablement les nutriments par toute la sur en oxygène.face de leur corps. Il est vraisemblable que leurstissus hébergeaient des bactéries ou des algues Le chemin de la diversité animalesymbiontes leur assurant un apport suffisant Le monde animal d'Ediacara comporte uniqueen éléments nutritifs. À l'instar de la situation ment des consommateurs de matière organique. Ceux-ci tirent parti des tapis microbiens largerencontrée chez les coraux actuels, l'associa ment distribués à la surface du globe, ou bien comme les éponges, ils filtrent les particulestion d'un hôte et de micro-organismes se révèle nutritives maintenues en suspension dans l'eau.à bénéfice mutuel. L'hôte garantit protectionaux bactéries, celles-ci en retour lui procurent À cette époque de la vie sur Terre, le mondedesdes nutriments. D'autres fossiles sont prochesdes pennatules actuelles ou plumes de mer qui prédateurs est encore absent. La lutte pour lapeuplent encore les océans. Enfin des traces cir vie ne présente pas le caractère sauvage qu'elleculaires sont interprétées comme des empreintes connaîtra ultérieurement. La faune d'Ediacara,d'ombrelles de méduses. dont on a maintenant trouvé la trace en d'autresD'autres espèces animales, plus proches de cellesque l'on connaît aujourd'hui sont caractéristiques régions du globe, semble avoir abouti à un cul- de-sac évolutif : on ne peut la relier ni à desde la faune d'Édiacara : des éponges, des vers, organismes modernes ni à des fossiles de la période qui va suivre, le Cambrien. Ces orgades cœlentérés (dont les anémones de mer sont nismes archaïques ne vont donc pas survivre àles représentants actuels) et des mollusques au l'explosion des formes de vie, qui survient il ycorps mou. -84

a 550 millions d'années environ et donne nais ! À RI TENIRsance à de nouvelles espèces, plus proches de i'celles que nous connaissons aujourd'hui.Les paléontologues parlent d'« explosion cam- 1 • Les paléontologues ont longtemps considéré que tesbrienne » parce qu'à ce moment particulier, premiers organismes pluricellulaires étaient apparus ilil se passe quelque chose qui enclenche unenouvelle phase dans l'histoire de la vie ter : ly a environ 700 millions d'années. Mais la découverterestre. C'est à partir de ce moment-là en effet d'Abderrazak El Albani, dans une carrière de grès, prèsqu'apparaissent ce que l'on peut appeler lesanimaux. Ces premiers animaux possèdent des g ,de Franceville au Gabon, fait rernonter cette apparition; :tissus et des organes, auxquels sont dévouées i n - 2,1 milliards d'années.des tâches spécifiques, telles que la respiration,la nutrition, la sensorialité ou la contraction. I Ces fossiles remettent en cause toute l'histoireL'organisation de ces animaux est bâtie sur une de l'émergence de la vie telle qu'elle est enseignéeassociation des fonctions et une division du jusqu'à présent. La pluricellularité est toutefois appatravail. La coordination de l'activité des tissus rue plusieurs fois au cours de l'évolution, et par deset des organes contribue au fonctionnement mécanismes différents.d'une entité commune, autonome, à savoir unorganisme macroscopique. Désormais les êtres I La faune d'Ediacara en Australie, dont des équivavivants sont capables de se déplacer et ils vont lents ont depuis été mis au jour dans d'autres régionspeu à peu explorer la planète.Pour quelle raison, après une aussi longue du monde date d'environ 600 millions d'armées. Ellepériode de vie microscopique et unicellulairea soudain lieu cette apparition de si nombreux comprend des organismes vivants pluricellulaires auxembranchements d'animaux pluricellulaires ? adaptations vanees. qui vivent sur les fonds manns ouIl est encore difficile de reconstituer ce qui a qui fouissent dans les sédiments.pu se passer sur la Terre pour conduire à cetteexplosion cambrienne. > Cette découverte révèle la diversité et l'originabie du monde vivant à la fin du Précambrien, avant la radiation évolutive des animaux pourvus d'un squelette ou d'une carapace, lors du Cambrien. • I On considère aujourd'hui que la faune d'Ediacara ' a disparu à la limite Précambrien-Cambrien, il y a environ 540 millions d'années. - 85

