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Published by FasQI, 2017-01-28 14:22:04

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L'évolutionDe Darwin auxdernières découvertes h. - ih4^- .•y. l'rîi-^vsv'EDITIONS [Ml

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SOMMAIRE 8 14LES PERES DE L'EVOLUTION 20Lamarck, père de la biologieDarwin, père de l'évolution 26Mendel, père de la génétiqueLa molécule d'ADN 32 38GÉNÉTIQUE ET ÉVOLUTION 44Les facteurs d'évolutionLa sélection naturelle 50 56Les révélations des génomes 62LE LONG CHEMIN DEL'ÉVOLUTION 68Fossiles et datationDe la matière inerte à la vieLa première cellule vivanteLe monde microbien

Les cellules eucaryotes 74Les premiers pluricellulaires 80L'explosion du Cambrien 86Le déploiement des végétaux 92La sortie des eaux 98La radiation des reptiles 104Le règne des dinosaures 110L'évolution des oiseaux 116La radiation des mammifères 122L'essor des primates 128Du primate à l'homme moderne 134De la bactérie à l'homme 140Les extinctions d'espèces 146Quel futur pour l'évolution ? 152

INTRODUCTION Sur les traces de l'évolutionDe tout temps, l'idée d'une évolution des êtres n'a pas toujours été ce qu'il est, que sa faune etvivants n'a cessé d'interroger l'homme et a connu sa flore ont été différentes à d'autres époques.pléthore de partisans et de détracteurs. Comprendre Le transformisme, c'est-à-dire l'idée que les espèces ne sont pas immuables, revient de façonle monde au travers de l'évolution conduit à voir récurrente dans l'esprit des hommes. Le natura liste français Lamarck (1744-1829), aujourd'huiet à penser autrement, et ne plaît pas toujours.Le débat est loin d'être simple et fait intervenir considéré comme l'un des fondateurs de la biosciences, philosophie et religion. La position créa-tionniste, qui repose sur le fixisme, c'est-à-dire logie, est un des premiers à élaborer une théorie,l'idée que les espèces sont immuables, a longtemps à savoir que les êtres vivants sont apparus sousfait foi. Ainsi que nous l'explique la Genèse, dans des formes simples qui se complexifient et sele monde chrétien, les espèces sont immuables et transforment au fil du temps, en se renouvelantont dû être créées à l'origine par Dieu. Cependant,avec l'émergence des sciences naturelles, les pro continuellement. Lamarck fait face aux railleriesgrès scientifiques du siècle des Lumières et lanécessité de classer et répertorier le monde, les de ses nombreux détracteurs et ne parvient paspremières brèches apparaissent dans l'édifice à convaincre ses contemporains de la véracitécréationniste. Dans un premier temps, ce sontles difficultés pour classer les espèces et variétés du transformisme. C'est dans ce contexte fertilesimilaires qui sèment le trouble chez les botanistes, même chez les plus conservateurs. Puis, avec en débats sur la diversité du vivant et sa variale développement de la géologie et la naissancede la paléontologie, les interrogations sont deve tion qu'est née la théorie darwinienne. Ce n'estnues plus pressantes. Les fossiles, des traces de qu'au XIX® siècle que le concept de descendanceformes de vie passée et inconnue, sont sans cesse avec transformation, l'évolution telle qu'on ladécouverts aux quatre coins du monde. Dès lors, conçoit aujourd'hui, est formalisé et doté d'unil devient de plus en plus évident que le monde mécanisme cohérent par le naturaliste anglais Charles Darwin. Ses travaux sur l'évolution des espèces vivantes révolutionnent la biologie et façonnent la conception de l'évolution, en par ticulier grâce à la théorie de la sélection natu relle. Les interrogations de Darwin, sa réflexion. -6-

sa force logique, et son souci d'exhaustivité et archives de la vie, ne laissent que des traces épar-d'argumentation font de ses travaux une avancée ses, que des générations de paléontologues etincontournable dans la conception de l'évolu scientifiques en tout genre n'auront de cesse detion. Après la parution en 1859 de L'Origine des reconstituer. L'histoire qui mène au genre humain,espèces, un pas de géant est fait dans la com depuis l'apparition des premières formes de vie,préhension de la vie passée, présente et future. présente encore de nombreuses zones d'ombre.Les travaux qui suivent les découvertes de Darwin, Dans quelles circonstances est apparue la premièrejusqu'à nos jours, n'auront de cesse de donner cellule, puis les formes de vie qui ont succédé ?plus de crédit à la théorie de l'évolution formulée Quels chemins la vie a-t-elle empruntés pourpar le naturaliste anglais. Le botaniste Gregor aboutir à l'extrême diversité de la biosphère ? EnMendel (1822-1884) est communément reconnu remontant dans les temps géologiques, l'histoirecomme le père fondateur de la génétique. Il est à de l'homme se mêle à celle des primates, desl'origine de ce qui est aujourd'hui appelé les lois mammifères, des reptiles, des premières formesde Mendel, qui définissent la manière dont lesgènes se transmettent de génération en génération. de vie à avoir colonisé les continents, les océans,Sans le savoir, Mendel va révolutionner la com et même aux premières bactéries. Quels sont les mécanismes qui façonnent les êtres vivants depuispréhension de l'évolution, et va transformer les plus de trois milliards d'années ? La génomique offrent plusieurs solutions, mais les molécules quisciences de la vie du siècle à venir. Ses travaux ne nous composent sont encore loin d'avoir livré tous leurs secrets. Toutes ces questions, des généraseront toutefois pas acceptés de son vivant, mais tions d'hommes avant nous se les sont posées, etquelques années après sa mort. Les découvertes assurément elles mobiliseront beaucoup d'autresmajeures du siècle, en tête la molécule d'ADN, après nous. Mais l'état des connaissances actuellessupport de l'information génétique, et toutes les fournit déjà de fabuleux éléments de réponses.percées scientifiques qui s'ensuivent, marquentà jamais notre compréhension de l'évolution.Mais dire que l'homme a saisi tous les mécanismes de l'évolution serait illusoire. Les fossiles.-7 -

LES PERES DE L'EVOLUTIONLamarck, père de la biologieLe naturaliste français Lamarck utilise pour la première fois le terme biologie pourdésigner l'étude des êtres vivants. II est aussi un des premiers à proposer une théoriede la vie et de l'évolution des êtres vivants différente du créationnisme. a fin du xviii® et le début du xix® siècle de médecine et se passionne pour la botanique. En 1779, l'Imprimerie royale publie sa Flore en France constituent une période fas- française, un ouvrage de botanique permettant ^cinante dans les avancées conceptuel aux amateurs les moins instruits en sciences deles et les découvertes scientifiques majeures. reconnaître toutes les plantes du territoire franC'est notamment à cette époque que la biologie çais. La communauté scientifique de l'époque estmoderne prend son envol. Jean-Baptiste-Pierre- surprise qu'il ait pu réaliser un tel ouvrage, carAntoine de Monet, chevalier de Lamarck, est Lamarck est resté silencieux, tant sur l'étendueune figure de proue de ces idées. Il est un des de ses connaissances que sur l'originalité de sesnovateurs les plus brillants, mais aussi l'un des idées. En réalité, cet ouvrage est le fruit de dixplus décriés. Il laisse derrière lui de formidables années de travail. Il lui apporte une notoriété immédiate, et s'épuise rapidement. Il lui vautavancées dans diverses sciences de la nature : d'être élu à l'Académie des sciences l'annéebotanique, physique, paléontologie et zoologie suivante.notamment. En 1793, il contribue à la transformation du JardinUne vie dédiée à la science du roi au Muséum national d'histoire naturelle.Lamarck naît en 1744 à Bazentin-le-Petit dans la La même année, il devient professeur de zoologie,Somme. Il poursuit des études chez les jésuites en charge de la chaire des Insectes, Coquilles et Vers. Lamarck enseigne la zoologie des inverd'Amiens avant d'entamer une carrière militaire tébrés et fonde également la paléontologie desen 1761. Obligé de quitter l'armée en 1765, à lasuite d'un accident, il se consacre à des études -8-

Lamarck est l'un des premiers à défendre la théorie du transformisme chez les êtres vivants.invertébrés. C'est donc à Lamarck qu'incombe ensuite d'établir un classement des invertébrés.la charge d'étudier 90 % des espèces animalesvivantes sur terre pour le Muséum national d'his Avec une des plus grandes collections du monde,toire naturelle. Il commence par délimiter son il commence par établir des subdivisions pour lesdomaine d'étude et fonde pour cela les concepts associer à divers degrés. Chaque organisme està'animaux sans vertèbres (les invertébrés) et les classé selon le nombre d'organes, la présence ouanimaux à vertèbres (les vertébrés), ce qui est non d'un tube digestif, d'un appareil circulatoire,déjà une avancée majeure à laquelle tout biolo d'un appareil reproductif...giste moderne se réfère naturellement. Il tente On attribue à Lamarck l'invention du mot « bio logie » pour désigner la science des êtres vivants.

LES PERES DE L'EVOLUTIONC'est en effet dans l'ouvrage Hydrogéologie vie se développe de l'inférieur vers le supérieurpublié en janvier 1802 que Lamarck emploiele terme pour la première fois. Dans un autre de façon progressive et régulière. À partirde ceslivre paru la même année, il définit ce terme ences mots : « C'est une des trois parties de la êtres très simples, se forment des êtres un peuphysique terrestre ; elle comprend tout ce qui a plus complexes, bénéficiant de l'organisation desrapport aux corps vivants, et particulièrementà leur organisation, à ses développements, à sa premiers, qui leur a été transmise. À partird'euxcomposition croissante avec l'exercice prolongé se forment d'autres êtres encore plus complexes,des mouvements de la vie, sa tendance à créer des et ainsi de suite, jusqu'à ce que soient formésorganes spéciaux, à les isoler, à en centraliser des êtres vivants aussi compliqués que les maml'action dans un foyer. » mifères et l'homme. Et cela sans faire appel à autre chose qu'aux lois de la physique.Une vision de l'évolntion Lamarck propose ainsi une vision révolutionnaireLamarck passe beaucoup de temps à déterminer du vivant : les organismes les plus simples sontla spécificité des êtres vivants par rapport aux arrivés en premier sur terre, puis ont suivi lesobjets inanimés qu'étudie la physique. Avant toute organismes complexes. Suivant cette idée, ilchose, il expose une théorie physique des êtresvivants. En 1809, Lamarck publie Philosophie élabore ensuite une théorie de la transformationzoologique. Il formule une théorie scientifiqueglobale qui tente d'expliquer les transforma et de l'évolution. Cette dernière consiste en deuxtions des êtres vivants dans leur progression dusimple vers le complexe. Il considère que les tendances opposées, d'une part la complexifi-êtres vivants les plus simples apparaissent par cation sous l'effet de la dynamique interne, quigénération spontanée. Ces êtres sont de petites enrichit les organismes d'organes et de foncmasses gélatineuses parcourus de quelques mou tions nouvelles, et d'autre part une tendance à la diversification des organismes en fonction desvements de fluides internes. Lamarck défend circonstances qu'ils rencontrent, c'est-à-dire une forme d'adaptation de l'être vivant à son milieu.l'idée que cette matière a une tendance naturelle La publication de Philosophie zoologique puisà se compliquer grâce aux fluides qui modifientle tissu cellulaire dans lequel ils se meuvent. La de son Histoire naturelle des animaux sans ver tèbres (écrit entre 1815 et 1822) lui vaut d'être considéré comme le fondateur du transformisme. Il devient le premier défenseur en France de cette théorie radicalement révolutionnaire et à contre-courant. - 10

