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Mémoire Novembre 2020 BRUNOIS JULIEN WEB

Published by dev, 2020-08-18 08:53:42

Description: Mémoire Novembre 2020 BRUNOIS JULIEN WEB

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MÉMOIRE PRÉSENTÉ EN VUE DE L’OBTENTION↛ DU DIPLÔME D’EXPERT-COMPTABLE — L’ACCOMPAGNEMENT PAR L’EXPERT-COMPTABLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DANS LA VIE D’UNE MANIFESTATION CULTURELLE : ↛APPLICATION DANS UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC EXPLOITANT UN FESTIVAL DE MUSIQUES ACTUELLES Julien BRUNOIS Session 18 rue des Moulins NOVEMBRE 2020 51100 REIMS

SOMMAIRE SOMMAIRE ................................................................................................................................1 LISTE DES ABREVIATIONS ...........................................................................................................2 TABLE DES FIGURES ET OUTILS ...................................................................................................3 NOTE DE SYNTHESE....................................................................................................................4 INTRODUCTION .........................................................................................................................6 PARTIE 1 : PERMETTRE A LA COLLECTIVITE TERRITORIALE DE DEVENIR ACTEUR DE SON FESTIVAL ....................................................................................................................................8 CHAPITRE 1 : LE PAYSAGE DES FESTIVALS ET LE POSITIONNEMENT DES COLLECTIVITES TERRITORIALES .................................................................................................................................. 9 CHAPITRE 2 : PANORAMA DES MODES DE GESTION DISPONIBLES : MISE EN EVIDENCE DES POINTS DE VIGILANCE PAR L'EXPERT-COMPTABLE.........................................................................18 CHAPITRE 3 : CADRE JURIDIQUE ET NOTIONS SPECIFIQUES ESSENTIELLES POUR LA COLLECTIVITE TERRITORIALE ET L’EXPERT-COMPTABLE ........................................................................................34 PARTIE 2 : L’ACCOMPAGNEMENT DU PROFESSIONNEL DE L’EXPERTISE COMPTABLE DANS CHAQUE PHASE DE VIE DU FESTIVAL GERE DANS UN ETABLISSEMENT PUBLIC .........................56 CHAPITRE 1 : LA PHASE DE LANCEMENT DU PROJET ET L’ECLAIRAGE DES RISQUES D’EXPLOITATION .............................................................................................................................57 CHAPITRE 2 : LA PHASE BUDGETAIRE, OPTIMISATION ET GESTION DU FESTIVAL..........................76 CHAPITRE 3 : LA PHASE DE CONTROLE ET D’ANALYSE DE L’EDITION REALISEE ..............................97 CONCLUSION .........................................................................................................................108 BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................... 110 ANNEXES ...............................................................................................................................116 TABLE DES MATIERES CROISEE ...............................................................................................118 TABLE DES MATIERES.............................................................................................................187 1

LISTE DES ABREVIATIONS BOAMP : Bulletin officiel des annonces de marchés publics CAO : Commission d’appel d’offres CGCT : Code général des collectivités territoriales CNM : Centre national de la musique CNV : Centre national de la chanson et des variétés et du jazz CSOEC : Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables DFT : Dépôts de fonds au trésor DRAC : Direction régionale des Affaires culturelles EPA : Etablissement public administratif EPIC : Etablissement public industriel et commercial EPL : Entreprise publique locale ou Etablissement public local ERP : Etablissement recevant du public IRMA : Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles JAL : Journal d’annonce légal JOUE : Journal officiel de l'union européenne MAPA : Marché à procédure adaptée SACEM : Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique SCIC : Société coopérative d’intérêt collectif SEM : Société d’économie mixte SMA : Syndicat des musiques actuelles SPL : Société publique locale SRAS : Syndrome respiratoire aigu sévère TVA : Taxe sur la valeur ajoutée URSSAF : Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales 2

TABLE DES FIGURES ET OUTILS Figures : Figure 1 - Seuils de procédures et de publicités à partir de 2020.........................47 Figure 2 - Durée de la mission...............................................................................55 Figure 3 - Catégories et types d'établissements recevant du public.....................63 Figure 4 - Extrait de l'outil d'analyse fiscale de l'activité en annexe 19................79 Figure 5 - Calcul des unités de passage en intérieur.............................................86 Figure 6 - Calcul de la jauge d'une salle de spectacle ...........................................86 Figure 7 - Famille de dépenses .............................................................................95 Figure 8 - Tableau récapitulatif sur l’attribution des marchés..............................96 Outils disponibles : Outil 1 - Choix du mode de gestion.......................................................................38 Outil 2 - Rétroplanning..........................................................................................61 Outil 3 - Analyse fiscale du festival .......................................................................80 Outil 4 - Analyse des subventions .........................................................................81 Outil 5 - Calcul du coefficient de taxation.............................................................83 Outil 6 - Calcul du rapport d'assujettissement......................................................84 Outil 7 - Budget prévisionnel du festival...............................................................90 Outil 8 - Outil comparatif du budget prévisionnel versus réalisé .......................104 3

NOTE DE SYNTHESE L’engouement du public pour les festivals de musiques actuelles ne cesse chaque année de progresser, il est encouragé par une offre d’événements qui s’étoffe de plus en plus. Ces festivals, vecteurs de dynamisation, renforcent le tissu économique et social des territoires qui les accueillent. Quand bien même leur organisation serait déléguée à une structure indépendante - quel que soit le niveau de délégation retenu - la tenue d’un festival sur le territoire de la collectivité impose, à un moment ou à un autre, l’intervention directe de celle-ci. Ainsi, cette collectivité territoriale peut, si elle le souhaite, devenir acteur de son propre festival. Pour atteindre cet objectif, elle sera guidée par le professionnel de l’expertise comptable qui prendra le rôle de chef d’orchestre. Il devra se positionner en amont du projet, apporter ses conseils et mettre à disposition ses compétences pour que ce festival puisse devenir un événement de renommée sur le territoire. Destiné à l’expert-comptable, ce mémoire a un double objectif : o permettre d’accompagner la collectivité territoriale afin de sélectionner un mode de gestion pertinent et efficace, comprendre le cadre juridique et les spécificités de fonctionnement d’un établissement public ; o apporter des outils de pilotage spécifiques au secteur, pouvoir conseiller la collectivité territoriale dans sa gestion de l’édition et l’éclairer sur les zones de risques liées à son exploitation. Dans cet objectif, la première partie présente le panorama actuel des festivals en France ainsi que celui des enjeux pour les collectivités territoriales. Elle expose les outils d’action économique dont dispose une collectivité et permet de sélectionner le mode de gestion le plus adapté. Elle met également l’accent sur les spécificités de fonctionnement et de gestion d’un établissement public industriel et commercial. 4

La deuxième partie est consacrée à la gestion du festival en trois phases avec : o le lancement du projet ; o la gestion budgétaire du festival ; o l’analyse de l’édition réalisée. On retrouve dans chaque phase des outils d’organisation, de prévision, d’éclairage et de prise de décision, afin de permettre, au professionnel de l’expertise comptable, d’accompagner à chaque instant l’établissement public. Afin de rendre ce mémoire le plus fonctionnel possible, il est proposé, pour chaque outil, une notice vidéo disponible via un code QR1 en complément de sa notice annexe. Le lecteur dispose également de l’intégralité du mémoire et surtout de son contenu sur le site internet www.julien-brunois.fr. L’outil de simulation et de gestion budgétaire couplé à l’outil d’analyse des résultats réalisés favorisera grandement les projections économiques du professionnel de l’expertise comptable. Le secteur du festival est un monde en perpétuelle mutation. De la grève des intermittents du spectacle en 2003 contre la nouvelle convention d’assurance- chômage, jusqu’à la pandémie mondiale de cette année 2020, en passant par les coupes budgétaires franches pratiquées par les collectivités locales en 2014 à la suite des élections municipales, nous avons assisté à une solidarité remarquable au sein des acteurs du secteur. Producteurs, diffuseurs et artistes ont chacun apporté leur contribution afin de préserver le devenir de nos festivals en France. Cette prise de conscience collective laissera forcément des traces et forcera les événements à trouver de nouveaux modèles de festival. 1 QR (abréviation de l'anglais Quick Response) signifie que le contenu du code peut être décodé rapidement après avoir été lu par un lecteur de code-barres, un téléphone mobile, un smartphone, ou encore une webcam. 5

INTRODUCTION 7,5 millions de festivaliers, 12 % des français en festival et 5 % de festivaliers supplémentaires par rapport à l’année 2018, voici le constat du secteur des festivals en 2019 selon le site « Tous les festivals » qui réalise depuis quatre années le bilan de la centaine de festivals français attirant plus de 15 000 personnes. Un tel enthousiasme pour ces festivals doit être analysé pour mieux comprendre l’importance de ces événements sur le territoire. Yves Schwarzbach2, lors d’un entretien dans le cadre de ce mémoire, propose une première illustration : « Il est tellement plus mobilisateur et transgressif de traverser des bois ou des banlieues inconnues avec des coordonnées GPS plus ou moins exactes, que de prendre son billet sur internet et de faire la queue entre des barrières Vauban... Le live dans un festival n'est alors qu'un des aspects d'une expérience plus globale ». Pour éclairer cette citation, le festival doit être défini et les approches divergent selon le ministère de la culture et les auteurs. L’un le définit comme « une manifestation où la référence à la fête, aux réjouissances éphémères, événementielles et renouvelées s’inscrivant dans la triple unité de temps, de lieu et d’action ». Cette définition est tout à fait valable mais n’est pas la même selon Bénédicte DUMEIGE ancienne directrice de France Festival qui le définit dans un article des Echos paru en juin 2017 : « Les festivals sont festifs, intergénérationnels et répondent au besoin de communion des gens. Ils représentent, en quelque sorte, des parenthèses enchantées ». En résumé, cette « fête estivale » majoritairement, est un conglomérat de plusieurs définitions, notions et d’émotions où chacun peut se retrouver et s’identifier. Même si le festival est à l’origine une manifestation centrée sur la musique, le terme désigne également aujourd’hui des événements portant sur d’autres formes d’art comme la danse, le cinéma ou le théâtre. Ce mémoire se concentrera uniquement sur les festivals de musiques actuelles, 2 Directeur de publication ITeM info. Auteur, économiste et sociologue. Co-auteurs du livre « Modes de gestion d'un équipement culturel - Les bonnes questions, les bons réflexes » 6

