BEL € 20 – INT € 25 Tackling Water at the Source NL / FR A+302 Bureau de dépôt Bruges – Revue bimestrielle 03020 Architecture in Belgium 1010au, Atelier Horizon, Atelier Paysage, Baumans-Deffet, Collectif Dallas, L’Escaut, Latitude Platform, Maat-ontwerpers, MDW, MSA, Reservoir A, Studio Viganò, Zampone
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+ A 302 Tackling Water at the Source ÉDITO 5 Lisa De Visscher OPINION 7 La fonction suit le sol David Verhoestraete À LA UNE 8 A+ 50 ans : Tout est architecture Maarten Delbeke 14 Inventaires #4 2020–2023 Philippe De Clercq 16 Biennale d’architecture de Venise 2023 Lara Molino 20 Z33 : River of Rebirth Eline Dehullu TACKLING WATER 22 Atelier Paysage, Zone humide, Chevetogne Pieter T’Jonck AT THE SOURCE 28 Studio Paola Viganò – MSA – Baumans-Deffet, Bassin de la Vesdre Guillaume Vanneste 34 IMDC – Maat – Horizon, Vallée de la Dendre Maarten Van Acker 40 Table ronde : « Guardians of water » Louisa Contipelli, Joeri De Bruyn, Bram Vandemoortel 50 Labo Ruimte : De Droge Delta Julie Mabilde 57 50 ans d’A+ archive : Optimisme sous la ligne de flottaison Emmanuel van der Beek 64 Ville d’Anvers – Aquafin – Water-link, Rues-jardins, Anvers Bart Tritsmans 70 Réservoir A – Carbonifère, L’Eau d’heure, Cerfontaine – Charleroi Amélie Poirel 74 Fallow – 1010au, Woluwe terre d’eau 2050 Tim Peeters 78 BMA Label : Herbronnen / Re(S)Sources Robin De Ridder, Henri Lebbe, Nele Maes 82 Gijs Van Vaerenbergh – Atelier Arne Deruyter, Jardin de l’Île, Meise Véronique Patteeuw 86 Latitude Platform – Collectif Dallas, Eau de couture, Bruxelles Léone Drapeaud CONCOURS 90 Parc de la plaine des Manœuvres, Tournai Jean-Philippe De Visscher PROJETS 96 L’Escaut – Zampone, Petite Senne, Molenbeek-Saint-Jean Amélie Poirel RÉCENTS 102 MDW, Terre-Neuve, Bruxelles Carla Frick-Cloupet PRODUCT NEWS 108 Viviane Eeman ÉTUDIANT 116 Task force Vesdre Lisa De Visscher 118 Vallée de la Dendre Riet Coosemans PORTRAIT 120 Sophia Holst Eline Dehullu 121 Studio Ruben Castro Lisa De Visscher 122 Wissel Studio Eline Dehullu © Jan De Wilde © Johnny Umans ← Gijs Van Vaerenbergh – Atelier Arne Deruyter, Jardin de l’Île, Meise (voir p. 82)
+2 Colophon A 302 A+ ARCHITECTURE IN BELGIUM Revue bilingue (FR/NL), ISSN 1375–5072, Volume 50 (2023) N3 RÉDACTION Rédactrice en chef Copy-writing Imprimerie Véronique Patteeuw ÉQUIPE Hera Van Sande Lisa De Visscher Charlotte Bonduel (NL) Die Keure, Bruges Guillaume Vanneste CONSEIL Ward Verbakel D’ADMINIS- Rédactrice en chef adjointe Rédaction finale Image de couverture et table des matières TRATION Adresse ANNONCEURS Eline Dehullu controltaaldelete.be (NL) Eilandtuin, Meise Benoît Francès (FR) © Johnny Umans Rue Ernest Allard 21/3 AUTEURS Production et IT 1000 Bruxelles Graphisme Commission artistique [email protected] Grégoire Maus www.a-plus.be Terry Kritis Gilles Debrun Traductions Pauline Fockedey Typeface Nicolas Hemeleers Eva Van Walle (NL) Kelly Hendriks Alain Kinsella (FR) Rhymes Antoon Wouters (ProductNews) A+ est une publication de Office management et abonnements Communication et presse reproduite, archivée ou CIAUD Centre d’information transmise sous quelque de l’architecture de l’urbanisme Deborah Schwarzbaum Louise Van Laethem forme ou par quelque et du design. [email protected] moyen que ce soit sans [email protected] Expositions et conférences l’autorisation écrite préa- Éditeur responsable lable de l’éditeur. Chaque Publicité et sponsoring Lara Molino auteur est responsable de sa Philémon Wachtelaer Mattijs Brands contribution. Rue Ernest Allard 21/3 Rita Minissi 1000 Bruxelles [email protected] Copyright CIAUD/ICASD www.a-plus.be +32 497 500 292 Tous droits réservés. Aucune partie de cette publication ne peut être Président Secrétaire Membres Jo Huygh Anne Ledroit Philémon Wachtelaer Geert De Groote Petra Decouttere Isabelle Vanhoonacker Paul Dujardin Vice-présidente Trésorière Ruben Goots Nicolas Hemeleers Anne Sophie Nottebaert Stéphanie Lorfèvre Aliplast Itho Daalderop Atomium Jung Bruxelles Environnement | Stone Leefmilieu Brussel Tauw Delabie Université ouverte de la Eecocur FederationWallonieBruxelles Febelcem Vandersanden Geberit Villeroy et Boch Hansgrohe Vola Hewi Woaw 2023 RietCoosemans MaartenDelbeke NeleMaes PieterT’Jonck diplôméen2022entant estprofesseurd’histoireet esturbanisteetarchitecte estarchitecte.Ilécritsur qu’architecte (Sint-Lucas, dethéoriedel’architectureà chezPTArchitectsà l’architecture,lesarts KULeuven).Auparavant, l’ETHdeZurich.Ilaobtenu Bruxelles.Elleaétudiéàla visuelsetlesartsduspec- elleaobtenuunbacca- undiplômed’ingénieur KULeuvenetàl’Université taclepourdiversjournaux lauréatenarchitecture civil-architecte (Université d’Anvers. etmagazinesbelgeset d’intérieur(2020)eta deGand),oùilasoutenuun étrangers.Iltravaillepour effectué une année Erasmus doctorat en 2001. VéroniquePatteeuw laradioKlaraetaétérédac- àRome(2021). estprofesseureassociéeà teurenchefdeA+ en2017. Léone Drapeaud l’Écolenationalesupérieure JoeriDeBruyn estdiplôméeenarchitecture d’architectureetdupaysage Maarten Van Acker aétudiélaphilosophieà delaFacultéd’architecture deLilleetprofesseurinvitéà estprofesseurd’urbanisme AnversetàLouvain.De LaCambreHortadel’ULB. l’EPFLLausanneetàlaKU etporte-paroledugroupede 2001 à2008,ilatravaillé Membreducollectifde Leuven.Elleestl’éditrice recherchesurledéveloppe- commerédacteurenchef rechercheTraumnovelle, académique de OASE. menturbainàlafacultédes chez A+.Ilaensuitefondé elleétudielesinteractions sciencesdelaconception Public Space. entrelegenreetl’espace. TimPeeters del’Universitéd’Anvers. estunarchitectenéerlan- Ilestingénieur-architecte PhilippeDeClerck CarlaFrick-Cloupet daisquivitàBruxelles.Il eturbaniste(Universitéde estarchitecteetchargéde estarchitecte.Elleenseigne travailleactuellementpour GandetKULeuven). cours à la Faculté d’architec- àl’ULBetdirigedes legroupededesignOrg.En tureLaCambreHorta- mémoiresdemaîtriseà 2022, il a cofondé Falsework. BramVandemoortel Université libre de Bruxelles l’ENSAParisLaVillette. estingénieur-architecte. (ULB).En2011,ilacofondé Elleestdoctoranteàl’ENSA AméliePoirel Depuis2015,iltravailleà lebureaud’architecture Saint-Étienneetàl’Univer- estarchitecte.Elleest ArchitectureWorkroom Dev-Space. sité Jean Monet. diplôméedel’École Brussels.Depuis2021,ilest polytechnique fédérale de assistantdecabinetpourles RobinDeRidder Henri Lebbe Lausanne(EPFL)en2021. questionsdetransitionau esturbanisteetavocat.Ila est planif icateur spatial et ElletravaillechezMDW départementd’architecture étudié le droit (KULeuven, directeur de programme et architectureàBruxelles. etd’urbanismede 2018),l’urbanismeet de zone de « Flanders Breaks l’UniversitédeGand. l’aménagement du territoire Out ! » au sein du Départe- BartTritsmans (KULeuven–Sint-Lucas, ment de l’environnement enseigneàl’Université GuillaumeVanneste 2020).Iltravaillepour du gouvernement f lamand. d’Anvers.En2014,ilobtient estingénieur-architecte Voorland. Il a étudié à la KU Leuven undoctoratenhistoire etchercheur.Ilenseigneà et à la Kungliga Tekniska (Universitéd’Anvers)eten laFacultéd’architecture Jean-Philippe De Visscher högskolan de Stockholm. architecture(Université (LOCI)del’UCLouvain,où estingénieur-architecte, libredeBruxelles).Ses ilaobtenuundoctorat en diplômédel’UCLouvainet Julie Mabilde recherchesportentsur 2022.Ilestcofondateurde del’OhioStateUniversity est ingénieure-architecte l’évolutionhistoriquedela vvvarchitectureu rbanisme. (USA).Ilestprofesseur (Université de Gand), con- verdureurbaine. invitéàl’UCLouvainà sultante et chef de projet au EmmanuelvanderBeek Bruxelles. sein du Team Flemish Mas- estunjournaliste ter Builder. Elle y coordonne indépendant.Ilécritsur la recherche en matière de l’architectureetlamusique conception au sein de la pourDe Standaard.Ilétudie plateforme Labo Ruimte. unmastereningénierie-ar- chitectureàlaKULeuven.
