que s’asseoir dans son lit, continuait de lui donner avec constance ses instructions. Elle traitait sa mala- die comme si elle concernait quelqu’un d’autre. Et son élève, encore couvert de transpiration, faisait de même, méditant assis à côté de son lit, s’efforçant de mettre en pratique tout ce qu’elle lui apprenait. Lors- qu’elle fut rétablie et revenue au Wat Paknam, le jeu- ne étudiant l’y retrouva quotidiennement pour médi- ter. Il sentait qu’il apprenait chaque jour quelque cho- se de nouveau auprès d’elle et cela l’encourageait à pratiquer avec constance pour progresser encore et encore dans sa méditation. Rien au monde ne pouvait l’intéresser plus que cela. Le jeune méditant interrogea un jour Khun Yay à pro- pos de la cérémonie d’offrandes au Bouddha et lui demanda s’il était efficace de pratiquer cette offrande au moyen de la méditation Dhammakāya72. Khun Yay lui confirma l’existence de cette pratique et lui en enseigna la technique en détail. Cette intériorisation de la cérémonie d’offrandes aux bouddhas, de plus en plus connue, était en passe de devenir une pratique courante ; c’est ainsi qu’un ancien rituel thaï retrouva tout son sens et fut adopté par la nouvelle génération de méditants. Du fait de son assiduité dans sa pratique, le jeune étu- diant acquit une certaine renommée. C’est ainsi qu’il amena plusieurs de ses amis de l’université, hommes ou femmes, jeunes ou plus âgés, à pratiquer la médita- tion sous la direction de Khun Yay. 72 Cf. page 58. 103 www.kalyanamitra.org
A partir de 1964, Khun Yay et ses disciples commen- cèrent à centrer leur méditation sur la résolution que toutes celles et tous ceux qui recherchent la perfection de l’esprit puissent se joindre au groupe Dhammapra- sit et participer ainsi à la diffusion de la technique Dhammakāya. Très vite, de nouveaux disciples vinrent effectivement rejoindre le petit groupe. Les cérémonies d’offrandes au Bouddha étaient prises très au sérieux et attiraient de plus en plus de jeunes étudiants. Le premier di- manche de chaque mois, la cérémonie, guidée par Khun Yay, était organisée par toute la congrégation et s’achevait par une bénédiction de toute l’humanité. Le pavillon Dhammaprasit se remplissait régulièrement d’une foule de gens de tous âges et de toutes condi- tions. Le groupe était fasciné par le mode de vie simple et modeste de Khun Yay. Son kuti était minuscule, mais chaque centimètre carré luisait de propreté. A l’issue de la cérémonie dominicale d’offrandes au Bouddha, les nouveaux disciples s’attardaient volontiers et Khun Yay passait des heures à leur expliquer les ver- tus du bouddhisme et de la vie de célibat. Elle était pour tous une véritable source d’inspiration et pouvait répondre sans détour à toutes les questions qu’ils se posaient. En 1966, Chaiyaboun Sutthiphol, notre jeune étudiant fut présenté à Phadet Pongsawat73 qui, à cette époque s’habillait en jeans et chemises à carreaux ; il avait la 73 Le futur Vénérable Dattajivo, Vice-Président actuel de la Fondation Dhammakāya. 104 www.kalyanamitra.org
carrure impressionnante d’un boxeur et une voix si grave qu’on l’imaginait capable de stopper la charge d’un buffle. Il avait pour devise personnelle : le pur sang ne grossit jamais ! Phadet avait trois années uni- versitaires d’avance sur notre étudiant et venait tout juste de revenir de deux années de stage en Australie. Ils se rencontrèrent lors des festivités de Loy Kratong- 74, le 27 novembre. Cette fête n’était organisée que tous les quatre ans. Immédiatement, malgré leurs grandes différences de caractère, tous deux s’entendirent à merveille, car derrière son aspect inti- midant, Phadet était lui aussi passionné par le boudd- hisme ; sa recherche, toutefois, avait dévié vers des pratiques de magie noire. Il offrit à boire à son jeune condisciple, à l’inverse de la pratique commune en la matière entre jeune et ancien. Mais à sa grande sur- prise, son invité déclina l’offre : « je ne bois pas d’alcool car je respecte les cinq préceptes ». Le simple mot de « préceptes » sembla éveiller quelque chose dans le cœur de Phadet, quelque chose qui le remit immédiatement et pour toujours dans le droit chemin du Dhamma. La méthode d’enseignement de Khun Yay consistait à former plus intensément un méditant susceptible de servir d’exemple aux autres. Parmi ses disciples mas- culins, celui qui pouvait le mieux servir d’exemple était de toute évidence Chaiyaboun. Il devint donc le modèle auxquels tous les étudiants de Khun Yay de- 74 A l’occasion de la pleine lune de novembre, festival du- rant lequel des lampes sont placées sur de petits radeaux (kratong) lâchés au fil de l’eau. 105 www.kalyanamitra.org
vaient s’identifier. Parmi ses disciples féminines, Khaengkhae Jirachutroj devint le modèle à suivre pour les étudiantes. Khun Yay veillait strictement à ce que ni le groupe des jeunes-gens ni celui des jeunes-filles ne devienne une source de distraction pour l’autre. Elle disait : « s’il y a une chose que je déteste, ce sont les histoires entre les membres de la communauté du Dhamma ! ». Afin d’éviter toute difficulté, lorsque la session de méditation s’achevait à vingt heures, elle faisait partir en premier Khaengkhae Jirachutroj et le groupe des femmes. Elle ne permettait au groupe des hommes de s’en retourner que dix ou vingt minutes après, une fois que toutes les méditantes avaient eu le temps de prendre leur bus. Lorsque des membres du groupe des hommes avaient des contraintes urgentes, elle faisait l’inverse en gardant auprès d’elle le groupe des médi- tantes jusqu’à ce que leurs homologues masculins aient eu le temps de s’éloigner. Il ne s’agissait pas, de la part de Khun Yay, de pruderie mais du désir que ses disciples puissent profiter pleinement de son en- seignement, sans en être distraits une seule seconde. Aucune rumeur ni aucun scandale ne devait jamais miner l’unité du groupe des pionniers de Dhamma- prasit. Khun Yay répétait sans cesse à ses disciples : « n’ayez aucun secret pour moi. Si vous avez le moindre problème, faites m’en part afin que je puisse vous aider. Considérez-moi comme une parente. Vos propres parents ne peuvent comprendre que ce qui est profitable pour vous dans cette vie. Moi je sais ce qui est profitable pour les vies à venir. Je me sens respon- 106 www.kalyanamitra.org
sable envers vous y compris en ce qui concerne vos futures renaissances. Je suis effrayée à l’idée que vous puissiez renaître dans un domaine d’existence infernal si vous faites certaines choses négatives. Parce que nous ne pourrions pas nous retrouver après votre mort. Parce que vous n’auriez pas la chance de pou- voir rencontrer Luang Pou Wat Paknam. Vous n’auriez plus accès à la connaissance de Dhammak- āya. Voilà ce qui m’inquiète vraiment. Aussi, je vous en prie, n’ayez pas de secret pour moi. » Après avoir entendu ces paroles, les disciples ne pou- vaient plus jamais rien cacher à Khun Yay. S’ils fai- saient quelque chose de mal, ils lui disaient et elle pouvait ainsi leur faire connaître les conséquences négatives de tels actes s’ils n’y mettaient pas fin. Et elle parlait tout aussi bien des conséquences des actes dans cette vie que dans les vies futures. Elle voulait éduquer ses disciples de manière à ce qu’ils progres- sent sur le chemin du Dhamma ; elle souhaitait en particulier qu’ils restent chastes. C’est ainsi que Khun Yay forma sa communauté, une communauté dont le point de départ était le respect de la pureté, une communauté destinée à semer les pre- mières graines qui permettraient un jour à la tradition Dhammakāya de se diffuser dans le monde entier. De nombreux jeunes disciples, qui n’avaient au départ pour perspective que la création de leur propre fa- mille, décidèrent d’y renoncer pour la prospérité du bouddhisme. Cela prit à Khun Yay dix années pour construire une communauté qui la satisfasse, une communauté capable de s’atteler à n’importe quelle tâche sans aucune dissension interne. 107 www.kalyanamitra.org
La pureté à laquelle Khun Yay les entraînait était celle que le Bouddha a définie : la « pureté en actes » qui signifie s’efforcer de ne pas tuer, de ne pas voler, de ne pas commettre d’adultère ; la « pureté en paroles » qui signifie s’efforcer de ne pas mentir, s’abstenir de toute médisance, de toute grossièreté, de tout bavar- dage ; la « pureté de l’esprit » qui signifie s’efforcer de ne pas convoiter ou d’envier le bien d’autrui, de ne pas pratiquer la vengeance, et au contraire de cultiver la « vue correcte »*. Khun Yay était sur ce plan un modèle de pureté, tant extérieure qu’intérieure. Depuis sa toute petite enfance elle appréciait et re- cherchait la propreté. Elle expliquait que l’on ne peut espérer avoir un esprit purifié si l’on vit dans un envi- ronnement en désordre. Lorsqu’on la voyait nettoyer une chaise, on avait un bon exemple de sa conception de la propreté : elle la nettoyait de haut en bas, d’avant en arrière, sans oublier le dessous ! Tous les biens de la communauté devaient être nettoyés quoti- diennement. Elle insistait particulièrement sur la pro- preté des cuisines et des toilettes parce que, expli- quait-elle, si les lieux les plus susceptibles d’être sales sont propres, alors tous les autres lieux paraissent fa- ciles à nettoyer ! Khun Yay avait une façon bien à elle de s’habiller. Ses vêtements, même simples et usagés, étaient tou- jours irréprochables. Ses robes étaient en général ra- piécées et très usées, mais jamais tachées ni froissées. Un jour, Phadet lui demanda : « comment faites-vous pour que vos vêtements usés paraissent toujours plus propres que mes vêtements neufs ? » Khun Yay lui 108 www.kalyanamitra.org