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONL'explosion du CambrienDepuis 600 millions d'années, les espèces vivant à l'intérieur des océans se sontconsidérablement diversifiées. Ces espèces jettent les bases de l'organisationstructurale des animaux. Les mécanismes de l'évolution n'ont depuis créé aucunemodification de grande ampleur. e géologue australien Reg Sprigg décou Le secret des schistes de Burgess vre en 1946 les empreintes d'organismes Lors de l'ère primaire et du Cambrien, qui débu ' à corps mou sans squelette dans les grès tent il y a 542 millions d'années, brusquement le climat chaud élève le niveau des mers, l'atprécambriens (il y a environ 600 millions d'an mosphère s'enrichit en oxygène et le nombrenées) des collines d'Ediacara, en Australie du d'espèces vivantes pluricellulaires augmente luiSud. La faune d'Ediacara comprend des spéci aussi considérablement. Cela se traduit par l'avèmens aux adaptations variées, qui vivent sur les nement simultané des grands plans d'organisationfonds marins ou qui fouissent dans les sédiments. du monde animal qui définissent les embrancheCe sont des organismes au corps mou, longs de ments (ou phylums), présents dans la nature àquelques centimètres. l'heure actuelle. Il en est ainsi des mollusques,Cette découverte révèle la diversité et l'originalité des brachiopodes, des échinodermes (oursins et étoiles de mer notamment), ou des arthropodes.du monde vivant à la fin du Précambrien. Mais Cette explosion des formes de vie pluricellulaires est révélée par la découverte de formes fossilesce type de faune disparaît vraisemblablement dans les schistes de Burgess au Canada en 1909à la limite Précambrien-Cambrien, c'est-à-dire par Charles Walcott. Les schistes renferment lail y a 542 millions d'années. S'ensuit alors la collection la plus spectaculaire de fossiles duradiation évolutive des animaux pourvus d'un Cambrien. Walcott retourne régulièrement sur lesquelette ou d'une carapace, ce qui constitue unautre véritable tournant dans l'histoire des êtresvivants sur Terre. -86-

Les trilobites, grands arthropodes aquatiques, se déplacent sur les fonds marins.site de Burgess jusqu'à sa mort en 1924. Au total, L'animal présente un corps segmenté et mou, sail excave plus de 65 000 spécimens de 120 espè tête comporte cinq yeux, en apparence tous foncces différentes. L'organisme le plus courant des tionnels, de même qu'une longue trompe flexible,schistes de Burgess, Marrella, est clairementun arthropode à corps mou, mais qui n'appar totalement unique parmi la faune cambrienne. Àtient à aucune des classes d'arthropodes connuesaujourd'hui. Opabinia est le premier animal inha l'extrémité de la trompe se trouvent des épinesbituel à avoir été complètement décrit lors de la préhensiles, qui lui servaient probablement à attraper ses proies. Initialement classé parmiredécouverte des fossiles dans les années 1970. les arthropodes, Opabinia n'appartient à aucun embranchement connu. Cet organisme et bien 87 -

