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6CHAPITRE Item 122 – UE 5 Trouble de l'érection I. Physiologie II. Définition III. Conduite diagnostique devant un trouble de l'érection IV. Étiologie V. Prise en charge thérapeutique d'un trouble de l'érection Objectifs pédagogiques Connaissances Argumenter les principales hypothèses diagnostiques, justifier les examens complé- mentaires pertinents. Citer les moyens thérapeutiques. Hiérarchisation des connaissances Id. et rang Rubrique Intitulé 69 122-A1 A Définition 122-B1 B Physiopathologie Définition du trouble de l'érection ou dysfonction érectile 122-A2 A Diagnostic positif 122-A3 A Examens complémentaires Connaître les éléments physiologiques de l'érection 122-A4 A Étiologie 122-B2 B Examens complémentaires Savoir diagnostiquer un trouble de l'érection 122-A5 A Prise en charge 122-A6 A Prise en charge Savoir prescrire le bilan initial d'un trouble de l'érection 122-B3 B Prise en charge Connaître les étiologies des troubles érectiles Savoir prescrire le bilan secondaire d'un trouble de l'érection Connaître les principes de prise en charge d'un trouble de l'érection Connaître les différentes classes thérapeutiques des traitements spécifiques d'un trouble de l'érection : efficacité, effets indésirables, contre-indications Connaître les autres alternatives thérapeutiques d'un trouble de l'érection I. Physiologie L'érection est un processus neuro-tissulo-vasculaire qui survient lors d'un stimulus sensoriel érotique parvenant à l'hypothalamus ou de manière réflexe. Il induit une inhibition du tonus sympathique et une libération d'oxyde nitrique (NO) à partir des terminaisons nerveuses et de l'endothélium érectile. Cette relaxation des muscles lisses permet le remplissage des sinusoïdes caverneux et le développement de l'érection. L'inhibition du drainage veineux est un phénomène passif lié à la compression des plexus veineux par les sinusoïdes caverneux dilatés et qui contribue au maintien de l'érection. Ainsi, le processus complexe de l'érection nécessite une dilatation arté- rielle et une relaxation des muscles lisses, qui sont sous contrôle hormonal (cf. infra). Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques © 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Connaissances En résumé, l'érection nécessite : • un réseau vasculaire fonctionnel (le trouble de l'érection est un marqueur vasculaire clinique) ; • un appareil musculaire lisse fonctionnel ; • une réduction suffisante du retour veineux ; • un signal nerveux fonctionnel ; • un environnement hormonal adéquat ; • un psychisme adéquat. II. Définition Le trouble de l'érection, ou dysfonction érectile, est défini comme une incapacité persistante à obtenir ou à maintenir une érection permettant un rapport sexuel satisfaisant. Il résulte souvent de facteurs multiples et intriqués. L'âge est un facteur de risque majeur, dont l'influence s'explique par : • des déficits neurosensoriels d'installation progressive ; • une baisse progressive, physiologique, du taux de testostérone ; • l'apparition de comorbidités associées : maladies cardiovasculaires, hypertension artérielle, diabète, dyslipidémies et prise médicamenteuse (usage d'antihypertenseurs notamment). L'insuffisance rénale, la dialyse rénale, les troubles mictionnels, la chirurgie ou les trauma- tismes pelviens, la consommation d'alcool et de tabac, les états anxiodépressifs sont aussi des 70 facteurs de risque de trouble de l'érection, qui peut être alors le seul indicateur d'une comor- bidité. III. Conduite diagnostique devant un trouble de l'érection La conduite diagnostique est schématisée dans la figure 6.1. Ses objectifs sont : Fig. 6.1. Conduite diagnostique devant un dysfonctionnement érectile. OGE, organes génitaux externes ; Cs, consultation ; CV, bilan cardiovasculaire. (Source : CEEDMM, 2019.)

Item 122 – UE 5 Trouble de l'érection 6 Connaissances • de préciser l'importance du trouble et son retentissement sur la qualité de vie dans tous ses 71 paramètres (psychoaffectif, conjugal et socioprofessionnel) ; • de rechercher des éléments anamnestiques, cliniques et médicamenteux en faveur de l'étiologie de la dysfonction érectile ; • d'identifier ou de dépister des facteurs de risque d'un trouble de l'érection par l'interroga- toire et les examens paracliniques ou biologiques. A. Bilan initial Ces investigations sont résumées par le « bilan initial » (figure 6.1). La synthèse de ces éléments permet d'établir le profil du patient ainsi que la stratégie thérapeutique envisagée. 1. Critères diagnostiques et pronostiques d'un trouble de l'érection Diagnostic positif : le trouble de l'érection est d'abord un diagnostic d'interrogatoire, qui per- met de confirmer la plainte du patient sur le manque de rigidité de son érection. Il importe d'emblée de distinguer le trouble de l'érection d'autres troubles sexuels : • perte du désir sexuel (en posant au patient la question de son intérêt pour la sexualité) ; • troubles de l'éjaculation (trop rapide, retardée voire absente ?) ; • douleurs lors des rapports (pendant l'érection, l'éjaculation ?) ; • anomalies morphologiques ressenties par le patient (dysmorphophobie) ou réelles (petite verge, déformation, asymétrie des corps caverneux ou maladie de La Peyronie, à vérifier lors de l'examen clinique). 2. Caractérisation du trouble érectile Le trouble de l'érection confirmé, d'autres critères diagnostiques et pronostiques sont alors recherchés : • le caractère primaire (existant depuis le début de la vie sexuelle) ou secondaire (acquis après une vie sexuelle satisfaisante) du trouble érectile ; • le caractère brutal (qui impose de rechercher une circonstance déclenchante), qui est en faveur d'une cause psychologique prédominante, ou progressif, qui oriente davantage vers une cause organique ; • le caractère permanent ou situationnel (selon le lieu, la partenaire) ; • la persistance d'érections nocturnes et/ou matinales spontanées en dehors de toute stimu- lation sexuelle, qui est en faveur d'une intégrité neuro-tissulo-vasculaire : l'interrogatoire recherchera un trouble psychogène à l'origine de la dysfonction ; • la sévérité du trouble érectile, qui s'apprécie : – par le délai entre l'apparition du trouble et la consultation (la difficulté de la prise en charge semble corrélée à la longueur de ce délai) ; – par l'existence ou non d'une capacité érectile résiduelle (avec une rigidité suffisante pour la pénétration) ; – par la capacité d'érections provoquées (masturbation). 3. Recherche des pathologies et facteurs pouvant favoriser ou aggraver un trouble érectile La recommandation actuelle est la recherche systématique d'antécédents et/ou de symptômes qui évoquent autant une pathologie organique que psychologique  : des difficultés psycho- logiques peuvent à elles seules déclencher ou aggraver un trouble érectile et bénéficier de traitements spécifiques.

Connaissances L'interrogatoire recherchera : • un trouble psychogène personnel (anxiété, croyances erronées, antécédent de violences sexuelles) ; • l'existence de complexes identitaires (identité de genre) ; • un trouble relationnel (conjugopathie, timidité envers la partenaire, anxiété de performance) ; • une anomalie génitale réelle (malformative) ou supposée (syndrome du « petit pénis », dysmorphophobie) ; • des antécédents abdomino-pelviens (chirurgie, irradiation, traumatisme) ; • un diabète (l'état de son équilibre et l'existence de complications) ; • tous les facteurs de risque cardiovasculaire (HTA, syndrome métabolique, surcharge pondé- rale, dyslipidémie, tabagisme, sédentarité) ; • une pathologie cardiovasculaire (angor, insuffisance cardiaque), le trouble érectile pouvant être un signe avant-coureur d'une coronaropathie ignorée ; • des maladies neurologiques (maladie de Parkinson, sclérose en plaques), des séquelles de traumatisme médullaire ; • l'existence de troubles mictionnels, en rapport le plus souvent avec une hypertrophie bénigne de la prostate ; • des signes évocateurs de déficit androgénique, notamment une perte ou une diminution du désir sexuel, une diminution de la pilosité, une diminution de la qualité et du nombre des érections spontanées matinales et nocturnes — les autres signes (fatigabilité, troubles de l'humeur) étant moins spécifiques et se retrouvant dans bon nombre de maladies chroniques ; • une endocrinopathie, liée de façon plus rare à un trouble de l'érection (hypo- ou hyperthy- roïdie, insuffisance surrénale lente) ; 72 • des troubles du sommeil (+++) : apnées du sommeil, insomnie ; • la liste des traitements, dont certains ont des effets secondaires néfastes sur la sexualité ; • un syndrome dépressif ; • l'existence de troubles addictifs : toxicomanie, alcool, addiction sexuelle ; • enfin, tous les éléments du contexte psychoaffectif et relationnel entourant le patient et qui précèdent l'apparition du trouble de l'érection. 4. Examen clinique Il est recommandé chez tous les patients consultant pour un trouble de l'érection. L'examen urogénital apprécie les caractères sexuels secondaires (recherche d'une gynécomas- tie, d'un hypoandrisme, de petits testicules) et recherche d'éventuelles anomalies du pénis, en particulier l'existence de plaques péniennes traduisant une maladie de La Peyronie. Un toucher rectal après 50 ans sera systématiquement pratiqué. L'examen cardiovasculaire recherchera en particulier des signes vasculaires (HTA, pouls, souffle artériel), notamment la disparition des pouls orientant vers une cause vasculaire. L'examen neurologique recherche des signes de neuropathie (sensibilité du périnée et des membres inférieurs). Outre les signes évoqués plus haut, d'autres signes endocriniens sont explorés (anomalie du champ visuel évocatrice d'une tumeur hypophysaire). 5. Bilan biologique Le bilan minimal recommandé dans le cadre du bilan initial est essentiellement biologique : • glycémie à jeun ; • bilan lipidique ;

Item 122 – UE 5 Trouble de l'érection 6 Connaissances • NFS, ionogramme, créatinémie ; 73 • bilan hépatique ; • recherche d'un déficit androgénique en cas de facteurs de risque ou de signes cliniques évocateurs (baisse du désir sexuel, des érections nocturnes et matinales), avec un dosage initial de la testostéronémie totale le matin (cf. chapitre 5, Item 120 – Andropause). Les autres examens seront orientés selon les données de l'interrogatoire et de l'examen cli- nique (recherche d'une endocrinopathie dont les dysthyroïdies et l'hyperprolactinémie ; éva- luation de l'état cardiovasculaire…) (figure 6.1). B. Bilan secondaire Le « bilan secondaire » apportera des précisions sur les possibilités thérapeutiques en fonc- tion du contexte psychique et somatique (figure 6.1). Une consultation sexologique et/ou psychologique sera envisagée, au niveau individuel mais aussi au niveau conjugal. Une épreuve pharmacologique sera réalisée par une injection intracaverneuse de prostaglan- dine E1 (alprostadil) ou par une prise orale d'inhibiteur de la phosphodiestérase de type  5 (IPDE5). Il teste la réactivité des tissus érectiles à un puissant agent érectogène et apporte des éléments tant diagnostiques (un test négatif est en faveur de lésions vasculaires ou tissulaires sévères) que pronostiques (test négatif de mauvais pronostic) et étiologiques (test positif en faveur d'une origine neurologique et/ou psychogène). Mais il existe des faux négatifs (stress) et des faux positifs (causes endocriniennes et neurologiques). IV. Étiologie Les causes sont résumées dans le tableau 6.1. Tableau 6.1. Étiologie des dysfonctions érectiles. Causes vasculaires – Cardiopathie ischémique, artérite des membres inférieurs Causes endocriniennes – Facteurs de risque : HTA (+++), dyslipidémie, tabac, obésité, sédentarité Causes génito-pelviennes – Diabète Causes traumatiques – Hypogonadisme Causes neuropsychiatriques – Hyperprolactinémie – Hyper- ou hypothyroïdie – Insuffisance surrénale lente – Hyperplasie bénigne de prostate – Fibrose des corps caverneux (maladie de La Peyronie) – Chirurgie pelvienne (prostatectomie +++) – Irradiation pelvienne – Traumatisme crânien, médullaire (+++) – Traumatisme pénien – Fracture du bassin – Affections dégénératives, inflammatoires, tumeurs du système nerveux central, ischémie cérébrale, atteinte des cordons de la moelle – Neuropathie autonome – Anxiété, dépression, psychose… (Suite)