A+302 3 MADE TO TOUCH. Photographe: Constantin Meyer, Intérieur: Design Post Köln DESIGNED TO CONTROL. LE ROOM CONTROLLER KNX INTELLIGENT. JUNG partners for the Netherlands and Belgium: Hateha B.V. Stagobel HATEHA.NL STAGOBEL.BE
4 A+302
A+302 5 ÉEdito « You know, they straightened out the Mississippi River in « Pour résoudre le problème de la sécheresse, écrit Julie places, to make room for houses and livable acreage. Oc- Mabilde de Labo Ruimte, il faut opérer un virement de bord casionally the river floods this places. “Floods” is the word radical et remplacer l’évacuation rapide de l’eau par un they use, but in fact it is not flooding: it is remembering. système d’infiltration, de rétention et de ralentissement de Remembering where it used to be. All water has a perfect l’eau sur place. Par ailleurs, pour lutter contre les inondations, memory and is forever trying to get back to where it was. » la stratégie consistant à stocker l’eau beaucoup plus en amont Extraites d’une conférence donnée voici plus de trente ans à afin de décharger les vallées en cas de fortes précipitations est New York par l’auteure et lauréate du prix Nobel Toni Mor- également très efficace. C’est une question d’ordre spatial, rison, ces quelques phrases sont aujourd’hui plus actuelles qui nécessite un aménagement totalement différent de notre que jamais : l’eau coule là où, en fonction de la topographie et espace et de nos paysages – et qui est donc une mission de du climat, c’est le plus adéquat. Endiguer, drainer, détourner conception. » Une mission de conception à grande échelle. ou redresser... à terme, le cours d’eau naturel finit souvent Les cours d’eau couvrent de vastes régions et traversent les par reprendre le dessus. frontières administratives et politiques. Aujourd’hui, cette À la 18e Biennale d’architecture de Venise qui a débuté le politique est très fragmentée. En Flandre, en termes de com- mois dernier, la commissaire Lesley Lokko présente le « La- pétences, il y a le Vlaamse Waterweg pour l’ensemble des boratoire du futur », avec des projets principalement imagi- voies navigables, la Vlaamse Milieumaatschappij pour les nés par des architectes d’origine africaine. Le changement grands cours d’eau non navigables, les provinces pour les climatique, et par extension notre gestion de l’eau, est l’un plus petits cours d’eau, et les communes pour les ruisseaux. des thèmes les plus débattus, où l’architecture, l’urbanisme Vu que tous ces ruisseaux et rivières sont reliés, cela donne et l’aménagement du paysage constituent la clé de solutions lieu à des flux infinis de partenariats complexes à différents durables. Plusieurs pavillons nationaux ont abordé la gestion niveaux de pouvoir et à un embrouillamini administratif de de l’eau, notamment les Pays-Bas avec Plumbing the System contrats qui compliquent toute intervention à grande échelle. et le Danemark avec Coastal Imaginaries, tandis que la Fin- Après les inondations en province de Liège, on s’est donc à lande et l’Allemagne ont installé des toilettes sèches en guise nouveau attelé à développer une approche plus globale, par de message politique. Si c’est un euphémisme de déclarer exemple par le biais d’un maître architecte wallon. que l’eau est omniprésente à Venise, les graves inondations Si nous voulons cesser de négliger la parfaite mémoire dans le nord de l’Italie au mois de mai et l’incontournable de l’eau pour qu’elle puisse retrouver la place dont elle a présence du MOSE, le système anti-inondations jaune vif besoin, nous devons organiser différemment notre manière destiné à protéger la Cité des Doges de l’eau de mer, nous de la gérer, et suivre la logique de l’eau elle-même. Ce n’est rappellent une fois de plus les urgences actuelles. qu’en créant des compagnies des eaux et en adoptant une En Belgique, le souvenir des inondations désastreuses approche radicalement différente – tant pour l’eau pluviale en province de Liège en 2021 est toujours très présent dans que pour les nappes phréatiques – que nous serons enfin en les esprits, et les plaies ne sont pas encore tout à fait cica- mesure de rendre à l’eau le rôle qu’elle a toujours eu, à savoir trisées. Parallèlement à cela, nous sommes confrontés à un ne plus la considérer comme une menace, mais comme la problème persistant de sécheresse auquel les précipitations condition sine qua non de toute forme de vie. du printemps dernier, bien qu’abondantes, n’ont pas suffi à remédier. L’époque où le principal souci des Belges était Lisa De Visscher d’évacuer le plus rapidement possible les grandes quantités Rédactrice-en-chef, A+ de pluie est désormais très loin derrière nous. Force est de constater que sécheresse et inondations vont de pair. © Fabio Chironi ← Atelier Descombes – « Superpositions », renaturation de l’Aire, Genève, 2022 (voir p. 43)
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A+302 7 Si la Belgique est réputée pour ses « draches nationales », on quelques mètres. La Campine, en revanche, a le potentiel pour constate depuis quelques années que le pays est confronté à devenir le « grenier à eau » du reste de la Flandre. La menace de sérieuses pénuries d’eau. La Flandre caracole même en de pénuries d’eau met en évidence l’adéquation spatiale entre tête de liste de l’indice européen du stress hydrique, aux côtés l’utilisation des sols et le système hydrographique sous-jacent. du sud de l’Italie et du Portugal. Le problème n’est pas tant le Troisièmement, s’ajoute à cela le problème bien connu du manque de précipitations, mais la façon de gérer l’eau de pluie. morcellement des terres et de l’espace. Pour éviter que l’es- Il y a plusieurs raisons à cela, d’ordres géographique, pace ouvert déjà très fragmenté ne le devienne encore plus, géologique et historique. Premièrement, citons la situation des procédures de démarcation sectorielle ont été définies géographique spécifique du delta Rhin-Meuse-Escaut. L’Es- dans les années 1970. Elles « hiérarchisent » l’utilisation des caut a le plus petit versant du delta, et est en outre directe- sols sur la base d’une logique comptable. Chaque secteur ment relié à la mer du Nord. Sous l’effet des marées, l’eau s’est vu attribuer un emplacement et une superficie. Résultat : de mer pénètre profondément à l’intérieur des terres, où elle les zones naturelles n’ont que rarement été « planifiées » se mélange à l’eau douce des fleuves. L’eau saumâtre qui en aux endroits les plus adéquats, mais ont été reléguées dans résulte n’est pas exploitable pour l’approvisionnement en des espaces résiduels dépourvus d’attrait pour le dévelop- eau potable. Les grands fleuves internationaux que sont la pement économique. Aujourd’hui, l’agriculture, la nature Meuse et le Rhin décrivent un grand arc autour de la Flandre et la foresterie sont bétonnées dans des plans d’affectation, avant de se jeter dans la mer du Nord. À hauteur de Liège, et chaque secteur continue à s’enliser dans les dispositions l’eau est massivement prélevée dans la Meuse. Elle permet légales. Chacun tente de gagner du terrain au détriment des d’alimenter en eau potable 40 % des ménages flamands. Par autres. La tension politique actuelle dans le débat autour de ailleurs, le canal Albert peut être comparé à une petite paille l’azote n’en est qu’un symptôme. allongée qui achemine l’eau de la Meuse jusqu’à la station de Une solution à long terme au problème de la sécheresse production d’eau d’Oeleghem, d’où elle est ensuite envoyée requiert donc un réétalonnage en profondeur du paysage tel par de grandes pompes en direction de la Flandre orientale et que nous le connaissons aujourd’hui. Sur une base annuelle, occidentale. L’inquiétante baisse du niveau de la Meuse et du il tombe suffisamment de pluie pour couvrir nos besoins. Rhin en été compromet lourdement l’avenir de l’utilisation Mais, pour cela, il faut que le surplus des précipitations qui de cette eau fluviale dans la fourniture d’eau potable. tombent en hiver s’infiltre jusque dans la nappe phréatique Deuxièmement, il y a la structure géologique spécifique. Le au lieu d’être directement évacué dans la mer. Pour cela, la niveau de la nappe phréatique, qui permet de stocker et de pré- logique de démarcation sectorielle doit être remplacée par lever l’eau de manière simple et durable, varie fortement d’est une logique systémique qui part du fonctionnement optimal en ouest. En Campine, l’aquifère a une épaisseur de plusieurs du réseau oro-hydrographique sous-jacent, pour ensuite centaines de mètres, tandis qu’en Flandre orientale et occi- imposer des conditions marginales strictes à l’utilisation dentale, elle n’a en moyenne que 15 mètres d’épaisseur. Cela des sols, peu importe qu’il s’agisse d’agriculture, de nature fait déjà plusieurs décennies que la région de Roulers-Tielt, ou de sylviculture. épicentre européen de la culture – très gourmande en eau – de légumes destinés à la surgélation est confrontée à de sé- David Verhoestraete rieuses pénuries d’eau. L’épaisseur de l’aquifère n’y est que de Cluster paysage & urbanisme La fonction
8 50 ans d’A+ A+302 ↓ Il y a exactement cinquante ans, en juin 1973, le tout premier numéro de la revue A+ a été publié. Tout est
A+302 50 ans d’A+ 9 Dans le numéro A+300, la rédaction (1946–2022). La rédaction a demandé archives pour évaluer l’impact de annonçait le 50e anniversaire de la à Maarten Delbeke, professeur en la revue en trente ans d’existence. revue ! Mais le véritable numéro histoire de l’architecture à l’ETH de Vingt ans et cent numéros plus tard anniversaire est en réalité celui que Zurich, de se pencher sur ces cin- – et avec un peu plus de distance sur vous lisez à l’instant même : l’édition quante années. Membre du conseil les plans mental et physique – il se A+302 de juin. Il y a précisément cin- d’administration d’A+ de 2013 à repenche sur la vision véhiculée par quante ans, en juin 1973, paraissait 2017, il prend en 2015 la succession A+, et sur une future identité pos- le tout premier numéro de la revue, de Kristiaan Borret à la présidence, sible de la revue. dont le rédacteur en chef était l’archi- jusqu’en 2016. Dans le numéro A+200 tecte et enseignant Jan B ruggemans (2006), il s’était déjà plongé dans les Maarten Delbeke
+10 50 ans d’A+ A 302
A+302 50 ans d’A+ 11