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONd'autres, comme Wiwaxia ou Yohoia, ne ressem Terre explose en un grand nombre de nouvellesblent à aucun animal existant aujourd'hui. formes pluricellulaires. Tous les embranchements animaux qui ont laissé des fossiles sont apparusUexplosîoe biologique au cours des 40 millions d'années du Cambrien.On trouve en grandes quantités, dans les rochesdu Burgess, parmi les plus célèbres des plus Àcemoment précis, il sepasse quelque chose quianciens animaux. Ce sont les trilobites, grandsarthropodes marins, semblables à des crustacés débouche sur une nouvelle phase dans l'histoireet dotés de nombreuses pattes, grâce auxquelles de la vie terrestre. Cette apparition simultanéeils se déplacent sur les fonds des océans. Cestrilobites apparaissent au Cambrien et prospèrent des différents embranchements est un événementpendant le Silurien et le Dévonien, avec unemultiplication du nombre des espèces. Ensuite remarquable que les paléontologues ont baptiséleur déclin s'amorce, débouchant à l'aube du « explosion cambrienne ». Le début du CambrienPermien (- 295 millions d'années) sur l'extinc semble avoir été un épisode de radiation évotion des dernières espèces. L'étude des trilobites lutive spectaculaire. Charles Darwin considèrefossiles a permis d'établir entre autres que cer d'ailleurs ce fait comme l'un des principauxtaines familles présentent des yeux composés,comme ceux des insectes actuels, que d'autres se obstacles à sa théorie de la sélection naturelle.cachaient sous le sable des fonds marins, comme Ces animaux semblent en effet sortir de nulle partles soles actuelles, et que d'autres enfin se défen et il consacre à ce problème un chapitre entier de son ouvrage UOrigine des espèces. Tous lesdaient en se roulant en boule comme les cloportes organismes vivants d'aujourd'hui ont conservéactuels. Leur présence dans les océans est très la structure de base apparue au Cambrien.longue, plus de 300 millions d'années, ce quitémoigne clairement de l'extraordinaire succès Les premiers squelettes externesde leur classe désormais disparue, et surtout duphylum des arthropodes, toujours existant et dont et îïitereesils faisaient partie.Ce n'est donc qu'au début du Paléozoïque, voilà La vie animale du Cambrien a été extraordi-540 millions d'années, que la vie sur la planète nairement variée, mais inégalement fossilisée. Les coquilles dures se fossilisent mieux que les corps mous, c'est pourquoi les roches de cette époque sont riches en fossiles coquilliers. La radiation cambrienne du monde animal s'accom pagne d'une aptitude nouvelle : celle de capter dans le milieu extérieur des éléments chimiques -88-

Opabiniavauxia Wiwaxia M HallucigeniaLa faune de Burgess se compose 140 espèces et 119 genres, avec une grande partie d'arthropodes. - 89

LE LONG CHEMIN DE UEVOLUTIONpour rélaboration de squelettes minéralisés, des coquilles et des carapaces qui les protègent mieux de l'agression des animaux carnivores.c'est-à-dire de structures dures de soutien ou Ceux-ci, à leur tour, vont perfectionner leurs organes de capture et leurs stratégies de chasse.de protection. Les mollusques et les échinoder- Il en résulte une véritable surenchère entre prémes fabriquent des coquilles ou des carapaces dateurs et proies. Une compétition qui est l'unen carbonate de calcium. Certaines éponges des moteurs de l'évolution biologique.confectionnent des squelettes en silice. Le phos Ainsi apparaissent, pendant le Cambrien, enphore est fixé dans les coquilles de certains même temps que de nombreux phylums d'anibrachiopodes et dans les os des vertébrés. Les maux disparus, les deux phylums les plus imporsquelettes minéralisés constituent un support tants du point de vue humain, les arthropodespour les organes et pour les tissus mous des et les chordés (dont les vertébrés représententanimaux. Les coquilles et les carapaces leur un subphylum). L'importance des chordés pourassurent une protection contre les prédateurs. nous réside dans notre appartenance à ce phy-Effectivement, dès le Cambrien, les traces de lum et dans les modifications notables que notreprédation sont apparentes chez certains fossiles. espèce a apportées, volontairement ou pas, à laMais la nature de leurs auteurs présumés n'estpas encore clairement établie. Au cours de l'ère surface terrestre et aux communautés vivantes.primaire, les océans se peuplent progressivementde prédateurs gigantesques. On les retrouve L'importance des arthropodes réside dans leurparmi les mollusques céphalopodes, les arthro grand succès en termes de nombre d'espèces.podes et les poissons. Les coquilles coniques desOrthoceras peuvent mesurer plusieurs mètres de Les ancêtres de tons les animauxlongueur. Pendant près de 300 millions d'années, modernesces mollusques sont les prédateurs des crustacés En résumé, à l'orée de l'ère primaire, les étenet des petits poissons. La taille des gigantos- dues d'eau, océans, mers et lacs, se peuplent d'untracés, arthropodes proches des limules, peut monde animal foisonnant dont la diversité est sansatteindre les deux mètres. Les dimensions de commune mesure avec les événements antérieurs.certains poissons cuirassés, dont la partie anté À l'échelle des temps géologiques, l'événementrieure du corps est protégée par un bouclier deplaques osseuses, approchent celles des requins revêt un caractère quasi instantané, estimé à uneactuels. Avec le temps, les proies vont développer dizaine de millions d'années. Sans doute la diver gence entre les embranchements animaux s'est-elle -90