répondit : « je suis la fille d’un simple paysan ; possé- dant très peu de vêtements, j’ai pris l’habitude de les laver chaque jour. La saleté n’a pas le temps de se déposer qu’elle a déjà été nettoyée et le vêtement sus- pendu sur la corde à linge. Dès qu’il est sec, je peux le remettre immédiatement. » Phadet admit qu’il n’avait jusque là pas même pensé à laver ses vêtements ; une fois sales, il s’en débarrassait ! Khun Yay, elle, conservait et lavait tout quotidiennement, même les chiffons qu’elle utilisait pour nettoyer le sol. Un soir, après avoir dirigé la méditation de ses disci- ples durant une dizaine de minutes, Khun Yay les laissa continuer sans rien dire et disparut dans les toi- lettes. Phadet nota que les toilettes étaient beaucoup plus propres après la séance de méditation qu’avant ; curieux, il décida de suivre Khun Yay lorsqu’elle s’éclipsa de nouveau durant une autre session de mé- ditation. Il la trouva en train de laver et de faire briller la cuvette des toilettes. Peu importait l’état des lieux avant son passage : la personne suivante devait pou- voir imaginer être la première à les utiliser ! L’une des raisons de l’attention portée par Khun Yay à la pro- preté de ces lieux était la crainte qu’elle avait de voir une personne âgée glisser sur un sol humide. Elle souhaitait que ses disciples suivent son propre exemple en s’efforçant de se libérer des soucis de la vie quotidienne, afin qu’ils puissent se consacrer plei- nement à la poursuite de la perfection. C’est ainsi qu’elle encourageait ses disciples encore célibataires à le rester. Elle accompagnait toujours son enseigne- ment de la méditation d’une incitation à mener une vie de célibat. En fait, tout ce qu’elle enseignait avait 109 www.kalyanamitra.org
pour unique but l’acquisition d’un comportement pro- fitable et la poursuite de la perfection au bénéfice de la vie présente comme des vies futures. Khun Yay félicitait ceux et celles qui restaient célibataires en les comparant à des oiseaux dans le ciel, totalement li- bres, ne s’inquiétant que de leur vol. Elle disait : « si vous vivez seul avec uniquement cent baht, vous pou- vez les dépenser comme bon vous semble. Si vous pensez fonder une famille, vous n’allez plus en dé- penser que la moitié et économiser l’autre moitié. Si vous avez un premier enfant, vous ne pourrez plus dépenser que vingt-cinq baht ; si vous avez un second enfant, la somme se réduit à douze baht et demi. Si vous avez trois enfants ou plus, vous n’avez même plus la possibilité de faire un don à la communauté bouddhiste ! Les enfants sont mignons lorsqu’ils sont petits, mais nul ne peut dire les surprises qu’ils nous réservent une fois adultes ; mieux vaut donc ne pas entamer une quelconque relation ! La recherche de la perfection est plus facile pour celui ou celle qui n’a personne pour qui s’inquiéter. » Ce qu’elle conseillait était donc une vie de liberté, avec un minimum de soucis et nul besoin de quéman- der quelque chose auprès des autres, une vie permet- tant d’utiliser chacune de ses précieuses secondes pour cultiver son esprit et le purifier. Lorsque l’esprit est vide de toute considération pour des personnes ou des objets extérieurs, il n’en est que plus apte à se tourner vers les expériences intérieures. C’est bien ainsi que Khun Yay, durant toute son existence, mit à profit chaque instant pour pratiquer le Dhamma. Peu importait que certaines personnes ne comprennent pas 110 www.kalyanamitra.org
ce qu’elle cherchait ainsi, ou à l’inverse qu’elles la félicitent, Khun Yay conservait un esprit solidement établi à l’intérieur d’elle-même, à l’abri des critiques comme des louanges. A l’occasion de l’anniversaire d’une de ses disciples, Khun Yay reçut d’elle un cadeau qu’elle affirma être le plus beau jamais reçu durant toute son existence : ce cadeau, c’était la promesse, faite en sa présence, de mener une vie chaste et de suivre le chemin de l’ascèse pour le restant de ses jours. Khun Yay écouta ces paroles avec joie. Et cet exemple inspira plusieurs de ses jeunes disciples, qui s’engagèrent sur la même voie. Ils étaient enthousiastes, fermement établis dans la religion du Bouddha, nourrissant l’ambition de dif- fuser ses enseignements dans le monde entier. Le petit groupe d’origine s’élargissait chaque jour un peu plus. Mais Khun Yay sut préserver la vertu et la détermination initiales des premiers disciples. Chaiyaboun, notre jeune étudiant, exprimait souvent l’intention d’arrêter ses études à l’université Kaset- sart ; il pensait à son ordination avec un sentiment d’urgence. Mais Khun Yay le dissuadait, lui disant qu’elle ne l’autoriserait à solliciter une ordination qu’une fois ses études achevées, qu’il devait étudier non seulement les choses de l’esprit mais également les choses de ce monde, qu’il pourrait utiliser ces deux types de connaissances pour la prospérité du bouddhisme. En raison de la grande pauvreté de sa propre formation scolaire, elle se montrait toujours favorable à toute initiative en faveur de l’éducation. Comme Luang Pou avant elle, qui poussait ses disci- ples à étudier durement même s’il savait que le véri- 111 www.kalyanamitra.org
table but de l’existence ne pouvait être atteint qu’à travers la méditation. Notre étudiant acheva enfin ses études. Peu de temps après, le 27 août 1969, jour de la pleine lune du neu- vième mois du calendrier lunaire75 thaïlandais, entou- ré de l’ensemble de la communauté des méditants, il reçut l’ordination au sein de la chapelle du Wat Pak- nam, accomplissant ainsi son désir de dédier sa vie au bouddhisme. Il devint Dhammajayo Bhikkhu76. Il avait pleinement compris la réalité de la vie : que rien n’est permanent77, que tous les êtres vivants sont destinées à disparaître, que rien ne peut être donné pour définitif. Sachant que la Vérité* est le but que devraient rechercher tous les êtres, le Vénérable Dhammajayo fit en lui-même le vœu solennel de remplir à tout prix sa mission : permettre à tous les êtres de se tourner vers la recherche du nibbāna. Cet- te ordination était un événement important pour la communauté Dhammaprasit : celle-ci avait mainte- nant en son sein un maître de méditation très talen- tueux. A cette époque, Khun Yay était âgée de soixante-et- un an et ses disciples étaient devenus si nombreux que lors des principales cérémonies le petit pavillon était totalement surpeuplé, la foule débordant sur les bal- 75 Le calendrier religieux du Theravāda est rythmé par les phases de la lune. 76 Dhamma-jayo signifie « la victoire du Dhamma ». Bhikkhu, « celui qui recueille les aumônes », est le nom donné aux moines dans la tradition Theravāda. 77 C’est l’une des « trois caractéristiques »* 112 www.kalyanamitra.org
cons et sur le seuil. Le premier dimanche du mois, lors de la cérémonie d’offrandes au Bouddha, il n’était même plus possible de s’asseoir ! Khun Yay commença donc à envisager la construc- tion d’un nouveau wat. Elle commença à planifier ce que devrait être ce nouveau temple. Cette intention était en elle depuis longtemps, mais elle avait pa- tiemment attendu que celui qu’elle considérait comme son successeur ait enfin reçu l’ordination : une fois ordonné, celui-ci allait nécessairement avoir besoin d’un lieu plus approprié pour y enseigner la médita- tion, et ce lieu ne pouvait être qu’un wat. Tous aspi- raient à diffuser le bouddhisme dans le monde entier et d’y apporter la paix à travers la méditation Dham- makāya : il était bien évident que le petit pavillon du groupe Dhammaprasit ne pouvait pas satisfaire des projets aussi ambitieux. Le temps était donc venu, pour Khun Yay, de bâtir son propre wat. 113 www.kalyanamitra.org
Premières visites sur les terres du futur Wat Phra Dhammakāya 114 www.kalyanamitra.org
La fondation du Wat Phra Dhammakāya Sayaṃ āyaṃ vayaṃ jaññā, sayaṃ jaññā katākataṃ Niggaṇhe niggahārahaṃ, paggaṇhe pag- gahārahaṃ.78 Celui qui dirige doit être attentif aux dépenses et aux recettes, il doit savoir ce qui a été fait et ce qui reste à accomplir. Il doit critiquer ceux qui méritent la critique et faire l’éloge de ceux qui méritent l’éloge. Khun Yay recherchait un terrain d’au moins dix hectares pour construire le nouveau wat. Le Vénérable Dhammajayo, durant une méditation, vit une vaste rizière que bordait un canal ; il put dé- couvrir que cette terre se situait dans la province de Pathum Thani et qu’elle appartenait à une propriétaire très âgée ; il sut que cette dame serait assez vertueuse pour céder une partie de ce terrain au groupe Dham- maprasit. Khun Yay confia à Khun Thawin Wattirangkul le soin de se rendre auprès de Khun Prayat Paetyapongsavi- 78 Tesakuṇa-jātaka (S/KHU XV/17/521/n°19) 115 www.kalyanamitra.org