Connaissances Tableau 6.1. Suite. – Insuffisance rénale Maladies chroniques – Insuffisance cardiaque – Cancer Causes iatrogènes – Maladies inflammatoires chroniques Facteurs de risque non – Antihypertenseurs (+++) (bêtabloquants, diurétiques thiazidiques, spironolactone, médicaux méthyldopa, clonidine) Causes psychogènes – Hypolipidémiants (fibrates) (Source : CEEDMM, 2019.) – Psychotropes (benzodiazépines, antipsychotiques, inhibiteurs de la recapture de sérotonine) – Opiacés, héroïne, cocaïne, alcool – Hormones (antiandrogènes, stéroïdes anabolisants, kétoconazole) – Âge (+++) – Environnement (stress) – Facteurs socio-économiques V. Prise en charge thérapeutique d'un trouble de l'érection Le traitement étiologique d'un trouble de l'érection n'est possible que dans un nombre réduit de cas. Il s'agit essentiellement : 74 • des troubles psychogènes purs (psychothérapie individuelle ou de couple, psychotropes) ; • d'une étiologie chirurgicalement curable (pathologie artérielle traumatique) ; • d'une cause endocrinienne. Le plus souvent, le trouble de l'érection résulte de facteurs multiples et associés, justifiant leur prise en charge spécifique et préalable à toute introduction thérapeutique (modification d'un traitement antihypertenseur, optimisation glycémique, arrêt du tabac, prise en charge psycho- sexologique, etc.). Nous aborderons ici la prise en charge d'un trouble endocrinien à l'origine d'un trouble de l'érection et les traitements pharmacologiques. A. Prise en charge d'un trouble endocrinien Un hypogonadisme biologiquement prouvé (baisse de la libido associée au trouble de l'érec- tion et à une testostéronémie basse < 3 ng/ml) sera substitué par des androgènes administrés par voie intramusculaire ou transdermique. Le niveau de preuve de l'efficacité d'un traitement androgénique pour un trouble de l'érection isolé sans hypogonadisme avéré reste faible. Le traitement androgénique est contre-indiqué en cas de nodule prostatique palpable, de PSA > 3 ng/ml ou de signes compressifs urologiques, et sa mise en place nécessitera une surveillance clinique régulière du volume prostatique et des PSA. Une surveillance du bilan hépatique et de l'hématocrite devra aussi être réalisée. L'hypogonadisme secondaire à une hyperprolactinémie sera corrigé le plus souvent grâce au traitement par agoniste dopaminergique (bromocriptine, quinagolide, cabergoline). B. Traitements pharmacologiques d'un trouble de l'érection Le traitement pharmacologique de première intention sera le traitement oral par les inhi- biteurs des phosphodiestérases de type  5  (IPDE5). Ces molécules bloquent la dégradation

Item 122 – UE 5 Trouble de l'érection 6 enzymatique du GMPc dans les corps caverneux et induisent une relaxation des fibres mus- 75 culaires lisses et une vasodilatation pénienne. Elles ont prouvé leur efficacité dans l'améliora- tion des troubles de l'érection chez le non-diabétique comme chez le diabétique à condition d'une nécessaire stimulation sexuelle préalable. Leurs caractéristiques sont résumées dans le tableau 6.2. Les études cliniques n'ont pas montré d'aggravation d'une coronaropathie par les IPDE5, mais l'usage d'un dérivé nitré par un patient porteur d'un trouble de l'érection contre- indique formellement les IPDE5 (risque d'hypotension artérielle majeure). En cas d'intolérance ou de contre-indication aux IPDE5, d'autres molécules orales pourront être utilisées, telles que l'apomorphine ou la yohimbine (tableau  6.2). L'ensemble de ces traitements pharmacolo- giques oraux connaît malheureusement un taux d'abandon important, notamment en raison de leur non-remboursement. Des injections intracaverneuses de drogues vasoactives peuvent être envisagées. Le dispositif vacuum est une alternative intéressante en seconde intention, peu coûteuse et efficace, mais sa diffusion se heurte aux résistances psychologiques du patient ou de sa partenaire. Les drogues vasoactives, administrées par voie intracaverneuse, seront utilisées en seconde intention après échec des traitements oraux. Elles fournissent un taux de succès élevé mais s'accompagnent d'effets indésirables parfois handicapants (tableau 6.2) et d'un taux d'aban- don pouvant atteindre 68 % dans les 3 mois après leur introduction. Elles sont remboursées par les caisses dans certaines circonstances précises. Les prothèses péniennes posées chirurgicalement constituent une solution de dernière inten- tion lorsque toutes les autres thérapeutiques ont échoué. Il s'agit de prothèses soit rigides, soit expansibles. Elles apportent l'indice de satisfaction le plus élevé parmi les traitements du trouble de l'érection et une solution définitive au trouble de l'érection. Elles peuvent engendrer des complications aiguës ou chroniques, de type infectieux ou par défaillance mécanique. clés • Les troubles de l'érection s'associent souvent à des facteurs de risque multiples et intriqués, tels que l'âge, les comorbidités (affections cardiovasculaires, diabète, HTA, dyslipidémies), les états anxiodépressifs, le tabac et l'alcool. • L'anamnèse du trouble de l'érection, l'interrogatoire précisant l'histoire médicale, sexuelle, psycholo- gique et relationnelle du patient ainsi qu'un examen clinique soigneux permettront d'évaluer la sévérité du trouble de l'érection et d'orienter la thérapeutique en fonction d'une cause psychogène, vasculaire, neurologique ou endocrinienne du trouble de l'érection. • Le bilan initial évaluera les paramètres métaboliques et hormonaux, le bilan secondaire la composante psycho-sexologique individuelle et de couple, le risque cardiovasculaire et les capacités érectiles par une injection intracaverneuse. • Le diabète et l'hypogonadisme constituent les principales causes endocriniennes d'un trouble de l'érec- tion et doivent être recherchés systématiquement après 50 ans. • Le traitement pharmacologique de première ligne utilise les inhibiteurs des phosphodiestérases de type 5 par voie orale et, en cas d'échec, les drogues vasoactives par voie intracaverneuse. Points Connaissances

Connaissances 76 Tableau 6.2. Traitements lspécifiques d'un trouble de l'érection. Traitements Molécules Place Voie Efficacité Effets Remarques ou dispositifs 1re intention d'administration indésirables Contre-indication : association aux dérivés nitrés (hypotension artérielle Inhibiteurs des Orale 60–70 % Céphalées, majeure !) phosphodiestérases – Sildénafil flushes, de type 5 – Tadalafil 2e intention Intracaverneuse 80–90 % dyspepsie, Contre-indication si hypocoagulabilité – Vardénafil Intra-uréthrale 50–60 % myalgies Pas d'association aux IPDE5 en raison du risque majoré de priapisme Drogues – Avanafil Douleur vasoactives pénienne, Pas de contre-indication – Alprostadil priapisme – Prostaglandines E1 Nausées, Faible efficacité somnolence Agoniste – Apomorphine 1re intention Sublinguale 40–50 % HTA Peu coûteux dopaminergique 1re intention Orale 2e intention Locale 40 % Traumatisme Antagoniste – Yohimbine = placebo pénien α2-adrénergique 3e intention Locale 70 % – Pompe à vide Infection Érecteur à mécanique avec 70–90 % dépression anneau pénien (vacuum) Prothèse pénienne – Rigide ou expansible (Source : CEEDMM, 2019.)

Item 122 – UE 5 Trouble de l'érection 6 Pour en savoir plus Prise en charge diagnostique des neuropathies périphériques (polyneuropathies et mononeuropathies multiples). HAS, mai 2007. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_598275/fr/ diagnostic-des-neuropathies-peripheriques-recommandations Connaissances 77

Item 122 – UE 5 Trouble de l'érection 6 Pour en savoir plus fr/portail/jcms/c_598275/fr/diagnostic-des-neuro- pathies-peripheriques-recommandations Prise en charge diagnostique des neuropathies péri- phériques (polyneuropathies et mononeuropathies multiples). HAS, mai 2007. http://www.has-sante. Connaissances 77.e1

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7CHAPITRE Item 124 – UE 5 Ostéopathies fragilisantes I. Définition II. Classification III. Étiologie IV. Caractéristiques des ostéoporoses chez l'homme Objectifs pédagogiques Connaissances Diagnostiquer une ostéoporose, évaluer le risque fracturaire3. Argumenter l'attitude thérapeutique devant une ostéoporose et planifier le suivi du patient. (Diagnostiquer une ostéomalacie et connaître les principes du traitement d'une ostéo- malacie carentielle.) Hiérarchisation des connaissances Id. et rang Rubrique Intitulé 79 124-A1 A Définition 124-A2 A Diagnostic positif Connaître la définition densitométrique de l'ostéoporose 124-A3 A Multimédia (tableau) 124-A4 A Examens complémentaires Savoir évoquer une ostéoporose secondaire 124-A5 A Étiologie Étiologie des ostéoporoses secondaires 124-A6 A Étiologie 124-B1 B Étiologie Connaître le bilan biologique de première intention devant la découverte 124-B2 B Étiologie d'une ostéoporose 124-A7 A Étiologie Connaître les étiologies d'ostéoporose secondaire 124-B3 B Étiologie Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans les hypogonadismes 124-A8 A Étiologie Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans l'anorexie mentale 124-A9 A Étiologie 124-A10 A Étiologie Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans l'activité physique intensive 124-A11 A Définition 124-B4 B Épidémiologie, prévalence Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans les hypogonadismes 124-A12 A Étiologie iatrogènes Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans les dysgénésies gonadiques Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans les hyperthyroïdies Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans les hypercortisolismes Connaître les particularités de l'atteinte osseuse dans l'hyperparathyroïdie primitive Connaître la définition densitométrique de l'ostéoporose chez l'homme Connaître l'épidémiologie spécifique de l'ostéoporose chez l'homme Connaître les étiologies spécifiques des ostéoporoses chez l'homme 3 Avertissement CEEDMM : sont seulement traitées dans ce chapitre les ostéopathies secondaires à des causes endocriniennes. Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques © 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Connaissances I. Définition L'ostéoporose est définie comme une fragilité excessive du squelette liée à une diminution du contenu minéral osseux et/ou à des altérations de la microarchitecture osseuse qui augmen- tent le risque de fracture. La relation établie entre la baisse de la densité minérale osseuse (DMO) et l'augmentation du risque de fracture a conduit, en 1994, à une définition « densitométrique » de l'ostéoporose, sur la base d'un T-score inférieur à –2,5 écarts types de la valeur moyenne de l'adulte jeune. Il faut remarquer que cette définition n'est valable que pour les femmes et pour une mesure de densité osseuse réalisée par absorptiométrie biphotonique à rayons X, ou DXA (Dual energy X-ray Absorptiometry), sur les sites osseux axiaux (vertèbres, extrémité supérieure du fémur, col du fémur) (figure 7.1). II. Classification L'ostéoporose est une pathologie à prépondérance féminine, mais n'épargne pas les hommes, chez lesquels elle représente un problème relativement commun. Les ostéoporoses sont divisées en deux catégories. On distingue l'ostéoporose primitive « commune », dite ostéoporose post-ménopausique, qui est la forme la plus commune, des ostéoporoses dites secondaires. Ces dernières peuvent relever d'étiologies multiples (tableau 7.1). Les principales endocrinopathies entraînant un risque accru d'ostéoporose sont d'abord celles qui exposent 80 a b Fig. 7.1. Deux modèles de densitomètres. (Source : CEEDMM, 2019.) Tableau 7.1. Ostéoporoses secondaires. Pathologies endocrines – Hypogonadisme – Syndrome de Cushing – Hyperthyroïdie – Hyperparathyroïdie – Diabète de type 1 et de type 2 Pathologies digestives – Malabsorption – Entérocolopathie inflammatoire chronique – Cirrhose biliaire primitive – Chirurgie bariatrique

Pathologies générales Item 124 – UE 5 Ostéopathies fragilisantes 7 Connaissances Causes génétiques – Arthrite rhumatoïde 81 Causes médicamenteuses – Polyarthrite ankylosante – Lupus érythémateux disséminé Autres causes – Myélome multiple ⁎ Chez l'homme. – Mastocytose (Source : CEEDMM, 2019.) – Insuffisance rénale, hémodialyse chronique – Ostéogenèse imparfaite – Mutations du récepteur aux œstrogènes⁎ – Mutations du gène de l'aromatase⁎ – Homocystinurie – Corticothérapie – Hormones thyroïdiennes (doses freinatrices) – Agonistes du GnRH – Inhibiteurs de l'aromatase – Anticonvulsivants – Anticalcineurines (ciclosporine A, tacrolimus) – Chimiothérapie – Héparines non fractionnées – Antirétroviraux – Alcoolisme, tabagisme – Tubulopathie rénale avec hypercalciurie – Immobilisation – VIH à une diminution de la production des stéroïdes sexuels (hypogonadisme). D'autres hormones sont impliquées dans la régulation du remodelage osseux ou, de façon plus globale, dans l'homéostasie du calcium. Des anomalies de leur production peuvent favoriser le développe- ment d'une ostéoporose. C'est le cas des hyperthyroïdies, de l'hypercortisolisme, de l'hyper- parathyroïdie, qui constituent les causes endocriniennes les plus fréquentes des ostéoporoses secondaires. Des données récentes objectivent une augmentation du risque fracturaire chez les patients atteints d'un diabète de type 1, de même que chez ceux porteurs d'un diabète de type 2. III. Étiologie A. Hypogonadismes La carence œstrogénique provoque une augmentation de l'ostéoclastogenèse et l'activation des ostéoclastes, qui augmentent la résorption osseuse et donc la perte osseuse. La gravité de l'atteinte osseuse dépend de l'intensité et de la durée de l'hypogonadisme. 1. Anorexie mentale Il s'agit d'une ostéoporose à bas niveau de remodelage. Les marqueurs biochimiques de la formation osseuse (isoenzyme des phosphatases alcalines, ostéocalcine) sont le plus souvent diminués. Les marqueurs de la résorption (CTx, NTx) ne sont pas informatifs dans cette indica- tion (figure 7.2).