+12 50 ans d’A+ A 302 En repensant à mon analyse des 199 pre- Il va de soi – et c’est d’ailleurs inté- l’élargissement du contenu de la revue miers numéros d’A+ pour l’édition 200, ressant – que ces deux points de vue, de était le fruit du champ d’action toujours j’ai été frappé par la manière dont, dès l’intérieur ou de loin, ne coïncident pas. plus riche et plus complexe de l’archi- le départ, la revue s’est aventurée tel un Les questions qui ont fréquemment tecture belge elle-même. Même si cela funambule entre une pratique critique suscité de l’émoi dans les coulisses ainsi peut paraître évident, c’est probable- de l’architecture et une critique de l’ar- que dans les pages d’A+ ne sont souvent ment le meilleur indice de tout ce qu’il chitecture qui se développait lentement. pas déterminantes de la manière dont s’est passé au niveau de l’architecture Les architectes étaient nombreux à vou- l’architecture est perçue à l’étranger. belge ces quinze dernières années. A+ loir utiliser la conception et l’enseigne- Les crises dans différents domaines – montre comment, en Belgique aussi, ment de l’architecture pour s’attaquer politique, aménagement du territoire, le rayon d’action de « l’architecture » aux problèmes de l’environnement bâti enseignement, critique, exercice de la s’est progressivement agrandi, jusqu’à en Belgique. Cette ambition exigeait profession, etc. – qui ont sans conteste englober aujourd’hui tous les types une vigoureuse défense de la profes- mis en place les conditions ayant per- possibles et imaginables de bâtiments sion et de la mission de l’architecte – mis de créer toutes les belles choses qui publics, espaces publics, infrastruc- une cause qu’une critique mature et nous entourent désormais, ne semblent tures, paysages, de grandes échelles ou en partie autonome n’a jamais souhai- pas être indispensables à la compré- de mixité urbaine. L’architecture réflé- té servir. De plus, la critique a égale- hension et l’appréciation de cette ar- chit à la construction durable, au rôle ment mis l’architecture en lien avec la chitecture. Il est indubitable que cela de la représentation ou des différents recherche artistique et académique. en dit long sur cette architecture, mais acteurs dans la rénovation urbaine, au Ces pratiques se distancient souvent aussi sur A+. Une « lecture distante » logement social et au genre. Les soupirs du champ professionnel plutôt que de des cent derniers numéros révèle une sur l’artisanat, les lieux communs et la le soutenir aveuglément. À l’époque revue exceptionnelle, qui connaît les petite échelle disparaissent entre les du numéro A+200, cette tension était enjeux en Belgique et en Europe. Dans plis des analyses de projets. encore très perceptible, même si une A+, le miracle du vilain petit canard Aujourd’hui, la revue intègre avec nouvelle confiance en soi commençait qui se transforme en cygne majestueux fluidité, dans une série thématique de à se profiler à la fois dans la revue et au n’est pas célébré par des roulements discussions de projets, différents types sein de l’architecture belge. de tambour et du champagne, mais se d’articles pour lesquels on s’est jadis Des numéros 200 à 301, A+ a inlas- reflète dans un contenu qui s’étend len- battu bec et ongles. C’est un signe de sablement continué à se consacrer à tement, sans toutefois perdre de vue les maturité et de confiance en soi : les pro- la cause d’une architecture de qualité. thématiques belges classiques. blèmes critiques auxquels l’architecture Certaines choses ont toutefois changé. On peut lire dans A+ que cet élargis- est à présent confrontée constituent la La nature précise de ces changements sement ne s’est pas déroulé sans heurts. substance même des bâtiments, projets dépend de la manière dont chacun et Comme chaque revue d’architecture et initiatives sur lesquels A+ attire l’at- chacune considère A+ et son rapport à européenne née sous forme d’une éma- tention. La frilosité quant aux modali- l’architecture belge. Personnellement, nation d’un groupement profession- tés d’une « architecture critique » a cédé en tant qu’ancien membre et président nel, A+ a dû lutter pour déterminer la la place au compte rendu d’une pratique du conseil d’administration, j’ai vécu la bonne proportion entre les discussions qui traite des problèmes actuels, avec publication de l’intérieur. Il y avait sou- de projets, les contributions critiques, tous les risques que cela comporte. Par vent d’importantes divergences de vues les informations techniques et profes- ailleurs, si ces problèmes ne sont plus quant à chaque aspect du magazine, du sionnelles, la publicité et les articles typiquement belges, la Belgique consti- modèle financier à la politique à suivre plus généraux dédiés à la culture archi- tue plutôt un cadre où de nombreux en passant par la ligne éditoriale… et tecturale. Cette tension fut indubitable- problèmes épineux convergent. jusqu’à la mise en page ! Les gigan- ment la plus vive à l’époque où la revue A+ est aujourd’hui face à un défi tesques efforts de toutes les personnes a instauré une distinction radicale entre identique à celui de l’architecture belge : impliquées, au-delà de pérenniser A+, les « Fondements » – c’est-à-dire des rester pointu, critique et pertinent. Les en ont également fait un véritable mail- analyses souvent sans lien avec des pro- conditions locales qui ont placé l’ar- lon central du riche paysage architec- jets ou des pratiques spécifiques – et les chitecture belge sur la carte internatio- tural belge. Aujourd’hui, je lis la revue autres composants. Cette initiative a nale sont toujours complexes, fragiles et avec une certaine distance, pour rester explicitement mis de la distance entre, contestées. Et de l’extérieur, il existe bel informé d’une production qui, entre- d’une part, la dimension critique de et bien une image précise de l’« architec- temps, a accédé à un rang d’exemplarité. l’architecture et, d’autre part, le projet ture belge », indubitablement accom- Mes étudiantes et étudiants de l’ETH et la profession au sens strict. Éton- pagnée d’une date de péremption. A+ suivent régulièrement des cours donnés namment, cette structure a disparu se trouve à présent dans une position par un ou une architecte dont le travail après le numéro 275 qui, pour la petite privilégiée pour déterminer si la fête va est épinglé dans A+. En Suisse, la Bel- histoire, était composé par les lecteurs continuer, et comment. gique fait office de guide – et pas pour et proposait un « best of » de différents sa laideur. Qui l’eût cru ? projets. Cette sélection rendait explicite ce que les numéros thématiques d’A+ suggéraient déjà depuis longtemps :
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© Guy FocantInventaire14 A+302 orienté vers → L’Inventaire #4 est structuré par les dessins de l’illustratrice Aurélie William Levaux, qui porte un regard humoristique sur notre environnement bâti. ↑ Adrien Tirtiaux, installation « Plus près de toi », Liège, 2020 Depuis sa genèse, la collection des « Inventaires Architectures Wallo- nie-Bruxelles » s’est imposée comme un arrêt sur image réflexif impor- tant d’une culture architecturale qui continue de se construire en Belgique francophone. Ce travail en cours jus- tifie la dimension expérimentale de chaque édition, confiée à une équipe de commissaires spécifique. Philippe De Clerck
A+302 Inventaires #4 2020–2023 15 À chaque parution donc, l’« Inven- consultable en ligne sur le site de l’ICA- essai, intitulé « Générer la qualité par le taires » se réinvente, explore des tons, WB. L’articulation entre un inventaire cadre », mais aussi de l’interpellation du cherche son public aussi. Là où ses en ligne et un ouvrage publié permet à ce comité de rédaction, qui a choisi d’in- deux prédécesseurs exploraient l’ouver- dernier de se focaliser sur la formulation troduire l’Inventaires #4 en rédigeant ture des questions d’architecture à un d’un propos. Le comité de rédaction a un véritable manifeste adressé aux public élargi, l’Inventaires #4 s’oriente ainsi identifié dans les réponses reçues pouvoirs publics, posant un ensemble plus explicitement sur les démarches six thèmes d’actualité. Chacun introduit de nécessités pour créer une culture émergentes, les questions de gouver- par un essai d’auteurs invités qui s’ap- architecturale et urbanistique (re)géné- nance et la politique culturelle de l’ar- proprient le sujet et construisent un récit rative à la hauteur des enjeux auxquels chitecture. Un choix logique pour ce critique, précis mais accessible, mobili- nous faisons face. Beaucoup de ces re- premier « Inventaires » édité sous la sant des productions reprises dans l’In- vendications sont formulées de longue direction de l’Institut culturel d’archi- ventaires sans attitude promotionnelle date, mais peinent encore à se traduire tecture Wallonie-Bruxelles (ICA-WB) ou apologétique. en actions. Sommes-nous, comme le fondé fin 2019. Le sous-titre, « Vers une L’accent de l’ouvrage n’est donc pas dit Pierre Chabard à propos du rap- démarche architecturale générative » an- tant sur l’étude en profondeur de pro- port Meadows de 1972, « conscient·es, nonce d’emblée que nous ne sommes pas jets, que sur leur mise en commun et mais jusqu’à présent incapables » des ici devant un catalogue. Au détriment leur situation dans une pratique archi- changements nécessaires ? Et, dans ce d’une exhaustivité prétendument neutre, tecturale en constante évolution. On cas, « comment être architecte dans ces l’Inventaires #4 a souhaité récolter des restera quelque peu sur sa faim quant conditions ? » L’Inventaires #4 ne sau- « réponses pertinentes aux enjeux socié- à la documentation graphique des rait prétendre y répondre, mais il nous taux et environnementaux actuels » et projets présentés, notamment lorsque montrera le foisonnement et le tâtonne- garantes d’un « cadre de vie bienveillant les descriptifs détaillent des décisions ment encourageant des pratiques. dans la société actuelle caractérisée par que les documents en présence ne per- le risque et les limites ». L’ambition est mettent pas de visualiser. L’inventaire Recevez un exemplaire d’Inventaires #4. claire : si le monde est en crise, il nous en ligne palliera ce manque, mais cette faut aller chercher activement celles et articulation intéressante des médias 2020–2023 à l’achat d’un abonnement A+ ceux qui explorent. Rien d’étonnant à y pourra sans doute se renforcer lors des trouver rassemblée une production de éditions futures. More ! Ce package comprend un abon- grande qualité et protéiforme, de l’édifice Enfin, pour enthousiasmantes que au processus, et toujours focalisée sur la soient les démarches présentées, force nement à la revue, deux invitations pour dimension collective de l’architecture. est de constater le cadre souvent excep- Au-delà des 33 propositions reprises tionnel qui a rendu possible ces expé- nos conférences, expositions, débats, évè- dans l’ouvrage, ce sont bien 124 réponses riences isolées. Comment faciliter leur qui ont été retenues, l’intégralité étant prolifération ? C’est le sujet du dernier nements VIP et vernissages, ainsi qu’un accès illimité à tous les anciens numéros d’A+ depuis 1973 durant 1 an. Plus d’info sur a-plus.be/fr/review/inventaires4 Inventaires #4 Authors Nicolas Hemeleers, Publisher ISBN 2020–2023 Pauline Lefebvre, Martina Barcelloni Daniela Perrotti, Cellule architecture 978-2-930705-47-7 Editor Corte, Mathieu Ber- Ward Verbakel, ao. de la Fédération ger, Pierre Chabard, Wallonie-Bruxelles Info Audrey Contesse Yasmina Choueiri, (ICA-WB Institut Carla Frick-Cloupet, ica-wb.be/actions/ culturel d’architec- inventaires ture Wallonie- Bruxelles)
16 A+302 In vivo
A+302 À la une 17 Lesley Lokko1 assure cette année le Ces questionnements résonnent dans tournent vers l’avenir en étudiant les commissariat général de la 18e Bien- la recherche menée par l’équipe pluri- nale d’architecture de Venise qu’el- disciplinaire constituée de la psycho- vivants et soumettent la possibilité de le a intitulée « Le Laboratoire du logue et philosophe Vinciane Despret futur ». Elle aborde cet évènement et des architectes Corentin Dalon, faire alliance avec les champignons (le international comme un « agent de Florian Mahieu et Charles Palliez du changement » et désire raconter une collectif Bento, sélectionnée par la mycélium2) pour constituer un maté- histoire inclusive, au cœur de laquel- Fédération Wallonie-Bruxelles pour le l’imagination est présentée comme représenter la Belgique francophone riau de construction qu’ils décrivent un outil qui permet de questionner dans les Giardini de Venise. Ils nous les modes de production (extractivis- font part de l’urgence avec laquelle il comme étant disponible, durable, re- tes, voraces) et les ressources (finies). nous faut modifier nos modes de géné- ration – ce que l’on appelait autrefois nouvelable par autogénération et peu Lara Molino – Photos Matteo de Mayda « production ». Pour ce faire, ils se coûteux. L’équipe s’est entourée des connaissances du designer et scéno- graphe Corentin Mahieu, de l’anthro- pologue Juliette Salme et du micro- biologiste Corentin Müllender pour mettre en scène leur recherche au sein du pavillon belge In Vivo. → → Dans le pavillon belge, les architectes du bureau bruxellois Bento en collaboration avec BC materials présentent In Vivo, une installation autour de l’architecture régénérative. Avec des dalles en mycélium, ils montrent que l’on peut aussi construire à l’aide de matériaux vivants.