• F vV^J' •^• .r \"f' T.. i ^ , ' - • Mat, • «ri -î\"^ %i:î«t:>x> 1^ \"Wji Sr d v-r* '*k-MO''s, r U ', st--.// ^'« '-• Ut^ iLamarck soutient que les proportions de la girafe sont causées par son mode de vie.-11 -

LES PERES DE L'EVOLUTIONUn défenseur du transformisme habitudes, il est curieux d'en observer le produit dans la forme particulière et la taille de la girafeLors de ses études, Lamarck réalise en effet (camelopardalis) : on sait que cet animal, leque plusieurs espèces actuelles de moules et plus grand des mammifères, habite l'intérieur de l'Afrique, et qu'il vit dans des lieux où lade mollusques possèdent des ressemblances terre, presque toujours aride et sans herbage,troublantes avec certaines espèces fossiles l'oblige de brouter le feuillage des arbres, etconsidérées comme éteintes. Il en conclut que de s'efforcer continuellement d'y atteindre. Ilde nombreuses séries phylétiques (séries généa est résulté de cette habitude soutenue depuislogiques biologiques) ont subi un changement longtemps, dans tous les individus de sa race, que ses jambes de devant sont devenues pluslent et progressif au cours du temps. À partir longues que celles de derrière, et que son col s'est tellement allongé, que la girafe, sans sede ses observations, Lamarck en déduit que dresser sur ses jambes de derrière, élève sa têteles individus s'adaptent à leur milieu. Si les et atteint à six mètres de hauteur [...]. Les ejfortsconditions climatiques ou géologiques changent dans un sens quelconque, longtemps soutenusdurablement, les êtres vivants transforment leur ou habituellement faits par certaines partiescorps, même si ce phénomène n'est pas contrôlé. d'un corps vivant, pour satisfaire des besoinsDe plus cette transformation est transmissible exigés par la nature ou par les circonstances,à la descendance, c'est la théorie de l'hérédité étendent ces parties, et leur font acquérir desdes caractères acquis. Pour Lamarck, ces modi dimensions et une forme qu'elles n'eussentfications sont graduelles et non perceptibles à jamais obtenues, si ces efforts ne fussent pointl'échelle humaine. Pour étayer sa thèse, il cite en devenus l'action habituelle des animaux qui lesexemple le cou de la girafe qui s'est allongé pour ont exercés. » D'après cet axiome, une fois un caractère apparu, il est transmis directement àatteindre les branches hautes des arbres. Voici la génération suivante. Une théorie qui se révèle néanmoins fausse, ou plutôt un peu simpliste.une citation de Lamarck tirée de VExposition des Un homme avec de très bonnes capacités phy siques ne transmettra pas nécessairement cesconsidérations relatives à Vhistoire naturelle qualités à ses enfants.des animaux écrite en 1809 : « Je vais maintenant démontrer que Vemploi continuel d'unorgane, avec des ejforts faits pour en tirer ungrandparti dans des circonstances qui l'exigent,fortifie, étend et agrandit cet organe ou en créede nouveaux qui peuvent exercer des fonctionsdevenues nécessaires. [...] Relativement aux - 12-

Le premier évolutioiiniste A RETENIRLa théorie lamarckienne vaut à son auteur • Lamarck est l'un des premiers à utiliser le terme de « biologie » pour désigner la science qui étudied'être raillé par ses pairs. Premier évolution- les êtres vivants. Il est à l'origine d'avancées notaniste de son temps, Lamarck n'a pas réussi bles dans de nombreux domaines scientifiques :à prouver sa théorie par l'expérimentation. botanique, paléontologie, zoologie...En quoi Lamarck s'est-il trompé pour qu'ilapparaisse comme un évolutionniste à ne pas • Il est l'auteur de la Flore française en 1779, unsuivre plutôt qu'un évolutionniste accompli ? ouvrage qui permet à chacun de reconnaître toutesEn réalité, le naturaliste français n'a pas com (les plantes du territoire français sans avoir de for-pris que le mécanisme principal de l'évolution :mation en botanique.est la sélection naturelle, et que par conséquent, l'évolution n'est pas un phénomène qui !I Au cours de sa carrière, Lamarck développe uneconcerne les individus mais bien les popula théorie de l'évolution. 11 considère que les êtrestions. Il trouve de plus en l'anatomiste Georges vivants les plus simples apparaissent par générationCuvier un vif adversaire opposé à sa théorie. spontanée, puis arrivent les organismes complexesLes deux hommes s'opposent farouchement, grâce à la complexification du vivant.Cuvier étant un partisan de la fixité des espècesqui s'échine tout le long de son existence à • 11 théorise l'idée de la transmission des caractèresentraver la diffusion des idées transformis acquis. C'est-à-dire que tout ce qui a été acquis ou changé dans l'organisation des individus pendanttes. La polémique de Cuvier et Lamarck reste le cours de leur vie est transmis aux générationsaujourd'hui comme un splendide exemple dela vanité humaine. Il est possible et même suivantes.probable que ces deux personnalités auraientpu déboucher à la formulation correcte de la • Les scientifiques n'ont retenu de Lamarck que l'hypothèse fausse de l'hérédité des caractères acquisthéorie de l'évolution un demi-siècle avant alors qu'il fut l'un des rares et des premiers à défenDarwin, s'ils avaient confronté leurs points dre l'idée d'évolution.de vue et leurs données. 13

LES PERES DE L'EVOLUTIONDarwin, père de l'évolutionCharles Darwin est l'homme qui a apporté le plus à la compréhensionde l'évolution. Ses travaux ont permis de formuler scientifiquement l'idéeévolutionniste grâce à l'immense quantité de données collectées. Il estle premier à avoir expliqué l'infinie variété des formes de vie. é en 1809 en Angleterre, Charles vie et en particulier pour sa propre collection de coléoptères. Darwin tombe amoureux de la nature Le périple de Beugle i ee voyage dès son enfance : il est poussé par la imtîatîqeevolonté de comprendre la biodiversité de laplanète, et s'intéresse très vite aux forces phy Sans diplôme, mais avec son bagage de connaissiques qui modifient l'apparence des espèces. sances en médecine, en théologie et en sciencesDarwin passe l'été 1825 comme apprenti méde naturelles, le jeune Darwin s'embarque sur Lecin auprès de son père, qui soigne les pauvres Beagle le 27 décembre 1831, un navire en par tance pour cartographier les côtes d'Amériquedu Shropshire, en Angleterre. À l'automne de du Sud. Le bateau part de Plymouth et fait routela même année, il part en Écosse, à l'université à travers l'Atlantique jusqu'au Brésil, puis ild'Édimbourg poury étudier la médecine, pressé continue par étapes vers le sud pour doubler le Cap Horn et remonter le long des côtes dupar l'influence familiale. Les cours l'ennuient et Pacifique. Ensuite par les îles de la Société et lala brutalité de la chirurgie de l'époque le révolte. Nouvelle-Zélande, Le Beagle atteint l'Australie,Il délaisse rapidement ses études et finit même puis continue vers l'océan Indien, retraversepar les abandonner définitivement après deux l'Atlantique et rejoint son point de départ. Leans. En 1827, il change de voie et commence à voyage aura presque duré cinq ans. Darwin n'aétudier la théologie à Cambridge pour devenirpasteur. Peu intéressé par les cours il continuede se passionner pour la diversité des formes de - 14-

tk CHAK1.E5 K. DARWIN ESD., K.R.S.Les travaux de Darwin sur l'évolution des espèces vivantes ont révolutionné la biologie.que 21 ans à l'époque où il embarque pour cette mais il va surtout collectionner les spécimensexpédition. Il fait partie intégrante de la mission, et les fossiles des espèces qu'il va rencontrer.mais son rôle n'est pas fondamental : il est recruté Animé d'une passion profonde pour les sciencessans rétribution et avec une qualification très naturelles, Darwin recueille une énorme quantitémodeste. Darwin est responsable de recueillir de données scientifiques qu'il envoie au fur et àet de conserver les animaux, les plantes et les mesure au British Muséum. Il consigne également toutes ses expériences dans un journal qui estroches des terres lointaines des côtes afin de publié peu de temps après son retour. Ce voyagemieux les connaître. Durant le voyage, il étudie va véritablement conditionner les découvertesla géologie des îles et des continents abordés.