sudhathibodhi afin de voir si celle-ci pourrait accepter l’implantation sur ses terres du groupe Dhammapra- sit. Comme par coïncidence, le jour où la petite délé- gation menée par Khun Thawin vint rencontrer la vieille dame était celui de son anniversaire, un jour particulier pour lequel elle s’était promis d’accomplir l’action la plus méritoire possible. Lorsque la déléga- tion lui expliqua qu’elle souhaitait négocier avec elle l’achat d’une dizaine d’hectares pour construire un wat, la vieille dame fut immédiatement conquise par ce projet et répondit qu’il était hors de question de vendre, ou même de louer ce lopin de terre : elle ve- nait de décider d’offrir la totalité de ce domaine, qua- tre fois plus étendu que ce qui lui était demandé. Ce don généreux fut la première pierre du Centre de pra- tique du Dhamma79. Le Vénérable et Khun Yay s’interrogèrent ensuite sur la faisabilité d’un wat qui devrait à terme héberger des centaines de moines et accueillir des milliers de fidè- les. Khun Yay demanda à Khun80 Phadet d’évaluer le montant d’une telle opération. Celui-ci répondit que la somme nécessaire tournerait autour de cent millions de baht. Khun Yay médita et en tira la certitude qu’elle serait en mesure, compte tenu de la force de sa compassion, de bâtir un lieu qui pourrait accueillir des milliers de fidèles. Elle remit alors à Khun Phadet l’enveloppe brune qu’elle utilisait pour conserver les dons qu’elle recevait. Elle lui dit qu’il s’agirait de la première contribution à la construction du temple. Ils 79 Soun putthajak patipat thamm 80 Khun signifie également « Monsieur ». 116 www.kalyanamitra.org
en comptèrent le contenu ; il se montait à trois mille deux cents baht ! Khun Phadet lui demanda : « com- ment pouvons-nous commencer à construire un tem- ple avec seulement trois mille deux cents baht ? » Khun Yay lui répondit : « si vous receviez du gouver- nement un budget de cent millions de baht destiné à former des gens à être vertueux et à dédier leur vie au bouddhisme, comme nous le faisons vous et moi, combien de personnes pourrions-nous former ? » Khun Phadet lui répondit qu’on ne pouvait être cer- tain de former même une seule personne ; et encore faudrait-il que la formation de cette personne vaille cent millions de baht ! Khun Yay lui rappela avec un large sourire qu’elle avait déjà onze personnes ver- tueuses et dévouées qui valaient bien plus que cent millions de baht et qu’elle était donc certaine de réus- sir. Pour se lancer dans cette aventure, Khun Yay ne dis- posait alors que d’une poignée de volontaires, qu’elle avait tous formés depuis l’époque où ils étaient étu- diants. Ces jeunes gens étaient exceptionnels, dans la mesure notamment où, à cet âge, personne ne souhaite mener une vie de célibat. Les jeunes, en général, se contentent de penser : « je suis beau et jeune », « je suis élégant », « je suis plein de santé », « je dois pro- fiter de la vie tant que je suis jeune » ; ceux du groupe formé par Khun Yay étaient en revanche bien plus intéressés par la méditation et souhaitaient observer les huit préceptes jusqu’à la fin de leur vie. La plupart des jeunes hommes envisageaient de solliciter leur ordination. Les premiers à s’engager aux côtés de 117 www.kalyanamitra.org
Khun Yay, moines ou laïques bénévoles, étaient donc une petite dizaine. Comme on peut le voir sur de vieilles photos, le « wat » n’était rien d’autre, à ses débuts, qu’un terrain vague stérile. Mais le petit groupe de fidèles était si confiant dans le bouddhisme que rien ne lui semblait impossible ; ils finiraient bien par trouver comment réussir. C’est ce qui faisait dire à Khun Yay qu’elle était millionnaire ; pas millionnaire en termes d’économie occidentale, mais millionnaire en termes d’économie bouddhiste, celle-ci incluant la confiance et la bienveillance au nombre des valeurs. C’est à cette époque que les disciples de Khun Yay compilèrent un petit ouvrage, En marche vers le bon- heur81, destiné à motiver tous ceux qui pourraient apporter une contribution à la construction du nou- veau temple. Le livre recensait les témoignages et les expériences d’éminents disciples de la tradition Dhammakāya et mettait en lumière les raisons de bâtir un nouveau temple. Khun Yay, ne pouvant rédiger elle-même sa propre histoire, la conta aux rédacteurs du livre. Celui-ci atteignit pleinement son but et convainquit un grand nombre de lecteurs de soutenir l’ambitieux projet. Le groupe Dhammaprasit mené par Khun Yay pro- nonça le vœu suivant : « nous dédions au Bouddha notre chair et notre sang, notre corps et notre esprit, notre intelligence et notre santé, dans le but de bâtir un centre de méditation qui suivra la tradition Dham- makāya. » 81 Deun pay su kwam suk 118 www.kalyanamitra.org
Le lancement des premiers travaux donna lieu à une petite cérémonie le 20 février 1970, jour de la Māgha Pūjā82. Avant que le chantier de construction ne débute, Khun Yay réunit toutes les personnes impliquées dans le projet afin qu’aucun désaccord, ensuite, ne vienne perturber le déroulement des travaux. Elle expliqua que même si le temple projeté était vaste et que les travaux devaient durer très longtemps, il ne faudrait jamais sacrifier sa qualité sur l’autel de la rapidité. Elle prédit que les conflits personnels seraient inévi- tables ; elle demanda aux participants les plus sourcil- leux de se mettre, dès le début, un peu en retrait des opérations, et aux participants certains de supporter avec calme toute situation conflictuelle de se mettre, au contraire, en avant. Le déroulement des opérations allait exiger énormément de patience et Khun Yay allait prendre comme devise : « nous pouvons être en désaccord, mais nous ne devons jamais nous opposer les uns aux autres. » Cela signifiait que même si le nombre des participants devait s’accroître encore et encore, tous devraient rester parfaitement unis parce que poursuivant une seule et même quête, celle des Trois Joyaux* et de Dhammakāya. 82 Cette cérémonie, organisée le jour de la pleine lune du troisième mois lunaire (courant février), commémore la récitation par le Bouddha, devant 1250 arahā, de l’ovāda pātimokkha, résumé des principes devant être suivis par tous les bouddhistes : s’abstenir de toute mauvaise action (en pensée, parole ou acte), n’agir que de manière spirituel- lement profitable (kusala), purifier son esprit par la médita- tion. 119 www.kalyanamitra.org
Khun Phadet fut chargé de gérer les quarante hectares et de superviser tous les travaux de construction. Un jour, il vit que Khun Yay prononçait pour elle- même une longue résolution ; il lui demanda quel vœu exigeait une résolution d’une telle durée. Khun Yay lui répondit qu’elle avait fait le souhait de ne jamais être responsable de la mort d’un être vivant, pas mê- me de la vie d’une fourmi ou d’un termite, même si elle se retrouvait face à une armée entière d’agresseurs, comme le Bouddha l’avait été par les armées de Māra la nuit de son Eveil… Khun Phadet eut la nette impression que Khun Yay lui signifiait quelque chose : à cette époque, en effet, leur projet était menacé par des fauteurs de trouble83 qui auraient bien aimé réduire en cendres l’abri au toit de chaume servant de hall d’enseignement provisoire. Et Khun Phadet nourrissait l’intention de se débarrasser une fois pour toute de ces agresseurs. Mais, le vœu formu- lé par Khun Yay l’avertit du danger que pouvait cons- tituer la plus petite des mauvaises intentions et il cessa dorénavant de prêter attention aux agressions. La construction du temple incluait trois volets : le volet des travaux, le volet humain et le volet financier. Si la programmation des travaux était déjà entière- ment élaborée dans l’esprit du Vénérable Dhamma- jayo, il était loin d’en être de même pour le plan de financement comme pour celui des ressources humai- nes ; l’objectif était primordial ; l’intendance suivrait ! 83 On imagine aisément que des paysans voisins, ayant des vues sur ces terres, acceptaient très mal leur don à un temple. 120 www.kalyanamitra.org
Malgré l’immensité des exigences financières d’un tel projet, il était clair que le facteur le plus important était la qualité des personnes qui se mettraient au ser- vice du Wat Phra Dhammakāya. Pour reprendre les mots du Vénérable : « ceux et celles qui vont s’engager à réaliser ce temple devront de toute évi- dence pousser la dévotion et le sacrifice jusqu’à met- tre en jeu leur propre vie. » Pour commencer à concrétiser son projet, le Vénéra- ble débuta les travaux de ses propres mains, animé par la détermination de bâtir un lieu idéal pour la médita- tion et la pratique du Dhamma. Il souhaitait que les gens, voyant la force de la vertu à l’œuvre, en reçoi- vent une telle inspiration qu’ils viennent lui prêter main forte. Au début, « le temple » n’était rien d’autre que qua- rante hectares de friches et de rizières luisant sous le soleil. A cause de l’infertilité du sol, il n’y avait aucun arbre capable de donner un peu d’ombre. C’est pour- tant en ce lieu si peu propice que le Vénérable voulait créer un environnement favorable à la méditation ! Il fallait donc commencer par drainer le sol à l’aide d’un réseau de canaux et planter les arbres qui pourraient fournir aux fidèles un minimum de fraîcheur. La congrégation était toujours aussi pauvre ; et la pro- gression du nombre des fidèles devançait toujours le montant des ressources nécessaires à leur accueil. Lorsque la propriété de la terre fut officiellement transférée, Khun Yay invita toute la petite commu- nauté Dhammaprasit à venir découvrir les lieux, parce que nombre d’entre eux avaient apporté une contribu- tion financière au projet sans s’être encore rendus sur 121 www.kalyanamitra.org