produite longtemps auparavant, durant les temps À RETENIRprécambriens. Mais jusqu'à ce jour, la documentation paléontologique n'est pas totalement venue I Jusqu'au débutdu Cambrien. les seuls métazoairesconforter cette présomption. Les répercussions connus sont représentés dans tes faunes marines d'Edia- cara (il y a environ 600 millions d'années) par desde la radiation cambrienne sur le déroulement organismes au corps mou de quelques centimètres.de l'histoire de la vie s'avèrent capitales. Les > Dans les niveaux de base du Cambrien (ify aorganisations corporelles qui se développent alors 540 millions d'années) se trouvent les premiers molsont déjà les ébauches des formes actuelles et lusques, brachiopodes et gastéropodes, alors que lespeu de nouveaux plans structuraux sont apparus plus anciens arthropodes (trilobites) apparaissent il adepuis. Les grands groupes, les embranchements environ 530 millions d'années, en même temps quequi animent la nature moderne, y sont déjà représentés. Ce sont les mollusques à coquille et à les échinodermes.tentacules qui ont évolué jusqu'à nos palourdes et bigorneaux, et des arthropodes aux pattes > La radiation cambrienne du monde animal s'accomarticulées qui ont donné les crabes, les crevettes pagne d'une aptitude nouvelle, celle d'utiliser les éléet les homards. Les étoiles de mer, les oursins, ments chimiques du milieu extérieur pour l'élaborationles coraux et les éponges sont également appa de squelettes minéralisés, c'est-à-dire de structuresrus à cette époque. Les 500 millions d'années dures de soutien ou de protection. C'est la naissancequi suivent cette période n'ont vu naître aucun des exosquelettes, ou squelettes externes, et plus tardembranchement, seulement des variantes sur les des squelettes intemes.modèles de base déjà établis. Certains types d'animaux n'auront à l'opposé qu'une durée de vie > Vers - 500 millions d'années, tous les embranche ments actuels sont présents, même si les animaux dutrès courte et disparaîtront rapidement. Cambrien sont cantonnés dans le milieu aquatique.Un tissu complexe de relations de coopération, Mais on note aussi que plusieurs types d'animauxde dépendance et de compétition se met en place n'auront qu'une durée de vie très courte et disparaîentre les différentes espèces animales. Néanmoins, tront rapidement.malgré une évolution qui a incontestablementconnu une accélération importante à cette période,l'essor des animaux se limite au domaine aquatique. Les continents sont encore inaccessibles. - 91 -