LES PERES DE L'EVOLUTIONde Darwin, et le conduira, 28 ans plus tard, à l'évolution. Il fait ensuite une autre découvertepublier son célèbre ouvrage L'Origine des espèces (1859), dans lequel est tracée pour la première en étudiant le développement des embryons. Ilfois de façon globale, détaillée et compréhensible remarque que l'embryon de serpent présente desla théorie de l'évolution biologique. ébauches de pattes et en conclut que le serpent descend probablement d'un animal à pattes. De laLa descendance avec modification même manière, chez l'embryon humain, commeC'est surtout dans les îles Galapagos, en 1835, chez ceux des poissons, on remarque des fentesque ses observations l'amènent à élaborer l'ébau qui donneront les osselets de l'oreille moyenneche de sa théorie. Il remarque que les oiseaux chez l'homme et les ouïes chez les poissons.retrouvés sur plusieurs îles très proches les unes Darwin trouve une raison à l'incroyable diverdes autres présentent des différences notables. sité du vivant : à partir d'un ancêtre commun,Tous les oiseaux qu'il a pu découvrir et qu'il a les espèces peuvent évoluer et changer radicarapportés de son voyage sont en fait issus d'un lement. Ce gain, ou cette perte de caractérismême groupe. Treize espèces de pinsons sont tiques, Darwin l'appelle la descendance avecainsi identifiées, qui en apparence sont très dif modification. En introduisant ce concept, Darwinférentes, spécialement au niveau de leur bec.Certains ont des becs allongés et fins, d'autres donne une tout autre vision de la classificationont des becs larges, d'autres encore ont des becsconiques. Darwin découvrira plus tard que, selon naturelle. Il développe l'idée d'un arbre de viel'île sur laquelle ils vivent, les pinsons se sont qui relie toutes les espèces. La structuration dediversifiés et adaptés à différentes sortes de nour la biodiversité actuelle n'est que le résultat d'uneriture. Lors de son voyage en Amérique du Sud, longue histoire, il ne peut y avoir qu'une seuleDarwin trouve aussi des fossiles de grands tatous classification naturelle puisqu'il n'y a qu'uneet de paresseux. Il constate que si les espècessont encore présentes, elles ont beaucoup dimi seule histoire de la vie sur terre.nué de taille. La théorie de la sélection naturelle Reste à Darwin de trouver la réponse à une quesDès son retour en Angleterre en 1836, Charles tion : Pourquoi les êtres vivants changent-ils ?Darwin étudie tous les spécimens rapportés, les Pendant qu'il continue ses recherches à Londres,rapproche, et commence à élaborer sa théorie de Darwin s'intéresse à VEssai sur le principe de population de Thomas Malthus. L'auteur y expli que notamment qu'en raison du taux de natalité. 16-

' -V'C'est en étudiant la faune des Galapagos que Darwin ébauche sa théorie de l'évolution. 17

LES PERES DE L'EVOLUTIONla population humaine peut doubler tous les Sa théorie est exposée de façon simple dans25 ans, mais que, dans la pratique, cette crois l'introduction. « Comme il naît beaucoup plussance est freinée par la mort, la maladie, les d'individus de chaque espèce qu'il n'en peutguerres et la famine. Darwin comprend que cela survivre, et que, par conséquent, il se produits'applique aussi au conflit entre les espèces, à la souvent une lutte pour la vie, il s'ensuit que toutlutte pour la vie parmi les animaux sauvages, et être, s'il varie, même légèrement, d'une manièreque c'est là la raison pour laquelle les effectifs qui lui est profitable, dans les conditions comd'une espèce demeurent relativement stables. plexes et quelquefois variables de la vie, auraComme les espèces se reproduisent toujours une meilleure chance pour survivre et ainsiplus qu'il n'y a de ressources disponibles, les se retrouvera choisi d'une façon naturelle. Envariations favorables rendent les organismes raison du principe dominant de l'hérédité, toutequi en sont porteurs plus aptes à survivre et àtransmettre ces variations à leur progéniture, variété ainsi choisie aura tendance à se multitandis que les variations défavorables finissent par disparaître. S'ensuit la formation de plier sous sa forme nouvelle et modifiée. »nouvelles espèces. Ainsi la nature, véritablechamp de bataille, est en fait un procédé créatif, Darwîïî^ un géeie controverséceux qui survivent sont ceux qui sont le plusadaptés à leur environnement. Le principe de la Avant que ne soit formulée la théorie de l'évo lution au moyen de la sélection naturelle, ilsélection naturelle est né, la clé de l'évolution n'existe encore aucune idée précise sur les oriet de la création de nouvelles espèces. Darwin gines du monde vivant. On se limite à affirmerprésente ses résultats en publiant Sur Vorigine que le monde a dû être créé par Dieu. Dès sades espèces au moyen de la sélection naturelle, sortie, son livre provoque une controverse queou la Préservation des races les meilleures dans Darwin suit de près, conservant les coupures dela lutte pour la vie, titre d'habitude raccourci presse avec les recensions, les articles, les raillesous la forme L'Origine des espèces. L'ouvrage ries, les parodies et les caricatures. L'évolutionrencontre auprès du public un succès inattendu. par la sélection naturelle est largement discuLe tirage entier de 1 250 exemplaires est déjà tée, voire dénigrée, particulièrement dans lesréservé quand il est mis en vente chez les librai communautés religieuses et scientifiques. Les critiques hostiles ont très tôt fait de tirer lesres le 22 novembre 1859. conséquences qui ne sont pas exprimées, comme le fait que les hommes descendent des singes. - 18 -

Pourtant, dans L'Origine des espèces, Darwin À RETENIRne parle pas des origines de l'homme. Dansl'ouvrage, sa seule allusion à l'évolution chez I Le.sétudes de Darwin sont chaotiques. Peu intéressél'homme est l'affirmation que « des lumiè par les cours, il se passionne pour la diversité des forres seront jetées sur l'origine de l'homme et mes de vie et développe des connaissances basiqttes en médecine, théologie et en sciences naturelles.son histoire ». Il évite ainsi le mot évolution, • En 1831, il obtient une place sur Le Beagle, commecontroversé à l'époque, mais à la fin du livre accompagnateur pour une durée de 5 ans. Pendant leil conclut que « des formes sans cesse plus voyage, il étudie la géologie des îles et des continents,belles et plus admirables ont été élaborées et mais il va surtout collectionner les spécimens et lescontinuent à l'être ». Le public confond les fossiles des espèces qu'il rencontre.idées exprimées dans le livre de Darwin aveccelles de Lamarck, qui cinquante ans aupara I C'est dans les îles Galapagos que ses observationsvant a avancé l'idée que les hommes descendent des singes. Bien que Darwin soit soutenu le conduisent vers sa théorie de l'évolution. Une mêmepar certains scientifiques, d'autres hésitentà accepter sa théorie à cause de la capacité espèce retrouvée sur plusieurs îles présente des difinexpliquée des individus à transmettre leurs férences notables. Le cas des pinsons est un exemplespécificités à leurs descendants. de ces évolutions : suivant le lieu, le bec s'est adapteCharles Darwin est indubitablement l'homme à différentes sortes de nourriture.qui a apporté le plus à la compréhension de I II développe la théorie de la sélection naturelle dansl'évolution, et le premier à avoir expliqué L'Origine des espèces, livre paru en 1859 : les caïuctè- res qui favorisent la survie et la reproduction voient leurl'infinie variétés des formes de vie. Mais il sait fréquence s'accroître d'une génération à l'autre.que sa thèse présente des lacunes. La princi > Les réactions sont contrastées, il trouve peu de parpale est que ses recherches sont incomplètes : tisans de sa théorie, mais beaucoup de détracteurs,il ne sait pas ce qui se passe dans l'organisme en particulier dans les communautés religieuse etd'un être vivant pour qu'il change. Il fau scientifique.dra encore attendre plusieurs décennies pourapporter les premiers éléments de réponses,avec la découverte du support de l'informationgénétique, l'ADN. 19 -

LES PERES DE L'EVOLUTIONMendel, père de la génétiqueGregor Mendel est communément reconnu comme le père fondateur de lagénétique. II est à l'origine de ce qui est aujourd'hui appelé les Lois de Mendel,qui définissent la manière dont les gènes se transmettent de générationen génération. a théorie actuelle de l'hérédité s'est rattaché à la Société d'agriculture. Il comporte, outre une bibliothèque fournie, un jardin botani développée à l'aube du xx® siècle, grâce que qui revêtira plus tard une importance capitale. aux travaux de celui qui est considéré Mendel consacre tout son temps libre à l'étudeaujourd'hui comme le père de la génétique, des sciences naturelles. Il est ordonné prêtre enGregor Johann Mendel. Mais celui-ci ne connaîtra 1847. Parallèlement, il assure des enseignementspas l'acceptation de ses théories de son vivant, scientifiques dans les collèges et lycées des envielles ne seront validées par d'autres scientifiques rons, mais rechigne aux tâches pastorales.que des années après sa mort. Mendel suit de nouveaux cours en 1851 pour compléter ses connaissances. Il étudie la botaUn scientifique complet nique, la physiologie végétale, l'entomologie, la paléontologie. Durant deux années, il acquiertNé en 1822 en Moravie (partie orientale de la toutes les bases méthodologiques qui lui perRépublique tchèque), Mendel est issu d'une mettront de réaliser plus tard ses expériences.famille de paysans. Bon élève durant son enfance Au cours de son séjour à Vienne, Mendel estet son adolescence, il rejoint en 1840 l'Institut amené à s'intéresser aux théories de Franz Unger,de philosophie d'Olmutz afin d'y suivre deux son professeur de physiologie végétale. Celui-ciannées préparatoires à l'entrée à l'Université. préconise l'étude expérimentale pour comprendreEn septembre 1843, à l'âge de 21 ans, il rentre l'apparition des caractères nouveaux chez lesau monastère de Saint-Thomas, où il prend le végétaux au cours de générations successives.prénom de Gregor. Ce monastère est un centred'études en sciences naturelles et agronomiques -20-

Gregor Mendel a posé les bases de la génétique et de l'hérédité par la transmission des caractères.Mendel espère ainsi résoudre le problème que de ces croisements et Mendel, comme nombre depose l'hybridation chez les végétaux. chercheurs de l'époque, s'est attaché à essayer deLes travaux sur le pois résoudre ce problème de stabilité. De retour au monastère de Briinn, il installe un jardin expéDans tout l'Empire austro-hongrois et dans lamajeure partie de l'Europe en plein essor industriel rimental dans la cour et dans la serre et met suret agricole, les agronomes, appelés alors hybri- pied un plan d'expériences visant à expliquer lesdeurs, sont à la recherche de nouvelles variétés. Le lois de l'origine et de la formation des hybrides. Ilproblème d'alors est la stabilité des hybrides issus choisit pour cela le pois {Pisum sativum), plantes à fleurs dont la reproduction naturelle se fait par - 21 -