cette notion récente a été utilisée par nos politiques dans les années 90 avec notamment la création du centre d’Information et de Ressource pour les Musiques Actuelles (IRMA). Par simplification, il est possible de regrouper l’ensemble des styles musicaux de la fin du XXe siècle et début du XXIe siècle en quatre grandes familles à savoir : le jazz, les musiques amplifiées, la musique traditionnelle (accompagnée d’instruments modernes électriques) et la chanson. Chaque année, la tenue de ces festivals sur le territoire développe et renforce le tissu économique et social des collectivités territoriales ce qui dynamise leur territoire. Mais la réalisation de ce type de manifestation impose nécessairement, à un moment ou un autre, l’intervention directe de celle-ci ce qui peut entraîner, chez certaines d’entre elles, l’envie de devenir acteur de son propre festival. Pour envisager l’expérience festival, la collectivité territoriale sera amenée, dès la genèse du projet, à étudier soigneusement son mode de gestion pour lui permettre d’exister juridiquement et d’engager le projet. Cet événement culturel peut également être porté par une structure existante au sein de la collectivité. Un accompagnement dans les démarches juridiques, techniques, fiscales et sociales sera plus que recommandé afin de ne pas faillir dans la réalisation de cette manifestation. Le plan du mémoire découle directement des objectifs exposés précédemment et s’articule en deux parties : La première partie apporte à l’expert-comptable les informations indispensables pour accompagner la collectivité territoriale dans la sélection d’un mode de gestion pertinent, efficace et robuste. La seconde est un guide pratique dans chaque phase de vie du festival pour permettre au professionnel de l’expertise comptable de disposer d’outils de pilotage spécifiques au secteur, de supports techniques afin qu’il puisse conseiller la collectivité territoriale dans sa gestion de l’édition et pouvoir l’éclairer sur les zones de risques liées à l’exploitation d’un festival. 7

Partie 1 : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival 8

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales Cette première partie a pour objectif de permettre à la collectivité territoriale de se donner les moyens d’agir elle-même sur son territoire en réalisant son propre festival de musiques actuelles. Après avoir dressé un état des lieux du secteur des festivals en France, ce mémoire propose un panorama des outils d’actions économiques dont dispose la collectivité pour réaliser son festival. Il sera ensuite abordé les notions spécifiques essentielles que le professionnel de l’expertise comptable doit maîtriser pour accompagner la collectivité territoriale dans la construction et la réalisation de son projet. Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales Devant la crise sanitaire provoquée par la pandémie de la Covid-19, l’année 2020 est une année blanche dans le secteur festivalier. Cette pause musicale va naturellement impacter de façon significative le paysage de ces festivals dans les prochaines années. Section 1 : Les festivals et l’évolution du secteur de la culture 1. Le secteur de la culture impacté par la crise sanitaire de la COVID-19 Le secteur de la culture regroupe plusieurs branches culturelles allant de la production audiovisuelle au spectacle vivant, du livre à la presse jusqu’aux agences de publicité. Son poids économique représente 47,5 milliards d’euros en 20173. Il atteint celui de l’industrie agro-alimentaire et dépasse même de plus d’une fois et demie le secteur de l’industrie automobile. 3 Etude du poids économique direct de la culture en 2017. Réalisé par Laure Turner, économiste au département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la Culture, en mai 2019. 9

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales Si nous allons un peu plus en détail, la branche du spectacle vivant connaît un développement significatif puisque sa part dans le secteur culturel est 2,8 fois plus importante en 2016 que dans les années 2000. L’arrivée de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de la Covid-19 est venue stopper ce développement. A la date de la rédaction de ce mémoire, il existe encore peu d’études sur l’impact économique dans le secteur culturel. Mais le constat immédiat est certain : cette crise a ébranlé les fondements du secteur, fragilisant un édifice qu’il s’agira de reconstruire. Selon Emmanuel Négrier, dans un entretien sur France Culture en mai 2020, « La crise du coronavirus ne pouvait pas tomber plus mal pour les festivals français ». Ce chercheur du CNRS4 estime la perte économique et sociale entre 2,3 et 2,6 milliards d’euros au minimum. Dans cette perte économique, le chercheur distingue deux niveaux de retombées économiques négatives : ♪ les pertes directes, liées à l’annulation des dépenses du festival ; ♪ les pertes indirectes, qui se traduisent par l’absence de dépenses des festivaliers, évaluées selon l’enquête SoFest5 initiée par France Festivals à 53 euros en moyenne par jour ; Cet impact économique va nécessairement modifier le paysage des festivals, certains ne survivront pas à cette crise, ce qui entraînera sans aucun doute l’émergence de nouveaux projets et de nouveaux modèles économiques. 2. La cartographie et l’évolution des festivals à ce jour Barofest réalisée par le CNV6, l’Irma et la Sacem sur les années 2014 à 2016 est une des nombreuses études présentant les caractéristiques des festivals en 4 Centre national de la recherche scientifique 5 Etude SoFest, initiée et coordonnée par France Festivals qui est le réseau le plus important de festivals de musique et du spectacle vivant en France. 6 Centre national de la chanson et des variétés et du jazz 10

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales France. Mais la plus exhaustive est celle de Serge Kancel7 qui présente en juin 2020, 3 136 événements. Cependant cette dernière base proposée semble être encore sous-estimée selon les professionnels du secteur8 qui évaluent au double soit près de 6 000 événements. Selon un sondage effectué, 70 % d’entre eux sont exploités sous une forme associative, 15 % sous une forme privée et 15 % sous une forme publique9. L’évolution du nombre de représentations, en augmentation depuis ces 30 dernières années, traduit une réelle mutation du secteur musical. On assiste alors à une « festivalisation10 » de la culture en France avec un nombre de festivaliers toujours plus important chaque année. C’est le constat que dresse en 2019 le site « touslesfestivals.com » qui réalise depuis quatre années le bilan des 100 festivals les plus importants en France. Il y a 30 ans, la rémunération d’un artiste était liée à la vente de disques ce qui lui permettait d’avoir une certaine notoriété et de réaliser des tournées. Aujourd’hui ce schéma est complétement modifié avec l’arrivée des plateformes de streaming et des vidéos en ligne. Cette mutation a fortement contribué au développement de nos festivals en France. 3. Le changement du secteur à la suite de l’émergence des grands promoteurs d’événements internationaux La mutation précédemment exposée a fait naître, chez les grands promoteurs d’événements, de nouvelles ambitions pour tenter de conquérir le secteur du festival. 7 Serge Kancel a été nommé en 2018 référent permanent pour les festivals par Madame Françoise Nyssen, ex-ministre de la culture. Etude disponible sur www.culture.gouv.fr 8 Dans sa chronique du 12 juillet 2019, Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde », analyse l’explosion du nombre de festivals dans l’Hexagone, qui est passé en trente ans de 600 à 6 000. 9 Selon le livre d’Emmanuel Negrier, Festivals de musiques, un monde en mutation : une comparaison internationale, éditions Michel de Maule, 2013, page 149. 10 Terme utilisé dans une chronique de Michel Guerrin le 12 juillet 2019, rédacteur en chef au « Monde » 11

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales Le premier objectif est une volonté de pénétration du marché soit par le rachat de festivals existants ou par la création de festivals. Deux exemples en date avec le rachat, en 2018, du festival Garorock11 par le groupe Vivendi ou la création du festival Download (concurrent direct du festival Hellfest12) par la société Live Nation, poids lourd de l’industrie musicale mondiale. Le deuxième objectif est de capter au maximum le budget quotidien du festivalier en étant propriétaire des structures de merchandising, de restauration et de boisson. Le troisième objectif est de verrouiller le marché par l’intermédiaire des contrats d’exclusivité avec les artistes les plus demandés, interdisant aux concurrents les têtes d’affiche. Mais cette stratégie entraîne une hausse indéniable du cachet artistique, de ce fait, il devient très difficile de faire venir en France des artistes internationaux. L’année blanche 2020 n’a pas remis en cause ces objectifs malgré la perte de la moitié de la valorisation boursière de la société Live Nation, plus gros organisateur et tourneur de spectacles au monde. Celle-ci ayant indiqué qu’elle continuera à porter les festivals à l’avenir. 4. Le festival, un modèle fragile qui doit être maîtrisé La hausse des cachets artistiques évoquée supra a plus que doublé et atteint désormais des records avec plus d’un million d’euros pour les plus belles têtes d’affiche. Pour l’édition 2020 (avant d’être finalement reportée en 2021) les Vieilles Charrues, le plus populaire des festivals de musique en France avec 220 000 entrées payantes devait accueillir Céline Dion pour une somme toujours 11 Garorock est un festival de musique pop, rock, électro et techno qui a lieu à Marmande. 12 Le Hellfest, également appelé Hellfest Summer Open Air, est un festival associatif de musique français spécialisé dans les musiques extrêmes, annuellement organisé au mois de juin à Clisson en Loire-Atlantique. Sa forte fréquentation le fait figurer parmi les plus importants festivals de musique français. 12

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales confidentielle, mais qui selon son directeur Jérôme Tréhorel serait le plus gros cachet de son histoire. Selon les structures, la dépense artistique représente entre 30 % et 40 % du budget global, soit près de 4 500 000 euros pour les Vieilles Charrues et qui représente 30 % du budget. Pour compenser cette envolée lyrique, Il convient d’augmenter sensiblement le montant des recettes. Même bien préparé avec un fort soutien des collectivités publiques, des mécènes, des partenaires fidèles et des tarifs de billetteries aux conditions normales de marché, un festival peut voir sa fréquentation dégringoler. Outre la programmation hasardeuse, une simple erreur dans la sélection des dates (vacances scolaires, événements sportifs…) ou tout simplement une météo capricieuse les jours de l’édition peuvent venir naturellement diminuer l’engouement des festivaliers. Compte tenu de tous ces éléments, l’équilibre économique est délicat à obtenir. Une recherche naturelle de réduction de coût peut être envisagée mais la variable d’ajustement à maximiser reste le nombre de festivaliers. En effet, le seuil de rentabilité dénommé break13 au sein des activités de spectacle est bien souvent trop élevé, Il n’est pas rare de rencontrer des points d’équilibre proches des 95 % sur chaque édition pour qu’un festival puisse être rentable. Section 2 : Le positionnement des collectivités territoriales et de l’expert- comptable 1. L’impossibilité pour les collectivités territoriales d’être déliées d’un festival organisé sur son territoire Quel que soit le niveau de délégation choisi par la collectivité, la tenue d’un festival sur son territoire va imposer une intervention directe de celle-ci. De plus la réalisation de ces manifestations va nécessiter des autorisations délivrées par les collectivités territoriales. C’est le cas par exemple d’une mise à disposition d’un 13 Break pour break even-point 13