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONLe déploiement des végétauxLes végétaux sont les premiers organismes pluricellulaires vivants à s'installersur les continents. Leur développement sur le globe a énormément modifiéles conditions de vie terrestres et a permis la sortie des eaux de nombreusesespèces animales.Lorsqu'on contemple la nature, force est de vertes, ancêtres des plantes terrestres, n'ont évi constater que le vert est prédominant. La demment pas quitté la mer du jour au lendemain. végétation est partout, sous presque toutesles latitudes et dans la quasi totalité des environ À quelle période cette évolution déterminantenements. La situation n'a toutefois pas toujoursété telle. En effet, pendant les trois premiers a-t-elle eu lieu ?milliards d'années qui ont suivi la formation dela planète, les terres émergées sont restées des Certaines algues vertes pluricellulaires, ayant échoué par hasard sur les côtes, à cause des coudéserts de roches. C'est dans cet environnement rants, ont sans doute survécu dans des milieux qui n'étaient pas complètement submergés, et ontpeu propice à la vie que les premières plantes commencé à occuper la terre ferme. Il s'agit sur tout d'algues pourvues de structures permettantterrestres vont évoluer. d'éviter le dessèchement. Occuper la terre ferme comporte plusieurs avantages, par exemple laQuand les algues sont sorties de l'eau possibilité de se disséminer plus facilement, car dans ces nouveaux milieux, pas encore colonisés,Le verdissement de la Terre est un processus il n'existe aucune forme de concurrence. En dépitlong et complexe, résultat de plusieurs millions du danger de dessèchement, l'émersion permetd'années d'évolution, c'est aussi l'une des étapes d'absorber plus facilement le gaz carbonique et dequi a permis aux animaux de coloniser les terres jouir d'un meilleur éclairage, car ces organismesémergées. Tout comme les poissons ont mis des ont à leur disposition une lumière directe et nonmillions d'années pour sortir de l'eau, les algues -92-

«e %?: •..,i.::H.'iV7^^' \"\"• *• fe • ... ifqfe*.. »»1- . Hi» •fp \"^ ' ' ' '•« 'l\ • ^ ^ ^ ' ' tv fWé- Les premières plantes à avoir colonisé la terre ferme sont proches des mousses actuelles. plus filtrée par l'eau. Il est attesté que les pre à la rencontre des cellules sexuelles femelles. mières formes de vie végétale sur la terre ferme datent d'au moins 460 millions d'années. Il s'agit On les appelle les bryopbytes, qui peuvent être de plantes très simples, proches de certaines comparées aux mousses actuelles. Elles ont laissé algues, encore très dépendantes du milieu aqua des traces très discrètes, mais incontestables, de tique. Elles ne possèdent pas de racines capables leur présence sur terre dès l'Ordovicien (une d'aller puiser l'eau dans le sol, et leurs cellules période qui s'étend entre - 488 et - 444 millions sexuelles mâles possèdent des flagelles, car elles d'années). Il s'agit des cryptospores, les cellules ont encore besoin d'eau pour se déplacer et aller qui auraient permis la dispersion des plantes primitives et qui se fossilisent facilement. Elles 93

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONne sont pas plus grandes que le diamètre d'un pollen) à plus grande distance et assurer ainsicheveu, quelques dizaines de microns à peine. leur dispersion et leur reproduction. Les plusLa vie en milieu aérien présente néanmoins descontraintes mécaniques et physiologiques. Dans anciennes traces incontestables de la présencel'eau il est facile pour les végétaux d'adopter un de ces plantes vasculaires sur Terre remontentport dressé. En revanche, sur la terre ferme, il à environ 420 millions d'années. L'une des preen est autrement. Dans un premier temps, c'est mières plantes répertoriées s'appelle Cooksonia.le duo cellulose et turgescence qui a permis aux Elle poussait sans doute sur les bords sableuxplantes de se tenir dressées. La vie sur les conti d'étendue d'eau et mesurait à peine cinq cennents est aussi conditionnée par une atmosphère timètres. Elle possédait une structure dressée,desséchante et un bombardement nocif de rayons chaque tige se terminant par une petite coupeultraviolets. Chez les végétaux, la colonisation (le sporange) remplie de spores. L'ensemble dede la niche continentale a été rendue possible la plante était protégé de la dessiccation et despar le développement et la sélection de parades rayons ultraviolets mutagènes par une couche imperméable appelée cuticule. La présence deà toutes ces difficultés. stomates permettait des échanges gazeux avec l'atmosphère. Malgré sa petite taille et sa simLes premières plantes terrestres plicité apparente, le végétal Cooksonia marque l'aboutissement d'une série impressionnantedressées d'adaptations évolutives, et il est très différentLa course des plantes vers le soleil, vers la des organismes marins qui l'ont précédé.lumière, pour en capter l'énergie, n'a commencé L'apparition de ces premières plantes vasculaique plus tard, lorsque les plantes ont été capables res est une étape très importante de l'histoirede se fabriquer une colonne vertébrale, c'est- du vivant. En quelques millions d'années, lesà-dire une tige dressée, au travers de laquelle déserts se couvrent d'un sol rudimentaire où peupeuvent circuler de l'eau et des nutriments, vent s'épanouir de minuscules animaux commedepuis le sol vers le reste de l'organisme. Plushautes que les bryophytes, les premières tra- les acariens ou les arachnides. Au-delà de leurchéophytes (ou plantes vasculaires) ne mesurenttout de même pas plus de quelques centimètres. importance biologique, les premiers assemblaElles peuvent se disséminer (grâce aux spores, ges de plantes terrestres dominés par Cooksoniapuis dès le Carbonifère grâce aux grains de entraînent un processus de modification profonde des environnements continentaux. L'influence de -94