place. Lorsqu’ils purent voir cet immense terrain qui, à perte de vue, n’était qu’une succession de rizières, ils eurent quelques difficultés à imaginer comment tout cela pourrait un jour se transformer en un gigan- tesque temple ! Le niveau du sol dans les rizières était inférieur de trois mètres à ce qu’il devait être pour recevoir une quelconque construction. Les pionniers se lancèrent donc dans le dragage du canal afin de se procurer la terre nécessaire à l’édification d’« îles » émergeant des rizières. Ces îlots devaient avoir une largeur mi- nimale de six mètres et des pieux de fondation étaient nécessaires pour préserver leur forme et leur solidité. Un dragueur fut prêté par le ministère de l’irrigation et des volontaires du même ministère s’attelèrent à la tâche, creusant de plus de trois mètres le lit du canal et constituant peu à peu les nouvelles îles. Les multi- ples petits canaux préexistants durent également être comblés. Une fois ces travaux de dragage achevés, le Vénérable Dhammajayo invita tous les donateurs habituels de la communauté Dhammaprasit à effectuer, sur une barge du ministère de l’irrigation, un tour complet du site. Ayant enfin pu imaginer le futur temple sur son em- placement bien concret, tous acceptèrent d’offrir leurs contributions, en commençant par celles nécessaires à l’édification des premiers kuti. Durant ces travaux, Khun Yay ne résidait pas sur pla- ce. Néanmoins, lors de ses fréquents séjours, son em- ploi du temps était parfaitement réglé : elle se levait à trois heures du matin pour méditer, une méditation orientée vers l’attente de donateurs, de dons et de vo- 122 www.kalyanamitra.org
lontaires. Après avoir petit déjeuner, elle méditait jusqu’à onze heures. Après avoir déjeuné, elle prépa- rait un seau, une machette et une houe et invitait les visiteurs à venir planter des arbres. Malheureusement, des générations entières d’arbres furent perdues en raison de la très forte acidité des sols. Très peu d’espèces étaient capables de supporter un tel degré d’acidité ; le seul arbre qui put finalement résister était une sorte d’acacia84, une espèce pionnière dont l’une des propriétés permettait de modifier progressi- vement la consistance du sol. Cet acacia fut l’unique vainqueur de la bataille des arbres et il permit effecti- vement d’améliorer suffisamment le sol pour que l’on puisse commencer à y planter d’autres espèces, en particulier des eucalyptus. 84 L’Acacia auriculaeformis A.Cunn 123 www.kalyanamitra.org
Plus le sol s’améliorait, plus Khun Yay tentait d’y planter de nouveaux types d’arbres, comme le châtai- gnier rose ou l’ilang-ilang. Les arbres que l’on peut voir aujourd’hui sont parfois des survivants de ces premières tentatives. Au fil des années, des arbres furent plantés et replantés sans cesse. Khun Yay n’abandonna jamais ce combat : elle essayait d’introduire de nouvelles espèces jusqu’à ce qu’elle en trouve une capable de survivre. Elle fut ravie lors- qu’elle constata que certains arbres commençaient à héberger des oiseaux ! Khun Yay avait une profonde prédilection pour les arbres. En raison de la multitude de poulets et de paons qui fréquentaient l’espace du nouveau temple, elle demandait que les jeunes pous- ses ne soient pas laissées au niveau du sol ; on cons- truisit donc des sortes de hamacs où les jeunes arbres restaient hors d’atteinte des volatiles jusqu’à ce qu’on puisse les planter. Si certaines espèces nécessitaient une germination plus longue et délicate, Khun Yay demandait aux fidèles de s’en occuper chez eux. Par- fois, pour planter un arbre, il était nécessaire de suré- lever le sol et les volontaires écrasaient au passage quelques pousses que Khun Yay venait tout juste de planter ; mais elle n’avait jamais le moindre mot de remontrance. Bien qu’elle soit âgée de plus de soixan- te ans, elle ne montrait aucun signe de fatigue lors- qu’il s’agissait de ses plantations. Nombre de jeunes gens venus l’aider abandonnaient bien avant elle. Même les heures les plus chaudes de la journée ne la décourageaient pas. Elle finit cependant par s’épuiser à la tâche ; elle devint si faible qu’elle ne parvenait même plus à se lever de son lit. Craignant pour sa vie, 124 www.kalyanamitra.org
ses disciples firent venir un professeur de l’université Chulalongkorn qui diagnostiqua tout simplement une sous alimentation. Elle s’occupait de ses plantations jusqu’à quatre ou cinq heures de l’après-midi. Alors seulement, elle se rafraîchissait et se préparait pour la récitation rituelle du soir, à huit heures. Elle méditait ensuite jusqu’à neuf ou dix heures, puis dormait. Tel fut son emploi du temps durant la période de construction du temple. A partir du vendredi, le Vénérable Dhammajayo com- mençait à préparer le sermon qu’il allait donner et la méditation qu’il allait conduire le dimanche. Il ne donnait suite à aucune invitation extérieure le samedi et ne recevait des visiteurs que s’ils étaient nombreux et acceptaient de rester en méditation à ses côtés du- rant tout le reste de la journée. Pendant ce temps, tous les autres moines conduisaient des sessions de médita- tion destinées aux volontaires venus pour le week- end. Au début, la vie dans cette nouvelle implantation était particulièrement dure. L’eau potable, par exemple, était rare compte tenu de l’acidité des sols environ- nants. Pour rendre l’eau potable, il fallait la mélanger avec de l’alun de potassium, la faire bouillir et préser- ver sa potabilité en ôtant délicatement l’écume qui se formait en surface. Ces difficultés ne parvinrent ce- pendant pas à décourager les volontaires qui y voyaient au contraire une source supplémentaire de mérites. Durant cette période, il n’y avait en permanence sur place que trois moines, quatre ou cinq laïques renon- çants (upāsakā) et sept ou huit travailleurs salariés. 125 www.kalyanamitra.org
Les laïques vivaient dans la « serre » située dans ce qui est aujourd’hui la zone Tāvatiṃsa* et dans la « maison thaïe » située à l’emplacement actuel du hall Catumahārājika*. Il y avait également un petit réfec- toire, mais il ne s’agissait, comme toutes les construc- tions de l’époque, que d’une structure provisoire. Parfois, l’argent se faisait rare. Khun Phadet demanda par exemple un jour à Khun Yay : « nous reste-t-il un peu d’argent ? » Khun Yay, lui répondit : « oui. Nous avons un millier de baht… » Khun Phadet laissant paraître sa préoccupation, Khun Yay, aussi paisible que de coutume, lui conseilla : « venez et asseyons- nous pour méditer ; je vais faire le nécessaire. » Khun Phadet suivit son conseil et médita en sa compagnie de six heures à neuf heures du soir. A l’issue de la séance de méditation, Khun Phadet, restant pessi- miste, exprima son inquiétude : « si je n’ai pas au moins dix mille baht pour payer les ouvriers demain, nous allons avoir un gros problème », Khun Yay le regarda calmement et le rassura : « nous aurons les fonds nécessaires cette nuit ». Celle-ci paraissait tota- lement confiante et Khun Phadet n’eut rien à lui ré- pondre. Il se leva, lui souhaita une bonne nuit et ou- vrit la porte pour sortir ; un homme attendait à l’extérieur, assis sur les marches, qui lui déclara que son père, sur son lit de mort, avait demandé qu’une donation de trente mille baht soit apportée en ce lieu. L’homme patientait depuis plusieurs heures, les portes ayant été fermées durant la session de méditation. Les travaux ne s’interrompaient jamais. Parfois, en raison de la fatigue accumulée, des querelles surgis- saient entre les ouvriers. Khun Yay n’assistait pas aux 126 www.kalyanamitra.org
réunions de chantier mais elle n’était jamais bien loin, observant toute la communauté. Quand elle voyait qu’un désaccord semblait s’envenimer, elle demandait que l’on mette fin à la réunion en disant : « la réunion pourrait encore durer longtemps sans aboutir, venez plutôt méditer avec moi. » Après une heure ou deux de méditation, l’état d’esprit de chaque participant s’étant amélioré, elle laissait la réunion reprendre, qui se déroulait cette fois bien plus calmement. Malgré son manque d’éducation scolaire, telle était l’aptitude de Khun Yay au management ! Qu’il s’agisse de gérer des gens, des lieux ou des fonds, Khun Yay faisait preuve de la même imperturbable modération. Rien de ce qu’elle faisait n’avait le moindre soupçon d’excès. L’unité apparaissait comme un sous produit naturel de sa simple présence. Au début des années 1970, Khun Phadet fit définiti- vement vœu de célibat, bien qu’il ne puisse encore être ordonné, engagé qu’il était dans une multitude de chantiers à superviser. Khun Yay lui avait conseillé ce choix parce qu’il avait déjà pensé au mariage mais il en avait été dissuadé par son père qui l’avait répri- mandé : « si tu veux te marier, fais-le, mais aupara- vant, dans la semaine qui vient, réfléchis et dis-moi quelles vertus tu es capable de transmettre à ta future femme et à tes futurs enfants ! ». Il était venu deman- der conseil à Khun Yay qui l’avait renvoyé chez lui avec l’avis suivant : « Phadet ! La vie laïque n’est pas faite pour vous car vous avez un cœur trop tendre. Vous êtes toujours compatissant envers tout le monde et vous distribuez tout ce que vous possédez. Si vous aviez une famille dépendant de vous, vous seriez dans 127 www.kalyanamitra.org