LES PERES DE L'EVOLUTIONautofécondation, permettant de contrôler Thybri- Mendel découvre les lois de l'héréditédation et de produire rapidement un grand nombre Il va donc croiser des milliers de plants de pois. Cette vision statistique du monde qui l'entourede descendants. Pendant une dizaine d'années, est novatrice en biologie, mais elle paraît insolite à l'époque dans les milieux scientifiques. AprèsMendel va planter des milliers de plants de pois, dix années de travaux minutieux, Mendel posedont il étudie scrupuleusement les caractères. Il alors les bases théoriques de la génétique et deexpose et publie les résultats de ces études en l'hérédité moderne. Lors de ces expérimentations1866 dans un article intitulé Expériences sur les sur les pois, Mendel découvre que le croisehybrides végétaux. ment entre une lignée de pois à graines lisses et de pois à graines ridées donne uniquement desAu début du xix® siècle, tous les chercheurs en pois hybrides à graines lisses en génération Fl.biologie végétale sont des hybrideurs. Leurs tra Cela exprime le fait que tous les individus devaux répondent à des motivations économiques cette première génération ont le même aspect extérieur. C'est la première loi de Mendel, oùpour nourrir l'Europe, mais aussi scientifiques la Loi d'uniformité des hybrides de premièrepour étudier expérimentalement les limites de génération.la fixité et de la variabilité des espèces. Avant Mais lorsqu'on croise entre eux des pois de généMendel, les travaux réalisés pour comprendre ration Fl, les pois à graines ridées réapparaissent à la génération suivante (F2). Ce fait est déjàles mécanismes de l'hérédité sont des échecs. remarqué avant 1850 par plusieurs scientifiques, mais il est dans un premier temps mal interprété.Les hybrideurs croisent des variétés présentant L'idée de ces chercheurs est plutôt celle d'une tendance naturelle au retour vers les espècesdes caractères différents et choisissent dans la fixes originelles. Mendel a une approche dif férente. Il pense que la variation de l'aspect dedescendance ceux qui correspondent le mieux la graine dépend d'une cause simple : un facaux caractères désirés. Mais ces procédures, très teur engendrant le caractère lisse dans certainesrecourues en sélection depuis l'origine préhistori conditions, l'autre facteur engendrant le caractèreque de l'élevage et de l'agriculture, ne permettentpas de prévoir les résultats et donc l'énoncé de ridé dans d'autres conditions. Si le caractère ridélois. L'ensemble de la communauté scientifiquede l'époque soutient le modèle de l'hérédité parmélange, où les caractères possédés par un individu sont intermédiaires entre ceux de ses deuxparents. L'objectif de Mendel est de trouver deslois générales permettant d'expliquer les observations déjà réalisées par les hybrideurs. -22-

Étamine (mâle) Lignée parente X yyCarpelle (femelle) YY \/ Graine lisse ou ridée Génération F1 Yy Yy Graine verte ou Jaune Génération F2 \/ YY— Yy Yy yy Tableau de croisement Fleur violette ou blancheFleurs en position Fleurs en position axiale terminaleUne expérience de monohybridisme réalisée par Mendel pour comprendre la transmission des caractères. - 23

LES PERES DE L'EVOLUTIONréapparaît, c'est donc que le facteur du caractère (Fl) et leurs descendants (F2). Si l'on croiseridé n'a pas disparu chez les hybrides Fl, mais des lignées pures différant par deux caractèresque son effet était masqué par le facteur graine (polyhybridisme), chacun de ces caractères selisse. Implicitement Mendel vient de concep comporte de façon indépendante vis-à-vis de l'autre. Ainsi, pour un croisement impliquanttualiser la notion de caractère dominant et de deux caractères, les proportions en génération F2 sont de 9, 3, 3 et 1.caractère récessif dans les gènes. Plus impor Mendel en déduit sa troisième loi, ou Loi detante est sa déduction issue du comptage des l'indépendance des couples de caractères. Sipois de différentes couleurs dans la descendance l'on croise deux individus de races pures quides hybrides. De cette proportion de 75 % de diffèrent par plusieurs caractères, on constatepois jaunes et de 25 % de pois verts, Mendel que ces caractères sont, dans les générationsen déduit que toute cellule sexuelle (gamète) suivantes, hérités de façon indépendante lesne contient qu'un seul des facteurs (facteur uns des autres, et se retrouvent associés en F2lisse ou ridé). Les hybrides Y/y croisés entreeux produisent des gamètes Y ou des gamètes y comme s'ils avaient été distribués au hasard.qui se combineront pour donner V4 de Y/Y, Vi deY/y et Va de y/y. Ceci suppose implicitement Les différents couples de caractères sont doncque cette ségrégation des caractères est aléa indépendants les uns des autres. La disjonctiontoire. C'est la seconde loi de Mendel, ou Loi de se fait d'une manière indépendante pour lesdisjonction des caractères : chaque gamète ne différents couples de caractères.contient toujours qu'un seul facteur héréditairepour un caractère donné, c'est-à-dire une seule Les principes de l'analyseversion de chaque gène. génétiqueMendel va aller encore plus loin et étudie deprès des couples de caractères morphologi Malgré une énorme somme de recherches, lesques opposés chez le pois : aspect de la graine, travaux de Mendel ne font pas l'unanimité lorscouleur de ses cotylédons, couleur des fleurs, de leur publication. Gregor Mendel termine saforme de la gousse mûre... Mendel ne réalise vie dans l'indifférence complète de ses contemque des croisements où seuls deux caractères porains, notamment celle de Charles Darwin quidiffèrent. Il observe la répartition de ces carac ne fait pas le rapprochement entre les travauxtères chez les hybrides de première génération de Mendel et l'explication des variations indivi duelles au sein d'une même espèce, explication - 24 -

dont l'absence fait cruellement défaut à sa À RETENIRthéorie sur l'évolution. L'ensemble des archi • Johann Gregor Mendel (.1822-1884), botaniste tchèque, est reconnu comrhe le père fondateur de laves de Gregor Mendel est même brûlé par son génétique. Il est à 1 origine des lois qui définissent lasuccesseur au monastère, quelques jours à manière dont les gènes se transmettent de générationpeine après sa mort.Au début du xx\" siècle, le Néerlandais Hugo en génération.de Vries, l'Allemand Cari Erich Correns et • Première loi de Mendel : lorsqu'on croise deux racesl'Autrichien Erich von Tschermak, chacun pures différant l'une de l'autre par un ou plusieursengagé dans sa recherche propre, avec sa pers caractères, les hybrides obtenus en première généra tion (F 1) sont ton emblablés entre eux. La premièrepective propre, redécouvrent de façon indépen génération d'hybrides est homogène.dante les lois de l'hérédité, et reconnaissent I Deuxième loi : la génération F2, obtenue en croisanttous trois en Mendel leur découvreur. Cette entre eux les hybrides de la première génération, est hétérogène. Cette hétérogénéité traduit une ségrégationreconnaissance tardive (près de 35 ans après des caractères. Il en résulte que les gamètes sont purs,la publication de Mendel) aurait été mise en ils ne portent qu'un seul allèle de chaque gène. C'estavant afin de n'accorder aucune prééminence la loi de la ségrégation des caractères.à l'un des trois botanistes qui ont publié presque simultanément sur le même sujet. William • Troisième loi dite Loi de l'indépendance des couBateson en Angleterre et Lucien Cuénot en ples de caractères : quand on croise deux individus de races pures qui diffèrent par plusieurs caractères,France étendent les lois mendéliennes aux on constate que ces caractères sont hérités dans les générations suivantes de façon indépendante les unsespèces animales. Le botaniste Wilhelm des autres. Les différents couples de caractères (gènes)Johannsen remplace le terme de facteur par sont indépendants les uns des autres.celui de gène en 1909 et propose les définitions de génotype (ensemble des gènes) et de •ifcstï'iphénotype (ensemble de caractères). Batesoninvente également le terme de génétique pourqualifier la théorie mendélienne de l'hérédité.Grâce aux travaux de Mendel, les principesde l'analyse génétique sont posés et l'héritagemendélien va fondamentalement transformerles sciences de la vie au xx'' siècle. - 25

GENETIQUE ET EVOLUTIONLa molécule d'ADNL'ADN contient, sous forme codée, toutes les informations relatives à la vie d'unorganisme vivant, du plus simple au plus complexe, animal, végétal, bactérienou viral. Retour sur ses caractéristiques, pour bien comprendre en quoi sa structurepermet l'évolution des êtres vivants. idée d'une transmission physique des se basent uniquement sur l'observation de carac caractéristiques des parents lors de tères visibles sur des croisements, puis l'étude la reproduction remonte à plusieurs du génome se développe dès le premier quart dumilliers d'années. Dans divers écrits de l'Anti xx\" siècle. Les découvertes du rôle des chromoquité, on retrouve cette notion de ressemblance somes dans l'hérédité, et du fait qu'ils portent lesentre parents et descendants. Les connaissances gènes, datent respectivement de 1903 et 1910.et les idées sur le sujet ont été appliquées depuis L'homme découvre que des régions spécifiquesplusieurs millénaires dans l'agriculture et l'éle sur les chromosomes, indépendantes les unes desvage pour isoler les traits désirables et s'assurer autres, codent pour des informations différentes.qu'ils seront présents à la génération suivante. Le support physique de l'hérédité n'est pas misCependant, le moyen de cette transmission, de à jour jusqu'à la découverte de la structure demême que la part respective des deux parents,sont discutés Jusqu'à la fin du xix'= siècle. I'ADN en 1953. C'est au laboratoire CavendishLa découverte de i'ADN de Cambridge qu'est établie la structure en doubleLes études de Gregor Mendel sur l'hérédité des hélice de I'ADN. La découverte est publiée danscaractères chez les pois, publiés en 1865, posent la revue scientifique Nature, le 25 avril 1953. Onles bases de ce qui est appelé par la suite les Loisde l'hérédité mendélienne. Les premiers travaux doit cette découverte à James Watson et Francis Crick, qui reçoivent tous deux le prix Nobel de physiologie et de médecine, le 31 octobre 1962. L'homme comprend alors que ce qui constitue les - 26

La molécule d'ADN sert de support à l'information génétique chez les êtres vivants.êtres vivants est déterminé par la molécule d'ADN, vivants, qu'il s'agisse d'un animal, d'un végétal,l'acide désoxyribonucléique. Cette molécule, quiforme les chromosomes, est présente dans toutes d'un virus ou d'une bactérie. L'ADN est uneles cellules vivantes et porte des gènes qui codentchacun pour le développement. molécule allongée, pouvant mesurer plusieurs centimètres de long, mais son aspect généralLa structure de l'ADN peut varier selon l'organisme ou l'état de la cellule. L'ADN peut être en forme condenséeL'ADN est la molécule de l'hérédité. Elle contient (sous la forme de chromosomes) ou déconden sée, linéaire, ou circulaire. Chez les procaryotestoutes les informations relatives aux organismes (les organismes unicellulaires sans noyau), tels 27 -