m m SiIl y a 360 millions d'années, la végétation a beaucoup évolué et les premières forêts apparaissent. 95

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONces végétaux est cruciale : leur présence ralentit En colonisant les terres émergées mètre par mètre,l'érosion et permet l'accumulation de sédiments les plantes les ont profondément modifiées. Au fil de leurs innovations évolutives, elles ont marquéet la formation d'ébauches de sols. Cooksonia la planète de leur empreinte. C'est l'ensemble de ces modifications qui a permis aux animaux d'ydisparaît rapidement dès le début du Dévonien habiter. Les plantes ont fait plus que transformer(- 410 millions d'années). Le végétal est rem les écosystèmes terrestres, elles les ont créés.placé par des assemblages plus grands et plus La diversité du couvert végétal s'accroît encorerobustes, les zostérophyllopsides. Ce sont de au cours de la deuxième moitié de l'ère primaire.petites plantes de quelques décimètres de haut, Sur une grande partie du globe, en particulierfaiblement enracinées et donc encore dépen dans les régions tropicales, un climat chaud etdantes d'un taux élevé d'humidité. À la fin du humide entretient une végétation luxuriante,Dévonien inférieur, elles sont remplacées par dont les troncs atteignent vingt à trente mètresdeux nouveaux groupes : les lycophytes et leseuphyllophytes, ensemble de plantes vasculaires de hauteur, et dont les débris ont conduit à laencore largement représentées de nos jours. formation des plus importants gisements de charbon de la planète. Cette particularité a valuLes premières forêts sur Terre à la période géologique correspondante d'êtreVers la fin de la période dévonienne (- 365 mil qualifiée de « carbonifère ». L'expansion de lalions d'années), la végétation a beaucoup évolué et s'apparente à celle des forêts actuelles flore aérienne a en effet entraîné l'accumulationavec leurs successions de strates herbacées, d'une masse considérable de restes végétaux,d'arbustes et d'arbres. Parmi ces derniers, le c'est-à-dire de matière organique. Par suite desgenre Archaeopîeris dépasse vingt mètres de mouvements de l'écorce terrestre, celle-ci esthauteur. Désormais la physionomie des paysages progressivement enfouie dans les profondeurs decontinentaux évoque celle des temps modernes. la croûte terrestre et soumise à des températuresCependant les espèces végétales diffèrent encore et des pressions croissantes qui ont conduit à lanotablement des plantes actuelles. Les grandsabsents sont les plantes à fleurs qui apparaîtront formation du charbon.plus tardivement.Au Dévonien, grâce au développement du couvert Les premières grainesvégétal, tous les continents deviennent habitables. Le couvert végétal joue également un rôle cli matique. Il intercepte le rayonnement ultraviolet - 96 -