18 À la une A+302 Dès la porte de celui-ci franchie, le su- Aventin nous projettent dans un avenir imprévisibilité) qu’il aurait fallu poser jet est introduit avec une matériauthèque où l’humain aurait enfin renoué avec les la question ? Perdre alors le contrôle et une vidéo qui mêlent fiction et confec- matériaux vivants. Belle et bien vivante, qu’on exerce en lui imposant l’état de tion. Les spécificités du mycélium sont en- cette fiction est ponctuée du point de sommeil et lui permettre ainsi de s’ap- suite présentées dans les salles adjacentes vue de Juliette Salme, qui y propose des proprier le réel. « Chaque chose en son à l’espace central, au travers de notions extraits de son journal de terrain. temps » nous répond Juliette Salme qui nourrissent l’imaginaire : la « géné- L’intervention centrale suscite une dans la publication. Une chose est sûre : ration » (les résultats obtenus présentés curiosité certaine, celle d’un rêve que leurs recherches « nous autorisent à rê- sous diverses formes), la présentation de l’on aurait voulu faire éveillé, où ce ver d’architectures vivantes, résilientes, cuirs fongiques et leur capacité de « ré- matériau en dormance réduit au rôle évolutives, constamment régénérées génération », et la « territorialisation », d’apparat semble nous dire qu’il ne veut par leur propre matière ». Avec cette pièce dans laquelle un incubateur « en pas dormir. L’un des textes des salles Biennale, un changement est opéré, In pousse » est placé. Autant de notions qu’il évoque ceci : « Nous pourrions nous Vivo en témoigne ; c’est une première est nécessaire de saisir pour aborder l’ins- laisser aller à rêver à des bâtiments vi- étape encourageante et nécessaire entre tallation principale, alignée sur le puits de vants, en croissance et en connexions l’état des lieux et l’action. lumière central du pavillon : une ossature aventureuses. » Les curateurs rallient bois3, issue de la forêt de Soignes, parée ainsi leur propos à celui de Lesley 1 Lesley Lokko est une architecte, ensei- de plus de 600 panneaux de mycélium4 en Lokko et son rêve d’imaginaire ; elle dormance, délimitée au sol par une dalle écrit que « Le laboratoire du futur » gnante et romancière ghanéenne-écossaise. de terre d’excavation de chantiers livrée n’est pas didactique. Il ne confirme par BC materials. pas d’orientations, n’offre pas de so- 2 Matière fongique qui travaille par prolifé- Ils nous proposent ainsi de « De- lutions et ne donne pas de leçons. Au meurer en mycélium » au sein de cet contraire, il est conçu comme une sorte ration, le mycélium est un matériau natu- espace à l’esthétique maîtrisée, imbi- de rupture, où l’échange entre le parti- bé de lumière et de silence, qui donne cipant, l’exposition et le visiteur n’est rel, vivant, issu de la partie végétative des à observer un matériau organique, à ni passif ni prédéterminé. L’échange l’écriture singulière, faite de variations se veut réciproque, chacun étant en- champignons. de textures et de couleurs. couragé à aller de l’avant vers un autre Au travers d’une fiction futuriste qu’ils avenir. « Et si l’imagination était un 3 L’ossature en bois a été réalisée avec l’aide racontent dans la publication qui accom- accès à la possibilité de voir plus, ou pagne l’intervention scénographique, de voir autre chose ? »5 N’est-ce pas de Sonian Wood Coop. Vinciane Despret, Bento et Christine au matériau lui-même (avec toute son 4 La production des panneaux fut assurée par PermaFungi et Fungal Lab. 5 Vinciane Despret et Christine Aventin. 2023. « Archive no 159 », in Vinciane Des- pret & Bento, Christine Aventin et Juliette Salme, « Demeurer en mycélium » Bruges (BE), Cellule architecture Fédération Wallonie-Bruxelles, p. 132. Biennale Architettura 2023 When Where Info and tickets 20 May to 26 November 2023 Venice labiennale.org/en/ architecture/2023
NOUVEAU Robinetterie de Villeroy&Boch ANTAO Collection In touch with nature villeroyboch.com/antao
20 A+302 ↓ Matthew Lutz-Kinoy, I am writing and it is about you..., 2019 (avant) et Walking the Path Worn in the Grass, 2017 (arrière). Expéditions→ Installation de River of Rebirth : Michèle Matyn, The Water Knows, 2018 (gauche) et Study for Pulcinella, 2023 (droite). aquatiques
A+302 River of Rebirth 21 Cet été, Z33, la Maison d’art actuel, pollution, combustion et évaporation La troisième et dernière partie est de design et d’architecture de Hasselt dans les bassins, rivières, lacs et océans. une exposition collective de concep- proposera trois expositions autour Dans toute leur émouvante simplicité, teurs et architectes récemment di- d’un thème commun : l’eau. Elles se les œuvres signées notamment Benja- plômés qui, pendant un an, ont été penchent sur cet élément naturel en min Verdonck, Roni Horn, Laure Prou- accompagnés par Z33 dans l’explora- tant que source de culture, d’inspira- vost et Thierry De Cordier font ressentir tion de pistes non conventionnelles et tion et de vie. l’écrasante puissance naturelle de l’eau. l’approfondissement de leur pratique Elles montrent les nombreuses facettes artistique, pour parvenir à une nouvelle Eline Dehullu – Photos Kobe Vanderzande de cette source de culture. création. Dans Format 2023 : Water Ex- La seconde expo, Healing Water, ap- peditions, cette nouvelle promotion pré- Dans l’exposition principale intitulée Ri- profondit le pouvoir guérisseur et apai- sente quelques approches de la manière ver of Rebirth, le commissaire Tim Roe- sant de l’eau. Dans un monde où nous dont nous utilisons l’eau au quotidien, rig a rassemblé des œuvres anciennes et sommes en permanence hypersollicités, en la consommant sans trop y réfléchir contemporaines traitant du rôle de l’eau l’eau peut être une source de calme et et sans la considérer comme un bien dans la naissance et le déclin du mon- de respiration. Les artistes qui exposent précieux. C’est ainsi que Limpida Mar- de. Le fleuve et le débit ininterrompu de dans ce volet de l’expo sont partis de la velous, une installation de Niveau Zéro l’eau symbolisent le caractère infini et beauté, de la pureté et du murmure de Atelier, recueille la pluie tombée sur les éphémère de la vie humaine sur Terre. l’eau, élément naturel qui contribue à toits de Z33 dans un réservoir instal- Les œuvres abordent de nombreux thè- notre bien-être. Par exemple, l’œuvre lé dans la cave, et la filtre pour mettre mes : mythes, sagas et croyances sur l’eau Regenerative Flows de Sep Verboom l’eau à disposition du public afin qu’il qui purifie l’âme pour lui permettre de s’est inspiré du rythme lent et naturel puisse se rafraîchir. Au-delà de veiller renaître, dieux voyageant sur le fleuve du travertin qui se dépose dans une attentivement sur l’eau disponible et entre la terre et le monde des ténèbres, source. Lorsqu’on regarde l’installation, de la gérer, le collectif de créateurs lui trace commune laissée par les humains on ne remarque aucun changement, redonne un sens rituel en tant que lieu et l’eau le long d’une rivière, jeu de lu- mais lentement, sur une période de plu- de convivialité et de collectivité. mière dans le mouvement des marées, sieurs mois, un magnifique paysage de bateaux entourés de créatures marines, calcaire finit par se former. ↘ Healing Water : Sep Verboom, Regenerative Flows, 2023 Format 2023 – Water Expeditions : Niveau Zéro Atelier, Limpida Marvelous, 2023 ↓ River of Rebirth Where When Info and tickets Healing Water Water Expeditions Z33, Hasselt until 27.08.2023 z33.be
Tackling 22 A+302 Water at the Source
A+302 23
24 A+302 ↘ Jusque dans les années 1970, la vallée du ruisseau de Chevetogne était une zone humide, une clairière avec une flore et une faune très diversifiées. Puis la Province a réaffecté le domaine en zone de tourisme social, avec un camping de caravanes sur les rives du ruisseau du Molignat. Cela a détruit l’écosystème. hLluzi’oimqdnuyieedl-e
A+302 Atelier Paysage, Zone humide, Chevetogne 25 Aux 19e et 20e siècles, l’homme a tenté de dompter l’eau En 1969, la Province de Namur achète le domaine de 453 ha en corsetant les ruisseaux et les rivières dans des digues et en asséchant les terres pour l’agriculture, mais aussi autour du château de Chevetogne, conçu 100 ans plus tôt par pour le tourisme. Le bord de l’eau et les zones humides, ces lieux jadis pleins de dangers, sont devenus des lieux Hendrik Beyaert pour le baron Jacques de Wykerslooth de de villégiature très prisés. Pour la nature, en revanche, ce fut une catastrophe. De plus, l’eau ne se laissait pas Rooyesteyn. La Province décide alors de réaffecter le domaine facilement apprivoiser : bien que le sol soit drainé et asséché, les inondations sont devenues de plus en plus en zone de tourisme social, avec notamment un camping-ca- fréquentes parce que le lit de nombreux cours d’eau était devenu trop étroit. À Chevetogne, l’Atelier Paysage a ravaning sur les berges du ruisseau du Molignat qui s’écoule montré comment rétablir une zone humide naturelle tout en veillant à ce qu’elle reste accessible aux amoureux d’est en ouest vers les étangs de Chevetogne. Juste avant de de la nature et aux touristes. s’y jeter, il rejoint le ruisseau du Mivau, qui arrive du nord. Pieter T’Jonck – Photos Maxime Vermeulen Jusque dans les années 1970, la vallée était une zone hu- mide, un lieu ouvert, riche d’une faune et d’une flore très diversifiées, au cœur d’une zone densément boisée. C’était un « écotone », néologisme désignant une zone naturelle entre des écosystèmes aux caractéristiques différentes. Un paysage de ruisseaux et de marécages est un exemple type d’« écotone » : au fil des saisons, le cours d’eau s’élargit ou rétrécit. Ces conditions changeantes créent un écosystème unique. → N N ↙ ↗ Atelier Paysage a dessiné un nouveau plan directeur pour le domaine. Le camping a été réduit de manière drastique à l’espace situé à droite de la cabane en rondins à l’entrée du site.
+26 Atelier Paysage, Zone humide, Chevetogne A 302 Le camping a détruit cet écosystème. Il ne proposait pas C’est l’Atelier Paysage qui concrétisa ce plan directeur. La moins de 400 emplacements, et donc un réseau dense de première phase des travaux fut achevée en 2021, tandis que routes pavées ou asphaltées pour y accéder. Pour optimiser la seconde est toujours en cours. Le résultat est tout à fait le terrain exploitable, le Molignat fut confiné entre des spectaculaire. Pour commencer, le terrain dédié au camping berges bétonnées. La connexion aux étangs, elle aussi, a été réduit de manière drastique : il a été ramené à l’espace avait fait l’objet d’une intervention tout aussi musclée. Une à droite de la cabane en rondins située à l’entrée du terrain. route de liaison fut en outre construite, passant au-dessus Du côté gauche, le terrain a été complètement retourné sur de la vallée au sud-ouest du camping. À certains endroits, une longueur de près de 2 km. Les allées entre les caravanes elle descendait quasiment jusqu’au niveau de l’eau, avant ont été supprimées, tout comme les berges bétonnées. Le lit de remonter pour suivre les berges des étangs vers l’ouest. du ruisseau a ensuite été élargi et approfondi, et des mares Coincé entre ses digues, le Molignat se déchaînait régu- particulièrement profondes ont été creusées le long de ce- lièrement de manière inopinée en débordant rapidement, lui-ci. De petits cours d’eau sortant du bois alimentent les occasionnant au passage d’importants dégâts. La Province étangs en eau quasiment stagnante. se rendit compte qu’une nouvelle approche était requise. L’élargissement du lit du ruisseau n’a pas été la seule inter- Sous la houlette du paysagiste Benoît Fondue, un plan vention visant à rétablir la zone humide. Comme avant, l’eau directeur fut élaboré pour remettre le terrain dans son du ruisseau ne s’écoule plus sans obstacle vers les étangs en pristin état, sans le priver de sa fonction récréative. aval. L’une des interventions les plus spectaculaires du projet ↑ Des bassins profonds ont été creusés le long du lit élargi et abaissé du ruisseau. De petits cours d’eau provenant de la forêt créent des étangs dont l’eau est presque stagnante.
