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Article par :et de soumission, ont évolué beaucoup moins vite. Malgré de manipulation crée des failles, des désordres nouveaux. C’est aussi celui d’Eliphas Levi, dule réactionnarisme ambiant (qui touche tant la gauche que Je ne serais pas surpris qu’une transparence absolue dé- spiritisme, de la Golden Dawn ou dela droite), je reste convaincu que l’influence du mouvement bouche sur un chaos total. la société théosophique. Le fait estdes années 1960 va persister. que l’ésotérisme a toujours joué un Les marges contemporaines regorgent aujourd’hui d’individus rôle considérable dans les mentalitésPenses-tu comme Richard Metzger et Douglas Rushkoff qui se définissent comme post-humains, transhumains, occidentales, mais celui-ci a toujoursque la contre-culture n’existe plus parce qu’elle a gagné ? mutants ou vampires (pour ne citer que ces quatre exem- été discret, occulte justement !N’aurait-elle pas au contraire perdu la bataille en se faisant ples). Quelles sont à ton avis les causes de ces nouvellesdéfinitivement assimiler par le système ? quêtes identitaires ? En revanche, il y a quelque chose de nouveau aujourd’hui : une L’ambiguïté, la fin du manichéisme, me paraît être On dit souvent que la mondialisation, notre époque frange de l’occultisme a effectuéune caractéristique fondamentale de la complexité. Rushkoff moderne, tend à uniformiser les comportements et les un renversement épistémologiqueet Metzger ont raison, à mon avis. Ce faisant, ils rétablissent individus. L’existence de ces identités variées nous montre complet et ça c’est intéressant. Lesla vieille notion « d’avant gard » qui avait été un peu vite que la chose est bien plus complexe que cela. C’est vrai que nouveaux occultistes, ceux issus dediscréditée. Quel autre but pour l’underground que devenir l’uniformisation a lieu sur un certain plan, on consomme la chaos magick, les discordiens,un jour « mainstream », même si cela a pour corollaire tous à peu près la même chose, nous possédons tous une etc. reconnaissent et revendiquentune certaine déformation, la perte d’une certaine pureté ? vision globale du monde, basée sur la science (et c’est le caractère fictionnel, fantaisiste deLe but n’est-il pas de changer les choses, au lieu de rester vrai aussi de ceux qui s’obstinent à nier la valeur de cette leurs idées et de leur pratique. Dudans un splendide isolement ? Alan Watts disait que le zen dernière), du moins en occident. Mais à un niveau supérieur, coup, l’occultisme devient le terrainpénétrerait en occident en infusant, lentement, comme le en « surcouche », nous élaborons de nouvelles cultures, d’expérimentation de l’imaginationthé. C’est pareil pour les thèses de la contre-culture. Elles « virtuelles », ce qui relance le processus de différenciation. la plus bridée.influencent doucement, discrètement, en devenant de plusen plus acceptables, souvent par l’intermédiaire de médias Au-delà de la « contre-culture », de la « cybercul- Toute l’histoire de l’ésotérismetrès populaires (rock, bande dessinée, etc.) qui passent ture », l’« autoculture » sera peut-être la grande affaire est truffée de faux et usage de faux,inaperçus des gardiens du Temple de la Culture. Elles se du prochain siècle. L’individu va chercher à se redéfinir de canulars, de mensonges. Pourpropagent à l’aide de « média virus », dirait Rushkoff. lui-même, à se recréer. À terme, il possédera sa propre exemple le Corpus Hermeticum, les religion, sa propre éthique, sa propre tradition culinaire… manifestes rose-croix, les messages Le rêve du Grand soir dans lequel toutes les valeurs des « mahatmas », les manuscritsse trouvent brusquement transformées me paraît largement On assiste depuis les années 50 et 60 à un grand retour falsifiés à l’origine de la Golden Dawn…dépassé. Les choses évoluent lentement, subtilement, et de l’ésotérisme, de la magie et des spiritualités non con- Sans parler de Carlos Castaneda !c’est tout aussi bien comme ça. ventionnelles. À quoi attribues-tu ce regain d’intérêt pour Mais jusqu’ici cela restait le sale petit les pratiques et les disciplines occultes ? secret de la famille, dénoncé par lesLes technologies de contrôle et de surveillance n’ont jamais sceptiques mais pudiquement ignoréété aussi élaborées qu’elles le sont actuellement. Peut-on En fait, la situation est plus compliquée que cela, par les « adeptes ». Aujourd’hui, lesréellement dire que nous sommes entrés dans l’ère du chaos ? chaque époque a connu son regain, qui à chaque fois a nouveaux magiciens revendiquentNe s’agit-il pas d’une énième tentative de manipulation, surpris le grand public car ses manifestations étaient toujours ouvertement leur recours à la fiction ;comme le dénoncent certains théoriciens de la conspiration ? nouvelles, ce qui empêchait de constater qu’on se trouvait, ils nient l’existence d’une « philosophia en fait, face à une continuité. Regarde le xviiie siècle, celui perennis », dogme fondamental de Je crois que l’intérêt de la complexité et de des lumières et de la raison triomphante : c’est celui du leurs prédécesseurs et affirment leurl’imprévisibilité qu’elle génère est qu’elle n’est pas comte Cagliostro, des baquets de Mesmer, des opérations modernité, voir leur complet méprisdépendante d’une idéologie. Dans un monde complexe, magiques de Jacques Cazotte et Martinez de Pasqually ; sans de l’histoire. La magie devient, selontoute action aura des conséquences inattendues. Il y a un parler des illuminés de Bavière, dont on a jamais su au les mots d’Alan Moore : « Le traficdicton discordien que j’aime bien : « imposition de l’ordre juste si la lumière qui les éclairait était celle de la divinité entre ce qui est et ce qui n’est pas. »= escalade du chaos ». Chaque tentative de surveillance, ou celle de la raison. Le xixe siècle, celui du rationalisme ? On invoque Cthulhu, Bugs Bunny, Mr ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 153
154 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 Franchement, je doute que les drogues psychédéliques nous “Les gens me voient fassent réellement pénétrer dans d’autres dimensions, comme un geek,Spock ou les divinités d’un jeu vidéo comme Morrowind. Le nous mettent en contact avec des elfes, etc. Nous savons un technophile,magicien contemporain, ne croit plus, il affecte de croire, que le Web n’a pas suffi à changer le monde, qu’il y a une mais honnêtement,il expérimente sur la croyance. vie au-delà de l’écran. La croyance des transhumanistes je me suis en la cryonie, en des concepts comme la Singularité, les davantage intéressé Naturellement, le bon vieil occultisme continue sa décrédibilise fortement. Et personne, j’en suis sûr, n’a jamais à l’aspect humainroute, avec le new age (la énième réincarnation de la théoso- fait tomber la pluie en se concentrant sur un « sigil »… de l’équation, plusphie) ou le traditionalisme réactionnaire d’un Guénon ou qu’à la technologie”d’un Evola, très prisé en France. Ce n’est pourtant pas là, à Les médias et les intellectuels branchés reviennent régulière-mon avis, que les choses les plus intéressantes se passent. ment sur cette idée de post-humanité. Et pourtant, qu’est-ce Héraclite le remarquait bien qui nous différencie fondamentalement des générations qui sûr déjà, on ne se baigne pas deuxParmi les différents courants de pensée cités dans ce livre, nous ont précédées ? En quoi l’être humain de ce début fois dans le même fleuve, maislesquels te semblent véritablement porteurs des germes de vingt-et-unième siècle est-il vraiment différent et plus aujourd’hui, il s’agirait plutôt d’und’une nouvelle forme d’humanité ? évolué que nos précurseurs des siècles passés ? torrent tumultueux ! Nous vivons dans un environnement infiniment Les mouvements présentés dans le bouquin sont Je pense qu’il y a plusieurs facteurs. Tout d’abord, plus liquide, plus instable que nesurtout des « monstres prometteurs », des mutations pour la première fois l’homme est « plus grand que la l’ont connu les époques précédentes.intéressantes qui annoncent les changements à venir, terre » : nous comprenons enfin que notre planète est unsans pour autant en faire partie. En revanche, je pense « vaisseau spatial », comme disait Fuller. Cette découverte En quoi cela changerait-il notreque ces groupements sont riches d’enseignements parce peut nous convertir à un écologisme extrême, passéiste, condition humaine pour en fairequ’ils élaborent, chacun à leur manière, les principes ou au contraire nous pousser à quitter cette enclave pour une condition post-humaine ? Onfondamentaux qui gouverneront les cultures de demain, envahir l’univers. ne peut que reconnaître l’existenceet peut-être les nouvelles formes d’humanité. Chacune de de cette “accélération accélérante”ces tendances a apporté une nouvelle pierre au moulin. Dans les deux cas, le résultat est le même : la terre dont tu parles, mais jusque-là, il ne est devenue, petite, limitée, fragile : sa survie, son destin, s’agit que de nouvelles conditions Les psychédélistes, les hippies nous ont fait compren- dépend de nous et de nous seuls. Ensuite, il y a le problème sociétales et environnementalesdre que la perception de la réalité dépend avant tout de la de la mort. Pour la première fois notre compréhension de la auxquelles nous devons nousstructure de notre cerveau. Les adeptes de la cyberculture biologie nous permet de la considérer comme un problème adapter, pas de changementsnous ont montré de leur côté que l’altération de cette d’ingénierie qui peut être résolu avec de l’astuce et de profonds dans ce qui constituedernière pouvait être obtenue par la création de nouvelles l’huile de coude. Cela ne signifie pas que l’immortalité soit l’humain… L’immense majorité deinterfaces, par le contrôle de l’écran, comme dirait Leary. pour demain, ou même qu’elle sera jamais possible. Mais nos contemporains me semblent nous entrons dans le temps où elle peut être envisagée. Ce toujours aussi motivés par leur Les transhumanistes, eux, nous apprennent à penser changement de perspective est fondamental et transforme cupidité, leur ego ou un besoinl’intelligence sur le long terme, à travers une multitude intégralement notre réflexion sur la condition humaine. irrépressible de se reproduire.de formes possibles, loin de tout chauvinisme anthropo-morphique ou même biologique. Quant aux magiciens Enfin, il y a cette « accélération accélérante ». L’une des idées lancées parchaotiques, ils expriment très bien la nécessité, dans un Jusqu’ici, des générations entières vivaient sans connaître Marshall McLuhan -à laquelle jemonde hypercomplexe, de recourir à l’absurde, à l’imaginaire, le « choc du futur », le changement radical de leur mode souscris complètement- est queà l’aléatoire pour briser les certitudes trop bien établies. de vie et de leur conception du monde. Aujourd’hui, no- ce sont précisément les conditions tre génération a connu plusieurs de ces « chocs » et nos environnementales, la culture Toutes ces idées sont intéressantes, appelées pour enfants en subiront plus encore. matérielle et technologique quimoi à un véritable avenir. Maintenant les courants qui les déterminent pour une bonne partportent ont aussi leurs limites et une bonne part de naïveté.La Spirale - Découvrez plus d’articles sur : www.laspirale.org
ArticlAertpicalre p:ar :©DR Aujourd’hui, le pouvoir se mesure d’une manière bien Rig Veda : « Nous avons bu le soma, différente, par la façon dont on impose ses « memes », nous sommes devenus des dieux »la structure de notre système nerveux. Maintenant, comme ses idées… est l’une des premières, sinon laje le dis dans l’intro, la notion de “posthumain” peut être première proclamation posthumainemise en question, tant que le mot humain n’est pas défini. Quant à l’ego, de nombreux penseurs - dont McLu- de l’histoire. Sinon, je pense que leUne chose est sûre, certaines caractéristiques de ce qu’on han, encore lui - pensent que sa perception et sa structure mouvement alchimique (en Chineconsidère comme la “condition humaine” se trouvent diffèrent largement selon les civilisations. comme en occident) réunit tousabolies par cette accélération accélérante, notamment la les éléments d’une philosophie dustabilité de nos perceptions et de notre identité elle-même. Certains considèrent que la fusion progressive de l’homme dépassement de l’humain par des et de la machine suffit à faire de nous des cyborgs. Pourtant, voies technologiques, sans oublier Un autre point sur lequel je voudrais insister, c’est suffit-il de greffer un pacemaker à une grand-mère et un leur rêve d’immortalité physique.que cette notion de « posthumanité » n’est en rien une grand-père pour en faire des post-humains, lesquels rest- Dans des temps plus récents,position morale. Il ne s’agit pas de rêver à des surhommes, eront potentiellement scotchés dix heures par jour devant j’aimerais citer Olaf Stapledon,ou à des saints. Simplement de mettre l’accent sur le car- le Juste Prix et les retransmissions quotidiennes en direct que je n’ai malheureusement pasactère profondément fluide de notre constitution. Prends la du château de la Starac’ ? eu la place de traiter comme il le« cupidité », par exemple. La cupidité qui pousse à avoir plus méritait dans mon livre.de femmes, de terres, de bétail, est-elle du même ordre que Mais voila un système parfaitement posthumain !la cupidité qui nous fait désirer un ensemble symbolique Et plus encore à cause de la télé que grâce au pacemaker ! Quant aux nazis ou auxde signes extérieurs de richesse et de position sociale ? Le « couch potatoe » est sans aucun doute un nouveau communistes, ils ont développé des type d’être humain. Même sa physiologie est certainement versions pathologiques de l’idée, La première est l’expression d’un simple désir de différente de celle du chasseur-cueilleur du paléolithique. et la possibilité de telles déviancesgratification animale. La seconde en est une version haute- De surcroît, je suis convaincu que la télévision a apporté doit rester dans les mémoiresment abstraite, et parfois franchement mathématique. plus de modifications positives dans notre comportement comme un avertissement. Mais onElles ont une racine commune, c’est sûr. Peut-on réduire qu’on veut l’admettre. Je suis personnellement très indul- ne saurait, comme le font certains,totalement l’une à l’autre ? gent pour des phénomènes comme la Starac’. J’attends la limiter la description d’un concept preuve que les générations qui ont vécu sans télé ni reality à sa pathologie. Le remplacement des gènes par les « memes » en shows étaient plus lucides, plus savantes, plus démocrates,est un autre exemple. Dans le temps, un homme pouvait plus pacifiques que les nôtres. Un simple coup d’œil à un Finalement, quitte à agiter les vieuxmesurer son succès par le nombre de ses descendants. livre d’histoire suffit à montrer que ce n’est pas le cas. Et démons et raviver le fantôme de si la Starac’ est le prix à payer pour l’Internet, la mécan- Terminator, la seule vraie forme de ique quantique, la liberté d’expression, la musique de Jon post-humanité ne serait-elle pas à Hassel ou l’égalité entre hommes et femmes, moi je dis : chercher du côté de l’intelligence « Hourra pour Jenifer ! » artificielle, dans des créations hu- maines qui pourraient être appelée Puisque nous en sommes à parler de post-humanité, où à nous remplacer ? trouve-t-on les origines de ce concept de transformation de l’espèce ? L’introduction de ton livre mentionne à juste Franchement, je ne le titre le surhomme communiste rêvé par les Soviétiques et crois pas. Pas parce que je pense son pendant aryen chez les Nazis… l’intelligence artificielle impossible, pas du tout. Mais il me semble L’idée d’une transcendance de l’humain est très anci- évident que depuis la conférence enne. Henri Michaux définissait l’hindouisme comme la plus de Dartmouth en 1956, qui vit prométhéenne des religions, et il est certain que le vers du la naissance du domaine, nous n’avons pas tellement avancé. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 155