GÉNÉTIQUE ET EVOLUTIONque les bactéries, l'ADN est en général présent nucléotide. Dans l'ADN, les nucléotides sont reliés entre eux selon une certaine séquence.sous la forme d'un seul chromosome circulaire Pour fabriquer un brin d'ADN, il suffit donc d'enchaîner des nucléotides en les reliant parsuperenroulé (à la manière d'un fil enroulé sur des liaisons appelées liaisons fortes.lui-même). Chez les eucaryotes (cellules possé L'ADN est composé de deux brins se faisant facedant un noyau), l'ADN est présent dans le noyau et formant une double hélice. Ceci est possiblecellulaire. Il est linéaire et scindé en plusieurs car les nucléotides trouvés dans un brin possèdent des nucléotides complémentaires avec lesquelsmolécules d'ADN formant des chromosomes. Il ils peuvent interagir par des liaisons hydrogènes (liaisons faibles). Il y a deux liaisons hydrogènesest plus ou moins compacté au cours du tempset associé à des protéines appelées les histones. entre A et T et trois entre C et G. En face d'uneCertaines molécules d'ADN spécifiques se trouvent aussi dans les mitochondries (les organites adénine, il y a toujours une thymine ; en faceprésents dans les cellules qui synthétisent de d'une cytosine, il y a toujours une guanine. Onl'énergie) et les chloroplastes (les organites des a donc les interactions possibles suivantes : A-T,algues et végétaux qui réalisent la photosyn T-A et G-C, C-G. Grâce à l'alternance des quatrethèse). Dans les mitochondries et les chloroplas bases azotées A, C, T, G, toutes ces séquencestes, l'ADN peut prendre de nombreuses formes : constituent un message codé, portant les informa tions génétiques. En effet, l'ordre, la nature et lecirculaire, linéaire ou encore ramifiée.L'ADN est composé d'une succession, ou nombre des nucléotides déterminent l'informationséquence, de nucléotides. Chacun de ces nucléo- génétique. Le lien entre l'information génétique et les caractères de l'organisme (le phénotype)tides est constitué de trois éléments liés entre est gouverné par le code génétique.eux : un groupe phosphate est lié à un sucre, le L'ADN porte l'informatioe génétiquedésoxyribose, qui est lui-même lié à une baseazotée. Il existe quatre bases azotées différentes : Même si, pour les procaryotes et les eucaryol'adénine (notée A), la thymine (notée T), la tes, l'ADN ne présente pas la même forme, ilcytosine (notée C) et la guanine (notée G). Chez renferme dans les deux cas l'information génél'homme, dans l'ensemble des vingt-trois paires tique, des zones de l'ADN appelées gènes quide chromosomes, on décompte approximative codent pour la fabrication des protéines. Lorsquement trois milliards de bases azotées. Chaquebase est donc fixée sur un désoxyribose, lié àun ou plusieurs phosphates, pour former un -28-

LA CELLULEcytoplasme chromosomesnoyau organites cytoplasmiquesmembraneplasmique y double hélice d'ADN nucléotidesChez les eucaryotes, l'ADN se concentre dans le noyau de la cellule et forme les chromosomes. - 29 -

GENETIQUE ET EVOLUTIONla cellule a besoin de protéines (par exemple, nucléotides, pour assembler les acides aminésdes protéines de structure lors de sa division, correspondants. Ces acides aminés s'organisentou des enzymes pour fabriquer les molécules ensuite dans l'espace pour faire une protéine.dont elle a besoin pour fonctionner), elle va Le code génétique détermine ainsi la correstranscrire, c'est-à-dire recopier, une partie de pondance entre les séquences de nucléotidesses gènes sous forme d'une molécule appelée de l'ADN et les séquences en acides aminésARN messager (ARNm ou acide ribonucléique des protéines. Par exemple la succession desmessager). Celui-ci porte alors la même information que la séquence d'ADN. L'existence de nucléotides CTC induit l'acide aminé leucine,r ARNm a été démontrée par Jacques Monod etses collaborateurs, ce qui lui vaut le prix Nobel le triplet AGA induit l'arginine.de médecine en 1965. Ce mécanisme qu'onappelle la transcription, est l'une des grandes L'ADN, la molécule de l'hérédîtédécouvertes de la biologie de la seconde moitiédu XX® siècle. C'est un processus hautement Malgré les liaisons fortes et la complémentaritérégulé, notamment grâce à des protéines appe des bases azotées qui assurent la stabilité delées facteurs de transcription. Une dérégulation l'information génétique au cours des réplica- tions, la séquence d'un ADN peut se modifier. Lades mécanismes de contrôle et la machinerie molécule d'ADN n'est pas infaillible, des modi fications peuvent y apparaître, qui influent surs'emballe, les ARN sont transcrits de manière notre organisme. Si la modification se fait surdésordonnée, les protéines sont présentes en un ou quelques nucléotides on parle de mutation.excès, entraînant un fonctionnement aberrant des Les mutations peuvent être aussi favorisées oucellules, un fonctionnement cancéreux. En effet, induites par certains agents de l'environnement,dans un grand nombre de cancers, la transcrip appelés facteurs mutagènes (radioactivité, ultration de certains gènes est altérée, ce qui entraîne violet...). Le changement d'un seul nucléotideun dérèglement total de la cellule qui se divise de l'ADN peut avoir des effets muets sur l'inactivement et de façon désordonnée. dividu, comme il peut avoir des conséquencesAprès la transcription intervient la traduction. qui vont bouleverser son organisme.L'ARNm est traduit en protéine par des organites Il existe deux types de divisions cellulaires danscellulaires appelés ribosomes. Ces ribosomes le monde vivant, au cours desquelles l'ADN estvont décoder l'ARNm, en lisant les triplets de à chaque fois transmis des cellules mères aux cellules filles. La mitose assure la naissance de 30

cellules identiques à la cellule mère lors de À RETENIRla multiplication asexuée. C'est le mécanismequi permet aux êtres vivants de renouveler > L'acide désoxyribonucléiqueou ADN est la moléculeleurs cellules, leurs tissus, en d'autres termes qui sert de suppoir de 1 information génétique chez lesde se développer. L'autre division cellulaireest la méiose, qui aboutit à la production de êtres vivants. Cette macromolécule est constituée de deuxcellules sexuelles, ou gamètes, pour la reproduction. Avant chaque division cellulaire, la brins qui s'enroulentl'un autourdel'autie, le tout fonnantmolécule d'ADN est dupliquée en deux molé une stnjcture caracie iq e en double hélice.cules d'ADN filles identiques. Cela assure latransmission de l'information génétique lors I Chaque brin d'ADN est lui-même constitué d'unde la reproduction, c'est l'hérédité. Chacune énchaînenientde base azotée: l' adénine(Aj, la cytosine (C), la guanine (G) et la thymine (T) liées entre ellesde ces nouvelles molécules hérite d'un brin par des liaisons fortes.de la molécule d'ADN initiale ou ADN mère, > Certaines séquences de l'ADN sont porteuses d'unel'autre brin est synthétisé à partir de nucléo- information, c'est-à-dire qu'elles servent à définir unetides libres. On dit que c'est une réplication caractéristique biologique, physique ou physiologisemi-conservative. Sous l'influence de plu que (comme la couleur du poil chez la souris) : on lessieurs mécanismes dont les mutations, les appelle les genes.gamètes, créés par la méiose, peuvent êtretous différents, bien qu'ils descendent de la I Les cellules utilisent l'information génétique pourmême cellule. Cette différenciation joue un synthétiser des protéines, qui seront les molécules resrôle clef dans l'évolution des espèces. Cette ponsables d un caractère ou d'une propriété biologique.évolution moléculaire, un processus historique Une protéine est un enchaînement d'acides aminés. Leau cours duquel l'ADN accumule des change code génétique, commun à tous les être vivants, faitments générés par des événements aléatoires, correspondre un aroupenient de trois bases azotées àentraîne donc des modifications de propriétésde l'organisme qui, si elles sont favorables, un acide aminé.seront fixées par des processus sélectifs. C'est > L ADN est transmis de génération en générationla base de l'évolution de la vie depuis des au cours de la reproduction ; c est le support de l'hémillions d'années. rédité. 31 -

GENETIQUE ET EVOLUTIONLes facteurs d'évolutionEn l'espace de trois milliards d'années, un ancêtre commun à tous les êtres vivantsa engendré la diversité du vivant actuel. La capacité de la molécule d'ADNà accumuler et conserver les modifications au cours du temps est une des basesde cette incroyable évolution.Depuis la découverte de l'ADN, notre UADN e'est pas invariable compréhension de l'évolution et du développement des êtres vivants a Une mutation est héritée par les cellules issues deatteint un niveau que Darwin n'imaginait même la cellule initialement modifiée. Toutefois, celapas. L'ADN est le code du vivant et sa double n'implique pas que cette modification se main tienne au fil des générations. Chez un organismehélice contient toutes les informations de notre pluricellulaire à reproduction sexuée, comme chez l'homme et ses ancêtres, le changementdéveloppement. Les différents gènes, c'est-à- doit se produire dans une cellule reproductrice dedife la succession de nucléotides codant pour la l'individu pour être héritée par ses descendants.synthèse de protéines, vont ainsi déterminer la Lorsque les modifications accidentelles affectentcouleur de nos yeux, et toutes les autres carac les gamètes, c'est-à-dire les spermatozoïdes ettéristiques qui nous rendent uniques. Mais si sa les ovules, elles peuvent être transmises à lastructure en double hélice confère à l'ADN une descendance et donner naissance à des individusremarquable stabilité, une autre propriété fonda porteurs d'allèles (forme d'un gène) nouveaux.mentale de l'ADN est qu'il n'est pas invariable. En revanche, si c'est une cellule somatique (cel lule qui n'est pas à l'origine des gamètes) qui estOn décrit en effet de nombreuses altérations de la mutée, la modification n'affectera que l'individu, et non sa descendance. Elle pourra dans certainsséquence des nucléotides. Ce sont les mutations cas engendrer des cancers. Dans une perspectiveet les événements de recombinaison qui sont àl'origine des variations observées dans la naturepar Darwin. -32-

Par suite d'une mutation de l'ADN, un gène peut être porteur d'une information génétique nouvelle.évolutive, une mutation somatique n'a pas d'ave le nombre de gamètes mutés atteint les 7 000.nir et disparaît avec l'individu qui la porte, les Le phénomène est donc loin d'être négligeablemutations germinales sont en revanche sources au niveau d'une population, et encore moins surde nouveauté. La mutation est un événement rare des millions d'années d'évolution.au niveau du gène, mais chez l'homme, le risque Ces mutations dues à des erreurs de réplicationrapporté à l'ensemble du génome est multiplié par ou à des facteurs externes vont produire de la25 000, c'est-à-dire le nombre de gènes que nous diversité, pour autant que les cellules et les indipossédons. Chez l'homme, un éjaculât comporteen moyenne 350 millions de spermatozoïdes, et vidus mutants soient viables dans les conditions de leur environnement. - 33