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales lieu, de sa police municipale, de ses transports en commun ou bien encore de ses matériels (pour le balisage et la sécurité notamment). Au-delà des moyens techniques, les festivals nécessitent, dans la majorité des cas, une importante levée de fonds publics. Selon les études des professionnels du secteur, ces subsides varient entre 20 % et 30 % du budget global. C’est pourquoi la collectivité devra soutenir financièrement le projet si elle souhaite accueillir ce type d’événement et de le pérenniser sur son territoire. L’effort financier consenti l’implique nécessairement dans le projet ; subventionner un festival est souvent un choix politique fort et la collectivité peut revendiquer ce choix qui, au-delà du projet culturel, devient une véritable vitrine, un bel enjeu de communication externe. Cette richesse en matière d’image peut être confortée par un dynamisme et une attractivité économique forte de son territoire. 2. Les retombées économiques et sociales sur le territoire Les festivals de musiques actuelles et de variétés sont des moteurs du développement de l’économie locale, qui impactent principalement l’économie touristique, en générant des recettes à l’échelle d’un territoire, bien au-delà de la simple billetterie, auprès : ♪ des bars, restaurants et commerces d’alimentation à proximité des lieux de la manifestation ; ♪ de la filière hôtelière et même des habitants de la commune via les plateformes Airbnb par exemple, qui hébergent les festivaliers ; ♪ des opérateurs de transport. Il est difficile de quantifier de façon précise le montant des retombées économiques sur un territoire. Mais Emmanuel Négrier, dans son ouvrage « Festival de musiques, un monde en mutation », estime que « pour un euro de subvention perçue, un festival français génère sept euros de retombées économiques ». 14

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales Ce rapport peut néanmoins varier si, par exemple, le festival ne propose pas de camping. Mais cependant, dans le cas du festival « Cabaret Vert » situé dans le département des Ardennes, et selon une étude parue en 2013, la Chambre de Commerce et d’Industrie évalue à 3,45 millions d’euros l’ensemble des retombées économiques sur le territoire pour 256 000 euros de fonds publics14 soit 1 pour 13. Malheureusement, pour ce territoire, l’année blanche 2020 va entraîner de lourdes pertes économiques pour les habitants et professionnels locaux. 3. Opportunités et enjeux pour les collectivités territoriales L’organisation d’un festival par une collectivité, compte tenu des moyens engagés implique une volonté politique forte. La proximité entre le politique et le festival est naturelle. Il arrive même parfois que ces événements soient des tremplins politiques comme pour les fondateurs des Vieilles Charrues, du Paléo Festival et du Dour Festival élus maires après avoir placé leurs communes respectives sur la carte des sites culturels qui comptent ! Cette implication publique étant définie, la collectivité qui souhaite propulser un festival de musique va se retrouver face à trois possibilités : ♪ soit elle réalise le festival en interne, en faisant porter le projet par ses équipes, ou bien par une structure publique nouvelle ou existante ; Cela permet un pilotage politique et administratif maîtrisé qui mobilisera des ressources internes plus importantes ; ♪ soit elle décide d’externaliser le projet via une association avec deux inconvénients majeurs : une éventuelle fragilité financière et une instabilité potentielle de gouvernance malgré sa participation aux conseils d’administration. 14 Le budget total du festival était de 2,74 M€ 15

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales ♪ soit elle laisse œuvrer une société privée au risque de constater quelques divergences d’intérêts. En effet, ces sociétés privilégient souvent une vision commerciale au détriment des découvertes culturelles. De plus, cette dernière possibilité éloignera d’autant plus la collectivité de la gestion du projet. Le choix du portage du projet peut se révéler ardu et chaque piste devra être soigneusement étudiée bien en amont de la décision finale. Un projet comme le festival demande du temps et de la réflexion. Le dernier naufrage en date d’un festival mort-né est arrivé en 2019 dans une commune de Seine-et-Marne. L'association, trop ambitieuse, avait la charge d'organiser le festival Val de Rock mais l’a annulé le 25 juin, soit trois jours avant son lancement. Il s’en est suivi un dépôt de bilan. Cet échec a bien évidemment entraîné de lourdes conséquences économiques pour les acteurs du projet mais a également dégradé l’image de l’intercommunalité qui était partenaire. 4. Compétences disponibles et opportunités de nouveaux marchés pour l’expert-comptable Dès 2017, pour faire suite à un appel à candidatures, 25 collectivités territoriales ont décidé de participer à une expérimentation visant à certifier la régularité et la sincérité de leurs comptes. Les premières certifications par les commissaires aux comptes seront réalisées au cours de l’exercice 2020. Les collectivités se rapprocheront naturellement des experts-comptables pour bénéficier, comme évoqué lors du webinaire15 du CSOEC, de leur « qualité comptable » plus que démontrée dans le secteur privé. C’est une nouvelle opportunité pour la profession d’entrer dans le secteur public. 15 Secteur public : Décryptage, enjeux et atouts des experts-comptables, 3 septembre 2019 16

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 1 : Le paysage des festivals et le positionnement des collectivités territoriales Le secteur du festival sera lui aussi soumis à des contraintes de gestions budgétaires et financières, il n’échappera pas à cette tendance de rapprochement. Ces missions de conseils, réalisées par l’expert-comptable doivent permettre d’obtenir à la fois une vision plus rationnelle mais également de pouvoir limiter les risques et d’éviter les mauvais choix de gestion. Compte tenu du contexte de l’année 2020, bon nombre de festivals vont devoir remettre à plat leur budget prévisionnel et vont être également demandeurs de nouvelles sources de financement, ou d’économies. Témoignage de Yves Schwarzbach, directeur de publication ITeM info. Auteur, économiste et sociologue : Pensez-vous que les collectivités locales soient suffisamment accompagnées dans la création d’un festival ? Si oui par quels conseils ? « Un des problèmes majeurs est le manque d'ingénierie croisée artistes/juristes/financière et comptable pour construire un modèle économique viable et robuste. Il me semble que l'assurance d'avoir la collectivité territoriale comme back-up peut conduire à des décisions imprudentes ». L’expert-comptable par ses apports de connaissances techniques et pratiques du secteur privé, est à même de combler le manque du secteur public qui reste demandeur en la matière. Il dispose également d’une connaissance du tissu économique local qui peut lui permettre d’avoir un certain recul sur les charges du festival mais aussi d’envisager de nouvelles sources de financement pour celui-ci. Cependant il n’existe que peu d’experts-comptables investis d’une mission dans les festivals en gestion publique ou semi-publique. C’est le constat d’une enquête interne présentée en annexe 1 qui démontre que seulement deux festivals sur dix font appel à un expert-comptable et que, sur les huit n’y faisant pas appel, la moitié d’entre eux aimerait une analyse financière et/ou une mise en place d’outils analytiques. La profession doit se faire connaître dans ce secteur et mettre en avant ses atouts en la matière. 17

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l'expert-comptable Selon le principe constitutionnel de libre administration16, les collectivités territoriales disposent d’une liberté dans la sélection du mode de gestion pour exploiter leurs services publics. Ce choix passe du recours à un mode de gestion directe, par l’intermédiaire d’une régie, à une gestion déléguée. Section 1 : La gestion d’un festival sous la forme d’une régie : définition des types de régies existants et points de vigilance sur ces modes de gestion de service public Il existe trois formes de gestion directe en régie, avec pour chacune d’entre elles un degré d’autonomie plus au moins marqué : ♪ la régie directe ; ♪ la régie personnalisée dotée de l’autonomie financière ; ♪ la régie personnalisée dotée de l’autonomie financière et de la personnalité juridique (l’établissement public local). L’ensemble de ces modes de gestion ne nécessite pas de mise en concurrence pour l’exploitation du service public. L’organisation du service en régie est encadrée par les articles L.2221-1 et suivants et R.2221-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales. 1. Une gestion limitée par l’exploitation en régie directe La régie directe, également appelée régie simple, est le mode de gestion le plus ancien et c’est également le plus proche de la collectivité territoriale du point de vue de sa gestion. En effet, le terme « direct » indique que le service public est directement pris en charge par la personne publique qui l’a créé. La collectivité assure elle-même la 16 Art. 72 al. 3 de la Constitution 18

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable gestion du service public avec ses propres moyens techniques, humains et financiers. Elle ne dispose ni d’organes spécifiques ni de la personnalité morale. Les opérations effectuées en dépenses et en recettes sont directement enregistrées au budget de la collectivité. Sans personnalité morale, la régie directe est ainsi un service parmi les autres au sein de la collectivité territoriale. Aucune décision formalisée n’est nécessaire du fait de l’absence de structure et de budget propre. Il est fréquent, de retrouver ce mode de gestion dans les bibliothèques, les centres culturels et sportifs ou bien encore dans les conservatoires. Bonne pratique : La régie directe est possible uniquement pour une gestion d’un service public administratif qui sera défini dans le chapitre 3 page 35 Malgré sa simplicité structurelle, le déploiement de ce mode de gestion peut s’avérer beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît et se limite généralement à des festivals de faible envergure. Pour les professionnels de la culture, les inconvénients de la gestion en régie directe sont nombreux et peuvent être un frein au développement du projet. En voici une liste non exhaustive : ♪ une exigence administrative et une absence de souplesse sur les procédures administratives ; ♪ une obligation de la Préfecture de vérifier la conformité des actes pris avec les normes en vigueur ; ♪ l’application des règles de la commande publique ; ♪ l'application des règles du statut de la fonction publique territoriale aux agents embauchés, un régime qui ne correspond pas toujours aux besoins spécifiques normalement assurés par du personnel technique intermittent du spectacle ; 19