Connaissances REMODELAGE BIO-MARQUEURS Quiescence Molécules de pontage du collagène I Résorption – formes totales et libres Formation – formes peptidiques (CTx, NTx) Minéralisation Quiescence Ostéocalcine Phosphatases alcalines osseuses Valeurs normales* – Ostéocalcine : 21,2 10 ng/mL – CTx : 292 173 pg/mL * femmes, pré-ménopause, UF Ménopause, Toulouse. Fig. 7.2. Biomarqueurs osseux. Ces valeurs sont données à titre indicatif et ne peuvent pas être généralisées à l'ensemble de la population. (Source : CEEDMM, 2019.) L'origine de l'ostéoporose est multifactorielle même si la carence œstrogénique reste le prin- cipal facteur de perte osseuse. Les troubles nutritionnels à l'origine d'une diminution de 82 l'IGF-1, de carences calciques et d'une hypoprotidémie jouent un rôle aggravant. Un hyper- cortisolisme est également souvent retrouvé, malgré l'absence d'apparence cushingoïde en l'absence de substrat graisseux disponible (figure 7.3). Le traitement repose sur la prise en charge multidisciplinaire de l'anorexie mentale proprement dite. La substitution œstrogénique doit être la règle, le plus rapidement possible et lorsque le diag­ nostic est établi. Elle repose le plus souvent sur l'utilisation d'une pilule œstroprogestative bien que les données les plus récentes témoignent d'un bénéfice osseux plus marqué avec l'œstradiol administré par voie cutanée. Elle n'a qu'un effet limité sur la DMO mais permet de limiter la perte osseuse, en particulier chez les jeunes filles les plus maigres. Le gain pondéral n'est associé à une amélioration de la DMO que s'il permet un retour des cycles menstruels spontanés. 2. Activité physique intensive Les femmes sportives soumises à une activité physique trop intense peuvent développer une hypoœstrogénie d'origine hypothalamique (cf. chapitre 3, Item 40 – Aménorrhée). Les facteurs conditionnant l'atteinte osseuse sont : • le type et l'importance de l'activité sportive  : marathon, danse classique (jusqu'à 60  % d'aménorrhée), demi-fond, triathlon, gymnastique, cyclisme ; • l'importance et la fréquence des troubles du cycle menstruel ; • des apports alimentaires réduits ou insuffisants. L'atteinte osseuse est de répartition inégale. Les contraintes mécaniques stimulent l'ostéofor- mation sur des sites porteurs ; à l'inverse, l'hypoœstrogénie est responsable d'une résorption osseuse généralisée, bien qu'à prédominance rachidienne. Il existe également une plus grande fréquence des fractures de fatigue, qui sont favorisées par la diminution de la DMO. L'os- téoporose est réversible avec le retour à la reprise spontanée des cycles menstruels, souvent lors de la réduction de l'activité physique. En l'absence de possibilité de diminution de l'activité physique, la mise en route d'un traite- ment par les œstroprogestatifs représente une solution de choix.

Item 124 – UE 5 Ostéopathies fragilisantes 7 Référence de densitométrie : Rachis AP 83 DMO (g/cm2) L1-L4 AJ T-Score L1 1,40 Normal 2 1,28 1 L2 1,16 0 1,04 –1 L3 0,92 Ostéopénie –2 L4 0,80 –3 0,68 –4 0,56 Ostéoporose –5 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Âge (années) Référence de densitométrie : Fémur DMO (g/cm2) gauche Col AJ T-Score 1,22 Normal 2 Connaissances 1,10 1 0,98 0 1,86 – 1 0,74 Ostéopénie –2 0,62 –3 0,50 Ostéoporose –4 0,38 –5 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Âge (années) Référence de densitométrie : Fémur DMO (g/cm2) droit Col AJ T-Score 1,22 Normal 2 1,10 1 0,98 0 1,86 – 1 0,74 Ostéopénie –2 0,62 –3 0,50 – 4 0,38 Ostéoporose –5 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Âge (années) Fig. 7.3. Densitométrie chez une patiente atteinte d'une anorexie mentale restrictive avec aménorrhée primaire. Déminéralisation osseuse prédominant au rachis (T-score au niveau L1-L4 : – 3,9). (Source : CEEDMM, 2019.) 3. Pathologies hypophysaires Toute lésion hypophysaire (tumorale, infiltrante, iatrogène, traumatique, etc.) provoquant une atteinte (réversible ou irréversible) de la fonction gonadotrope peut avoir des conséquences osseuses.

Connaissances En dehors de leur impact sur l'axe gonadotrope, les atteintes hypophysaires n'ont pas d'impact propre sur le remodelage osseux, à l'exception des adénomes corticotropes dont l'impact osseux est secondaire à l'hypercortisolisme. 4. Hypogonadismes iatrogènes Tous les traitements diminuant la production des œstrogènes (ou des androgènes chez l'homme) constituent des facteurs potentiels d'augmentation du risque fracturaire. C'est le cas des agonistes du GnRH, utilisés dans le cadre de pathologies utérines (endométriose, fibromes) ou prostatiques, et des inhibiteurs de l'aromatase dans le cancer du sein. Une mesure de la DMO est préconisée avant ces traitements, la perte osseuse pouvant être rapide, pour per- mettre une prévention adaptée en fonction du niveau de risque. À l'arrêt du traitement par les agonistes du GnRH, on observe une réversibilité de la perte osseuse d'autant plus complète qu'il s'agit de femmes jeunes et présentant initialement une DMO normale. 5. Dysgénésies gonadiques Le syndrome de Turner est la dysgénésie gonadique féminine la plus fréquente (cf. cha- pitre 3, Item 40 – Aménorrhée). Une diminution de la DMO est fréquente dans le syndrome de Turner, bien qu'elle puisse être liée en partie à la petite taille des pièces osseuses. Au cours de l'adolescence, le déficit osseux apparaît s'accentuer du fait de l'hypogonadisme, avec une augmentation du remodelage osseux secondaire à la carence œstrogénique. Chez l'adulte non traité, l'insuffisance ovarienne accentue la perte osseuse et il existe une augmentation du risque de fracture. 84 Le traitement est avant tout fondé sur la correction de l'hypogonadisme ; l'œstrogénisation est proposée dès que le diagnostic est posé, actuellement le plus souvent en association avec un traitement à l'hormone de croissance de manière à améliorer le pronostic statural. À l'âge adulte, la poursuite d'un traitement œstroprogestatif permet la prévention de la perte osseuse. La DMO vertébrale chez ces patientes bien traitées n'apparaît pas significativement différente de celle des sujets contrôles après ajustement pour la taille staturale. B. Hyperthyroïdies et traitements par hormones thyroïdiennes L'hyperthyroïdie constitue une cause classique d'ostéoporose secondaire même si la prise en charge actuelle fait que les signes osseux sont exceptionnellement révélateurs ou au premier plan. Ceci justifie le dosage systématique de la TSH dans la recherche étiologique d'une ostéo- porose secondaire. Les hormones thyroïdiennes augmentent le remodelage osseux (figure 7.4)  du fait d'une augmentation du recrutement des unités élémentaires de remodelage et de leur fréquence d'activation. Il existe une balance négative entre résorption et formation osseuse qui prédo- mine sur l'os cortical. Une diminution de la DMO de 10 à 20 % par rapport à des sujets de même âge et de même sexe a été rapportée dans beaucoup d'études chez les sujets hyperthyroïdiens. La prévalence des frac- tures attribuables à l'hyperthyroïdie reste mal appréciée, bien qu'un antécédent d'hyperthyroïdie soit un facteur de risque classique de la fracture du col du fémur chez le sujet âgé. En l'absence d'hyperthyroïdie biologique, le risque osseux du traitement par hormones thyroï- diennes chez le patient hypothyroïdien n'a jamais été prouvé.  L'administration de doses élevées d'hormones thyroïdiennes, telle qu'est est réalisée dans le traitement du cancer thyroïdien diffé- rencié hormonodépendant, est en revanche susceptible d'augmenter le risque d'ostéoporose.

Item 124 – UE 5 Ostéopathies fragilisantes 7 T4 et T3 TISSU OSSEUX 85 Activité du remodelage ↓ 1,25 (OH)2 vitamine D3 Libération Perte ↓ Activité plasmatique osseuse Ca++, PO42– 1α-hydroxylase rénale PTH Réabsorption Urines Absorption intestinale tubulaire du PO42– CaU du Ca++ PO4U Fig. 7.4. Effets des hormones thyroïdiennes sur le tissu osseux et le métabolisme phosphocalcique (Ca++). Connaissances CaU, calciurie ; PO4U, phosphaturie. (Source : CEEDMM, 2019.) C. Hypercortisolisme et corticothérapie L'ostéoporose vertébrale est une des complications classiques d'un excès de corticoïdes, sur- tout chez la femme. Elle est souvent silencieuse, avant l'apparition de tassements vertébraux « en salve », et doit faire l'objet d'une prévention systématique. Les effets osseux des glucocorticoïdes sont complexes, résultant d'effets directs sur le tissu osseux et d'effets indirects sur l'homéostasie calcique et la production des stéroïdes sexuels (figure 7.5). Au niveau du tissu osseux, les corticoïdes inhibent la fonction ostéoblastique et favorisent leur apoptose comme celle des ostéocytes, qui ont un rôle important dans la qualité de l'os. Ils favorisent par ailleurs l'activité ostéoclastique et donc la résorption osseuse par différents mécanismes, tels qu'une augmentation de la production du RANKL (facteur de l'ostéoclastogenèse) et une diminution de l'ostéoprotégérine (OPGR), inhibiteur de l'os- téoclastogenèse. La réduction de l'absorption intestinale du calcium et l'augmentation des pertes urinaires de calcium induites par l'excès de glucocorticoïdes favorisent par ailleurs un hyperparathyroïdisme secondaire, dont les conséquences osseuses sont encore amplifiées par l'augmentation de la sensibilité des cellules osseuses à la PTH. Enfin, un taux excessif de glu- cocorticoïdes favorise un hypogonadisme et peut, dans certaines causes, diminuer également la production des androgènes surrénaliens. L'ostéoporose induite par l'hypercortisolisme est essentiellement une ostéoporose à bas niveau de remodelage mais avec tendance à l'hyperrésorption. La diminution du volume osseux s'accompagne d'altérations de la microarchitecture trabécu- laire, qui joue un rôle majeur dans la fragilité osseuse. On peut ainsi observer des fractures à DMO normale. La diminution de la masse osseuse intéresse surtout les sites trabéculaires (corps vertébraux, côtes, radius) et apparaît de façon rapide, dans la première année de l'exposition aux corticoïdes. L'intensité de la perte osseuse reste difficile à prévoir au plan individuel. Les fractures vertébrales sont fréquentes chez les sujets exposés à un excès de glucocorticoïdes et sont présentes chez 20 % à près de 80 % des sujets atteints d'un syndrome de Cushing, quelle que soit sa cause (figures 7.6 et 7.7). Plusieurs études cas-témoins ont permis d'objectiver une augmentation du risque de fractures, surtout vertébrales mais aussi non vertébrales, chez les sujets ayant reçu une corticothérapie à partir de dose supérieure à 7,5 mg de prednisolone par jour. La réversi- bilité de l'atteinte osseuse, après correction de l'hypercortisolisme ou arrêt de la corticothérapie, reste encore un sujet débattu en l'absence de données longitudinales suffisantes.

Connaissances Fig. 7.5. Effets des glucocorticoïdes sur le tissu osseux et le métabolisme phosphocalcique (Ca++). (Source : CEEDMM, 2019.) 86 Fig. 7.6. IRM du rachis thoracolombaire chez un patient atteint d'une maladie de Cushing. Tassements vertébraux étagés de T12 à L5, avec notamment deux tassements cunéiformes majeurs de T12 et L1. (Source : CEEDMM, 2019.) Chez les sujets devant débuter une corticothérapie, la prévention de l'ostéoporose justifie, avant le traitement, une évaluation précise du statut osseux (mesure de la DMO vertébrale et fémorale par DXA) et une recherche de tous les facteurs de risque (statut nutritionnel et vitaminocalcique, activité physique, tabagisme, hypogonadisme, etc.) pouvant être corrigés. La dose de corticoïdes sera la plus faible possible, en donnant la préférence, chaque fois que possible, aux voies non orales et aux molécules à durée de vie courte.