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Article par :Apparemment, nous n’avons pas encore bien compris la ©DR “Imagine pouvoirnature de l’intelligence. Ensuite même si nous créons une redéfinirintelligence artificielle (et cela viendra), il faudrait que ses un ailleurs posthumain, sur lequel nous ne pouvons pas complètementbesoins la fasse entrer en compétition avec nous, qu’elle dire grand-chose. Je n’y crois guère. Pour moi, l’histoire va ta personnalité parlutte pour la maîtrise de notre niche écologique. Pourquoi continuer, mais il va falloir s’habituer à cet environnement un cocktail deserait-ce le cas ? Elle n’a pas besoin de nourriture, d’espace extrêmement fluctuant. Il est probable que notre capacité drogues…vital, ni même d’eau ou d’oxygène. Au pire, je crois que d’action sur le cerveau va aller en en s’accroissant. Évidem-cette intelligence supérieure s’en irait dans l’espace et ment, cela fait un peu peur, on pense tout de suite à Big C’est une vision de la dis-nous foutrait la paix. Brother et aux applications du neuromarketing, mais cela solution de notre identité encore peut aussi impliquer un pouvoir accru de l’individu. Il y plus fascinante que celle offerte par Ce qui est excitant dans l’IA ? C’est peut-être juste- aura certainement des conflits dans ce domaine. Jusqu’ici, un moi perpétuellement changeant.ment que nous allons développer des intelligences Totale- les « drogues » ont toujours eu une action très globale, C’est aussi l’aboutissement desment Autres. De véritables aliens, vivant dans un milieu peu contrôlable ; parfois, leur véritable effet reste incertain, pratiques des magiciens du chaos,étranger, peut-être entièrement digital, avec des besoins, comme les fameuses « smart drugs ». Mais on devrait bi- qui fabriquent des « esprits fami-une structure mentale complètement différents… La taille entôt réduire cette imprécision. À ces solutions chimiques, liers », des « serviteurs », à partirde l’univers et la vitesse de la lumière étant ce qu’elles on peut ajouter la connexion directe entre le cerveau et la de leur propre inconscient. Ceuxsont, il ne sera peut-être jamais possible de discuter avec machine, ainsi qu’une réalité virtuelle très sophistiquée. qu’ils font aujourd’hui au niveaude véritables extraterrestres. Alors la perspective de pouvoir Imagine pouvoir redéfinir complètement ta personnalité de la métaphore, du jeu, pourraitcommuniquer avec des entités “faites maison”, voire aller par un cocktail de drogues… tu vivras ensuite ta nouvelle devenir bien plus réel. Peut-êtrejusqu’à développer avec elles une relation symbiotique, identité dans un environnement ad hoc, peut-être totale- que les aliens de demain existeront,me paraît une perspective tout à fait excitante, beaucoup ment différent de notre milieu terrestre. non pas sous la forme de pursplus intéressante à envisager que les spéculations ultra- programmes informatiques, maispessimistes sur notre obsolescence finale, ou naïvement Évidemment, dans ces conditions, la définition du comme des hybrides reposant pouroptimistes sur l’IA-papa noël, chantée par certains extropiens… moi, déjà fortement mise à mal ces derniers temps par les une bonne part sur les ressources médias électroniques, devrait devenir plus floue, encore de notre cerveau. Dans tous lesComme tout observateur qui se respecte, tu évites de livrer plus imprécise. Non seulement nous serons en mesure de cas, je ne sais pas si on parlera dedes pronostics en conclusion de ton livre. J’apprécierais nous autocréer, mais nous pouvons aussi chercher à devenir « post-humanité », au cas où depourtant que tu te livres, pour conclure cette interview, légion, à adopter des personnalités multiples. Dans son telles choses se produisaient, maisà un petit exercice de prospective en nous parlant des fascinant livre Aristoï, l’écrivain de science-fiction Walter Jon notre conception de la psychologie,évolutions technologiques, sociales et culturelles que tu Williams imagine que les humains du futur seront capables de la société, de la culture risque depressens pour les vingt ou trente années qui vont suivre… de vivre en contact avec des « personnalités artificielles », s’en trouver profondément altérée. en fait des portions de notre propre conscience possédant C’est effectivement très difficile ! On ne peut une certaine autonomie et amplifiées par des banquess’empêcher, lorsqu’on se livre à ce genre d’exercice, de de données et des algorithmes d’intelligence artificiellepenser à la prédiction des experts qui affirmaient qu’une implantés dans le cerveau.dizaine d’ordinateurs (de la puissance d’une petite cal-culette d’aujourd’hui) suffirait à couvrir la surface desÉtats-Unis… Tout d’abord, je ne crois pas en une « fin del’histoire », optimiste ou pessimiste. Certains extropienspensent que nous nous dirigeons vers la « singularité »,un moment au cours duquel l’accélération accélérante duprogrès technologique nous précipitera brutalement dansLa Spirale - Découvrez plus d’articles sur : www.laspirale.org ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 157
158 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 Sur le plus beau trône du monde, on n’est jamais assis que sur son cul. Citation de Montaigne - Essais (1580)
Janv./Fév./Mars 2017 © Daniel Nguyen Flore Cherry - JournalisteLE CAHIER SEXYCOMmE UNE COUILLE DANS LE POTAGE Chronique I Union Flore Cherry, Journaliste SCHLAASSS : La Bédé BD I Mika Pusse http://www.schlaasss.fr ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 159
160 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017LA RUBRIQUE sexualité de FLORE CHERRYC OCMOmUEILULNEE ©The Jokers / Bac FilmsDANS LE POTAGE l’histoire, tortueuse, à l’instar de ses précédents films. Si l’on peut soupçonner une certaine pudeur durant les 30 premièresJOURNALISTE : FLORE CHERRY ILLUSTRATION : ALAIN R. WEB : www.union.fr minutes, pas d’inquiétude, Park Chan-Wook vous aura retourné l’estomac avant le générique de fin. Spoil : Oui, il y a une scène Vous avez dit « couille » ? avec une pieuvre géante. Flore Cherry, journaliste pour le magazine Union Rocco, un documentaire et passionnée de sexualité, décrypte pour vous poignant ! ce qui a fait l’actualité insolite des trois derniers mois. Et c’est au cinéma qu’elle s’attaque en Le monument de l’histoire de la pornographie a enfin ce début d’année. Qui remporte la palme d’or son documentaire dédié. À travers des images d’une réalisation des films les plus barrés de fin 2016 ? Quelles œuvres de grande qualité, on découvre un Rocco Siffredi confronté à du septième art ont osé parler de sexe de façon ses tourments, à sa vie de famille, à ses hontes, à ses fantas- décomplexé, crue et dérangeante ? Elle vous livre mes. Un homme complexe et bouleversant. Les scènes de sexe sa sélection pour une séance de rattrapage 2017… sont filmées de façon naturelle, sans penser à l’excitation du spectateur : pour une fois, ce n’est pas le propos. La découverte Mademoiselle ; Corée, beauté du milieu du porno est fidèle à ce que l’on peut en connaître : et perversité des rabatteurs libidineux, des actrices qui rêvent de starification et des moments complices de franches camaraderies. Ici, pas La scène traumatisante de l’inceste dans « Old Boy » de place au jugement moral. Seule la « mise à nu » de l’homme reste encore fraîche dans nos mémoires, mais Park Chan-Wook, derrière la légende compte… et quelle mise à nu ! le réalisateur terrible et décomplexé de l’entrejambe coréen, n’hésite pas à nous resservir une plâtrée de transgressions avec « Mademoiselle », une ode à la lecture érotique, au sexe entre femmes et aux manipulations de pouvoir en tout genre. Les décors sont magnifiques, les personnages troublants, et
Article par : © Sony Pictures Releasing GmbH À SAVOIR Sausage Party, un film HOT Depuis 1972, le magazine (dog) pionnier Union est un moyen d’expression libre sur le sexe, Depuis les attaques l’érotisme et les relations des partisans de la amoureuses. « Manif pour Tous » pour atteinte aux bonnes PLUS D’INFOS mœurs, Sausage Party a fait couler beaucoup www.union.fr d’encre dans les médias.© Mars Films © Sony Pictures Releasing GmbH “Ici, pas de place au jugement moral. Mis sur le banc des accusés en raison d’une législation jugée « trop faible » (seulement interdit aux moins de 12 ans, Seule la alors qu’il est « rated R » aux USA – à comprendre interdit « mise à nu » aux mineurs de 17 ans non accompagnés d’un adulte), le film de l’homme derrière présente bien des scènes de sexes qui rappellent les heures de la légende compte… gloire du porno, notamment celle d’une partouze géante à base et quelle mise de chips croustillantes, de cookies libidineux et de tranches de pain de mie moelleuses. Bref, pas du tout adapté pour à nu ! ” les enfants, bien que la saucisse géante sur l’affiche ait des faux airs d’un personnage attachant sorti d’un Toys Story. Rien à voir avec l’univers enchanté de Pixar. Vraiment.Pour plus de news insolites mais pas que, rendez-vous sur : www.union.fr ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 161
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0168 AATTYYPPEEEKKMMAAGG##0002 JJAANNVV./.F/FEEVV./.M/MAARRSS22001177 La culture fait-elle l’homme ? (ou la femme)
Janv./Fév./Mars 2017 ©Mael Le Braz Maxime Lachaud - JournalisteLE CAHIERCULTURELLes DIX meilleurs LE LIVRE DU MOISfilms sur la vie George Berger : politiquE L’histoire de Crass américaine LOLITA Rubrique Cinéma et DVD Jérôme Tranchant, Journaliste Vladimir Nabokov Les mystères du K inversé : IArticle geminway.com POTEMKINE La scène indépendante Interview Maxime Lachaud, Journaliste en images avec Nils Bouaziz Galerie Photos Hazam, Journaliste / Photographe séléctions POTEMKINE Par Maxime Lachaud et Jérôme Tranchant ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 169
SUR VOS LECTEURS DVD, Blu-RayLes films que vous avez peut-être raté, mais que vous devriez voir…L l eaafsmviDiéleIrXmpiomscleiaistliuilrnqeueuers 170 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 JOURNALISTE : JÉROME TRANCHANT BLOG : www.facebook.com/jerome.cineradical
SUR VOS LECTEURS DVD, Blu-RayAu moment où Donald Trump sidère le monde entier en remportant la présidentielle 2016, comment le cinéma américain regarde-t-il la politique ? Réponse en 10 films. Le cinéma et la politique américains, c’est une vieille histoire presque consanguine. D’abordparce que le cinéma, même s’il l’est moins maintenant, a toujours été considéré comme un puissant outil de propagande par tousles gouvernements possibles. Ainsi, même si la politique n’est pas leur sujet apparent, beaucoup de films américains ont portédans le monde entier une image et une idée de l’american way of life et de ses valeurs fondatrices, et cela que leurs auteurs ouproducteurs soient d’obédience républicaine ou de tendance démocrate. Ensuite, parce que parmi cette vaste production, nombreuxsont les films frontalement politiques, soit parce qu’ils expriment une vision politique, soit parce qu’ils observent le fonctionnementdu système politique américain. Monsieur Smith La Cible parfaite, Le président veut nommer un nouveau secrétaire au Sénat, de Jacques Tourneur (1958) d’État aux affaires étrangères, mais l’homme qu’il de Frank Capra (1939) choisit ne bénéficie que d’une courte majorité au Un film méconnu de Tourneur Sénat et a aussi quelques adversaires dans son Sans doute la “mère” des pourtant aussi beau et propre camp, dont un rival qui l’accuse de sympathies films politiques américains, le passionnant que La Féline ou communistes. Radiographie précise et complexe premier des grands classiques Vaudou. Sur une intrigue de du fonctionnement de la politique américaine, des hollywoodiens marquants qui a polar et avec un budget de série rapports entre le législatif et l’exécutif, des rivalités scruté les arcanes de Washington. B, Tourneur évoque le rôle des personnelles et des intrigues de couloir, le tout porté On y suit le parcours d’un instituts de sondages, leurs par la mise en scène au scalpel de Preminger. Unmonsieur Toutlemonde, honnête citoyen idéaliste relations parfois consanguines avec les milieux chef-d’œuvre qui n’a pas pris une ride.qui devient sénateur et se heurte aux manœuvres politiques, la possibilité d’enquêtes d’opiniondes politiciens roués et aux intérêts cyniques des truquées visant à influencer les électeurs, le poidslobbys financiers. Le discours-fleuve final de James des lobbys. Là encore, les questions soulevéesStewart/Mr Smith est un morceau de bravoure. Si par ce film n’ont pas pris une ride quand on voitla vision de Capra peut aujourd’hui sembler naïve, que tous les sondages se sont plantés sur l’issueil a ici touché une corde qui est plus ultrasensible du duel Trump-Clinton. Tourneur allie une critiqueque jamais en 2016, celle du fossé (réel ou ressenti) du système politique américain à la beauté sècheentre les citoyens ordinaires et les politiciens caractéristique de son style.professionnels. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 171