A+302 Atelier Paysage, Zone humide, Chevetogne 27 l’en empêche. Là où la route croise les étangs au sud de la à sa périphérie, on peut se promener autour de la zone maré- vallée, les concepteurs ont démoli le revêtement ainsi que cageuse inaccessible. Çà et là, des caillebotis permettent aux toutes les canalisations. Ils ont excavé le sol pour placer une visiteurs de s’aventurer au-dessus de l’eau sans se mouiller construction en peigne composée de bandes de béton perpen- les pieds. Sur la pelouse, des bancs invitent au pique-nique. diculaires au sens de circulation et parallèles à l’écoulement Ce qui fait l’attrait de ce projet – en tout cas pour le public de l’eau. Ces bandes de béton sont espacées d’environ 30 cm. –, c’est la vue quasi théâtrale qu’il offre sur les lieux à partir Un peu plus en aval, près d’une petite cascade, se trouve des voies d’accès qui le bordent. Au sud-ouest et au nord, à une deuxième structure dentelée légèrement cintrée. En partir des chemins situés sur les hauteurs, on descend dans ralentissant le cours d’eau, ce double obstacle rétablit la la vallée par des escaliers en bois qui flottent au-dessus du zone humide en amont. Entre les blocs de béton du premier paysage grâce à des fondations en piquets d’acier. De ces « peigne », de lourdes grilles en métal rendent le revêtement escaliers, on peut admirer une vue digne d’un tableau ro- à nouveau praticable tout en permettant d’être en lien direct mantique : une vallée qui s’ouvre, avec à l’arrière-plan une avec le système hydrographique du ruisseau, que ce soit à forêt dense. Cette ingénieuse mise en scène nous réconcilie pied, en voiture ou à vélo. immédiatement avec l’aménagement : là où on a rendu ses La nouvelle zone humide reste toutefois accessible aux pié- droits à la nature, au détriment des touristes, on reçoit en tons et aux cyclistes. Grâce à un sentier minéralisé aménagé échange une image idyllique. ↓ Pour restaurer la zone humide, le lit du cours d’eau n’a pas seulement été élargi. Certaines interventions d’Atelier Paysage, comme deux structures faites de bandes de béton, ralentissent l’écoulement de l’eau vers les étangs en aval. Architect Programme Execution architect Total floor area Atelier Paysage The project involves restoring Technical department of the pro- 40,000 m2 the countryside to a semi-natural vince of Namur and management Website landscape made up of wetlands. of the parc Budget atelierpaysage.be Procedure Structural engineering € 1,350,000 (excl. VAT and fees) Project name Open call competition Arcadis Product/Supplier Wetlands – Chevetogne Client Completion Eecocur Location Province of Namur June 2021 (landscape and hydraulic works) Chevetogne
© MS-A – Grau – Taktyk – Aries – Idea Consult * P P P P P P ↑ Proposition de la reconstruction du quartier du Vieux-Moulin à Dolhain-Limbourg. Ce quartier de logements publics, dévasté à la suite des inondations de juillet 2021, a connu un niveau de submersion de près de 3,5 m. La proposition intègre l’optimisation hydraulique d’une confluence entre deux rivières, un élar- gissement du lit de la Vesdre à un endroit critique de retournement, l’aménagement de berges écologiques et la reconstruction de logements publics résilients.
A+302 Studio Paola Viganò – MS-A – Baumans-Deffet, Bassin de la Vesdre 29 Après les inondations de l’été 2021, une série de mesures © Studio Paola Viganò – Université de Liège furent lancées par le gouvernement wallon en termes d’aménagement du territoire. Parmi ces initiatives, on Un futur sans rupture relève deux études majeures. La première, l’étude des « programmes de (re)développement durable de quar- tiers », répond à l’urgence de réparer les communes les plus sinistrées. Deux équipes pluridisciplinaires guidées par MS-A et Baumans-Deffet repensent les quartiers du bassin de l’Ourthe et de la Vesdre. La seconde se donne le souffle d’envisager le long terme autour d’une vision de bassin résilient et solidaire. Studio Paola Viganò, en par- tenariat avec l’Université de Liège et Yellow Window pour la communication, apporte une expertise ambitieuse dans un « schéma stratégique pour le bassin de la Vesdre ». Guillaume Vanneste VrcéaeiScvlslaioedeecnrre- Ce que la rivière veut Continuités transversales Configurations ↑ Quatre scénarios de développement du bassin versant
+30 Studio Paola Viganò – MS-A – Baumans-Deffet, Bassin de la Vesdre A 302 MS-A et Baumans-Deffet auraient idéalement bénéficié Ces études parallèles signalent l’ambition de réagir en- des résultats du schéma stratégique avant de proposer des semble, la nécessité d’être solidaire et résilient face à l’ur- transformations concrètes. Mais, dans le contexte urgent de gence. Elles sont aussi les pionnières d’une culture du projet la prise en charge de ces territoires, ils ont le mérite de propo- de territoire à construire en Wallonie. ser des programmes d’actions concrètes et directes. Les deux « Le scénario a cette fonction assez modeste de structurer agences à la manœuvre des programmes de redéveloppement un échange autour d’une question posée par le futur. La ont eu l’occasion, au travers d’études organisées autour des vision, c’est construire quelque chose de partagé, à la suite de diagnostics et des stratégies de neuf communes du bassin, l’évaluation des scénarios »2 (A+263). Pour le schéma Vesdre, de porter un regard rapide et précis sur les conséquences quatre scénarios sont proposés. Les deux premiers se struc- de la catastrophe. Les volets acquisitions des bâtis situés turent à partir de la rivière elle-même –en réalité, les rivières : dans des zones problématiques, aménagements des berges la Vesdre et ses affluents, la Gileppe, la Helle, la Hoëgne, etc. écologiques et reconstruction des logements publics, sont Les deux seconds sont pensés à partir des activités humaines financés tandis que plusieurs esquisses d’aménagements et de l’urbanisation. Ensemble, ils constituent une boussole agissent comme autant d’éclaireurs qui ouvrent la voie aux qui ouvre le champ des possibles. transformations à mettre en œuvre. Le premier scénario, « un futur sans rupture », prolonge En parallèle, le « schéma stratégique pour le bassin de la les dynamiques actuelles sans remise en question : crise so- Vesdre » est lui aussi un outil de représentation et de narra- cio-économique, déclin du fond de la vallée et urbanisation tion qui permet de penser les relations entre notre habitat et outrancière des plateaux. La rivière est pensée comme une la rivière à l’horizon 2050. Il propose une vision de territoire, infrastructure de résistance. Rien n’est solidaire ni résilient. construite autour de l’eau, mais capable de donner corps à À l’opposé de cette lecture, le second scénario s’inspire de un projet de transition écologique à plus long terme. C’est le la « deep ecology » pour demander à la rivière « ce qu’elle projet d’un territoire et de sa carte1, une représentation com- veut ». À l’image de l’« histoire d’un ruisseau »3 d’Élisée Re- plexe et fine de ses structures, partageable et discutable par clus, qui, entre littérature et étude scientifique, considère ses acteurs – en particulier les communes – et ses habitants. la rivière comme une individualité, ce scénario propose un Cette grande carte qui permet à chacun de « s’y retrouver » vrai changement de cap. On donne à l’eau l’espace qui lui est est un document guide, un ensemble de recommandations nécessaire, l’infrastructure de la rivière est renaturalisée. La à appliquer par les communes avec le soutien de la Région difficulté : certaines activités doivent être reportées sur les wallonne. Cette étude transversale se construit dans l’échange plateaux, ce qui déplace potentiellement le risque. entre les compétences techniques liées à l’eau – l’hydrologie, Le troisième scénario propose une lecture de continuités l’hydraulique et l’hydrogéologue – et celles liées à l’espace – transversales d’une rive à l’autre de la vallée. Ces corridors l’urbanisme, l’aménagement du territoire, l’architecture. L’am- paysagers font écho à des éléments déjà présents dans la bition et les difficultés se situent plutôt dans les temporalités vision territoriale transfrontalière du « parc des Trois Pays » à aborder – entre urgence et long terme – et dans l’amplitude entre l’Allemagne, les Pays-Bas et la Belgique. D’un point de de l’espace à traiter – le bassin versant et ses 25 communes. vue opérationnel, il nécessite une intervention « top-down », → ↓ Possible zone d’expansion de crue à Dison © Studio Paola Viganò – Université de Liège Prise en compte des Déminéralisation, Régénération du bâti, stratégies de gestions reprofilage des berges surfaces capables des eaux pluviales au et zone d’expansion Intégration de dispositifs de niveau de la parcelle et de crue gestion des eaux dans la parcelle du bâti ; transparence hydraulique Eau (hors crue) Végétation existante Projet Socle sur remblais, murs de Eau (crue) Bâtiments existants Perméabilisation du sol berges, bâtiments déconstruits Infiltration Sol en entier ou partiellement Berge existante Sous-sol
A+302 StuSdtiuodPioaoPlaaoVlaigVaingòan–òM–SM-AS-–AB–auBmauamnsa-nDse-Dffetf,feBta, sVseinsddeervlalVleeiwsdre 31 © Studio Paola Viganò – Université de Liège ↓ Rendre résilient et transparent le capital industriel et urbain construit dans les zones d’aléas et les nouvelles classes d’exposition aux inondations. ↓ Restaurer le plateau éponge des Hautes Fagnes, les tourbières et les forêts de feuillus. © Studio Paola Viganò – Université de Liège
+32 Studio Paola Viganò – MS-A – Baumans-Deffet, Bassin de la Vesdre A 302 à savoir des actions décidées par et depuis les grandes entités tastrophe comme une opportunité pour repenser un futur territoriales. souhaitable et différent. Malheureusement, excepté un « droit Le dernier scénario contrebalance le précédent, partant de tirage », outil opérationnel favorisant la mise en œuvre plutôt « d’en bas » et notamment de la structure historique- des projets issus des « programmes », aucun de ces outils n’a ment dispersée de l’habitat. C’est un projet qui appuie les réellement de valeur juridique. S’ils sont des outils précieux stratégies de transition écologique sur la régénération des d’aide à la décision, il revient aux collectivités publiques de structures existantes. Il s’agit de faire avec ce qui est déjà là mettre en action ces réflexions. Si cette transition ne prend et de le parfaire, quel qu’il soit, sans construire à neuf. pas corps, le territoire continuera « d’entrer en catastrophe ». À l’issue d’un processus de concertation avec les com- munes, la vision qui s’échafaude consolide le quatrième 1 Un document graphique minutieux, fait de 16 planches A0 et d’une scénario, tout en retenant certains aspects du second et troi- légende détaillée. sième. Elle se construit en dix points, des stratégies concrètes pour rendre résilient et solidaire le bassin versant face aux 2 Vanneste, G. « Scénarios et utopies : des outils pour imaginer le futur inondations et au changement climatique. L’étude complète territoire ». Entretien avec Paola Viganò. In : [Re] configuration of s’achèvera fin 2023 et un « laboratoire de la Vesdre » est en the territory, A+263, déc. 2016/janv. 2017. préparation, dont l’ambition serait de traduire ces éléments en actions sur le terrain. 3 Reclus, E., Histoire d’un ruisseau, J. Hetzel et Cie, Paris, 1869. René Thom, théorisant sur les notions de crise et de catas- 4 Thom, R. « Crise et catastrophe ». In : Communications, 25, 1976. trophe, disait d’une crise que son dénouement « pourra exiger une modification du système global »4. Dans cette perspective, « La notion de crise ». pp. 34–38. les projets pour le bassin de la Vesdre se saisissent de la ca- ↓ Baumans-Deffet et l’Agence Ter ont développé une vision pour des quartiers durables à Liège, Chaudfontaine et Trooz.