lÉlMniet atténue les écarts de température et d'hu A RETENIRmidité, créant dans son voisinage autant demicroclimats qui sont profitables à une intense • Les premières plantes à avoir colonisé la terre fermeactivité biologique. Un monde de bactéries sont apparues il y a environ 460 millions d'années. Elleset d'insectes contribue à la dégradation et au sont représentées au tout début par des formes prochesrecyclage de la matière organique. L'érosionest moindre, le trajet des cours d'eau se sta des mousses actuelles.bilise. Les climats sont également affectés, lavégétation ponctionne du dioxyde de carbone I La première plante vasculaire cormue est appeléeprésent dans l'atmosphère et induit une baissedes températures. Au cours du Carbonifère Cooksonia. Elle est essentiellement constituée d'uns'épanouissent les premières plantes à graines, en l'occurrence les conifères. La graine faisceau de tiges droites mais fourchues au sommet.est un organe de dispersion de la plante qui Cooksonia une plante vasculaire où circulent l'eau etprésente un avantage certain sur les spores des les nutriments nécessaires à son développement, avecfougères et des lycopbytes. Elle peut séjourner un port dressé.longtemps dans le sol à l'état de vie ralentie, > En quelques millionsd'armées, les déserts se couvrentdans l'attente du retour de conditions favora d'un sol rudimentaire où peuvent s'épanouir de minusbles à sa germination. La graine apporte une cules animaux comme les acaiiens ou les arachnides.réponse originale au défi que doit affrontertout organisme terrestre, à savoir la quête de I Les zostôrophyllopsides. puis les lycophytes et lesl'eau. Avec la graine, la végétation se dote euphyllophytes, ensembles de plantes vasculaires trèsd'un atout supplémentaire pour se perpétuer représentées de nos jours, vont peu à peu se dévelopet pour affronter des conditions climatiques per sur les continents. Au Carbonifère (- 360 millionsplus rudes. En outre, elle peut être transportée d'années) les premières forêts apparaissent.et disséminée sur de grandes distances par I Bactéries et insectes contribuent à la dégradation et aul'intermédiaire d'une foule d'animaux. Tout recyclage de la matière organique, et donc au maintien des sols. Les climats sont également affectés, la végélaisse à penser que les plantes ont évolué en tation ponctionne du dioxyde de carbone présent dansse servant du monde animal pour compenser l'atmosphère et induit une baisse des températures.leur absence de mobilité. - 97 -

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONLa sortie des eauxLes premiers végétaux à avoir colonisé les terres émergées sont suivis par unefaune, d'abord discrète. Les arthropodes, animaux invertébrés, seront les premiersanimaux à conquérir les continents, suivis de près par les vertébrés, dont l'anatomieva évoluer pour s'imposer sur la terre ferme.La présence d'arthropodes réelement Les arthropodes, les premiers terrestres dès la période de l'Ordovicien (entre - 500 et - 435 millions d'années) sur Terrereste très débattue dans le monde scientifique. Pour quitter leur berceau aquatique, les animauxDes pistes de locomotion attribuées à des arthro doivent s'adapter aux mêmes contraintes envipodes terrestres, découvertes dans l'Ontario aux ronnementales que les végétaux. On a la preuve de l'existence d'un nombre important de petitsÉtats-Unis et datant de cette période, laissent arthropodes terrestres qui à la fin du Silurien ont suivi de près la conquête des continents par lespenser que certains animaux se sont adaptés plantes. On connaît de cette époque l'existence deprécocement à la vie sur les terres émergées. Au mille-pattes, d'araignées, d'acariens et de collem-Silurien (entre - 435 et-410 millions d'années), boles (arthropodes de quelques millimètres) qui peuplent les tapis végétaux constitués de moussesle fait est avéré. et de trachéophytes primitives (plantes avec des vaisseaux conducteurs). Il leur faut notamment seCependant, à l'opposé de l'extrême diversité protéger contre la déshydratation et assurer desdéployée par le monde animal aquatique, seul échanges gazeux avec l'atmosphère. Parmi lesun nombre limité de groupes zoologiques réussit candidats à la colonisation des terres émergées, les arthropodes possèdent un avantage sur lesà coloniser durablement la terre ferme. Parmi autres groupes d'animaux, leurs pattes articulées.eux, les plus importants sont les arthropodes(insectes, araignées, mille-pattes...), certainsmollusques (escargots, limaces...) et enfin lesubphylum des chordés, les vertébrés. -98