SUR VOS LECTEURS DVD, Blu-Ray L’Homme On réduit souvent Ford à cette réplique, croyant Les Hommes qui tua Liberty Valance, à tort qu’il l’endossait. Or, c’est oublier que tout du président, de John Ford (1962) le film s’attache minutieusement à montrer la d’Alan J. Pakula (1976) véritable histoire, ses dessous, la construction de Chef-d’œuvre sur ce qu’on sa fausse légende. L’un des classiques de la fiction de appelle aujourd’hui le storytelling À bien regarder ce film, Il est clair que Ford critique gauche à l’américaine, qui retrace médiatique ou politique et la conception de ce journaliste qui consiste à préférer l’enquête de Carl Bernstein et Bob méditation sur l’usage de les beaux mensonges à la vérité des faits, et qu’il Woodward, les deux journalistes la violence dans la société se montre sceptique voire mélancolique sur le fait du Washington Post qui ont américaine. Un sénateur, homme que la démocratie soit construite aussi avec des révélé l’affaire du Watergate, cesde loi en col blanc, non violent, tue un dangereux mythes et légendes. écoutes téléphoniques secrètes mises en place parhors-la-loi. En fait, il s’est arrangé avec un pistolero Que dirait-il aujourd’hui, alors que l’élection Trump le président Nixon pour espionner les Démocrates.local qui est le vrai tireur mais qui reste dans prouve jusqu’à la nausée qu’une bonne part des Nixon fut contraint à la démission, événementl’ombre, le sénateur bénéficiant de toute la lumière citoyens préfèrent croire aux mensonges qui leur unique dans l’histoire américaine. Extrêmementde cet épisode et de ces profits politiques. À la fin plaisent qu’aux faits avérés qui leur déplaisent. bien documenté, ce film explore les relations entredu film, un journal raconte cette histoire faussée la presse et le pouvoir sous un angle positif : celuidu sénateur qui tua Liberty Valance et le rédac’chef où les médias jouent le contre-pouvoir aux moyenslance la célèbre réplique : “quand la légende est d’enquêtes minutieusement travaillées et vérifiéesplus belle que la réalité, il faut imprimer la légende plutôt que de servir la propagande officielle. Bob Roberts, Malcolm X, On le sait, Malcolm X était un leader radical par de Tim Robbins (1992) de Spike Lee (1992) rapport à un Martin Luther King plus favorable au dialogue et au compromis. Malcolm X défendait Encore un modèle de fiction Ce biopic présente les qualités l’usage légitime de la violence alors que Luther de gauche dont le fond sérieux et défauts d’un biopic classique : King était non violent. est rehaussé d’une dimension documentation fouillée, histoire Bien qu’il ait choisi de filmer Malcolm X, Spike satirique. Le candidat imaginé incarnée en fiction, ambition Lee termine sur une double citation des deux par Robbins, Bob Roberts, est impossible de résumer une vie hommes, laissant le spectateur trancher sur quelle un chanteur, totalement inexpéri- en quelques heures, regard a est la meilleure voie vers l’émancipation des Noirs menté en politique, qui recherche posteriori prétendant se conjuguer américains. Spike Lee en général et ce film enavant tout la gloire, qui rejette l’esprit de la contre- au présent des faits… S’il ne laisse pas un souvenir particulier ont joué leur rôle dans ce long cheminculture des années soixante et toutes ses avancées impérissable comme œuvre de cinéma, Malcolm X de conquête de droits, de liberté et d’égalité qui estréelles et prône les vieilles valeurs réactionnaires… est néanmoins important et nécessaire parce qu’il a loin d’être achevé mais qui a quand même aboutiça vous rappelle quelqu’un ? fait mieux connaître à un large public la personnalité aux deux mandats de Barack Obama.En fait, Robbins était inspiré par Reagan mais son et le parcours politique d’une figure fondamentaleportrait humoristique à charge pourrait parfaitement de l’histoire américaine et de l’émergence de las’appliquer à Trump. conscience noire.172 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 JOURNALISTE : JÉROME TRANCHANT BLOG : www.facebook.com/jerome.cineradical
SUR VOS LECTEURS DVD, Blu-Ray Primary colors, Bowling heurté à un congrès à majorité républicaine ainsi de Mike Nichols (1998) for Columbine, qu’au lobby des armes. De son côté, Trump a de Michael Moore (2002) déclaré que le port d’arme et l’autodéfense étaient Inspiré par la première campagne des prescriptions de dieu. de Bill Clinton, ce film de vétéran Quand on parle de cinéma s’intéresse au marathon qui américain politique ou évoquant Côté législation, rien n’a donc changé et les tueries de conduit un candidat de sa 1re la politique, difficile de ne pas masse continuent de rythmer le quotidien américain. déclaration jusqu’à l’élection, mentionner Michael Moore des primaires jusqu’à l’épreuve et son cinéma qui mélange Artistiquement, Bowling… ne boxe évidemment pas que constitue une campagne documentaire, agit-prop, humour dans la même catégorie qu’Elephant, mais ce filmélectorale dans un pays aussi vaste. Le candidat fictif à la Saturday Night Live et pathos. On aurait pu a engagé un combat politique qui, hélas, est plusjoué par Travolta doit faire face à des accusations choisir aussi bien Roger and me ou Fahrenheit 9/11, que jamais d’actualité.d’adultère. Primary colors décrit bien un aspect mais celui-ci nous a semblé le plus fouillé et lefondamental de la politique américaine, montre plus convaincant. À partir de la tuerie au lycée del’importance de l’argent, du marketing, et de la Columbine (qui a aussi inspiré Elephant de Gusvie privée et tout ce qui éloigne la politique de la Van Sant), Moore s’interroge sur un des grandssubstantifique moelle politique pour la rapprocher marqueurs politiques de la société américaine, ledu spectacle. Le film lui-même est enjoué et plaisant droit de chaque citoyen de détenir des armes àalors que son sujet pouvait a priori sembler austère. feu. Obama a tenté de limiter ce droit mais s’est Moi, député, Tempête de Jay Roach (2012) à Washington d’Otto Preminger (1962) La politique américaine est aussi passée par le filtre de la Le président veut nommer un comédie la plus loufoque, par le nouveau secrétaire d’État aux tamis du stand-up de l’humour affaires étrangères, mais l’homme SNL, avec ici des zèbres aussi qu’il choisit ne bénéficie que drôles que Will Ferrell et Zack d’une courte majorité au Sénat Galifianakis, même si ce film et a aussi quelques adversairesn’est pas leur sommet. dans son propre camp, dont unDerrière l’humour, il y a la satire d’une campagne rival qui l’accuse de sympathies communistes.politique où les adversaires s’insultent, s’envoient Radiographie précise et complexe du fonctionnementdes boules puantes, se diffament, bref sont prêts de la politique américaine, des rapports entre leà tous les coups bas pour se faire élire. Depuis la législatif et l’exécutif, et des intrigues de couloir,campagne Trump/Clinton, on se dit que ce film n’est le tout porté par la mise en scène au scalpel depas une satire mais un documentaire. Preminger. Un chef-d’œuvre qui n’a pas pris une ride. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 173
174 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017DOSSIERP OLeTs EmyMstKèrIeNs dEu K inverséENTRETIEN : Maxime Lachaud avec Nils Bouaziz INFOS : www.potemkine.fr Il y a onze ans, un nouveau magasin voyait Arrivé à Paris au tournant des années 2000, il se lance d’abord le jour au 30 rue Beaurepaire dans le xe dans l’aventure du label electro Tiger Sushi avec son frère Joakim, arrondissement de Paris : Potemkine. Un nom mais encouragé par son père et motivé par le manque qu’il ressent aux consonances russes et révolutionnaires, quant à son amour du support DVD, il ouvre les portes de sa propre un K inversé bien rouge lui-même rappelant boutique indépendante en janvier 2006. Aujourd’hui, certains des l’esthétique constructiviste, un mot simple artistes qui ont compté le plus pour lui - Herzog, Lynch, Tarkovski… aussi qui faisait écho, pour tous les amateurs - se retrouvent dans le catalogue, avec des éditions coffrets qui ont de musiques expérimentales que nous étions, fait date. Comme un rêve de gosse devenu réalité. au catalogue de vente par correspondance Metamkine. Ouvrir un magasin indépendant de De quand date ta passion du cinéma ? ventes de DVD était un pari un peu risqué en cette époque où le téléchargement commençait Nils Bouaziz : Elle est venue en partie du DVD. J’ai ouvert la boutique à aller bon train. Et pourtant le succès a été au Potemkine en 2006 et avant, j’habitais en Province, du moins pas très rendez-vous, ce qui a amené Potemkine à se loin de Paris mais assez éloigné pour qu’il n’y ait pas de cinémas. C’est lancer dans l’édition DVD - et devenir un des au moment où a émergé le DVD que j’ai commencé à être passionné de labels les plus recommandables du genre - puis cinéma. C’était un support magique et ça le reste. la distribution et à présent la production, tout en cherchant à garder l’esprit défricheur et Le premier film qui t’a marqué ? exigeant qui a fait leur marque de fabrique. Le premier qui m’a fait comprendre que le cinéma c’était du cinéma c’estÀ l’initiative de cette aventure folle se cache un personnage at- Kubrick avec 2001, l’Odyssée de l’espace. Il m’a amené dans une zone que je n’avais pas connue avant, sur le plan artistique, émotionnel.tachant : Nils Bouaziz. Ayant grandi dans une campagne isolée, il Et cette envie de créer une boutique de DVD, elle est née d’où ?se découvre dès sa jeune adolescence une passion pour le cinéma. Il y avait les VHS avant mais le DVD a apporté une qualité nouvelle. étran-Grâce au home cinéma parental, il enchaîne les visionnages et se gement et d’ailleurs toujours, il n’existait pas de boutiques indépendantes, comme il y a des disquaires, des libraires, du moins en vente de DVD ilfait sa culture par le biais du DVD. Puis il faut bien le dire, au bled n’y avait rien. Je me suis alors dit qu’il y avait une place pour ça, surtout à Paris qui est la ville la plus cinéphile au monde. À l’époque, le DVD étaiton s’ennuie ferme et c’est compliqué de trouver des gens dans déjà en place depuis quelque temps sur le marché et c’était un peu la chute. Certains pensaient que la période de gloire était terminée et fairele même délire. Avec trois têtes de plus que tout le monde, et un une boutique de DVD aujourd’hui, ça n’avait pas d’intérêt. C’était il y a dix ans et on est toujours là.regard perçant et rêveur, Nils rentre dans des univers parallèles endécouvrant les classiques de Hitchcock, Kubrick, Lynch ou Tarkovski.
“Le premier Nils Bouaziz ©Maxime Lachaud qui m’a fait comprendre que le cinéma c’était du cinéma c’est Kubrick avec2001, l’Odyssée de l’espace. Il m’a amené dans une zone que je n’avais pas connueavant, sur le plan artistique, émotionnel” Nils Bouaziz ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 175
176 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017© Les Innocents (1961) de Jack Clayton À SAVOIRUNE AVENTURE Chez Potemkine pour les mois deéDITORIALE mai-juin un coffret Carl T. Dreyer (incluant ses cinq films les plus connus ainsi que Tu étais très jeune à ce moment-là, tout juste 25 ans, de nombreux suppléments), une sortie pour te lancer dans un projet pareil. DVD/Blu-ray du chef-d’œuvre de l’expressionnisme Le Cabinet du Dr CaligariFaut être jeune et fou pour le faire. Si tu réfléchis à tout, tu comprends pourquoi (comprenant la fameuse BO composée paril n’y en a pas beaucoup qui se sont lancés là-dedans. Faut vouloir communiquer In the Nursery) et l’édition sur un mêmesa passion au-delà de tout. DVD des films Une sale histoire et Le Dès la création du magasin, il y a eu l’envie d’éditer des DVDs ? jardin des délices de Jean EustacheEn fait, je le voyais beaucoup plus tard, c’est vraiment la rencontre d’un asso- (avec en bonus un entretiencié, qui est arrivé et reparti depuis, qui a vraiment monté ça avec moi. C’était avec Gaspard Noé).important que j’ai quelqu’un qui ait cette capacité-là aussi et qui ait le tempsde le faire car la boutique me prenait quand même beaucoup de temps. Puis j’ai trouvé ce nom, c’était purement un hasard. J’essayais de trouver des nomsune deuxième personne m’a rejoint après et on a monté la partie édition. liés au cinéma et celui-ci est arrivé. La sonorité et la beauté du mot m’ont plu, plus que la référence au film. Je trouvais que ça marchait, ça se retenait bien, Le nom de Potemkine est lié à une passion pour le cinéma russe ? c’était joli. Puis en même temps j’ai trouvé ce logo avec le nom. Je ne suisC’est un hasard mais ça va être de plus en plus difficile à prouver, entre tous pas un grand fou de ce film. C’est trop théorique pour moi.les Russes que l’on publie et l’identité qu’on a liée à ce nom. Au moment où Et le russe c’est venu un peu par hasard aussi. Le premier DVD qu’on a édité c’est surtout par rapport à une demande à la boutique. Un client m’avait commandé ce film dont je n’avais jamais entendu parler. Je me suis jeté sur les imports pour arriver à le trouver. J’en ai pris un pour lui et un pour moi. Je voulais voir ce que c’était et je me suis pris une grosse claque sur ce Requiem pour un massacre d’Elem Klimov. C’est le premier DVD qu’on a édité deux ans après l’ouverture de la boutique. Et cette sortie a été un vrai succès. Oui, mais ça se comprend. Quand on voit le film, il y a quelque chose d’ultime, d’indépassable sur ce sujet-là. Je ne vais pas refaire l’histoire de sa sortie en salles, mais cela a été très compliqué, le film a été mis dans une niche. Il n’a jamais vraiment existé, même en vidéo après. Du coup, c’était la première fois qu’on rendait accessible ce film à un grand public et pas un public de niches. Effectivement cela a fait un petit bruit dans le milieu.