GENETIQUE ET EVOLUTIONDifféreets types de metations notion de mutation à un caractère défavorableLes mutations géniques concernent des séquen est fausse. Une mutation peut être silencieuse,ces relativement courtes, dont la longueur est c'est-à-dire qu'elle n'aura pas de conséquencesinférieure à celle d'un gène. Elles peuvent sur l'organisme porteur, et même favorable dansaffecter la partie transcrite ou les séquences certains cas. C'est la base de l'évolution, où lesrégulatrices des gènes. Différents types de muta organismes mutants sont avantagés et survivent dans des conditions devenues néfastes pour lestions existent. Les substitutions consistent en organismes non mutants. Dans certains cas rares, les mutations peuventun remplacement d'une paire de nucléotides apporter à la fois un caractère néfaste et un autrepar une autre. Les insertions consistent en un plus positif. C'est l'exemple de la drépanocytoseajout d'une paire ou d'une séquence nucléo- chez l'homme, une maladie héréditaire du sangtidique de longueur variable. Les délétions, à caractérisée par une mutation de l'hémoglobine,l'inverse, ont pour résultat la disparition d'une et qui se traduit par une grave anémie chronique.paire ou d'une séquence nucléotidique. Une Normalement cette mutation aurait dû disparaîsource importante de mutations spontanées est tre mais elle est encore très présente dans difla réplication elle-même. Chez les organismes férentes zones du globe, notamment en Afriqueactuels, la précision de la réplication de l'ADN équatoriale et aux Antilles. Le grand nombre deest étonnante et s'explique par la présence de sujets atteints dans ces régions s'explique par lemécanismes de correction. Cependant malgré fait que les sujets hétérozygotes (n'ayant héritéces mécanismes correctifs, des erreurs d'in la maladie que d'un seul parent et ne possédantcorporation peuvent subsister. Si le mésappa- donc qu'un gène muté sur deux) sont protégés duriement n'est pas corrigé avant la réplication paludisme. Ainsi cette mutation subsiste car ellesuivante, une mutation, résultant de la substi présente un intérêt pour les individus porteurs.tution d'un nucléotide par un autre, sera fixée. La drépanocytose transmise par un seul desIl est probable que dans les cellules primitives, parents, dite hétérozygote, est asymptomatique :et même chez les organismes multicellulai le sujet est porteur du gène mais ne développeres ancestraux, le taux d'erreur est beaucoup pas la maladie. La drépanocytose transmise parplus élevé que chez les organismes actuels. La les deux parents (forme homozygote) constitue la forme la plus grave.diversification résultant de ces mutations aurapermis la colonisation progressive de différentesniches écologiques. L'idée reçue qui associe la -34

Divers facteurs extérieurs, dont les ultraviolets, augmentent la fréquence des mutations. 35 -

GENETIQUE ET EVOLUTIONLes mutatioES favorisées gènes est moindre. La duplication de séquences génomiques offre la possibilité d'accumuler lespar l'enviroEnement modifications dans l'une des copies, qui peut acquérir ainsi une nouvelle fonction, tout enIndépendamment des erreurs de réplication, des préservant la fonction assurée par l'autre copie.modifications chimiques spontanées peuvent se Si la nouvelle fonction n'est pas défavorable,produire dans l'ADN. Les agents mutagènes et si elle avantage la cellule ou l'organisme quiaugmentent significativement le taux de muta en est porteur, le génome mutant se perpétueration. Au vu des sources de mutation, il appa et le processus de duplication-divergence seraît que les conditions qui régnent au début de poursuivra. Des organismes de plus en plusl'histoire de la vie, en particulier l'impact desrayonnements, plus importants qu'aujourd'hui divers vont ainsi cohabiter dans un même envien raison d'une couche d'ozone moins protectrice, sont propices à l'accumulation de muta ronnement. Toutefois, diversité et nouveautétions dans les cellules primitives. sont-elles synonymes ? Et si non, en quoi laAinsi, des agressions chimiques et physiques, diversité contribue-t-elle tout de même à l'apcomme celles causées par les rayons ultravio parition de la nouveauté ?lets, perturbent l'intégrité du matériel génétiqueen altérant une base nucléique, en modifiant Uapparition de lîoevelles espècesl'emplacement entre les paires de base, ou enprovoquant des cassures des filaments d'ADN. Sur un plan évolutif, la diversification consisteIl en résulte des modifications du message génétique. Des phénomènes plus importants ont à broder sur un même thème sans introduire deégalement lieu dans le génome des individus.Certaines parties sont dupliquées, c'est-à-dire réelle innovation. La nouveauté correspond enqu'elles existent en double dans le patrimoine revanche à l'apparition d'une différence qu'ongénétique de l'organisme. Cette duplication ne peut plus considérer comme une variante depeut procurer un avantage sur le plan évolutif. ce qui existe déjà. L'apparition d'une nouvelleDans une cellule où certains gènes assurant espèce est un exemple de nouveauté manifeste.des fonctions essentielles existent en plusieurs Dans la définition biologique de l'espèce, le criexemplaires, le risque qu'une mutation entraîne tère déterminant est l'interfécondité, c'est-à-direla mort cellulaire par l'inactivation d'un de ces la possibilité d'obtenir, par croisement de deux individus, une descendance fertile. Par consé quent, une espèce est assimilable à un ensemble de gènes qui sont transmis de génération en -36-

génération. La spéciation résulte-t-elle d'un RETENIRtype particulier de mutation ? Est-il nécessaire I L'ADN peut subir des changements, on parle'ded'accumuler de nombreuses mutations avant mutations : une base (A, T, C ou G) peut être remplacéequ'une nouvelle espèce apparaisse ? Des dif pm' uneautre (inversion), lineou plusieurs basespeuventférences géniques suffisent-elles à expliquer être rajoutées (insertion) ou enlevées (délétion).la spéciation, ou faut-il des remaniementsimportants des chromosomes, inversions, • Ces mutations peuvent avoir lieu au moment detranslocations, voire l'apparition ou la perte de la réplication de FADN ou être provoquées par deschromosomes ? L'étude des organismes actuels agentsextérieurs(rayonsUV, rayonnements radioactifs,a montré que toutes les situations existent. Des produitsjchimiques...). ;individus appartenant à des genres différentspeuvent présenter un nombre identique de !' > Une mutation a plusieurs effets : soit elle estneutre,chromosomes ; c'est le cas chez les primates,pour le chimpanzé, le gorille et l'orang-outan. soit elle est nefaste pour l'organisme et entraîne saOn connaît d'autres espèces de primates qui mort, soit elle est bénéfique.diffèrent par des inversions, des translocations I Si la séquence d ADN est modifiée de telle manièreou des fusions, avec ou sans modification que la cellule devientcapable de fabriquerune nouvelledu nombre de chromosomes ; c'est le cas de protéine et si cette modification apporte un avantagel'homme et du chimpanzé. Enfin, chez certains par rapport à l'environnement, cette cellule va se reproinsectes, on n'a détecté aucune différence duire plus efficacement que les autres. Ses descendants : Serontdè plus en plus nombreux.dans la structure et le nombre des chromoso • Àl'inverse, parfois les parents transmettent des gènesmes, des mutations géniques seraient seulesen cause dans la différenciation de ces espè mutés qui sont à l'origine de maladies génétiques.ces. Mutation, sélection et adaptation sont les ^L'environnement peut opérer une sélection naturelletrois mots-clés pour expliquer les processus des individus les plus aptes à survivre.évolutifs. La valeur évolutive d'une mutation • Les modifications peuvent s'accumuler à tel point que jela entraîne l'apparition d'une espèce nptxvelle.dépend des conditions de l'environnement.Plus généralement, l'isolement géographiquefacilite l'isolement reproductif et, par ce mécanisme, la naissance de nouvelles espèces. 37

GENETIQUE ET EVOLUTIONLa sélection naturelleEn publiant L'Origine des espèces, Charles Darwin révolutionne la théoriede l'évolution en proposant le mécanisme de sélection naturelle, fondé sur lareproduction différentielle des individus en fonction de leur capacité à survivre.La sélection naturele occupe une place sa théorie de l'évolution par la sélection natu capitale dans la théorie de l'évolution relle, il a par la suite grandement alimenté ses telle qu'elle est présentée par Darwin réflexions, notamment concernant l'origine desdans L'Origine des espèces (1859). Darwin part espèces ; la spéciation. Les îles Galapagos abridu constat que les êtres vivants produisent plus tent treize espèces différentes de pinsons apparde descendants qu'il ne peut en survivre. Mais les tenant à quatre genres qui se différencient parindividus n'ont pas tous les mêmes capacités pour la taille de leur corps, ainsi que par la forme et la taille de leur bec. Ces caractères présententfaire face aux contraintes de l'environnement. En une grande héritabilité d'une génération à la suivante, entre les parents et leur progéniture.conséquence ceux qui survivent et se reprodui Les scientifiques Peter et Rosemary Grant ontsent le doivent à des caractères avantageux. Ces suivi l'évolution sur trente ans des populations decaractères avantageux étant transmissibles, il peut pinsons sur l'île de Daphne Major et ont détectés'ensuivre une évolution des populations. sur cette période des événements sélectifs impor tants. La fin des années 1970 a été marquée parLa sélection naturelle une sécheresse importante sur l'île de Daphneet l'environnement Major, qui a coïncidé avec une sélection trèsUn des exemples les plus classiques de la sélec forte chez les individus à petit bec. Pour cestion naturelle, et sans doute le plus symbolique pinsons, la consommation de petites graines estdu travail de Darwin, est celui des pinsons des préférée quand celles-ci sont abondantes, alorsîles Galapagos. Bien que le cas de ces oiseauxne l'ait sans doute pas inspiré au départ pour 38 -

Geospiza magnirostris Geospiza fortisGeospiza parvula Certhidea olivaceaLes pinsons de Darwin ou pinsons des Galapagos sont un excellent exemple de sélection naturelle.qu'en cas de sécheresse ce type de graine est manne des graines de grande taille, ont survécuplus rare et la consommation de graines plus en plus grand nombre que les individus à petitgrosses, accessibles uniquement aux individus à bec, et se sont donc en moyenne plus reproduits,gros bec, est favorisée. L'épisode de sécheresse, ce qui a entraîné un déplacement du caractère àen causant la raréfaction des graines de petite la génération suivante.taille, a entraîné une mortalité plus importante D'autres études ont aussi démontré que, chezchez les individus à petit bec, ce qui a déplacé les pinsons, un caractère bénéfique dans certail'équilibre de la population vers les individus nes conditions peut être contre-sélectionné dansà gros bec. Ces individus, en bénéficiant de la d'autres. De cette façon, un autre événement de - 39