la difficulté. Vous êtes né pour rechercher la perfec- tion ; vous ne pouvez emprunter aucun autre chemin. Si vous sollicitez l’ordination, vous accomplirez le but de votre vie. Vous avez en vous la capacité de voir et de comprendre la réalité de tout ce qui est énoncé dans les Ecritures bouddhistes. » Le 19 décembre 1971, il reçut enfin l’ordination et prit le nom de Dattajivo85. Tout se déroula parfaite- ment, à un détail près : il lui était difficile de ne plus avoir pour Khun Yay les gestes de respect qu’il avait eus durant ses années de vie laïque. Devenu moine, respectant plus de préceptes que Khun Yay, il n’avait désormais plus le droit de joindre pour elle ses mains en signe de respect, même s’il pensait qu’elle le méri- tait amplement. Khun Yay, devinant son embarras, le ramena à la raison : « surtout, ne faites pas cela ; le démérite m’en reviendrait ! » En 1973, les travaux du nouveau temple étaient suffi- samment avancés pour que l’atelier de méditation puisse quitter le pavillon Dhammaprasit du Wat Pak- nam. Les aménagements du futur temple commen- çaient à permettre d’y demeurer. Khun Yay organisait la subsistance des moines en envoyant régulièrement Palad Wanchai Sīlavaṇṇo (non encore ordonné à cette époque) au Wat Paknam pour y remplir de pleins ca- mions de provisions. Khun Yay ordonna un jour de planter des bananiers autour du kuti du Vénérable Dattajivo, à la grande surprise de ce dernier qui interrogea Khun Yay : « à quoi vont servir ces bananiers ; j’imagine que ce n’est 85 « Celui a qui la vie a été donnée » 128 www.kalyanamitra.org
pas pour me nourrir ? ». Khun Yay lui répondit sur le même ton : « non c’est pour que vous vous défouliez dessus ; si jamais vous êtes énervé, vous pourrez tou- jours les frapper au lieu de vous en prendre aux gens qui auront provoqué votre irritation ! » Depuis ce jour, la vue d’un bananier continue de fait sourire le Vénérable qui se souvient de la façon dont Khun Yay lui avait montré qu’elle ne connaissait que trop bien son tempérament. Le futur temple disposant maintenant des aménage- ments minimaux, le Vénérable Dhammajayo exprima son intention d’y donner des cours de Dhamma, théo- riques et pratiques, aux jeunes tout d’abord, puis à un large public, dans le but d’améliorer la qualité de leur esprit et plus généralement d’améliorer la vertu au sein de la société. Il s’agissait, dans l’esprit du Véné- rable, de créer les conditions favorables à la mise en place d’une fondation qui soutiendrait le temple. Cette idée n’était en fait qu’une extrapolation des objectifs que Khun Yay lui avait fixés depuis son ordination. Afin de renforcer et de mieux diffuser la religion du Bouddha, le Vénérable Dhammajayo décida que les jeunes et les adultes qui fréquenteraient le temple de- vraient recevoir une véritable éducation. Cela signi- fiait en faire des personnes éduquées à la fois dans les matières profanes et dans le Dhamma. Le Vénérable résumait le lien entre les deux pans de la connaissance en une formule : « le savoir doit être main dans la main avec la vertu. » Le chimiste qui met ses connais- sances au service de la fabrication de l’héroïne ou le propriétaire terrien qui cultive de l’opium sont des exemples parmi tant d’autres de personnes éduquées 129 www.kalyanamitra.org
auxquelles la vertu fait cruellement défaut. Le Véné- rable souhaitait mettre en place une formation qui instillerait la vertu dans le cœur des jeunes étudiants avant que ceux-ci n’occupent leur place au sein de la société ; c’est ainsi seulement que la vertu pourrait servir de fondement au comportement social de ces jeunes. Le programme de formation Les héritiers du Dhamma (Dhammadāyāda) débuta en 1972. Il avait été an- noncé dans toutes les universités sous la forme d’un « cours d’été de formation à la méditation ». Ce fut le premier projet majeur du temple ; il devint l’un de ses grands rendez-vous annuels. La première session concerna une soixantaine d’étudiants de sexe masculin, répartis en deux grou- pes ; on leur avait fourni à tous un ensemble de coton blanc frappé du logo « Dhammadāyāda ». A cette époque, l’ombre fournie par les arbres était encore bien ténue ; les klod86 sous lesquels ils pratiquaient étaient donc totalement exposés à la chaleur diurne. Le stage était dirigé par le Vénérable Dattajivo en personne, qui, comme ses élèves, se tenait sous un klod. Les étudiants suivirent un cursus de deux semai- nes particulièrement rigoureux, se levant à 3 h 45, respectant les huit préceptes et passant une douzaine d’heures par jour en méditation assise. Parmi eux nombreux furent ceux qui, en raison de cet entraîne- ment intensif, pratiquèrent la méditation avec succès ; plusieurs de ces pionniers des « héritiers du Dham- 86 Large ombrelle dotée d’une moustiquaire. 130 www.kalyanamitra.org
ma » figurent aujourd’hui parmi les Anciens du Wat Phra Dhammakāya. Les stagiaires se firent de plus en plus nombreux en raison de la bonne réputation de la formation à la technique Dhammakāya. A travers ces sessions, beau- coup d’étudiants devinrent durablement des disciples du temple et certains acquirent progressivement la capacité de devenir des leaders religieux. Le Vénérable suivait avec attention les stagiaires ob- tenant leur baccalauréat, afin que la méditation puisse devenir la pierre angulaire de leur vie. En raison du haut degré d’exigence individuelle prôné par le tem- ple, la croissance du nombre des étudiants s’accompagna d’une croissance de ceux qui étaient prêt à accompagner le développement du temple de leur foi et de leurs dons. Les jeunes commencèrent à constituer la plus importante force du temple, notam- ment lorsque les Vénérables Suvijjābho et Jhānabhiñ- ño devinrent présidents de sociétés d’étudiants bouddhistes. C’était l’époque de l’éclosion des socié- tés d’étudiants bouddhistes et d’études bouddhistes dans les universités et les lycées. Ces sociétés, à tra- vers leurs multiples projets, allaient jouer un rôle ma- jeur dans la réintégration du bouddhisme au sein du cursus éducatif des jeunes thaïlandais. Elles allaient aussi être la cheville ouvrière du développement du nouveau temple. L’enthousiasme des jeunes qui permit la croissance spectaculaire du temple à ses débuts ne s’est pas dé- mentie jusqu’à nos jours : les jeunes reconnaissent l’importance de la recherche de la connaissance et de la mise en pratique de celle-ci, en suivant à la lettre 131 www.kalyanamitra.org
les enseignements du Bouddha. Si l’on considère ce qu’est en général l’attitude et la conduite des jeunes, la mise en place de la formation Dhammadāyāda peut être considérée comme un tournant majeur dans la manière de penser de la jeunesse de Thaïlande. Cette formation a conduit plus de dix mille jeunes gens à se détourner des lumières brillantes et colorées qui atti- rent la jeunesse moderne, pour se tourner vers le déve- loppement personnel à la lumière du bouddhisme. Elle a de même conduit une multitude d’étudiants dissipés à se consacrer plus sérieusement à leurs étu- des et à faire l’admiration de leurs parents. Khun Yay expliquait que lorsqu’on souhaite forger la vertu dans les cœurs des gens, il faut leur instiller les qualités des Sages (panḍitā), c'est-à-dire de ceux qui sont à la fois sages dans ce monde et dans le monde de la spiritualité. Tous ceux qui recherchent le vérita- ble bonheur dans la vie doivent, parallèlement à leur apprentissage scolaire, être éduqués dans la vertu. Khun Yay avait également émis le vœu que tous ceux qui suivaient les formations dispensées par le temple mettent ensuite leur énergie au service de la diffusion du Dhamma. En 1975, les aménagements du wat étaient complets, qu’il s’agisse du pavillon destiné à la pratique de la méditation ou des kuti des membres de la communau- té monastique. En avril, Khun Yay et le Vénérable Dhammajayo quittèrent définitivement le Wat Pak- nam pour s’installer dans le nouveau temple. Khun Yay pouvait ainsi garder en permanence un œil sur les étudiants et leur prodiguer ses encouragements ; des encouragements bien utiles car la construction d’un 132 www.kalyanamitra.org
temple était un véritable défi, que seuls ceux possé- dant une vocation claire pourraient relever. Khun Yay établit seule la plupart des règles fondamentales du temple, indispensables à sa réussite à long terme. Comme Luang Pou Wat Paknam, qui estimait lui aussi : « tous mes moines sont jeunes et insuffisamment expérimentés », elle commença par édicter les deux règles suivantes : 1. les portes du temple doivent être fermées à 18 h et rouvertes à 6 h. 2. Il est strictement interdit aux moines de recevoir des visiteurs dans leur kuti ; et à fortiori des visiteu- ses. Considérant ensuite que si le nombre des moines de- vait encore s’accroître les aumônes se révéleraient certainement insuffisantes pour nourrir à la fois les moines, les volontaires venus aider le temple et les fidèles, elle suggéra au Vénérable Dhammajayo de suivre l’exemple donné par le Vénérable du Wat Pak- nam en créant une cuisine dotée des réserves nécessai- res87. Par nature, nous l’avons vu, Khun Yay aimait l’ordre, la propreté, l’honnêteté et la sincérité. Ces qualités suscitèrent un code de conduite qui prévalut dès 87 Luang Pou Wat Paknam avait créé en son temps une pe- tite révolution en déclarant qu’il préférait voir ses moines pratiquer la méditation que passer trop de temps à quêter leur subsistance. Ce qui n’empêchait pas la règle du don de s’appliquer, les dons apportés jusqu’au temple par les fidè- les ayant toujours été formellement destinés à une commu- nauté, non à un individu précis. 133 www.kalyanamitra.org