Item 124 – UE 5 Ostéopathies fragilisantes 7 Réf. densitométrie : Fémur gauche Total 87 (DMO) DMO (g/cm2) AJ T-score 1,295 2 1,165 1 1,035 0 0,905 –1 0,775 –2 0,645 –3 0,515 –4 0,385 –5 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Âge (années) Réf. densitométrie : Fémur droit Total (DMO) DMO (g/cm2) AJ T-score 1,295 2 Connaissances 1,165 1 1,035 0 0,905 –1 0,775 –2 0,645 –3 0,515 –4 0,385 –5 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Âge (années) Fig. 7.7. Densitométrie fémorale chez un patient atteint d'une maladie de Cushing compliquée d'une ostéoporose fracturaire. (Source : CEEDMM, 2019.) Il faut proposer systématiquement une supplémentation vitaminocalcique. Les doses de cal- cium prescrites dépendent des apports alimentaires et, dans le syndrome de Cushing, de la calciurie, souvent élevée. Les bisphosphonates tout comme le tériparatide ont une AMM pour le traitement de l'ostéo- porose cortico-induite. Un traitement de l'ostéoporose est préconisé en cas de corticothérapie de plus de 3 mois avec des doses d'équivalent prednisone supérieure à 7,5 mg par jour si T-score ≤ – 1,5 sur au moins un site. D. Hyperparathyroïdie primitive (Cf. aussi chapitre 27, Item 266 – Hypercalcémie.) L'hyperparathyroïdie est responsable d'ostéoporose, même lorsqu'elle est asymptomatique, et serait présente, en fonction du site osseux mesuré, chez 12 à 52 % des patients. La production continue de PTH stimule l'ostéoclastogenèse et donc la résorption osseuse, en augmentant d'une part la différenciation des ostéoclastes à partir de leurs précurseurs hématopoïétiques et, d'autre part, l'activité des ostéoclastes matures. Cet effet est indirect et passe par l'ostéo- blaste, qui joue un rôle pivot tant dans les actions cataboliques que dans les actions anabo- liques de la PTH sur l'os. Cette action prédomine au niveau de l'os cortical (tiers proximal du radius, fémur), l'os trabéculaire (vertèbres) étant en principe conservé. Une atteinte vertébrale est néanmoins souvent présente, notamment chez la femme en début de ménopause car l'hyperparathyroïdie primitive est l'endocrinopathie la plus fréquente de la femme ménopau- sée (prévalence de l'ordre de 1 %) (figure 7.8).

Connaissances La diminution de la masse osseuse reste souvent limitée, de l'ordre de 10 % par rapport aux valeurs normales pour l'âge, avec une évolution au plan individuel qui reste difficile à prédire. L'évolution de la masse osseuse après traitement est le plus souvent favorable, et son importance est fonction du type d'os (plus importante au niveau vertébral que périphérique), de la gravité de l'hyperparathyroïdie (taux de PTH et des phosphatases alcalines) et du niveau d'atteinte initiale. L'augmentation du risque fracturaire chez les patients ayant une hyperparathyroïdie primitive reste un sujet débattu en l'absence de données concluantes. Les fractures intéressent le plus souvent les vertèbres et l'extrémité inférieure du radius, les métacarpes, mais rarement le col du fémur. 1,0 0,8 0,6 0,4 a2 a1 0,2 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 1,6 88 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 b1 b2 0,2 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 1,6 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 c2 0,4 c1 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 Fig. 7.8. Densitométrie chez un patient atteint d'une hyperparathyroïdie primaire. a. Ostéoporose radiale (T-score au tiers proximal du radius : –2,6). b. Masse osseuse normale au rachis (T-score : +0,1). c. Masse osseuse normale au fémur total (T-score : –0,7). (Source : CEEDMM, 2019.)

Item 124 – UE 5 Ostéopathies fragilisantes 7 Connaissances L'atteinte osseuse constitue un des éléments essentiels de décision de la conduite à tenir 89 lorsque l'hyperparathyroïdie primitive est asymptomatique : la constatation d'un T-score infé- rieur à – 2,5 est considérée comme une indication au traitement chirurgical. Lorsque le traitement chirurgical n'est pas possible (pour différentes raisons), l'utilisation d'un agent antiostéoclastique (œstrogènes, raloxifène, bisphosphonates) ou de calcimimétique (cinacalcet) pourra être discutée en fonction de la situation clinique, si le risque de fracture est avéré ou s'il existe déjà des fractures. En cas de non-indication du traitement chirurgical, une simple surveillance de l'état osseux et une réévaluation périodique (1 ou 2 ans) du risque fracturaire sont conseillées. IV. Caractéristiques des ostéoporoses chez l'homme A. Au niveau de la définition Il n'existe pas de valeur de T-score reconnue pour définir l'ostéoporose masculine. Des don- nées transversales suggèrent que des valeurs absolues de la DMO seraient associées au même niveau de risque fracturaire dans les deux sexes. Par assimilation, la définition de l'ostéoporose chez l'homme correspond à un T-score inférieur ou égal à –2,5. B. Au niveau épidémiologique Parmi les fractures de l'extrémité supérieure du fémur, 25 à 30 % surviennent chez l'homme, et la prévalence des fractures vertébrales découvertes radiologiquement est similaire dans les deux sexes, affectant 10 à 12 % des individus. En revanche, la fracture du radius distal (de type Pouteau-Colles) est beaucoup plus rare chez l'homme que chez la femme. C. Au niveau étiologique Les ostéoporoses secondaires sont en revanche plus fréquentes chez l'homme que chez la femme (30 à 70 % des cas). Les causes principales sont : • l'hypercortisolisme ; • l'hypogonadisme (congénital ou acquis dont iatrogène avec, en particulier, le traitement du cancer de la prostate par castration chimique par analogue de la GnRH ou chirurgicale) ; • l'alcoolisme. D. Au niveau thérapeutique Les bisphosphonates et le tériparatide disposent d'une AMM dans le traitement de l'ostéopo- rose masculine.

Points Connaissances clés • Les pathologies endocriniennes représentent l'étiologie principale des ostéoporoses secondaires de la femme. • Toutes les situations entraînant un hypogonadisme prolongé exposent à un risque accru d'ostéoporose. • La carence œstrogénique provoque une augmentation du remodelage osseux au bénéfice de la résorp- tion osseuse. • Un traitement par hormones thyroïdiennes à doses suppressives de la sécrétion de la TSH augmente la perte osseuse corticale et accroît le risque d'ostéoporose fémorale. • Les traitements par hormones thyroïdiennes à doses substitutives n'augmentent pas le risque d'ostéoporose. • L'atteinte osseuse de l'hypercortisolisme est précoce et prédomine sur l'os trabéculaire (tassements vertébraux). • L'évaluation du risque fracturaire est nécessaire chez tout sujet atteint de syndrome de Cushing ou d'hypercortisolisme. • Dans une hyperparathyroïdie primitive asymptomatique, l'existence d'une ostéoporose (T-score < –2,5) fait partie des critères de l'indication chirurgicale. • L'ostéoporose doit être recherchée systématiquement chez l'homme, au même titre que chez la femme, en cas d'hypogonadisme ou d'hypercortisolisme. Pour en savoir plus Bon usage du médicament. Les médicaments de l'ostéoporose. HAS, juin 2014. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-06/fs_osteoporose_v2.pdf 90 Actualisation 2018 des recommandations françaises du traitement de l'ostéoporose post- ménopausique (GRIO) http://www.grio.org/documents/page240/recosoppm2018-revrhum.pdf

Connaissances Pour en savoir plus Actualisation 2018 des recommandations françaises du traitement de l'ostéoporose post-ménopausique Bon usage du médicament. Les médicaments de l'os- (GRIO). http://www.grio.org/documents/page240/­ téoporose. HAS, juin 2014. http://www.has-sante. recosoppm2018-revrhum.pdf fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-06/ fs_osteoporose_v2.pdf 90.e1

8CHAPITRE Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose I. Définition Connaissances II. Physiopathologie III. Manifestations cliniques IV. Diagnostic de l'hémochromatose V. Stades de l'hémochromatose primitive VI. Prise en charge thérapeutique Objectifs pédagogiques Diagnostiquer (une carence ou) une surcharge en fer. Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient. Hiérarchisation des connaissances 91 Id. et rang Rubrique Intitulé 215-A1 A Définition Connaître la définition de l'hémochromatose 215-B1 B Physiopathologie Connaître les grandes étapes du métabolisme du fer 215-B2 B Physiopathologie Connaître les aspects génétiques 215-A2 A Examens complémentaires Savoir identifier les atteintes hépatiques secondaires à l'hémochromatose 215-A3 A Examens complémentaires Savoir identifier les atteintes cardiaques 215-A4 A Examens complémentaires Savoir identifier les atteintes endocriniennes 215-A5 A Examens complémentaires Savoir identifier les atteintes articulaires 215-A6 A Examens complémentaires Savoir identifier les atteintes cutanées 215-A7 A Diagnostic positif Savoir suspecter une hémochromatose 215-B3 B Diagnostic positif Savoir le principe du dépistage familial 215-A8 A Prise en charge Connaître le principe et les indications des saignées 215-B4 B Prise en charge Connaître le principe des érythraphérèses 215-B5 B Prise en charge Connaître le principe des traitements par chélation du fer I. Définition L'hémochromatose primitive ou héréditaire est une maladie génétique conduisant à une s­ urcharge en fer. Il s'agit de la maladie génétique la plus fréquente dans la population blanche. Sa prévalence est de 3 à 5 pour 1 000 personnes, mais la pénétrance de la mutation principale, touchant le gène HFE (C282Y), est faible et variable. Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques © 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Connaissances Non traitée, elle s'accompagne fréquemment d'une atteinte endocrinienne, notamment d'un diabète, liée à la cytotoxicité du fer stocké en excès. La morbidité de la mutation n'est pas réellement évaluée au plan épidémiologique, mais les formes sévères peuvent conduire à une cirrhose et à une augmentation de la mortalité. L'hémochromatose primitive doit être distinguée des nombreuses autres causes de surcharge en fer (tableau 8.1). II. Physiopathologie A. Rappel sur le métabolisme du fer Du fait de sa capacité à échanger des électrons en situation aérobie, le fer est indispensable au fonctionnement cellulaire, notamment à la synthèse de l'ADN, à la respiration cellulaire et au transport de l'oxygène. L'excès de fer conduit, cependant, à des dommages tissulaires en catalysant la conversion du peroxyde d'hydrogène en radicaux libres susceptibles d'attaquer les membranes cellulaires, les protéines et l'ADN. Le stock normal de fer est de 35 à 45 mg/kg chez l'homme, un peu inférieur chez la femme avant la ménopause (environ 35 mg/kg). La majorité du fer est incorporé dans l'hémoglobine (60 %), tandis que 10 à 15 % sont retrouvés dans la myoglobine musculaire et les cytochromes (10 %). Le fer circulant, lié à la transferrine, ne représente qu'une faible proportion (1 %). Le foie (1 000 mg) et les macrophages du tissu réticulo-endothélial constituent les principaux sites de stockage du fer. 1. Dans les conditions physiologiques 92 De 1 à 2 mg de fer sont éliminés chaque jour par la transpiration et la desquamation des cellules cutanées et intestinales ou, chez la femme, pendant les règles. Cette perte est compensée par l'apport alimentaire. L'absorption intestinale du fer s'effectue au niveau du duodénum. Le fer alimentaire, réduit à l'état ferreux, est capté au pôle apical de l'entérocyte puis internalisé grâce au transporteur membranaire DMT1 (Divalent Metal Transporter 1). Il peut alors être stocké dans l'entérocyte sous forme de ferritine ou être relargué dans la circulation au pôle basolatéral grâce à la ferroportine (figure 8.1a). Dans le sang, le fer circule lié à la transferrine. Le complexe est capté par les cellules utilisatrices, en particulier l'hépatocyte, grâce aux récepteurs de la transferrine (TRF1 et TRF2) et s'accumule dans les cellules sous forme de ferritine. Les macrophages récupèrent le fer ferrique des érythrocytes vieillissants et le refixent sur la transferrine pour une distribution aux tissus. Tableau 8.1. Les différentes causes de surcharge en fer. Hémochromatoses génétiques ou – Mutations de HFE (> 95 %) primitives – Mutations d'autres gènes (plus rares) Surcharges en fer secondaires – Transfusionnelles : Causes diverses • thalassémie (Source : CEEDMM, 2019.) • anémie sidéroblastique – Surcharge alimentaire – Maladie hépatique chronique : • hépatite B ou C • hépatopathie alcoolique • porphyrie cutanée tardive • stéatose hépatique – Hémosidérose africaine (alimentaire) – Acéruléoplasminémie – Atransferrinémie congénitale

Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose 8 a Connaissances 93 b Fig. 8.1. Métabolisme du fer chez l'adulte. a. Dans les conditions normales, l'appréciation des besoins en fer de l'organisme par les cellules immatures de la crypte dépend de la concentration intracellulaire du fer, capté par l'intermédiaire du récepteur de la transferrine qui interagit avec la protéine HFE. Les cellules immatures de la crypte, programmées par cette information, se transfor- ment en entérocytes matures. L'activité des transporteurs DMT1 et ferroportine basolatérale permet d'absorber une quantité de fer équivalente aux pertes journalières. L'hepcidine réduit l'absorption du fer par les entérocytes et les macrophages ; sa concentration augmente quand le fer sérique est trop élevé. b. Les mécanismes conduisant à la surcharge en fer au cours de l'hémochromatose primitive ne sont pas totalement élucidés. L'une des hypothèses est que le produit du gène muté HFE ne peut interagir correctement avec le récepteur de la transferrine, ce qui limiterait la captation du fer circulant lié à la ferritine par les cellules immatures de la crypte, conduisant à une déplétion relative de leur contenu en fer. De ce fait, les entérocytes matures exprimeraient les transporteurs DMT1 et ferroportine de manière inappropriée pour compenser le déficit présumé en fer, et cela conduirait à une absorption exagérée du fer. De nombreux travaux suggèrent le rôle central de l'hepcidine dans la genèse de la surcharge ferrique. Au niveau des hépatocytes, son expression est normalement activée par l'augmentation en fer sérique, notamment via la protéine HFE : elle est effondrée au cours de l'hémochromatose, d'où une libération inadaptée du fer par les entérocytes et les macrophages. (Source : CEEDMM, 2019.)