“Parce qu’on s’appelle finalement est assez anecdotique dans le film tellement qu’on connaît, japonisant avec les Potemkine, on nous ce dernier est d’une beauté qui dépasse ça. Après il y a grands yeux, mais qui brasse tous a souvent proposé un film qui a eu la Palme d’Or, Quand passent les cigognes, les styles d’animation différents des films russes. qui pour le coup est plus proche du dernier coffret qu’on en faisant un hommage direct et C’est venu presque a édité : Gregori Tchoukrai. Il est un peu moins connu que assumé au surréalisme. par défaut, Kalatozov, pourtant il a fait le film La ballade du soldat du moins naturellement” qui est assez proche de Quand passent les cigognes, film C’est un film sur lequel j’ai eu réalisé à cette époque très florissante du cinéma russe un gros coup de cœur, j’ai voulu Une des lignes directrices de Potemkine, qui est l’époque du dégel, l’après-Staline où enfin on a l’éditer tout de suite mais mal- c’est cette passion pour le cinéma russe, commencé de parler de l’humain, de l’individu après une heureusement cela n’intéresse longue période où c’était le peuple et ses grandes actions pas beaucoup les gens. J’en suis autant des auteurs classiques que héroïques qui étaient mises en avant, notamment liées à la quand même très fier. des moins connus mais dont les œuvres étaient guerre. Il y a eu toute une relecture de la guerre par le biais de ces films-là. C’est assez passionnant. Il y a notamment Dans les choses plus importantes, à chaque fois difficilement accessibles. le remake d’un film des années 20 à la gloire de la grande il y a le coffret Jacques Rozier, bon D’où est né cet intérêt ? Russie et de l’armée russe qu’il a réussi à transformer en qui n’est pas très connu non plus. étant très proche de l’histoire initiale mais en changeant C’est un cinéaste Nouvelle Vague,Ce n’est pas une passion que j’ai depuis longtemps. C’est quelques détails pour remettre l’individu au milieu du grand mais il est plus dans la Nouvellevenu un peu par rapport à la boutique. Parce qu’on s’appelle mouvement du peuple communiste. La ballade du soldat Vague que les plus officiels commePotemkine, on nous a souvent proposé des films russes. avait fait quand même deux millions d’entrées à l’époque Truffaut ou Godard, car il a mis auC’est venu presque par défaut, du moins naturellement. Du en France, donc c’est un film qui a eu un certain succès ! cœur de ses films le sens de lacoup, la découverte est venue avec, je ne connaissais pas liberté et de l’invention du cinémaTchoukhrai, je ne connaissais pas Panfilov, je ne connaissais On a aussi fait l’intégrale Andrei Tarkovski qui était la directement dans la rue plus queque certains films de Kalatozov, je connaissais par contre génération d’après et qui a pris le pendant qui me plaît les deux précités.Tarkovski et je ne connaissais pas Requiem Pour un mas- le plus dans le cinéma russe, c’est le pendant poétiquesacre. Je me suis surtout reconnu dans ce cinéma car c’est qu’il a amené à une apogée mystique que peu d’artistes C’était très difficile à sortir dûavant tout formaliste, un cinéma qui utilise les moyens du ont réussi à atteindre, même aucun autre selon moi. Il y à sa personnalité compliquée,cinéma, l’image, le son, le montage plus que des moyens a aussi Elem Klimov, qu’on aime beaucoup, le réalisateur donc on est les premiers à lelittéraires, pour raconter une histoire. de Requiem pour un massacre, dont on va éditer prochai- publier en vidéo après de longues nement plusieurs de ses films, pour la plupart inédits années d’attente. C’était aussiCela m’a toujours beaucoup touché. Parmi les favoris, il y en France, et aussi des films de sa femme, qui était une une grande fierté.a Mikhail Kalatozov. Je l’avais redécouvert quand Soy Cuba grande cinéaste, Larisa Shepitko, dont on vient d’éditer troisétait ressorti en salles, en vidéo, etc. Je crois que c’était films, y compris un film qu’elle a fait avec son mari qui En plus récent, un autre français,Martin Scorcese qui l’avait redécouvert d‘abord, ensuite il est une merveille et qui se nomme Les adieux à Matiora. très différent, mais au moins aussiy a eu une ressortie mondiale. Donc nous continuons notre exploration du cinéma russe important si ce n’est bien plus : Jean où il y a tant de choses à découvrir. Epstein, cinéaste de l’avant-gardeC’est un film produit par les Russes à Cuba pour la propagande française des années 10-20-30,communiste. Kalatozov avec son chef opérateur Ouroussevski Si tu devais présenter la maison d’édition sur assez oublié car rien n’était sortia réussi à créer une œuvre formelle absolument démente dix ans maintenant, quelles seraient les sorties en DVD sauf quelques éditionsoù chaque seconde est une expérimentation artistique et confidentielles, alors que c’estcréative qui va bien au-delà du propos propagandiste qui fortes ? Les coups de cœur personnels ? un des artistes français et même mondiaux les plus important de Un qui me tient particulièrement à cœur, notamment parce cette époque. qu’on l’a mal vendu, c’est Mind Game. C’est un manga mais qui ne brasse pas que le style du dessin manga Il a inventé un nombre de choses incalculables dans le cinéma. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 177
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179 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 À SAVOIR Le 31 mai Potemkine sortira en salles les versions de Eraserhead et Twin Peaks : Fire Walk With Me de David Lynch, restaurées par le réalisateur lui-même. L’édition DVD-Blu-Ray paraîtra, quant à elle, à la rentrée. Ajoutez à cela une nouvelle autobiographie/livre de souvenirs, la troisième saison de la série Twin Peaks, ainsi qu’une ressortie restaurée de Mulholland Drive le 17 mai, 2017 sera définitivement une année sous le signe de Lynch.©DR NE VOUS RETOURNEZ PAS (1973) de Nicolas Roeg Une autre des lignes éditoriales Il arrive vraiment à faire ressentir ces que l’on peut ressortir, ce sont ces films liés moments d’errance de l’esprit par le Il a inspiré beaucoup de gens, jusqu’à dernièrement un aux avant-gardes ou aux expérimentations, cinéma. Quelqu’un qui arrive aussi de cinéaste fort connu de notre époque qui s’appelle Bruno manière virtuose à recréer le mental, ce Dumont, qui a d’ailleurs fait un certain nombre de bonus des films qui travaillent autant la forme qui se passe dans la psyché humaine, pour cette édition et qui se reconnaît dans une certaine et le fond, et que j’appelle des films-trips, c’est Nicolas Roeg, qui par un art du filiation par rapport à ce travail. on pourrait y inclure Herzog, Roeg, Anger montage totalement unique, ne tombe et tant de cinéastes que vous avez sortis. pas dans le récit classique. Puis notre chouchou de ces derniers temps : Werner Herzog, Est-ce que pour toi le cinéma c’est justement qu’on ne présente plus. comme un trip, le film comme une entrée Par exemple, j’ai découvert récemment Enquête sur une passion. J’aimais Cinéaste aussi important dans la fiction que dans le docu- dans un monde parallèle ? beaucoup ses autres films mais je ne mentaire pour la bonne raison qu’il ne fait pas de différence connaissais pas celui-là. entre ces deux types de cinéma. Cela peut symboliser Je ne sais pas si c’est le terme exact, mais c’est juste ce que tout ce qu’on aime dans le cinéma : la liberté, l’invention, je recherche comme émotion et comme expérience dans le C’est une enquête policière sur la mort l’imaginaire et la création avant tout. cinéma, vivre un moment d’espace-temps impressionnant d’une jeune femme jouée par Theresa à tous points de vue. Russell, et c’est tout en flashbacks sur Je pourrais en citer pas mal d’autres, comme Tarkovski qui l’histoire d’amour qu’elle a vécue avec a été très important et on prépare de belles choses avec Pour aller plus loin dans ce que tu dis, je ne recherche le personnage joué par Garfunkel. lui. Un autre moment assez important dans notre histoire que des films-trips dans ce que j’aime. Même les Russes d’éditeur, c’est quand on a pu récupérer les nouveaux films que j’ai cités avant en font partie, même s’ils ne sont pas La façon dont il travaille cela n’est jamais de Lars Von Trier. On va faire d’ailleurs le prochain qui n’est identifiables par rapport à ce qu’on pourrait connaître dans la représentation d’une histoire. pas prêt d’être fini car c’est un tournage qui va se faire comme évident en termes de films-trips. Les films de en deux temps donc c’est pour au moins 2019, au mieux. Kalatozov sont des films-trips. On est dans toute la fantasmagorie des personnages liés à cette histoire, On a donc publié Melancholia il y a quelques années, puis Le Miroir de Tarkovski est un des plus grands films-trips de leurs perceptions de cet événement Nymphomaniac dans sa version non censurée bien sûr, l’histoire du cinéma. C’est un film qui parle des souvenirs et pas l’événement lui-même. C’est un peu plus tard. d’un enfant, en trouvant les moyens artistiques d’être là-dessus qu’on dépasse le témoignage dans la mémoire, dans la nostalgie, la mélancolie et le ou le reportage. C’est aussi un des cinéastes que j’admire le plus dans ceux rêve, en arrivant à créer cette situation-là qu’on ne peut qui sont en activité aujourd’hui, je suis donc très heureux vivre dans le quotidien mais juste quand on dort, quand Mais Mind Game par exemple est de l’accompagner au moins en vidéo en tout cas. on est malheureux… un sacré film-trip ! Dans les récents films-trips – même s’il y en a peu -, On pourrait aussi parler de Requiem pour un massacre que Évolution de Lucile Hadzihalilovic peut j’ai cité avant. Mais c’est déjà une petite sélection variée. être mis en parallèle avec Le Miroir ou Enquête sur une passion. On est dans un univers mental et non naturel. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 179
180 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017C’est là qu’il faut savoir s’abandonner, s’abandonner à soi- Parmi les films-trips qui m’ont vraiment impressionné il y a “Tarkovskimême, s’abandonner à l’autre, ce qui n’est pas toujours aussi Alexsei German, avec Il est difficile d’être un dieu, qui qui a été trèsévident pour tout le monde. rejoint ma passion pour le cinéma russe et les films- trips, important et dont et qui est totalement extraordinaire. Cela n’aurait pu être on va ressortir Des films-trips dont tu n’es jamais revenu ? fait que par des Russes, c’est pour ça que je les aime tant : les films en ils ont cette folie formaliste, ils sont capables de déplacer versionsLe premier qui m’a fait cet effet-là, et c’est peut-être un des montagnes artistiques pour faire leurs films. Après, restaurées”cliché car tout le monde le cite, c’est 2001 l’odyssée de il y en a un autre, aussi fascinant, et si j’y pense, c’estl’espace. il est souvent considéré comme le film-trip le plus parce que j’ai vu récemment une de ses installations pour Du coup, tant qu’à faire, j’aimeraisofficiel, mais je l’ai vraiment vécu comme ça. le festival d’automne, c’est Apichatpong Weerasethakul bien qu’on aille un peu plus loin qui a fait deux des films les plus tripants de ces dernières et qu’on ressorte ce cinéma pourDéjà, je l’ai vu très jeune, je n’en avais pas entendu parler, années, c’est Oncle Boonmee et Cemetary of Splendour. faire des choses plus inspiréesje n’avais rien lu dessus. Je me souviens que la seule chose Des films magnifiques très proches des rêveries visuelles. d’Epstein que de Marcel Carné ouque j’avais entendue sur ce film c’était que c’était ennuyeux. C’est important de souligner quand il se passe quelque de François Truffaut. chose d’important aujourd’hui, et heureusement qu’il yÀ l’âge où je l’ai vu, c’était plus un film ennuyeux qu’un en a encore qui nous font rêver. Cela me fait rebondirfilm trip. Les films-trips arrivent quand on a plutôt 18/20 sur le cinéma documentaireans, et plus tôt c’est considéré comme des films chiants. Il y a eu pas mal de cinéastes français plutôt hors normes publiés par Potemkine. que vous défendez,Mais je l’avais vécu comme un film-trip à 14 ans et du coup qui s’éloigne totalement desà cet âge-là le trip est fort et il reste bien dans la tête. Ce C’est un cinéma souvent associé à beaucoup formats habituels avec desfut le premier, mais Le miroir reste un des moments les de clichés mais vous allez défendre interviews en têtes parlantesplus forts de mon expérience de spectateur. des auteurs plus inclassables. et des archives, mais on se Quel est votre rapport à ce cinéma ? rapproche des films-trips ouAprès, il y a évidemment plein de films que je n’ai pas édités de documentaires à la limitequi sont des films-trips : Apocalypse Now par exemple. Un En fait, je m’en fous un peu du cinéma français. Les natio-film que j’ai revu récemment qui est un vrai film-trip c’est nalités ou les genres, je m’en moque. Pour moi, il y a deux de l’expérimentationUn homme qui dort de Georges Pérec et Bernard Queysanne. pays de cinéma, le pays du bon film et le pays du mauvais film. effectivement, le cinéma français aujourd’hui ne me C’est ça. Je pense qu’on est dans unC’est l’histoire d’un jeune homme dans les années 70 plaît pas toujours. mais je ne me suis pas dit il faut que je espace où la question de quel estqui se renferme sur lui-même jusqu’à sombrer dans une défende un certain cinéma parce qu’il y en a un autre qui le format de ce qu’on va filmer neespèce d’abysse de dépression et tout cela est traité par les ne me plaît pas. C’est naturellement que je le défends. Il se pose plus vraiment, notammentmoyens du cinéma et pas par les moyens normaux du récit. vient à moi. Il y a quelque chose d’assez organique là-de- sur Dead Slow Ahead qui pourrait dans. F.J. Ossang, on l’a côtoyé parce qu’il est notamment être un film expérimental, un filmCe sont le montage, la mise en scène et la photographie qui proche d’Agnès B. avec qui on coédite notre DVD, et ça d’art vidéo, une fiction sur unfont ressortir ça. C’est le genre de film qui, si vous n’êtes s’est fait naturellement. Je ne suis pas allé le chercher et bateau en fin de civilisation ou toutpas déprimé, ça vous rend totalement déprimé. il n’est pas venu nous chercher. simplement un documentaire sur un cargo industriel. Dans tous ces Cœur de verre de Herzog est un bon On s’est parlé, on s’est croisé et cela s’est fait. Même chose films, il y a la volonté de filmer un film-trip aussi avec Lucile Hadzihalilovic, on a des amis en commun et on sujet avec une certaine vision. Après s’est croisé quelques fois. évidemment, j’aime son cinéma cela ressemble à tel type de cinémaévidemment, Herzog ! Cœur de verre est un sacré film-trip, mais pas en tant que cinéma français différent de ce que qu’on reconnaît ou tel autre maisque j’ai découvert en éditant les coffrets, je ne l’avais pas je n’aime pas d’habitude, c’est juste que j’ai envie de à l’origine cela échappe à tout ça.vu à l’époque. Mais il m’a sacrément secoué effectivement. défendre ce qu’elle fait. J’en oublie même que c’est français.Le premier film-trip que j’ai vu d’Herzog, très jeune aussi, Elle pourrait être belge. Donc il n’y a pas une façon dec’était Aguirre. penser le cinéma français, mais plus une façon de penser le cinéma globalement. Effectivement, publier Jean Epstein,Encore une fois, ce n’est pas immédiatement identifié film- qui faisait un cinéma qui est totalement à l’opposé de cetrip, mais Vertigo de Hitchcock m’a fait cet effet-là. On rentre qui est arrivé après guerre et qui s’est tellement installédans un espace-temps où on est dans tout sauf la réalité. qu’on a du mal à s’en sortir, même dans les années 2000.Et quand on arrive à être pénétré par ça, cela peut nousamener très loin. Un autre film-trip assez costaud c’estSuspiria d’Argento.