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable ♪ L’obligation pour la personnalité publique de disposer de personnel compétent pour lui permettre d’exécuter son activité. Cependant, la régie directe présente tout de même de nombreux avantages pour la collectivité. L’atout majeur de ce mode de gestion réside dans sa proximité de gestion. En effet, un élu désirant porter son projet bénéficiera pleinement de son autorité sur cette régie puisqu’elle est indissociable de la collectivité. De plus, selon le principe d’unité budgétaire, les dépenses du festival liées à sa phase de lancement ainsi qu’aux futures dépenses seront directement intégrées dans le budget global de la collectivité. Enfin, en matière d’organisation et de communication interne, la gestion du projet en régie directe sera facilitée. L’accès à d’autres services de la collectivité comme la sécurité, les espaces verts ou la mise à disposition d’un lieu public sera bien plus fluide. En synthèse, le professionnel de l’expertise comptable devra avertir la collectivité territoriale que l’analyse de la rentabilité du festival sera plus complexe puisqu’elle sera noyée dans un budget global. De plus, ce festival, peu autonome, sera limité dans son développement. 2. Une gestion budgétaire autonome sous la forme d’une régie dotée de l’autonomie financière La régie personnalisée dotée de l’autonomie financière, également appelée « régie autonome », est similaire à la régie directe dans le sens où la collectivité conserve un contrôle absolu sur son exploitation. La subordination du service est maintenue car la régie ne bénéficie pas d’une personnalité morale propre : la personne morale reste la collectivité territoriale. Pour autant, la régie est dite « autonome » car, créée par l’assemblée délibérante17, elle est dotée de statuts qui fixent les règles d’organisation et de 17 Pour une collectivité territoriale c’est le conseil municipal 20

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable fonctionnement. Elle est gérée par un conseil d’exploitation (nommé par l’assemblée délibérante) et un directeur (nommé par le pouvoir exécutif18 sur avis du conseil d’exploitation). Cette autonomie permet à la régie d’effectuer des actes de la vie courante comme signer des contrats, gérer son personnel propre ou encore procéder à l’acquisition de biens. Contrairement à la régie directe, l’assemblée délibérante peut fixer une enveloppe financière (appelée dotation initiale) et mettre à disposition de la régie un budget, dit « annexe » qui constitue une dérogation aux principes d’universalité et d’unité budgétaire. Concrètement, cela permet à la régie de bénéficier d’un budget détaché de celui de la collectivité, ce qui facilite la gestion comptable et permet de suivre précisément le coût réel du service public dont elle a la charge. Cette autonomie est cependant limitée structurellement par une direction à quatre têtes : l’exécutif de la collectivité, l’assemblée délibérante, le conseil d’exploitation et enfin le directeur de la régie. De ce fait, il n’est pas rare d’observer dans la vie de ce type de régie, des divergences d’intérêts entraînant un grippage dans le pilotage du projet, voire même sa suspension. Le directeur de la régie autonome peut avoir le sentiment de ne pas être « libre » dans ses choix et ses idées pour le projet d’un festival. Témoignage de Bérangère JONET, directrice d’un centre socio-culturel exploité en régie autonome : Pouvez-vous citer un exemple de divergence d’intérêt dans la vie de votre régie ? « C’est le cas avec la licence d’entrepreneur du spectacle, qui est souvent détenue par le directeur de la Régie et qui, de fait, est responsable personnellement en cas d’accident sur l’événement. La réalisation d’un festival est donc sous la responsabilité de la personne qui détient cette licence en matière de sécurité sur l’événement. Or c’est le Maire qui conserve le pouvoir exécutif, la responsabilité juridique et qui décide de l’organisation de la manifestation ». 18 Pour une collectivité territoriale c’est le Maire 21

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable 3. Un gage d’indépendance et d’efficacité avec la régie personnalisée dotée de l’autonomie financière et de la personnalité morale : l’établissement public local Ce mode de gestion est souvent présenté sous diverses appellations, ce qui peut, pour un néophyte du secteur public, créer des confusions. Depuis la loi du 12 août 2004, cette régie personnalisée est dénommée « Etablissement Public Local » mais il est encore fréquent de l’appeler par erreur la régie personnalisée. L’abréviation « EPL », pour Etablissement Public Local ne doit pas être confondue avec les Entreprises Publiques Locales qui seront abordées dans la deuxième section de ce chapitre page 26. Enfin, en fonction de la nature du service public exploité, l’EPL peut avoir des dénominations « tronquées » : ♪ EPA : Etablissement Public Administratif ; ♪ EPIC : Etablissement Public Industriel et Commercial. Cette régie personnalisée dotée de l’autonomie financière, mais également de la personnalité juridique représente la forme la plus aboutie et permet, vis à vis des tiers, d’être perçue comme un gage d’indépendance et d’efficacité. Il est fréquent, de retrouver sur le territoire beaucoup d’établissements publics notamment dans les théâtres, les opéras, les salles de concert mais aussi dans d’autres secteurs comme dans le transport de personnes ou même la gestion de nos hôpitaux. Ces établissements publics se sont fortement développés au sein des collectivités territoriales sur ces différents secteurs car ils répondent davantage aux exigences d’indépendance et d’efficacité. Tout comme pour la régie autonome, l’assemblée délibérante est compétente pour créer un EPL. Elle devra, en application de l’article R. 2221-1 du CGCT, fixer le montant de la dotation initiale ainsi que définir les articles statutaires. 22

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable En effet, les statuts doivent déterminer d’une part l’organisation administrative et financière de l’EPL, et d’autre part les règles d’organisation, de fonctionnement et les modalités de gouvernance du conseil d’administration. En application de l’article L. 123-1 du Code de commerce, les établissements publics français à caractère industriel et commercial (« EPIC ») doivent être immatriculés au registre du commerce et des sociétés. Les mentions à déclarer dans la demande d’immatriculation sont énumérées à l’article 17 du décret du 30 mai 1984, et les pièces justificatives à l’annexe VIII (1.1 & 2) de l’arrêté du 9 février 1988. Ces deux articles sont présentés dans ce mémoire en annexe 2 et annexe 3. L’établissement public est pourvu d’un président à la tête d’un conseil d’administration et d’un directeur. Celui-ci, nommé par le conseil d’administration, est un agent de droit public et assume la représentation légale de la régie. Il dirige l’établissement et il veille à ce que les règles générales d’organisation soient conformes à la législation. Le directeur élabore et met en œuvre le projet artistique, conclut les contrats dans les conditions prévues par le conseil d’administration, recrute le personnel, procède à l’acquisition de biens et peut également ester en justice, sous autorisation du conseil d’administration. Le président du conseil d’administration, quant à lui, est nommé parmi les membres du conseil et sur proposition de celui-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle de son mandat d’administrateur, c’est-à-dire à cinq ans19. Il sera compétent pour convoquer le conseil d’administration et arrêter l’ordre du jour. Tout comme la régie autonome, l’établissement public dispose d’un budget annexe et d’une comptabilité autonome. Il est obligatoire que celle-ci réalise le compte administratif de l’établissement (l’équivalent en comptabilité publique du 19 Art. 1er du décret n° 94-582 du 12 juillet 1994 23

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable compte de résultat) et que la trésorerie municipale produise le compte de gestion (document similaire en comptabilité publique au bilan des comptes annuels). Le personnel de l’établissement public est, en fonction du service public exploité, soumis, soit au statut général des fonctionnaires (dans le cas d’un EPL à caractère administratif), soit aux règles du secteur privé (pour un EPL à caractère commercial et industriel). Il n’y a que le statut du directeur de l’établissement public qui dérogera à ce principe puisqu’il sera, dans les deux cas, sous un statut d’agent public. On retrouve dans les EPL, une gestion et une autonomie proches de celle du secteur privé d’autant plus s’ils sont soumis à l’ensemble des impôts commerciaux. Néanmoins, la fiscalisation de l’établissement ne remet pas en cause l’obligation de tenir une comptabilité publique. Cette latitude reste malgré tout bornée car, bien qu’elle bénéficie de l’autonomie financière, il lui sera nécessaire d’obtenir la validation du comptable du trésor public pour tout mouvement de trésorerie. C’est ce que l’on appelle le « mandat », pour réaliser une dépense et le « titre » pour un encaissement. Cette procédure peut être un frein dans la gestion de l’établissement public et devenir une réelle contrainte dans l’exploitation du service si elle est mal anticipée ou maîtrisée. Si la gestion quotidienne de l’établissement public peut présenter quelques lourdeurs, le fait qu’il soit systématiquement l’émanation d’une volonté politique lui permet, dans la construction de projets ambitieux, de bénéficier d’appuis politiques nationaux et locaux20. Ces soutiens politiques permettent un gain de temps pour certaines demandes d’autorisations administratives et apportent une amélioration de la sécurisation financière. Ce mode de gestion et sa proximité avec la collectivité sont un gage de confiance et de garantie vis-à-vis des tiers. 20l’Etat privilégie ces initiatives décentralisées et autonomes au service des citoyens, les préfets et les DRAC étant chargés d’accompagner la construction de ces projets et leur pérennisation. 24

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable Section 2 : La gestion d’un festival sous la forme d’une gestion déléguée : définitions et points de vigilance des types de gestions déléguées Les collectivités territoriales qui souhaitent avoir recours à un tiers pour l’exploitation de leur service public, se tournent obligatoirement vers la gestion déléguée. Celle-ci entraînera la formalisation d’une délégation de service public (DSP). Selon le mode de gestion retenu, les collectivités territoriales disposent de plusieurs options en fonction de leurs besoins : ♪ l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) ♪ l’entreprise publique locale (EPL) ♪ la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) 1. Bénéficier d’un collectif d’acteurs publics sous l’exploitation d’un Etablissement Public de Coopération Culturelle (EPCC) De création récente par la loi n°2002-6 du 4 janvier 2002 modifiée par la loi n°2006-723 du 22 juin 2006, et contrairement à l’établissement public local qui n’est initié que par une seule collectivité publique, l’Etablissement Public de Coopération Culturelle (EPCC) sera obligatoirement constitué de plusieurs collectivités (voire même de l’Etat). Ce mode de gestion a connu un succès rapide depuis sa mise en place ; les collectivités et l’Etat y ont rapidement trouvé un moyen de recentrer et de fusionner des établissements afin de réaliser de substantielles économies d’échelle. Dans son fonctionnement, l’EPCC est identique à celui de l’établissement public local et reste soumis à la comptabilité publique ainsi qu’aux exigences de la commande publique. Cependant la procédure de création est élargie car elle ne peut intervenir qu’à la demande de l’ensemble des collectivités territoriales ou des groupements intéressés, exprimée par des délibérations concordantes de leurs conseils ou de leurs organes délibérants. La création de l’établissement doit être 25