Connaissances Il n'y a pas de régulation de l'élimination du fer : c'est donc son absorption intestinale qui conditionne le stockage du fer dans l'organisme et explique qu'une dysrégulation de l'absorp- tion puisse conduire à une surcharge en fer. L'expression des transporteurs (DMT1 et ferroportine) dépend des stocks de fer intracellulaire. L'hepcidine, peptide de 25 acides aminés synthétisé par le foie, est l'hormone de régulation de l'absorption du fer. Elle agit sur la ferroportine pour inhiber le transport du fer, entraînant une diminution de son absorption et une augmentation de sa rétention dans les macrophages et les cellules de Kupffer (macrophages résidents du foie). La synthèse de l'hepcidine diminue lorsque les besoins en fer augmentent. 2. Dans l'hémochromatose primitive L'expression des transporteurs DMT1 et ferroportine est augmentée de manière inappropriée, ce qui conduit à une absorption de fer supérieure aux pertes journalières et à son accumula- tion progressive dans l'organisme (figure 8.1b). L'hepcidine est effondrée, d'où une majoration du transport en fer ; le mécanisme par lequel les protéines impliquées dans la survenue d'une hémochromatose régulent l'expression de l'hepcidine est mal connu. En cas d'inflammation, la synthèse de l'hepcidine est augmentée. De ce fait, dans les anémies inflammatoires, il existe une diminution de l'absorption du fer et une rétention élevée dans le système macrophagique. B. Aspects génétiques 94 L'hémochromatose primitive, représentant plus de 95  % des cas, est liée au gène HFE. Il code une protéine du complexe majeur d'histocompatibilité de classe I, HLA3. Deux mutations ponctuelles, C282Y et H63D, ont été identifiées. La mutation C282Y (Cys 282 Tyr  : remplacement, en position 282, d'une cystéine par une tyrosine) est la plus fortement associée à l'hémochromatose. En France, 90 % des patients por- teurs d'une hémochromatose sont homozygotes pour la mutation C282Y (hémochromatose de type 1). La transmission s'effectue sur un mode autosomique récessif mais la pénétrance est incomplète et l'expressivité variable. L'hétérozygotie simplex C282Y n'a pas d'expression clinique. La seconde mutation H63D du gène HFE (His 63 Asp : remplacement, en position 63, d'une histidine par un acide aspartique) n'est impliquée qu'en cas d'association à la précédente chez des patients hétérozygotes composites C282Y/H63D. D'autres mutations touchant d'autres gènes ont également été identifiées (hepcidine, ferro- portine, hémojuvénile, récepteur de la transferrine) ; elles sont exceptionnelles. III. Manifestations cliniques Le fer s'accumule progressivement dans le foie, le cœur et les tissus endocrines. Les premiers symptômes sont observés entre 40 et 50 ans chez l'homme. Chez la femme, l'accumulation du fer est retardée par les menstruations et la maladie ne devient généralement patente qu'après la ménopause. Les facteurs de variabilité de l'expression de la maladie sont, outre le sexe, les facteurs génétiques, qui conditionnent le degré de surcharge en fer, et les facteurs d'envi- ronnement (rôle aggravant d'une hépatopathie préexistante ou d'un alcoolisme chronique associé). La pénétrance clinique de l'homozygotie C282Y étant très faible, un pourcentage élevé de patients n'aura aucune expression phénotypique de la maladie. En pratique, il est impossible de prédire quels sujets homozygotes pour la mutation C282Y évolueront vers une hémochromatose symptomatique.

Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose 8 Dans sa forme historique, symptomatique, le tableau clinique de l'hémochromatose associe Connaissances une mélanodermie diffuse (figure  8.2), un diabète sucré, une hépatomégalie (ou « cirrhose bronzée » avec diabète), une cardiomyopathie, des arthralgies et d'autres endocrinopathies (tableau 8.2). À l'heure actuelle, le diagnostic est le plus souvent effectué à un stade plus précoce voire présymptomatique ; l'enjeu est alors de prévenir la survenue des complications. En effet, en l'absence de cirrhose ou de diabète, la maladie n'entraîne pas de réduction significative de l'espérance de vie. La fréquence respective des signes et symptômes présents au moment du diagnostic clinique est donnée dans le tableau 8.2. L'association d'une asthénie inexpli- quée, d'arthralgies et d'une élévation des aminotransférases ALAT est considérée comme évo- catrice — c'est la règle des trois « A ». A. Atteinte hépatique Une élévation modérée des enzymes hépatiques, prédominant sur les ALAT, et/ou une hépato- mégalie sont observées chez 95 % des patients symptomatiques. L'évolution vers une cirrhose et ses complications explique 90 % des décès dus à l'hémochromatose. Les patients cirrho- tiques porteurs d'une hémochromatose ont un risque de carcinome hépatocellulaire de 5 % par an. 95 ab Fig. 8.2. Hémochromatose associée à une mélanodermie. (Source : CEEDMM, 2019.) Tableau  8.2. Fréquence des signes et symptômes lors du diagnostic d'une hémochromatose symptomatique. Anomalies fonctionnelles hépatiques 75 % Asthénie, adynamie 74 % Mélanodermie 70 % Diabète 48 % Impuissance 45 % (hommes) Arthralgies 44 % Anomalies ECG 31 % (Source : CEEDMM, 2019.)

Connaissances B. Atteinte cardiaque L'hémochromatose s'accompagne d'un risque de cardiopathie dilatée, de troubles du rythme à type notamment de fibrillation auriculaire. La sévérité de l'atteinte myocardique n'est pas cor- rélée à celle des autres organes. L'atteinte cardiaque peut être responsable d'une mort subite. C. Atteinte endocrinienne 1. Diabète (+++) L'hémochromatose peut être responsable d'un diabète. Le risque de diabète est d'autant plus important que le patient a déjà une atteinte hépatique. Le mécanisme principal est une accumulation pancréatique du fer, conduisant à des phénomènes oxydatifs et favorisant la survenue d'une apoptose des cellules β des îlots de Langerhans, les cellules α responsables de la sécrétion de glucagon restant normales, comme la sécrétion exocrine. Il s'agit donc essentiellement d'un diabète lié à une insulinopénie ; mais la surcharge en fer pourrait égale- ment être responsable d'une insulinorésistance. Une fois déclaré, le diabète évolue en effet pour son propre compte ; il n'y a pas de régression avec la déplétion martiale. 2. Hypogonadisme (+++) C'est la cause la plus fréquente d'endocrinopathie au cours de l'hémochromatose, en dehors du diabète. L'hypogonadisme peut se révéler par une impuissance chez l'homme, une amé- norrhée chez la femme, une perte de la libido ou une ostéoporose. Il s'agit d'une insuffisance gonadotrope liée à une accumulation de fer dans l'hypophyse. Les saignées ne permettent pas 96 d'obtenir une récupération. D. Atteinte articulaire L'arthropathie est fréquente, survenant chez un tiers à deux tiers des patients. L'atteinte la plus caractéristique est une arthrite chronique touchant les deuxième et troisième métacarpopha- langiennes, responsable d'une « poignée de main douloureuse ». Les interphalangiennes proximales, les poignets, les genoux, les chevilles, les épaules et les hanches peuvent aussi être affectés. Le mécanisme en est mal connu. L'hémochromatose est une cause importante de chrondocalcinose (+++). E. Atteinte cutanée La mélanodermie (figure 8.2) survient tardivement au cours de l'évolution, conduisant à une coloration grisâtre ou brune des téguments, parfois limitée aux zones découvertes (visage, cou, dos des mains, avant-bras, partie inférieure des jambes) et aux parties génitales. Elle est souvent visible sur la muqueuse buccale. IV. Diagnostic de l'hémochromatose La découverte du gène HFE a profondément modifié la stratégie diagnostique. Il faut cepen- dant se rappeler que la mutation C282Y à l'état homozygote n'est pas suffisante pour pro- duire la maladie. On doit différencier deux situations : • la suspicion d'hémochromatose devant des manifestations cliniques ou paracliniques ; • le dépistage familial chez un patient asymptomatique apparenté au premier degré à un sujet génétiquement atteint.

Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose 8 Connaissances A. Suspicion d'hémochromatose 97 La stratégie diagnostique est schématisée sur la figure 8.3. 1. Première étape La première étape consiste à affirmer biochimiquement l'anomalie du métabolisme du fer. Il faut mesurer le coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf), qui constitue le marqueur le plus sensible et spécifique de la maladie (+++) pour un seuil fixé à 45 %. Le dosage de la concentration plasmatique de la ferritine permet d'estimer les réserves en fer de l'organisme. Une valeur supérieure à 300 μg/l chez l'homme et à 200 μg/l chez la femme est en faveur d'une surcharge en fer, mais de fausses augmentations sont observées au cours des pathologies inflammatoires. Par ailleurs, au cours de l'hémochromatose, la ferritinémie n'augmente que tardivement lorsque survient la surcharge hépatique en fer. Son dosage per- met d'apprécier le stade évolutif de la maladie (+++). a. CS-Tf supérieur à 45 % À cette condition, la suspicion d'hémochromatose primitive est forte. L'élévation de la ferriti- némie renforce cette présomption mais sa normalité n'élimine pas le diagnostic (+++). ' ' Fig. 8.3. Diagnostic d'une hémochromatose génétique : arbre décisionnel. (Source : CEEDMM, 2019.)

Connaissances b. CS-Tf inférieur à 45 % À cette condition, l'hémochromatose primitive peut être éliminée.  La constatation fré- quente d'une ferritinémie élevée associée à un CS-Tf bas doit faire évoquer une autre cause de surcharge en fer (tableau 8.1), en particulier l'hépatosidérose dysmétabolique, ou NASH (Non Alcoholic Steatosis Hepatitis), observée au cours des syndromes d'insulinorésistance, associant une élévation des ALAT, des γ-GT et de la ferritinémie à un foie stéatosique à l'échographie : il s'agit d'une cause fréquente de surcharge en fer, susceptible d'évolution vers la fibrose et la cirrhose hépatiques. Les autres causes sont exceptionnelles, représentées par l'acéruléoplasminémie héréditaire, associant diabète, surcharge hépatique en fer et signes neurologiques (syndrome extrapyrami- dal, ataxie, démence). 2. Deuxième étape La deuxième étape consiste à rechercher une mutation C282Y ou H63D du gène HFE, par analyse génétique, après consentement écrit du patient. a. Patient homozygote C282Y ou hétérozygote composite Si le patient est homozygote C282Y +/+ ou hétérozygote composite C282Y/H63D, le diag­ nostic d'hémochromatose est acquis (HFE1). La ferritinémie permet d'estimer la surcharge ferrique et d'orienter la prise en charge (tableau 8.3). Lorsque la ferritinémie est élevée, il existe un risque de retentissement viscéral et métabolique. Il est indispensable de pratiquer des examens complémentaires : glycémie à jeun, dosage des transaminases, échographie abdominale, ECG et, en fonction du contexte clinique, radiogra- 98 phies articulaires, échographie cardiaque, bilan hormonal avec dosage de testostérone chez l'homme, ostéodensitométrie osseuse s'il existe des cofacteurs d'ostéoporose. En fonction des résultats, il sera nécessaire de confier le patient à un spécialiste. Le recours au spécialiste est systématique si la ferritine est supérieure à 1 000  μg/l, pour discuter la réalisation d'examens complémentaires (mesure de la surcharge hépatique en fer par IRM quantitative). La ponction-biopsie hépatique (cf. encadré) n'est pratiquée qu'en cas de suspicion de fibrose et pour rechercher des signes de gravité (cirrhose, cancer hépatocellulaire). Tableau 8.3. Bilan complémentaire à pratiquer après confirmation du diagnostic d'hémochromatose. Évaluation initiale Interrogatoire Examen clinique Bilan martial : CS-Tf et ferritine Résultats du bilan martial CS-Tf < 45 % CS-Tf > 45 % CS-Tf > 45 % F(setrarditein0e)n⁎ormale (Fsetrarditein1e)n⁎ormale F(setrarditeinse2éàle4vé)⁎e Bilan à pratiquer Pas d'examens Rechercher une atteinte : complémentaires • pancréatique (glycémie à jeun) • hépatique (transaminases, échographie) • cardiaque (échographie pour les stades 3–4) • gonadique (dosage de testostérone chez l'homme) • osseuse (ostéodensitométrie si cofacteurs d'ostéoporose) Orienter vers un spécialiste en fonction de la clinique et des résultats du bilan (en particulier si ferritinémie > 1 000 μg/l) ⁎ Cf. infra, tableau 8.5. (Source : CEEDMM, 2019.)

Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose 8 Connaissances b. Patient hétérozygote simplex ou absence de mutation 99 Si la recherche de mutation est négative ou si le patient est hétérozygote simplex pour C282Y ou H63D, il faut être très critique vis-à-vis du diagnostic d'hémochromatose. Il faut se souvenir qu'une élévation du CS-Tf n'est pas totalement spécifique de l'hémochro- matose (tableau 8.4). Il faut donc toujours confronter les données clinicobiologiques. Si le contexte est très évocateur et qu'il existe une élévation persistante de la ferritiné- mie, on évoquera une autre forme d'hémochromatose héréditaire (hémochromatose juvénile, mutation du gène du récepteur de la transferrine, tableau  8.2), à rechercher par des tests génétiques de seconde intention. En pareil cas, on proposera le plus sou- vent une ponction-biopsie hépatique qui pourra donner des arguments en faveur d'une probable hémochromatose héréditaire (index de surcharge ferrique, distribution hépa- tocytaire du fer). Place de la biopsie hépatique La biopsie hépatique, autrefois couramment utilisée pour le diagnostic, n'est donc utilisée actuelle- ment que : • soit à visée diagnostique, en cas d'anomalie ferrique avec enquête génétique négative ; • soit à visée pronostique, en cas de suspicion d'atteinte hépatique sévère. B. Dépistage familial Le dépistage est proposé de manière systématique chez les apparentés du premier degré. Compte tenu du caractère généralement tardif des manifestations cliniques, il est réalisé chez le jeune adulte. Un bilan martial perturbé conduit d'emblée à la réalisation d'un test génétique pour confirmer le diagnostic.  La normalité du bilan martial n'exclut pas le diagnostic. On peut proposer : • une surveillance régulière du bilan martial ; • un conseil et un dépistage génétiques qui, dans le cadre de la loi sur le dépistage des apparentés sains des patients porteurs de maladie génétique, seront réalisés avec l'aide du patient, chargé d'informer les apparentés et après accord de ces derniers, par un généticien ou un spécialiste œuvrant dans le cadre d'un réseau spécialisé (tableau 8.3). Tableau 8.4. Causes d'élévation du coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf). – Hémochromatoses génétiques ou primitives – Supplémentations martiales excessives – Anémies hémolytiques – Dysérythropoïèses – Cytolyses majeures (hépatite C) – Insuffisances hépatocellulaires – Surcharges en fer secondaires (Source : CEEDMM, 2019.)

Connaissances V. Stades de l'hémochromatose primitive On identifie cinq stades (+++) (tableau 8.5) : • les stades 0 à 2 correspondent aux phases présymptomatiques de la maladie ; • les stades 3 et 4 sont des stades symptomatiques avec retentissement métabolique ou viscéral. VI. Prise en charge thérapeutique La prise en charge est conditionnée par le stade de la maladie (tableau 8.5) et ses objectifs sont à la fois d'éliminer l'excès de fer (traitement d'induction ou d'attaque) et d'éviter la reconstitution des stocks de fer (traitement d'entretien) (tableau 8.6). Tableau 8.5. Différents stades de l'hémochromatose primitive. Stade 0 Hémochromatose asymptomatique Absence de toute expression phénotypique (CS-Tf < 45 % et ferritinémie normale) Stade 1 Augmentation du CS-Tf (> 45 %) sans élévation de la ferritinémie Stade 2 Augmentation du CS-Tf > 45 % et du taux de ferritinémie sans expression clinique ou biologique d'atteinte viscérale ou métabolique 100 Stade 3 Augmentation du CS-Tf > 45 % et du taux de ferritinémie avec expression clinique pouvant compromettre la qualité de vie (asthénie, impuissance, arthropathie, diabète, hépatopathie non cirrhotique, troubles du rythme cardiaque, mélanodermie) Stade 4 Augmentation du CS-Tf > 45 % et du taux de ferritinémie avec expression clinique pouvant compromettre le pronostic vital (cirrhose, carcinome hépatocellulaire, diabète requérant de l'insuline, insuffisance cardiaque) (Source : CEEDMM, 2019.) Tableau 8.6. Prise en charge thérapeutique de l'hémochromatose. Stade 0 Stade 1 Stade 2 Stades 3 et 4 Traitement Pas de traitement Traitement déplétif par saignée (sans dépasser 550 ml) : – phase d'induction hebdomadaire : objectif ferritine < 50 μg/l – phase d'entretien par saignée tous les 2 à 4 mois pour maintenir une ferritinémie < 50 μg/l Traitement des complications en fonction de la clinique Suivi Tous les 3 ans : Chaque année : En phase d'induction : contrôle mensuel de la ferritinémie – interrogatoire – interrogatoire jusqu'au seuil de 300 μg/l chez l'homme et 200 μg/l chez – examen clinique – examen clinique la femme – ferritinémie et CS-Tf – ferritinémie et CS-Tf En dessous : contrôle toutes les deux saignées En phase d'entretien : contrôle de la ferritine toutes les deux saignées, contrôle de l'hémoglobinémie 1 semaine avant la saignée Suivi des complications en fonction de la clinique (dépistage du CHC*, bilan de diabète, etc.) CHC, carcinome hépatocellulaire. (Source : CEEDMM, 2019.)

Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose 8 Connaissances A. Moyens thérapeutiques 101 1. Saignées Les saignées constituent le traitement de référence. Elles ont démontré leur efficacité sur la survie des patients et la régression d'un certain nombre de complications liées à la surcharge martiale (tableau 8.7). De plus, elles permettent d'éviter l'installation de complications irréver- sibles, si l'observance est satisfaisante. Les contre-indications permanentes à la réalisation des saignées sont l'anémie sidéroblastique, la thalassémie majeure et les cardiopathies sévères non liées à l'hémochromatose. Les contre-indications temporaires sont : • l'hypotension (PAS < 100 mm Hg) ; • une concentration d'hémoglobine < 11 g/dl ; • la grossesse ; • une artériopathie sévère des membres inférieurs ; • une fréquence cardiaque < 50/min ou > 100/min. Dans ces situations ou lorsque le réseau veineux insuffisant ne permet pas la réalisation des saignées, on pourra avoir recours à l'érythraphérèse ou au traitement chélateur. 2. Autres traitements a. Érythraphérèse L'érythraphérèse permet, à l'aide d'un séparateur de cellules, de soustraire en une seule fois un volume plus important d'hématies que les saignées. b. Traitement par chélation du fer Le traitement par chélation du fer constitue une alternative de seconde intention dans les cas de contre-indication permanente ou temporaire ou de non-faisabilité des saignées. La défé- roxamine (Desféral®) dispose d'une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de l'hémochromatose primitive. Compte tenu de son coût, de ses effets indésirables potentiels (réactions érythémateuses au point d'injection, manifestations allergiques locales ou géné- rales), du mode d'administration (voie parentérale), elle est réservée aux formes non curables par saignées. Tableau 8.7. Bénéfices attendus des saignées. Amélioration importante Disparition Asthénie Normalisation Mélanodermie Résolution habituelle Perturbations du bilan hépatique Disparition sauf pathologie hépatobiliaire Hépatomégalie Irréversible Hépatalgies Amélioration partielle, non certaine Cirrhose Amélioration partielle Cardiomyopathie Peu réversible Arthralgies En général irréversible Hypogonadisme Diabète (Source : CEEDMM, 2019.)

Connaissances 3. Mesures associées L'approche thérapeutique doit également comporter : • des conseils diététiques visant à supprimer les boissons alcoolisées, notamment tant que la désaturation n'est pas obtenue, et à éviter l'apport en vitamine C qui favorise l'absorption du fer ; en revanche, un régime pauvre en fer n'est pas indiqué ; • le traitement symptomatique des complications viscérales et métaboliques, lorsqu'elles sont présentes. Leur prise en charge n'est pas différente de celle des mêmes pathologies survenant chez des patients ne présentant pas d'hémochromatose. En cas de diabète, la surveillance sur le taux de l'hémoglobine glyquée est faussée du fait des saignées (+++). B. Stratégie thérapeutique La relation entre intensité de la surcharge martiale, risque de survenue des complications (notamment diabète, cirrhose) et surrisque de mortalité est bien démontrée. De ce fait, il est recommandé d'entreprendre les saignées dès que la ferritinémie est supérieure à 300 μg/l chez l'homme et 200 μg/l chez la femme, c'est-à-dire pour les stades 2, 3 et 4 (tableaux 8.3 et 8.5). Les stades 3 et 4 imposent aussi la prévention et le traitement éventuel des atteintes viscé- rales et métaboliques. Les stades 0 et 1 ne requièrent aucun traitement. 1. Traitement d'induction 102 Au cours du traitement d'induction, le rythme des saignées est hebdomadaire ; il peut être adapté au niveau de la ferritinémie et à la tolérance du patient. Le traitement d'induction doit être poursuivi jusqu'à ce que la ferritinémie soit < 50 μg/l. Le volume de sang prélevé varie avec le poids du sujet et ne doit pas dépasser 550 ml. La surveillance régulière vise surtout à contrô- ler l'évolution de la réduction de la surcharge martiale et à éviter la survenue d'une anémie. 2. Traitement d'entretien Lorsque la ferritinémie est inférieure à 50 μg/l, on passe au traitement d'entretien, dont l'ob- jectif est de maintenir la ferritine au même taux, en espaçant les saignées tous les 2 à 4 mois en fonction des patients. C. Résultats La déplétion martiale entraîne une amélioration de l'état général, en 3 à 6 mois, avec atté- nuation de la mélanodermie, régression de l'hépatomégalie en l'absence de cirrhose et amé- lioration de l'état myocardique, mais elle entraîne peu de changement de l'état articulaire (tableau 8.7). En cas de cirrhose évoluée, une transplantation hépatique peut être envisagée, mais le résultat de la transplantation est moins bon dans cette indication, du fait notamment des complica- tions cardiaques. Le diabète ne disparaît pas avec la déplétion martiale, qui facilite cependant son équilibration. On observe une mauvaise réponse de l'insuffisance gonadique, qui doit être compensée par un traitement hormonal substitutif en l'absence de contre-indication.

Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose 8 clés • La physiopathologie de l'hémochromatose a été éclaircie par la découverte de l'hepcidine, nouveau régulateur du métabolisme du fer. Néanmoins, de nombreuses inconnues persistent encore. • La suspicion diagnostique existe dès que le coefficient de saturation de la transferrine (CS-Tf) est > 45 %. • La forme génétique la plus fréquente est due à la mutation homozygote C282Y du gène HFE. • La recherche de complications est systématique dès que la ferritine est élevée. • Le traitement par saignées dès que la ferritine est élevée a pour but d'éviter les complications. • Les principales complications sont le diabète, la cirrhose et le cancer du foie, l'hypogonadisme, les atteintes articulaires. • Le dépistage génétique a radicalement modifié la stratégie diagnostique. Pour en savoir plus Prise en charge de l'hémochromatose liée au gène HFE (hémochromatose de type 1). HAS, juillet 2005. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/fiche_de_synth_350se_hfe-1_finale.pdf Points Connaissances 103

Item 215 – UE 7 Pathologie du fer chez l'adulte et l'enfant : hémochromatose 8 Pour en savoir plus http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/applica- tion/pdf/fiche_de_synth_350se_hfe-1_finale.pdf Prise en charge de l'hémochromatose liée au gène HFE (hémochromatose de type  1). HAS, juillet 2005. Connaissances 103.e1