l’époque du groupe Dhammaprasit. Le premier de ces principes non écrits était la séparation des sexes pour les laïques résidant dans le temple et bien évidemment la séparation entre ces laïques et les moines. Khun Yay avait toujours déconseillé les relations physiques entre les membres de la congrégation, parce qu’elle considérait que si l’on n’est pas irréprochable dans son comportement extérieur il ne faut pas s’attendre à de grandes réussite dans sa pratique méditative88. La politesse d’expression comme la politesse à table, le soin vestimentaire, la propreté, des relations calquées de manière générale sur les relations familiales tradi- tionnelles des Thaïs, tels étaient les principes fonda- mentaux qui régissaient les rapports entre les mem- bres de la communauté et forgeaient la culture de ce temple. Ces règles, ayant pour seul objet d’assurer l’harmonie au sein de la communauté, devaient être acceptées et immédiatement pratiquées par tout nou- vel arrivant. On attendait des visiteurs une conduite générale et une attention aux détails aussi irréprochables que cel- les des résidents. Khun Yay fit donc apposer sur le mur extérieur du pavillon Tāvatiṃsa un panneau sur lequel figuraient les règles élémentaires à respecter : « Le Centre de Méditation Dhammakāya est un sanc- tuaire de vertu pour tous les bouddhistes. Ce lieu exi- ge tranquillité, propreté, ordre et sobriété, en accord avec l’identité bouddhiste. Les visiteurs peuvent aider 88 Il ne s’agit pas de pruderie excessive : des relations affec- tives, positives ou négatives, avec la personne méditant à vos côtés peuvent nuire à votre sérénité. 134 www.kalyanamitra.org
à conforter la religion bouddhiste et contribuer à sa prospérité en suivant strictement les règles suivantes résumées par la devise Le sage aime apprendre et suivre les règles de discipline : Sont interdits : 1. la consommation de tabac et de drogues ; 2. l’introduction de marchandises destinées à être vendues ; 3. la publicité et la distribution de tracts ; 4. la lecture des journaux ou de toute autre publica- tion troublant la paix de l’esprit ; 5. les radios et lecteurs de cassettes ; 6. la propagande, les campagnes ou démarchages politiques et électoraux, seules des paroles vraies et utiles pouvant être prononcées ; 7. la danse, la musique, les spectacles, les loteries et autres jeux ; 8. le flirt et les caresses ; la voyance ; 9. la libération, sans autorisation, d’animaux. 10. Les vêtements doivent être corrects et modestes. Les gestes exagérés des mains et des pieds doivent être évités ; s’étendre sur le sol est interdit. »89 Ces exigences de discipline conférèrent au temple, comparativement aux autres monastères de Thaïlande, une bonne réputation croissante. Non seulement Khun Yay était la seule à édicter les règles du nouveau temple, mais elle était également la 89 On retrouve ici les défauts de certains wat, en particuliers ruraux, véritables centres de vie communautaires. Si le nou- veau temple y perdait en convivialité, il y gagnait incontes- tablement en sérénité ! 135 www.kalyanamitra.org
première à les respecter à la lettre. Bien qu’elle soit la fondatrice de ce temple, elle restait humble. Jamais elle ne faisait référence au fait qu’elle avait été l’enseignante du Vénérable qui le dirigeait. Le fait qu’elle ait eu l’opportunité d’enseigner à tant d’autres ne l’empêchait pas de déclarer : « je ne suis doréna- vant qu’une résidente du temple parmi d’autres ; je suis les mêmes principes et règles que vous ; en toutes choses, je dois rendre compte au Vénérable du tem- ple. » Jamais Khun Yay ne se plaça « au-dessus des lois ». Jamais, se prévalant d’un rôle particulier de « Maître », elle n’aurait omis de joindre les mains en signe de respect lorsqu’elle s’adressait à un moine, même au plus récemment ordonné. Lorsqu’elle ren- contrait des membres de la congrégation, elle était toujours la première à les saluer.90 Regarder les gens de haut ou prendre des airs supérieurs était totalement étranger à sa nature. Ayant pu transmettre au Vénéra- ble Dhammajayo toute l’autorité dont elle avait été investie par Luang Pou, elle vivait dorénavant une vie simple et suivait une routine quotidienne immuable. Khun Yay s’en tenait toujours aux décisions qu’elle avait prises et ne s’occupait pas de ce que les autres pouvaient en dire. Elle maintenait ses décisions tant qu’elles ne contredisaient pas la discipline monastique (vinaya*), les enseignements (Dhamma) et n’étaient pas sources de conflit. Elle savait qu’il appartient à la nature des choses de croître et de se dégrader, qu’il s’agisse de la santé, de la fortune, des louanges et des 90 Alors que la coutume veut que les plus jeunes présentent en premier leurs respects aux plus âgés. 136 www.kalyanamitra.org
critiques, du bonheur et de la souffrance ; le Bouddha lui-même avait vécu et enseigné en tenant compte de cette loi naturelle. En conséquence, Khun Yay fondait ses décisions sur leur utilité, non sur leur popularité ou leur commodité. « Toute ma vie, avait elle cou- tume de dire, j’ai suivi une règle simple s’agissant des décisions à prendre : je ne fais jamais quelque chose pour plaire à quelqu’un ; je ne prends que des déci- sions qui auraient plu au Bouddha, parce que celui-ci avait acquis la capacité de distinguer le vrai du faux, le correct de l’incorrect, le profitable du non profita- ble. Ce que je fais, je le fais en suivant les enseigne- ments du Bouddha et si quelqu’un, ou même tout le monde, me critique pour cela, je reste imperturbable. Je ne souhaite plaire qu’au Bouddha ! » Le Vénérable Dattajivo lui demanda un jour : « n’avez-vous jamais mis des gens en colère ? » « Bien sûr que j’ai mis des gens en colère ! » « Et que faites-vous lorsque vous fâchez quelqu’un ainsi ? » « Je médite au centre du centre de mon corps, mainte- nant en permanence le Dhammakāya en présence du corps d’illumination du Bouddha dans son nibbāna. » Ainsi, Khun Yay n’était jamais distraite par la mode ou par l’opinion – et c’est grâce à cela, en retour, qu’elle ne se départissait jamais d’une imperturbable sérénité. C’est ainsi qu’elle fut capable de diriger une communauté entière et de la mettre au service de la diffusion de la tradition Dhammakāya dans le monde, en dépit d’innombrables obstacles. Confrontée à des difficultés, elle ne combattait pas, elle ne fuyait pas : 137 www.kalyanamitra.org
elle continuait simplement d’accomplir le plus possi- ble d’actions vertueuses. C’était un travail considérable que de recevoir chaque dimanche, sur les deux cents hectares du temple, la totalité de la communauté ; ne serait-ce que pour vider ensuite les poubelles ou nettoyer les toilettes ! Au début, Khun Yay avait souhaité démontrer elle-même comment nettoyer les toilettes ; pour les générations de fidèles qui vinrent ensuite, l’utilisation correcte de ces lieux devint en quelque sorte partie intégrante de leur culture religieuse ! Aujourd’hui, les visiteurs continuent d’être impressionnés par l’extrême propre- té des toilettes du temple ; une propreté que beaucoup n’ont jamais connue dans d’autres lieux publics.91 Certains volontaires éprouvaient une grande fierté à prendre soin de ces lieux, une tâche qu’ils appelaient « le nettoyage de la demeure céleste (vimāna) » et qu’ils justifiaient par le mot d’ordre : « plus la cuvette des toilettes est propre, plus votre esprit est lumi- neux » ! Les toilettes dont Khun Yay prenait le plus soin étaient celles qui faisaient face à son propre kuti. Elle se faisait un point d’honneur à y mener elle- même les volontaires ; armés d’éponges et de poudre à récurer, ils rivalisaient dans l’accomplissement de cette tâche. Ce n’était pas dans les habitudes de Khun Yay que d’expliquer longuement comment faire quel- que chose : lorsqu’elle formait des volontaires elle 91 Il est en effet remarquable de constater, dans un pays tropical de surcroît, que le passage en ces lieux de dizaines de milliers de fidèles, un nombre fréquent dans le temple, ne modifie en rien leur parfaite propreté. 138 www.kalyanamitra.org
leur donnait elle-même l’exemple de ce qu’il fallait faire. Dans ce cas précis, c’est bien en constatant le soin personnel que Khun Yay portait à ce nettoyage que les volontaires décidèrent de faire de même. Khun Yay leur expliquait de surcroît que s’ils faisaient tou- jours de leur mieux dans cette vie, y compris pour des choses aussi simples, ils en seraient dispensés dans leur vie future. C’étaient là quelques fruits annexes du kamma dont ils profiteraient dans leurs vies suivan- tes… Jamais elle ne cessait de répéter ses conseils sur la manière d’utiliser correctement l’eau des toilettes, de conserver un sol sec, de bien fermer les robinets et d’éteindre les lumières en sortant. Elle allait même jusqu’à montrer comment les toilettes devaient être utilisées… On connaît peu de Maîtres qui aient pous- sé la formation de leurs disciples jusque dans ces re- coins ! Khun Yay commençait sa démonstration par un rappel : « quoi que vous fassiez, faites-le en pleine conscience afin de le faire correctement »92. Khun Yay montrait ensuite comment jeter l’eau dans les toilettes93 sans la gâcher. Puis elle enseignait com- ment fermer le robinet : « si vous le serrez trop fer- mement, vous le détériorez ; si vous le serrez trop doucement, vous allez gâcher l’eau. Ainsi, même en 92 Il s’agit ici d’une forme de concentration : la conscience permanente de chaque acte, même le plus anodin. 93 En Asie du sud-est, traditionnellement, l’eau nécessaire aux toilettes est puisée à l’aide d’un bol dans un seau placé à côté. Un robinet placé au dessus du seau permet si néces- saire de le remplir à nouveau. 139 www.kalyanamitra.org