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable arrêtée par le représentant de l’Etat dans la région, ou le département siège de l’établissement. L’avantage du caractère collectif de l’EPCC (la mutualisation des financements publics) est aussi un inconvénient car le processus de création nécessite de mobiliser des administrations de plusieurs collectivités et d’accorder les différents pouvoirs publics. Les prises de décisions ainsi que leurs mises en œuvre peuvent alors être ralenties. 2. Se rapprocher du fonctionnement du secteur privé par le choix de l’Entreprise Publique Locale (EPL) Les EPL (Entreprises Publiques Locales) sont nées de la volonté de l’Etat de décentraliser et d’externaliser la gestion des services publics pour permettre aux collectivités locales d’exercer pleinement leurs compétences. On regroupe sous cette même bannière trois modes de gestion : ♪ la Société Publique Locale (SPL) ; ♪ la Société Publique Locale à Opération unique (SemOp) ; ♪ la Société d’Economie Mixte (SEM). Il s’agit ici de sociétés commerciales qui sont, sauf dérogation, soumises au livre II du code de commerce. La Société Publique Locale (SPL) Avant l’arrivée des SPL, à titre expérimental pour une durée de 5 ans, les SPLA (Société Publique Locale d’Aménagement) ont été créées par la loi du 13 juillet 200621, portant engagement national pour le logement. Le 28 mai 2010, la loi n°2010-559 pour le développement des sociétés publiques locales est venue confirmer le statut des SPL en étendant leurs champs de compétences. Elles revêtent la forme de sociétés anonymes et sont détenues par au moins deux 21 Article 20 de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 26

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable collectivités territoriales ou groupements de collectivités selon l’article L. 1531-1 du CGCT. L’objet social de la SPL doit reprendre l’essentiel des activités que les collectivités actionnaires souhaitent confier à la SPL, dans le respect de l’article précité, à savoir la réalisation des opérations d’aménagement au sens de l’article L. 300-1 [4] du Code de l’urbanisme, des opérations de construction, l’exploitation de services publics à caractère industriel ou commercial et toutes autres activités d’intérêt général. Il est conseillé, comme dans toute société privée, de définir, de manière suffisamment large, l’objet de la société pour éviter de procéder à des modifications futures, tout en veillant à ce que celui-ci corresponde aux compétences détenues par chaque collectivité actionnaire. Depuis la promulgation de la loi n° 2019-463, visant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales, lorsque l'objet des SPL inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l'exercice d'au moins une compétence de chacun des actionnaires, c’est-à-dire que chacun d’entre eux devra détenir une compétence ou partie de compétence de l’objet social. La composition du capital déroge au droit commun des sociétés puisque celui-ci sera exclusivement public. Ce mode de gestion est conçu pour satisfaire aux critères d’une relation de « quasi-régie » (également appelée « in-house » ou prestations intégrées) entre les actionnaires et la société, dès lors que les modalités concrètes de l’organisation de la gouvernance de la société sont conformes à ses critères. L’article L224-2 du code de commerce fixe le montant du capital à 37 000 euros. Il est porté à 150 000 euros pour les SPLA et à 225 000 euros lorsque la SPL a dans son objet la construction d’immeubles à usage d’habitation, de bureaux ou de locaux industriels. 27

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable Dans sa gestion la SPL doit choisir entre deux formules de gouvernance : le choix d’une forme moniste avec un conseil d’administration en application de l’article L225-17 du Code de commerce, ou la forme dualiste avec son directoire et conseil de surveillance22. Contrairement aux établissements publics ou aux régies, la SPL tient une comptabilité privée et dispose de son propre compte bancaire. Dans ce cas, le Trésor public n’intervient pas dans la gestion des encaissements et décaissements de la structure. Cette souplesse en fait son principal avantage qui, couplé avec la conservation d’un actionnariat totalement public, permet de garantir, en principe, l’intérêt général du service public. Cependant, dans l’analyse des ressources recherchées par un festival, il ne faut pas omettre que la SPL reste assimilée à une société anonyme. En ce sens, comme toute société anonyme, le mécénat sera prohibé et les aides limitées selon la règle des minimis. Ces contraintes peuvent remettre en cause l’équilibre financier du modèle économique de certains festivals. Zone de risque : Pour rappel l’article 88, paragraphe 3, du traité instituant la Communauté européenne, énonce l’obligation de notification des aides d’Etat à la Commission européenne. Dans le cas d’un service d’intérêt économique général (SIEG), seules les aides accordées sur une période de trois exercices fiscaux et n’excédant pas un plafond de 500 000 euros seront possibles. (Règlement UE n°360/2012 de la commission du 25 avril 2012) La Société d’Economie Mixte La Société d’Economie Mixte Locale (SEML) également appelée (SEM), est régie par les articles L. 1521-1 du CGCT et se distingue fondamentalement de la précédente forme dans la mesure où celle-ci sera détenue en partie par des personnes privées. 22 Selon l’article L. 225-57 et suivants [9] du Code de commerce 28

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable Ce mode de gestion mixte est moderne et il permet, à la fois de bénéficier de compétences d’actionnaires privés ainsi que celles des acteurs publics. Ce statut est, tout comme la SPL, assimilé à une société anonyme avec un capital majoritairement détenu par des personnes publiques (entre 51 % et 85 %). La part des actionnaires privés quant à eux ne pourra donc pas être inférieure à 15 %23 et supérieure à 49 %. Le montant du capital initial est également pour un projet culturel, de 37 000 euros et son objet social limitativement défini par l’article L. 1521-1. Les SEM sont exclusivement constituées pour la réalisation d’opérations d’aménagement, de construction et plus généralement pour l’exploitation de SPIC locaux ou d’autres activités locales d’intérêt général. Tout comme la SPL, leurs gestions sont identiques avec une comptabilité privée, un compte bancaire propre, des emprunts et une pleine autonomie dans les opérations courantes d’achat et de vente. La collectivité doit également choisir, pour sa gestion, le mode de gouvernance moniste ou dualiste précité (conseil d’administration ou directoire). Les collectivités désireuses d’instituer ce mode de gestion devront toutefois prendre de nombreuses précautions. Elles seront dans l’obligation d’effectuer les procédures de publicité et de mise en concurrence pour l’exploitation de ce service public. Cette obligation de mise en concurrence peut-être un frein dans la sélection d’une SEM. De plus, elle reste soumise aux règles de la commande publique24 pour ses achats comme pour ses investissements. Un récapitulatif synthétique de la SPL et de la SEM est proposé en annexe 4 de ce mémoire. Organes de contrôle spécifiques aux SPL et SEM Pour donner suite à l’adoption de la loi PACTE25 en 2019, des modifications ont été apportées sur les seuils de désignation des commissaires aux comptes dans les 23 Article L1522-2 du CGCT 24 Selon l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 25 Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises 29

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable sociétés privées. Cependant celui-ci reste inchangé en ce qui concerne les SEM et SPL26. L’obligation de nomination sans condition de seuil est donc maintenue. En complément du commissaire aux comptes, les EPL sont contrôlées par la collectivité locale actionnaire dans leur gouvernance, par le Préfet sur les actes engageant cette collectivité ainsi que par la Chambre régionale et territoriale des comptes (CRCT qui émane de la Cour des Comptes). Les CRCT exercent une triple compétence sur les collectivités territoriales et leurs établissements publics : ♪ La première compétence, par délégation de la Cour des comptes, est de porter un jugement sur les comptes comptables et de veiller au bon accomplissement des tâches qui incombent aux comptables publics. ♪ La seconde est un contrôle des comptes et de la gestion afin de vérifier l’équilibre financier des opérations. ♪ La troisième est, sur saisine du préfet, de contrôler les actes budgétaires afin de proposer des solutions à appliquer lorsqu’un budget n’est pas voté dans les délais prescrits par la loi ou, par exemple, lorsqu’un compte administratif est rejeté ou fortement déficitaire. Le dernier rapport de la CRCT en matière de festival (en gestion publique) est celui de la commune de Barcarès en 2019 où il est fait état d’une SEM qui exploite le festival Electrobeach27. Dans cette affaire, le festival était encadré par une manifestation privée qui se déroulait dans une boîte de nuit et un restaurant attenant. Tous deux utilisaient le nom et les signes distinctifs du festival, ce qui a fait bénéficier économiquement ces structures, dont une détenue par le Maire de cette même ville. La Cour des Comptes a invité la commune du Barcarès « à reconsidérer les modalités d’organisation de l’Electrobeach ». 26 Article 30 de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 27 Festival français de musiques électroniques ayant lieu au Barcarès dans les Pyrénées-Orientales qui regroupe environ 55 000 personnes par jour sur 3 jours 30

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable Du fait de l’union structurelle de la sphère privée et de la sphère publique, de par la proximité du politique de l’économie de marché, tout ceci dans un contexte où la probité est proclamée et doit être vérifiée, les EPL sont, selon la Fédération des Elus des EPL, les entreprises les plus contrôlées de France. 3. La coopération d’acteurs multiples grâce à la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) Dernier mode de gestion possible, la SCIC est une société coopérative instituée par la loi du 17 juillet 200128 et précisée par le décret d’application du 21 février 2002. Ce mode de gestion est régi par le code de commerce, quel que soit son objet, en raison de sa forme juridique : une société à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA) ou société par actions simplifiées (SAS). La SCIC qui bénéficie de la personnalité juridique est une personne morale de droit privé à but non lucratif. La loi, introduit le 22 mars 201229 visant la simplification du droit et l'allégement des démarches administratives, a rendu plus souple la constitution d’une SCIC. Avant celle-ci, la constitution de la SCIC devait être agréée par une décision administrative dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat30. Cet agrément renouvelable était valable pour une durée de cinq ans. Depuis 2012, toute procédure d'agrément n'a plus lieu d'être. La SCIC a pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui représentent un caractère d’utilité sociale. L’intérêt collectif se retrouve dans les catégories d’associés qui peuvent souscrire au capital. Ces structures sont des sociétés à capital variable (article 19 quinquies de la loi du 10/09/1947). Cette règle a été instaurée pour les coopératives afin de faciliter la libre entrée/sortie des associés d'une coopérative, liberté inséparable de ce qu'est l'économie sociale (la libre adhésion). 28 Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 29 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 30 Décret n°2002-241 du 21 février 2002, section 1 31