GENETIQUE ET EVOLUTIONsécheresse sur l'île de Daphne Major a entraîné dicte quel gène doit muter, mais bien le hasard.en 2004 une contre-sélection significative des C'est pour cela qu'on observe dans les populaindividus à gros bec, représentant une situation tions beaucoup de variations inadaptées au milieu de vie, par exemple les maladies génétiques rares.exactement contraire à celle des années 1970. Si un gène est altéré, il entraîne la cellule dans un dysfonctionnement qui peut se révéler, à toutL'explication de ce phénomène tient à la colo âge de la vie, avec l'expression d'une maladie.nisation de l'île en 1983 par une autre espèce Une erreur courante consiste à croire que lesde pinsons plus imposants avec un bec plus gros modifications génétiques sont une conséquenceet plus puissant encore, et dont l'alimentation de l'environnement, comme si ce qui entouraitconsiste quasi uniquement en la consomma l'individu influait sur son information génétique.tion de graines de grosse taille. En conditions En revanche l'environnement a bien le pouvoirnormales, la disponibilité en graines est suffi de cumuler les innovations, ce qui aboutit à dessante pour approvisionner les deux espèces. En adaptations complexes. C'est le principe de larevanche, en période de sécheresse, la pénurie sélection naturelle, un mécanisme qui expliqueen graines induit une compétition directe pour l'adaptation des espèces à leur milieu. Lorsqu'onles graines de grande taille entre les deux popu observe des espèces dans leur milieu de vie, elleslations. Cette compétition se fait au détriment semblent toutes y être profondément adaptées. Ledes oiseaux de l'espèce la plus petite et résulte long cou et les longues pattes de la girafe sont endonc en une importante mortalité chez ceux-ci. effet bien conçus pour attraper les feuilles hautesLes travaux réalisés sur les pinsons de Darwinaux îles Galapagos ont permis de montrer que des acacias des savanes africaines faiblementdes événements de sélection naturelle peuventêtre détectés à une échelle de temps relativement arborées. Certaines variations avantageuses danscourte sur des organismes complexes, et que ces un environnement donné peuvent a contrarioépisodes de sélection sont intimement corrélés devenir néfastes sous d'autres conditions.aux variations des conditions environnementales La sélection îiatorelle chez l'hommeet à l'interaction avec d'autres espèces. Chez l'homme, la couleur de la peau est une adaptation due à la sélection naturelle. En zonesLes espèces s'adaptent à leur milieu ensoleillées, les individus à la peau claire ont plus de risque de développer un cancer de laLes modifications génétiques sont totalementaléatoires. Ce n'est donc pas l'environnement qui -40-

\r*-^~ iù. \"- il \"-^^'S^ w % La queue majestueuse et la parade nuptiale du paon sont des produits de la sélection sexuelle. - 41

GÉNÉTIQUE ET EVOLUTIONpeau à cause des rayons ultraviolets. Ils sont La sélection sexuelledonc désavantagés car leur espérance de vie Après avoir défini la sélection naturelle, Darwin est confronté à un problème. Il observe queest moindre. En zones moins ensoleillées, ces certains caractères présents chez les mâles sont exagérés et défavorables du point de vue de laindividus sont avantagés, car le corps économise sélection naturelle, et réduisent la probabilité dede l'énergie et des nutriments en fabriquant survie. Autrement dit, alors que la plupart desmoins de mélanine, le pigment de la peau. La caractéristiques sont des adaptations à l'enviconséquence de ce phénomène est donc qu'au ronnement, d'autres sont simplement inutiles :fil des générations, par la sélection naturelle, il en va ainsi de la queue du paon, qui réduitles caractères observés dans une population notamment la mobilité et la puissance de volseront plus ou moins adaptés aux évolutions de l'animal, des bois des cerfs, qui peuventde son écosystème. Les mutations se sont pro constituer un handicap quand il s'agit de fuirduites pendant des millions d'années et ont en pleine forêt, des couleurs vives de nombreuxavantagé certains individus par rapport à leur oiseaux, plus facilement repérables par un évenenvironnement. On dit qu'ils disposent d'un tuel prédateur, ou encore du chant des cigales,avantage sélectif sur leurs congénères. Par exem qui peuvent s'épuiser à chanter. Pourquoi desple en échappant mieux aux prédateurs, en étant caractéristiques qui réduisent en apparence l'apmoins malades ou en accédant plus aisément titude à survivre et à se reproduire n'ont-ellesà la nourriture, ces individus atteignent plus pas été éliminées par la sélection naturelle ?facilement l'âge adulte, pour être aptes à la Le problème est crucial, car de tels caractèresreproduction. Ceux qui ont une meilleure capa semblent contredire le mécanisme adaptatifcité de survie se reproduisent davantage et les découvert par Darwin.caractères distinctifs apparus aléatoirement sesont rapidement propagés dans une population. La sélection sexuelle constitue un autre mécaChez toutes les espèces vivantes, on voit doncau fil des générations la fréquence des gènes nisme de l'évolution, celui qui est lié à la luttedésavantageux diminuer jusqu'à éventuellement pour la reproduction, distincte et complémendisparaître, tandis que les variations avantageu taire de la lutte pour la survie ou sélection natuses se répandent, jusqu'à éventuellement être relle. Le concept de sélection sexuelle désignepartagées par tous les membres de la population le processus selon lequel la compétition entreou de l'espèce. les individus en vue de l'accouplement est un -42-

facteur de l'évolution de certains traits héré À RETENIRditaires. Il s'agit d'une compétition intraspé- I C'est en novembre 1859, avec la paintion de L'Oricifique (entre individus d'une même espèce) gine des espèces au moyen de la sélection naturelle deet qui s'exerce différemment sur les individus Charles Darwin, que les mécanismes de l'évolutionmâles et femelles d'une même population. La sont réellement esquissés.sélection sexuelle explique des phénomènesd'apparence contraire aux nécessités de survie, • La théorie de la sélection naturelle permet d'explicomme la queue majestueuse du paon, et le quer comment l'environnement influe sur l'évolutiondimorphisme sexuel, c'est-à-dire les différen des espèces et des populations en sélectionnant lesces qui existent entre les mâles et les femelles individus les plus adaptés.d'une même espèce. La sélection sexuelle estun puissant adjuvant de la sélection naturelle, • L'augmentation de la capacité à survivre et à seen permettant aux mâles les plus vigoureux et reproduire se traduit par une augmentation du taux deles mieux adaptés d'avoir la descendance la reproduction et donc par une descendance plus nomplus importante. Mais là où l'objet de la sélec breuse, pour les individus porteurs de ces caractéristi ques. On dit alors que ce trait de caractère donné offretion naturelle est la vie ou la mort à toutes les un avantage sélectif par rapport à d'autres individus.époques d'un organisme, celui de la sélection • Les différences morphologiques d'origine sexuellesexuelle est la reproduction ou non, ou une viennent interférer avec les avantages adaptatifs induitsreproduction limitée. Dès lors, les effets n'en paria sélection natu eusont pas les mêmes ; subsister, dans le cadrede la sélection naturelle, ou se reproduire, • Le concept de sélection sexuelle désigne le processuspour la sélection sexuelle. Les scientifiques selon lequel la compétition entre les individus en vuen'opposent plus actuellement les deux formes de l'accouplement est un facteur de l'évolution dede sélection ; la sélection sexuelle apparaît certains traits héréditaires. Il s'agit d'une compétitionplutôt comme une sous-catégorie de la sélec entre individus d'une mêitié espèce qili s'exerce diffétion naturelle. remment sur les individus mâles et femelles. 43 -

GENETIQUE ET EVOLUTIONLes révélations des génomesLa génomique, ou l'analyse de nos génomes, apporte un autre regard sur l'évolutiondes formes de vie. À partir de l'étude des caractères partagés entreles organismes,on tente d'établir des liens de parenté et de reconstruire leur histoire évolutive,comme celle de la lignée humaine.La théorie darwinienne de révolution se d'animaux (le rat, le chat, la souris, la mou che, l'être humain...) et de plusieurs plantes. base sur l'interaction entre deux facteurs La comparaison de ces génomes permet aux scientifiques de mieux comprendre les grandes essentiels : les variations qui apparaissent étapes de l'évolution, en particulier celles quide façon aléatoire entre individus d'une mêmeespèce et la sélection naturelle. Depuis la publi ont dessiné l'homme moderne.cation de UOrigine des espèces, la théorie deDarwin a été précisée et renforcée par un siècle Du fait de sa complexité physiologique paret demi de découvertes en biologie. L'intégration rapport à d'autres animaux, et probablementde diverses disciplines comme la génétique molé aussi par fierté, l'homme a longtemps penséculaire apporte une contribution significative à la qu'il possédait un grand nombre de gènes, procompréhension des mécanismes évolutifs. bablement entre 80 000 et 100 000. Le résultatL'homme pas si différent des antres du séquençage du génome humain finalisé enLa génomique, en particulier, étudie le génome 2003 est une surprise pour toute la communautédans son ensemble plutôt qu'un gène en par scientifique. L'homme moderne ne dispose queticulier. Les scientifiques disposent en effet de 25 000 gènes environ, soit le même nombrede séquence génomique complète de plusieurs de gènes qu'un poulet, et même moins qu'uncentaines d'organismes unicellulaires (des bac épi de maïs. Le nombre de gènes n'est donc pastéries, des levures...), de plusieurs dizaines proportionnel à la taille ou à la complexité de l'organisme. L'ADN du génome humain compte -44-

lai fmmLa comparaison des génomes permet de détecter les modifications des gènes au cours de l'évolution.trois milliards de paires de bases, soit 1000 fois qui existent entre les êtres vivants, si beaucoupplus qu'un génome bactérien, mais ne contient de gènes sont communs ?que 10 fois plus de gènes. Qui plus est, beaucoup La vaste majorité de notre génome (98 %) est ende nos gènes sont identiques à ceux d'autres fait constitué de régions non codantes. Pendantanimaux. Plus étonnant encore, les embryons de longtemps, on a appelé cette partie de l'ADNdifférentes espèces utilisent les mêmes gènes clés « l'ADN poubelle », les scientifiques relativisantpour se construire. Comment ces gènes sembla beaucoup son rôle. En réalité, cet ADN, qui ables parviennent-ils à créer une diversité aussi intrigué pendant très longtemps les détectives deriche ? Comment expliquer toutes les différences l'évolution, a un rôle crucial. Une partie de ces 45 -