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34 A+302 ↘ Les dessins représentant les ambitions du plan stratégique de la vallée de la Dendre décrivent les caractéristiques clés spécifiques des mesures de gestion de l’eau et des interventions spatiales. L’une des ambitions est de renforcer l’identité et l’expérience du paysage. ↑ C. EEN KOMPAS VOOR DE DENDERVALLEI 45 → L’objectif est également d’intensifier le maillage vert et bleu.
A+302 IMDC – Maat – Horizon, Vallée de la Dendre 35 Le gouvernement flamand a nommé Henk Ovink à la présidence du groupe d’experts internationaux œuvrant à protéger la Flandre contre les conséquences des précipi- tations extrêmes et des longs épisodes de sécheresse. On ne les connaît que trop bien dans la région de la Dendre, où, voici près de treize ans, toutes les communes entre Grammont et Alost ont été touchées par les inondations, et des centaines d’habitations se sont retrouvées sous l’eau. Henk Ovink a certainement pu remarquer que dans cette même vallée de la Dendre, les choses vont bon train, puisque cela fait près de cinq ans que tous les partenaires œuvrent ensemble au plan en 10 points prescrit par l’en- voyé spécial pour l’eau : un programme d’action intégré et adaptatif visant un développement économico-spatial axé sur les zones à risque d’inondation et celles ayant un potentiel de stockage de l’eau. Maarten Van Acker Place à l’eau↑ Le plan entend maximiser son engagement en faveur d’une approche intégrée de la gestion de l’eau. 33 C. EEN KOMPAS VOOR DE DENDERVALLEI
+36 IMDC – Maat – Horizon, Vallée de la Dendre A 302 ↘ Les inondations de 2010 dans la vallée de la Dendre ont inondé toutes les communes de Geraardsbergen à Alost, y compris Ninove. Dendre stratégique de la vallée de la Dendre, qui est intégré à la fois Jusque tard au 19e siècle, la Dendre était un cours d’eau dans le plan de gestion de la zone hydrographique de l’Escaut serpentant dans le paysage et qui, chaque année en hiver, dé- et dans le programme de développement territorial de la bordait dans les champs environnants, sans grandes consé- Dendre. Il convient donc de planifier simultanément l’eau quences. Au fil des siècles, l’urbanisation s’est toutefois éten- et l’espace. Les ambitions soulignées dès le départ dans ce due en direction des berges des cours d’eau, qu’elle a de plus projet ne concernaient donc pas uniquement la sécurité et en plus transformés en caniveaux pour l’industrie. Ces cours la gestion de l’eau, mais aussi un lieu plus adéquat pour la d’eau systématiquement modifiés pour les rendre rectilignes, nature, l’habitat, le tourisme et l’identité. additionnés de barrages et d’écluses, permettent une naviga- Les illustrations développées par l’équipe pour visualiser tion fluviale toujours plus fréquente et plus volumineuse. Les ces ambitions méritent d’être remarquées. Un collage avec développements économiques et résidentiels ont colonisé dessins pour chaque ambition, axé sur le rôle de la rivière des zones toujours plus étendues. Mais les berges artificia- et de l’eau, et illustrant les caractéristiques locales des com- lisées agissent également comme un corset qui étouffe en munes adjacentes. Là où souvent le bât blesse dans ce genre cas de pluies intenses. Comme la minéralisation en surface de processus de planification régionale, c’est qu’on s’arrête à empêche l’eau de pénétrer dans le sol, celle-ci dévale en la formulation de ces ambitions. Trop souvent, on se borne direction de la Dendre. Et, vu le relief vallonné de la région, à énoncer de vagues aspirations dans lesquelles chacun la Dendre gonfle encore plus rapidement. En outre, vu la peut se retrouver, mais qui n’aboutissent que rarement à de multiplication des périodes de sécheresse, l’eau a de plus l’action concrète. Ici, rien de tout cela : les dessins trouvent en plus de mal à s’infiltrer dans les sols non minéralisés. Le leur pendant dans des « cartes d’ambitions » très précises changement climatique, avec son lot de précipitations plus qui décrivent sans ambiguïtés l’impact spatial et les zones intenses et de sécheresses plus longues, ne fait que renforcer de recherche des solutions. En outre, pour chaque ambition, le phénomène. On comprend donc clairement pourquoi en une matrice indique clairement les partenaires qui assume- 2017, l’agence Vlaamse Waterweg, qui gère les cours d’eau en ront la responsabilité de son exécution. Flandre, le Service environnement et la Province de Flandre orientale ont lancé le projet « Ruimte voor Water », qu’on Blocs de construction peut traduire par « Place à l’eau ». L’équipe qui s’est attelée Une deuxième étape marquante de ce projet est que l’équipe au projet était placée sous la direction du bureau d’experts en ne s’engouffre pas dans l’élaboration d’un plan directeur glo- eau IMDC ; Billie Bonkers était en charge de la communica- bal, mais commence par définir des « blocs de construction ». tion et des contacts avec les différentes parties prenantes. Les Chacun de ces blocs correspond à une mesure spécifique concepteurs de Maat et de l’Atelier Horizon, quant à eux, se capable de résoudre les problèmes liés à l’excès ou à la pénurie sont occupés de l’étude spatiale et du travail de conception. d’eau. Il s’agira par exemple d’élargir les berges ou de créer des constructions résistant à l’eau, mais aussi du principe des « ha- Boussole bitants vigilants » qui, au moyen de sacs de sable, éliminent des Le projet a pour principal objectif de réduire les risques points vulnérables dans les zones inondables et peuvent ainsi d’inondation et leurs conséquences socio-économiques. contribuer à limiter les gros dégâts. Ici aussi, l’équipe excelle Dans ce genre de missions, il existe un risque que les pou- dans la présentation graphique des mesures au moyen de pavés voirs publics et bureaux d’étude ne s’enlisent dans une sorte axonométriques à la fois abstraits et clairs. Un petit carré de de réflexe de Pavlov technique, où la logique dominante paysage géographiquement non identifié, pour ainsi dire, où des ingénieurs aboutit trop souvent à une juxtaposition ad des interventions telles que le stockage ou le ralentissement hoc de quick wins infrastructurels : construire çà et là, où il ainsi que leur impact sur le bâti environnant deviennent claires. subsiste un peu de place, des digues et des bassins d’orage… Le bloc de construction dénommé « élargissement doux », par et souvent, on se limite à cela ! Ce genre d’approche néglige exemple, montre qu’en autorisant l’inondation précoce de cependant le principal coupable : notre aménagement chao- certaines zones, on peut stocker et ralentir de grands volumes tique du territoire. Et cela, on l’a bien compris dans le projet d’eau, ce qui réduit les dégâts en aval. Cette stratégie implique en outre que dans ces endroits, les fonctions et l’utilisation des sols doivent être modifiées pour ne pas être impactées par ces inondations organisées. Depuis quelques années, on voit fleurir ces pavés axonomé- triques dans les politiques de planification, mais, souvent, ils risquent simplement de donner le change de manière abstraite, par manque de dessins conceptuels ou de matériel cartographique concret. L’équipe ne tombe pas dans ce piège, vu que ces pavés, eux aussi, sont suivis d’une carte générale indiquant les endroits de la vallée où chaque intervention pourrait être appliquée. Des modélisations et les outils de planification correspondants viennent en outre étayer la faisabilité des différents blocs. Ce faisant, l’équipe place en →
37 NATURE CONTINUITÉ ENVIRONNEMENTALE Natura 2000 Le long de la Dendre Zone VEN (Vlaams Ecologisch Netwerk) Connexions écologiques Parcelles ANB et Natuurpunt Barrières infrastructurelles Cadre global Natuurpunt Plans de développement de la nature (obstacle écologique) Projets de développement de la nature Paysages rationalisés Discontinuité écologique ponctuelle Pôle vert d’Alost Discontinuité écologique longue Extension des forêts (IHD/AGNAS/NRP) Zones bâties Extension des marais (IHD/AGNAS/NRP) Chemin de fer Extension des forêts et des marais Goulets d’étranglement pour la migration des poissons (IHD/AGNAS/NRP) Forêts faisant partie du réseau vert-bleu Prairies faisant partie du réseau vert-bleu RÉSEAU VERT-BLEU Très riche en opportunités Très vulnérable (selon l’étude VITO-ANTEA) Confluence écologique C. EEN KOMPAS VOOR DE DENDERVALLEI ↑ Carte d’ambition « renforcement du maillage vert-bleu » de la boussole de la vallée de la Dendre. C. EEN KOMPAS VOOR DE DENDERVALLEI 41 41 C. EEN KKKOOOMMMPPPAAASSSCCCCVVV.... OOOEEEEEEOOOEENNNNCRRR.KKKKDDDEOOOOEEEEMMMMNDDDPPPPEEEKAAAANNNOSSSSDDDMVVVVEEEPOORRROOAVVVOOOOSAAARRRRVLLLDDDDOLLLEEEEEEOIIIDDRDDEEEEDNNNNEDDDDDEEEEERRRRNVVVVDAAAAELLLLLLRLLEEEEVIIIIALLEI 444111 41 41 CC.. EEEENN 4411