tournant un robinet, vous devez connaître l’importance de la modération. »94 La nouvelle se répandit rapidement que des moines issus de l’université étaient en train de bâtir un temple gigantesque à Pathum Thani. Elle parvint bien évi- demment jusqu’aux responsables du gouvernement monastique de la province qui envoyèrent l’un d’eux en inspection, afin de vérifier si ce temple était aux normes. L’inspecteur, usant d’un stratagème habituel, se contenta d’inspecter uniquement le réfectoire et les toilettes ; il expliqua plus tard que l’état de ces lieux résumait en général fort bien l’état général du temple. Dans ce cas précis, il conclut de son inspection que le nouveau temple ne pourrait que prospérer ! Un jour, tard dans l’après-midi, le Vénérable Dattaji- vo, se rendant au kuti de Khun Yay, l’aperçut en train de répandre de l’engrais autour d’un arbre voisin. Il lui demanda : « Khun Yay, vous êtes déjà âgée, cela ne vous fatigue donc pas de vous occuper de tous ces arbres ? ». « Non, cela ne me fatigue pas ! Pendant que je tra- vaille, je continue de méditer au centre de mon corps. De cette façon, je ne me fatigue jamais. » « Et là, quel était l’objet de votre méditation ? » « Pendant que je travaillais, j’observais, à l’intérieur de moi-même, le centre du Dhammakāya, tout en mé- 94 On distinguera entre les lignes un précieux conseil pour la concentration méditative. 140 www.kalyanamitra.org
ditant sur les vies successives des bouddhas95 ; j’observais leur recherche de la perfection, je voyais mes propres insuffisances et j’en déduisais comment m’améliorer encore. » Khun Yay ne cessait jamais de s’entraîner, suivant les règles rigoureuses autrefois utilisées par le Bouddha. Seuls ceux et celles qui sont capables d’utiliser les enseignements du Bouddha pour s’éduquer eux- mêmes peuvent en effet prétendre utiliser ces ensei- gnements pour éduquer le monde. En 1981, le temple fut consacré. Jusque là, il ne pouvait être désigné que comme le « Centre de prati- que du Dhamma ». Cette consécration donna nais- sance au temple aujourd’hui connu et célèbre sous le nom de « Wat Phra Dhammakāya ». Avec cette consécration, le nombre des fidèles s’accrut de façon spectaculaire. L’œuvre du temple, en matière de travail social, de formation personnelle ou de construction d’édifices ne pouvant être accom- plie qu’en s’appuyant sur la collaboration du plus grand nombre, la communauté résidant au temple devint de plus en plus vaste, qu’il s’agisse de moines, de novices ou de renonçantes et renonçants laïques. Khun Yay se joignait à toutes les cérémonies majeures organisées par le temple. Agée de presque quatre-vingt ans, elle se réjouissait de constater la participation croissante de laïques venus de tout le 95 Les textes bouddhistes les plus anciens citent les noms de six bouddhas ayant précédé le bouddha de notre ère ; d’autres textes en citent vingt-quatre. 141 www.kalyanamitra.org
pays et du monde entier. Elle s’exclamait : « jamais je n’aurais imaginé voir autant de fidèles fréquenter no- tre temple. A l’époque où le Vénérable Dhammajayo avait été ordonné, nous ne désirions que deux cents hectares de terrain pour bâtir notre temple. Au- jourd’hui, même dix mille hectares se rempliraient de fidèles ! » 142 www.kalyanamitra.org
Les dernières années Kosajjaṃ bhayato disvā, vīriyārambhañca khemato Āraddhavīriyā hotha, esā buddhānusāsanī 96 Il faut comprendre que la paresse est dangereuse et que la sérénité nécessite un effort. Chacun doit s’exercer à l’effort. Tel est l’enseignement du Bouddha. Le petit kuti qui avait été bâti près du temple pour Khun Yay en 1975 occupait une position straté- gique, juste à l’entrée du secteur où demeuraient les moines et à proximité immédiate des cuisines. En prenant un peu d’altitude, on découvre que ce kuti était situé exactement au centre géométrique du ter- rain originel du temple. Entouré de diverses variétés de plantes aromatiques, l’endroit avait une senteur bien à lui. De forme carrée, le kuti était construit en béton et sobrement peint en blanc. Jusque dans les années 1990, Khun Yay utilisa exclusivement ce kuti. Plus tard, elle continua d’y dormir mais passa ses journées dans le petit bureau du temple, situé de l’autre côté de la route. 96 Cariyāpiṭaka (S/KHU XIII/3/conclusion) 143 www.kalyanamitra.org
Dans sa minuscule habitation, le lit spartiate de Khun Yay était proche du mur. Le cadre, métallique, était complété par un mince sommier en bois ; elle dormait sur un fin matelas97 couvert d’un simple drap blanc. Le lit était si bas qu’une fois allongée elle pouvait poser ses pieds à plat sur le sol. L’espace autour du lit permettait tout juste d’y circuler. Il n’y avait bien évi- demment pas l’air conditionné. Et la lumière électri- que ne provenait que d’une petite ampoule placée au dessus de la porte. La pièce était par conséquent très sombre, à peine éclairée par les lumières extérieures ; elle ne pouvait donc qu’être dédiée au repos et à la méditation. Pour chaque activité quotidienne, Khun Yay respec- tait une stricte discipline. Elle prenait grand soin de tout ce qu’elle utilisait. Elle faisait en particulier très attention lorsqu’elle consommait de l’eau, essayant d’en économiser le plus possible. Lorsqu’elle lavait doucement son visage et sa bouche, pas une goutte d’eau ne s’échappait de la cuvette, qu’elle laissait toujours propre et brillante. Khun Yay restait incroyablement active et pleine de santé. Bien qu’entrant dans sa quatre-vingt-troisième année, elle paraissait si énergique, si fraîche, si en- thousiaste ! Même fatiguée, jamais elle ne faisait de sieste durant la journée. La tranquillité et le silence, elle les retrouvait lorsqu’elle méditait. Si un bruit sur- venait, elle se contentait d’ouvrir les yeux et de s’enquérir de sa cause. 97 Cf. « Sīla » dans le glossaire. 144 www.kalyanamitra.org
Par principe, elle s’efforçait de tout faire elle-même. Elle ne voulait pas être aidée dans ses tâches quoti- diennes afin de ne pas risquer d’être une charge pour les autres. Ceux qui parvenaient néanmoins à l’aider sentaient l’ampleur de sa gratitude, une gratitude qu’elle exprimait du regard ou avec quelques mots simples. Même lorsqu’on lui servait un simple verre d’eau, elle disait : « sādhu ! »98. Khun Yay hésitait toujours à déranger quelqu’un. Lorsqu’elle se rendait dans une maison, elle chuchotait à son aide principale, Khun Aripan Trisanusorn : « est-ce que nous les dé- rangeons ? ». Et Aripan répondait : « non, ils appré- cient votre visite car elle leur confère du mérite. » Les quelques affaires de Khun Yay, étaient toujours parfaitement rangées, en piles régulières. Même lors- qu’elle se déplaçait en portant une pile de petits tapis de méditation, elle prenait toujours le temps de les arranger de telle façon que leurs bords soient bien parallèles. Tout ce qu’utilisait Khun Yay devait être rangé et maintenu en parfait état. Derrière le kuti de Khun Yay se trouvait une descente d’eau permettant de recueillir la pluie dans une grande jarre de terre, coiffée d’un couvercle en aluminium. Ce couvercle aurait dû être plat mais, usagé, il avait en son centre un creux dans lequel une flaque se for- mait inévitablement. Chaque fois qu’elle passait à côté, Khun Yay pensait à ôter l’eau du couvercle99. Jamais elle ne négligeait ces petits détails quotidiens. 98 Exclamation d’approbation en pāli : « bien !» 99 L’eau stagnante, sous ces climats, favorise la prolifération des larves de moustiques. 145 www.kalyanamitra.org
Bien évidemment, le penchant de Khun Yay pour l’ordre ne s’arrêtait pas à ses affaires personnelles. Elle enseignait aux volontaires que la discipline commence par l’alignement soigneux des chaussures sur les marches du pavillon, par le rangement des ba- lais et des brosses sur leurs râteliers, par l’accrochage méticuleux du linge, même s’il s’agissait de torchons en lambeaux. Elle expliqua un jour au Vénérable Dat- tajivo : « notre temple a toujours des progrès à faire en matière de propreté. Lorsque les fidèles viennent visiter notre temple, surtout le dimanche, il faut qu’ils y recueillent le maximum d’impressions positives, des impressions qu’ils pourront ainsi rapporter chez eux. La plupart des moines sont récemment ordonnés et n’ont donc pas beaucoup de choses à enseigner à la communauté des fidèles. En revanche, s’ils sont atten- tifs aux moindres détails, ils peuvent contribuer à for- ger une bonne impression de notre congrégation en offrant l’image d’un temple pur. Les moines doivent être convaincus qu’ils sont l’exemple le plus motivant pour méditer. Tout doit donc être parfaitement rangé dans le temple, à commencer par les chaussures des visiteurs. Si les chaussures sont en désordre, les ba- lais, les serpillères et les poubelles suivront. Un tel environnement ne peut favoriser la méditation, surtout pour les nouveaux pratiquants : cela leur prend une heure pour commencer à stabiliser leur esprit ; si, lorsqu’ils ouvrent un œil, c’est pour contempler du désordre, ils perdent immédiatement tout le bénéfice de leur méditation. Si tous sont attentifs à ces détails, leur esprit pourra rester serein durant leur passage au temple. Leur esprit pourra se placer paisiblement au 146 www.kalyanamitra.org