On parlait de Herzog, mais il fait ça depuis les années Il y avait 26 films tous sur les deux formats, Blu-ray et DVD, “Je ne70, Jean Epstein a flirté avec aussi. Ses derniers films en ensemble dans un même objet, c’était un sacré truc. Mais rechercheBretagne sont à la lisière du documentaire. Et je n’en ai on aime faire ce genre de projets. que despas parlé dans les éditions qui me tenaient à cœur mais films-tripsHäxan me tient très à cœur ! C’est un film suédois de En parallèle avec cet historique, es-tu conscient dans ce que1922. Aujourd’hui on appellerait cela un docu-fiction. Bien de l’identité Potemkine et de l’image véhiculée ? j’aime”sûr, à cette époque, le terme n’existait absolument pas,et Christensen ne s’est pas posé la question de faire un Est-ce un bébé que tu as laissé grandir C’est donc être présent sur l’en-documentaire ou une fiction. Il s’est dit qu’il voulait traiter et sur lequel tu as du mal à garder une maîtrise ? semble de la diffusion des films, uned’un sujet, la sorcellerie, qui était déjà étudié plus ou moins continuation logique d’ayant droit.sérieusement par plein d’écrits, mais il y voyait quelque La différence avec un bébé, c’est que les choix du bébé cechose d’absurde et d’irréel, pas du tout scientifique, donc sont les miens. Quand on fait un bébé, il y a un moment où Sur la distribution, contrairement àil a pris le parti de commencer d’abord par le documentaire on le laisse grandir par lui-même et on ne le maîtrise plus. l’édition, on est face au cinéma quiet ensuite d’aller vers la fiction, d’expliquer tout ce qu’il Je maîtrise encore pas mal de choses à Potemkine. Est-ce se fait aujourd’hui avec beaucoupy avait d’ancré dans notre histoire, notre civilisation, des que je suis content de tout, je ne sais pas, mais le fait de distributeurs. Des gros filmsfaits réels et la fantasmagorie, qui ne pouvait être traitée d’évoluer comme ça, assez vite, on ne fait pas forcément disponibles par an, il n’y en a pasque par la fiction. Dès les années 20, des artistes avaient tout ce qu’on veut, et il y a plein de contraintes liées à tant que cela. Malheureusementla liberté de se dire, on ne choisit pas, on se balade entre notre époque et au marché, qui fait qu’on ne ferait pas on n’a pas l’équivalent des chefs-les deux sans avoir de limites, de frontières. l’idéal de ce qu’on devrait faire. Mais dans l’ensemble j’ai d’œuvre qu’on peut faire en édition. l’impression d’être assez maître de ce que je fais. Il faut trouver un équilibre entreCela m’a toujours plu. Il y a un film que j’aimerais bien des films qu’on aime bien et quiéditer, dont le titre en dit déjà long, c’est Gambling, Gods Les autres éditeurs dont tu te sentirais proche ? vont faire des entrées et des filmsand LSD. Le titre lui-même nous fait comprendre le trip. qu’on veut défendre parce qu’ilsC’est un film de la fin des années 90 qui se veut un portrait Aucun ! (rires) Wild Side et Carlotta étaient en France des vont avoir plus de mal à faire desde notre monde occidental avec des prismes très variés, exemples que j’avais envie de suivre. J’ai l’impression entrées mais qui méritent souventde pop culture, de mysticisme, embrassant tout cela dans qu’aujourd’hui ils font beaucoup de grands classiques et plus que beaucoup d’autres d’êtreun kaléidoscope de quatre heures. après ils font beaucoup de contemporains, ce qui limite vus en salle. Je pense à Dead Slow en termes de choix éditorial. Dans les défricheurs, comme Ahead qui est une expérience quiOn ne sait jamais où on est vraiment et si ce qu’on raconte on fait nous, Tamasa fait des choses vraiment pas mal, et ne peut se vivre qu’en salle.est vrai. Effectivement ce sont ces genres de documentaires Blaq Out aussi qui sont assez actifs en ce moment, maisqui m’intéressent et qui se rapprochent des fictions qui ils font aussi pas mal de contemporains, ce que l’on fait Le film reste bien sur une télém’intéressent. Le même genre d’images animées. de moins en moins car ce n’est pas ce qui m’intéresse le mais cela enlève la moitié de plus en vidéo. En sortant de la France, il y a les Anglais de l’expérience. Et Évolution ne serait Vous vous êtes souvent focalisés sur chez Criterion ou Arrow par exemple. peut-être même pas sorti ou très des cinéastes reconnus mais dont les œuvres confidentiellement en France si on Il y a cinq ans, vous vous êtes lancés ne s’en était pas occupé. étaient difficiles d’accès dans la distribution. Effectivement, quand il trouve sonC’est ça. Je me suis construit avec les grandes références Pour accompagner la fin annoncée du DVD, c’est aussi l’idée public, le film est reconnu, maiset c’est ce qui reste pour moi le plus fort. Effectivement, je d’avoir tous droits pour vraiment travailler un film ou un c’est tellement difficile tant cessuis parti vers ceux qui m’ont le plus marqué dans ma vie : auteur sur toute la chaîne, de la salle au DVD en passant films peuvent être abordés commeHerzog, Epstein, que j’ai découvert sur le tard mais qui était par la boutique, en faisant des événements. expérimentaux, non narratifs, « nonaussi une grande révélation, Tarkovski… Ce sont ces films- compréhensibles par le public »,là qui restent et qu’on veut pérenniser avec les éditions. C’est déjà pour mieux maîtriser le côté événementiel car ce qui fait que certains exploitants sortir un DVD aujourd’hui c’est dur d’en faire parler alors que sont très frileux à prendre ce genre Assez vite sont venues les idées de coffrets quand on ressort un film en salle, même pour les classiques, de films. en sortant une vidéo derrière, cela aide vraiment le film.Oui, tous ceux que j’ai cités ce sont des coffrets, soit unefilmographie complète ou au moins l’essentiel d’un auteur. C’est ce qu’on a fait avec Herzog et son film Les Ascensions,Avec Rohmer, on a vraiment fait une intégrale, c’est de loin accompagné de La Soufrière et Gasherbrum et c’est vrainotre projet le plus ambitieux. que cela avait bien aidé la sortie vidéo. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 181
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183 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 “Pour moi l’essentiel avec le cinéma et l’art en général, c’est de créer de la mémoire et du souvenir”©DR - LE MIROIR (1975) de Tarkovski ©DR - Paris pied nus (2016) d’Abel et Gordon Penser les films en tant qu’objets de commerce, est- Mais il y a un certain stade de liberté ce que cela aussi peut ternir la passion du cinéma ? artistique où je sais qu’on ne va même Il y a cela dit un film qu’on a sorti qui est pile poil entre pas essayer de le défendre car ce serait quelque chose d’artistique et de plus grand public, c’est À partir du moment où on fait la chose bien, cela ne ternit perdre du temps et de l’énergie pour Paris pieds nus de Dominique Abel et Fiona Gordon, les pas la passion, ça l’élève. Faire un beau DVD ce n’est pas rien, même si j’aimerais que le film soit Belges qui avaient fait L’Iceberg, Rumba, La Fée, et qui sont créer un objet commercial autour d’un film, c’est trouver un peu vu. Mais à part trois salles de assez proches d’un cinéma que j’aime beaucoup c’est celui le moyen de l’amener vers son potentiel spectateur le fous furieux qui vont le programmer, de tati et de Buster Keaton. En même temps, ils ont un mieux possible, parce qu’on a besoin d’accès matériel à on sait que ce film sera rejeté par la potentiel populaire, de comédie assez important. une œuvre. Pourquoi on aime bien aller au cinéma, c’est plupart de l’exploitation. parce qu’il y a une salle avec un grand écran, des fauteuils Est-ce qu’on peut être désenchanté confortables, ce n’est pas juste des yeux et un film. C’est Une déception que je pourrais avoir, aussi quand on découvre tout l’envers pareil pour chez soi, voir des films sur un disque dur, c’est c’est ce film-là. Après, il y en a réguliè- assez déprimant à la longue et surtout cela ne crée pas rement. Je fais quatre ou cinq festivals de la chaîne de distribution quelque chose qui est pour moi essentiel avec le cinéma et par an, il a eu au moins un ou deux d’un film ? l’art en général, c’est de créer de la mémoire et du souvenir. films par festivals où je me dis là il On y a accès par l’œuvre mais qu’on peut travailler grâce y a quelque chose de super dedans C’est un sujet compliqué, il y a beaucoup de films. On pour- à l’objet et grâce à différents petits apparats de souvenirs mais on sait qu’on va droit dans le rait se dire que les gens ne sont pas curieux, mais je me liés à des œuvres. Le livre arrive à faire cela car c’est un mur si on s’en occupait. mets aussi à la place des exploitants par exemple. Des fois objet et qu’on a des bibliothèques chez nous, mais avec la ce serait bien qu’ils fassent un petit effort, qu’ils essaient, musique ou le cinéma, c’est le DVD ou le disque, et c’est Le fait d’avoir la boutique mais ils n’essaient même pas. Tout le monde a besoin de important d’avoir ce rapport aux choses, pour maintenir crée un lien direct avec manger, la vie c’est difficile donc ils préfèrent remplir leurs son propre éveil face à sa propre mémoire. Sinon, on salles avant de remplir leurs esprits. Heureusement il y a oublie les choses. les spectateurs, et vous vous pas mal de salles qui jouent le jeu et des gens qui mettent êtes lancés dans un projet leur passion avant tout. Mais je n’ai pas déchanté, car je Exerces-tu parfois une censure sur tes goûts ? où ce sont les spectateurs savais déjà un peu comment cela se passait. Des films que tu aimes mais que tu t’interdis (sélectionnés) qui choisissent un film qui sera distribué Je m’en doutais et on m’en avait parlé. Mais la distribution à publier car trop hors normes ? est quelque chose d’assez impitoyable. Et il y a tellement en salles, Scope100. peu de temps pour gagner, c’est-à-dire que le film puisse Je pourrais citer Tenemos la carne. C’est le premier long- trouver ses spectateurs, ça, c’est le vrai défi et c’est jamais métrage d’un jeune mexicain, c’est un film qui va très On a souvent des retours de spectateurs gagné d’avance. loin, avec beaucoup d’exigence et de qualités artistiques. qui, on le sait, attendent des films comme Evolution ou Dead Slow Ahead, et grâce - ou malheureusement - aux réseaux sociaux, on a des commentaires de gens qui sont malheureux de ne pas voir les films qu’on distribue. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 183
184 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017Je leur dis d’aller voir les salles dans les villes où ils La boutique elle-même a changé, elle a intégré “Avec Rohmer,habitent et d’arriver à les convaincre de prendre les films. la musique notamment on a vraimentUne fois que le film est sorti et que les gens sont déçus, fait une intégrale,c’est difficile d’arriver à ce genre de possibilités. Mais Oui, il n’y en avait pas avant. Le fait d’agrandir et de c’est de loinquelque part Scope100 c’est faire cela en amont. C’est un récupérer un tiers d’espace, cela nous a permis de faire un notre projet le plusprojet européen. Il y a un distributeur qui a été sélectionné café, on vend aussi des affiches car on nous en demandait ambitieux”sur dix pays européens et c’est média, un organisme qui très souvent et aussi des vinyles de bandes originales definance le cinéma européen, qui a débloqué une aide afin films, un peu de nouvelles mais surtout des ressorties Un réalisateur que j’aime beaucoup,que nous puissions développer une communauté, trouver d’anciennes, car il y a un marché très vivant là-dessus et c’est un des humains les plusune centaine de personnes dans toute la France à qui on depuis quelques années. Cela marche plutôt bien, et on magnifiques que j’ai pu rencontrer.va montrer une dizaine de films et qui va en choisir un est content d’avoir diversifié un peu.qu’on va distribuer quelque temps après. Beaucoup plus particulier mais toutC’est mettre le spectateur au cœur de ce travail de distri- Je crois qu’il y a le projet de travailler aussi aussi impressionnant, c’est Wernerbution et de mise en visibilité d’un film, pour créer une sur des DVDs et musique de films. Herzog, qu’on a fait venir il y aémulsion entre nos bureaux à Paris et les villes à travers deux ans avec une rencontre à lala France qui vont participer à ça, en espérant qu’ils vont D’ailleurs certaines éditions étaient accompagnées cinémathèque. Je n’ai pas trop laaussi travailler leurs réseaux personnels pour motiver les de CDs audio comme le Magick Lantern Cycle culture du fan envers les artistesgens à aller voir le film, car ils auront aussi été acteurs de Kenneth Anger, Artemis cœur d’artichaut que j’aime bien, mais là je medu choix et pas juste à attendre l’information qu’un film d’Hubert Viel ou les Rencontres d’après minuit sentais tout petit et tout timidearrive hypothétiquement dans leur ville. Cela permet de Yann Gonzalez en face d’un monstre comme ça.aussi de travailler notre image par rapport à des gens qui À la boutique on a quand même faitcomprennent notre démarche. C’est vrai qu’en termes d’édition, cela nous tente bien de venir Hans syberberg, réalisateur sortir aussi des musiques de films autant que des vidéos. de films monstres sur l’histoire de©DR Puis, dans mon parcours, j’ai d’abord travaillé dans un l’Allemagne, il m’a assez impres- label, Tiger Sushi, que j’ai monté avec mon frère et qui sionné aussi, Pierre etaix qui était existe toujours. un être magnifique et qu’on a eu la chance de faire venir. Il y a eu J’ai été un peu DJ et j’ai pas mal touché les instruments plein de belles rencontres, depardon donc c’est aussi ma première passion, et d’y revenir un j’aime beaucoup le personnage aussi. peu, ça me fait du bien. Aujourd’hui, Potemkine se Sur un plan humain, avec les nombreuses rencon- lance dans une nouvelle tres à la boutique, quels seraient les réalisateurs aventure: la production qui humainement t’ont le plus impressionné ? Ce n’est pas directement de la production, c’est plus qu’on accom- Le réalisateur qui m’a le plus impressionné, de sagesse pagne le développement d’un et d’intelligence, - on avait commencé à travailler sur un film, en partie financièrement, et projet d’édition d’un superbe coffret mais ça ne s’est pas le premier pour lequel on a fait fait et il y a eu des éditions assez nulles de ce cinéaste -, ça, c’est le film Salt and Fire, la c’est Alain Cavalier. dernière fiction de Werner Herzog.