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en évidence des points de vigilance par l’expert-comptable Toute personne physique ou morale peut être associée d’une SCIC avec un minimum obligatoire de trois groupes de sociétaires : ♪ les salariés (ou, en l’absence de salariés, les producteurs du bien ou du service vendu par la SCIC) ; ♪ les bénéficiaires du bien ou du service (clients, fournisseurs, habitants…) ; ♪ et les contributeurs (toute autre personne physique ou morale, ni salarié, ni bénéficiaire comme par exemple une association, une collectivité publique, etc…). Pour ne pas retrouver le même schéma que la SEM et conserver le caractère coopératif du mode de gestion, les collectivités publiques et leurs groupements ne pourront cependant pas détenir ensemble plus de 50 % du capital. Cette diversité du multi sociétariat reste la base de toute SCIC. Le critère d’utilité sociale a été complété par la circulaire du 18 avril 2002 relative aux SCIC : « cette notion d’utilité sociale recouvre à la fois des objectifs d’intérêt général et des modalités spécifiques d’exercice de l’activité ». Il est également précisé que « tout secteur d'action socio-économique, qu'il s'agisse de la santé, de l'éducation, de la culture ou, demain, de la protection de l'environnement, peut donner lieu à des activités sociales ». Il est important de bien identifier la manière dont la SCIC va produire le bien ou le service et non la nature du bien ou du service fourni. En effet, ce mode de gestion ne doit pas être exclusivement tourné vers des objectifs purement lucratifs et commerciaux. La direction de la société est assurée par un ou plusieurs dirigeants qui peuvent être sélectionnés parmi les associés de la structure ou parmi les tiers. Le statut du dirigeant est régi par les règles de droit commun avec une particularité tout de même : il est soumis au régime salarié de la Sécurité Sociale et n’est pas considéré comme travailleur non salarié et ce, même sous une forme de SARL. 32

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 2 : Panorama des modes de gestion disponibles : mise en exergue des points de vigilance par l'expert-comptable Les décisions de gestion sont contrôlées par l’assemblée générale et comme toute coopérative, la SCIC adopte le principe suivant : un associé égale une voix, quel que soit le montant du capital qu’il détient. Toutefois, il est possible de pondérer ce vote par la mise en place d’une option (dans les statuts) de collège de vote. Pour cela, ils devront préciser le nombre de collèges de vote créés (de trois à dix maximum), leur définition (tout type de critère sauf le lien du capital) et déterminer pour chaque collège la pondération appliquée, sans qu’aucun ne puisse détenir moins de 10 % ou plus de 50 % des droits de vote. Parmi les avantages de la SCIC figure sa capacité à intégrer un grand nombre de partenaires qui émanent de différents secteurs et de pouvoir les placer sur un strict pied d’égalité. Elle bénéficie également d’une gestion souple notamment du fait de la variabilité de son capital. La responsabilité des associés est limitée à leur participation dans le capital social ; les subventions, parrainage et mécénat31 seront possibles et le fonctionnement avec des bénévoles est également applicable. Ce mode de gestion est souvent retenu dans le cas de regroupements de plusieurs festivals de musique, afin d’unir leur force. On retrouve par exemple la SCIC Belle Factory qui a regroupé en juillet 2019 trois festivals qui sont le Cognac Blues Passions, le Stéreoparc ainsi que le Free Music. Mais la constitution de la SCIC doit être anticipée, bien en amont de sa mise en œuvre. L’ingénierie nécessaire au montage du mode de gestion et les délais de constitution sont assez lourds à coordonner. 31 Une Scic estimant remplir les conditions requises en application des articles 200-1 et 238 bis-1 du Code général des impôts peut, en se faisant accompagner par l’expert-comptable, entamer une procédure de rescrit fiscal. 33

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Devant ce panorama des modes de gestion disponibles pour les collectivités territoriales, il est nécessaire, pour apporter un conseil sur le choix du mode le plus adapté, de préciser certaines notions juridiques essentielles, d’approfondir les spécificités des établissements publics et celles de la mission de l’expert- comptable. Section 1 : L’éclairage du professionnel jusqu’à la sélection du mode de gestion 1. Un festival est-il un service public ? Bien qu’il n’existe aucune définition légale des services publics, il est possible d’identifier deux critères pour permettre de considérer qu’il s’agit bien d’un service public. Le service public doit être assuré par une personne publique (Etat, collectivités territoriales) et il doit satisfaire un besoin d’intérêt général. Toute activité d’intérêt général est qualifiée d’activité de service public dès lors qu’il existe un lien de rattachement avec une personne publique. Ce lien de rattachement existe, qu’il s’agisse d’une gestion directe ou d’une gestion déléguée. Plusieurs jurisprudences qualifient le festival de musique de service public. C’est le cas notamment de l’arrêt du Conseil d’Etat, 6 avril 2007, n° 284736, Commune d'Aix-en-Provence ou de l’arrêt du Conseil d’Etat, 23 mai 2011, n°342520, Commune de Six Fours les Plages. Il faut retenir de ces différents arrêts que le festival est un service public à condition que la personne publique en exerce le contrôle. Cependant, il peut être considéré soit comme administratif soit comme industriel et commercial. 34

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable 2. Différencier le service public industriel et commercial (SPIC) du service public d’administratif (SPA) Le professionnel de l’expertise comptable doit être en mesure de différencier la nature du service exploité car, en fonction de celle-ci, le conseil à apporter à la collectivité territoriale ne sera pas le même. Assurément une régie qui exploite un service public administratif relève du droit administratif et de la compétence de la juridiction administrative pour les litiges qui naissent de ses activités. A contrario, une régie qui exploite un service public industriel et commercial est soumise aux règles du droit privé et relève de la compétence de la juridiction judiciaire. La distinction peut, dans certains cas, être mitigée car un même établissement peut gérer à la fois des SPA et des SPIC. Il convient à nouveau, de se référer à la jurisprudence32 qui précise que le service public est présumé administratif sauf si les trois critères cumulatifs suivants sont proches d’une entreprise du secteur privé : Objet sur service L’objet du service consiste à la production de biens ou de services. Il conviendra d’apprécier si le service peut être Modalités de exercé ou non par des entreprises privées. Si cela est le cas, fonctionnement l’établissement pourrait être qualifié d’EPIC. L’organisation administrative et financière, déterminée en amont par délibération de l’assemblée délibérante33, sera appréciée par le professionnel afin de déterminer si cette organisation relève plutôt du droit public ou s’approche plutôt d’une gestion assimilée à celle d’une entreprise privée du secteur marchand. 32 Conseil d’Etat du 16 novembre 1956, « Union syndicale des industries aéronautiques », 33 Pour rappel, cela peut être le conseil municipal 35

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Origine des L’origine des ressources sera plus facilement identifiable. ressources En effet, si la majorité des ressources est tirée de l’exploitation du service, alors le service sera qualifié d’industriel et commercial. La question de la qualification du festival de musique a été posée par Mme Marie-Jo Zimmermann à l’assemblée nationale en 201134 qui a confirmé l’application de cette méthode afin de déterminer la nature du service public. A titre informatif et comparatif, il est à noter qu’un festival, en fonction de son histoire, de son territoire, et de sa gestion peut être qualifié dans certains cas de SPA et d’en d’autres cas de SPIC. 3. Distinguer un contrat de délégation de service public d’un marché public de service Dans l’hypothèse où la collectivité territoriale souhaite ne pas s’impliquer fortement dans la gestion d’un festival ou n’est plus capable d’en assumer sa gestion du fait de l’évolution de celui-ci, deux solutions peuvent être envisagées : La première, moins radicale, est la passation d’un marché public de service sur tout ou partie du festival. Un marché public est un contrat administratif conclu à titre onéreux entre un organisme public et un fournisseur pour répondre à un besoin. Pour envisager le recours à un marché public, la collectivité sera dans l’obligation, en fonction de la valeur estimée du marché, de respecter ou non une procédure formalisée qui sera détaillée dans la section 2 suivante page 46. L’avantage pour la collectivité est de conserver la maîtrise du service public grâce au lien contractuel unissant le prestataire avec la collectivité. Cependant, à la différence d’une délégation de service public (DSP), le risque d’exploitation ne sera pas transféré et la collectivité restera responsable des éventuelles pertes. En règle générale ce mode d’externalisation est utilisé pour une durée courte et permet d’obtenir plus de souplesse qu’une DSP. 34 Question écrite de Marie-Jo Zimmermann, JO de l’Assemblée nationale du 8 mai 2012, n° 115109 36

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Une telle solution est envisageable, par exemple, pour la conception artistique d’un festival exploité en régie directe. Ceci permet à la collectivité de ne pas s’engager durablement, de pouvoir changer de prestataire au terme du contrat, tout en conservant une mainmise sur le festival. La seconde possibilité est d’avoir recours à la délégation de service public. Il s’agit d’un contrat administratif selon lequel une collectivité territoriale confie à une personne privée ou publique35 la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité36. Cette DSP est également limitée dans le temps mais, à la différence du marché public de service, il y a le transfert du risque d’exploitation au délégataire. Cela permet à ce même délégataire de se rémunérer de manière substantielle sur les résultats de l’exploitation du service. La notion de délégation de service public recouvre plusieurs catégories de contrats, mais il est possible d’en identifier deux formes principales : ♪ la concession : Ce contrat confie au concessionnaire la prise en charge des frais de mise en place du service délégué (exploitation, financement et construction des infrastructures). En règle générale, la durée du contrat est longue, afin que le concessionnaire puisse amortir ses investissements. ♪ l’affermage : Ce contrat confie au « fermier » uniquement l’exploitation du service délégué. Le financement des équipements reste à la charge de la personne publique. C’est dans cette forme que l’on retrouve le plus souvent les DSP pour l’exploitation d’un festival de musique comme pour le festival Gravity de la commune de Langlade disponible en annexe 5. Cette délégation de service public est soumise à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes. Attention : dans certains cas, comme la délégation d’un service public à une entreprise publique 35 Par exemple à une entreprise publique locale 36 Article L.1411-1 et suivants du CGCT 37