38 HET ALTERNAIMTDICE–FMIaNat –SHNorEizoDn,EVSallée de la Dendre A+302 woonzorgcentrum sponspark Dender UNAL-site scenario 2 waterrobuuste inrichting met behoud deel huidige gebouwen outre sur la table tous les blocs de la boîte de jeu, de manière D’autres alternatives cherchent la solution plus en amont, transparente et équitable pour tout le monde, avant même en créant des bassins de rétention pour réduire les risques le tirage du premier plan. À la table des négociations, il n’est d’inondation en aval. L’équipe a élaboré à cette fin des coupes donc pas nécessaire de s’empêtrer dans du jargon technique très éclairantes, qui illustrent schématiquement la stratégie ou des arguments d’autorité. « De cette manière, le registre d’aménagement de l’espace en indiquant de manière précise des interventions, avec leur force de frappe, mais aussi leurs non seulement les hauteurs d’inondation et les hauteurs de répercussions, est devenu compréhensible pour chacune digue correspondantes, en faisant par ailleurs toute la clarté et chacun tout en délimitant clairement le terrain de jeu », sur les bâtiments à démolir ou à transformer. « Ces coupes constate Filip Buyse du bureau Maat-ontwerpers. nous ont aidés lors des concertations pour analyser les impli- cations écologiques, spatiales et hydrologiques des différentes Alternatives alternatives », explique Annelies De Nijs d’Atelier Horizon. De la même manière que les ingrédients seuls ne suffisent pas à concocter un bon plat, il fallait encore cuisiner avec La suite T100 les différents blocs, et plusieurs recettes étaient possibles. Là Depuis la mi-2022, une autre équipe de concepteurs est T10 où, en phase d’exploration dans le cadre d’une étude par le aux commandes : Tractebel et Atelier Romain. Sa mission 1 SpqnureoedjeceetUsaNduAifnLf-iésvrieteeanustceresénrgaeirocioent2atel[,wslapetseeurcrvhoebonustueêssttpereetrupavenersnçfoutremdséacrtioaepm-emmr,aecx’diemesastal hcboeyhndosruiosdltoebgàeidqéruvijaveli,gudhe’ereidfl’f]éevtesnstuaril d’alternatives en termes d’impact l’agriculture ainsi que les coûts scénarios théoriques trop extrêmes, souvent mal pensés en et bénéfices au niveau sociétal. Après une consultation pu- Geraardsbergen Sasweg dijk als publieke ruimte Dender Kaai Molenstraat termes d’urbanisme, qui brusquent ou effraient inutilement blique à la fin de l’an dernier, l’équipe s’est concentrée sur certains partenaires. Dans la vallée de la Dendre, en re- une seule alternative privilégiée pour 2024. Depuis long- vanche, les différents intervenants ainsi que les riverains ont temps, il existe à l’étranger des exemples connus de planifi- été impliqués dans cinq alternatives. Même le coronavirus cation réussie de la gestion de l’eau au niveau régional, tels n’est pas parvenu à empêcher l’équipe de mettre sur pied un que le programme « Ruimte voor de Rivier » aux Pays-Bas, vaste processus participatif de cocréation. ou celui visant à assainir la Ruhr de sa pollution industrielle Les alternatives ont pris forme à l’occasion des concerta- en Allemagne. Ces deux pays valorisent d’ailleurs leur savoir- tions GTO (consultation thématique et axée sur la zone), des faire au niveau international. Espérons que la Belgique discussions au niveau communal (pour impliquer à la fois les pourra bientôt fièrement rejoindre cette liste de bons élèves. instances politiques et administratives), des marchés d’infor- mation, des cartes de randonnées pédestres et cyclables, et de diverses enquêtes en ligne. À l’issue de ce processus public, un Info : ruimtevoorwater.be ensemble d’alternatives propose de rétablir la vallée historique T100 et de donner plus de place à la Dendre, en démolissant les 2 constructions sur ses rives pour qu’elle puisse déborder. Snede centrum Geraardsbergen [bescherming] Les coupes décrivent les interventions hydrauliques et spatiales pour chacune des alternatives à différents endroits. ↙ ceQZnPutgbarraoeeerntltsseidecedctrbegiheodevrieenlnrlslgaasedmgugienoapn-rrpelsgptédsvaemkteeiSernoartdnanniedsrerbeenswrijgekn mvuaiiDatslélfodrenioiscvhàveeridjnémtermnwutiaordkeneielnna vgaellnée DDeenndrdeer mvuaiiDatslélfodrenioiscvhàveeridjnémtermnwutiaordkeneielnna vgaellnée T100 T10 Architects Project name of flooding and Procedure Total floor area SnedÉDeÉENNEVdDMEOEwNIOSRVSRKVaIIAJODErFLM,EsALPElMAiInBSItTIEZSandbergeIMBAnMitlae[lDalicieteeC-Bronhontnortawrkileezerrospvnerrijse Strategisch plan drought that at the European Public Floodable valley 3 vallei +RDbueniemdsetcerhvveaorlolmeriWinagt]er same time offer Tender structure of the ruimtevoorwater.be advantages for the Dender Dender valley. Clients Length De Vlaamse 48 km Examples are Waterweg Websites Location maatontwerpers.be Dendervallei, opportunities in Departement Budget atelierhorizon.com Flanders terms of housing, Omgeving N/a 1 imdc.be economy, nature, Provincie Programme 118 billiebonkers.be STRATEGISTChHePsLtrAaNteRgUiIcMpTlEaVnOOR WATEaRgDrEicNuDlEtuRVreALaLnEdI | VIJF ALTERNOAoTIsEtV-VENlaVaOnOdRerDeEnDENDERVALLEI seeks solutions so on. STRATEGISCH PLAN RUIMTE Completion VOOR WATER to the problems December 2021
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+40 Table ronde : « Guardians of water » A 302 Tout le monde a été pris de court par le déluge de 2021, tandis que la sécheresse extrême qui touche notre pays depuis cinq étés continue à être préoccupante. Il convient de changer radicalement notre gestion de l’eau. Mais par où commencer ? Et quel rôle les concepteurs peuvent-ils jouer ? À l’occasion de cette table ronde initiée et dirigée par Joa- chim Declerck d’Architecture Workroom, cinq architectes paysagistes et urbanistes se penchent sur la source du défi. Louisa Contipelli, Joeri De Bruyn, Bram Vandemoortel Liesl Vanautgaerden (Département environnement du gouvernement flamand) Nous n’avons pas d’autre choix que de commencer par les sources d’eau. Ce n’est pas un hasard si ce numéro d’A+ s’intitule « Tackling water at the source ». Thierry Kandjee (Taktyk – La Cambre Horta ULB) La façon dont d’autres cultures abordent l’eau m’inspire beaucoup. La forêt sacrée d’Amboli (Inde) abrite des communautés très fragiles. C’est une forêt de nuage (une forêt humide située en altitude) où la nappe phréatique percole jusqu’à une strate aquifère avant de remonter à la surface, sous forme de source. Il est fascinant de voir les rituels et les fêtes spé- cifiques que certaines cultures ont développés pour honorer l’eau. Quel contraste par rapport à Bruxelles où, l’eau étant notoirement absente de la surface, les citadins ont beaucoup de difficulté à être en lien avec elle ! Récemment, nous avons été chargés d’établir un plan directeur pour l’eau et la bio- diversité au parc Josaphat. La découverte de la « Fontaine d’Amour », une des rares zones de sources à Bruxelles où on peut encore voir l’eau sourdre du sol argileux, nous a offert l’opportunité de réintroduire les cycles de l’eau dans la vallée Josaphat. Autour de la source, l’expérience sensorielle de l’eau est prépondérante. Nous voulons ramener à l’avant- plan la présence existentielle de l’eau. Jorryt Braaksma (Lama landscape architects) Récemment, le Maître Architecte bruxellois a décerné le label BMA à « Herbronnen/Re(s)sources » (voir p. 79), une initiative vi- sant à « re-découvrir » toutes les sources de la capitale, au sens littéral du terme. Une des premières étapes essentielles consiste en effet à redonner de la visibilité à l’eau. Faites l’expérience : demandez à quelques personnes où passe l’eau près de chez elles – la plupart l’ignorent. TK Nous sommes face à une tâche importante : redeve- nir les « gardiens de l’eau ». Pour cela, nous devons mieux comprendre la relation entre les gens et l’eau. C’est très différent que d’en être purement consommateur et de considérer l’eau uniquement comme une ressource accessoire. → Guardians
A+302 Rondetafel 41 ↑ ↓ Taktyk, parc Josaphat, Bruxelles. La découverte de la « Fontaine d’Amour », l’une des rares sources bruxelloises où l’on peut encore voir l’eau jaillir du sol argileux, est l’occasion de remettre au premier plan la présence existentielle de l’eau. Coteaux sableux Parc éponge Fontaine d’Amour Cascade Ruisseau et sources Vallée humide Plaines humides
+42 Table ronde : « Guardians of water » A 302 LV Lors d’un voyage en Inde, j’ai été impressionnée par la relation entre la population indienne et le Gange. Cela fait longtemps que chez nous, on a perdu le lien avec le fleuve. Dans la vallée de la Dendre, par exemple, l’eau est réduite à une donnée infrastructurelle avec laquelle les habitants n’ont plus aucun lien. Les concepteurs ont un rôle important à jouer pour illustrer la valeur de l’eau de différentes manières. C’est indispensable si on veut rétablir le lien. Bien sûr, dans la région de la Dendre, il y a aussi d’autres problèmes. C’est une région socio-économiquement complexe, où de nom- breuses cultures cohabitent. Peut-être l’eau pourrait-elle créer de la connexion dans ces endroits ? Filip Buysse (Maat-ontwerpers) Quand on parle de l’eau, c’est trop souvent pour évoquer des problèmes. Mais l’eau est également une solution. Installez une fontaine, et vous verrez les gens venir s’y détendre et s’y rafraîchir, les oiseaux pourront s’y abreuver, et ainsi de suite. TK Actuellement, on est surtout dans la peur du côté imprévisible et potentiellement dévastateur de l’eau. À Pe- pinster, où nous travaillons pour l’instant, l’eau est remontée des égouts et a littéralement sapé les fondations de plusieurs bâtiments. Pour retrouver une relation à l’eau, nous devons lui redonner plus de place, et mieux retenir dans le sol l’eau en amont des vallées urbanisées. Équilibre entre nature et création Chiara Cavalieri (UCLouvain) Aujourd’hui, nous comprenons qu’il faut donner plus de place à l’eau, qu’il faut la ralentir, la retenir, la stocker et la laisser s’infiltrer dans le sol, notam- ment pour disposer de réserves suffisantes en périodes de sé- cheresse. Le projet élaboré pour la rivière Aire à Genève en est un bel exemple. Comme de nombreuses rivières en Belgique, le cours de l’Aire a également été rectifié pour évacuer l’eau le plus rapidement possible et éviter les inondations. Georges Descombes s’est vu confier la mission de rendre de l’espace à la rivière. L’approche classique aurait consisté à restaurer l’ancien lit, mais Descombes a conçu une nouvelle grille dans laquelle, au fil du temps, la rivière retrouvera elle-même son chemin. Il a créé ce cadre en s’appuyant sur une modélisation prenant en compte la quantité et la qualité de l’eau, pour en- suite laisser la nature suivre son cours. Ce projet pourrait être considéré comme un manifeste pour un nouveau paradigme dans notre manière d’aborder l’eau et la nature. JB Le paysagisme consiste à trouver l’équilibre entre créa- tion humaine et nature sauvage. On conçoit et exécute un projet, mais ensuite on se met en retrait et la nature prend le relais. LV Le geste de Descombes consistant à remettre toute une rivière à l’état sauvage coûte très cher et n’est pas si évident que cela dans notre contexte très urbanisé. En Belgique, nous devons recourir à d’autres stratégies. FB Nos rues et nos places renferment une clé pour don- ner davantage d’espace à l’eau. Nous avons élaboré un plan directeur pour Wijnendale, petit village dans la campagne →
A+302 Rondetafel 43 ↘ Atelier Descombes, renaturalisation de l’Aire, Genève. Au lieu de restaurer l’ancien lit, Descombes a conçu une nouvelle grille dans laquelle la rivière, après un certain temps, peut trouver son propre chemin. © Fabio Chironi ↘ Maat-ontwerpers, plan directeur de Wijnendale. La verdure et l’arrosage permettent de rafraîchir les rues et d’en augmenter la valeur d’agrément.