©DR - LA PEAU DE BAX (2015) d’Alex Van Warmerdam Plus ou moins au moment de la série. Mais avant cela Comment vois-tu l’avenir on a sorti un magnifique documentaire le 15 février qui de Potemkine ?Nous sommes très fiers. Nous sommes aussi allés chercher s’appelle The Art Life qui est plus centré sur son enfance,Arte pour qu’ils nous accompagnent dans cette aventure. son adolescence et sa partie artiste plastique qui est fina- L’objet ne disparaîtra jamais, cela vaun thriller écologique étonnant ! lement ce qu’il préfère faire dans la vie, et pour laquelle se transformer peut-être vers autre il se destinait – le cinéma est un peu un accident chez chose. Il y aura moins de choses de Ce travail d’éditeur indépendant, de défricheur, lui – et tout à l’heure on parlait des documentaires qui faites mais mieux faites. le vois-tu également comme un engagement ne sont pas des têtes parlantes avec archives, là on n’est presque politique ? vraiment pas là-dedans, c’est ce qui nous a plu. Et le film se POTEMKINE termine par un récit magnifique du tournage d’Eraserhead,Il y a plus de la résistance et affirmer des convictions que c’est le moment où le récit s’arrête, et on a aussi la chance 30 rue Beaurepaire dans le 10ede la politique. Pour moi, la politique ce serait d’agir sur le d’avoir Eraserhead en ressortie dans notre catalogue, en est ouverte tous les joursgrand nombre, d’avoir une vraie influence sur son peuple. copie restaurée. On va donc redécouvrir le mieux possibleEt je suis loin d’avoir une influence sur le peuple français. ce magnifique film qui est un sacré film-trip n’est-ce pas ? (lu 11h-19h / ma à sa 11h-20h /S’il y avait juste plus de gens qui défendent leurs convictions Comment ai-je pu oublier parmi les films-trips les films de di 14h30 - 19h)et qui résistent à plein de facilités, et si on était nombreux, David Lynch qui sont tous des films-trips ! Parmi mes deuxcela deviendrait de la politique, mais là chacun dans nos films-trips préférés, il y a le premier et le dernier David Tél. 01 40 18 01 81coins, c’est plus de la résistance qui pourrait devenir de Lynch, Eraserhead et Inland Empire.la politique si les gens l’accompagnent et le suivent. Maisce n’est pas moi directement qui agis là-dessus, je donne Autre gros événement. En 2017 on va ressortir les tantun signal et ceux qui m’aiment me suivent. attendues versions restaurées de tous les films de Tarkovski. Même si j’ai édité l’intégrale, je ne suis pas totalement fier Peux-tu parler des derniers projets ? de toutes les copies qu’il y a dedans, et là il y a eu un gros travail dessus, une vraie redécouverte de son cinéma. J’aiJe suis très fier d’annoncer que l’année 2017 sera l’année pu voir un bout de la copie de Solaris et de Stalker, c’estLynch car on va accompagner à notre façon la troisième hallucinant, ce n’est quasiment plus les mêmes films. Maissaison de Twin Peaks, qui va être quelque chose d’assez il y aura d’autres belles surprises.démentiel. On est très heureux d’avoir acquis récemmentla version restaurée de Twin Peaks, le film Fire walk withme, qu’on va ressortir au printemps. ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 185
séléctions POTEMKINE PAR JÉROME TRANCHANT et MAXIME LACHAUD Afin d’offrir un panorama de la diversité des éditions Potemkine, nous avons choisi de nous arrêter sur certains titres distribués ou sortis en DVD durant cette fructueuse décennie d’activisme. Entre obscurités et films cultes, cette sélection internationale dresse une géographie disparate mais au bout du compte assez représentative d’un travail hors normes que Nils Bouaziz, Noémie Moreau, Nicolas Giuliani (à l’origine de la Collection Documentaire) et la joyeuse équipe mènent avec passion186 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017
séléctions POTEMKINE Date de sortie : plus de 600 villages qui ont été brûlés, décimant des d’un vieillard autour duquel le village s’est rassemblé 18 sept. 2007 régions entières. Klimov avait coécrit le scénario avec ou encore cette population enfermée dans une grange (2h22) Ales Adamovich qui avait combattu alors qu’il était pour être exterminée. La perte d’innocence passe par De : Elem Kilmov encore adolescent. Cet aspect autobiographique est ces visions insoutenables, étouffantes. L’utilisation de Avec : Aleksey rendu par ce qui fait la force du film : adopter le point drones vibrants et d’une musique alternant oppression, Kravchenko, de vue d’un adolescent face aux horreurs de la guerre. collage de bandes-son de la guerre (discours d’Hitler, Olga Mironova, Magistralement interprété par Alexei Kravchenko, hymne allemand) et airs classiques (Mozart, Wagner…) Liubomiras Florya passe du statut de gamin à celui de vieillard font aussi du film un trip halluciné, baigné dans un Laucevicius en quelques jours, les transformations de son visage épais brouillard insondable. Cet aspect d’étrangeté Genre : Guerre filmé en gros plans sont elles-mêmes bouleversantes. peut être une forme de résistance face à un réel Nationalité : Russe Autour de lui, les visions macabres et apocalyptiques insupportable mais aussi les premiers pas vers la folie s’enchaînent. Tout n’est que charnier, corps amoncelés. qui guette ces enfants, perdus au milieu des bombesREQUIEM POUR UN MASSACRE (1985) La caméra serre le personnage, nous sommes avec lui, et des macchabées, aussi bien enfouis dans la terred’Elem Klimov nous sommes lui. Ceux qui lui parlent sont eux-mêmes ou pendant des arbres. souvent face caméra, nous impliquant directementIl s’agit du premier DVD sorti par Potemkine, celui dans cet univers cauchemardesque. Klimov, lui-même hanté par le décès de sa compagnepar lequel tout a commencé. Considéré quasiment Larisa Shepitko suite à un accident de voiture, veutunanimement comme le plus grand film sur la guerre Nous sommes emportés physiquement dans ce partage donner à ressentir la guerre non seulement au publicjamais réalisé, Requiem pour un massacre connut un de l’Enfer qu’est la guerre jusqu’à une apogée finale mais aussi à ses acteurs afin de tirer des performancesgrand succès au box-office lors de sa sortie au milieu où Klimov utilise les images d’archives afin de nous possédées. Il a donc fait porter à ses comédiens nondes années 80. Pourtant, le long-métrage était devenu terrasser de par leur pouvoir inéluctable. Nous voyons professionnels de vrais costumes de guerre et a tournétrès difficile à se procurer, juste disponible sur une ce que le personnage voit, nous entendons ce qu’il les scènes dans l’ordre chronologique pendant prèsvieille VHS ou visible dans les cinémathèques. entend. Ce mélange de réalisme et d’un univers mental de neuf mois. Le projet lui-même a mis huit ans à presque irréel, lié à la folie qui entoure les êtres, est voir le jour, tant la dimension naturaliste faisait peur,La moindre chose que l’on puisse dire, c’est que c’est tellement maîtrisé que le réalisateur ne tournera plus d’autant plus que le film prend le parti de mettre unle genre de film choc qui marque durablement tous jamais après cette œuvre, comme s’il avait tout dit. visage sur le Mal, le titre original était d’ailleurs « Killceux qui le regardent. Se déroulant en 1943, pendant Hitler ». Aujourd’hui, Requiem pour un massacre méritel’occupation des troupes allemandes en Biélorussie, La survie, la peur, les larmes, Requiem pour un mas- d’être vu et revu, malgré sa dimension traumatique,il aborde le thème du génocide dans le pays, avec sacre, de par sa noirceur, en deviendrait presque un car jamais on n’aura filmé aussi bien et sur un simple film d’horreur, ce qu’il finit par être quelque part. On visage le processus déshumanisant de la guerre. (ML) se souvient par exemple de l’œil ensanglanté filmé en gros plan de la vache agonisante, ou le corps brûlé ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 187
séléctions POTEMKINE Date de sortie : à plaire encore plus. Seul Kim, le chef de la CIA le point. Résumer les événements. À la manière des 21 avril 2009 locale, ami fidèle presque en disgrâce, joue double chapitres d’un livre ou des titres d’un journal. Cette (1h42) jeu. C’est qu’il a décidé, ce soir, avec des complices, rigueur, qui n’exclut paradoxalement ni émotion ni De : Sang-soo Im de tuer Park Chung-hee. Im Sang-soo (remarqué, lyrisme, faiblit dans la dernière demi-heure, lorsque Avec : Suk-kyu Han, l’an dernier, avec Une femme coréenne) n’idéalise le ridicule s’impose. On sourit, bien sûr, devant ce Yun-shik Baek, personne. « On sent tous mauvais », dit l’un des responsable de la sécurité refoulé de son ministère Jae-ho Sang personnages, et on doit prendre cette réplique au par ses propres troupes. Ou de cet imbécile couvrant Genre : Comédie propre comme au figuré. Les conjurés qu’il nous d’une casquette pudique l’intimité du cadavre Nationalité : montre sont des courtisans repentis. Et leurs moti- présidentiel. Mais la dérision insolente qui plane Corée du Sud vations sont troubles, opaques, dissimulées sous sur le film est si forte que la farce, curieusement, leurs actes, qui seuls intéressent le réalisateur. Son l’affaiblit un instant. Le film a soulevé des remous à THE PRESIDENT’S LAST BANG film ressemble au travail d’un flic qui s’intéresserait Séoul, notamment auprès de la fille de Park Chung-(2005) d’Im Sang-soo aux détails - qui était là ? qui a fait quoi ? - pour hee. Moins, semble-t-il, parce que son père était mieux avoir une vision globale des faits. Dès les dépeint comme un dictateur que parce qu’il avaitLa « Maison Bleue » de Séoul est en effervescence. premières minutes, un travelling latéral fait défiler la faiblesse d’aimer les chansons japonaises et lesEn ce 26 octobre 1979, le président s’est annoncé, les pièces d’une prison où l’on pratique la torture jeunes filles en fleur. L’honneur familial des tyransvieux tyran solitaire qui vient de plus en plus au nom du président. Avant et après la tuerie, des est, parfois, aussi bizarre que les motivations desouvent y noyer sa mélancolie. Cela fait seize ans mouvements de caméra similaires - le dernier, en ceux qui les tuent. (JT)que Park Chung-hee règne sur la Corée du Sud. On plongée pour accentuer le propos - semblent fairelui a tué sa femme, cinq ans plus tôt, lors de lafête nationale. Depuis, ses conseillers privés sontdevenus ses pourvoyeurs en alcool et en filles. Ilssont trois, ce soir-là, à le contempler, vautré sur lesseins d’une call-girl, se pâmant devant le charmemélancolique de romances japonaises. À l’écouter,aussi, pérorer sur son libéralisme (« J’ai toléré unparti d’opposition, moi ! ») et sur la démocratie(« Combien de pays l’appliquent-ils réellement ? »).Yang, le servile, bat des mains à chaque phrase.Cha, le chef de la sécurité, nouveau favori, cherche Date de sortie : de partir en croisade contre la bêtise et la vulgarité 5 février 2013 de ses concitoyens, lobotomisés par la télé, selon lui, (1h45) et d’assassiner toutes les personnes qui le méritent, De : Bobcat toujours selon lui. Qui n’a jamais rêvé d’étriper ainsi Goldthwait le type qui répond à son portable dans une salle de Avec : Joel Murray, cinéma ou l’intégralité du casting de ces émissions de Tara Lynne Barr télé-réalité débiles qui polluent nos écrans ? Humour Genre : très noir, donc, pas loin de Borat, pour cette charge au Comédie bazooka contre la dégénérescence des médias et du Nationalité : public. Le réalisateur, Bobcat Goldthwait, est spécialiste Américaine de la provoc et des sujets scabreux. Dans Juste une fois (2007), il était question d’un inavouable désir GOD BLESS AMERICA (2011) zoophile ; dans World’s Greatest Dad (2009), Robin de Bobcat Goldthwait Williams maquillait en suicide la mort accidentelle de son fils (par strangulation auto-érotique) pour lancer Privé de sommeil par le vacarme de ses voisins, viré sa carrière d’écrivain raté... Ici, la satire tourne au jeu de son open-space à la suite d’une plainte douteuse de massacre quand Frank s’adjoint les services d’une de harcèlement, Frank apprend dans la foulée qu’il adolescente qui partage sa fureur nihiliste. Le couple va mourir d’une tumeur au cerveau. Avant de se de justiciers, pris dans une spirale de violence, évoque suicider, ce vieux garçon aigri et misanthrope décide alors l’équipée sauvage de Tueurs-nés, d’Oliver Stone, en moins speed et en plus amusant. (JT)188 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017
séléctions POTEMKINE Une sélection de Nils Bouaziz Date de sortie : Britain. Nous suivons les personnages au plus près Top 9 4 octobre 2011 dans des marches énergiques et étourdissantes. Cet De : Alan Clarke REQUIEM POUR Avec : aspect dérangeant atteint une apogée avec Elephant, UN MASSACRE Gary Oldman, qui cumule 18 meurtres en 30 minutes. Quasiment « Un film découvert Tim Roth, grâce à la boutique Ray Winstone aucun dialogue, pas de musique, juste des personnes car un client russe me Genre : l’avait commandé. Une Drames sociaux qui avancent jusqu’à un but, celui de donner la mort, de mes plus grosses Nationalité : claques au cinéma. Britannique et qui repartent. Les lieux sont ordinaires, déserts, C’est un film dont on ne peut sortir indemne. COFFRET ALAN CLARKE (2011) mais présentés comme étranges. Rien ne distingue On n’est pas la même personne après l’avoirInclus Scum (1979) - Made in Britain (1982) d’ailleurs les victimes des bourreaux. La caméra, elle, vu. Il symbolise aussi le début desThe Firm (1989) - Elephant (1989) reste dix secondes sur les corps au sol, ce qui est éditions DVD. »Réalisateur qui a essentiellement travaillé pour beaucoup trop long, trop insupportable. Ces tueries NE VOUS RETOURNEZ PASla télévision et la BBC, Alan Clarke a produit une « Un art du morcelle-œuvre d’un réalisme social glaçant et d’une violence perpétuelles apparaissent comme banales, et donnent ment dans le récit paroppressante, comme en témoignent les quatre films le montage jamais vurassemblés dans ce coffret, sans aucun doute les plus littéralement le vertige. Chaque œuvre de Clarke nous auparavant. Commeforts, les plus noirs et les plus controversés qu’il ait dans Le Miroir, on estfaits. Entre les maisons de correction de Scum, les amène à penser cette surenchère et cet engrenage de dans une irréalité, uneskinheads de l’ère thatchérienne dans Made in Britain, construction mentaleles hooligans terrifiants de The Firm ou les meurtres violence. N’y a-t-il d’ailleurs rien de plus angoissant rarement vue ailleurs.insensés d’Elephant, le panorama qui nous est offert C’est aussi un des filmsfait froid dans le dos et Clarke retrouve l’esprit des que ce final de The Firm où les hommes rêvent d’une qui m’a le plus glacé lejeunes gens en colère des années 50 mais revisité société nationale de hooligans ? Le cinéma de Clarke sang. Une lente descentepar l’ère punk et No Future. Une des caractéristiques dans les abîmes et dansde son cinéma se trouve dans son utilisation de la ne nous épargne rien (les viols et suicides de Scum) l’angoisse. »Steadicam, qu’il systématise à partir de Made in et quand une séquence est hors champ (la scène de MELANCHOLIA vengeance et de mutilation de The Firm), on imagine « Un titre qu’on nous des horreurs plus grandes encore. En tout