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable locale, la mise en concurrence ne sera pas obligatoire si cet établissement est détenu uniquement par des entités publiques. En résumé, la délégation du service public permet à la collectivité territoriale de bénéficier de l’expérience d’un professionnel compétent et de transférer sa responsabilité en matière de gestion technique, de ressources humaines et financières. Cependant, cette procédure est longue et complexe. Elle nécessite de bien cadrer les besoins financiers au moment de la conclusion de cette DSP. Enfin, le choix du délégataire est fondamental, puisque c’est de lui que dépend la qualité du service rendu et de l’image que la collectivité renvoie. 4. L’accompagnement de la collectivité territoriale dans la sélection d’un mode de gestion pertinent, efficace et robuste Notice vidéo Face à la diversité des modes de gestion disponibles pour les collectivités territoriales, le professionnel de l’expertise comptable sera un appui dans le Outil 1 - Choix du mode de gestion choix d’un mode de gestion pertinent, efficace et robuste. Bien évidemment, il faut être réaliste : le mode de gestion parfait n’existe pas. Chacun de ces outils juridiques apporte ses avantages et ses inconvénients, et l’un des éléments essentiels, à ne pas omettre pour le professionnel, est de rester à l’écoute des besoins de la collectivité pour lui permettre de l’éclairer sur la sélection adéquate. Pour éclairer la prise de position de l’expert-comptable, ce mémoire propose, en complément du panorama précédent, un outil d’accompagnement sous forme d’application Excel disponible en annexe 6. Cet outil, qui se veut être similaire à un arbre de décision, synthétise en six questions les éléments essentiels que le professionnel de l’expertise comptable doit connaître de son client afin d’aboutir à une sélection plus fine des modes de gestion envisageables. 38

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable L’utilisation de cette application, couplée aux problématiques posées par ce mémoire, doit permettre de proposer une mission de conseil à une collectivité territoriale sur le choix du mode de gestion. Néanmoins, cette existence juridique n’est pas une finalité dans le projet du festival. Il ne s’agit que d’un outil d’action économique adapté à une volonté de réaliser un projet commun. Section 2 : Les spécificités des établissements publics 1. La gouvernance, le rôle du trésor public et de la cour des comptes Pour mieux comprendre la gouvernance d’un établissement public, ce mémoire propose en annexe 7 une illustration de son environnement. Le premier niveau, garant des comptes et de la gestion de l’EPIC est assuré par la cour des comptes via la chambre régionale des comptes. L’exploitation du service public est assurée par deux branches distinctes à savoir, d’un côté l’EPIC qui assure la gestion de son établissement, des recettes et des dépenses et de l’autre, le comptable de la trésorerie municipale qui assure les encaissements et décaissements d’argent public. Le comptable du trésor public peut être une seule et même personne ou plusieurs comptables pouvant se répartir cette gestion avec, par exemple, un comptable public pour la gestion des mandats de paiement et un autre comptable public pour la gestion des titres de recettes. Contrairement à un établissement privé, l’EPIC ne peut pas engager de dépenses ni procéder à des encaissements. En effet, la gestion des encaissements et des paiements est réservée à la trésorerie municipale. Le contrôle de chaque opération étant sous la responsabilité du trésorier principal. Cette séparation des tâches entraîne, pour l’établissement public, une procédure propre pour les encaissements et décaissements de trésorerie, celle des mandats pour les dépenses et des titres pour les recettes. Concrètement, un établissement public qui souhaite régler une facture d’achat doit procéder à l’exécution d’un mandat. Ce mandat est réceptionné par le comptable de la trésorerie municipale 39

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable qui effectuera le règlement après vérification des pièces justificatives et de la bonne comptabilisation (conforme à la norme comptable dont dépend la structure). Il en est de même pour les recettes avec l’émission par l’établissement public d’un titre de recettes. L’EPIC et la trésorerie, bien que physiquement séparés, sont complémentaires et doivent chacun accomplir leurs tâches administratives respectives. Zone de risque : L’article L. 1612-14 du C.G.C.T. prévoit que « Lorsque l'arrêté des comptes des collectivités territoriales fait apparaître dans l'exécution du budget, après vérification de la sincérité des inscriptions de recettes et de dépenses, un déficit égal ou supérieur à 10% des recettes de la section de fonctionnement s'il s'agit d'une commune de moins de 20 000 habitants et à 5 % dans les autres cas, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'Etat, propose à la collectivité territoriale les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire, dans le délai d'un mois à compter de cette saisine ». Cet article vise à s’assurer que la réalisation en exécution du budget de la collectivité locale n’a pas été effectuée en déficit. L’expert-comptable devra veiller à respecter cet article. 2. L’instruction budgétaire et comptable applicable aux services publics industriels et commerciaux Similairement au secteur privé, la comptabilité publique repose sur les principes du plan comptable général37. On retrouve également, au sein du secteur public, une gestion comptable en partie double réalisée à l’engagement (en droits constatés). Cette notion d’engagement est très importante et fera l’objet d’un suivi complémentaire dans la mission de l’expert-comptable qui sera détaillé en chapitre trois de la deuxième partie. L’établissement public, comme toute entreprise privée, est dans l’obligation de produire ses comptes annuels. Dans le domaine de la comptabilité publique, deux documents budgétaires, qui remplacent ces comptes annuels doivent être établis 37 Règlement ANC N° 2014-03 40

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable lors de la clôture des comptes. Ces deux documents, émanant de services différents, doivent être parfaitement concordants. Le premier document budgétaire, élaboré par l’ordonnateur (en l’espèce l’établissement public), est le compte administratif. Il doit être établi avant le 31 janvier N+1 et peut être assimilé au compte de résultat. Il est divisé en deux « sous- budgets » relatant d’un côté les opérations de fonctionnement de la structure (produits et charges) et de l’autre les opérations d’investissement. Il est possible de prévoir des budgets annexes à l’activité principale, comme par exemple un budget dédié à des activités spécifiques ou soumis à des régimes fiscaux différents. Ils permettent de pouvoir en isoler la gestion au sein de l’établissement. L’objectif de ce compte administratif est de présenter le résultat comptable de la structure mais ce n’est pas son unique but. Il permet de rapprocher les prévisions budgétaires des dépenses et recettes réalisées mais aussi d’assurer le suivi des autorisations inscrites au budget. En effet, l’établissement public doit, avant même d’engager des dépenses, établir un budget primitif qui sera approuvé en conseil d’administration. On retrouve, à l’intérieur de celui-ci, des chapitres et articles qui sont définis par référence au plan de comptes par nature. Ce budget sera voté au chapitre ou à l’article selon les dispositions arrêtées par le conseil avant le 31 mars de l’année. L’établissement du compte administratif en fin d’année permettra de vérifier que les autorisations accordées par le conseil sont respectées. Enfin, ce compte administratif sera soumis, pour approbation, au conseil d’administration qui doit arrêter définitivement son vote avant le 30 juin de l’année suivant la clôture des comptes, et le transmettre avant le 31 juillet au contrôle de légalité. Cette procédure permet aux représentants de l’Etat, les préfets le plus souvent, de vérifier a posteriori que les actes adoptés par les collectivités territoriales et certains établissements publics sont conformes aux lois et aux règlements en vigueur, mais sans juger de leur opportunité. 41

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Le second document budgétaire, est le compte de gestion élaboré par le trésorier principal, (qui est le comptable référent de l’établissement public au sein de la trésorerie municipale). Ce document s’apparente au bilan des comptes annuels et il doit être établi avant le 1er juin de l’année suivant la clôture de l’exercice. Il comporte une balance générale et le bilan comptable des comptes de créances et dettes. Tout comme le compte administratif, le compte de gestion est soumis au vote du conseil d’administration et permet de constater la stricte correspondance des deux documents. Cette réciprocité est primordiale et elle sera vérifiée une seconde fois par le juge des comptes. En cas d’erreur ou d’anomalie significative, la responsabilité personnelle et pécuniaire du trésorier peut être engagée. La production de ces deux documents doit être établie selon une instruction budgétaire qui diffère en comptabilité publique selon le type de collectivités (par exemple l’instruction M14 pour les communes ou l’instruction M52 pour les départements) ou selon la nature de l’activité exercée. Dans le cas d’un service public administratif, l’instruction budgétaire est la M57 alors que pour l’exploitation d’un service public industriel et commercial dans un établissement public, il faut se référer à l’instruction M4. Ces différents types de comptabilités sont régulièrement mis à jour par décret et peuvent être consultés sur le site Légifrance38. 3. Les régisseurs, fonction stratégique à risque en cas de manquement Comme indiqué supra, il existe, par principe, une séparation entre le comptable assignataire (Direction générale des finances publiques) et l’ordonnateur (établissement public). En effet, seuls les trésoriers sont habilités à régler les dépenses et recettes de l’établissement public dont ils ont la charge. Néanmoins, il existe une exception à ce principe avec les régies d’avances et de recettes qui 38 www.legifrance.gouv.fr 42

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable permettent, à des régisseurs, d’exécuter des opérations de règlement (régie d’avance) et d’encaissement (régie de recette) pour le compte de l’établissement public. Le professionnel de l’expertise comptable doit également considérer ces régies comme des entreprises à part entière. Cette spécificité est destinée à apporter de la souplesse dans la gestion quotidienne de la structure. La nomination du régisseur est, conformément à l’article R.2221-14 du CGCT, et par délégation du conseil d’administration et sur avis conforme du trésorier, exécutée par le directeur de l’EPIC suivant un acte de nomination (disponible en annexe 8). Le régisseur est une personne physique, agent public ou privé. Cette fonction ne pourra être assurée ni par un agent ayant la qualité d’ordonnateur (directeur de la régie) ni par la personne qui comptabilisera les écritures comptables relatives à ses propres reconstitutions de régie. Cette nomination sera accompagnée de celle d’un suppléant39 ; La responsabilité du régisseur sur les opérations d’encaissement et de paiement est triple. ♪ celle-ci peut être administrative, lorsque le régisseur est un agent public. Il sera responsable de ses actes conformément aux dispositions des lois et règlements qui fixent son statut. Cette responsabilité peut être engagée en cas de négligence commise dans l’encaissement de recettes mais elle ne pourra pas être prononcée contre lui si les règlements, instructions ou ordres auxquels il a refusé ou négligé d’obéir étaient de nature à engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire. ♪ la responsabilité du régisseur peut aussi être pénale et faire l’objet de poursuites judiciaires en cas d’infraction à la loi pénale. Par exemple, le détournement et le maniement de fonds publics à des fins personnelles peuvent faire l’objet de poursuites judiciaires en application des 39 il peut également être prévue la nomination d’un mandataire qui ne sera cependant pas responsable personnellement et pécuniairement des opérations qu’il exécute 43