+44 Table ronde : « Guardians of water » A 302 de Torhout. Personne ne se souciait de la problématique de l’eau, mais toutes les rues étaient aménagées de telle façon que dans l’heure, la moindre goutte d’eau avait disparu du village via son réseau d’égouts. En tant que concepteurs, nous avons estimé que notre rôle était de relier la probléma- tique de l’eau au narratif de la rue. En effet, la population s’inquiète de problèmes pratiques tels que la sécurité et la qualité de l’espace public. L’introduction de végétation et d’eau dans les rues permet de les rafraîchir et d’en améliorer la convivialité. L’eau de pluie est collectée séparément et converge vers la place au centre du village, où elle revendique à nouveau sa dimension symbolique. TK On rencontre ce genre de situations partout en Belgique, de sorte que des interventions similaires sont reproductibles à une échelle bien plus grande. À Ixelles, par exemple, dans le cadre d’un plan « Climat » communal, nous étudions une stratégie de désartificialisation de pas moins de cent rues. CC Cela signifie également un glissement dans le rôle des concepteurs. Généralement, on accompagne un projet de A à Z – mais ici, on parle d’une centaine de rues en une seule fois. Il faut donc procéder de façon beaucoup plus stratégique. TK Dans notre stratégie de déminéralisation des sols à Ixelles, nous avons commencé par dresser l’inventaire du potentiel spatial de chaque rue. Cette étude nous a permis de dégager trois typologies de paysages. Parmi cette cen- taine de rues, septante ont une priorité plus élevée parce qu’elles contribuent aux îlots de chaleur, mais elles peuvent par ailleurs remplir d’autres fonctions telles que renforcer le réseau écologique ou réduire les risques d’inondation. Nous avons conçu un plan étape par étape, accompagné par une budgétisation du réaménagement des cent rues sur une période de dix ans. FB À Wijnendale aussi, nous proposons différents types de rues climatiques. Et même si on ne suit pas le projet complet de A à Z, en tant que concepteur, on peut toutefois s’atteler aux premiers projets d’exécution. Et ceux-ci sont les plus importants étant donné qu’ils donnent le ton pour la suite. TK Le nouveau mantra, c’est « désartificialiser » – mais tout va encore trop lentement. Il y a un fossé entre la volonté d’opter pour une gestion intégrée de l’eau et la façon de l’aborder. À Ixelles, nous avons défini une stratégie et trouvé des investissements pour passer à l’acte, mais si on veut ra- pidement agir à plus grande échelle, les niveaux supralocaux ont également un rôle à assumer. Réorganiser JB Le projet « Ruimte voor de Rivier » (trad. libre : « place à la rivière ») est un exemple d’une telle approche au niveau national. Aux Pays-Bas, le changement de paradigme consistant à passer de la construction de digues à une situation où on laisse les cours d’eau déborder a été une révolution. Là où l’eau s’écoulait dans un dangereux goulot H+N+S, « Ruimte voor de Rivier », projet de Nijmegen. Des contournements ont été construits au niveau d’un goulot d’étranglement dangereux. Pendant les périodes estivales plus sèches, les dérivations sont utilisées à des fins récréatives, tandis qu’en hiver, elles forment une plaine inondable naturelle. ↑
A+302 Table ronde : « Guardians of water » 45 ↘ Taktyk, étude sur l’adoucissement et la végétalisation, Ixelles (Bruxelles). Sur 100 rues, environ 70 sont prioritaires parce qu’elles constituent de véritables îlots de chaleur. Ces rues peuvent également remplir d’autres fonctions, telles que le renforcement du réseau écologique de la ville ou la réduction des risques d’inondation. Zones de carence en espaces verts (0% à 30% de verdurisation) Zones les plus fraîches Zones les plus chaudes
+46 Table ronde : « Guardians of water » A 302 d’étranglement – par exemple dans les centres-villes ou près de ceux-ci – le programme a prévu des by-passes. Pendant les mois d’été, plus secs, ces dérivations sont utilisées à des fins récréatives, et en hiver, elles deviennent des zones naturelles inondables. Malheureusement, avant qu’on s’attaque aux problèmes, il a également fallu une crise – en l’occurrence l’évacuation massive du Rivierenland en janvier 1996. LV Après les derniers étés que nous avons vécus, il devrait être clair que nous vivons une crise de l’eau permanente. Pour moi, les concepteurs doivent également être des activistes qui prennent l’eau comme point de départ, peu importe qu’on les y ait invités ou non. Cela me frappe dans les projets présentés sur cette table : les concepteurs relient tous la dimension de l’eau à la mission pour laquelle ils ont été sollicités. C’est la preuve qu’ils et elles ont clairement un rôle sociétal à jouer. TK C’est également le cas pour les commanditaires. Le changement est peut-être trop lent, mais nous avons aussi besoin de militants au sein de la fonction publique. LV Il est important de travailler de manière intégrale. On ne peut que déplorer qu’un niveau élevé d’intégration complique l’obtention des financements. Nous devons donc attendre du financement intégré, ou courir deux lièvres à la fois. Dans la vallée de la Dendre, nous avons choisi de concevoir un plan global et intégral. Son contenu, très pointu, constitue un cadre stratégique, mais le processus de prise de décision au niveau politique ralentit considérable- ment les choses. C’est pourquoi nous avons créé le « Deal régional local », qui met l’accent sur une exécution rapide de sous-projets plus petits. Un bel exemple est l’extension du bois, que nous avons conçu comme un réservoir d’eau : en introduisant un microrelief, le bois existant – qui était en stress hydrique – bénéficie également d’un apport d’eau. FB Il est essentiel d’avoir ce genre d’approche à deux axes, parce qu’on ne peut que difficilement contribuer positive- ment à la problématique de l’eau sans avoir une vue d’en- semble du système. JB En effet. Pendant la phase d’étude pour le plan directeur de l’Hôpital Jessa à Hasselt, une zone de sources du Demer, nous avons constaté que dans le schéma de développement du territoire, un des systèmes de drainage était identifié comme « ruisseau ». Mais dans une zone de sources, le drainage est en réalité interdit. De plus, nous devions rafraîchir la zone avec des arbres – qui ont également besoin d’eau. Nous avons donc proposé un redéveloppement complet de la zone, en pre- nant l’eau comme élément fondamental. Il est essentiel qu’un concepteur comprenne le système hydrographique complet pour en inclure la complexité dans les ambitions de son client. CC Parfaitement ! Il est impossible de parler de la Dendre si on ne comprend pas la totalité du bassin versant. Le projet « De Taal van het Water » (Le Langage de l’eau) veut ouvrir le débat sur l’eau en décrivant la problématique complète dans un langage commun et compréhensible pour tout le monde. La première étape consiste à comprendre le système, que nous avons divisé en cinq types d’eau auxquels nous avons donné des →
A+302 Rondetafel 47 ↘ La vision structurelle du réseau vert-bleu sur les berges de la Dendre indiquant les projets locaux issus des deals régionaux. ↘ Lama, plan directeur du site Salvator de l’hôpital Jessa, Hasselt. Les concepteurs proposent de réaménager la zone en utilisant l’eau comme point de départ.
+48 Table ronde : « Guardians of water » A 302 couleurs différentes : les eaux souterraines, les eaux de surface, l’eau potable, les eaux de ruissellement et les eaux usées. Les différents acteurs, qui ont chacun leur propre responsabilité et se reconnaissent donc sur le schéma, peuvent ainsi visua- liser les liens entre leur propre travail et celui des autres. En outre, nous avons expressément mis en évidence les eaux de ruissellement dans une catégorie à part étant donné que le rôle de « gestionnaire » de ce système n’est pas encore attribué. LV Une vision globale est requise étant donné que chaque goutte chemine par l’ensemble du système, alors qu’en Bel- gique, la gestion de l’eau est terriblement fragmentée. En Flandre, en termes de compétences, il y a le Vlaamse Wa- terweg pour l’ensemble des voies navigables, la Vlaamse Milieumaatschappij pour les cours d’eau non navigables de première catégorie, les cinq provinces pour les cours d’eau de seconde catégorie, et les communes pour les plus petits cours d’eau. Cela rend la collaboration très difficile. Et c’est sans parler de la Senne, par exemple, qui traverse trois régions. Les différentes instances ne voient pas suffisamment où et comment elles peuvent collaborer. JB Aux Pays-Bas, la gestion de l’eau est organisée en « Wa- terschappen » distinctes, chacune disposant d’un mandat politique relativement indépendant pour effectuer des actions. En Belgique, la coopération et la coordination sont quasiment inexistantes. Chaque action en amont a en outre un impact sur les régions en aval. FB C’est pourquoi la solidarité est de mise. Les communes situées en amont n’ont pas encore suffisamment conscience des mesures qu’elles peuvent prendre pour éviter les inon- dations chez leurs voisines. Cette dynamique commence à émerger, mais il reste du pain sur la planche. JB Nous avons déjà évoqué le fait que nous, les concepteurs, devons nous positionner en « gardiens de l’eau ». Mais en réalité, il nous incombe principalement de créer un contexte permettant à tous les acteurs – décideurs politiques, fonctionnaires, citoyens – de construire autour d’eux une relation positive avec l’eau et de s’autoproclamer « gardiens de l’eau ». C’est ensemble que nous devons rétablir et protéger le cycle de l’eau. ↘ Chiara Cavalieri (UCLouvain), « Le Langage de l’eau ». Le projet vise à faciliter les échanges sur l’eau en décrivant les problèmes complexes qui lui sont liés dans un langage accessible à tous. element van drinkwater / element of drinking water element van oppervlaktewater / element of surface water element van grondwater / element of ground water element van drinkwater / element of drinkingelwematernt van afvloeiwater / element of runoff water element van oppervlaktewater / element of suerlfeamceenwtavtearn afvalwater / element of waste water element van drinkwater / element of drinking water element van grondwater / element of ground kwnaotoerppunt / node element van oppervlaktewater / element of surface water Eelaemuenptovatnadbrilnekwater / element of drinkinEgelweamauteerndt veanraufvilsoesiewlalteerm/ eleemnetnt of runoff Gwateesr tbieohenerndear i/rweatedremaln’eagaeru Catégoriser leselement van grondwater / element of ground water Eelaemuendtevasnuoprpfearvclaektewater / element of sEuerlefaamcueexnwtauvtaesnr éafevsalwater / element of wVas/tWe waFVtela/raWndeLrena-WFalllaonniedre / caractéristiques deelement van afvloeiwater / element of runoff water Eelaemuenstovuantgerornrdawianteer / element of groundNkwnaœotoerpupdunt / node Wallonie l’eau : éléments etelement van afvalwater / element of waste water element van afvloeiwater / element of runoff wwaatteerr beheerder / water manager 118 - categorisering van de waterkenmerken: elementen en knooppunten / categorising water features: elements and nodes knooppunt / node element van afvalwater / element of wVas/tWe waVtelaranderen-Wallonie nœudswater beheerder / water manager V/W Vlaanderen-Wallonie 118 - categorisering van de waterkenmerken: elementen en knooppunten / categorkisninog owaptperufenattu/rens:oedleements and nodes categorisering van de waterkenmerken: elementen en knooppunten / categorising water features: elements and nodes - 119 c water beheerder / water manager 118 - categorisering van de waterkenmerken: elementen en knooppunten / categorising water features: elements and nodes
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