GENETIQUE ET EVOLUTIONséquences non codantes contient des signaux de et les grands singes (chimpanzés, gorilles etrégulation, qui contrôlent l'expression des gènes. orangs-outans) ont suscité de nombreux débats etLes génomes ne se limitent donc pas à une col de nombreuses publications scientifiques. Danslection de gènes qui codent pour des protéines. l'ensemble, l'organisation et le positionnementMême le plus simple des génomes bactériens des gènes chez le chimpanzé sont très similairescorrespond à un système biologique dont la com à ceux du génome humain, même si le chimpanzéplexité dépasse le niveau actuel de connaissance possède vingt-quatre paires de chromosomeset d'analyse de l'homme. Une des leçons de la au lieu de nos vingt-trois. Il subsiste treize paigénomique est donc de pousser l'homme à la res de chromosomes qui semblent pratiquementmodestie. En dépit des annonces quelque peu identiques entre les deux espèces, et six pairestriomphaliste qui ont accompagné la publica qui sont restées proches à la suite d'insertions,tion du génome humain, on est encore très loin d'inversions, et de délétions (ajouts, échangesd'avoir décrypté toutes les implications et de ou pertes de gènes sur les chromosomes). Maisguérir toutes les maladies génétiques auxquels deux paires de chromosomes montrent plus deles êtres humains sont confrontés. Le décryp différences, à la suite de mutations complexestage des génomes reste un défi formidable pour probablement échelonnées dans le temps aules scientifiques internationaux qui mobilisera sein des homininés, l'homme, et des paninés, les chimpanzés. L'extrême proximité génétiqueencore les efforts de centaines de laboratoires des deux espèces indique que la séparation, àaux quatre coins du monde, et ce, pendant encore l'échelle du monde, est relativement récente. Lade très longues années. majorité des scientifiques estime qu'elle a eu lieuHomme et chimpanzé : qeels points 6 à 8 millions d'années avant notre ère. Quelques voix discordantes suggèrent néanmoins une sépacommuns ? ration plus ancienne, il y a environ 13 millionsIl n'en reste pas moins que les séquences géno-miques que nous connaissons apportent déjà des d'années.éclairages sur les processus et sur les événementsévolutifs. La comparaison des génomes du chim Depuis 2000, les travaux de comparaison entrepanzé et de l'homme fait l'objet de toutes les les deux génomes font régulièrement l'objetattentions, car elle est emblématique. Aux xix^ et de publications. Toutes les études révèlent uneXX® siècles, les relations de parenté entre l'homme grande similitude. Les génomes seraient bien plus proches que ne le laisse imaginer l'apparence des -46-

L'homme et le chimpanzé ont plus de 98 % de leur génome en commun. 47

GENETIQUE ET ÉVOLUTIONdeux espèces. Une étude récente d'un groupe simplement éradiquée au cours de l'évolution.international (le Chimpanzee Sequencing and La génomique comparative éclaire également surAnalysis Consortium ) montre que seul 1,2 % les liens entre les trois super-règnes : les proca-sépare le corps humain de celui du chimpanzé ryotes, les eucaryotes et les bactéries. Quand lesen termes de gènes codant pour les protéines qui premières espèces d'archées ont été découvertes,le fabriquent et l'entretiennent. Cette différencepasse à environ 4 % lorsque l'ADN non codant est on les a d'abord considérées comme un sous-pris en compte. En d'autres termes, sur les troismilliards de nucléotides (succession de lettres qui groupe des bactéries. La génétique moléculairecodent pour l'information génétique) qui com a ensuite révélé que par certains aspects, lesposent le génome humain, 35 millions environ archées ressemblent plus aux eucaryotes qu'aux bactéries. Les biologistes ont donc proposé unont changé au cours des six millions d'années scénario évolutif basé sur une séparation initialequi se sont écoulées depuis que l'homme et le entre bactéries et archées, suivie d'une séparation entre archées et eucaryotes. Mais une analysechimpanzé ont divergé. C'est peu et beaucoup à exhaustive des gènes d'eucaryotes, de bactériesla fois : la différence entre notre génome et celui et d'archées révèle que pour une partie des gènesdu chimpanzé est dix fois plus grande que celle eucaryotes, l'homologue le plus proche se trouve chez les bactéries, tandis que pour une autre parentre deux êtres humains. tie, il se trouve chez les archées. Pour résoudre ceGènes immortels et duplication paradoxe, des scientifiques ont suggéré que lesUne comparaison systématique de tous les géno premières cellules eucaryotes résultent peut-êtremes connus à l'heure actuelle a permis d'identifier plus ou moins 500 gènes qu'on retrouve de la fusion entre une bactérie et une archée.chez tous les organismes. Ces gènes, qui ont La comparaîsom des génomesrésisté à deux milliards d'années d'évolution Comparer les génomes a également amené laont été appelés par certains scientifiques des preuve que les duplications jouent un rôle impor« gènes immortels ». Ils sont impliqués dans des tant dans l'apparition de nouvelles fonctions géni-processus fondamentaux comme la réplication de ques. De nombreuses duplications d'importancer ADN et la synthèse de protéines. Des processus variable ont été mises à jour : petites régionstellement importants à l'échelle de la vie que englobant un ou plusieurs gènes, chromosomestoute altération de ces gènes a été purement et entiers, voire dans certains cas le génome complet. -48-

en particulier chez les végétaux. Le premier A RETENIReffet de la duplication d'un gène est de provoquer une redondance, qui n'est généralement I L'étude de révolution des génomes met enjeu pluni néfaste ni bénéfique pour l'organisme. L'une sieurs disciplines telles que la biologie moléculaire, lades deux copies peut alors subir des mutations ' génétique... Elle se base sur une analyse structurelleet progressivement diverger de l'original sans et fonctionnelle! des génomes et permet de détecterque l'organisme ne soit atteint. La vision des les modifications des gènes au cours de l'évolutioncouleurs chez les primates repose sur une dupli des espèces.cation qui s'est produite il y a plusieurs millionsd'années. Elle est possible grâce à des protéines • L'homme moderne ne dispose que de 25 000 gènesspécialisées, les opsines, qui s'expriment dans environ, soit le même nombre de gènes qu'un poulet,les cellules cônes de notre rétine. La plupart des et moins que certaines espèces végétales. Ainsi lemammifères dispose d'une vision dite bichro- nombre de gènes n'est pas proportionnel à la taille oumatique, car elle est basée sur deux opsines, à la complexité de l'organisme. Un homme contientl'opsine sensible au bleu et celle sensible au ïseulement dix fois plus de gènes qu'une bactene.vert -I- rouge. Chez les primates de l'Ancien I Les études de comparaison des génomes de l'hommeMonde, dont l'humain est un descendant, la et du chimpanzé révèlent une grande similitude. Ils nevision trichromatique est apparue grâce à une varient que de 1 à 4 % selon les techniques utilisées.duplication puis à des mutations d'un gène Sur les trois milliards de nucléotides qui codent pourd'opsine. Notre vision est ainsi basée sur trois l'information génétique chez l'homme, 35 millions deopsines sensibles au bleu, au vert et au rouge. nucléotides environ ont changé depuis la séparationOn assimile également la finesse de l'odorat entre les deux espèces.de nombreux mammifères à ce processus deduplication et mutation. • Des travaux de recherche en cours sont axés sur laLes travaux de recherche actuels permettrontde comprendre ce qui fait que les humains sont signification des différences, l'objectif étant de dévoilerdifférents des animaux. La comparaison des ce qui fait que les humains sont des humains, et doncgénomes de l'homme et du chimpanzé peut différents d'autres animaux.contribuer à mieux comprendre les forces évolutives qui ont façonné les espèces. 49

LE LONG CHEMIN DE L'EVOLUTIONFossiles et datationLe processus de fossilisation permet aux paléontologues de retracer le cheminde l'évolution. Si les témoignages apportés par les fossiles sur plus de trois milliardsd'années de vie sur Terre sont encore lacunaires, ils permettent néanmoinsde reconstituer les grandes étapes de l'évolution.Après sa mort, tout être vivant, qu'il restes d'êtres disparus, soit les traces de leur s'agisse d'un animal ou d'un végétal, activité, préservées dans les roches. Ces élé est appelé à disparaître. Les restes lais ments constituent des preuves incontournablessés par les plantes et les animaux sont soumis à pour comprendre l'histoire de notre planètedes agressions qui contribuent à leur destructionà plus ou moins long terme. et l'évolution des formes de vie sur Terre. LeLes fossiles, un témoignage registre fossile s'étend d'il y a 3,5 milliardsexceptionnel d'années jusqu'à aujourd'hui, mais 99 % des fossiles ne remontent pas plus loin que 545 milL'oxygène de l'atmosphère terrestre, en rai lions d'années, période où les formes de vieson de son caractère oxydant, décompose la explosèrent littéralement. Les scientifiques estimatière organique ; l'eau dissout les coquilles ment à près de 5 millions le nombre d'espèceset les squelettes calcaires. De plus, beaucoup vivantes possibles depuis les premières formesde micro-organismes et d'animaux s'alimen de vie. Aujourd'hui on ne connaît qu'environtent d'organismes morts. Aussi, la découverte 300 000 espèces de fossiles.de vestiges d'animaux et de plantes datant de Les conditions de la fossilisation qui garantisplusieurs millions d'années constitue-t-elle sent la transmission des vestiges d'anciennesune réelle exception, et dans certains cas un faunes et flores s'avèrent variées. Elles détervéritable événement. Les fossiles sont soit des minent le degré d'intégrité des fossiles et la qualité des informations qu'ils délivrent. La -50-

ïïf^ÂChaque couche de roche sédimentaire ou strate contient des fossiles d'un type pafossilisation tend à favoriser les organismes parties minéralisées des animaux. Ce sont descomposés de parties dures, ceux qui sont par coquilles, des carapaces ou des squelettes. Selonticulièrement répandus sur le globe et ceux les groupes zoologiques, ces parties dures sontqui ont vécu pendant une longue période. Pour constituées de carbonate de calcium (calcite ouqu'un organisme soit fossilisé, les restes doi aragonite), de phosphate de calcium (apatite) ouvent normalement être recouverts par les sédi de silice. Durant leur enfouissement, les subsments dans les plus brefs délais. Les fossiles les tances minérales peuvent remplacer la matièreplus communs que l'on retrouve au pied d'une originelle et restituer avec fidélité les structuresfalaise ou dans une carrière correspondent aux anatomiques des restes végétaux. 51


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