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable dispositions du code pénal. L’EPIC qui constate une telle infraction doit immédiatement déposer plainte au Procureur de la République. ♪ enfin, et selon l’article 1 du décret n°2008-227 du 5 mars 2008, les régisseurs sont personnellement et pécuniairement responsables de la surveillance et de la conservation des fonds et valeurs qu’ils recueillent ou qui leur sont avancés par les comptables publics. L’article 4 du même décret précise que cette responsabilité peut se voir engagée « dès lors qu’un déficit en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu’une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du régisseur, une recette n’a pas été encaissée ou une indemnité a dû être versée par l’organisme public à un tiers ou à un autre organisme public ». La mise en cause de la responsabilité personnelle peut être exonérée en cas de force majeure par exemple un vol avec effraction ou encore un incendie. La survenance des faits doit être un événement imprévisible, irrésistible et extérieur. Si tel n’est pas le cas, en cas de déficit, le régisseur sera invité dans un premier temps à combler ce montant sur ses deniers personnels. En cas de refus, un arrêté de débet40 sera émis par la Cour des comptes (et les chambres régionales et territoriales des comptes) à l’encontre du régisseur. Le schéma de cette procédure est indiqué en annexe 9. Face à l’importance de ces responsabilités, le régisseur sera, au sein de l’établissement public un poste stratégique. L’acte de nomination de celui-ci prévoit, afin d’assurer la continuité du service public, un suppléant en cas de défaut du régisseur titulaire (maladie, congé, autre empêchement exceptionnel) pour une durée ne pouvant excéder deux mois41. 40 La Cour des comptes et les chambres régionales et chambres territoriales des comptes peuvent engager la responsabilité des comptables par des arrêts de débet, pour la première, ou des jugements de débet, pour les secondes. Le débet est la somme dont un comptable public ou un particulier est déclaré débiteur envers le Trésor. 41 Article R.1617-5-2-II du CGCT 44

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Le suppléant demeure personnellement et pécuniairement responsable des opérations de l’établissement public durant la période de remplacement42. Pour déterminer le montant du cautionnement imposé au régisseur, il convient de tenir compte : ♪ pour les régisseurs de recettes, du montant moyen des recettes encaissées mensuellement et du montant du fond de caisse éventuel, sans tenir compte des recettes encaissées pour le compte de tiers privés ; ♪ pour les régisseurs d'avances, du montant maximum de l'avance pouvant être consentie ; ♪ pour les régisseurs d'avances et de recettes, le calcul est identique aux précédentes. En fonction de la taille de la structure, il sera nécessaire de procéder à la nomination d’un nombre de régies suffisant pour ne pas ralentir les flux de trésorerie de l’établissement public. Bonne pratique : Lors de la première édition, il sera nécessaire d’évaluer, pour le régisseur de recettes, un montant moyen encaissé par festivalier. Au vu du faible coup de cautionnement et d’assurance, Il est conseillé de prévoir une marge confortable sur le montant encaissé pour ne pas atteindre le plafond d’encaissement le jour du festival. Si cela arrive, les encaissements ne seront pas pour autant bloqués mais, en cas de problème, le régisseur sera responsable. Dans tous les cas, il sera impératif d’avoir l’accord de la trésorerie sur ce montant encaissé. Quelle que soit la forme de la régie (régie de recettes, d’avances ou de recettes et d’avances), les régisseurs doivent, en application de l’article R.1617-16 du CGCT, tenir une comptabilité. Cette comptabilité doit permettre de justifier à tout moment le solde de la caisse et des valeurs, pour les régies de recettes. Le plus souvent il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. 42 L’acte de nomination fixe également les taux de l’indemnité des responsabilités dans la limite des taux fixés par l’arrêté du 3 septembre 2001. 45

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Les régisseurs sont bien évidemment soumis à des contrôles qui peuvent émaner de deux organes différents : l’ordonnateur (qui peut être le directeur de la régie) et le comptable assignataire. L’ordonnateur doit s’assurer que l’ensemble des documents relatifs au fonctionnement de la régie et à la gestion du régisseur sont en règles. Il effectue également des contrôles sur pièces afin de veiller à ce que le régisseur respecte les modalités de fonctionnement. Le comptable assignataire est également présent pour effectuer ces vérifications sur pièces mais également sur place. L’expert-comptable devra s’assurer du dispositif de contrôle interne présent dans l’établissement public43. En cas d’activités multiples de l’EPIC et donc d’encaissements conséquents sur la période du festival, il sera nécessaire d’établir un avenant temporaire à l’acte constitutif des différentes régies de recettes et d’avance rattachées au festival sur la durée de l’événement afin de permettre aux régisseurs d’encaisser ou de décaisser un montant plus important que sur le reste de l’année civile. Pour faciliter la rédaction, un exemple d’avenant est proposé en annexe 10. 4. L’application au festival des procédures de passation des marchés publics Pour répondre à ses besoins, l’organisation du festival va nécessairement avoir recours à de la sous-traitance et l’établissement public devra faire appel à des fournisseurs de biens et de services. Ces dépenses seront, en fonction de leur objet et de la valeur estimée du marché, soumises à la rédaction d’un marché public qui devra suivre des mesures de publicité. Le choix du prestataire devra être motivé selon un cahier des charges préétabli. La rédaction du marché devra être réalisée de façon précise car le prix ne peut être le seul critère dans le cadre d’un festival. En effet le tarif d’une prestation ne fait pas tout dans le secteur artistique. 43 Il n’est pas rare de constater des dysfonctionnements, voire des fraudes, pouvant entraîner la paralysie de la structure. 46

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Dans le but d’assouplir les procédures applicables du code de la commande publique, le décret n°2019-1344 du 12 décembre 2019 a relevé ce seuil en le passant de 25 000 euros à 40 000 euros. Concrètement, pour tous les marchés d’une valeur inférieure à 40 000 euros, l’établissement public a pour seule obligation de choisir une offre pertinente et cohérente, et de motiver le choix du ou des fournisseurs lorsqu’il existe plusieurs offres disponibles. Dans les faits, il ne sera pas toujours assuré de respecter ces critères dans le domaine festivalier, car la confiance apportée à ce même fournisseur ainsi que la récurrence annuelle d’un festival font que l’établissement public peut, dans sa zone de confort, être tenté de conserver ces partenaires sur les éditions futures. Il sera tout de même nécessaire de faire jouer la concurrence afin de s’assurer que les propositions des concurrents restent semblables. La violation des principes de la commande publique conduit d’une part à l’annulation de la procédure mais peut aussi entraîner une condamnation pénale. A partir du 1er janvier 2020, les marchés ayant une valeur d’au moins 40 000 euros doivent respecter une procédure de publicité. Cette publicité obligatoire peut être réalisée selon trois moyens à savoir une publication au BOAMP44, une parution dans un JAL45 ou une parution dans un JOUE46. Les seuils applicables sont les suivants : Figure 1 - Seuils de procédures et de publicités à partir de 2020 Lorsqu’un achat se situe dans la fourchette de la procédure libre ou adaptée, l’établissement public doit recourir à une procédure dite « MAPA » pour Marché 44 Bulletin officiel des annonces de marchés publics 45 Journal d’annonces légales 46 Journal officiel de l’Union européenne 47

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable à procédure adaptée47. Dans ce cas, il détermine librement les conditions de la procédure tout en respectant les principes de la commande publique : ♪ égalité de traitement ; ♪ liberté d’accès ; ♪ transparence des procédures. Pour rappel, depuis le 1er octobre 2018, la procédure MAPA, tout comme la procédure formalisée, doit être dématérialisée. Cela oblige tous les acheteurs publics à être équipés d’un « profil acheteur » et à publier sur cette plateforme les documents relatifs aux marchés publics (excepté pour la défense ou sécurité). Plusieurs sites internet sont disponibles pour créer ce profil acheteur mais le site sélectionné devra obligatoirement être certifié par le code de la commande publique48. Dans le choix de ce site, l’expert-comptable peut conseiller à l’établissement public de se rapprocher de sa collectivité territoriale. Dans le secteur du festival, cette obligation de procédure dématérialisée peut être limitée dans la sélection des prestataires. En effet, bon nombre de petites entreprises et entrepreneurs n’ont pas les moyens techniques de pouvoir répondre de façon dématérialisée. Bonne pratique : L’établissement public qui souhaite acheter une prestation artistique ne sera pas soumis à l’obligation du code de la commande publique. En effet, Il existe des exceptions où l’acheteur public peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables. C’est le cas notamment de l’article R2122-3 du code de la commande publique qui précise que lorsqu’un marché a pour objet la création ou l’acquisition d’une œuvre d’art ou d’une performance artiste unique, l’acheteur peut passer le marché sans publicité ni mise en concurrence. 47 Article L.2123-1 du Code de la commande publique 48 C’est le cas par exemple du site www.e-marchespublics.com 48

Première partie : Permettre à la collectivité territoriale de devenir acteur de son festival Chapitre 3 : Cadre juridique et notions spécifiques essentielles pour la collectivité territoriale et l’expert-comptable Section 3 : Les spécificités de la mission de l’expert-comptable au sein d’un établissement public 1. Analyse des compétences et aptitudes à réaliser la mission Le professionnel de l’expertise comptable désireux de se rapprocher du secteur culturel public devra, avant d’accepter une nouvelle mission, apprécier la possibilité de pouvoir l’effectuer conformément aux dispositions légales ou réglementaires applicables selon les règles professionnelles (décret n°2012-432 du 30 mars 2012, art.150). Selon les deux normes « chapeaux » que sont les normes anti-blanchiment et la NPMQ49 applicable à compter du 1er janvier 2012, il sera nécessaire que la structure d’exercice professionnel50 de l’expert-comptable puisse définir des politiques et concevoir des procédures pour l’acceptation et le maintien des relations clients. Pour les missions particulières, comme celle de l’accompagnement d’un établissement public local dans la création d’un festival de musiques actuelles, la structure d’exercice professionnel doit fournir l’assurance raisonnable qu’elle n’acceptera, ou ne maintiendra pas, la mission de relations clients que si les conditions suivantes sont respectées : ♪ elle détient la compétence et les aptitudes pour réaliser la mission, y compris le temps et les ressources nécessaires ; ♪ elle peut se conformer aux règles de déontologie pertinentes ; ♪ elle recueillera les informations permettant de s’assurer de l’intégrité du client. 49 Norme Professionnelle de Maîtrise de la Qualité agréée par arrêté ministériel du 20 juin 2011 50 Entité correspondant à un expert-comptable exerçant à titre individuel, une société d’expertise comptable, une association de gestion et de comptabilité ou une autre entité formée d’experts- comptables. 49


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