Grâce à leur morphologie, les premiers animaux adaptés à la vie terrestre sont les arthopodes.déjà utilisées au fond des océans, sont bien adap les continents, c'est bien évidemment le cas detées à la locomotion sur la terre ferme. En outre,la cuticule de chitine qui recouvre l'intégralité la respiration. Dans un environnement aquatide leur corps constitue un écran imperméable que, elle est jusqu'alors prise en charge par lesqui les protège des agressions de l'air sec etoxydant. Par leur activité, ces petits arthropodes branchies. À l'air libre, de nouveaux organes s'yparticipent au recyclage de la matière organiqueet à la formation des premiers sols. D'autres sont substitués, les poumons chez les araignées et les scorpions, et les trachées chez les insectes.innovations ont été nécessaires à la survie sur Les poumons des premiers sont constitués d'un empilement de feuillets vascularisés, et déri vent vraisemblablement des lamelles branchiales - 99

LE LONG CHEMIN DE UEVOLUTIONd'ancêtres aquatiques. En revanche, les trachées à partir du Carbonifère (- 360 millions d'andes insectes représentent une solution originale nées). Les vers du groupe des annélides sontpour la respiration aérienne. Elles consistent en représentés aujourd'hui dans la nature par lesun réseau de fins conduits qui acheminent l'oxygène ambiant vers les cellules et l'extrémité des lombrics. Ils ont une vie souterraine, dans lesorganes. Ce système de respiration trachéale n'est milieux où se maintient une certaine humidité. Aunéanmoins pas très performant si on le compare àla respiration pulmonaire. C'est sans doute la rai Carbonifère apparaissent également les premiersson pour laquelle la taille des insectes est restée insectes ailés. Deux paires d'ailes s'insèrent surmodeste tout au long de l'évolution. En effet, plus le deuxième et troisième segments du thorax. Enl'insecte est grand, plus il a besoin d'oxygène, outre, une troisième paire existe parfois sur leor le système des trachées présente des limites : premier segment. Cette colonisation de la terreil n'a pas de pompe efficace, comme c'est le cas par les arthropodes a déterminé la venue d'autresdans la respiration pulmonée, actionnée par les espèces. Tant que les premiers n'avaient pasmuscles thoraciques et par le diaphragme. colonisé les milieux terrestres, les amphibiens, leurs prédateurs, n'avaient pas de raison valableLa respiration pelmonée d'aller explorer ces espaces. Mais depuis leur arrivée sur la terre ferme, ils font des proiesAu cours de l'ère primaire, deux autres catégoriesd'animaux se sont adaptées à la vie à l'air libre. intéressantes.Au Dévonien (-410 millions d'années), c'est autour des mollusques d'explorer la terre ferme. Les premiers vertébrés terrestresIls appartiennent aux groupes des gastéropodespulmonés, dont font partie les escargots. Leur Pour les vertébrés, le passage de l'eau à la terrecorps est protégé par une coquille calcaire, au ne fut pas aussi facile. Durant toute la premièrecreux de laquelle l'animal peut se retirer pour moitié de l'ère primaire, les vertébrés sontse mettre à l'abri d'un prédateur ou d'un air représentés par un monde diversifié de poistrop sec. La respiration aérienne s'effectue par sons, notamment des spécimens pourvus d'unun poumon, qui se présente sous l'aspect d'une lourd revêtement de plaques osseuses. Pour desexpansion du corps richement vascularisée. vertébrés initialement adaptés à la vie aquatique, la conquête des milieux terrestres et la nécessitéL'existence des vers est attestée avec certitude de se déplacer sur la terre ferme impliquent des reconversions radicales de l'anatomie et de la physiologie. L'adaptation à la vie terrestre s'est - 100-

IchthyostegaIchthyostega et Accmthostega sont parmi les premiers vertébrés à se rapprocher de la terre ferme. 101


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