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9CHAPITRE Item 219 – UE 8 Facteurs de risque cardiovasculaire, prévention Item 220 – UE 8 Dyslipidémies I. Définitions Connaissances II. Facteurs de risque à prendre en compte III. Tabac IV. Hyperlipidémies V. Hypertension artérielle et risque cardiovasculaire VI. Diabète et risque cardiovasculaire VII. Prise en charge du risque cardiovasculaire 105 Objectifs pédagogiques Item 219 Expliquer les facteurs de risque cardiovasculaire, leur impact pathologique et la notion de stratification du risque (coronarien par exemple). Expliquer les modalités de la prévention primaire et secondaire des facteurs de risque cardiovasculaire et les stratégies individuelles et collectives. Item 220 Diagnostiquer les principales dyslipidémies primitives et secondaires. Connaître les recommandations pour la prise en charge des dyslipidémies. Hiérarchisation des connaissances Id. et rang Rubrique Intitulé 219/220-A1 A Définition Connaître la notion de facteur de risque 219/220-A2 A Définition Savoir définir un risque absolu 219/220-A3 A Définition Savoir définir un risque relatif 219/220-A4 A Définition Connaître la définition de prévention primaire et secondaire 219/220-A5 A Physiopathologie Connaître les facteurs de risque cardiovasculaire (CV) modifiables à prendre en compte 219/220-A6 A Physiopathologie Connaître les facteurs de risque CV non modifiables à prendre en compte ▼ 219/220-A7 A Définition Connaître le concept d'estimation du risque vasculaire individuel 219/220-A8 A Définition Savoir estimer le risque vasculaire individuel en pratique Endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques © 2019, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Connaissances ▼ Id. et rang Rubrique Intitulé 219/220-A9 A Épidémiologie, Connaître la prévalence du tabagisme en France prévalence 219/220-A10 A Physiopathologie Connaître les risques CV du tabagisme 219/220-A11 A Physiopathologie Connaître les bases du métabolisme des lipoprotéines 219/220-B1 B Physiopathologie Connaissance fine du métabolisme des lipoprotéines 219/220-A12 A Physiopathologie Connaître les relations entre lipides et athérosclérose 219/220-A13 A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques évocateurs d'hypercholestérolémies 219/220-A14 A Diagnostic positif Connaître les signes cliniques évocateurs d'hypertriglycéridémies 219/220-A15 A Contenu multimédia Connaître les complications des hyperlipidémies 219/220-A16 A Physiopathologie Connaître les principales complications des hyperlipidémies 219/220-A17 A Examens Connaître l'utilisation et l'interprétation d'un bilan lipidique complémentaires 219/220-A18 A Étiologie Connaître les principales causes d'hyperlipidémies secondaires 219/220-A19 A Étiologie Connaître les principales causes d'hyperlipoprotéinémies primaires selon la classification simplifiée 219/220-B2 B Étiologie Connaître les principales causes d'hyperlipoprotéinémies primaires selon la classification de Fredrickson 219/220-A20 A Définition Connaître la définition de l'hypertension artérielle 219/220-A21 A Épidémiologie, Connaître la prévalence de l'hypertension artérielle et du risque prévalence cardiovasculaire associé 106 219/220-A22 A Prise en charge Savoir réaliser le bilan diagnostic étiologique et évolutif d'HTA 219/220-A23 A Épidémiologie, Connaître le risque CV associé au diabète et risque cardiovasculaire prévalence 219/220-A24 A Prise en charge Connaître les principes généraux de la prise en charge du risque cardiovasculaire 219/220-A25 A Prise en charge Connaître les modalités du sevrage tabagique 219/220-A26 A Prise en charge Connaître le bénéfice de l'activité physique pour la prise en charge du risque CV 219/220-A27 A Prise en charge Connaître les mesures diététiques adaptées au profil de chaque patient 219/220-A28 A Prise en charge Connaître les caractéristiques des principaux médicaments hypolipidémiants 219/220-A29 A Prise en charge Connaître les principes du traitement médicamenteux des hypercholestérolémies isolées 219/220-A30 A Prise en charge Connaître les objectifs lipidiques en prévention primaire ou secondaire 219/220-A31 A Prise en charge Connaître la stratégie du traitement médicaments antihypertenseurs 219/220-A32 A Prise en charge Connaître la place du traitement antiagrégants plaquettaires dans la prise en charge du risque CV I. Définitions A. Facteurs de risque 1. Notion de facteur de risque Il s'agit d'une situation associée à une majoration du risque de survenue de complications cardiovasculaires ischémiques. Il peut s'agir :

Item 219 – UE 8 Facteurs de risque cardiovasculaire, prévention Item 220 – UE 8 Dyslipidémies 9 Connaissances • d'un état physiologique (vieillissement, ménopause) ; 107 • d'un état pathologique (HTA, diabète, obésité abdominale) ; • d'une habitude de vie (tabagisme, sédentarité). En toute rigueur, lorsqu'il n'existe aucune relation de causalité directe, il s'agit en fait d'un « marqueur de risque », témoin d'un processus (par exemple, l'élévation de la microalbuminu- rie, l'élévation de la CRP). S'il existe un lien de causalité directe entre l'agent et la maladie, il s'agit d'un authentique « facteur de risque ». Pour que le facteur de risque soit cliniquement pertinent, il doit satisfaire plusieurs conditions : • intensité de la relation ; • gradient de risque élevé pour chaque écart type de variation du facteur ; • relation dose-effet  : le risque de développer la maladie augmente proportionnellement selon le niveau d'exposition au facteur de risque ; • indépendance : l'association entre le facteur de risque et la maladie persiste quel que soit le niveau des autres facteurs de risque (la relation persiste en analyse multivariée) ; • concordance : association établie par plusieurs études épidémiologiques convergentes ; • séquence temporelle : l'exposition au facteur de risque précède la maladie ; • cohérence physiopathologique  : caractère plausible de l'association sur des données expérimentales ; • réversibilité : la correction du facteur de risque lors d'études contrôlées permet de prévenir la maladie ou d'en réduire l'incidence ; cette démonstration essentielle établit formellement la preuve de la causalité. 2. Risque absolu (RA) Le risque absolu est la probabilité de présenter la maladie dans un laps de temps donné. Ce risque est exprimé en taux de complications ischémiques au cours d'une période généralement extrapolée à 10 ans. Le gain en risque absolu (différence des risques absolus) permet de calculer le NPT : (RAx – RAy)–1, où RAx représente le RA d'un individu x et RAy celui d'un individu y. Autrement dit, le NPT donne le « nombre de personnes à traiter » pendant une durée déterminée pour espérer éviter un événement. 3. Risque relatif (RR) Le risque relatif est le rapport du risque d'un individu exposé versus le risque d'un individu de référence non exposé au facteur de risque cardiovasculaire. Par exemple, RR = 3 indique que l'individu exposé au facteur de risque a une probabilité triplée de présenter la complication ischémique par rapport à un individu qui n'est pas exposé au facteur de risque. Autre exemple, RR = 0,5 indique que l'individu exposé à un facteur protecteur a une probabi- lité réduite de moitié de présenter la complication ischémique par rapport à l'individu qui n'est pas exposé à ce facteur. Lorsqu'on compare des interventions de prévention lors d'études différentes, ce sont les risques relatifs qui doivent être considérés. Lorsque, à l'échelon individuel, on souhaite estimer le bénéfice potentiel d'une intervention pour un individu, c'est le gain en risque absolu qui doit être intégré. B. Prévention primaire et secondaire 1. Prévention primaire Elle consiste à éviter la survenue ultérieure d'un accident cardiovasculaire en corrigeant les facteurs de risque identifiés chez des patients indemnes de tout événement cardiovasculaire.

Connaissances 2. Prévention secondaire Elle consiste à éviter la survenue d'un accident cardiovasculaire chez des patients ayant déjà présenté un accident cardiovasculaire en corrigeant les facteurs de risque identifiés et en agis- sant sur la maladie cardiovasculaire constituée. La notion de prévention secondaire et primaire est complétée par le classement des patients en fonction du risque cardiovasculaire (cf. infra). Les patients en prévention secondaire sont par définition à haut risque cardiovasculaire ou à très haut risque dans les nouvelles recommandations européennes. Il existe des situations où les patients sont à haut risque mais en prévention primaire ; c'est le cas par exemple des patients qui ont une sténose de la carotide supérieure à 50  % ou un cumul de facteur de risque exceptionnel. 3. Prévention tertiaire On parle de prévention tertiaire quand il s'agit de traiter des séquelles de l'accident (rééduca- tion par l'activité physique, par exemple). II. Facteurs de risque à prendre en compte Les facteurs de risque cardiovasculaire modifiables et non modifiables sont représentés dans la figure 9.1 (Afssaps, 2005). 108 A. Facteurs de risque non modifiables Ils doivent être pris en considération car ils déterminent puissamment le niveau de risque absolu et donc l'amplitude du bénéfice absolu après une intervention : Fig. 9.1. Présentation synthétique des principaux facteurs de risque cardiovasculaire. (Source : CEEDMM, 2019.)

Item 219 – UE 8 Facteurs de risque cardiovasculaire, prévention Item 220 – UE 8 Dyslipidémies 9 Connaissances • homme âgé de 50 ans ou plus ; 109 • femme âgée de 60 ans ou plus ou ménopausée ; • antécédents familiaux de maladie coronarienne précoce : – infarctus du myocarde ou mort subite avant l'âge de 55 ans chez le père/frère ; – infarctus du myocarde ou mort subite avant l'âge de 65 ans chez la mère/sœur. B. Facteurs de risque modifiables Leur identification participe à l'estimation du risque et ce sont eux qui constituent la cible des actions de prévention : • tabagisme en cours (dès 1 cigarette par jour ou sevré depuis moins de 3 ans) ; • hypercholestérolémie avec LDL-cholestérol (LDLc) élevé ; • HDL-cholestérol (HDLc) inférieur à 0,40 g/l [1 mmol/l], quel que soit le sexe ; • hypertension artérielle ; • diabète, traité ou non, et syndrome métabolique (cf. infra) ; • insuffisance rénale chronique. À l'inverse, le HDL-cholestérol supérieur ou égal à 0,60  g/l [1,5  mmol/l] constitue un facteur de protection  : soustraire alors « un risque » à la somme des facteurs de risque cardiovasculaire. C. Méthodes d'estimation du risque vasculaire individuel 1. Concept L'estimation du risque vasculaire du sujet consiste à recenser l'ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire — ils ont un caractère multiplicatif — et à déduire ainsi la probabilité de survenue d'une complication ischémique. Les facteurs de risque ont un effet synergique sur le niveau de risque. L'estimation du risque peut être quantitative, exprimée en probabilité de présenter une complication en 10  ans, en employant des équations multifactorielles. Le principe de ces équations est d'éliminer les facteurs redondants. De nombreuses équations sont utilisables. L'équation la plus connue est celle tirée de l'étude de Framingham (États-Unis), pour laquelle des modèles récents ont été proposés. Cette équation a tendance à surestimer le risque dans les pays à bas risque. L'équation européenne issue du projet SCORE concerne les pays à faible incidence de compli- cations cardiovasculaires, mais elle n'estime que la mortalité cardiovasculaire (figure 9.2) ; la mortalité représente 30 % de la globalité des événements ischémiques. C'est cette équation qui a été retenue en France pour classifier le risque cardiovasculaire. 2. Estimation du risque en pratique a. Interrogatoire L'interrogatoire consiste à : • recueillir des antécédents familiaux cardiovasculaires ; • rechercher des antécédents personnels ischémiques ou des signes fonctionnels évocateurs tels qu'angor, AOMI (artériopathie des membres inférieurs), AIT (accident ischémique transitoire) ; • recueillir des facteurs de risque cardiovasculaire.

Connaissances Femmes 15 % et plus Risque de survenue Hommes 10 % – 14 % d'une affection 5%–9% 3%–4% cardiovasculaire à 2% 10 ans, dans une 1% population à bas <1 % risque cardiovasculaire Non-fumeur fumeur Non-fumeur fumeur Pression artérielle systolique (mmHg)110 Cholesterol (mmol/L) 150 200 250 300 mg/dL Fig. 9.2. Table SCORE (Systematic COronary Risk Évaluation) : risque de décès cardiovasculaire en 10 ans (table pour les régions d'Europe dite à « faible risque », dont la France). (Source : Perk J et al. European Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice (version 2012). Eur Heart J 2012 ; 33 : 1635–1701, doi : 10.1093/eurheartj/ehs092, Fig. 4. With permission of Oxford University Press (UK) © European Society of Cardiology, www.escardio.org/guidelines. Disclaimer : Oxford University Press and the ESC are not responsible or in any way liable for the accuracy of the translation, for any errors, omissions or inaccuracies, or for any consequences arising therefore. Elsevier Masson SAS is solely responsible for the translation published in this publication.) b. Examen L'examen consiste à : • rechercher un athérome asymptomatique : pouls périphérique, souffles vasculaires ; • rechercher un athérome infraclinique : – ECG basal : recherche de troubles de repolarisation, de séquelles de nécrose, d'HVG (hypertrophie ventriculaire gauche) électrique ; – échographie de la carotide : la mesure de l'épaisseur intima-média de la carotide et la recherche systématique de plaques ne sont pas recommandées en pratique courante dans la stratification du risque. 3. Estimation du risque absolu Elle repose sur l'utilisation d'équations ou de tables ou la simple sommation des facteurs de risque cardiovasculaire :