cas, ses a proposé sur scénario pour un droit vidéo. films-choc font réagir vu que Scum contribuera à la C’est un des cinéastes fermeture des borstals, ces centres de détention pour contemporains en activi- té que j’aime au-delà de mineurs. Clarke décède malheureusement d’un cancer tout. Une des œuvres les plus fortes qu’il a faites, du poumon en 1990 alors qu’il a atteint un sommet un film de transition qui parle de la dépression dans son style minimaliste et brut, avec toujours des et qui est très proche de Tarkovski formellement. performances d’acteurs hallucinantes. Gus Van Sant Le début d’une aventure que j’espère longue ou Harmony Korine sauront tirer de bonnes leçons avec Von Trier. » de son cinéma. Dans un style plus léger, Potemkine a aussi édité séparément Rita, Sue and Bob too, où il est question essentiellement de sexe sous un mode plus comique bien que le caractère déprimant de l’Angle- terre des années 80 soit toujours bien présent. (ML) Date de sortie : Chandler un idéaliste narquois à qui Elliott Gould prête 2 octobre 2012 sa silhouette dégingandée et sa fausse désinvolture. (1h52) En ces années 70, Marlowe vit dans un studio entre De : Robert Altamn ciel et terre, face à des voisines adeptes de l’orgasme Avec : Elliott Gould, tantrique, et s’occupe essentiellement de son chat. Nina Van Pallandt, Un chat à qui on ne la fait pas : Marlowe a beau Sterling Hayden lui faire croire, sur le coup de trois heures du mat, Genre : qu’il vient de lui acheter ses croquettes préférées Comédie (en fait, il a transféré dans une boîte de luxe une Nationalité : nourriture plutôt cheap), le chat, snob, les dédaigne… Américaine Marlowe ne peut rouler son chat, mais lui, il se fait rouler dans la farine par son pote Terry, accusé du LE PRIVÉ (1973) de Robert Altman meurtre de sa femme. La police le soupçonne, une femme l’engage pour retrouver son mari, écrivainAucun rapport avec le Philip Marlowe incarné suc- alcoolique, un mafieux lui demande 350 000 dollars…cessivement par Dick Powell, Robert Montgomery, Avec une nonchalance qui dissimule des mouvementsJames Garner, Robert Mitchum. Et popularisé par de caméra somptueux, Altman tourne un film noirHumphrey Bogart dans Le Grand Sommeil : chapeau, dans la lumière blanche de la Californie. L’humourtrench-coat et œil désabusé sur les magouilles des permanent se mêle à des bouffées de violence surpre-hommes. Robert Altman fait du héros de Raymond nantes : le mafieux défigure, exactement comme Lee Marvin ébouillantait Gloria Grahame dans Règlement de comptes de Fritz Lang. La réussite est totale. (JT)
séléctions POTEMKINE Date de sortie : l’impression de voir des fresques fantastiques de en assurera la narration dans une adaptation des 3 mai 2011 (1h31) l’époque obscurantiste prendre vie sur l’écran. Des années 60 (qui figure parmi les trois versions présentes De : tortures de l’Inquisition aux traitements tout aussi sur le double DVD) ou la formation expérimentale Benjamin Christensen inhumains que la psychiatrie, sorte de nouvelle française Art Zoyd qui en assurera la bande-son. Les Avec : Benjamin religion en ce début de XXe siècle, livre aux femmes images restent en tête, de ces gardiens des portes Christensen, Elisabeth hystériques, cette saga anticléricale mêle provoca- de l’Enfer aux têtes de porc jusqu’à ces femmes qui Christensen, Maren tions, humour, noirceur et érotisme avec une totale embrassent le cul du Diable. Pedersen liberté de ton. Avec une maîtrise éclatante des ombres et lumières, Genre : Docu-fiction Le décalage entre la volonté académique et le Christensen invente le genre folk horror tout en ali- Nationalité : caractère halluciné des parties fictionnelles, qui gnant des tableaux extravagants où l’imaginaire tient Danemark / Suède tentent de matérialiser sur l’écran les différentes le premier rôle. Qu’importe si la thèse développée superstitions et légendes d’une époque révolue, en est simpliste - surtout à la fin -, son désir de faire HÄXAN, LA SORCELLERIE fait un document avant-gardiste qui séduira par la un cinéma nouveau, décomplexé, en fait un filmÀ TRAVERS LES ÂGES (1922) suite aussi bien l’écrivain William S. Burroughs qui incontournable. (ML)de Benjamin ChristensenFilm culte s’il en est, précurseur du docu-horreur,du cinéma Mondo et même de la nunsploitation desannées 60 et 70, Häxan reste une œuvre fascinante etinclassable, à mi-chemin entre documentaire, fictionet film d’animation. Baignant dans une imageriegothique et grotesque, parfois même scatologique,cette superproduction scandinave a enthousiasméles surréalistes et outré les censeurs - notammentaux États-Unis.Ayant assemblé une grande documentation sur lesujet de la sorcellerie entre 1919 et 1921, Christensenaurait pu proposer une thèse filmée, s’appuyantsur des gravures, illustrations et autres archives del’époque médiévale, mais il se lance vite dans desreconstitutions d’une beauté saisissante où on a Date de sortie : rassemblés sous le titre « The Magick Lantern Cycle » Pleasure Dome et Lucifer Rising. Souvent baroques, 3 juillet 2015 qui bénéficient ici d’une édition magnifique, incluant ses films passionnent quand ils en appellent aux De : Kenneth Anger un livre rassemblant photos, storyboards, textes surimpressions et aux collages. Dans Scorpio Rising, Avec : d’Olivier Assayas, un DVD entier de bonus et un CD un fétichisme homo-érotique des motos et du cuir se Bobby Beausoleil, audio avec la musique de Bobby Beausoleil pour mêle à une imagerie religieuse, nazie et des airs pop Donald Cammell, Lucifer Rising, faisant le pont entre deux des grandes des années 50. Ces juxtapositions créent une poésie Marianne Faithfull, passions de Potemkine, le cinéma et la musique. des sens, où la musique joue un rôle primordial. Kenneth Anger Entre chamanisme et culture pop, occultisme et Genre : imagerie gay, Anger a eu une influence considérable Après son immersion dans le monde des bikers, Expérimental sur le Nouvel Hollywood et l’univers du clip vidéo. Anger explorera la culture hippie et le psychédélisme, Nationalité : ses BO se faisant de plus en plus hallucinées (les Américaine Il a à peine vingt ans quand il tourne Fireworks et se manipulations crispantes du Moog par Mick Jagger voit immédiatement associé à d’autres grands noms dans Invocation of my Demon Brother) jusqu’à son THE MAGICK LANTERN de l’avant-garde, comme Gregory Markopoulos, qui magnum opus, le fameux Lucifer Rising, qui mettraCYCLE de Kenneth Anger - Coffret (2015) n’hésitent pas à traiter ouvertement d’homosexualité dix ans à être achevé, dans lequel on retrouve des à une époque où celle-ci est encore une pratique personnalités comme le cinéaste Donald CammellInclus Fireworks (1947), Puce Moment (1949), Rabbit’s Moon (1950), interdite dans le pays. Stan Brakhage ou encore Jean ou la chanteuse Marianne Faithful.Eaux d’artifice (1953), Inauguration of the Pleasure Dome (1954), Cocteau seront impressionnés par ce premier film enScorpio Rising (1964), Kustom Kar Kommandos (1965), noir et blanc, et Anger s’aventurera par la suite dans Bien plus qu’un témoignage sur une époque lointaineInvocation of my Demon Brother (1969), Lucifer Rising (1966-1981). des domaines de plus en plus mystiques, marqués par et révolue, le cinéma d’Anger se rapproche vraiment la pensée d’Aleister Crowley et les figures de dieux d’un rituel magique sans autre équivalent dansGrand nom du cinéma underground américain, païens que l’on retrouvera dans Inauguration of the l’histoire du septième art. (ML)Kenneth Anger est surtout connu pour ses films190 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017
séléctions POTEMKINE Une sélection de Nils Bouaziz des décors totalement construits en studio. Le Village Top 9 Voice parlera d’un Bergman version slapstick, d’autres Date de sortie : évoquent Beckett, mais c’est surtout aux figurines LES INNOCENTS 2 novembre 2016 de l’espagnol Isaac Cordal que l’on pense, avec ses « Un retour à ma De : Roy Andersson sculptures miniatures d’hommes grisâtres qui semblent première époque Avec : Nils Westblom, porter le poids d’une aliénation. Un détenu est mené à cinéphile. Holger Andersson, la chaise électrique. Un singe est torturé alors qu’une Un de mes films Lars Nordh femme juste à côté s’inquiète d’un parent au téléphone. de chevet. Une œuvre Genre : parfaite, aussi forte Comédies noires L’humain y est saisi par tout un tas d’angoisses. Dans que La Nuit du Nationalité : Nous, les vivants, une femme pleurniche sans cesse, chasseur. » Suédois alors que dans Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence, des clowns tristes et EVOLUTION COFFRET ROY ANDERSSON (2016) dépressifs tentent de vendre des farces et attrapes « Des films qu’on pour apporter un peu de bonne humeur aux gens. a distribués en France,Inclus A Swedish Love Story (1969), Chansons du 2e étage (2000), c’est celui dontNous, les vivants (2007), Un pigeon perché sur une branche philosophait Certaines scènes sont de purs bijoux d’hilarité, comme je suis le plus fier.sur l’existence (2014) ce cours de flamenco où l’enseignante ne peut réfréner Ce genre de films qui me son désir, cette vieille sur son lit de mort qui ne veut font décoller la rétine.Si l’œuvre de Roy Andersson reste associée à un humour lâcher son sac plein de bijoux ou cette serveuse qui Aussi une œuvreabsurde et des tragicomédies poétiques, son parcours ne sait que faire de la commande d’un client qui vient importante pourest tout de même assez singulier. En effet, entre 1975 de faire un arrêt cardiaque. Dans ces fragments poly- le cinéma français quiet 2000, le réalisateur suédois ne réalisera que deux phoniques, il y a presque quelque chose d’orchestral méritait une bellecourts métrages (Quelque chose est arrivé, Monde de ou de l’ordre de la comédie musicale. Les personnages édition en diptyquegloire), se consacrant entièrement au monde de la témoignent tous de notre caractère éphémère, minus- avec Innocence. »publicité dans lequel il est particulièrement créatif. C’estvéritablement avec Chansons du 2e étage, prix du jury cules dans ces décors avec une grande profondeurà Cannes en 2000, que le public français commencera às’intéresser à ce cinéaste sans pareil. Le film aligne les de champ. Le burlesque et le cocasse se teintent detableaux et les plans séquences, avec une esthétiqueépurée, froide, décolorée, où tous les personnages spleen. Dans ces bars, ces rues, ces appartements,possèdent des teints blafards et cadavériques. Cessaynètes du quotidien mêlent humour noir, surréa- ils sont ensemble mais toujours définitivement seuls,lisme et une certaine forme de théâtralité figée dans tellement accablés et zombifiés qu’ils en deviennent drôles, tétanisés par la vie comme cet homme pétrifié dans un muséum d’histoire naturelle, et dont l’image forte et superbe sert de couverture au DVD d’Un pigeon. Ah la vie, quelle blague ! (ML) Date de sortie : prend la tête du groupe. Dès lors, ses hommes devront LE TEMPESTAIRE 4 novembre 2014 le suivre, quoi qu’il en coûte, jusqu’au tréfonds de sa « Je ne connaissais (1h33) folie. Dès la scène d’ouverture — la procession des que la Chute de la De : Werner Herzog conquérants, minuscules silhouettes sur les flancs Maison Usher sur lequel Avec : d’une montagne gigantesque surgissant des brumes mon frère Joakim avait Klaus Kinski, —, Herzog donne aux paysages une place écrasante. fait la musique. Depuis Ruy Guerra, Dans ce décor grandiose, il arbitre non sans cruauté ce ciné-mix il y a une Helena Rojo le combat inégal entre les hommes et la nature. De quinzaine d’années, Genre : Aventure naufrages en attaques d’Indiens, ce chef-d’œuvre au j’ai voulu l’éditer, Nationalité : lyrisme cru a toutes les apparences d’un film d’aven- et ça a pris… dix ans ! Allemand tures. Il est bien plus que cela : une charge inspirée Une longue phase de contre la furie d’un monde gangrené par la volonté recherche et la révélation AGUIRRE, LA COLÈRE DE DIEU de puissance et le rêve de pureté qui en découle. d’un grand génie(1972) de Werner Herzog Poème hypnotique, épopée tragique, Aguirre est en travaillant sur aussi, comme Fitzcarraldo, tourné dix ans plus tard, l’édition elle-même.En 1560, une expédition espagnole quitte les hauts le portrait saisissant d’un explorateur mégalomane J’ai été très impressionnéplateaux péruviens pour s’enfoncer dans la forêt et illuminé. Vampirisé par son personnage, Klaus par son passageamazonienne à la recherche du mythique Eldorado. Kinski fascine jusqu’à la fameuse scène finale. Les au parlant avec ce filmL’entreprise est démente mais Aguirre, commandant yeux exorbités, le corps défait, l’acteur erre parmi les quasi expérimental.en second, refuse de renoncer. Il renverse son chef et singes et les cadavres. Pathétique souverain régnant Un des plus grands sur son « radeau de la Méduse », il est possédé, avant-gardistes corps et âme habité par « la colère de Dieu ». (JT) du cinéma mondial. »