centre de leur corps. J’ai déjà expérimenté tout cela parce que telle est la nature de l’esprit. Même si ceux qui viennent visiter notre temple n’ont pas l’occasion d’y écouter un sermon, ils pourront au moins retour- ner chez eux avec la tranquillité d’esprit et l’exemple qu’aura inspiré un temple bien entretenu. » Le Wat Phra Dhammakāya a pu prospérer jusqu’à nos jours parce que Khun Yay et les pionniers du temple ont su voir toute la valeur de l’ordre ; cela se traduit par le fait que, bien des années après, les nouveaux visiteurs du temple accomplissent sans se sentir contraints nombre de gestes simples, comme celui de ranger correctement leurs chaussures : des panneaux désignent l’emplacement où les ranger ; des petits symboles indiquent la position dans laquelle elles doivent être rangées ; des volontaires présents peuvent répondre à toute demande. Une fois leur signification et leur utilité bien compri- ses, les règles du temple n’eurent plus besoin d’être écrites ; elles firent partie intégrante de la culture du temple. Bien des personnes arrogantes sont encore aujourd’hui ramenées à plus d’humilité à la simple vue d’une ligne impeccable de chaussures laissées là par un groupe de fidèles venus participer aux récita- tions rituelles du matin. Même dans ses dernières années, le pro- gramme quotidien de Khun Yay demeura inchangé : de 4 h à 6 h du matin, elle méditait seule. Dès que le jour pointait, elle rangeait ses affaires. A 6 h 30, son assistante, Khun Aripan, lui apportait son petit déjeu- ner dans son kuti. Après le petit déjeuner, Khun Yay mettait un petit bonnet de laine blanc et une écharpe, 147 www.kalyanamitra.org
des chaussettes chaudes et des chaussures et partait inspecter le temple. Pour ce faire, une assistante ve- nait la chercher en rickshaw ; Khun Aripan l’aidait à s’y installer. Le soleil n’étant pas trop intense en ce début de matinée, elle se rendait tout d’abord à l’extrémité est du wat ; elle revenait ensuite vers le centre du temple, plus ombragé. L’assistante qui conduisait le rickshaw pédalait à une allure très modé- rée. Sur sa route, le tricycle passait devant le pavillon Tāvatiṃsa, franchissait le pont de béton, longeait la tour de la cloche et franchissait le second pont avant d’atteindre la butte des pterocarpus100. Les arbres pte- rocarpus rendaient les alentours denses et ombragés. Khun Yay trouvait toujours beaucoup de mauvaises herbes à cet endroit ; elle demandait donc à l’assistante d’arrêter le tricycle afin qu’elle puisse des- 100 Nern pradou 148 www.kalyanamitra.org
cendre pour désherber. Devenue très âgée, il lui fut impossible d’effectuer elle-même cette tâche ; elle dut se contenter de regarder, depuis son siège, son assis- tante procéder au nettoyage du jardin. Son zèle non affecté par l’âge, même habillée de vêtements chauds, Khun Yay ne pouvait s’empêcher de faire stopper son petit véhicule pour prendre soin d’une jeune pousse. Elle demandait des sacs plastiques à la cuisine en ex- pliquant : « les petites pousses sont appétissantes ; si on les laisse telles quelles, les poules viendront picorer leurs bourgeons. Il est préférable que je les replante et que je les protège. Notre temple a encore besoin de beaucoup d’autres arbres. » Quittant la butte des pterocarpus, elle se dirigeait vers l’étincelante porte principale du temple. La porte était très classique ; sa surface luisante était aveuglante dans la lumière des matinées brûlantes. Khun Yay, en effet, s’étant plainte de l’état de l’ancienne porte, vieille et rouillée, l’intendant avait récolté les fonds nécessaires à l’achat d’une nouvelle porte en acier inoxydable. Le mur du temple ayant été conçu pour durer plus d’un millier d’années, la nouvelle porte devait durer au moins aussi longtemps ! Passant devant les différents sites et édifices du tem- ple, Khun Yay se rappelait avec reconnaissance les noms de ceux qui avaient contribué à les bâtir. D’un bout à l’autre du temple, elle était capable de se rap- peler les noms de chaque donateur. Quittant la porte du temple, elle se dirigeait vers le bâtiment d’accueil, alors en marbre, et vers le grand hall Cātumahārājika où les ouvriers s’assemblaient pour les récitations matinales. Un moine contremaître 149 www.kalyanamitra.org
assistait aux récitations, cochant ensuite les noms de ceux qui allaient participer aux travaux et supervisant ceux qui balayaient et nettoyaient. Des ouvriers sa- luaient Khun Yay en joignant leurs mains ; elle leur rendait leur salut et s’arrêtait fréquemment pour leur donner conseils et avis. Elle leur enseignait comment préserver la propreté et l’ordre du temple. Elle leur montrait comment balayer correctement les feuilles mortes et leur rappelait de bien ranger à la bonne pla- ce, après usage, les outils du temple. Khun Yay mettait un point d’honneur à enseigner la vertu non seulement à la communauté des fidèles mais également aux manœuvres venant travailler dans le temple. Elle ne prenait pas de haut les ouvriers ; elle ne voyait pas en eux que de simples personnes louant chaque jour leurs bras au temple ; elle voulait leur enseigner autant que la situation le permettait, afin qu’ils puissent emporter avec eux, pour leurs vies à venir, le petit pécule de mérites ainsi acquis. Ceci explique l’immensité du respect que les ouvriers et ouvrières du temple avaient pour Khun Yay. Certains échanges, recueillis par témoignage, illus- trent bien cet enseignement permanent : « Ma chère fille, à quoi penses-tu quand tu plantes cet arbre ? » « J’espère que cet arbre ne mourra pas afin de ne pas m’attirer les foudres du Vénérable… » « Et toi, à quoi penses-tu ? » « J’espère que cet arbre grandira vite afin de ne pas à avoir à en replanter un autre… » « Et toi ? » 150 www.kalyanamitra.org
« Moi, j’espère que l’arbre ne mourra pas et permet- tra aux passants de se reposer sous son feuillage… » La quatrième réponse était celle qu’attendait Khun Yay : « j’espère que tous ceux qui s’assiéront au pied de cet arbre que j’ai planté méditeront suffisamment bien pour percevoir clairement et rapidement Dham- makāya en eux-mêmes… » « Ah ! Voilà le genre de souhaits que tous devraient faire ! Tu déploies la même énergie que les autres mais tu acquiers bien plus de mérites qu’eux ! » Ce que Khun Yay enseignait ainsi aux ouvriers est bien évidemment valable pour tous ceux qui sont à la recherche de la perfection : quelle que soit la tâche que l’on accomplit, il faut maintenir son esprit dans un état profitable (kusala) et éviter tout état d’esprit non profitable (akusala). Khun Yay saluait tout le monde avec la même atten- tion, même les gardes chargés de la sécurité au pour- tour du temple ; elle demandait parfois : « avons-nous pensé à leur apporter des en-cas ? » En général, dans notre société, les ouvriers reçoivent peu d’attention de leurs employeurs. Parce que Khun Yay les considérait comme des membres à part entière de la communauté, même si elle ne pouvait s’occuper de chacun d’eux personnellement, elle s’enquérait d’eux auprès des moines responsables du service de la construction et de la maintenance, comme le Vénérable Jhānabhlñño. Puis, le rickshaw conduisait Khun Yay vers le secteur de résidence des moines dont l’entrée est en principe interdite à toute personne extérieure. A cet endroit, on trouvait une vingtaine de petits kuti. Ces kuti étaient de solides constructions, conçues pour n’abriter qu’un 151 www.kalyanamitra.org
seul moine enseignant. De fait, les principaux habi- tants du lieu étaient les moines les plus anciens, les pionniers du temple. Chaque kuti était relié à la route par un petit chemin. Quittant l’emplacement des kuti, Khun Yay se diri- geait vers l’atelier de méditation101 ; puis, continuant sa route, elle rejoignait le bâtiment Purohita102 qui abritait les bureaux du temple. Khun Yay adorait ces tournées d’inspection à rick- shaw. En tant que fondatrice du temple, tout ce qu’elle voyait lui rappelait le grand dévouement et l’effort exceptionnel dont elle avait fait preuve dans le seul but d’élever la vie de chacun vers le Dhamma. Lorsque Khun Yay constatait quelque chose d’anormal, elle y consacrait beaucoup de temps et d’énergie. Et elle s’efforçait de convaincre les autres de faire de même. Elle était particulièrement fière d’être parvenue à prendre un si grand soin de la pro- priété du temple, l’héritage du Bouddha, de telle sorte que les nouvelles générations de fidèles pourraient en bénéficier pleinement. Elle avait coutume de dire : « Quoi que nous ayons fait, nous devons en prendre soin et en assurer la continuité. Il est indispensable d’avoir un gardien : j’ai commencé à bâtir ce temple ; je dois maintenant en assurer la maintenance pour le préserver. J’ai tout fait ici. Dans le futur, lorsque le Vénérable et moi aurons disparu, ce sera bien évi- demment aux nouvelles générations de continuer à prendre grand soin de ce lieu. » 101 Akarn bhavana 102 Purohita désigne, en pāli, un religieux conseillant le roi. 152 www.kalyanamitra.org
Search
Read the Text Version
- 1
- 2
- 3
- 4
- 5
- 6
- 7
- 8
- 9
- 10
- 11
- 12
- 13
- 14
- 15
- 16
- 17
- 18
- 19
- 20
- 21
- 22
- 23
- 24
- 25
- 26
- 27
- 28
- 29
- 30
- 31
- 32
- 33
- 34
- 35
- 36
- 37
- 38
- 39
- 40
- 41
- 42
- 43
- 44
- 45
- 46
- 47
- 48
- 49
- 50
- 51
- 52
- 53
- 54
- 55
- 56
- 57
- 58
- 59
- 60
- 61
- 62
- 63
- 64
- 65
- 66
- 67
- 68
- 69
- 70
- 71
- 72
- 73
- 74
- 75
- 76
- 77
- 78
- 79
- 80
- 81
- 82
- 83
- 84
- 85
- 86
- 87
- 88
- 89
- 90
- 91
- 92
- 93
- 94
- 95
- 96
- 97
- 98
- 99
- 100
- 101
- 102
- 103
- 104
- 105
- 106
- 107
- 108
- 109
- 110
- 111
- 112
- 113
- 114
- 115
- 116
- 117
- 118
- 119
- 120
- 121
- 122
- 123
- 124
- 125
- 126
- 127
- 128
- 129
- 130
- 131
- 132
- 133
- 134
- 135
- 136
- 137
- 138
- 139
- 140
- 141
- 142
- 143
- 144
- 145
- 146
- 147
- 148
- 149
- 150
- 151
- 152
- 153
- 154
- 155
- 156
- 157
- 158
- 159
- 160
- 161
- 162
- 163
- 164
- 165
- 166
- 167
- 168
- 169
- 170
- 171
- 172
- 173
- 174
- 175
- 176
- 177
- 178
- 179
- 180
- 181
- 182
- 183
- 184
- 185
- 186
- 187
- 188
- 189
- 190
- 191
- 192
- 193
- 194
- 195
- 196
- 197
- 198
- 199
- 200
- 201
- 202
- 203
- 204
- 205
- 206
- 207
- 208
- 209
- 210
- 211
- 212
- 213
- 214
- 215