Item 219 – UE 8 Facteurs de risque cardiovasculaire, prévention Item 220 – UE 8 Dyslipidémies 9 Connaissances • un risque d'événement voisin de 10 % à un horizon de 10 ans est considéré comme faible ; 111 • un risque supérieur à 20 % est considéré comme important (c'est le niveau de risque coro- narien observé dans les suites d'un infarctus du myocarde) ; • un risque entre 10 et 20 % est considéré comme intermédiaire ; • un risque supérieur à 30 % est un risque majeur. Lors de l'estimation du risque, il faut prendre en compte le risque coronarien et le risque d'AVC (un tiers du risque coronaire), le poids relatif de ce dernier s'accentuant avec le vieillissement. III. Tabac A. Prévalence du tabagisme en France Dans la population adulte, 30 % fument régulièrement, 50 % des jeunes de 18 à 24 ans. Chez les femmes enceintes, 25 % continuent à fumer pendant leur grossesse. B. Risque cardiovasculaire et tabac Parmi les fumeurs ayant débuté à l'adolescence et poursuivant leur intoxication, 50 % mour- ront du fait de complications directement liées au tabagisme. La relation dose-effet (com- plications ischémiques) est continue et se manifeste dès la première cigarette quotidienne dans les études épidémiologiques puissantes. Même le tabagisme passif accroît le risque de complication vasculaire ischémique. La diminution du risque ischémique après sevrage est rapide : abaissement des deux tiers du surcroît de risque à l'issue de la première année et retour quasiment au risque de base après la troisième année de sevrage. Le tabagisme agit surtout par son mécanisme prothrombotique, ce qui explique l'effet nocif précoce et le bénéfice rapide lors du sevrage. Le tabac prédispose plus particulièrement au risque de maladie coronarienne et d'artériopathie des membres inférieurs : • RR = 3 de maladie coronarienne chez les fumeurs (> 20 cigarettes par jour) par rapport aux non-fumeurs ; • RR = 5 d'infarctus du myocarde et de mort subite chez les grands fumeurs inhalant la fumée ; • RR = 2 à 7 d'AOMI selon les études et l'intensité de la consommation ; • RR = 1,5 à 2 d'AVC. La poursuite du tabagisme après l'apparition de la maladie aggrave fortement le pronostic : dans le cas de la maladie coronarienne avérée, le risque de décès ou la nécessité d'une inter- vention itérative sont multipliés par un facteur 1,5 à 2,5 en cas de tabagisme persistant. L'association tabagisme et contraception œstroprogestative comporte une nocivité particulière par majoration du risque thromboembolique. IV. Hyperlipidémies A. Rappel sur le métabolisme lipidique 1. Connaissance de base du métabolisme des lipoprotéines (chylomicrons, VLDL, LDL, HDL) Les lipoprotéines, en charge du transport des lipides insolubles dans le plasma, sont des particules sphériques dont le cœur hydrophobe est composé d'esters de cholestérol et de

Connaissances triglycérides et dont la surface est constituée de phospholipides, de cholestérol libre et d'apoli- poprotéines. Les lipoprotéines sont en règle définies selon leur densité en : chylomicrons, VLDL (Very Low Density Lipoproteins), IDL (Intermediate Density Lipoproteins), LDL (Low Density Lipoproteins) et HDL (High Density Lipoproteins). Chylomicrons Les chylomicrons sont synthétisées dans la cellule intestinale à partir les lipides alimen- taires. Ils sont hydrolysés dans la circulation par la lipoprotéine lipase donnant naissance aux c­ hylomicrons-remnants qui sont captés par le foie (figure 9.3). VLDL, IDL, LDL Les VLDL sont synthétisées dans le foie. Dans la circulation, ils sont hydrolysés par la lipopro- téine lipase, donnant naissance aux IDL, particules intermédiaires qui sont ensuite transfor- mées en LDL sous l'action de la lipoprotéine lipase et de la lipase hépatique. Les LDL sont captés par les cellules après fixation à un récepteur spécifique, les LDL-récepteurs, dont 70 % sont localisés sur les hépatocytes et 30 % sur les autres cellules de l'organisme. La proprotéine convertase subtilisine/kexine de type  9 (PCSK9) joue un rôle majeur dans la régulation du LDL-récepteur en favorisant sa dégradation par les lysosomes dans la cellule plutôt que son recyclage vers la membrane cellulaire. HDL Les lipoprotéines HDL sont synthétisées par le foie sous forme de petites particules (HDL nais- santes) qui vont capter le cholestérol dans l'organisme pour le rapporter au foie en vue de sa dégradation. Les HDL jouent un rôle essentiel dans la voie de retour du cholestérol vers le foie. Elles ont aussi des propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes, antiapoptotiques, antithrom- 112 botiques et vasodilatatrices. C'est pour toutes ces raisons qu'elles sont considérées comme antiathérogènes et cardioprotectrices. 2. Connaissance fine du métabolisme des lipoprotéines (figure 9.3, tableau 9.1) a. Voie exogène : chylomicrons et chylomicrons-remnants Au cours de la digestion, les lipides alimentaires sont hydrolysés dans le tube digestif, sous l'action de la lipase, en cholestérol libre, acides gras et phospholipides. Ceux-ci sont véhiculés sous forme de micelles vers la paroi du tube digestif où s'effectue leur absorption. Le cholestérol libre pénètre dans la cellule intestinale grâce à l'action du transporteur NCP1L1 (Nieman Pick disease C1-like 1). Dans l'entérocyte, le cholestérol libre est rapidement estérifié sous l'action de l'ACAT (acyl-CoA cholestérol acyltransférase). Les acides gras pénètrent dans l'entérocyte grâce aux transporteurs FATP (Fatty Acid Transfer Protein) et FABPpm (plasma membrane Fatty Acid Binding Protein). Les phospholipides sont absorbés dans l'entérocyte via le transporteur FABPpm. Au sein de l'entérocytes, les différents composants lipidiques (cholestérol estérifié, phos- pholipides, triglycérides formés à partir des acides gras libres) se lient à l'apolipoprotéine ApoB48 sous l'action de la MTP (Microsomal triglyceride Transfer Protein) afin de former les chylomicrons. Les chylomicrons, en charge du transport des lipides d'origine alimentaire, sont les lipoprotéines les plus larges. Ils sont composés de triglycérides (85 à 90 %), d'esters de cho- lestérol, de phospholipides et d'apolipoprotéines (essentiellement ApoB48 mais aussi ApoAI et ApoAIV). Les chylomicrons sont sécrétés dans la lymphe d'où ils rejoignent la circulation sanguine. Dans le plasma, les chylomicrons distribuent aux particules HDL des apolipoprotéines ApoAI et ApoAIV et, en échange, reçoivent des HDL des apolipoprotéines ApoCI, ApoCII, ApoCIII et ApoE. Dans la circulation, les triglycérides des chylomicrons sont rapidement hydrolysés sous l'effet d'une enzyme, la lipoprotéine lipase, libérant des acides gras libres et donnant naissance à des

Item 219 – UE 8 Facteurs de risque cardiovasculaire, prévention Item 220 – UE 8 Dyslipidémies 9 Retour au foie du 113 cholestérol en excès Ch. HDL2 Cellules LH LCAT périphériques Alimentation HDL3 LCAT – Synthèse HDLn membranaire PL TG Ch. HDL Ch. – Stéroïdes FABPpm remnants AGL Voie – Vitamine D biliaire CE FATP NCP1L1 SR-B1 Apo LDL-R LDL-R Distribution du Athérogenèse AI LRP cholestérol aux tissus Oxydation Entérocyte AGL Ch. Ch. HépatocyteApo Apo TG LH SR-A B48 B100 LDL LPL LDL-R Connaissances TG CE CE MTP MTP PL Chylomicrons VLDL PL Apo Voie E exogène AGL à chaînes courtes Voie Veine porte endogène LRP hépatique Cellules HDL macrophagiques Chylomicrons VLDL Chylomicrons IDL spumeuses naissants naissantes remnants Conduit TG thoracique CE LDL Apo Apo VLDL C C CETP Apo HDL HDL E HDL Capillaires LPL LPL LPL Distribution des acides gras Chylomicrons libres aux muscles et au tissu adipeux AGL AGL AGL Ch. Cholestérol Flux du cholestérol CE Cholestérol estérifié Efflux du cholestérol AGL Acides gras libres Athérogenèse TG Triglycérides Transfert d'Apo PL Phospholipides LPL Enzymes Transporteurs Apolipoprotéines Récepteurs Fig. 9.3. Schéma résumé du métabolisme des lipoprotéines. AGL, acides gras libres ; TG, triglycérides ; Ch., cholestérol ; CE, cholestérol estérifié ; PL, phospholipides ; VLDL, Very Low Density Lipoproteins ; IDL, Intermediate Density Lipoproteins ; LDL, Low Density Lipoproteins ; HDL, High Density Lipoproteins ; HDLn, HDL naissantes ; LPL, lipoprotéine lipase ; LDL-R, récepteur aux LDL ; LRP, LDL- receptor-Related Protein ; LH, lipase hépathique ; MTP, Microsomal triglyceride Transfer Protein ; CETP, Cholesteryl Ester Transfer Protein ; LCAT, lécithine cholestérol acyltransférase ; ABCA1, ATP-Binding Cassette Transporter A1 ; ABCG1, ATP-Binding Cassette Transporter G1 ; NCP1L1, Nieman Pick disease C1-like 1 ; FATP, Fatty Acid Transfer Protein, FABPpm, plasma membrane Fatty Acid Binding Protein. particules résiduelles appauvries en triglycérides appelées chylomicrons-remnants. Ces der- nières sont captées par le foie principalement à l'aide du récepteur LRP (LDL-receptor-Related Protein) et du récepteur au LDL. La lipoprotéine lipase est activée par l'ApoCII et inhibée par l'ApoCIII.

Connaissances Tableau 9.1. Caractéristiques physico-chimiques des principales lipoprotéines. Taille (nm) Chylomicrons VLDL LDL HDL 75–1 200 30–80 18–25 5–12 Densité < 0,930 0,930–1,006 1,019–1,063 1,063–1,085 Apo B48, C, E, AI, AII B100, E, C B100 AI, AII, C, E Chol. 4 % 14 % 45 % 20 % TG 88 % 60 % 10 % 5% PL 6 % 18 % 20 % 30 % Prot. 2 % 8% 25 % 45 % VLDL, Very Low Density Lipoproteins ; LDL, Low Density Lipoproteins ; HDL, High Density Lipoproteins ; Apo, alipoprotéines ; Chol., cholestérol ; TG, triglycérides ; PL, phospholipides ; Prot., protéines. b. Voie endogène : cascade VLDL, IDL, LDL Les VLDL sont synthétisés dans l'hépatocyte, sous l'action de la MTP (Microsomal Tranfer Protein), qui associe les lipides (cholestérol, triglycérides, phospholipides) à l'ApoB100. Les VLDL sont composées majoritairement de triglycérides (55 à 65 %). Elles contiennent aussi du cholestérol, des phospholipides et des apolipoprotéines (ApoB100, ApoCIII, ApoCII, ApoE). L'ApoB100 est l'apolipoprotéine majoritaire des VLDL. Dans la circulation, les triglycérides des VLDL sont hydrolysés sous l'action de la lipoprotéine lipase avec libération d'acides gras libres, qui seront utilisés par les muscles et le cœur comme source d'énergie et qui seront stockés dans les adipocytes sous forme de triglycérides. Au cours de cette hydrolyse progressive des tri- glycérides, une partie de la surface des VLDL (comprenant des phospholipides et des apolipo- protéines ApoC et ApoE) est transférée aux HDL. Cette cascade métabolique donne naissance 114 aux IDL, lipoprotéines de plus petite taille et moins riches en triglycérides. Environ 90 % des IDL vont subir une poursuite de l'hydrolyse de leurs triglycérides, essentiellement sous l'action de la lipase hépatique, enzyme ayant une activité triglycéride lipase et phospholipase, aboutissant ainsi à la formation des LDL. Une petite partie des IDL est directement captée par le foie par l'intermédiaire des récepteurs aux LDL, voire des récepteurs LRP. Les lipoprotéines LDL représentent le produit final de la cascade métabolique VLDL-IDL-LDL. La lipoprotéine LDL est le transporteur majoritaire du cholestérol dans l'organisme, constituée d'un cœur comprenant du cholestérol estérifié et d'une zone périphérique composée de cho- lestérol libre, de phospholipides et d'une molécule d'ApoB100. L'apolipoprotéine B100 joue un rôle essentiel dans la clairance des LDL permettant, par son intermédiaire, leur fixation sur les récepteurs aux LDL dont 70 % est localisé sur les hépatocytes et 30 % sur les autres cellules de l'organisme. Après fixation sur son récepteur, la lipoprotéine LDL est internalisée dans la cellule avec son récepteur par endocytose sous forme d'endo- somes. Ces derniers peuvent ensuite fusionner avec des lysosomes contenant des enzymes protéolytiques. Après internalisation dans la cellule, le LDL-récepteur est soit recyclé et redi- rigé vers la membrane cellulaire, soit dégradé dans les lysosomes. La proprotéine convertase subtilisine/kexine de type 9 (PCSK9) joue un rôle majeur dans la régulation du LDL-récepteur en favorisant sa dégradation par les lysosomes dans la cellule plutôt que son recyclage vers la membrane cellulaire : moins de LDL-récepteurs sont alors disponibles pour capter les LDL circulants — d'où le développement des thérapeutiques anti-PCSK9. c. HDL Les lipoprotéines HDL jouent un rôle essentiel dans la voie de retour du cholestérol vers le foie. Elles ont aussi des propriétés anti-inflammatoires, antioxydantes, antiapoptotiques, antithrom- botiques et vasodilatatrices. Elles sont sécrétées par le foie et l'intestin sous forme de particules discoïdales (HDL naissantes) quasiment dépourvues de lipides et contenant des apolipopro- téines (essentiellement l'ApoA1). Dans la circulation, ces HDL naissantes vont capter du choles- térol libre au niveau des différentes cellules de l'organisme par l'intermédiaire de transporteurs spécifiques, principalement ABCA1 (ATP Binding Cassette Transporter A1) et secondairement


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