séléctions POTEMKINE Date de sortie : terrassante. Pourtant, certains plans pourraient être notre passage sur terre. Nous sommes tous déjà des 7 mars 2017 issus de pas mal de films vus ces dernières années fantômes dans cet univers, et le terme “dead” (les (1h14) ( The Forgotten Space (2010) d’Allan Sekula et Noël morts) du titre peut être pris au sens littéral. Herce De : Mauro Herce Burch, Leviathan (2012) de Lucien Castaing-Taylor et a parlé lui même d’une expérience terminale : “filmer Genre : Véréna Paravel, Exotica, Erotica, etc. (2015) d’Evangelia le dernier navire de l’espèce humaine”. Alors, malgré Documentaire Kranioti ) et le périple en cargo n’est pas si original la froideur des plans, l’émotion pointe dans ce décor Nationalité : que cela, c’est bien le travail sur la matière sonore qui pourrait être aussi bien futuriste qu’obsolète. Espagnole et le regard porté sur l’environnement qui fait de ce L’équipage philippin devient une humanité en errance, long de Mauro Herce une expérience unique. Tout ombres mouvantes et aliénées. Qu’est-ce qui les a DEAD SLOW AHEAD (2016) comme l’équipage, nous voguons dans une forme menés à avoir ce genre de vie ? Nous ne le saurons d’inconscience, simples rouages dont chaque action jamais. Ils semblent aller vers un naufrage dans cesde Mauro Herce semble si anodine, car qui sommes nous face à espaces qu’ils traversent mais qu’ils ne peuvent pas l’immensité du monde, ces cieux insondables et cet habiter. Condamnés comme nous le sommes tous,Dès les premiers plans, on pense à La mélodie du monde océan infini ? Les conversations téléphoniques d’une leurs portraits font déjà d’eux des défunts. Dead Slow(1929) de Walter Ruttmann ou même au Koyaanisqatsi grande banalité entre les hommes et leurs familles Ahead nous laisse face à la force métaphysique du(1982) de Godfrey Reggio : une symphonie visuelle qui les attendent relèvent là aussi d’un absurde silence et du vide, en l’orchestrant jusqu’à créer saaux allures de film-monde. Sons et images se mêlent tragique et appuient une forme d’insignifiance de symphonie de l’indicible. (ML)pour un résultat qui s’apparente à un véritable albumde musique ambient, avec cette capacité à nous faireperdre les notions d’espace et de temps. Au bout ducompte, si Brian Eno faisait du cinéma, cela ressem-blerait peut-être à ce Dead Slow Ahead dont le titrelui même évoque une lenteur hypnotique. En effet, cedocumentaire est une sorte de poème visuel postin-dustriel subjugué par ce monstre mécanique qu’est lecargo Fair Lady, prouesse architecturale dans laquelleles hommes errent comme des présences spectrales,eux mêmes semblant si insignifiants face à cet engincolossal perdu au milieu d’une immensité encore plus Ressortie en salles dans documentaire sur David Lynch, The Art Life, dès le toutes formes d’interprétations. Certains y virent une version restaurée par 15 février. Œuvre mythique qui a longtemps tourné une matérialisation des angoisses de la paternité. David Lynch : le 31 mai 2017 dans le milieu des Midnight Movies, ce premier - et D’autres y ont perçu le parcours d’un homme meilleur - film de David Lynch était aussi le préféré introverti qui se confronte à son inconscient pour Date de sortie : de Stanley Kubrick. Et pour cause, il reste d’une ne plus être un personnage passif. Lynch livre assez rentrée 2017 (1h29) beauté formelle presque indépassable. Parfois de clés narratives pour donner à son métrage une De : David Lynch associé au genre body horror, pièce maîtresse de force émotionnelle unique. Les effets spéciaux (les Avec : Jack Nance, la culture post-punk, industrielle et cold wave de la rumeurs continuent d’aller bon train sur l’origine Charlotte Stewart fin des années 1970, l’influence de ce poème visuel du bébé), la complexité de la bande-son (une Genre : a été phénoménale. De Combat Shock à Tetsuo, symphonie dark ambient/industrielle superbe), les Horreur, on en trouve des traces partout, sans parler du personnages comme issus d’un freakshow (ah la Expérimental morceau composé par Peter Ivers, « In Heaven », dame du radiateur, et ces vieux airs d’orgue réver- Nationalité : qui a été repris des dizaines et des dizaines de fois. bérés évoquant un croisement entre le Freaks de Américaine Commencé en 1971, le tournage s’étalera sur six Tod Browing et le Carnival of Souls de Herk Harvey…) années. Inspiré par l’environnement industriel de et les délires sexuels hallucinés (la séquence chez ERASERHEAD (1977) la ville de Philadelphie, Eraserhead répond surtout les beaux-parents, les spermatozoïdes écrasés…) à la logique onirique, ou plutôt cauchemardesque. se teintent d’une mélancolie toujours plus grandede David Lynch - version restaurée Un homme aux cheveux électriques doit s’occuper face à ce personnage aliéné qui échappe au monde de sa progéniture monstrueuse dans un décor dépri- par le rêve. C’est profondément triste et tellementD’ores et déjà annoncé comme un des grands mant. Surréalisme, symbolisme sexuel et horrifique magistral qu’aucune des œuvres suivantes du maîtreévénements cinématographiques de l’année 2017, et sound design immersif, le film peut se prêter à de l’étrange n’atteindra cette excellence. (ML)la ressortie en salles par Potemkine de la versionrestaurée d’Eraserhead est un vrai cadeau - prévuepour le printemps et en double programme avec le192 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017
séléctions POTEMKINE Une sélection de Nils BouazizDate de sortie : correct. Du coup, le choix de tourner en VHS donne Top 9 une force particulière à ce film. Le son brut, l’image11 janvier 2017 granuleuse, presque abstraite, les couleurs fades, LE MIROIR(1h18) tout contribue à créer une certaine angoisse, une « La réduction du cinémaDe : Harmony Korine hypnose, sans parler des rires crispants d’Hervé, le de Tarkovski à sonAvec : Brian Kotzur, personnage que Korine incarne. C’est cet aspect qui essence même.Rachel Korine, nous renvoie à une de ses influences principales : Le mental, la mémoire,Harmony Korine, le Werner Herzog de Les nains aussi ont commencé la psyché prennentTravis Nicholson petits. Même sens du grotesque et de la répétition, le pas sur le récit pourGenre : Expérimental jusqu’à provoquer le malaise pur et simple. (ML)) atteindre la magie pure.Nationalité : Jusqu’à ce qu’il finisse le montage, TarkovskiAméricaine ne savait pas lui-même ce qu’il faisait. Un film TRASH HUMPERS (2009) Date de sortie en salles : qui échappe à tous 15 février 2017 les codes du cinémade Harmony Korine et même à son Date de sortie : réalisateur ! Je suisTrash Humpers est avant tout un essai esthétique. à paraître (1h30) ébloui à chaque visionAlors attention, ici le réalisateur n’est pas en quête De : Jon Nguyen, du film. »du beau, mais au contraire d’une poésie qui naît Rick Barnes,de l’abject, de l’obscène, de la vulgarité. Le Marquis Olivia Neergaard-Holm MIND GAMEde Sade disait lui-même : « La beauté est la chose Avec : David Lynch « J’ai toujours aimésimple, la laideur est la chose extraordinaire » dans Genre : Documentaire l’animation, maisses 120 Journées de Sodome. Hé bien, les bacchanales Nationalité : ce film va beaucoupprennent ici une dimension d’horreur sociale bien Américaine plus loin que letypée redneck. Le sexe se fait toujours en solitaire : manga classique.fellation de branches, masturbations avec des légumes DAVID LYNCH, THE ART LIFE (2016) C’est presque unet viols de poubelles encore et encore. Entre les hommage à touteblagues racistes et homophobes, l’histoire d’un gars de Jon Nguyen, Rick Barnes & Olivia Neergaard-Holm la créativité de cequi se fait rouler dessus par un tracteur, les tenues cinéma depuis qu’ilaux couleurs du drapeau confédéré et les accents Parcours dans l’enfance et les années de formation existe. Un film quibien marqués, pas de doutes, on est dans le Sud de David Lynch, The Art Life nous dévoile l’âme mérite plus deprofond. Portant des masques qui évoquent à s’y d’un peintre qui s’est retrouvé dans le cinéma un reconnaissance. »méprendre le grand-père du premier Massacre à la peu par hasard. Porté par la poésie des souvenirstronçonneuse, les personnages de Korine s’inscrivent racontés, le documentaire explore l’apprentissage ADIEU PHILIPPINEnon seulement dans une tradition du monstrueux d’une vision du monde qui donnera naissance à un « Rozier faisait touttypique du Southern Gothic mais aussi dans une des plus grands génies du 7e art. Bien plus qu’un ce que j’avais enviehistoire de l’art aux États-Unis. Ils rappellent les simple portrait d’artiste, le film questionne tout ce d’aimer dans la Nouvellephotographies de Ralph Eugene Meatyard et Diane qui nous rend humain : la passion, les accidents de Vague. Un cinéma libre,Arbus, les installations d’Edward Kienholz ou les tra- parcours, les désenchantements, les rencontres qui buissonnier, qui partvaux vidéo de Paul McCarthy. Les masques perturbent élèvent l’esprit, les images qui hantent et l’essence dans la rue à l’aventure,de par le caractère indéfinissable des personnes même du vivant. En juxtaposant la parole révélatrice Rozier le représente bienqui les portent. Le masque a donc valeur de miroir de moments signifiants selon l’artiste, les images plus que tousquant à cette autre Amérique que Korine cherche à d’archives bon enfant (photographiques ou filmées) les autres. Le cinémadépeindre dans ses films. Du coup, ces êtres sont et les tableaux, parfois très sombres et torturés, se de l’inconscience,réduits à des besoins élémentaires : manger, défé- crée un niveau de lecture complexe. La grande force de la fraîcheur, presquequer, rire, pisser. Ils participent aussi à l’atmosphère des réalisateurs a été de capter ce Lynch secret, de la naïveté.»d’inquiétante étrangeté du film, car monstrueux ils pudique et terriblement touchant (le plan final vousle sont à plusieurs niveaux. Obsessionnels, sadiques, fera couler une larme), celui-là même qui stoppe unils n’hésitent pas à humilier l’autre, comme ces récit en plein milieu car il sent qu’il est allé trop loinpseudo frères siamois reliés par un collant sur la dans les révélations. Se terminant sur le tournagetête qui font un spectacle de marionnette inspiré de d’Eraserhead, on ne peut que mieux comprendreChang et Eng Bunker. Pas très cool. Trash Humpers pourquoi Lynch reste tant attaché à ce premier filmsuit donc ce gang de vieillards malfrats pervers étonnamment autobiographique qui ne fait queet stupides, qui ne pensent qu’à mettre le boxon raconter le cheminement d’un homme qui pénètre le monde des rêves afin d’échapper à un réel qui lecomme de jeunes enfants ingérables. Le cinéma de sclérose, ce qu’a fait David Lynch en choisissant la vie d’artiste. L’aboutissement d’une époque retranscriteKorine est définitivement punk et c’est là sa force, avec sensibilité dans ce documentaire poignant. (ML)il s’affranchit de toutes les règles du politiquement
194 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017DOSSIER[2007-2017] PoÉdtiteiomnskDiVDneet Blu-rayPour terminer ce périple dans l’histoire de Potemkine, nous avons listél’ensemble des sorties DVD et Blu-ray de ces dix années fructueuses afin quetous les amateurs de la maison d’édition puissent compléter leur collection. 001 Elem Klimov 014 Kevin Fitzgerald 020 Nina Paley Requiem pour un massacre Freestyle : The Art of Rhyme Sita chante le blues 002 Alexandre Sokourov 015 Perry Henzell 021 Hirokazu Kore-Eda Mère et fils The Harder They Come After Life 003 Barry Purves 016 Nikita Mikhalkov 022 Hirokazu Kore-Eda His Intimate Lives Coffret Volumes 1 & 2 Maborosi 004 Nicolas Roeg 017 Masaaki Yuasa 023 Lisandro Alonso Walkabout Mind Game Coffret 005 Jacques Rozier 018 Ariane Michel 024 Yang Ik-June Adieu Philippine Les Hommes Breathless 006 Jacques Rozier 025 Nikita Mikhalkov Maine Océan 019 Vincent Gallo Les Yeux noirs 007 Marcel Camus The Brown Bunny 026 Coffret Nikita Mikhalkov Orfeu Negro Années 1970-1980 008 Jacques Rozier 027 Theodoros Angelopoulos Coffret Le Voyage des comédiens 009 Alison Chernick 028 Theodoros Angelopoulos Matthew Barney : Coffret 7 films No Restraint 029 Collectif 010 Werner Herzog 10 ans de Labo Herzog / Kinski 030 10 ans de courts métrages Cobra Verde au festival Silhouette et Ennemis intimes 031 F.J. Ossang 011 Im Sang-Soo Coffret The President’s Last Bang 032 Benjamin Christensen 012 Vincent Gérard & Cédric Laty Häxan By the Ways : A Journey 033 Andreï Tarkovski with William Eggleston L’Intégrale 013 Maxime Giffard 034 Dennis Hopper & Félix Tissier Out of the Blue (Garçonne) West Coast Theory
041 Andreï Tarkovski 047 Youli Karassik Stalker La Mouette 042 Andreï Tarkovski 048 Malgoska Szumowska Le Miroir Elles 043 Andreï Tarkovski 049 Andreï Kouchalovsky L’Enfance d’Ivan Sibériade 044 Jeff Nichols 050 F.J. Ossang Shotgun Stories Dharma Guns 045 Richard Oswald 051 Guillaume Brac Cagliostro Un monde sans femmes 052 Nicolas Roeg 035 Alan Clarke 046 Lars Von Trier Eureka 061 Jonas Mekas Scum Melancholia 053 Akira Kurosawa Coffret 036 Alan Clarke Dersou Ouzalou 062 Léos Carax Made in Britain 054 Robert Altman Holy Motors 037 Alan Clarke Le Privé 063 Laurent Chollet The Firm & Elephant 055 Jonas Mekas Cinéphiles de notre temps 038 Alan Clarke Reminiscences of a Journey 064 Michelangelo Frammartino Coffret to Lithuania Le Quattro Volte 039 Andreï Tarkovski 056 Jonas Mekas 065 Bobcat Goldthwait Andreï Roublev Walden God Bless America 040 Andreï Tarkovski 057 Jonas Mekas 066 Alex Ross Perry Solaris The Brig The Color Wheel 058 Jonas Mekas Short Film Works 059 Jonas Mekas Lost Lost Lost 060 Jonas Mekas As I was moving ahead ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 195
196 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017DOSSIER 071 Victor Kossakovski 085 Jean Epstein 091 Shirley Clarke 067 Naomi Kawase Belovy Poèmes bretons The Connection & Portrait Genpin 072 Victor Kossakovski 086 Jean Epstein of Jason 068 Vitali Kanevsky Vivan las Antipodas Première vague 092 Arnaud Des Pallières Nous les enfants 073 Jafar Panahi 087 Jean Epstein Poussières d’Amérique du XXe siècle Ceci n’est pas un film Coffret 093 Kelly Reichardt 069 Paul Newman 074 Pierre Perrault 088 Jia Zhangke Night Moves De l’influence La Bête lumineuse A Touch of Sin 094 Gleb Panfilov / des rayons gamma 075 Eric Rohmer 089 Lars Von Trier Inna Tchourikova sur le comportement Contes des quatre saisons Nymphomaniac Vol. 2 Coffret des marguerites 076 Eric Rohmer 090 Eric Rohmer 095 Michael Tully Comédies et proverbes Ma nuit chez Maud Ping Pong Summer 070 Victor Kossakovski 077 Eric Rohmer 096 Mikhaïl Kalatozov Tishe ! Six contes moraux Coffret 078 Eric Rohmer 097 Werner Herzog L’Intégrale Aguirre, la colère de Dieu 079 Spiros Stathoulopoulos 098 Werner Herzog Meteora Coffret Vol. 1 080 Les films autobiographiques 099 Jake Paltrow de Dominique Cabrera Young Ones 081 Edgar Reitz 100 Lars Von Trier Heimat : Chronique Nymphomaniac d’un rêve – L’exode 101 Lars Von Trier 082 Yann Gonzalez Nymphomaniac Les Rencontres d’après Director’s Cut minuit 102 Dieudo Hamadi 083 Hubert Viel Examen d’État Artémis cœur d’artichaut 103 Alan Clarke 084 Lars Von Trier Rita, Sue & Bob too Nymphomaniac Vol. 1
104 Tony Gatlif 110 Kenneth Anger 123 Sylvain George 135 Roy Andersson Geronimo The Magick Lantern Cycle Newsreels expérimentaux Coffret 105 Blaise Harrison 111 Asaf Korman 136 Grigori Tchoukhraï Armand15 ans l’été + Chelli 124 Joaquim Pinto Coffret L’Harmonie 112 Agnès Troublé Le Chant d’une île 137 Harmony Korine 106 Werner Herzog Je m’appelle hmmm Trash Humpers Coffret Vol. 2 113 Bent Hamer 125 Sylvain George 138 Krzysztof Kieslowski 107 Ossama Mohammed 1001 grammes Des figures de guerre 1 Le Décalogue Eau argentée 114 Werner Herzog 139 Mauro Herce 108 Alex Ross Perry Coffret Vol. 3 126 Alex Van Warmerdam Dead Slow Ahead Listen Up Philip 115 Werner Herzog La Peau de Bax 140 Collectif 109 Werner Herzog Fitzcarraldo Les Scotcheuses Les Ascensions 116 Nicolas Roeg 127 Nicolas Roeg 141 Franco Piavoli Enquête L’Homme qui venait Il Planeta Azzurro & Nostos : sur une passion d’ailleurs Il Ritorno 117 Nicolas Roeg 142 Franco Piavoli Ne vous retournez pas 128 Jack Clayton Voci nel Tempo & Primo 118 Nicolas Roeg Les Innocents Soffio di Vento Coffret 143 Larissa Chepitko 119 Rabah Ameur-Zaïmeche 129 Hubert Viel Elem Klimov Wesh wesh, Les Filles au Moyen Âge Coffret qu’est-ce qui se passe? 144 Werner Herzog 120 Rabah Ameur-Zaïmeche 130 Lucile Hadzihalilovic Salt & Fire Histoire de Judas Evolution 145 Jean Eustache 121 Alex Ross Perry Une Sale Histoire Queen of Earth 131 Lucile Hadzihalilovic 122 Edgar Reitz Coffret Evolution Heimat 1, une chronique Innocence allemande 132 Roy Andersson Nous, les vivants 133 Roy Andersson Chansons du deuxième étage 134 Roy Andersson A Swedish Love Story ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 197
200 ATYPEEK MAG #02 JANV./FEV./MARS 2017 Comme on l’entendrait de nos jours dansCHRONIQUELITTéraire une célèbre émission culturelle : « la Voix sait combien il est difficile pour un réalisateur d’adapter au cinéma un grand classique de la littérature. Et la Voix sait aussi combien il est difficile ensuite pour le public de départager les deux œuvres. Kubrick a transposé au cinéma Lolita, le roman sulfureux, érotique (et pédophile ?) de Vladimir Nabokov. A-t-il honoré ou trahi l’esprit du livre ? C’est l’heure de la révélation ».
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